Direction de la recherche parlementaire


MR-144F

 

PROLONGATION DE LA DURÉE DES BREVETS
RELATIFS AUX PRODUITS PHARMACEUTIQUES

 

Rédaction  Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement

Le 20 février 1997

 


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

ÉTATS-UNIS

   A.  La Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act of 1984

   B.  La Orphan Drug Act

JAPON

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

AUSTRALIE

CANADA


 

PROLONGATION DE LA DURÉE DES BREVETS
RELATIFS AUX PRODUITS PHARMACEUTIQUES

 

INTRODUCTION

Pour le secteur pharmaceutique innovateur, la protection par brevet est indispensable. En effet, les sociétés innovatrices ont besoin de la période garantie d'exclusivité sur le marché que leur offrent les brevets pour pouvoir assurer les prix des médicaments et ainsi récupérer les coûts de la recherche-développement (R-D) et financer la mise au point de nouveaux produits.

Comme toutes les autres inventions, les médicaments peuvent faire l'objet d'une protection par brevet s'ils satisfont aux exigences fixées par l'autorité habilitée à délivrer les brevets. Toutefois, contrairement à bien d’autres produits, ils sont, avant leur mise en vente, soumis à une batterie de tests et d'évaluations sévères destinés à prouver leur sécurité et leur efficacité. Comme beaucoup de ces vérifications sont effectuées après le dépôt de la demande de brevet, il s’écoule un certain temps entre l'invention et la mise en vente du produit. Donc, et cela est vrai pour le secteur pharmaceutique plus que pour beaucoup d’autres industries, les essais précliniques et cliniques, ainsi que les formalités réglementaires, réduisent la durée de la protection conférée par le brevet, et donc de l’exclusivité sur le marché(1).

Pour contrer ce désavantage, les sociétés innovatrices ont exercé de vigoureuses pressions pour que le système de brevets soit renforcé et pour que la réglementation soit modifiée de manière à accélérer le processus d'autorisation.

Ces dernières années, plusieurs pays industrialisés ont pris des dispositions pour prolonger la durée des brevets pharmaceutiques, afin de compenser les retards attribuables au processus d’approbation réglementaire. Dans ce document, nous exposons les mesures prises par quelques pays pour élargir la protection des produits pharmaceutiques brevetés.

ÉTATS-UNIS

Dans la plupart des pays, la durée normale du brevet est de 20 ans, à compter de la date du dépôt de la demande. Aux États-Unis, où elle était de 17 ans, à compter de la délivrance du brevet, elle a récemment été portée à 20 ans. La loi américaine est donc maintenant conforme aux accords de l'Uruguay Round du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).

   A.  La Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act of 1984

Au début des années 80 aux États-Unis, les fabricants innovateurs de médicaments, soutenant que les retards attribuables au processus d’approbation règlementaire réduisaient la durée de vie réelle de leurs brevets, ont commencé à réclamer une prolongation de la durée légale de ceux-ci. Plusieurs projets de loi ont été déposés au Congrès, mais tous ont fait l'objet d'une forte opposition de la part des groupes de consommateurs et d'autres groupes d'intérêt(2). Tout en s'opposant à une protection accrue des médicaments de marque, le secteur des médicaments génériques et les groupes de consommateurs ont rallié des appuis en faveur de réformes qui autoriseraient que les médicaments génériques puissent être vendus aussitôt que possible après l’expiration des brevets correspondants.

Ces questions de la prolongation de la durée des brevets et de l'entrée rapide des médicaments génériques sur le marché ont fait l'objet d'une loi, la Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act of 1984 («la Restoration Act»)(3). Cette loi a abrégé le délai d'approbation des médicaments génériques, afin qu'ils puissent être offerts plus rapidement sur le marché après l'expiration d'un brevet. De plus, afin d'accélérer la mise en vente de leurs produits, les fabricants de médicaments génériques peuvent utiliser un brevet non expiré aux fins de l’élaboration de leur demande d'approbation auprès de la Food and Drug Administration (FDA), sans risque d'être poursuivis pour contrefaçon(4).

Pour les fabricants de médicaments de marque, les dispositions les plus importantes de la Restoration Act sont celles qui prévoient la prolongation de la durée des brevets en fonction du temps pris pour satisfaire aux exigences réglementaires de la FDA.

La prolongation est toutefois assujettie à un certain nombre de conditions. Premièrement, le brevet ne peut pas être expiré au moment où la demande de prolongation est présentée. Deuxièmement, la durée du brevet ne doit jamais avoir été prolongée auparavant. Troisièmement, le produit doit avoir fait l'objet d'une «période réglementaire d'examen» avant d'être offert en vente au public. Quatrièmement, la demande de prolongation doit se faire après la période réglementaire d'examen applicable à la première commercialisation du médicament. Cinquièmement, la demande de prolongation doit être présentée dans les 60 jours qui suivent l'approbation par la FDA d'une demande concernant un nouveau médicament(5).

