PRB 01-29F
Copie
d'impression
TERRORISME NUCLÉAIRE
Rédaction :
François Côté, Geneviève Smith
Division des sciences et de la technologie
Le 14 janvier 2002
TABLE DES
MATIÈRES
A. La bombe radiologique (bombe sale)
B. Les attaques dinstallations nucléaires
D. Résumé et évaluation des menaces nucléaires
ACTIVITÉS NUCLÉAIRES AU CANADA
C. Autres utilisations de matières nucléaires
D. Transport des matières radioactives
TERRORISME NUCLÉAIRE
Les attaques terroristes de tous genres deviennent de plus en plus préoccupantes partout dans le monde, ce qui oblige les membres des parlements de plusieurs pays y compris le Canada à envisager de nouvelles mesures pour obvier aux menaces terroristes potentielles, afin de protéger la population. En dépit de la grande quantité dinformation qui existe sur le terrorisme, aucune nest destinée en particulier aux législateurs canadiens. Cest pourquoi la Bibliothèque du Parlement a produit trois documents dinformation sur le terrorisme, chacun deux portant sur un type de menace différent : la menace biologique, la menace chimique et la menace nucléaire. Le présent document traite de la menace nucléaire que font planer les groupes terroristes infranationaux. Le terrorisme nucléaire sentend de lutilisation de matières radioactives ou dexplosifs nucléaires ou dattaques contre des installations nucléaires par des individus ou des groupes non parrainés par un État, en vue dintimider ou de semer la terreur en créant une menace crédible(1).
Les effets des bombes nucléaires sont nombreux : ils comprennent notamment la production de chaleur, une explosion, une impulsion électromagnétique et lémission de rayonnement. Les armes nucléaires les plus susceptibles dêtre utilisées par les terroristes sont des armes de faible puissance incapables de détruire une ville entière. La puissance de ces bombes serait probablement de lordre dune kilotonne ou 1 000 tonnes de TNT. Cependant, même une bombe rudimentaire qui nexploserait pas convenablement pourrait avoir des effets catastrophiques en contaminant une étendue très vaste et en semant la terreur et la peur. Il sagit là de lun de nombreux scénarios possibles en matière de terrorisme nucléaire. Les menaces nucléaires que font planer les terroristes peuvent prendre lune des trois formes suivantes :
la bombe radiologique (bombe sale);
les attaques dinstallations nucléaires;
la bombe nucléaire.
A. La bombe radiologique (bombe sale)
Larme nucléaire la plus accessible pour un groupe terroriste est la bombe radiologique, aussi appelée « bombe sale ». Ce genre dengin est composé de déchets dérivés dactivités nucléaires, par exemple des sous-produits du fonctionnement de réacteurs nucléaires, conjugués à des explosifs classiques. En explosant, la bombe disperse des substances radioactives et, par le fait même, contamine lair, leau et la terre, et rend une zone particulière ou une installation inutilisable pendant des années. Les matières radioactives qui entrent dans la composition dune telle arme peuvent provenir de différentes installations non protégées, notamment des hôpitaux, des laboratoires médicaux, des laboratoires de recherche et des décharges de déchets radioactifs(2). Des déchets radioactifs produits à toutes les étapes du cycle de vie du combustible nucléaire peuvent être trouvés partout dans le monde, et de façon générale, ils ne sont pas aussi bien gardés ou protégés que les armes nucléaires elles-mêmes ou que les centrales nucléaires(3).
