PRB 00-37F

EXAMEN DU SYSTÈME DE SANTÉ AU QUÉBEC
(LA COMMISSION CLAIR)

Rédaction :

Howard Chodos
Division des affaires politiques et sociales
Le 26 février 2001


TABLE DES MATIÈRES

GRANDES LIGNES

PARTIE I – RÉSUMÉ DU RAPPORT DE LA COMMISSION CLAIR

   A. Une nouvelle vision pour la prochaine décennie

   B. L’organisation des services de santé

      1. La prévention

      2. Les soins de première ligne

      3. Les services aux personnes ayant des besoins spéciaux

      4. La coordination des services spécialisés

      5. De plus grandes responsabilités aux médecins et au personnel hospitalier

   C. Les ressources humaines

   D. Le financement public

   E. La gouvernance

PARTIE II – LA COMMISSION CLAIR : RÉACTIONS À CE JOUR

   A. Quelques commentaires

      1. Les intervenants du secteur

      2. Autres réactions

      3. La réponse du gouvernement


EXAMEN DU SYSTÈME DE SANTÉ AU QUÉBEC
(LA COMMISSION CLAIR)

GRANDES LIGNES

La première partie du présent document résume l’analyse du système de santé québécois contenue dans le rapport de la Commission Clair, déposé le 17 janvier 2001, ainsi que ses principales recommandations.  Ce résumé est suivi d’un bref compte rendu des réactions au rapport de la part d’intervenants du secteur, d’observateurs et du gouvernement.

Le rapport de la Commission porte principalement sur la réforme de la prestation des soins de première ligne et sur les questions liées au financement du système de santé.  Parmi les 36 recommandations et 59 propositions du rapport se trouvent un certain nombre de suggestions novatrices, notamment :

  • réorganiser la prestation des soins de première ligne grâce à la création de groupes de médecine familiale formés de six à 10 médecins qui fourniraient des soins aux patients 24 heures par jour, sept jours par semaine;

  • créer un fonds d’assurance contre la « perte d’autonomie », financé par les contribuables, qui servirait à payer l’amélioration des soins à domicile et des services institutionnels au nombre croissant de personnes âgées.

PARTIE I – RÉSUMÉ DU RAPPORT DE LA COMMISSION CLAIR

Le 17 janvier 2001, la Commission nommée en juin 2000 par le gouvernement du Québec pour étudier la prestation des services sociaux et de santé dans la province – appelée Commission Clair (d’après le nom de son président, Michel Clair) – a déposé ses recommandations et son rapport final intitulé Les solutions émergentes.  Au cours des audiences publiques qu’elle a tenues partout dans la province, la Commission a reçu 212 mémoires et entendu 124 représentants de divers organismes.  Elle a de plus délégué sa responsabilité d’entendre des membres du public à des organes régionaux de la santé qui ont reçu 550 autres mémoires et entendu directement le témoignage de 6 000 personnes.  Ces organes régionaux ont ensuite communiqué leurs conclusions directement à la Commission.  Enfin, la Commission a commandé un sondage exhaustif de l’opinion publique et organisé quatre conférences thématiques où elle a entendu plus de 30 témoins experts du Québec, du Canada et de l’étranger.

Le rapport contient 36 grandes recommandations, reposant sur 59 propositions de mise en œuvre.  Elles portent sur les deux grands thèmes dont la Commission avait à s’occuper, soit la façon dont les services de santé sont organisés et fournis, et le financement public.  Mais elles touchent également à la planification et à la gestion des ressources humaines de même qu’à la gouvernance globale du système de santé. 

   A. Une nouvelle vision pour la prochaine décennie

Dans leur introduction, les commissaires observent que les problèmes du système de santé dans la province de Québec s’apparentent à ceux éprouvés par d’autres pays.  Ils ressortent à un impératif central : au fur et à mesure que les avancées scientifiques et médicales élargissent les possibilités d’intervention, ce qui implique une croissance des coûts, des décisions s’imposent à tous les échelons de la société.  Les décideurs doivent déterminer comment dépenser des ressources limitées, tandis que les simples citoyens doivent décider de ce qui importe le plus : l’équité et la solidarité sociale, ou un contrôle individuel accru.

