Direction de la recherche parlementaire


MR-145F

 

LA PROTECTION DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES
BREVETÉS AUX TERMES DES ACCORDS DE L'ORGANISATION
MONDIALE DU COMMERCE ET DE L'ACCORD
DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

Rédaction  Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement

Le 20 février 1997

 


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

DISPOSITIONS DE L'ALÉNA ET DE L'ADPIC

L'ADPIC, L'ALÉNA ET L'HOMOLOGATION OBLIGATOIRE
DES BREVETS PHARMACEUTIQUES AU CANADA


 

LA PROTECTION DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES
BREVETÉS AUX TERMES DES ACCORDS DE L'ORGANISATION
MONDIALE DU COMMERCE ET DE L'ACCORD
DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

 

INTRODUCTION

Avant les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round, les droits de propriété intellectuelle n’étaient pas visés par le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). L'Uruguay Round, qui a débouché sur la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a également donné lieu à l'Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), y compris le commerce de marchandises de contrefaçon. L’ADPIC contient notamment des dispositions concernant les brevets, les marques de commerce, les droits d'auteur et les dessins et modèles industriels.

De la même façon, l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ne visait pas les droits de propriété intellectuelle; ces derniers ont fait toutefois l'objet d'une protection plus tard, dans le chapitre 17 de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Dans le présent document, nous expliquons brièvement les dispositions de l’ADPIC et de l'ALÉNA qui ont des conséquences pour la protection des droits conférés par brevet aux produits pharmaceutiques au Canada. Comme le libellé des dispositions contenues dans les deux accords est semblable, nous nous reporterons aux dispositions applicables de l'ALÉNA tout en indiquant entre parenthèses les articles correspondants de l’ADPIC.

DISPOSITIONS DE L'ALÉNA ET DE L’ADPIC

Entre autres choses, le paragraphe 1709(7) de l'ALÉNA prévoit que les brevets seront conférés, et que les droits y afférents seront exercés, sans discrimination quel que soit le lieu où l'invention a été faite, quel que soit le domaine technologique visé, et que les produits soient importés ou d'origine nationale (paragraphe 27(1) de l’ADPIC).

Aux termes du paragraphe 1709(2) de l'ALÉNA, un pays peut exclure de la brevetabilité les inventions : i) dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à la nature ou à l'environnement; ii) qui comportent des méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux, iii) de végétaux et d'animaux, ou encore de procédés essentiellement biologiques pour la création de végétaux ou d'animaux (paragraphe 27(2) de l’ADPIC).

Le paragraphe 1709(5) de l'ALÉNA prévoit que le titulaire d'un brevet a sur celui-ci un droit d'exclusivité et peut empêcher d'autres personnes agissant sans son consentement de fabriquer, d'utiliser ou de vendre le produit en question (article 28 de l’ADPIC). La durée de protection des brevets doit être d'au moins 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet, ou de 17 ans à compter de la date d'octroi du brevet (paragraphe 1709(12) de l’ALÉNA). L'article 33 de l'ADPIC prévoit une durée de protection d'au moins 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande. Le paragraphe 1709(12) de l'ALÉNA dispose également que la durée d'un brevet peut être prolongée à titre de dédommagement pour les retards causés par la procédure d'approbation.

Aux termes des deux accords, un pays peut prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet (paragraphe 1709(6) de l’ALÉNA et article 30 de l’ADPIC). De plus, le paragraphe 1709(10) de l'ALÉNA et l'article 31 de l'ADPIC disposent respectivement qu'un pays peut permettre qu'il soit fait de l'objet d'un brevet un usage autre que l'usage prévu au paragraphe 1709(6) de l’ALÉNA et à l’article 30 de l’ADPIC, sans l'autorisation du détenteur du brevet dès lors que les conditions prévues dans les accords respectifs s'appliquent. Voici quelques-unes de ces conditions :

  • l'autorisation d'une telle utilisation sera examinée sur la base des circonstances qui lui sont propres;

  • le candidat utilisateur doit s'être efforcé d'obtenir l'autorisation du détenteur du brevet, suivant des conditions et des modalités commerciales raisonnables, et ces efforts doivent ne pas avoir abouti;

  • la portée et la durée de l'utilisation doivent être limitées aux fins auxquelles celle-ci a été autorisée;

  • l'utilisation doit être non exclusive;

  • le détenteur du brevet doit recevoir une rémunération adéquate;

  • l'utilisation sera autorisée avant tout pour l'approvisionnement du marché intérieur;

  • la validité juridique de toute décision concernant l'autorisation d'une telle utilisation doit faire l'objet d'une révision judiciaire ou d’une révision indépendante.

 

L'ADPIC, L'ALÉNA ET L'HOMOLOGATION OBLIGATOIRE
DES BREVETS PHARMACEUTIQUES AU CANADA

L'homologation obligatoire est un mécanisme qui réduit le pouvoir de monopole afférent à un brevet. Elle oblige le titulaire à octroyer à d'autres personnes des licences pour l'invention à laquelle le brevet s'applique, contre une redevance fixée par le gouvernement.

