Direction de la recherche parlementaire


MR-148F

 

LA GESTION DES RESSOURCES DANS
LES ENVIRONNEMENTS DÉFAVORISÉS :
RAPPORT DE LA 9
e CONFÉRENCE DU CCNB

 

Rédaction  Sonya Dakers
Division des sciences et de la technologie

Le 19 juin 1997

                                      


TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PLÉNIÈRE : LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE AU XXIe SIÈCLE,
SES PROMESSES ET SES RISQUES

DEUXIÈME PLÉNIÈRE : PERSPECTIVES DE LA BIOTECHNOLOGIE
POUR L’AGRICULTURE DANS LES ENVIRONNEMENTS DÉFAVORISÉS

TROISIÈME PLÉNIÈRE : LA PRODUCTION AGRICOLE À L’ÈRE
DE LA MONDIALISATION

ATELIER No 1 : CONSERVER LA BIODIVERSITÉ AFIN DE CRÉER
DES ÉCOSYSTÈMES AGRICOLES DURABLES

ATELIER No 2 : ASPECTS RÉGLEMENTAIRES ET ÉCONOMIQUES
DE L’ACCÈS AUX MARCHÉS INTERNATIONAUX

ATELIER No 3 : LA BIOTECHNOLOGIE ET LES QUESTIONS SOCIALES
DANS LES COLLECTIVITÉS AGRICOLES RURALES

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE CLÔTURE


LA GESTION DES RESSOURCES
DANS LES ENVIRONNEMENTS DÉFAVORISÉS :
RAPPORT DE LA 9CONFÉRENCE DU CCNB

Le Comité consultatif national de la biotechnologie (CCNB), qui a été établi en 1988, regroupe 25 organismes à but non lucratif qui se consacrent à la recherche et à l’éducation dans le domaine agricole. Le Comité offre des tribunes où l’on peut exprimer des points de vue et des préoccupations divers et participer à des échanges sérieux sur des questions liées à la biotechnologie agricole.

La 9e Conférence du CCNB, qui a eu lieu du 1er au 3 juin 1997, portait sur les possibilités qu’offre la biotechnologie pour la gestion des ressources dans les environnements défavorisés. Le sujet convenait particulièrement bien au lieu choisi pour la conférence, soit la ville de Saskatoon, en Saskatchewan. Cette province connaît en effet, entre autres difficultés, des conditions très difficiles pour la culture des sols, et elle mise sur la biotechnologie agricole pour favoriser son développement économique.

Trois assemblées plénières ont été consacrées aux progrès observés en biotechnologie agricole, à la fois à l’échelle nationale et au niveau international. Les participants se sont ensuite répartis en trois ateliers, où ils ont formulé des recommandations sur des aspects plus précis de la biotechnologie agricole afin de les présenter aux gouvernements et à des organismes privés.

PREMIÈRE PLÉNIÈRE : LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE AU XXIe SIÈCLE,
SES PROMESSES ET SES RISQUES

Le Dr Robert W. Herdt, directeur des sciences agricoles et directeur intérimaire de l’environnement mondial, à la Fondation Rockfeller, a exposé les possibilités et les limites que la biotechnologie présente pour l’agriculture, laquelle doit répondre aux besoins fondamentaux d’une population mondiale en expansion constante. Il a insisté sur les initiatives qui augmentent la productivité, qui renforcent la résistance aux maladies et aux parasites et qui favorisent une agriculture durable.

Il a toutefois fait remarquer que les caractéristiques qu’on est en train d’élaborer ne favoriseront qu’indirectement la productivité étant donné que la plupart des recherches portent sur la tolérance aux herbicides. Bon nombre des essais effectués sur le terrain utilisent des légumes et des céréales comme le canola qui ne sont pas des aliments de base dans les pays en développement, où l’on ne fait d’ailleurs qu’à peine quelque 10 p. 100 de ces essais. Des 2,5 milliards de dollars dépensés chaque année en biotechnologie agricole, seulement 75 millions de dollars le sont dans les pays en développement. Il faudra donc intensifier les recherches visant à mettre au point des cultures compatibles avec des sols peu fertiles, arides et à faible salinité.

