PRB 00-12F

 

FACILITER LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE PAR L'ÉLABORATION DE LOIS ECONNAISSANT LES DOCUMENTS ET LES TRANSACTIONS ÉLECTRONIQUES

Rédaction :

Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 20 novembre 2000


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LOI TYPE DE LA CNUDCI SUR LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

LES ÉTATS-UNIS

   A. Initiatives d’État

   B. Initiatives fédérales

L’AUSTRALIE

L’UNION EUROPÉENNE

LE CANADA

   A. Loi uniforme sur le commerce électronique

   B. Initiatives fédérales

   C. Initiatives provinciales

CONCLUSION


FACILITER LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE
PAR L'ÉLABORATION DE LOIS RECONNAISSANT
LES DOCUMENTS ET LES TRANSACTIONS ÉLECTRONIQUES

INTRODUCTION

Le commerce électronique a des effets dramatiques sur la façon dont se font les affaires.  De plus en plus, les communications d’affaires voyagent par ordinateur et par les lignes téléphoniques et de câblodistribution au fil du passage des entreprises aux échanges en direct et de l’adaptation de leurs activités à l’environnement électronique.  Dans ce nouveau monde des affaires où les transactions électroniques deviennent la norme, le recours au papier pour servir de documentation aux transactions commerciales perd de l’importance.  De fait, l’un des avantages des affaires par information numérisée est qu’elles enlèvent à la transmission et à l’emmagasinage de documents sur papier leur caractère de nécessité.

Alors même que les sociétés s’adaptent à l’environnement électronique, les règles juridiques continuent de stipuler que certaines transactions doivent se faire par écrit et que certains documents doivent être produits sur papier.  Nombre d’intéressés considèrent de telles exigences juridiques comme un obstacle aux transactions électroniques.  Il n’y a selon eux, à quelques exceptions près, que peu d’avantages, s’il en est, à exiger que les transactions électroniques soient couchées sur papier et portent une signature manuelle.  À vrai dire, il est désormais largement reconnu que les exigences légales de documentation écrite et de signature manuelle doivent, d’une façon ou d’une autre, s’adapter au monde des communications électroniques.  Cette opinion a servi de moteur aux efforts des organismes internationaux et des divers pays vers l’élaboration de règles conférant aux transactions électroniques le même degré de reconnaissance juridique qu’aux documents de papier qui servent les mêmes buts.

Le présent dossier repasse les initiatives de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), des États-Unis, de l’Australie, de l’Union européenne et du Canada envers l’élaboration de mesures législatives régissant le recours aux formes électroniques en remplacement des communications sur papier.

LOI TYPE DE LA CNUDCI SUR LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

En 1996, dans le cadre de son mandat de promotion de l’harmonisation et de l’unification du droit du commerce international, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a adopté la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique.

La Loi type de la CNUDCI a été élaborée en réaction à l’évolution rapide des modes de communication utilisés dans le cours des affaires et du commerce international.  Comme l’utilisation du courrier électronique et de l’échange de données informatisé augmente et gagne en prépondérance, l’existence d’obstacles juridiques aux communications électroniques et l’incertitude relative à leur validité et à leurs conséquences juridiques sont devenues manifestes.

La décision de la CNUDCI de formuler une Loi type sur le commerce électronique constitue également une réponse au fait qu’une bonne part des dispositions législatives existantes sur la communication et l’emmagasinage d’information ne tient pas compte du commerce électronique.  Dans un certain nombre de cas, ces dispositions imposent ou supposent des restrictions à l’usage des moyens modernes de communication, par exemple en prescrivant l’usage de documents « écrits », « signés » ou « originaux »(1).

La Loi type vise à fournir aux assemblées législatives nationales un ensemble de règles reconnues sur le plan international afin d’annuler les obstacles juridiques et de créer un environnement juridique plus solide pour le commerce électronique.  Elle cherche à donner un traitement équivalent aux utilisateurs de documents sur papier et aux utilisateurs de documentation informatisée.  En tant que loi « cadre », toutefois, elle n’établit pas toutes les règles et ne couvre pas tous les aspects du recours au commerce électronique.

