MR-141F

MINES TERRESTRES

Rédaction :
Michael Dewing, Wolfgang Koerner
Division des affaires politiques et sociales
Le 23 septembre 1996
Révisé le 25 septembre 2003


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

TYPES DE MINES

DÉPLOIEMENT ET DÉMINAGE

VERS UNE INTERDICTION GÉNÉRALE

LA CONVENTION D’OTTAWA

PROGRÈS ENREGISTRÉS DEPUIS LA SIGNATURE DE LA CONVENTION D’OTTAWA


MINES TERRESTRES

INTRODUCTION

L’aspect sans doute de plus ironique des systèmes d’armes modernes est que ce sont les mines les plus petites et les moins chères, à savoir les mines antipersonnel, qui sont à l’origine des souffrances les plus longues.  Malgré les efforts déployés au niveau international pour débarrasser la planète de ces engins, on estime que de 45 à 50 millions de mines antipersonnel demeurent éparpillées dans 82 pays, et que, chaque semaine, elles tuent ou mutilent de 300 à 400 personnes, pour la plupart des civils.  Une vingtaine de pays, dont l’Afghanistan, l’Angola, la Croatie, l’Égypte et le Cambodge, sont plus particulièrement touchés par le problème des mines terrestres et des munitions non explosées.  En outre, on estime que 200 millions de mines sont stockées à travers le monde.

Le problème des mines terrestres est aggravé du fait qu’il coûterait entre 200 et 300 milliards de dollars pour déblayer tous les champs de mines du monde entier.  Il peut coûter jusqu’à 1 000 $ pièce pour enlever des mines qui se vendent pour aussi peu que trois dollars sur le marché libre.  Si on les laisse en place, elles peuvent continuer à causer des blessures longtemps après avoir été posées.  Compte tenu de la nature des blessures subies, les coûts économiques et humains peuvent être énormes.  En Afghanistan, par exemple, on estime qu’il faut compter 9 000 $ pour assurer le traitement et la réadaptation de chaque personne qui a survécu à l’explosion d’une mine.  L’économie fragile de nombreux pays infestés de mines ne peut supporter ni le coût des programmes de déminage ni celui de la réadaptation des victimes.

En 1997, la prise de conscience du problème au niveau international a mené à la signature de la Convention d’Ottawa interdisant l’utilisation et la production des mines antipersonnel.  Depuis cette date, 134 pays ont ratifié la convention, le nombre de pays produisant des mines a diminué, le volume des stocks mondiaux a été réduit et le nombre de personnes tuées ou mutilées a baissé.  Cependant, comme l’a souligné le RAND Science and Technology Policy Institute, si la localisation et l’élimination des mines continuent au rythme actuel, il faudra environ 450 ans pour éliminer toutes les mines qui ont été posées à travers le monde, et ce, si aucune nouvelle mine n’est posée.  Le défi consiste donc à  aller au-delà du progrès accompli par l’interdiction des mines et le nettoyage des champs de mines.

TYPES DE MINES

Il existe, en tout, plus de 700 différents types de mines terrestres qui se divisent en deux grandes catégories : les mines antichar (ou anti-véhicule) et les mines antipersonnel.  Elles vont de la simple boîte de bois chargée de dynamite à la mine « magnétique » perfectionnée qui peut être calibrée pour exploser sous la partie la plus vulnérable d’un véhicule.  Les mines sont conçues pour être enterrées à la main, larguées d’un aéronef ou tirées d’un « projecteur de mines » ressemblant à un canon, qui peut lancer des mines jusqu’à une distance de 36 mètres.