Le deuxième conférencier, M. Mark Winfield, directeur de la recherche, Conseil de l’Institut canadien du droit et de la politique de l’environnement, a expliqué comment la perception qu’a la société des risques inhérents à la biotechnologie peut en limiter l’utilité; selon lui, un public mieux averti n’est pas nécessairement moins méfiant. Il a aussi annoncé la création prochaine d’une commission consultative qui sera chargée d’aider le gouvernement du Canada à faire face aux problèmes sociaux et éthiques liés à la biotechnologie.

Selon M. Winfield, l’analyse des effets de la biotechnologie prend du retard par rapport aux progrès de la technologie elle-même. Il n’y a pas non plus de suivi ou de contrôle une fois que les autorisations sont accordées. M. Winfield s’est donc demandé si les applications qu’on fait de la biotechnologie aident vraiment à améliorer les systèmes d’approvisionnement ou si elles ne servent pas davantage les intérêts des industries agricoles occidentales. Il a conclu qu’il est dangereux de favoriser des pratiques agricoles qui non seulement dépendent de nombreux extrants mais qui risquent aussi d’avoir des conséquences écologiques. Il a affirmé qu’une agriculture moins axée sur la technologie serait peut-être préférable mais qu’elle ne faisait pas l’objet de recherches aussi poussées.

Selon M. Winfield, la population semble accepter certains des risques que présente la biotechnologie pharmaceutique, et elle en fait autant pour ce qui est des aliments. La confiance du public lui paraît reposer sur la rigueur du système réglementaire. Le 15 mai 1997, le Canada a adopté de nouveaux règlements alimentaires pour les aliments tels les sous-produits de la biotechnologie.

DEUXIÈME PLÉNIÈRE : PERSPECTIVES DE LA BIOTECHNOLOGIE
POUR L’AGRICULTURE DANS LES ENVIRONNEMENTS DÉFAVORISÉS

Quatre conférenciers ont parlé du défi que représenterait, pour l’industrie, les producteurs et les consommateurs, la production d’aliments dans des conditions difficiles. La Saskatchewan, qui compte 80 p. 100 des terres arables du Canada, abrite une industrie agricole de plusieurs milliards de dollars; toutefois, ses producteurs doivent faire face à des conditions climatiques et géographiques très rudes. Les hivers, longs et rigoureux, sont suivis d’étés chauds et secs pendant lesquels la pluviosité est faible, ce qui nuit à la croissance des récoltes. En outre, étant donné que la province est enclavée, les produits agricoles doivent être transportés, soit par camion, soit par rail, sur des milliers de milles pour être exportés. Pour surmonter tous ces obstacles, la Saskatchewan est devenue un centre de recherche agricole de réputation internationale, axé principalement sur la biotechnologie agricole.

Il a été signalé que la technologie a permis la création de nouveaux produits capables de vaincre des maladies, de résister aux insectes et de remédier à la sécheresse, et qu’elle continuera probablement à favoriser l’accroissement de la production. Pour l’industrie, la biotechnologie est un instrument servant à créer de nouveaux produits et le moteur d’une croissance dans laquelle plus de 500 entreprises ont investi pour 1,7 milliard de dollars en recherche-développement. Cela s’est traduit par des recettes de 3,5 milliards de dollars par année pour le Canada.

L’industrie doit maintenant mettre au point des produits susceptibles de répondre à des besoins différents, sensibiliser davantage le public et veiller à ce qu’il y ait suffisamment de travailleurs bien formés pour occuper les 12 000 nouveaux postes qu’on prévoit créer d’ici l’an 2000.