La Loi type observe une « approche fondée sur l’équivalent fonctionnel » dans son traitement du commerce électronique.  Cette approche repose sur l’analyse des buts et des fonctions des exigences de documentation sur papier et sur la détermination de la façon dont ces buts et fonctions peuvent être atteints ou accomplis par les techniques du commerce électronique.  Les documents de papier, par exemple, servent certaines des fonctions suivantes :

  • ils constituent un document lisible;

  • ils garantissent que le document demeure inchangé;

  • ils permettent l’authentification des données grâce à la signature;

  • ils font que le document est d’une forme acceptable aux tribunaux et aux pouvoirs publics(2).

Le Guide de la Loi type indique que « … pour toutes les fonctions du papier susmentionnées, les enregistrements électroniques peuvent garantir le même niveau de sécurité avec, dans la plupart des cas, une plus grande fiabilité et rapidité, notamment en ce qui concerne l’identification de la source et le contenu des données, à condition qu’un certain nombre d’exigences techniques et juridiques soient respectées »(3).

L’article 5 énonce le principe fondamental de la Loi type : les communications électroniques ne devraient pas faire l’objet de discrimination ni de déni de conséquence juridique du seul fait qu’elles sont sous forme électronique.  L’article 6 établit la norme standard à laquelle doit satisfaire un document électronique quand il existe une exigence légale relative à la documentation écrite : il stipule que l’exigence légale de présentation écrite de l’information est satisfaite par la fourniture d’un document électronique si l’information contenue au document est « accessible pour être consultée ultérieurement ».

L’article 7 de la Loi type admet que dans un environnement où règne la documentation sur papier, le rôle de la signature consiste à indiquer l’approbation du contenu du document et à vérifier l’authenticité de ce document.  L’article 7 prévoit que l’exigence de signature d’une personne est satisfaite dans le cas d’un document électronique si l’on a recours à un mode fiable pour identifier la personne et pour indiquer son approbation de l’information contenue au document.

Une autre fonction importante du document de papier consiste à satisfaire à l’exigence légale voulant que l’on use de documents originaux.   L’article 8 de la Loi type vise à supprimer les obstacles que l’exigence de document original peut poser à la documentation électronique.  Il prévoit que, là où la loi requiert que l’information soit présentée ou retenue dans sa forme originale, cette exigence est satisfaite par un document électronique :

  • s’il existe une assurance fiable quant à l’intégrité de l’information à compter du moment où elle a été générée, à l’origine, dans sa forme finale de document électronique;

  • si l’information peut être affichée pour présentation à la personne à laquelle elle est destinée.

L’article 9 de la Loi type traite de l’admissibilité des documents électroniques dans les procédures judiciaires.

L’article 10 porte sur l’exigence légale de conservation de certains documents pendant un certain temps ou dans un but précis par l’établissement des conditions qui doivent s’appliquer pour que les documents électroniques y satisfassent.  Ces conditions comprennent :

  • la capacité d’accéder à l’information contenue au document électronique afin qu’elle puisse être consultée ultérieurement;

  • la rétention du document dans le format dans lequel il a été généré, expédié ou reçu;

  • la rétention de l’information afin de permettre l’identification de l’origine et de la destination du document ainsi que du moment auquel il a été expédié ou reçu.

Un autre des buts importants de la Loi type est d’introduire une mesure de certitude dans les contrats conclus par voie électronique.  La Loi type traite du montage des contrats, de la forme sous laquelle une offre et une acceptation peuvent s’exprimer, du moment et de l’endroit de l’envoi et de la réception des documents électroniques.  Elle ne modifie pas, toutefois, les dispositions législatives régissant le montage des contrats.

Au moment de la formulation de la Loi type, la CNUDCI croyait que les communications électroniques serviraient vraisemblablement aux contrats de transport de marchandises.  Les articles 16 et 17, par conséquent, portent sur les documents propres à ce domaine.

Depuis sa création, la Loi type de la CNUDCI a gagné de plus en plus d’acceptation sur le plan international en tant que modèle sur lequel reposent de nombreuses lois nationales.  Elle a servi de fondement à bon nombre de lois sur le commerce électronique dans plusieurs pays,  y compris les États-Unis, l’Australie, l’Union européenne et le Canada.