On peut, selon le genre de blessures qu’elles infligent, diviser les mines antipersonnel en deux sous-catégories : celles à effet de souffle et celles à déflagration.  Les mines à effet de souffle causent des blessures en provoquant une explosion vers le haut, qui détruit une partie de la jambe et fait pénétrer de la saleté et des débris dans la blessure.  Après le démembrement initial, l’infection progresse et exige souvent, avec le temps, des amputations répétées de la jambe.  Les mines les plus courantes de ce type sont la M‑14, de fabrication américaine et dotée d’une enveloppe plastique, ainsi que la PMN, de fabrication soviétique, qui ont toutes deux été des mines de prédilection au Cambodge et ne peuvent être désamorcées.

Les mines à fragmentation explosent sous l’effet d’une pression ou grâce à un déclencheur à fil tendu.  Des fragments de métal ou de plastique sont alors projetés dans un « rayon létal ».  La victime peut souffrir de traumatismes, être mutilée et mourir lentement ou rapidement, selon la puissance de la mine et la proximité à laquelle elle se trouvait de celle-ci. Parmi les mines à fragmentation, on retrouve le modèle POMZ‑2 soviétique, la Claymore USM‑18 américaine et la Valmara 69, produite à Singapour.  La Claymore a un rayon létal de 50 mètres, et la Valmara projette plus de 1 000 fragments de métal dans un rayon de plus de 25 mètres.  Les « mines bondissantes », celles qui bondissent vers le haut comme leur nom l’indique, comprennent le modèle soviétique OZM‑3, qui peut détruire tout ce qui se trouve dans un rayon de 25 mètres, et la M‑16, de fabrication américaine.

Il va de soi que les mines antichar sont plus grosses et possèdent des charges plus puissantes – jusqu’à 10 kilogrammes d’explosifs, par comparaison à quelques grammes d’explosif seulement dans la plupart des mines antipersonnel.  Une mine antichar peut peser jusqu’à 15 kilogrammes.  Cependant, c’est la mine antipersonnel qui fait le plus de ravages parmi les populations civiles.

DÉPLOIEMENT ET DÉMINAGE

Le déploiement stratégique des mines terrestres peut assurer une protection efficace des bases militaires et des installations clés.  Ces mines peuvent servir à protéger des flancs découverts, à empêcher l’ennemi d’emprunter des routes et d’occuper des positions stratégiques, à restreindre son champ de manœuvre et à le forcer à déployer ses unités là où elles seront le plus vulnérables.  Elles peuvent également appuyer l’artillerie lourde.

Cependant, bien que les mines terrestres aient des applications militaires bien déterminées, elles feront nécessairement, en raison de leur nature, de leur conception et de leur déploiement en grand nombre, des victimes parmi la population civile.  En particulier, lors d’opérations anti-guérilla où le contrôle du terrain change souvent de main, le déploiement de mines aura des conséquences longtemps après la fin des hostilités.  Ce n’est pas une coïncidence s’il y a alors des pertes civiles, mais un fait inévitable.

La neutralisation des mines exige une formation spécialisée et demeure un processus fastidieux et dangereux.  Les mines sont souvent conçues et posées afin d’en rendre la détection le plus difficile possible.  En outre, les progrès technologiques aggravent le problème, parce que la plupart des mines modernes sont maintenant faites de plastique et peuvent ne contenir que d’infimes particules de métal, voire aucune.  Les nouveaux modèles peuvent également contenir des allumeurs électroniques perfectionnés qui rendent le déminage encore plus dangereux.

VERS UNE INTERDICTION GÉNÉRALE

Étant donné l’ampleur internationale du problème des mines terrestres, un consensus a lentement commencé à se dégager dans les années 1990 au sujet de la nécessité d’interdire les mines antipersonnel.  Le Canada a convenu d’en interdire à la fois la production et l’exportation.  En 1992, les États-Unis ont adopté une loi imposant un moratoire d’un an sur la vente, l’exportation ou le transfert de mines antipersonnel.  Ce moratoire a par la suite été prolongé de quatre autres années.  En septembre 1994, le président Clinton a appuyé l’idée de « l’élimination ultérieure » des mines antipersonnel et, la même année, les États-Unis ont parrainé une résolution en ce sens devant l’Assemblée générale des Nations Unies.  La résolution a été adoptée par consensus en décembre 1994.