Un autre conférencier a brossé un tableau de ce qu’ont fait le Japon, l’Australie et l’Amérique du Nord en matière de réglementation biotechnologique. Tous trois ont fait en sorte que leur système réglementaire englobe les nouveaux produits de la biotechnologie, mais l’Amérique du Nord semble devancer les deux autres pour ce qui est de la commercialisation et des autorisations. Par ailleurs, bien que, selon des sondages nord-américains, la sensibilisation du public progresse sur le continent, elle demeure quand même encore inférieure à 25 p. 100.

Il a été question de la nécessité d’adopter un plan d’action assorti d’une stratégie nationale de communication pour les nouveaux produits arrivant sur le marché, d’affecter à ce plan les ressources nécessaires et de veiller à sa mise en oeuvre. Il serait également impératif de prévoir un suivi. Le conférencier a estimé que le CCNB pourrait jouer un rôle à toutes les étapes de ce projet.

Les deux derniers conférenciers ont abordé les aspects écologiques de la biothechnologie et les effets de cette dernière sur l’agriculture biologique et sur l’environnement en général. On est d’ailleurs en train d’élaborer un code de sécurité biologique pour régir le mouvement transfrontalier des produits.

TROISIÈME PLÉNIÈRE : LA PRODUCTION AGRICOLE À L’ÈRE
DE LA MONDIALISATION

Le professeur Reeves, directeur général du CIMMYT (Centre international d’amélioration du maïs et du blé), a replacé les thèmes de la discussion dans une perspective mondiale. Le CIMMYT s’est implanté dans 16 pays en développement pauvres. Il concentre ses efforts sur la mise au point de nouvelles technologies adaptées aux économies des pays sous-développés d’Afrique et d’Asie. Même s’il est prévu que la demande en blé et en maïs va doubler, les sommes consacrées à la recherche sur ces céréales ne s’élèvent qu’à sept milliards de dollars par année, par rapport à neuf milliards de dollars en 1981. Si l’on veut maintenir le rendement des cultures, il faut que le matériel génétique des céréales cultivées soit résistant, surtout aux maladies. Jusqu’à ce jour, cependant, on recourt beaucoup moins au génie génétique qu’à la technologie fondée sur les marqueurs. Le CIMMYT donne librement accès à ses ressources génétiques et cherche à établir des partenariats avec des pays comme le Canada qui disposent de solides compétences dans le domaine des céréales.

ATELIER No 1 : CONSERVER LA BIODIVERSITÉ AFIN DE CRÉER
DES ÉCOSYSTÈMES AGRICOLES DURABLES

Les participants à cet atelier ont étudié l’incidence des nouveaux produits biotechnologiques et des nouvelles technologies sur la biodiversité. On ne sait pas encore très bien si les méthodes biotechnologiques nuisent à la biodiversité ou au contraire la mettent en valeur, ni si les produits biotechnologiques peuvent avoir des effets plus sensibles que les systèmes conventionnels sur des aspects comme la durabilité. Ainsi, par exemple, quelles peuvent être les conséquences de la substitution de nouveaux produits aux cultures traditionnelles et dans quelles circonstances les produits biotechnologiques constituent-ils un risque plus grave pour la biodiversité que les stratégies conventionnelles? Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, un protocole international sur la sécurité biologique est en cours de négociation.

Certains ont dit que les agriculteurs utiliseraient peut-être davantage les produits biotechnologiques si ces derniers augmentaient la rentabilité de leurs exploitations respectives. Il a été mentionné qu’il serait souhaitable de quantifier les avantages de la biotechnologie pour les écosystèmes agricoles. À l’avenir, les progrès technologiques devraient se poursuive, mais ils se feront plus souvent dans le secteur privé qu’ailleurs. Ce secteur pourrait avoir tendance à ne pas encourager les investissements là où ils s’imposent, et certains se sont demandés d’où viendront les crédits indispensables pour conserver le patrimoine génétique.