S’inspirant d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, la Commission insiste sur le fait qu’une certaine rationalisation est indispensable pour tous les systèmes de santé et qu’il incombe à l’État de mettre en place les procédures permettant de prendre les décisions voulues sur les services à fournir.  Un aspect inévitable de ce processus a trait à la nécessité d’établir un équilibre entre les services fournis à l’ensemble de la population et les traitements cliniques administrés à des patients particuliers.  Pour la Commission, la prévention et la promotion de la santé sont nettement prioritaires.

   B. L’organisation des services de santé

Dans l’esprit de cette orientation fondamentale, la Commission se penche, au deuxième chapitre de son rapport, sur l’organisation des services de santé.   Elle observe que la structure de prestation des soins au Québec reflète la réalité des années 1970.  On valorise trop la pratique professionnelle individuelle, l’autonomie des établissements de santé et une perspective générale fondée sur des « silos », chaque élément du système pouvant fonctionner indépendamment des autres.   D’après la Commission, les nombreux changements qui ont marqué l’organisation du système au cours des dernières années – y compris la fermeture d’hôpitaux et la réduction de la durée du séjour à l’hôpital – sont survenus principalement en réaction à des événements plutôt que dans le cadre d’une nouvelle vision véritablement adaptée à l’évolution de la situation.

La Commission entreprend l’élaboration de sa propre vision en réévaluant le rôle du médecin de famille.  L’idée maîtresse est d’encourager la formation de pratiques de groupe composées de six à 10 médecins pouvant fournir des services primaires complets aux patients 24 heures par jour, sept jours par semaine.  Cette expansion des services de première ligne serait facilitée par l’élargissement du rôle du personnel infirmier praticien et par l’utilisation de la structure existante des centres locaux de services communautaires (CLSC), afin de coordonner l’activité de ces regroupements de médecins et de compléter leurs prestations par différents services spécialisés.  La Commission recommande également d’établir des fichiers médicaux électroniques afin d’assurer la continuité des services fournis.

En ce qui concerne l’organisation des services, les recommandations de la Commission sont structurées autour de grands thèmes dont on donne un aperçu ci-après.

      1. La prévention

Selon la Commission, la prévention constitue l’élément central d’une politique de la santé.  Il incombe à l’ensemble du gouvernement, pas seulement au ministère de la Santé et des Services sociaux, d’assumer la responsabilité globale de la santé de la population.   La Commission reconnaît que les résultats de la prévention se font sentir à moyen terme plutôt qu’à court terme, et que les priorités doivent être fixées en tenant compte de trois aspects importants du problème :

  • certains facteurs de risque contribuent à différents problèmes de santé (p. ex., la consommation de tabac accroît les risques de maladie cardiaque, de cancer et de maladie respiratoire);

  • les premières années de la vie revêtent une importance critique;

  • une approche intégrée s’impose.

      2. Les soins de première ligne

La Commission recommande qu’on reconnaisse comme piliers de la prestation des soins de première ligne au Québec les deux composantes actuelles du système de santé,      c’est-à-dire les médecins et le réseau des CLSC.  Elle envisage une coordination des services fondée sur une coopération entre les deux parties constitutives, plutôt que sur leur mariage forcé.  Les CLSC se concentreraient sur la dimension sociale, alors que les groupes de médecins seraient au cœur de la prestation des services médicaux.  Sur le plan concret, les CLSC aménageraient un ensemble commun de services qui seraient offerts partout dans la province et, en particulier, ils veilleraient à la prestation des soins « psychosociaux » de base.  Ils passeraient des ententes de service avec des groupes formées de six à 10 omnipraticiens ainsi que d’infirmières et infirmiers, chaque médecin étant responsable de 1 000 à 1 800 personnes.  Les patients pourraient encore choisir leur médecin de famille, mais ils s’engageraient par écrit à ne pas en prendre un autre pendant une période d’environ six mois, après quoi ils pourraient faire un nouveau choix.  Les médecins seraient rémunérés en vertu d’une formule mixte conjuguant des paiements pour chaque patient inscrit auprès de la pratique, des paiements pour la participation du médecin à des programmes externes ainsi que des honoraires contractuels et des montants à l’acte.  La Commission propose d’instituer graduellement ce système, sur une base volontaire, l’objectif étant d’inscrire environ 75 p. 100 de la population auprès des pratiques de groupe dans un délai de cinq ans.