LES ÉTATS-UNIS

   A. Initiatives d’État

En 1999, la National Conference of Commissioners on Uniform State Laws (NCCUSL) promulguait la Uniform Electronic Transactions Act (UETA), qui représente le premier effort national de création de règles uniformes visant à régir les transactions commerciales électroniques(4).

L’UETA ne s’applique qu’aux transactions que les parties ont convenu de mener par voie électronique.  Elle ne crée pas de nouveau système de règles juridiques pour le marché électronique, mais garantit plutôt que les transactions électroniques sont équivalentes aux transactions sur papier et sont tout aussi exécutoires en droit.

Selon les règles de base énoncées à l’article 7 de l’UETA :

  • on ne peut nier la conséquence juridique ni la force exécutoire d’un enregistrement ou d’une signature pour le seul motif de son caractère électronique;

  • on ne peut nier la conséquence juridique ni la force exécutoire d’un contrat pour le seul motif qu’un document électronique a été utilisé dans sa composition;

  • toute loi exigeant une documentation écrite est satisfaite par un enregistrement électronique;

  • toute exigence juridique de signature est satisfaite par l’existence d’une signature électronique.

La plupart des autres règles de l’UETA découlent de ces règles fondamentales et répondent à des questions juridiques sur l’usage des documents et signatures électroniques.  L’article 15, par exemple, détermine le moment où l’information est légalement envoyée ou livrée par voie électronique.  Il établit le moment où la livraison a lieu, c’est-à-dire quand un enregistrement électronique que le récipiendaire est en mesure de conserver est légalement expédié et reçu.

L’UETA définit et valide les signatures électroniques.  Une signature électronique est définie comme « un son, un symbole ou un processus électronique lié à un enregistrement électronique ou logiquement associé à celui-ci et exécuté ou adopté par une personne dans l’intention de le signer ».  Elle supprime les exigences de signature et de nature écrite qui créent des obstacles aux transactions électroniques.  L’UETA fait en sorte que la force exécutoire des contrats et transactions ne soit pas niée du fait du recours à l’électronique.

Une autre règle soutenant la validité des documents et signatures électroniques dans le cadre des transactions est établie à l’article 9 de l’UETA, qui prévoit qu’une signature est attribuable à une personne s’il s’agit d’un acte de cette personne et que cet acte peut être démontré d’une manière ou d’une autre.  L’article 10 établit des règles relatives aux erreurs et aux modifications des documents électroniques.

L’UETA valide les contrats formés par des agents électroniques, c’est-à-dire des programmes informatiques qui mènent automatiquement des affaires sous forme électronique.  Elle protège également contre les erreurs en fournissant des normes appropriées d’usage de la technologie en vue d’assurer l’identification des parties en cause.

L’UETA autorise les entités gouvernementales d’État à créer, à communiquer, à recevoir et à emmagasiner les enregistrements par voie électronique et les encourage à passer à l’usage des médias électroniques.  Elle assure également l’acceptation, par les tribunaux, des preuves électroniques.

La grande majorité des États américains ont adopté une version ou une autre de l’UETA(5).

   B. Initiatives fédérales

La Electronic Signatures in Global and National Commerce Act(6) fédérale américaine est entrée en vigueur le 1er octobre 2000.  Elle confère aux documents et signatures électroniques un statut équivalent à celui des signatures manuelles et des documents sur papier.  Elle demeure neutre au chapitre de la technologie, aussi les parties prenantes aux contrats électroniques peuvent-elles choisir le système qu’elles veulent utiliser pour valider leurs ententes en direct.

La Loi précise que personne n’est tenu d’utiliser ni d’accepter des documents ou des signatures électroniques.  Si un avis doit être donné par écrit à un consommateur, sa version électronique ne satisfait à cette exigence que si le consommateur accepte cette version et peut accéder à l’information sous forme électronique.

Selon la Loi, le droit des États peut l’emporter sur le droit fédéral, mais seulement par l’adoption de la Uniform Electronic Transactions Act ou par la promulgation d’une loi conforme à la loi fédérale et essentiellement neutre au chapitre de la technologie.  De plus, la Loi n’est pas applicable à des documents comme :

  • les testaments, codicilles et fiducies testamentaires;

  • les adoptions, divorces ou autres points de droit de la famille;

  • l’annulation ou la résiliation des prestations d’assurance santé ou d’assurance vie;

  • le rappel ou l’avis de défaut important d’un produit.