Au Canada, on trouve des déchets radioactifs à divers endroits, notamment les sites des cinq centrales nucléaires exploitées en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Les déchets radioactifs appartiennent à lune ou lautre de trois catégories : les déchets de combustible nucléaire (déchets de haute activité),les déchets de faible activité et les déchets et résidus de mines duranium(4). Les déchets radioactifs de haute activité (déchets de combustible nucléaire) sont lobjet du projet de loi C-27 :Loi concernant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire, actuellement à létude par le Parlement(5). Les déchets de ce type proviennent des réacteurs de puissance, des réacteurs prototypes, des réacteurs de démonstration et des réacteurs de recherche et de production disotopes comme ceux de certaines universités et installations commerciales (p. ex. MDS-Nordion à Chalk River, Ontario). Les déchets de haute activité ne représentent que 3 p. 100 du volume de tous les déchets radioactifs produits dans le monde, mais sont à lorigine de 95 p. 100 de la radioactivité totale, alors que les déchets de faible activité représentent 90 p. 100 du volume et 1 p. 100 de la radioactivité totale(6). Les déchets de haute activité sont caractérisés par un mélange complexe disotopes fortement radioactifs à courte période et déléments lourds à longue période. Les déchets de faible activité, selon la définition du Bureau de gestion des déchets radioactifs de faible activité dÉnergie atomique du Canada limitée (EACL)(7), sont les déchets radioactifs autres que ceux du combustible nucléaire qui proviennent de lexploitation de réacteurs nucléaires et dinstallations de traitement et de fabrication de combustibles nucléaires au Canada et dactivités qui utilisent des radio-isotopes à des fins médicales et industrielles ainsi quà des fins de recherche.
On trouve également des déchets de haute et de faible activité à létranger. Chaque année, des tonnes de déchets sont transportées sur de longues distances, y compris dun continent à un autre, particulièrement en vue du retraitement. Les États-Unis, le Japon et différents pays européens sont dimportants générateurs et exportateurs de déchets nucléaires. En Russie, les mesures de sécurité appliquées aux déchets nucléaires laissent à désirer et les possibilités de détournement de ces déchets par des groupes radicaux infranationaux ont déjà été démontrées. En 1996, des rebelles islamiques de la république séparatiste de Tchétchénie ont posé une « bombe sale », sans toutefois la faire détoner, dans le parc Izmailovo à Moscou, pour démontrer la vulnérabilité de la Russie. Le dispositif contenait de la dynamite et du césium 137, lun des sous-produits hautement radioactifs de la fission nucléaire(8).
En cas dexplosion dans une grande zone urbaine, les modèles les plus dangereux de bombes qui émettent des rayons gamma (p. ex. les bombes contenant du combustible irradié et de la dynamite) pourraient entraîner instantanément la mort de 2 000 personnes, et plusieurs milliers de personnes pourraient par la suite souffrir dempoisonnement radioactif(9). Cependant, la contamination radioactive dun aussi grand nombre de personnes serait plus difficile à réaliser quon pourrait le croire. En effet, les quantités de matières radioactives et dexplosifs requises seraient très grandes et la dispersion des matières radiologiques par une explosion ou simplement par un rejet dans lenvironnement serait limitée par certaines des contraintes (p. ex. traitement de leau, surveillance et effet de dilution) qui entravent la dispersion des agents chimiques ou biologiques. Néanmoins, lanxiété publique répandue que suscite le nucléaire sous toutes ses formes fait de la simple menace dutilisation de matières radioactives un outil efficace pour les terroristes. Cela est aussi vrai des attaques dinstallations nucléaires ou dexpéditions de matières nucléaires, qui pourraient donner lieu à des rejets radioactifs.
B. Les attaques dinstallations nucléaires
Une attaque terroriste qui dirigerait un avion commercial ou des munitions lourdes contre une centrale nucléaire pourrait avoir des effets semblables à ceux dune bombe radiologique (bombe sale), mais le nombre de victimes risquerait dêtre beaucoup plus élevé. Les cibles de ces attaques seraient essentiellement les centrales et les sites nucléaires, mais également les laboratoires de recherche nucléaire et les décharges de déchets radioactifs. Si une telle attaque provoquait la fusion du cur dun réacteur (ce qui sest produit à Tchernobyl) ou la dispersion de déchets de combustible irradié sur le site, on devrait sattendre à un nombre élevé de victimes. Dans un tel cas, la centrale deviendrait la source de la contamination radioactive, et lavion ou larme serait le dispositif explosif servant à propager le rayonnement mortel sur de grandes surfaces.