En 1969, la Loi sur les brevets a été modifiée de manière à autoriser l'homologation obligatoire pour l'importation de médicaments au Canada. Entre autres choses, cette modification prévoyait que le commissaire aux brevets devait délivrer des licences obligatoires pour l'importation de médicaments et fixer la redevance de ces licences, à moins qu'il existe une bonne raison de rejeter la demande. Le commissaire ne disposait que d'une petite marge de manoeuvre pour l'octroi des licences. Le taux des redevances a été fixé à 4 p. 100 du prix de vente d'un médicament dans sa forme posologique définitive, dans le cas d’achats sans lien de dépendance.

Au Canada, on a beaucoup eu recours à l'homologation obligatoire pour les produits pharmaceutiques. La possibilité d'obtenir des licences en vue d'importer et de vendre des copies de médicaments brevetés a favorisé l'établissement d'un certain nombre de fabricants de médicaments génériques qui produisaient et vendaient des produits de remplacement meilleur marché que les médicaments de marque produits par les sociétés innovatrices. En outre, cette industrie des produits génériques a progressé avec l'instauration, par les gouvernements provinciaux, de programmes de remboursement du prix des médicaments aux aînés et aux bénéficiaires de l'aide sociale, et avec les lois qui exigeaient des pharmaciens qu'ils remplissent les ordonnances avec les équivalents génériques des médicaments brevetés plus coûteux.

Les pressions exercées par les fabricants de produits pharmaceutiques et le désir de rendre plus uniformes et moins disparates les lois sur la propriété intellectuelle ont engendré une tendance mondiale à restreindre l'utilisation de l'homologation obligatoire. Certes, l'ADPIC et l'ALÉNA n'interdisent pas complètement cette pratique, mais ils la restreignent. Comme nous l'avons déjà dit, les États membres de l'OMC et les pays signataires de l'ALÉNA peuvent consentir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que ces exceptions n'entrent pas indûment en conflit avec l'exploitation normale du brevet et ne portent pas indûment préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet. De plus, lorsque les lois d'un État membre permettent l'utilisation de l'objet du brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet, il doit y avoir eu des efforts de déployés en vue de l’obtention de l'autorisation du détenteur du droit suivant des conditions et des modalités commerciales raisonnables et l'utilisation doit viser avant tout l'approvisionnement du marché intérieur de l'État membre qui a autorisé cette utilisation. Il est toutefois possible de déroger à cette obligation en cas de situation nationale critique, et il est possible de passer outre à l'autorisation et à l'exigence relative au marché intérieur lorsque l'utilisation d'un produit breveté est permise pour sanctionner des pratiques anti-concurrentielles.

En janvier 1992, le gouvernement fédéral a endossé les propositions issues des négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round du GATT, négociations qui allaient déboucher sur l'ADPIC. Comme ces propositions prévoyaient un système d'octroi obligatoire de licences beaucoup plus restreint que le régime qui était en place au Canada à l'époque, le gouvernement a été obligé de mettre un terme à son système.

En juin 1992, afin de respecter les dispositions de l'ADPIC sur la propriété intellectuelle, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-91, Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets(1). Adoptée par le Parlement en 1993, cette loi a supprimé l'octroi obligatoire général de licences sur les produits pharmaceutiques et, par le fait même, assuré les titulaires de brevets pharmaceutiques qu'ils seront protégés contre la concurrence du secteur des produits génériques tant que leurs brevets n'auront pas expiré.

Aux termes du paragraphe 1729(6) de l'ALÉNA et du paragraphe 70(6) de l'ADPIC, aucun pays n’était tenu d'appliquer les conditions de délivrance des licences obligatoires énoncées au paragraphe 1709(10) de l’ALÉNA et à l'article 31 de l’ADPIC (restrictions sur la délivrance des licences obligatoires) ni l'obligation selon laquelle il ne devait y avoir aucune discrimination dans la jouissance des droits conférés par un brevet à l'octroi de licences obligatoires délivrées avant le 20 décembre 1991 — c'est-à-dire la date où la version provisoire de l'ADPIC a été rendue publique. Ainsi, on était assuré que toutes les licences obligatoires délivrées avant le 20 décembre 1991 seraient maintenues après l'entrée en vigueur de l'ADPIC et de l'ALÉNA.

Les dispositions de l'ADPIC et du chapitre 17 de l'ALÉNA restreignent la capacité du Canada de traiter les brevets pharmaceutiques d'une manière différente des autres brevets d'invention ainsi que celle de remettre en place, pour les produits pharmaceutiques, un régime de licences obligatoires analogues à celui qui a précédé l’adoption du projet de loi C-91. Toutefois, l’homologation obligatoire est permise, à condition que les licences soient délivrées conformément aux dispositions de l'ADPIC et de l'ALÉNA.

(1) Lois du Canada, 1993, c. 2.