Direction de la recherche parlementaire


MR-58F

 

LA CAISSE DE SÉCURITÉ
DE LA VIEILLESSE

 

Rédaction  June Dewetering
Division de l'économie

Le 14 mars 1990

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

PERSPECTIVE HISTORIQUE

RAPPORT DU COMITÉ MIXTE SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

LA CAISSE DE SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

 

 


LA CAISSE DE SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

 

INTRODUCTION

En 1927, aux termes de la Loi sur la pension de vieillesse, les gouvernements fédéral et provinciaux avaient convenu d’assumer ensemble le coût des pensions de vieillesse assujetties à l’évaluation des ressources, et versées aux personnes âgées de 70 ans et plus. Cette loi a été remplacée par la Loi sur la sécurité de la vieillesse qui est entré en vigueur le 1er janvier 1952 et qui prévoyait le versement de prestations de pension universelles, à des taux uniformes, aux Canadiens âgés de 70 ans et plus qui répondaient aux critères en matière de résidence. Le gouvernement fédéral avait assumé l’entière responsabilité du programme qu’il finançait, au cours des années initiales, au moyen de la Caisse de sécurité de la vieillesse dont le compte figurait au Trésor.

Dans le présent document, nous examions la Caisse de la sécurité de la vieillesse, et plus particulièrement le montant des revenus qu’elle comportait ainsi que la façon dont ils étaient levés.

PERSPECTIVE HISTORIQUE

La Loi sur la pension de vieillesse de 1927 autorisait le gouvernement fédéral à rembourser aux provinces participantes 50 p. 100 des pensions versées aux sujets britanniques âgés de 70 ans et plus qui avaient résidé au Canada durant au moins 20 ans, et au moins cinq ans dans la province où la demande de pension avait été présentée. La pension maximum reçue était de 20 $ par mois, soit 240 $ par année, dont on déduisait la tranche de revenu provenant d’autres sources dépassant 125 $ par année. Les prestations étaient offertes aux personnes dont le revenu annuel était inférieur à 365 $ et qui n’avaient pas volontairement attribué ou transféré des biens afin d’avoir droit à la pension.

En 1931, la Loi fut modifiée de manière à relever de 50 à 75 p. 100 la part des paiements de pension assumée par le gouvernement fédéral, et l’obligation de résidence provinciale fut supprimée dans le cadre des modifications apportées à la Loi en 1947. Selon le Rapport du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la sécurité de la vieillesse de juin 1950, environ 282 500 personnes recevaient, depuis le mois de mars 1950, des prestations de pension de vieillesse, ce qui représentait environ 43 p. 100 de toutes les personnes âgées de 70 ans et plus. Pour l’année financière terminée le 31 mars 1950, la quote-part fédérale des coûts de la pension était estimée à 90 millions de dollars et la part provinciale à 30 millions de dollars. Par ailleurs, alors que la prestation mensuelle maximale de pension était de 40 $, laquelle était versée à environ 73,7 p. 100 des prestataires de la pension, la moyenne mensuelle se situait à 37,21 $.

RAPPORT DU COMITÉ MIXTE SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

C’est aux gouvernements provinciaux qu’il incombait d’administrer le régime de pensions de vieillesse et d’assurer l’élaboration et l’application de l’évaluation des ressources prévue dans la Loi sur les pensions de vieillesse, même si c’est le gouvernement fédéral qui assumait une bonne part des contributions financières. Cette administration du programme par les provinces avait conduit à certaines injustices constatées à l’échelle du pays; certains analystes avaient donc été amenés à proposer l’adoption d’un régime universel de pension pour remplacer celui qui était assujetti à l’évaluation des ressources, ce qui assurerait une plus grande uniformité. En fait, on avait prétendu que vers la fin des années 40, les députés avaient, pour la plupart, estimé que l’évaluation des ressources devrait être supprimée, alors que la plupart des sondages révélaient que le public appuyait l’évaluation, même si l’on avait jugé souhaitable de relever le niveau des prestations de pension assujetti à l’évaluation des ressources et de réduire l’âge ouvrant droit à ces prestations. Comme l’indique le tableau 1, le public, en majorité, était, à l’automne de 1950, favorable à l’universalisation des pensions, à la suite de la publication du rapport du Comité mixte sur la sécurité de la vieillesse, mais ce n’est qu’après le dépôt du projet de loi sur la sécurité de la vieillesse au Parlement, le 25 octobre 1951, que le public appuya massivement le régime.

Dans son rapport, le Comité mixte avait examiné un régime d’assurance de la vieillesse, mais l’avait rejeté; il recommandait un programme de sécurité de la vieillesse comportant deux volets. Le premier élément de ce programme, qui devait entrer en vigueur dans le cadre la Loi sur la sécurité de la vieillesse, consistait en un programme universel d’autofinancement progressif administré par le gouvernement fédéral et offert à toutes les personnes de 70 ans et plus qui répondaient aux critères de résidence. Le Comité avait estimé que la prestation devrait être constituée d’un montant fixe, uniforme, de 40 $ par mois. Cet élément serait financé au moyen de cotisations spéciales levées à cette fin.