Le 3 mai 1996, les négociateurs participant à la première conférence d’examen de la Convention sur les armes classiques ont approuvé la révision du protocole sur les mines terrestres (Protocole II), qui impose de nouvelles limites en ce qui concerne l’utilisation, la production et le transfert des mines antipersonnel.  Les parties au Protocole de la Convention seront tenues d’intégrer des dispositifs d’autodestruction et d’autoneutralisation dans les mines antipersonnel utilisées hors des zones marquées, surveillées par du personnel militaire et protégées par une clôture, ainsi que dans les mines posées à distance.  Le protocole révisé exige également que toutes les mines terrestres antipersonnel produites après le 1er janvier 1997 contiennent des matériaux ou des dispositifs visant à les rendre plus faciles à repérer.

On n’est pas parvenu à négocier une interdiction générale et immédiate des mines antipersonnel durant le processus d’examen, principalement en raison de l’opposition ferme d’un certain nombre de pays dont la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan.  De plus, les tentatives de réduction des dangers du déminage grâce à l’interdiction des mines équipées d’un dispositif antimanipulation sont demeurées vaines, en grande partie parce que ces dispositifs sont également placés sur les mines antipersonnel jointes aux mines antichar.

Une autre lacune du protocole concerne la difficulté de distinguer les mines antichar des mines antipersonnel.  Le Protocole II ne traite que des mines antipersonnel, mais les percées technologiques sont toutefois tellesque les mines antichar pourraient bientôt être suffisamment petites pour être dispersées et pouvoir être déclenchées par un poids moindre.  Ces mines sont dorénavant placées dans une enveloppe destructible préformée et elles sont optimisées afin de frapper les personnes – c’est-à-dire qu’elles sont également des dispositifs antipersonnel.  Ces mines « hybrides » ont poussé le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à remettre en question la définition de mine antipersonnel incluse dans le protocole : « mine principalement conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d’une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes ».  Selon le CICR, « si des munitions sont conçues de manière à pouvoir être utilisées comme mines antipersonnel et à d’autres fins, elles devraient nettement être considérées comme mines antipersonnel et être réglementées comme telles ».

Parmi les aspects positifs du Protocole II :

Parmi les autres efforts déployés afin de régler le problème des mines terrestres, notons l’initiative prise par le Canada afin de convaincre la communauté internationale de ne pas se contenter des mesures visant les mines antipersonnel prises dans le cadre de la Convention sur les armes classiques, et de chercher plutôt à décréter une interdiction générale de ces types d’armes.  Afin de poursuivre cet objectif, le gouvernement du Canada a été l’hôte d’une conférence stratégique internationale en octobre 1996.  Plus de 50 pays y ont pris part, et les participants ont formulé une déclaration en faveur de la conclusion, dans les plus brefs délais possibles, d’un traité interdisant les mines antipersonnel.  Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lloyd Axworthy, les a mis au défi de revenir au Canada en décembre 1997 pour y négocier et y signer un traité. 

LA CONVENTION D'OTTAWA

Dans le cadre de ce que l’on a qualifié de « Processus d’Ottawa », une série de rencontres diplomatiques a suivi, réunissant non seulement les représentants de gouvernements, mais également d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales, dont la coalition connue sous le nom de Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres (CIMT).  Une première réunion s’est tenue à Vienne, en février 1997, et elle a porté sur le projet de convention, puis une réunion de suivi a eu lieu à Bruxelles en juin et trois semaines de négociations ont eu lieu à Oslo, en septembre suivant.   La nouvelle Convention d’Ottawa – Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction– a été ouverte à la signature et signée par 122 pays lors d’une conférence organisée à Ottawa en décembre 1997.  La semaine suivante, la CIMT et son ancienne coordonnatrice, Jody Williams, se voyaient décerner le Prix Nobel de la paix.