Bien que de nombreux États aient adopté des lois sur les signatures électroniques, le Congrès américain demeure d’opinion qu’une loi fédérale est nécessaire en raison du manque d’uniformité des lois des États sur la signature électronique et le commerce électronique.  Certains États, par exemple, considèrent comme valide n’importe quel type de signature électronique.  D’autres exigent une forme quelconque de sécurité, comme l’établissement d’un lien entre la signature électronique et le signataire ou la capacité de déterminer que le message électronique n’a subi aucune modification.  D’autres encore ne reconnaissent que les signatures numérisées.   Par surcroît, les lois d’État ont désigné des utilisations différentes des signatures électroniques.  Certaines lois ne permettent le recours aux signatures électroniques que relativement aux transactions avec les organismes gouvernementaux, tandis que d’autres n’en permettent l’usage que pour certains types de transactions commerciales.

L’AUSTRALIE

Le Parlement australien a adopté en 1999  la Electronic Transactions Act 1999 (ETA)(7), qui vise à faciliter le développement du commerce électronique en Australie par l’enlèvement des obstacles juridiques existants, en vertu du droit national, à l’utilisation des communications électroniques.

L’ETA repose sur les recommandations du Groupe d’experts australiens sur le commerce électronique, qui a conseillé que le pays promulgue des lois fondées sur la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique(8).

L’ETA repose sur deux principes :

  • l’équivalence fonctionnelle (parfois appelée neutralité relative aux médias), qui assure que les transactions sur papier et les transactions électroniques reçoivent un traitement égal en droit;

  • la neutralité technologique, qui assure que la loi ne fait pas de distinction entre les différentes formes de technologie.

L’exigence fondamentale établie par la Loi pour toute communication électronique est qu’elle doit être facile d’accès de façon à pouvoir servir de référence ultérieure.  Cette disposition garantit que d’autres personnes seront en mesure d’accéder à l’information et de l’utiliser en communication électronique.  De plus, une personne devrait être en mesure de conserver l’information sous une forme quelconque si elle le désire.

L’une des exigences de base de la Loi veut qu’une personne doive consentir à recevoir des communications électroniques.  Le consentement, cependant, peut être soit explicite, soit présumé sur la base de la conduite de cette personne.

L’ETA établit des règles générales qui permettent la satisfaction de certaines exigences juridiques par les communications électroniques.  En plus de ces règles générales, elle couvre des points particuliers comme les signatures électroniques.  Pour être conformes à la Loi, les signatures électroniques doivent identifier la personne et indiquer son approbation de l’information transmise.  L’ETA admet la production d’un document électronique là où le droit exige la production d’un document sur papier.

D’autres dispositions traitent de l’enregistrement électronique de l’information, de la conservation électronique des documents et de celle des communications électroniques.  La Loi énonce également des règles relatives au moment et au lieu d’envoi et de réception des communications électroniques.

Le processus de mise en œuvre de l’ETA compte deux étapes.  Depuis le 15 mars 2000, l’ETA s’applique à certaines lois.  La deuxième étape, c’est-à-dire son application à toutes les lois nationales à moins d’exclusion expresse, entrera en vigueur d’ici le 1er juillet 2001.

Au fil de l’évolution du dossier au niveau national, les administrations nationale, d’État et territoriales ont élaboré le Uniform Electronic Transactions Bill 2000 en vue d’une mise en œuvre par les administrations territoriales et d’État.  Le projet de loi suit de près  la Electronic Transactions Act 1999 et sera applicable au droit en matière de contrats.

L’UNION EUROPÉENNE

Le 4 mai 2000, le Parlement européen approuvait la Directive sur le commerce électronique.  Les États membres sont tenus de donner à la Directive, dans les 18 mois à venir, la forme de lois nationales par la modification des lois qui peuvent empêcher le recours aux contrats électroniques.  La Directive prévoit que dans certaines circonstances, les États membres sont en mesure de conserver des restrictions sur l’usage des contrats électroniques.  Elle oblige également les États membres à imposer des exigences relatives à la conclusion de transactions de commerce électronique afin d’aider les consommateurs à éviter les erreurs techniques(9).