Les autorités nationales et internationales responsables de la sûreté des centrales nucléaires comme la Commission canadienne de sûreté nucléaire (anciennement connue sous le nom de Commission de contrôle de lénergie atomique), la USNRC (U.S. Nuclear Regulatory Commission) et lAgence internationale de lénergie atomique se penchent sur ces questions depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001(10). Jusqualors, la possibilité que surviennent des attaques dinstallations nucléaires au moyen davions privés ou commerciaux semblait plutôt faible. Les centrales nucléaires sont plus robustes et plus résistantes que la plupart des immeubles du secteur civil, et elles sont aménagées de manière à résister à des phénomènes extrêmes comme les ouragans, les tornades et les tremblements de terre. Cependant, elles ne sont pas conçues pour résister à limpact davions de ligne commerciaux. Dans la plupart de ces situations, les réacteurs nucléaires sarrêteraient automatiquement. Au Canada, les réacteurs nucléaires comprennent des systèmes de sûreté redondants, comme des circuits de refroidissement distincts, afin dassurer le refroidissement continu du cur en cas daccident(11). Néanmoins, les autorités ont établi des zones dexclusion aérienne au-dessus de cibles possibles partout dans le monde ou les ont élargies. Au Canada, EACL interdit déjà les vols à une altitude inférieure à 3 000 pieds et dans un rayon de 3,5 milles marins autour du site de Chalk River. Un autre plan daction fréquemment proposé consiste à protéger les installations nucléaires au moyen de missiles sol/air, comme la déjà fait la République tchèque(12). Dans la foulée des événements du 11 septembre, la Commission canadienne de sûreté nucléaire a adopté un certain nombre de mesures visant à améliorer la sécurité dans les installations nucléaires en collaboration avec les autorités provinciales de production délectricité concernées. Lune de ces mesures consiste à fournir une capacité dintervention armée immédiate sur le site des réacteurs de puissance(13). Les autres mesures concernent le contrôle de sécurité (vérification de lidentité, fouille du personnel et des véhicules, autorisation de sécurité des employés et des entrepreneurs).
La menace de dispersion radiologique semble moins terrifiante lorsquon la compare à la possibilité que des terroristes construisent eux-mêmes une bombe atomique ou sen procurent une. Même un engin nucléaire de faible puissance pourrait entraîner la mort de centaines de milliers de personnes. Une bombe relativement petite denviron 15 kilotonnes dans un grand centre urbain pourrait tuer, sur le coup, près de 100 000 personnes et, par la suite, environ le même nombre par ses effets résiduels(14).
Lorsquon évalue la capacité quauraient les terroristes de construire des bombes nucléaires, on doit tenir compte des facteurs suivants : le type de dispositif et son degré de perfectionnement; le temps et lexpertise dont ils disposent; et la possibilité quils ont dobtenir des matières nucléaires fissiles. Deux principes de conception sont applicables à la fabrication dun engin nucléaire : la conception rudimentaire et la conception perfectionnée.
La conception rudimentaire correspond à lun ou lautre des deux types de bombe utilisés au cours de la Deuxième Guerre mondiale : la bombe « à rapprochement » et la bombe « à implosion ». Le premier type fait intervenir deux quantités dune même matière fissile sous-critique rapprochées à haute vitesse dans un tube cylindrique ou canon où elles atteignent un état supercritique, alors que le second type fait entrer en jeu la compression dune sphère composée dune quantité sous-critique de matière fissile, jusquà lobtention dun état supercritique par une onde de choc à implosion symétrique. De telles bombes seraient plutôt lourdes (au moins une tonne) et imposantes.
La conception perfectionnée donne une bombe de plus petite taille, dont le poids se situerait entre une centaine et quelques centaines de livres et qui serait facile à transporter. Cette conception sappuie sur plus de 50 années de recherches très secrètes et nécessite la participation déquipes dexperts dans divers domaines, ainsi que des capacités dessai étendues(15).
La fabrication dune bombe de conception rudimentaire est possible si un certain nombre de conditions sont réunies. Pour y arriver, on doit recourir aux connaissances et à lexpertise dune équipe de spécialistes. La quantité de matière fissile requise est très importante (elle est estimée à au moins 20 kg de plutonium ou 50 kg duranium(16)), ce qui fait que les terroristes auraient probablement de la difficulté à en recueillir suffisamment. Les dangers inhérents à une telle opération sont nombreux et liés à la manipulation dexplosifs et de matières hautement radioactives sans installations et équipement spécialisés. Enfin, le groupe terroriste disposerait de peu de temps parce que la détection probable du vol de toute quantité infime de matière fissile aurait rapidement pour effet de déclencher une enquête à léchelle mondiale(17).