Moins de neuf mois après la conférence d’Ottawa, 40 pays avaient ratifié la Convention ou y avaient adhéré; le nombre fixé pour son entrée en vigueur a ainsi été atteint.  Depuis le 1er mars 1999, date de son entrée en vigueur, la Convention a été signée par de nombreux autres pays et, au 31 juillet 2003, 146 pays l’avaient signée et 134 l’avaient ratifiée ou y avaient adhéré.  Il est important de remarquer, cependant, qu’un certain nombre de grands pays, dont les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde et le Pakistan, n’ont toujours pas signé la Convention.

Les États qui ont ratifié la Convention s’engagent à :

La Convention comporte également des dispositions relatives à la production de rapports et à l’organisation d’assemblées annuelles afin d’examiner son application. 

Le Canada a été le premier pays à ratifier la Convention.  Il avait alors déjà détruit ses stocks de mines antipersonnel.  De plus, le Canada a versé, par l’intermédiaire du Fonds canadien contre les mines terrestres, plus de 100 millions de dollars à des programmes d’action contre les mines antipersonnel dans plus de 25 pays.

PROGRÈS ENREGISTRÉS DEPUIS LA SIGNATURE DE LA CONVENTION D'OTTAWA

Dans son Rapport 2003 de l’Observatoire des Mines(1), la CIMT fait remarquer que, bien que 134 pays soient désormais parties à la Convention d’Ottawa, 47 pays n’y ont toujours pas adhéré.  Parmi ceux-ci figurent trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – la Chine, la Russie et les États-Unis –, la majorité des pays du Moyen-Orient et des anciennes républiques soviétiques ainsi qu’un grand nombre d’États asiatiques.  Leurs stocks totalisent environ 200 millions de mines antipersonnel.

Malgré la réticence de ces pays, d’importants progrès ont été accomplis pour ce qui est de réduire l’utilisation des mines terrestres.  Le rapport de la CIMT indique que, de mai 2002 à mai 2003, le nombre de gouvernements et d’acteurs non étatiques (tels que des groupes de rebelles) qui ont employé des mines antipersonnel a été moins important que l’année précédente, que la production de mines terrestres a baissé et que des millions de mines antipersonnel stockées ont été détruites.  Cependant, durant la même période, 82 pays ont été aux prises, à des degrés divers, avec le problème des mines terrestres et/ou des munitions non explosées et, bien que les victimes de mines terrestres recensées ait été moins nombreuses, leur nombre se situe toujours entre 15 000 et 20 000 par an.

Le Canada continue de jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la Convention d’Ottawa.  Il s’est donné un « ambassadeur à l’action contre les mines » qui joue le rôle d’émissaire international du Canada dans toutes les affaires touchant à la mise en œuvre de la Convention.  Ross Hynes a été nommé à ce poste en 2002.

En novembre 2002, le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, a annoncé que 72 millions de dollars supplémentaires seraient affectés au Fonds canadien contre les mines terrestres.  Cette somme doit être versée sur une période de cinq ans, qui a débuté en avril 2003, et servir à financer des programmes internationaux d’action contre les mines terrestres tels que des programmes de déminage, d’aide aux victimes des mines et à leurs communautés, de sensibilisation aux risques des mines et de destruction des mines stockées.  Cette somme servira également à promouvoir une adhésion universelle à la Convention et à soutenir l’élaboration de technologies canadiennes d’action contre les mines.

Depuis la signature de la Convention d’Ottawa, en 1997, les États parties se sont réunis à cinq reprises.  La première conférence d’examen doit se tenir du 29 novembre au 3 décembre 2004 et l’on espère que les gouvernements renouvelleront à cette occasion leur engagement à l’égard des objectifs de la Convention.


(1)   International Campaign to Ban Landmines, Landmine Monitor Report 2003: Toward a Mine-Free World.