      3. Les services aux personnes ayant des besoins spéciaux

L’une des recommandations les plus novatrices de la Commission concerne l’établissement d’un fonds consacré à un réseau intégré de services pour les personnes âgées en perte d’autonomie(1).  Dans ce secteur, la Commission a tenu compte du fait que les personnes âgées en perte d’autonomie ont besoin d’un ensemble complexe, spécialisé et intégré de services leur fournissant les soins les plus appropriés, abstraction faite de l’emplacement.   La prestation coordonnée de ces services incomberait aux CLSC, en collaboration avec les groupes de médecins, qui passeraient des ententes de service avec les CLSC à cette fin.  On consacrerait un budget spécial à de tels services à l’échelon régional, en vue d’accroître la disponibilité et la qualité tant des soins à domicile que des services institutionnels à l’échelle de la province.

      4. La coordination des services spécialisés

La Commission recommande d’officialiser une structure hiérarchique pour les services hospitaliers spécialisés, répartis entre les hôpitaux locaux, régionaux et d’enseignement, avec une plus grande spécialisation à chaque palier.   En vue de permettre la fourniture des services médicaux nécessaires dans une variété de milieux, la Commission propose en outre de permettre à des pratiques privées spécialisées de s’affilier à des hôpitaux.  Elle espère ainsi que la prestation de certains services à l’extérieur du milieu hospitalier améliorera l’accès tout en réduisant les listes d’attente.  Ces services seraient offerts sous la supervision du personnel hospitalier, et les patients n’auraient pas à acquitter de frais additionnels.  Étant donné le caractère novateur de cette recommandation, la Commission propose de la mettre en œuvre graduellement après la réalisation d’une série de projets pilotes.

      5. De plus grandes responsabilités aux médecins et au personnel hospitalier

La Commission recommande que les infirmières et infirmiers soient formés et intégrés graduellement au système.

   C. Les ressources humaines

Le troisième chapitre du rapport porte sur les dossiers des ressources humaines.  La Commission déplore le fait que, malgré l’importance qu’elles revêtent pour le fonctionnement global du système, les ressources humaines n’ont jamais été considérées comme une valeur stratégique.  Elle observe que l’approche de gestion adoptée dans le secteur de la santé repose largement sur un modèle antagoniste de relations industrielles qui fait que l’intérêt public et les besoins des clients ne sont pas entièrement respectés.  Elle réclame donc une réorganisation en profondeur des méthodes de travail, à laquelle participeraient les syndicats et les dirigeants, en vue de contrer la morosité qui est devenu endémique.  À cette fin, elle propose que chaque établissement inaugure un projet destiné à permettre à la direction, aux professionnels et aux autres employés de coordonner leurs efforts afin d’améliorer le service à la clientèle.  La Commission estime également nécessaire de trouver des moyens de faire dépendre l’avancement à la fois du mérite et de l’ancienneté, plutôt que de celle-ci exclusivement.

   D. Le financement public

Le quatrième chapitre a trait au financement du système.   La Commission fait remarquer qu’on est passé d’une conception des soins comme d’un ensemble de services assurés à l’idée d’un droit individuel aux services.  À son avis, cela s’est accompagné d’une confusion croissante quant à ce qui est assuré et à ce qui ne l’est pas par le système public; on est même arrivé au point où plus personne ne sait exactement qui est censé fournir quoi, à qui, dans quel délai et à quel endroit.  Seuls les experts peuvent déchiffrer les coûts des différents services, et personne ne sait vraiment qui décide des services assurés, de la provenance des fonds et de leur affectation.

La Commission réitère l’importance sociale des cinq principes de la Loi canadienne sur la santé (LCS), mais signale qu’il faut les réinterpréter à la lumière des réalités contemporaines.  Tout en rejetant l’idée d’un système à deux vitesses et en insistant sur le fait que le financement public demeure le fondement du système, la Commission réclame une mutation profonde des valeurs qui aurait pour effet de remplacer une culture conformiste par une vision novatrice et dynamique et favoriserait le partenariat entre les institutions des secteurs public, privé et le tiers secteur.

Afin de préserver à long terme la capacité de la province de fournir des services de santé malgré la croissance continue des dépenses, la Commission recommande que le gouvernement fixe les dépenses publiques maximales qu’il juge acceptables et prévoie des affectations budgétaires triennales pour le réseau de la santé.