On saccorde généralement pour dire quil est peu probable quun groupe terroriste réussisse à produire des dispositifs perfectionnés, à moins de travailler dans le cadre dun programme appuyé par un État lui fournissant les ressources et les installations nécessaires(18). Bien que le vol dune bombe utilisable soit concevable, ces armes font lobjet dune sécurité élevée. De même, la matière nucléaire fissile pouvant servir à fabriquer une bombe (uranium ou plutonium hautement enrichi) fait lobjet dune surveillance étroite dans la plupart sinon la totalité des pays qui possèdent des armes nucléaires. Cependant, il est toujours possible que des matières fissiles soient détournées de leur fin première. La Russie est un des principaux pays où des armes ou des matières nucléaires pourraient être détournées par des groupes terroristes. Une autre source est larsenal nucléaire du Pakistan, qui compte, selon les estimations, entre 30 et 50 bombes atomiques dont la puissance explosive se situe entre une et 15 kilotonnes(19).
Quels que soient le type et la puissance nominale de la bombe utilisée, les effets dune explosion nucléaire seraient désastreux(20). Les débris volant de toutes parts et le rayonnement pourraient tuer un grand nombre de personnes dans un rayon dun demi-mille de lépicentre. Limpulsion électromagnétique produite détruirait tous les dispositifs électroniques dans un rayon important, entre autres, ceux des automobiles, les téléphones cellulaires, les ordinateurs et les guichets automatiques. Dautres victimes seraient exposées à des rayonnements ionisants et à des particules subatomiques qui tueraient plusieurs de leurs cellules en endommageant leur ADN. Il sensuivrait un phénomène connu sous le nom d« empoisonnement radioactif », qui est attribuable à la mort et à la décomposition subséquente dun nombre très élevé de cellules à lintérieur du corps. Cette situation est comparable à ce qui se produit lors de séances de radiothérapie où le rayonnement est utilisé pour détruire des tissus cancéreux, sauf que dans le cas dune bombe, le corps entier serait irradié pendant des périodes plus longues.
Les radio-isotopes émettent trois types de rayonnements : des particules alpha (agrégats de deux protons et deux neutrons), des particules bêta (électrons de haute énergie) et des rayons gamma (photons de haute énergie)(21). La peau arrête les particules alpha, et les vêtements ou encore une feuille de papier journal permettent darrêter la majorité des particules bêta. Cependant, des lésions considérables peuvent être causées à différentes parties du corps, comme les yeux, notamment par lexposition à des poussières contaminées ou par leur inhalation. Les rayons gamma constitués de photons ou particules qui se déplacent comme les ondes lumineuses ou les ondes radio provoquent des dommages semblables à ceux quoccasionnent les particules alpha et bêta. Toutefois, ils ont un pouvoir de pénétration beaucoup plus grand, ce qui fait quils traversent entièrement le corps de la victime. Les rayons gamma sont arrêtés plus efficacement par des matériaux plus denses comme le plomb(22).
D. Résumé et évaluation des menaces nucléaires
Tableau 1. Évaluation des risques associés aux menaces de terrorisme nucléaire(23)
|
|
Effets et dommages |
|
||
Menace |
Faisabilité sur le plan technique |
Pour la zone touchée |
Pour |
Pour lenvironnement et léconomie |
Risque |
Bombes radiologiques | Difficile, mais réalisable |
Locaux |
Faibles à moyennement élevés |
Importants, particulièrement pour léconomie |
Moyennement élevé |
Attaques dinstallations nucléaires | La sécurité rend lopération difficile |
Très importants (>100 km2) |
Varient selon la cible |
Très grands |
Très faible |
Bombes nucléaires | Extrêmement difficile |
Importants |
Très importants à catastrophiques |
Désastreux |
Extrêmement faible |
ACTIVITÉS NUCLÉAIRES AU CANADA
Cet aperçu des différentes menaces terroristes met en lumière la nécessité de réaliser un inventaire complet de toutes les activités nucléaires menées au Canada. En raison de limportance et de la diversité de ces activités au pays, il est fort possible quil existe des sources de matières radioactives non protégées. Au Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) est lorganisme chargé de superviser toutes les activités reliées au nucléaire. Le mandat de la Commission est de réglementer le développement, la production et lutilisation de lénergie nucléaire au Canada, ainsi que la production, la possession et lutilisation des substances nucléaires, de léquipement réglementé et des renseignements sensibles. La CCSN a également pour rôle de mettre en uvre des mesures de contrôle international de lutilisation de lénergie et des substances nucléaires. Un bref résumé des activités nucléaires au Canada est présenté ci-après. Ces renseignements figurent dans le rapport annuel de la CCSN(24) et dans les autres publications de la Commission.