Pour assurer une meilleure connaissance des réalités, un financement susceptible de protéger les ressources génétiques, et une plus grande responsabilisation, les participants à l’atelier ont recommandé les mesures suivantes :

  • que les gouvernements reconnaissent que toute réduction de la biodiversité constitue un problème grave;

  • que les effets de la biotechnologie sur la biodiversité soient communiqués aux décideurs;

  • que le CCNB favorise la création de partenariats et de mécanismes au sein du milieu universitaire afin de protéger la biodiversité; et

  • que les dirigeants du CCNB discutent avec les gouvernements des questions liées à la biodiversité et de la constitution de banques de matériel génétique.

ATELIER No 2 : ASPECTS RÉGLEMENTAIRES ET ÉCONOMIQUES
DE L’ACCÈS AUX MARCHÉS INTERNATIONAUX

Les participants à cet atelier ont examiné les répercussions de la biotechnologie agricole sur la commercialisation des produits. Un examen de la réglementation internationale a révélé le plus grand désordre. Le besoin d’harmoniser la réglementation et de la fonder sur les produits plutôt que sur un processus a donc été établi. Certains ont aussi préconisé un étiquetage susceptible de mieux faire accepter les produits par le consommateur.

Les participants ont estimé qu’il faut adopter des lois et des politiques pour protéger la propriété intellectuelle, surtout dans les pays en développement. Ils ont aussi préconisé l’adoption d’une approche systémique vis-à-vis de la recherche-développement de façon à éliminer certains des obstacles à la coordination de la recherche. Enfin, ils ont estimé que l’absence de capital de risque limitait le passage à la commercialisation.

ATELIER No 3 : LA BIOTECHNOLOGIE ET LES QUESTIONS SOCIALES
DANS LES COLLECTIVITÉS AGRICOLES RURALES

Les participants à cet atelier ont évalué les conséquences pour les producteurs et les collectivités rurales de l’adoption de nouvelles technologies. D’une part, un accès ponctuel à de nouvelles technologies pourrait accroître la compétitivité des producteurs; d’autre part, ces derniers ont besoin de données scientifiques sûres pour évaluer tous les risques éventuels pour la santé et la sécurité.

Les participants ont jugé qu’il serait utile d’étudier des exemples de succès dans l’utilisation de la biotechnologie et d’effectuer une analyse coût-bénéfice de celle-ci. Ils ont aussi estimé qu’il fallait davantage de débats publics ainsi qu’un mécanisme de coordination en vue de l’élaboration d’un code d’éthique. À cet égard, la Commission consultative devrait probablement être en mesure de favoriser des échanges.

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE CLÔTURE

Les animateurs des ateliers ont résumé les propos tenus dans leur groupe respectif. M. Eugene G. Sander, vice-administrateur et doyen de la Faculté d’agriculture de l’Université de l’Arizona, a résumé l’ensemble de la conférence. Il a fait observer que le recours à la biotechnologie agricole dans des « environnements défavorisés » est un processus complexe, et qu’on ne pourrait pas assurer son bon fonctionnement simplement en transférant des gènes. La satisfaction des besoins précis des pays en développement dans de tels environnements ne semble pas réalisable dans un avenir très rapproché. On peut d’ailleurs encore se demander si la biotechnologie est l’unique solution ou la solution la plus appropriée lorsqu’il s’agit de nourrir une population mondiale en forte croissance; on n’en sait pas encore assez sur les résultats imprévus qu’elle peut avoir.

Les participants ont semblé s’entendre pour dire que la biotechnologie agricole en soi n’est ni bonne ni mauvaise, qu’il s’agit d’un outil dont l’utilité dépend de l’usage qui en est fait. Jusqu’à présent, les rendements se sont accrus grâce aux techniques plus traditionnelles des marqueurs et de la sélection des plantes, et moins par le truchement de l’ADN recombinant. En fait, la confusion persiste quant à la terminologie et aux effets de ces technologies, et il faudra la dissiper avant que des solutions n’apparaissent.