LE CANADA

   A. Loi uniforme sur le commerce électronique

La Conférence sur l’uniformisation des lois du Canada a adopté en juin 1999 la Loi uniforme sur le commerce électronique (LUCE), une Loi type visant à mettre en œuvre les principes de la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique(10).  La LUCE, dont la rédaction a demandé deux ans, a été proposée comme modèle sur lequel les administrations provinciales et territoriales peuvent prendre appui pour élaborer une approche harmonisée du commerce électronique.

La LUCE se divise en trois :

  • La Partie 1 (articles 5 à 18) énonce les règles d’équivalence fonctionnelle entre les documents sur papier et les documents électroniques et précise qu’elles s’appliquent quand les parties prenantes à une transaction ont accepté, expressément ou implicitement, d’utiliser des documents électroniques.  Cette partie permet aussi aux administrations d’établir leurs propres règles d’acceptation des documents électroniques parce qu’une approbation globale de toutes les communications électroniques peut exposer les gouvernements à des formats et à des médias dont ils ne peuvent se servir et qui ne peuvent fonctionner dans le cadre de leurs desseins particuliers(11).

  • La Partie 2 (articles 19 à 23) établit des règles sur des types particuliers de communications, tels que la composition et l’utilisation des contrats, l’effet du recours aux transactions automatiques, la correction des erreurs dans le cas des transactions informatiques et les lieux et moments présumés ou réputés d’envoi et de réception des messages informatisés(12).

  • La Partie 3 (articles 24 et 25) porte sur le transport des marchandises.

Dans la Partie 1, le principe directeur de la LUCE est énoncé à l’article 5, qui prévoit que l’on ne peut nier la conséquence juridique ni la force exécutoire de l’information pour le seul motif de sa forme électronique.  L’article 6 précise qu’une personne n’est pas tenue de recourir aux documents électroniques mais que son consentement à le faire peut être déduit de son comportement.  Le fait, par exemple, de donner à un tiers son adresse électronique peut être considéré comme un consentement à recevoir des communications par courrier électronique.   L’information expédiée au gouvernement, toutefois, est assujettie à des dispositions spéciales.

En vertu de la LUCE, l’exigence juridique relative à la forme écrite de l’information est satisfaite par la forme électronique de cette information si elle est accessible pour consultation future(13).  L’exigence juridique de voir une personne fournir à une autre personne une information écrite est satisfaite par la fourniture de cette information dans un document électronique si celui-ci est accessible par l’autre personne et peut être conservé par elle afin de servir de référence future(14).  Les rédacteurs de la LUCE estiment que lorsque la loi exige de quelqu’un qu’il fournisse par écrit de l’information à quelqu’un d’autre, la seule accessibilité ne suffit pas.  Le récipiendaire doit recevoir le document d’une façon qui lui donne le contrôle de ce qu’il en advient.  Cet article, par conséquent, exige de l’information qu’elle soit accessible pour usage ultérieur et qu’elle puisse être conservée par la personne à laquelle elle est fournie(15).

La LUCE traite des exigences juridiques de fourniture de l’information dans une forme non électronique précise en permettant que cette information soit fournie par voie électronique si elle se trouve dans la même forme, ou dans une forme substantiellement semblable, et si le document électronique est accessible par l’autre personne et peut être conservé par elle afin de pouvoir servir de référence future(16).

La LUCE permet les signatures électroniques.  Elle exige que l’information qui prétend constituer une signature soit créée et adoptée par une personne dans l’intention de signer le document et qu’elle soit associée, d’une quelconque façon, avec le document(17).  Les signatures soumises aux gouvernements, toutefois, doivent satisfaire aux règles et normes de technologie de l’information établies par les administrations concernées.

En vertu de l’article 11 de la LUCE, un document électronique peut servir d’original s’il existe des assurances suffisantes quant à l’intégrité de l’information qu’il contient.