Lexploitation dune installation nucléaire exige un permis de la CCSN(25). Le Canada compte 22 réacteurs de puissance répartis sur cinq sites qui sont la propriété de trois compagnies délectricité provinciales. LOntario possède 20 réacteurs répartis sur trois sites, alors que le Québec et le Nouveau-Brunswick ne possèdent quun seul réacteur chacun(26). Huit réacteurs de recherche sont situés dans différentes universités ou divers centres de recherche(27), et lun deux a déjà utilisé de luranium de qualité militaire. Les réacteurs dEACL situés dans les laboratoires de Chalk River fonctionnent en vertu de permis de la CCSN.
Activités |
Nombre |
Commentaires |
Réacteurs de puissance | 22 | |
Usines deau lourde | 1 | Emplacement : Darlington |
Réacteurs de recherche | Plus 1 réacteur déclassé | |
Établissements
de recherche et dessais nucléaires |
2 | Installations dEACL |
Grands irradiateurs | 3 | |
Accélérateurs de particules médicaux pour la radiothérapie | 154 | Augmentation de 30 p. 100 depuis 1999 |
Accélérateurs de particules non médicaux | 20 | |
Installations de traitement des substances nucléaires | 3 | |
Mines
duranium |
17 |
5 mines en exploitation en Sask. et 12 mines fermées ou déclassées |
Installations de traitement de luranium et de fabrication de combustible | 6 |
Les installations nucléaires et les utilisateurs de substances réglementées produisent des déchets radioactifs. Le contenu radioactif de ces déchets varie selon la source, et les techniques de gestion dépendent des caractéristiques des déchets. En mars 2001, 19 installations actives de gestion des déchets canadiennes détenaient un permis. Les activités visées par ces permis se rapportaient :
aux déchets de réacteurs;
aux installations souterraines de stockage des déchets;
aux déchets de raffinage;
aux déchets de radio-isotopes (y compris les radio-isotopes de recherche et les radio-isotopes utilisés en médecine);
aux déchets antérieurs à la réglementation;
au déclassement.
C. Autres utilisations de matières nucléaires
Des permis de la CCSN sont également requis pour la possession, la vente ou lutilisation de matières nucléaires. Il existe 23 permis de substances réglementées pour luranium, le thorium et leau lourde (19 sociétés). Les activités autorisées comprennent :
la possession et le stockage;
lanalyse;
la recherche;
la détection expérimentale des neutrinos solaires;
une grande diversité dutilisations commerciales.
Un certain nombre dautres activités nécessitent lutilisation de radio-isotopes. En mars 2001, en tout 3 461 permis de radio-isotopes délivrés par la CCSN étaient en vigueur. Ces permis se rapportaient aux activités suivantes :
la recherche;
la médecine à des fins diagnostiques et thérapeutiques;
les tâches industrielles nécessitant des contrôles de qualité et des contrôles de procédés;
la fabrication, la distribution et limportation de dispositifs comportant de petites quantités de radio-isotopes, comme des détecteurs de fumée.
D. Transport des matières radioactives
Au Canada, plus de un million de colis de matières radioactives sont assemblés et transportés chaque année. La CCSN réglemente ce domaine en collaboration avec Transports Canada. Entre mars 2000 et mars 2001, 19 incidents ont été signalés au total, notamment des colis dont lemballage nétait pas adéquat, des colis qui ne se trouvaient pas là où ils devaient être ou qui étaient perdus temporairement, et un colis se trouvant au cur dun incendie.
Il convient de noter que certains des colis de matières radioactives transportés et exportés à lextérieur du Canada contiennent des sources de cobalt 60, produites par un grand fabricant mondial, MDS-Nordion (Kanata et Chalk River, Ontario). Le cobalt 60, requis pour des applications dirradiation industrielles, est également lun des radio-isotopes de choix pour la fabrication de bombes radiologiques.