La durée de la prolongation ne peut dépasser la différence entre 14 ans et le reliquat de validité du brevet au moment où la commercialisation est autorisée, et elle ne peut pas dépasser cinq ans. Ainsi, si le brevet est encore valable pour 11 ans au moment de l'approbation du produit pour la vente, la prolongation ne peut dépasser trois ans, même si la période réglementaire d'examen a été de plus de trois ans.

Le demandeur de prolongation de brevet est tenu de s'occuper avec diligence du processus d'approbation de la commercialisation. S'il est possible de prouver que le demandeur n'a pas respecté cette condition, la période réglementaire d'examen prise en compte pour déterminer la durée de la prolongation sera amputée d'une durée équivalente au retard que le demandeur aura mis à faire ses démarches.

   B. La Orphan Drug Act

Adoptée en 1983, la Orphan Drug Act (ODA)(6) avait pour objet de compenser l'absence d'incitations financières susceptibles de pousser les manufacturiers de médicaments à mettre au point des produits destinés à soigner les maladies rares. D'après cette loi, sont considérés comme «orphelins» (orphan) les médicaments suivants : ceux qui sont conçus pour traiter un état ou une maladie intéressant moins de 200 000 personnes aux États-Unis, ou ceux pour lesquels, lorsque le nombre de personnes qu’ils visent à traiter est plus élevé, il n’existe aucune possibilité raisonnable de recouvrer, par leur vente aux États-Unis, les frais d'élaboration et les dépenses engagées pour les mettre en vente sur le marché américain.

L'ODA prévoit un certain nombre de mesures d'incitation à l'intention des fabricants de médicaments. Ces mesures vont des subventions au titre des essais cliniques et des crédits d’impôt pour les dépenses de recherche clinique et de développement, à sept ans d'exclusivité commerciale à partir du moment où le produit est approuvé pour le traitement d'une maladie particulière.

JAPON

Des dispositions visant la prolongation de la durée des brevets pharmaceutiques sont entrées en vigueur au Japon le 1er janvier 1988. Il est depuis possible de prolonger la durée d'un brevet jusqu'à cinq ans, à compter de la première expiration du brevet(7).

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

En 1992, le Conseil des Communautés européennes a adopté le règlement no 1768/92(8) qui porte création d'une protection par brevet supplémentaire pour les médicaments. Ce règlement prévoit une prolongation des brevets pharmaceutiques pouvant aller jusqu'à cinq ans.

D'après le règlement, toute prolongation est assortie d'un certain nombre de conditions. La protection supplémentaire ne peut être obtenue que si le brevet concernant le médicament est en vigueur et qu'il existe une autorisation valide de le vendre sur le marché. Un seul certificat supplémentaire de brevet peut être attribué à un médicament. De plus, la demande de protection supplémentaire doit être déposée dans les six mois de la réception de l'autorisation de commercialisation.

AUSTRALIE

L'Australie, conformément à ses obligations aux termes des accords de l'Uruguay Round du GATT, a normalisé la durée de ses brevets à 20 ans, en 1995.

D'après le rapport provisoire d'une enquête sur l'industrie pharmaceutique australienne, le gouvernement aurait l'intention d'instaurer une période compensatoire pour les produits pharmaceutiques brevetés. L'option préférée serait une durée de vie effective de 15 ans, à compter de la date où le produit reçoit une approbation de commercialisation(9).

CANADA

Au Canada, la durée normale d'un brevet est de 20 ans à compter du dépôt de la demande. Il n'existe au Canada aucune loi sur la prolongation des brevets de produits pharmaceutiques.

 


(1) On estime que la mise au point et le processus d'approbation réglementaire demandent en moyenne de 8 à 12 ans.

(2) Ronald L. Desrosiers, «The Drug Patent Term: Longtime Battleground in the Control Care Costs», New England Law Review, vol. 24, automne 1989, p. 133-134.

(3) Public Law No. 98-417, 98 Stat. 1585 (1984).

(4) Ellen J. Flannery et Peter Barton Hutt, «Balancing Competition and Patent Protection in the Drug Industry: The Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act of 1984», Food Drug Cosmetic Law Journal, vol. 40, no 3, juillet 1985, p. 308.

(5) Suzan Kucukarslan et Jacqueline Cole, «Patent Extension Under the Drug Price Competition and Patent Term Restoration Act of 1984», Food and Drug Law Journal, vol. 49, no 3, 1994, p. 511.

(6) Public Law No. 97-414, 96 Stat. 2049 (1983).

(7) J.W. Baxter, John P. Sinnott, William Joseph Cotreau, World Patent Law and Practice, Matthew Bender & Co. Inc., vol. 2, p. 16-48.

(8) Règlement (CEE) no 1768/92, Journal officiel des Communautés européennes, no L/182/1. (Le règlement est obligatoire et s'applique directement à tous les membres de la communauté; on peut en fait le comparer à une loi nationale.)

(9) Australie, Pharmaceutical Industry Inquiry, Draft Report Overview, 1995.