La Partie 2 de la LUCE couvre la composition des contrats par des moyens électroniques.  La Loi ne modifie pas le droit général en matière de contrats, mais elle vise à faire en sorte que les communications électroniques puissent exprimer les types d’intentions nécessaires à la prise en charge des liens contractuels.  L’article 21 prévoit qu’un contrat peut résulter de l’interaction d’un ordinateur et d’une personne ou de l’interaction de deux ordinateurs.  L’article 22 porte sur les erreurs auxquelles de telles situations peuvent donner lieu.  La LUCE stipule qu’un contrat électronique conclu par une personne avec un agent électronique (un ordinateur) est sans « conséquence juridique ni force exécutoire » si la personne a commis une erreur importante dans le document et si :

(a)  l’agent électronique n’a pas fourni à la personne physique la possibilité d’éviter ou de corriger l’erreur;

(b)  la personne physique a avisé l’autre personne de l’erreur dès qu’elle l’a pu après s’en être rendu compte et a indiqué qu’elle avait commis une erreur dans le document électronique;

(c)  la personne physique a pris des mesures raisonnables, à l’inclusion de démarches conformes aux instructions de l’autre personne, pour retourner les considérations reçues, s’il en est, en conséquence de l’erreur ou, advenant de telles instructions, pour les détruire;

(d)  la personne physique n’a ni utilisé ni obtenu d’avantage ou de valeur substantiels de la considération, s’il en est, reçue de l’autre personne.

La LUCE établit également des règles relatives au moment et au lieu d’envoi et de réception des documents électroniques.  L’article 23 prévoit qu’un message est expédié quand il quitte le contrôle de l’expéditeur et crée une présomption relative au moment de sa réception.  Si le récipiendaire désigne un système d’information ou utilise un système particulier d’information pour la réception des documents, le document est présumé avoir été reçu quand il entre dans le système d’information.  Si le récipiendaire ne désigne ni n’utilise d’adresse, le message n’est pas présumé avoir été reçu avant que le destinataire en ait été avisé et ait été en mesure de le récupérer et de le traiter.

À la Partie 3, les articles 24 et 25 de la LUCE abordent les versions électroniques des contrats de transport des marchandises.

   B. Initiatives fédérales

Au niveau fédéral, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques(18) instaure des mesures créant une équivalence fonctionnelle entre les documents sur papier et sur support électronique.  La Partie 2 de la Loi prévoit « … l’utilisation de moyens électroniques […] dans les cas où les textes législatifs envisagent l’utilisation d’un support papier pour enregistrer ou communiquer de l’information ou des transactions ».  La Loi traite entre autres choses :

  • du versement de paiements sous forme électronique au gouvernement fédéral;

  • de la présentation, sous forme électronique, de renseignements au gouvernement fédéral;

  • du recours aux documents électroniques pour satisfaire à une exigence, en vertu d’une loi fédérale, relative à la forme écrite d’un document;

  • du recours aux signatures électroniques;

  • de la fourniture de documents électroniques là où un document original est exigé.

Dans certaines situations, la Loi exige le recours à une « signature électronique sécurisée », c’est-à-dire une signature résultant de l’application d’un processus ou d’une technologie prescrits.   Pour qu’une technologie ou un processus soit prescrit, il faut prouver que :

  • la signature électronique est exclusive à la personne qui s’en sert;

  • la personne qui utilise la signature électronique que porte le document a le contrôle de l’utilisation de la technologie d’inscription de la signature;

  • la technologie peut servir à identifier la personne qui fait usage de la signature électronique;

  • la signature électronique peut être liée à un document électronique afin de déterminer si le document a été modifié après l’inclusion de la signature.

La Loi traite également des documents électroniques utilisés comme éléments de preuve dans le cadre de poursuites judiciaires.  Dans le déroulement normal d’une action en justice, des documents originaux sont exigés pour que le tribunal s’estime certain que les conditions de l’entente n’ont pas été modifiées depuis sa signature.  Cette exigence est difficile à remplir quand il est question de documents électroniques car l’original ne se distingue pas des documents modifiés et parce qu’aucune signature manuelle ne vient authentifier le document.  La Loi prescrit l’usage de signatures électroniques sécurisées dans les documents électroniques quand la loi appelle des documents originaux ou des déclarations véridiques.

