PRB 02-28F
EXEMPTIONS FÉDÉRALES EN CAS
DE FAILLITE
Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 23 octobre 2002
TABLE DES MATIÈRES
EXEMPTIONS PROVINCIALES ET TERRITORIALES
B. Angleterre et Pays de Galles
RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INSOLVABILITÉ PERSONNELLE
EXEMPTIONS FÉDÉRALES EN CAS DE FAILLITE
Lorsqu’une personne déclare faillite, un syndic prend possession de ses biens, qui servent alors à régler les dettes en souffrance de la personne concernée. Cependant, ni le syndic, ni donc les créanciers, n’ont droit aux biens visés par une exemption aux termes de la législation sur la faillite. Les biens exemptés de la saisie demeurent la propriété du débiteur.
L’article 67 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI)(1) établit trois catégories générales de biens insaisissables :
Or, la seconde catégorie de biens insaisissables – dont le contenu est établi par les provinces et les territoires et qui est incorporée à la législation fédérale à l’article 67 de la LFI – pose un certain nombre de problèmes.
Les détracteurs du régime actuel affirment qu’en laissant aux provinces et aux territoires le soin d’établir les exemptions relativement à la faillite, on suscite des inégalités dans le traitement des faillis et on risque même d’encourager le « magasinage », surtout si les exemptions sont sensiblement différentes d’une province à l’autre.
En revanche, les partisans du régime signalent que celui-ci permet de tenir compte des différences au niveau du coût de la vie et de l’usage des biens.
En avril 2002, la Direction des politiques du droit corporatif et de l’insolvabilité d’Industrie Canada a publié un document de travail intitulé Enjeux liés à l’insolvabilité des consommateurs(2) dans lequel on étudie plusieurs questions, notamment la suivante : vaudrait-il mieux ajouter à la LFI une liste d’exemptions fédérales uniformes?
EXEMPTIONS PROVINCIALES ET TERRITORIALES
Si l’on veille à ce que les faillis puissent conserver certains biens, c’est pour des raisons fondamentales : toute personne doit disposer de l’essentiel comme des vêtements, des biens d’ameublement et les articles dont elle a besoin pour gagner sa vie. Certaines lois considèrent aussi comme insaisissables certaines formes d’épargne-retraite pour encourager les gens à économiser en vue de leur retraite. De toute façon, il ne serait utile à personne de dépouiller les faillis de tous leurs biens.
L’examen des exemptions provinciales et territoriales révèle d’assez vastes différences, de même que des dispositions désuètes complètement dépassées en raison de l’inflation et des changements sociaux. En voici quelques exemples.
En Colombie-Britannique, par exemple, un failli peut conserver :
En Alberta, sont exemptés :
En Ontario, sont exemptés :
Cependant, l’Ontario, non plus que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard, n’exempte l’avoir propre dans des biens immobiliers.
Terre-Neuve et Labrador exempte :
Le régime d’exemptions de l’Australie s’applique dans l’ensemble du pays. Il comporte une liste d’exemptions dont certaines peuvent être corrigées par les tribunaux ou les créanciers.
Les principales exemptions sont les suivantes :
L’un des aspects les plus notables du système australien est sa souplesse. Par exemple, le montant de l’exemption concernant les biens ménagers n’est pas établi dans la loi mais repose sur une évaluation de ce qui est raisonnablement nécessaire compte tenu des normes sociales ou est fixé par règlement ou après entente avec les créanciers. De même, les créanciers ou le tribunal peuvent relever la valeur établie d’un bien servant à gagner un revenu, et la valeur établie d’un bien insaisissable servant au transport peut être augmentée avec l’accord des créanciers.
Dans l’examen du régime australien, les auteurs du document de travail d’Industrie Canada font remarquer l’absence d’exemption à l’égard de la valeur nette de la maison ou des terres agricoles du failli. Ils notent aussi que les avantages qu’offre la possibilité de s’adresser au tribunal ou aux créanciers pour faire relever le montant exempté ne l’emportent pas nécessairement sur les inconvénients que présente cette formule compte tenu du temps et des dépenses que ces démarches représentent(4).
B. Angleterre et Pays de Galles
Le régime de l’Angleterre comporte deux catégories d’exemptions, l’une concernant les biens dont le failli a besoin pour gagner sa vie et l’autre visant les biens ménagers nécessaires pour répondre aux besoins élémentaires du failli.
Entrent dans ces deux catégories :
Ce régime, qui ne prévoit pas de limite monétaire relativement aux biens exemptés, est très souple. Le syndic de faillite établit la valeur des biens insaisissables du failli en fonction de la situation personnelle et familiale de celui-ci(6).
Aux États-Unis, les exemptions fédérales sont énoncées dans le Bankruptcy Code(7) fédéral. Les États sont cependant libres de se retirer du régime et d’empêcher leurs résidents de se prévaloir des exemptions fédérales. Les faillis peuvent choisir entre les exemptions de l’État et les exemptions fédérales si leur État de résidence ne s’est pas retiré du régime fédéral.