Les incidents terroristes qui font intervenir des matières radiologiques ou nucléaires engendrent les risques suivants : maladie ou mort à la suite dun contact rapproché avec une source hautement radioactive; risque accru de cancer durant la vie par suite de lexposition à des sources dispersées et modérément actives; et traumatismes psychosociaux. Le traitement des victimes serait grandement compromis par linsuffisance des installations ou de la formation médicales. Au Canada, les plans dintervention en cas durgence pour chaque installation nucléaire comprennent le nom dun hôpital local qui est en mesure de traiter les victimes de contamination radioactive, dans léventualité dun accident nucléaire(28). On suppose que ce genre de plan dintervention sappliquerait également aux victimes de lexplosion dun dispositif nucléaire. Cependant, on ne sait pas si les hôpitaux nommés seraient en mesure daccueillir toutes les victimes tout en assurant la protection des gens qui y travaillent. De plus, un seul des plus grands hôpitaux au Canada le Toronto Western Hospital (29), qui fait partie du réseau de la santé de lUniversité de Toronto se consacre au traitement des victimes de contamination radioactive. Aux États-Unis, une seule chambre dhôpital durgence à Oak Ridge (Tennessee) est destinée au traitement de personnes exposées à des radiations(30). Cette installation, le Radiation Emergency Assistance Center/Training Site (REAC/TS), est également un site de formation reconnu par lOrganisation mondiale de la santé pour ce qui est de fournir de laide partout dans le monde pour lélaboration de plans durgence médicale à appliquer en cas daccidents radiologiques sur une grande échelle et de donner de la formation relativement aux procédures à suivre en cas daccidents radiologiques(31). Le REAC/TS, qui offre un service téléphonique continu, est intervenu à la suite de nombreux accidents par irradiation survenus partout dans le monde, par exemple :
lévaluation diagnostique de dix personnes après le bris dune source diridium 192 au Venezuela;
des services de radioprotection offerts sur les lieux après la rupture dune source de radium 226 dans un hôpital jamaïcain;
des consultations médicales, de la dosimétrie cytogénétique et des suivis après un accident impliquant un appareil de radiothérapie au cobalt 60 survenu au Mexique;
des consultations médicales, de la surveillance radiologique, de la dosimétrie cytogénétique et des suivis pour les patients après un accident mettant en cause du césium 137 au Brésil.
Plus récemment, le REAC/TS a offert des services de consultation médicale à la suite daccidents survenus au Salvador, au Japon et au Pérou. Aucun accident de ce genre ne sest produit au Canada au cours des dernières années. Cependant, le Canada pourrait recourir aux services du REAC/TS en cas daccident(32).
Le Canada sest doté de quatre plans nationaux dintervention qui pourraient être activés individuellement ou combinés à la suite dun incident terroriste mettant en cause des matières chimiques, biologiques ou nucléaires. Ce sont :
le Plan fédéral en cas durgence nucléaire (Santé Canada);
le Plan national de lutte contre le terrorisme (Solliciteur général du Canada);
le Système national dintervention en cas durgence dans le secteur agro-alimentaire (Agriculture et Agroalimentaire Canada, et Agence canadienne dinspection des aliments);
le Plan national de soutien (Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile).
Le Plan fédéral en cas durgence nucléaire (PFUN) sapplique à quatre grandes catégories dévénements(33) :
les accidents graves qui surviennent dans des installations nucléaires au Canada ou le long de la frontière entre le Canada et les État-Unis;
les accidents mettant en cause des navires à propulsion nucléaire en visite au Canada ou de passage dans les eaux canadiennes;
les accidents mettant en cause une installation nucléaire ailleurs aux États-Unis ou dans un pays étranger;
dautres incidents radiologiques graves, notamment des actes malveillants impliquant des dispositifs nucléaires improvisés ou des dispositifs à dispersion radiologique, ou la rentrée dans latmosphère de satellites à propulsion nucléaire.
Les menaces peuvent venir daccidents survenant dans des installations situées au Canada, aux États-Unis et à létranger. Le Plan fédéral en cas durgence nucléaire ne sappliquerait normalement pas aux incidents locaux qui surviennent dans des installations nucléaires autorisées ou aux accidents de transport au Canada pour lesquels une capacité dintervention de lindustrie, des organismes de réglementation ou de la province existe déjà, à moins que laide du fédéral ne soit sollicitée expressément par la province ou que laccident ait des répercussions transfrontalières. Dans léventualité dune urgence nucléaire importante dans une installation canadienne autorisée, la compagnie délectricité ainsi que les gouvernements régional, provincial et fédéral doivent mettre en branle leurs centres des opérations durgence (COU). Les COU sont reliés les uns aux autres ainsi quà la CCSN et ils sont en liaison avec la communauté internationale et les États américains limitrophes.