La Commission indique clairement que la principale source de financement des services assurés devrait être le trésor public, mais elle recommande aussi d’explorer d’autres modes d’assurance collective en vue de payer un élargissement des services; elle propose en outre de créer un fonds spécial pour répondre aux besoins d’une population vieillissante, constitué grâce à un impôt contre la « perte d’autonomie » prélevé auprès de l’ensemble de la population.  Bien que la Commission considère que les augmentations récentes des paiements de transfert fédéraux aux provinces aient permis d’améliorer le financement du secteur de la santé, ces contributions sont malgré tout insuffisantes.

Par conséquent, elle demande au gouvernement du Québec de réclamer cinq ou six fois plus d’argent que le financement déjà alloué par le gouvernement fédéral.  Il s’agirait d’investir sur une période de cinq à six ans dans le renouvellement de l’équipement médical, le déploiement de la technologie de l’information, la réorganisation des soins de première ligne et la mise en place d’une nouvelle infrastructure. Afin de mettre un terme au financement de « silos », la Commission propose de fonder la répartition des ressources sur la « population », de manière à instaurer une approche intégrée de la prestation des services et de remplacer le modèle hiérarchique et bureaucratique par un modèle basé sur les liens contractuels entre les différents éléments du système.

La Commission observe que l’éventail des services assurés n’a pas évolué au rythme des changements démographiques, épidémiologiques et technologiques.  Malgré la volonté générale d’éviter un système à deux vitesses, la Commission remarque qu’il existe déjà de nombreuses zones grises favorisées par le manque de ressources.  Elle met en cause la logique qu’il y a à ne pas assurer les services à domicile même lorsqu’ils sont rentables, ou à insister sur la prestation des services dans les salles d’urgence des hôpitaux, où ils coûtent plus cher que ce ne serait le cas dans un milieu moins technique.

La Commission n’avait pas le mandat de réinterpréter les cinq principes de la LCS, mais elle fait néanmoins ressortir les injustices découlant de la façon dont ils sont actuellement compris et elle indique qu’il est urgent de les revoir.  Elle recommande que le gouvernement établisse, en vertu d’un texte de loi, un organe crédible – composé d’experts scientifiques, de médecins spécialistes, d’éthiciens et de citoyens respectés – qui réévaluerait continuellement le groupement des services assurés et ferait des propositions concernant l’adoption de nouvelles technologies et de nouveaux traitements.

La Commission observe qu’à l’heure actuelle, aucun mécanisme ne permet de suivre systématiquement les différents inducteurs de coûts du système; elle demande donc au gouvernement d’élaborer un plan d’action à cet égard.  Elle signale que bon nombre de ses recommandations pourraient contribuer positivement au contrôle des coûts, y compris le recours à des dossiers électroniques et à une « carte à puce », qui permettraient à tous les fournisseurs de soins d’accéder au dossier médical d’un patient.  En outre, la Commission recommande de mettre en branle différents programmes de partenariat avec des organismes du secteur privé à but lucratif et sans but lucratif; elle note que la participation du secteur privé est plus élevée dans de nombreux pays dont le système est financé par des fonds publics et que cette participation n’est pas aussi controversée qu’au Canada.

La Commission propose qu’on organise une « corvée » en vue de recueillir des fonds auprès du secteur privé, des syndicats, des professionnels de la santé, du grand public, des organismes philanthropiques ainsi que des gouvernements fédéral et provincial, dans le cadre d’un programme d’investissement majeur dans les infrastructures et la technologie de la santé.  Elle propose que certains services de soutien dans le secteur hospitalier (lessive, services alimentaires) soient transformés progressivement en sociétés d’économie mixte dans lesquelles les syndicats seraient invités à investir.  Enfin, elle recommande que le gouvernement crée une « Fondation Québec Techmed » afin de promouvoir l’investissement dans la technologie médicale.  Celle-ci obtiendrait au départ 100 millions de dollars de la part du gouvernement, mais solliciterait 500 millions de dollars supplémentaires auprès de diverses sources privées, lesquelles bénéficieraient de généreux incitatifs fiscaux.