Qui plus est, la Loi prévoit que les avis et actes que publie par voie électronique l’Imprimeur de la Reine ont la même valeur juridique que les avis et actes publiés sur papier et elle confère un statut officiel à la version électronique des révisions aux lois et règlements du Canada ainsi qu’à la version consolidée des lois et règlements.

   C. Initiatives provinciales

Les administrations provinciales prennent des mesures de facilitation du com­merce électronique en précisant le statut des documents électroniques.  La Saskatchewan(19), le Manitoba(20) et l’Ontario(21) ont mis en vigueur des dispositions législatives reconnaissant les documents et signatures électroniques.  La Nouvelle-Écosse(22), la Colombie-Britannique(23), le Québec(24) et le Yukon(25) ont déposé des projets de loi devant leurs assemblées législatives respectives.  La plupart des autres provinces procèdent actuellement à l’élaboration de textes législatifs.

Ces lois et projets de loi, pour la plupart, ont pour modèle la Loi uniforme sur le commerce électronique et sont conformes à la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique.  Ils contiennent une série de règles « d’équivalence fonctionnelle » qui établissent les conditions à remplir pour qu’une communication électronique satisfasse à une exigence juridique de communication écrite.  Quand, par exemple, l’information ou un document doit être sous forme écrite, l’équivalent électronique est acceptable s’il est accessible de façon à pouvoir servir à la consultation future.  Quand il existe une exigence juridique de fourniture d’information ou de document à une personne par écrit, un document électronique satisfait à cette exigence s’il est accessible et peut être conservé par la personne à laquelle il est fourni.

Les lois font du document électronique l’équivalent du document original.  Là où il existe une exigence juridique relative à la présentation, à la conservation ou à l’étude d’un document original, un document électronique est acceptable si l’intégrité de l’information a été maintenue.  De plus, les signatures électroniques satisfont à l’exigence juridique relative à la signature écrite.

La conservation des documents et la fourniture de copies sont aussi abordées.  Dans les cas où un document doit être conservé pendant un certain temps, sa version électronique peut être conservée si elle est exacte et disponible dans la même mesure que le document sur support papier et pendant la même période.  Là où de multiples exemplaires d’un document doivent être fournis, une seule version électronique suffit.

Des règles sont établies pour le montage de contrats par des moyens électroniques qui :

  • permettent le montage d’un contrat à l’aide de communications électroniques incluant une action comme celle de toucher une icône ou un point dans un écran d’ordinateur ou de cliquer dessus;

  • permettent l’établissement d’un contrat valable par la voie de communications électroniques automatisées chez l’une ou l’autre des parties à la transaction;

  • permettent l’annulation d’une transaction conclue entre une personne et un agent électronique (un programme informatique) si une erreur importante a été commise en l’absence de possibilité de prévention ou de correction de l’erreur et si la personne n’a pas tiré profit de la transaction;

  • déterminent le moment auquel les messages sont expédiés par voie électronique et le moment auquel elles sont présumées avoir été reçues.

Ces dispositions législatives visent à fournir un degré supérieur de certitude juridique au montage des contrats dans un environnement en direct.

À l’image de la Loi uniforme sur le commerce électronique, les textes législatifs prévoient également le montage de contrats de transport de marchandises par voie électronique.

Il faut savoir que les mesures législatives ne précisent pas ce qui constitue une signature électronique, exception faite d’une définition générale du type de celle-ci : « information sous forme électronique qu’une personne crée ou adopte afin de signer un document et qui est jointe ou associée au document ».  Une signature électronique peut donc se constituer de l’image numérisée d’une signature manuelle, d’une signature biométrique comme une empreinte de pouce enregistrée sur support électronique, du nom d’une personne en caractères ASCII, d’une signature numérique formée à l’aide d’une infrastructure à clé publique et d’un pouvoir de certification ou de l’empreinte vocale d’une personne prononçant son propre nom.

Il importe finalement de noter que les mesures législatives ne forcent pas une personne à fournir, à utiliser ou à conserver des documents sous forme électronique; le consentement d’une personne à le faire, cependant, peut être déduit de son comportement.