Les ressources fédérales disponibles pour répondre au terrorisme qui fait intervenir des menaces chimiques, biologiques ou radiologiques comprennent des équipes de la GRC, des Forces canadiennes (Équipe dintervention en cas durgence nucléaire, biologique et chimique(34)), la CCSN et les autorités (ministères ou organismes) responsables du transport, de lenvironnement, de la santé et de lagriculture. De plus, divers services provinciaux et municipaux comme la police, les pompiers et les équipes dintervention en présence de matières dangereuses, les hôpitaux, les autorités sanitaires, les ambulances et les services médicaux durgence, les équipes de recherches et de secours et divers ministères sont chargés de la mise en uvre de différents plans dintervention en cas durgence. En outre, toutes les provinces possèdent des programmes de radioprotection permettant de procéder à lévaluation dun incident radiologique ou nucléaire. LOntario, le Québec et le Nouveau-Brunswick ont des plans et des programmes détaillés dintervention durgence pour réagir en cas daccidents qui surviendraient dans des installations nucléaires sur leurs territoires respectifs. On sattend à ce que ces programmes puissent fournir lexpertise et la capacité dintervention voulues en cas dincidents terroristes qui font intervenir des matières nucléaires ou radiologiques(35).
Dans un document de travail de 2001(36), le Solliciteur général du Canada a assuré le suivi de la réponse que le gouvernement a donné au rapport de 1999 du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignements. Le Solliciteur général a fait les évaluations suivantes concernant la capacité dintervention en cas de terrorisme radiologique ou nucléaire :
Les pompiers et le personnel dintervention en présence de matières dangereuses sont adéquatement protégés contre les dangers dinhalation et dexposition externe au rayonnement des radionucléides émetteurs de rayons bêta et alpha. Cependant, ils ne sont pas protégés contre les sources de rayons gamma.
La police et les services médicaux durgence ne possèdent aucun équipement de protection.
Même sil existe une capacité de détection ou didentification de matières radioactives, ce ne sont pas les agents de secours durgence qui en disposent.
Seules certaines autorités provinciales et fédérales et les organisations industrielles, médicales et universitaires propriétaires de sources radiologiques détiennent lexpertise en matière de décontamination.
Le pays na aucun modèle type dintervention municipale en cas durgence relative au terrorisme radiologique ou nucléaire qui servirait à guider la police, les pompiers, les services médicaux durgence et les autorités locales dans lélaboration de plans locaux, dententes de collaboration entre institutions et de protocoles opérationnels.
Les événements récents ont ramené les questions de sécurité au premier plan des préoccupations de tous les parlements du monde. La probabilité des menaces terroristes telles que celles mentionnées dans le présent document, particulièrement le terrorisme radiologique (bombe sale) est faible, mais elle existe. La communauté internationale doit se pencher sérieusement sur les questions relatives au terrorisme nucléaire, qui pourrait devenir la forme ultime de terrorisme. Les questions et les défis sont nombreux et complexes. Pour le Canada, les principaux défis consistent à renforcer ses plans dintervention en cas durgence et sa capacité de faire face aux menaces terroristes, et à assurer un niveau de sécurité suffisant pour toutes les matières et tous les déchets nucléaires, afin déviter que les menaces se concrétisent. Ce bref aperçu des activités nucléaires réalisées au Canada visait principalement à faire connaître les sources éventuelles de ces matières et de ces déchets. Le document a également fait mention des ressources et des plans nationaux en cas durgence conçus pour réagir aux menaces nucléaires. La capacité antiterroriste du Canada a été critiquée dans le passé. Dans sa réponse au Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignements, le gouvernement du Canada sétait engagé à élaborer une stratégie de renforcement de sa capacité antiterroriste et de sa capacité dintervention en cas durgence. Des lacunes dans ces capacités ont en fait été relevées dans un document de 2001 du Solliciteur général, que divers intervenants et groupes intéressés de tout le pays peuvent maintenant étudier, pour ensuite faire connaître leurs critiques et leurs suggestions.