Les exemptions fédérales sont les suivantes :
Chaque État a ses propres exemptions, certaines étant plus généreuses que celles des autres États ou que les exemptions fédérales. Six États(9), notamment la Floride et le Texas, accordent une exemption illimitée à l’égard de la propriété familiale, ce qui permet aux faillis de mettre à l’abri de leurs créanciers la valeur totale de leur maison.
D’autres États offrent des exemptions plus limitées à l’égard de la propriété familiale, bien que certaines soient assez généreuses. La majorité sont en fait bien plus généreuses que les exemptions correspondantes accordées au Canada.
Le régime américain, qui est un patchwork d’exemptions qui varient considérablement d’un État à l’autre, est critiqué à plusieurs égards. Les débiteurs sont traités de manière très différente selon leur lieu de résidence, ce qui multiplie les occasions de « magasinage » et de conversion des avoirs avant une faillite. Pour beaucoup, ce manque d’uniformité compromet l’intégrité du système des faillites. Beaucoup de gens réclament donc l’élimination de la possibilité pour les États de se retirer du régime fédéral d’exemptions de manière que les débiteurs et les créanciers soient assujettis au même régime en cas de faillite personnelle, où qu’ils soient aux États-Unis.
RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INSOLVABILITÉ PERSONNELLE
Le Groupe de travail sur l’insolvabilité personnelle (GTIP)(10) a été constitué en 2000 par le surintendant du Service des faillites pour formuler des recommandations relativement aux faillites de consommateurs au Canada.
Le GTIP a étudié le régime d’exemptions courant et a proposé la liste suivante d’exemptions fédérales (corrigée périodiquement pour tenir compte de l’inflation) dont les faillis pourraient choisir de se prévaloir en lieu et place des exemptions provinciales ou territoriales :
Dans le modèle que propose le GTIP, un failli pourrait choisir les exemptions fédérales ou les exemptions provinciales applicables. Dans les cas de déclaration conjointe de faillite, chaque failli pourrait faire son choix indépendamment de l’autre comme s’il s’agissait de deux faillites séparées. En cas d’impasse, c’est le régime d’exemptions fédéral qui s’appliquerait(12).
Les auteurs du document de travail d’Industrie Canada Enjeux liés à l’insolvabilité des consommateurs s’interrogent sur l’opportunité d’adopter un régime fédéral uniforme aux termes de la LFI. Ils examinent quatre modèles :
Les auteurs du document de travail indiquent que le régime actuel pose des problèmes d’équité et concluent qu’une « liste d’exemptions fédérale inscrite dans la LFI pourrait donc offrir plus de certitude et d’équité »(13).
Ils déclarent en outre qu’il faudrait qu’une liste de cette nature soit souple pour s’adapter aux conditions particulières des faillis et qu’il faudrait la revoir régulièrement pour tenir compte de l’augmentation du coût de la vie et s’assurer qu’elle demeure pertinente et utile(14).
La question de l’opportunité d’adopter une liste type d’exemptions fédérales aux termes de la LFI va assurément susciter beaucoup de discussions lors de la révision prochaine par le Parlement de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
Certains diront sans doute qu’il est opportun et nécessaire d’établir une liste d’exemptions fédérales simplement par ce qu’il est normal que ceux qui se prévalent de la protection d’une loi fédérale soient assujettis à des montants établis par les autorités fédérales. En outre, une liste d’exemptions fédérales permettrait un traitement plus uniforme et plus juste des créanciers et des débiteurs.
D’autres diront que le fait d’établir une liste d’exemptions fédérales donne aux décisionnaires la possibilité d’introduire une certaine souplesse dans le régime et autorise des révisions périodiques des exemptions visant à tenir compte de l’inflation et des changements sociaux et des adaptations selon la situation particulière de chaque créancier.
Il reste que l’adoption d’exemptions fédérales aura sans doute aussi ses détracteurs. Certains diront que le régime actuel d’exemptions établies par les provinces et les territoires fonctionne bien par ce qu’il permet de tenir compte des différences d’une province ou d’un territoire à l’autre pour ce qui est du coût de la vie, de l’activité économique et de l’usage des biens. Ils diront sans doute aussi que les différences entre les types et montants des exemptions sont minimes et ne compromettent pas l’intégrité du processus canadien de faillite.
(1) L.R. 1985, c. B-3, modifié.
(2) Industrie Canada, Direction des politiques du droit corporatif et de l’insolvabilité, Enjeux liés à l’insolvabilité des consommateurs, document de travail, 23 avril 2002.
(3) Ibid., p. 11-12.
(4) Ibid., p. 12.
(5) Ibid.
(6) Ibid.
(7) United States Code, Titre 11, Chapitre 5, Section 522.
(9) Texas, Floride, Kansas, Dakota du Sud, Iowa et Oklahoma.
(10) Le GTIP est composé de parties concernées comme des représentants des créanciers et des débiteurs, des membres de l’appareil judiciaire, des avocats, des syndics, un membre de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et un certain nombre d’universitaires spécialistes du droit de la faillite.
(11) Enjeux liés à l’insolvabilité des consommateurs (2002), p. 13.
(12) Ibid.