Comme on l’a mentionné plus haut, l’une des recommandations novatrices du rapport porte sur la création d’un fonds d’assurance contre la perte d’autonomie à long terme et financé grâce à un impôt spécial.  D’après la Commission, cela permettrait au système de répondre simultanément à différents objectifs : établir à l’échelle de la province un système équitable de soins institutionnels et de soins à domicile; réduire les coûts et les inconvénients associés à l’hospitalisation à long terme; et soutenir et compléter le travail des fournisseurs de soins non professionnels.  La Commission insiste pour dire que ce fonds doit être distinct des recettes provinciales générales, et elle recommande donc qu’il soit administré par un organisme comme la Régie des rentes du Québec.

   E. La gouvernance

Le dernier chapitre du rapport traite de la gouvernance du système de santé aux échelons local, régional et provincial.  La Commission observe qu’il y a une grande insatisfaction à l’échelle du réseau quant au fonctionnement basé sur les « silos » et aux « guerres de clocher » qui s’ensuivent.  Parallèlement, compte tenu de la complexité du système, la Commission a cru préférable de ne recommander que les modifications les plus urgentes.  Elle propose que le ministère de la Santé et des Services sociaux concentre ses énergies sur les grandes orientations de la politique en matière de santé et sur le suivi des résultats, et qu’elle renonce à la responsabilité d’administrer la prestation des services.  Elle suggère que le gouvernement envisage de réduire la taille du ministère actuel et d’établir un nouvel organisme chargé de coordonner la prestation comme telle des services de santé.  Elle considère qu’il convient de maintenir trois niveaux de gouvernance (provincial, régional et local) et préconise le maintien du même nombre de régies régionales (18).  Elle recommande de confier à ces régies régionales la responsabilité d’établir des « forums de citoyens » chargés de les conseiller sur les questions liées à la prestation des services en région.

PARTIE II - LA COMMISSION CLAIR : RÉACTIONS À CE JOUR

Comme le fait remarquer Mme Carol Néron dans Le Quotidien du 19 janvier, il ne fait aucun doute que de nombreuses semaines seront nécessaires pour saisir toute la portée des 36 recommandations et 59 propositions contenues dans le rapport de 400 pages de la Commission.  Toutefois, les réactions initiales – principalement des intervenants du secteur, de la presse et du gouvernement – sont plus louangeuses que critiques à l’égard des efforts de la Commission.

En règle générale, c’est la recommandation centrale de la Commission, portant sur la création de groupes de médecine familiale capables de fournir des soins 24 heures par jour, sept jours par semaine, qui a fait l’objet des commentaires les plus favorables.  L’autre proposition novatrice de la Commission – créer un fonds spécial pour payer les soins à une population vieillissante en perte d’autonomie – s’est méritée les critiques de ceux qui considèrent qu’elle créera un impôt supplémentaire pour le contribuable québécois déjà surtaxé.  Enfin, les analystes ne semblent pas s’entendre sur le degré d’ouverture à l’égard du secteur privé qui se manifeste dans le rapport de la Commission.

Une autre préoccupation, exprimée entre autres par M. Yves Lamontagne (Le Devoir, 18 janvier), président du Collège des médecins du Québec, est que, peu importe les qualités du rapport, le moment de son dépôt – qui a coïncidé avec la démission de l’ex-premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard – pourrait en limiter l’impact.  D’après Mme Carol Néron, cela a également contribué à atténuer la réaction du public au document.

Toutefois, certains rapports commencent à jeter plus de lumière sur des recommandations clés de la Commission, notamment sa proposition d’établir un impôt pour la perte d’autonomie.  Dans son rapport, la Commission n’a pas cherché à préciser la taille du fonds qui serait nécessaire ou la somme que chaque contribuable serait appelé à payer.  Dans une interview accordée à La Presse (18 janvier), M. Guy Morneau – président de la Régie des rentes du Québec, qui est à l’origine de l’idée du fonds contre la perte d’autonomie – a estimé qu’il en coûterait environ 135 $ par année à chaque contribuable et qu’au plus fort des besoins, en 2035, le fonds aurait besoin d’un capital d’environ 21 milliards de dollars.