(1) Bernard Anet, Nuclear terrorism: the ultimate form of terrorism?, Laboratoire Spiez, Département de la physique et des questions nucléaires, Ministère fédéral de la Défense, de la Protection civile et des Sports, Spiez (Suisse), 2001.
(2) Solliciteur général du Canada, Élaboration doptions pour accroître la capacité nationale de gestion des répercussions en cas dincident terroriste, Ottawa, 2001.
(3) Bruce Blair, What if the terrorists go nuclear? Center for Defense Information, Washington (DC) 2001.
(4) Jean-Luc Bourdages, Projet de loi C-27 : Loi concernant la gestion à long terme des déchets de combustible nucléaire, Résumé législatif LS-405F, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2001.
(5) Le projet de loi, qui a fait lobjet dune deuxième lecture le 2 octobre 2001, a été renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, dont le rapport a été présenté le 22 novembre 2001.
(6) World Nuclear Association, Gestion des déchets radioactifs, Londres. De plus amples renseignements sur les catégories de déchets radioactifs ainsi que sur leur gestion et dautres questions connexes peuvent être obtenus sur ce site Web (date de consultation : 11 janvier 2002).
(7) Bureau de gestion des déchets radioactifs de faible activité, Inventaire des déchets radioactifs au Canada, Ottawa, 1999.
(8) Blair (2001).
(9) Ibid.
(10) Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), Foire aux questions La sécurité nucléaire au Canada, Ottawa, 2001, U.S. Nuclear Regulatory Commission, NRC reacts to terrorist attacks, Washington (DC), 2001, Mark Henderson, « Nuclear reactors vulnerable to attack », The Times, Londres, 27 septembre 2001.
(11) CCSN, Foire aux questions La sécurité nucléaire au Canada (2001).
(12) Henderson (2001).
(13) Commission canadienne de sûreté nucléaire, Fiche dinformation : La CCSN et la sécurité nucléaire après le 11 septembre 2001, Ottawa, 2001.
(14) Blair (2001).
(15) Carson Mark, Theodore Taylor, Eugene Eyster, William Maraman et Jacob Wechsler, Can Terrorists Build Nuclear Weapons?, Nuclear Control Institute, Washington (DC), (date de consultation : 11 janvier 2002).
(16) Anet (2001).
(17) Mark et al. (2002).
(18) Ibid.
(19) Blair (2001).
(20) Samuel Glasstone et Philip J. Dolan (dir.), The effects of nuclear weapons, 3e édition, United States Department of Defense and Energy Research and Development Administration, Washington (DC), 1977, que lon peut consulter sur le site Web de la Federation of American Scientists.
(21) World Nuclear Association (2002).
(22) Glasstone et Dolan (1977).
(23) Anet (2001).
(24) Commission canadienne de sûreté nucléaire, Rapport annuel 2000-2001, Ottawa, 2001.
(25) Ibid.
(26) Bureau de gestion des déchets radioactifs de faible activité (1999) et Commission canadienne de sûreté nucléaire, Rapport annuel 2000-2001.
(27) Bureau de gestion des déchets radioactifs de faible activité (1999).
(28) Direction de lhygiène du milieu, Santé Canada, Bureau de la radioprotection, Ottawa, 2001.
(29) Toronto Western Hospital, Homepage, University Health Network, Toronto, (date de consultation : 11 janvier 2002).
(30) Blair (2001).
(31) Oak Ridge Institute for Science and Education, Radiation Emergency Assistance Center/Training Site, Oak Ridge, Tennessee, 2001.
(32) Direction de lhygiène du milieu, Santé Canada (2001).
(33) Santé Canada, Le Plan fédéral dintervention en cas durgence nucléaire, Ottawa, 2000.
(34) Cette unité spécialisée a été critiquée récemment pour sa préparation insuffisante aux situations durgence en cas dattaques terroristes soudaines dans la région dOttawa (Rick Mofina, « Military ill-prepared for attack on Ottawa: Response team based near Toronto would take 14 hours to set up in capital », The Ottawa Citizen, 11 janvier 2002).
(35) Solliciteur général du Canada (2001).
(36) Ibid.