Direction de la recherche parlementaire |
MR-136F
LA CESSION DE BREVETS ET LE CONSEIL
Rédaction :
Margaret Smith
TABLE DES MATIÈRES
LA CESSION DE BREVETS ET LE CONSEIL DEXAMEN
Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (le « Conseil » ou le « CEPMB ») a été créé en 1987 par suite de modifications à la Loi sur les brevets. Le Conseil est un organisme indépendant et quasi-judiciaire qui a pour mandat : 1) de faire en sorte que les prix exigés par les titulaires de brevets pour des médicaments brevetés ne soient pas excessifs; 2) de faire rapport chaque année sur la tendance des prix dans l'industrie pharmaceutique; et 3) de faire rapport chaque année sur le taux des dépenses en recherche et développement (R-D) par rapport au chiffre d'affaires, par breveté et pour tout le secteur pharmaceutique. Le Conseil examine les prix des produits pharmaceutiques et vétérinaires brevetés, à l'exclusion des produits pour lesquels il n'y a pas de brevet canadien et des médicaments génériques faisant l'objet d'une licence obligatoire. Le Conseil examine le prix auquel le titulaire vend le médicament breveté; il s'agit généralement du prix d'usine consenti au grossiste, à l'hôpital où à la pharmacie. Les prix de détail ne relèvent pas du Conseil. Pour établir si le prix d'un médicament breveté est excessif, le Conseil doit tenir compte des facteurs stipulés dans la Loi sur les brevets :
Le 15 février 1993, d'autres changements à la Loi sur les brevets sont entrés en vigueur. Entre autres, ils ont donné au Conseil de nouveaux pouvoirs et correctifs face aux prix excessifs. Si le Conseil constate qu'on a vendu un médicament à un prix excessif, il peut ordonner une baisse du prix. Il peut également ordonner une réduction plus considérable afin de compenser les revenus excessifs déjà engendrés. On peut également récupérer ce trop-perçu au moyen de paiements à l'État. Cependant, si le Conseil découvre qu'il y avait une politique de vente dun médicament à un prix excessif, il peut ordonner au breveté de réduire ce prix ou de payer une amende correspondant au double du trop-perçu estimé. Depuis la création du Conseil, on constate une augmentation marquée du nombre de médicaments dont le brevet a été cédé au domaine public, c'est-à-dire que son titulaire y a renoncé et l'a cédé au public canadien en en informant le Commissaire aux brevets. Par cette cession, le breveté renonce à ses droits exclusifs et, présumément, à ses droits de recours contre d'éventuels contrevenants. Même si la Loi sur les brevets ne reconnaît pas ce procédé ou ne le prévoit pas, la cession de brevets se pratique au Canada depuis de nombreuses années. Jusqu'à récemment, le Conseil cessait d'examiner le prix d'un médicament dont le ou les brevets avaient été cédés. En 1995, devant laccroissement du nombre de cas de cession de brevets pharmaceutiques, le Conseil a changé de politique, estimant que certaines cessions avaient pour but d'éviter son intervention. Dans les notes qui suivent, nous examinons les déclarations récentes du Conseil sur les cessions de brevets et les événements qui y ont mené. En janvier 1995, le Conseil a publié, pour avis et commentaires, la proposition selon laquelle il ne s'abstiendrait plus d'examiner les prix après la cession d'un brevet (Conseil d'examen du prix des médicaments, Bulletin, quinzième numéro, janvier 1995). Les décisions du Conseil sur cette proposition ont paru dans le Bulletin d'octobre 1995 (dix-septième numéro). Le Conseil a reçu 38 commentaires sur sa proposition. En général, les groupes de consommateurs, les ministères de la santé des provinces et les associations de pharmaciens, de médecins, d'infirmières et dhôpitaux ont approuvé la proposition. Les fabricants de médicaments, et curieusement, l'industrie des médicaments génériques, s'y sont opposé. L'Association canadienne des fabricants de médicaments, représentant le secteur générique, sest opposée en partie parce qu'elle estime que la proposition découragerait les brevetés de céder leur brevet et nuirait donc à la compétitivité de ce secteur. Entre 1969 et le milieu de 1995, 637 brevets, appliqués à divers produits, ont été cédés au domaine public. Les compagnies pharmaceutiques en avaient cédé 449 (71 p. 100 du total), dont 447 (99,6 p. 100) depuis 1988, première année de fonctionnement du Conseil. Les données du Conseil révèlent en outre que les brevets pharmaceutiques représentaient 1 p. 100 environ des cessions avant la création de celui-ci, mais 93 p. 100 depuis. Notons que plusieurs brevets peuvent s'appliquer au même médicament. Les plus de 400 brevets cédés par l'industrie pharmaceutique concernent donc un nombre moindre de produits. Les données du Conseil indiquent qu'entre 1989 et la fin de 1994, 134 médicaments ont été cédés. Les recherches du Conseil révèlent en outre que cette épidémie de cessions semble n'avoir eu lieu qu'au Canada, même si d'autres États (comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie) ont, contrairement au Canada, des lois sur les brevets qui autorisent explicitement la cession. L'examen des
136 médicaments cédés révèle que 43 au moins avaient été vendus à des prix
supérieurs aux directives du Conseil pendant un certain temps avant l'expiration
effective du brevet, après la cession. Le Conseil estime que les cessions de brevets dans
le secteur pharmaceutique ont coûté à la société canadienne quelque 39,9
millions de dollars pendant cinq ans et demi, soit entre le 1er janvier
1989 et le 1er juillet 1995 (voir tableau). Estimation du coût, pour la société, des cessions de brevets au Canada
Source : CEPMB, Bulletin, dix-septième numéro, p. 6
La décision du Conseil de cesser l'examen des prix des médicaments après leur cession se retrouve dans le Quatrième rapport annuel pour l'année terminée le 31 décembre 1991 : « Lorsqu'un titulaire de brevet canadien abandonne au domaine public ses droits de propriété exclusifs à l'égard du brevet, le produit médicamenteux ainsi visé ne relève plus de la compétence du Conseil d'examen des médicaments » (p. 6). La question de la cession des brevets a refait surface en 1992, quand le Conseil a émis le premier avis d'audition concernant l'Activase. Peu après que le Conseil a entrepris les procédures d'examen du prix de ce médicament, les brevetés, Genetech Inc. et Genetech Canada Inc., en ont cédé les brevets au domaine public et indiqué au Conseil qu'ils contestaient sa juridiction à cause du fait que l'Activase n'était plus un médicament breveté. Dans la décision rendue sur cette question en août 1992, le Conseil présente ses inquiétudes face au recours à la cession de brevets pour éviter l'examen des prix :
Par la suite, le Conseil a obtenu un avis juridique indépendant selon lequel l'effet de la cession d'un brevet ne retire pas au Conseil sa juridiction sur un breveté parce que la Loi sur les brevets ne prévoit pas explicitement la cession des brevets au domaine public.
À compter du 30 janvier 1995, le Conseil a recommencé à exercer sa juridiction sur les produits dont les brevets avaient été cédés, et cela jusqu'à l'échéance du brevet ou son annulation ou aliénation conformément à la Loi sur les brevets; en d'autres mots, la cession n'affecte pas la juridiction du Conseil. Cette affirmation de juridiction pourrait fort bien réduire le nombre de cessions de brevets de médicaments. Elle pourrait également donner lieu à des contestations judiciaires de la part des brevetés. |