CONCLUSION

Le mouvement vers l’adoption de lois intégrant le monde de la communication électronique aux exigences relatives aux communications écrites, aux signatures et au montage de contrats qui existent depuis très longtemps a débuté avec l’arrivée de la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique en 1996, la création de lois types au Canada et aux États-Unis en 1999 et la directive de l’Union européenne en 2000.  Les administrations nationales, d’État et provinciales présentent à l’heure actuelle, ou ont déjà mis en vigueur, des lois réduisant ou supprimant les incertitudes juridiques relatives à la réalisation d’affaires sur Internet.

Au Canada, ces efforts sont déjà fort avancés : trois provinces ont promulgué des lois sur le commerce électronique, des projets de loi se trouvent actuellement à l’étude dans un certain nombre d’assemblées législatives provinciales et d’autres provinces en sont à divers points de l’élaboration de mesures législatives tandis que l’administration fédérale a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.  En reconnaissance du fait que le commerce électronique passe les frontières nationales et provinciales, les administrations publiques canadiennes choisissent de composer leurs mesures législatives selon la Loi uniforme sur le commerce électronique et la Loi type de la CNUDCI.  Cette approche reconnaît que l’absence de règles uniformes de régie de l’usage des signatures électroniques constitue un obstacle à la poursuite de la croissance des transactions intersociétés et entre sociétés et consommateurs par Internet.


(1) Commission des Nations Unies pour le droit commercial international.   Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique avec Guide pour son incorporation, 1996.
http://www.uncitral.org/french/texts/electcom/ml-ec.htm

(2) Ibid.

(3) Ibid.

(4) National Conference of Commissioners on Uniform State Laws.  Uniform Electronic Transactions Act, 1999.
http://www.law.upenn.edu/bll/ulc/fnact99/1990s/ueta99.htm

(5) National Conference of Commissioners on Uniform State Laws.  Introductions and Adoptions of Uniform Acts.
http://www.nccusl.org/uniformact_factsheets/uniformacts-fs-ueta.htm

(6) Electronic Signatures in Global and National Commerce Act.
http://www.ecommerce.gov/ecomnews/ElectronicSignatures_s761.pdf

(7) Electronic Transactions Act 1999http://law.gov.au/publications/ecommerce/

(8) Les renseignements sur  la Electronic Transactions Act 1999 sont largement tirés du document intitulé Summary of the Electronic Transactions Act 1999.
http://law.gov.au/publications/ecommerce/ETactsummary.html

(9) Union européenne.  « Electronic Commerce : Commission welcomes final adoptions of legal framework Directive » 2000.
http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/media/eleccomm/2k-442.htm

(10) Conférence sur l’uniformisation des lois du Canada.  Loi uniforme sur le commerce électronique annotée, 1999.
http://www.law.ualberta.ca/alri/ulc/current/fueca-a.htm

(11) Ibid.

(12) Ibid.

(13) LUCE, article 7.

(14) LUCE, article 8.

(15) LUCE.

(16) LUCE, article 9.

(17) LUCE, article 10.

(18) Statuts du Canada 2000, chapitre 5.

(19) The Electronic Information and Documents Act, 2000, Lois de la Saskatchewan, chapitre E-7.22.

(20) Loi sur le commerce et l’information électroniques, chapitre E55 de la Codification permanente des lois du Manitoba (sanction royale le 18 août 2000).  Les parties 1, 3, 4, 5 et 7 proclament une entrée en vigueur le 23 octobre 2000.
http://www.gov.mb.ca/chc/statpub/free/pdf/b31-1s00.pdf

(21) Loi de 2000 sur le commerce électronique, chapitre 17 des Lois refondues de l’Ontario (2000) (sanction royale le 16 octobre 2000).  http://www.ontla.on.ca/Documents/documentsindex.htm

(22) Electronic Commerce Act , Lois de la Nouvelle-Écosse, 2000, chapitre 26.
http://www.gov.ns.ca/legi/legc/~acts.htm

(23) Projet de loi 32-2000, Electronic Transactions Act (première lecture le 5 juillet 2000).
http://www.legis.gov.bc.ca/2000/1st_read/gov32-1.htm

(24) Projet de loi 161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (première lecture le 14 novembre 2000).
http://www.assnat.qc.ca/archives-36leg1se/fra/Publications/projets-loi/publics/00-f161.htm

(25) Projet de loi 29, Electronic Commerce Act (première lecture le 26 octobre 2000).