   A. Quelques commentaires

      1. Les intervenants du secteur

Comme on pouvait s’y attendre, étant donné le rôle important accordé dans le rapport aux institutions dont elle est la porte-parole, l’association qui représente les centres québécois de santé communautaire (CLSC) estime que la Commission avait adopté la plupart de ses suggestions.  Toutefois, elle craint que les fonds alloués ne permettent pas aux CLSC de s’acquitter de leur mandat (Le Devoir, 18 janvier).  La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec est très satisfaite de constater qu’on a mis l’accent sur la réforme des services de première ligne.  Toutefois, son président, M. Renald Dutil, exprime aussi des préoccupations au sujet des propositions de financement de la Commission, qu’il considère trop « timides » (La Presse, 18 janvier).

Le vice-président de l’Association des hôpitaux du Québec, M. Daniel Adam, indique que les hôpitaux ont hâte de ne plus devoir s’occuper des patients ayant la grippe et des personnes âgées qui engorgent les services d’urgence et qui occupent les lits pour soins aigus, et il se réjouit du fait que la Commission recommande que les promotions dans le secteur de la santé ne soient pas fondées uniquement sur le niveau d’ancienneté (La Presse, 20 janvier).

Du côté des syndicats, la réaction est beaucoup plus critique.  Le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) déplore que la Commission ait minimisé l’importance d’un réinvestissement massif dans le système de santé, tandis que d’autres syndicats critiquent aussi le fait que la Commission s’en remet à de nouvelles mesures fiscales pour financer ses propositions (Le Devoir, 18 janvier).

M. Louis Roy, président de la Fédération de la santé et des services sociaux, affiliée à la CSN, critique fortement deux aspects du rapport.  En premier lieu, il considère que le document va irrémédiablement dans la direction d’une privatisation accrue du système.  Sa deuxième critique concerne le ton adopté dans le rapport à l’égard de ses travailleurs syndiqués, qu’il considère « paternaliste » et biaisé en faveur des employeurs (La Presse, 25 janvier).

      2. Autres réactions

La réaction initiale des éditorialistes de la presse québécoise est partagée, la plupart des journaux de langue française se disant favorables au rapport, tandis que le Montreal Gazette, de langue anglaise, se montre très critique.  Par exemple, dans l’éditorial du 18 janvier du journal Le Devoir, M. Jean-Robert Sansfaçon dit que le rapport constitue un nouveau point de départ auquel il faudra donner suite sans délai pour sauver le système de santé.  De son côté, la Gazette indique que, malgré un certain nombre de recommandations utiles, le rapport ne propose que de réaménager le système plutôt que de le révolutionner, notamment grâce à une « participation accrue du secteur privé » (18 janvier).

À Québec, l’opposition a également critiqué le rapport.  Le porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de santé, M. Jean-Marc Fournier, considère que le rapport va donner lieu à une augmentation contre-indiquée de l’imposition et à un désengagement progressif du gouvernement dans des secteurs clés du système (Le Soleil, 18 janvier).

Enfin, l’une des premières réactions des milieux universitaires est venue de    Mme Antonia Maioni, de l’Université McGill; dans un document à l’intention des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, elle exprime l’avis qu’on a « délibérément cherché à sortir des sentiers battus » et que les commissaires ont voulu « présenter des recommandations réalisables qui s’écartent de l’argumentation idéologique et des solutions simplistes ».  Elle ajoute cependant que la Commission n’a pas évalué toutes les conséquences de ses propositions plus controversées, notamment parce que le rapport « ne démontre pas clairement que celles-ci vont dans le sens d’une amélioration et de la longévité du système de santé financé par l’État ».

      3. La réponse du gouvernement

Le 26 février 2001, la ministre de la Santé, Mme Pauline Marois, a annoncé que le gouvernement avait l’intention d’aller de l’avant avec la création des groupes de médecine familiale selon la recommandation de la Commission Clair.  Elle a indiqué qu’un certain nombre de projets-pilotes déjà en cours prouvaient la viabilité du système.  Les phases initiales seront financées grâce à 140 millions de dollars fournis par le gouvernement fédéral au cours des quatre prochaines années.  La ministre Mme Marois a également déclaré qu’elle avait déjà recommandé au Cabinet qu’on étudie en détail la proposition de la Commission concernant la création d’un fonds contre la « perte d’autonomie », ce qui devrait  permettre d’adopter rapidement des mesures axées sur les besoins à long terme d’une population vieillissante(2).


(1) Il sera question de cette proposition dans la section consacrée au financement public.

(2) Sources : Communiqué de presse du ministère de la Santé, 26 février 2001 (c6725), et rapports de Radio-Canada.