Quant au second élément, qui devait être mis en oeuvre dans le cadre de la Loi sur l’assistance-vieillesse, le Comité avait recommandé que l’aide, d’un montant de 40 $ par mois, soit offerte aux personnes âgées de 65 ans et plus qui n’étaient pas admissibles à la prestation universelle. Avec ce dernier élément, le besoin devait constituer le facteur déterminant en ce qui concerne à la fois la prestation universelle. Avec ce dernier élément, le besoin devait constituer le facteur déterminant en ce qui concerne tant le droit à l’aide que le montant de celle-ci. Il devait être financé à même les revenus généraux, les gouvernements fédéral et provinciaux étant été censés en assumer ensemble les frais.

Le Comité avait appuyé le principe des cotisations comme mécanisme permettant de lever des fonds et comme moyen d’établir un rapport entre la participation de l’individu au coût du programme et la prestation qui lui serait versée, même si ce rapport ne serait pas direct. Pour que le gouvernement fédéral puisse mettre en oeuvre ce régime de cotisations, il fallait qu’il modifie l’article 94 de la Loi constitutionnelle de 1867 en y ajoutant l’alinéa 94(a). Cela aurait permis au Parlement d’établir des lois sur les pensions de vieillesse sans toucher les lois provinciales dans ce domaine.

LA CAISSE DE SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

La Loi sur la sécurité de la vieillesse prévoyait l’institution d’impôts spéciaux de sécurité de la vieillesse levés pour financer la pension universelle. Cet impôt spécial qui est entré en vigueur en 1952, était en fait une fusion de trois impôts, c’est-à-dire un impôt sur le prix de vente du manufacturier, soit la valeur à l’acquitté de tous les articles assujettis à la taxe de vente fédérale, un impôt sur le revenu des particuliers et un impôt sur le revenu des sociétés. À l’exclusion de l’année d’imposition 1952, le taux d’imposition a été initialement établi à 2 p. 100 pour chacun des éléments, avec une limite de 60 $ par année en ce qui concerne l’impôt sur le revenu personnel qui s’appliquait à la première tranche de 3 000 $ du revenu imposable. L’impôt combiné était alors connu comme « formule 2-2-2 » et les recettes fiscales ainsi prélevées étaient versées dans une ancienne Caisse de sécurité de la vieillesse qui constituait un compte séparé et distinct inscrit au Trésor. Aucun changement réel n’était intervenu dans le taux global de la taxe de vente, puisque 2 p. 100 de la taxe de vente de 10 p. 100 furent réalloués et portés aux crédits de la nouvelle Caisse. Les prestations étaient tirées de cette caisse et le ministre était autorisé à consentir des prêts temporaires à la Caisse si les prestations de pension payables dépassaient les sommes figurant au crédit de la Caisse. Par ailleurs, le ministre était tenu d’examiner chaque année la situation de la Caisse.

En 1959, la formule 2-2-2 fut changée en formule 3-3-3, de sorte que le taux d’imposition a été porté, alternativement, de 2 à 3 p. 100. Aussi, la limite de 60 $ par année imposée à l’élément de l’impôt sur le revenu personnel a été portée à 90 $. À compter du 1er octobre 1963, l’élément de l’impôt sur le revenu personnel fut une fois de plus majoré, le taux d’imposition passant à 4 p. 100 jusqu’à concurrence de 120 $ par année.

Lorsque les prestations du Supplément du revenu garanti assujetti à l’évaluation des ressources furent introduites en 1967, ces montants furent également débités à la Caisse de sécurité de la vieillesse. Pour compenser les contraintes additionnelles imposées à la Caisse en raison des prélèvements au titre du Supplément du revenu garanti et de la réduction progressive de l’âge d’admissibilité au régime de pension universel qui était de 70 ans en janvier 1965 et qui est passé à 65 ans en janvier 1970, on procéda à une majoration de l’impôt sur le revenu prélevé au titre de la sécurité de la vieillesse. À compter du 1er janvier 1967, la limite imposée à l’élément de l’impôt sur le revenu fut portée à 240 $ par année et appliquée à la première tranche de 6 000 $ du revenu annuel imposable. À cette époque-là, le ministre des Finances avait indiqué que les changements apportés à l’élément de l’impôt sur le revenu personnel ne compenseraient qu’en partie les contraintes imposées à la Caisse; il procéda à une majoration de la taxe générale de vente de 11 à 12 p. 100, en excluant les matériaux de construction ainsi que la machinerie et l’équipement de production. Cette majoration, qui était destinée à compenser le découvert, n’était pas attribuée spécifiquement à la sécurité de la vieillesse; cependant, on ne s’attendait pas, dans l’avenir immédiat, à ce que la Caisse enregistre un déficit qui aurait dû être compensé par un virement de fonds du revenu général. Une érosion de la base de l’élément de la taxe de vente se produisit en septembre 1967, par suite de la suppression de la taxe de vente générale sur les produits pharmaceutiques, et de la suppression progressive de la taxe de vente sur la machinerie et l’équipement de production en 1967 et en 1968.

L’impôt de la sécurité de la vieillesse fut aboli le 1er janvier 1972, mais ce n’est que le 26 juin 1975 que la Caisse fut abolie dans le cadre d’une modification apportée à la Loi sur la sécurité de la vieillesse. L’élément taxe de vente devint partie intégrante de la taxe de vente régulière, sans que l’on modifie le montant net versé par le contribuable. L’abolition de l’élément impôt sur le revenu personnel, au début de l’année d’imposition 1972, s’accompagna d’une importante restructuration des taux d’imposition du revenu personnel, entrée en vigueur avec l’adoption de la Loi de l’impôt sur le revenu de 1971. Aussi, chaque année, le ministre du Revenu national était tenu de créditer la caisse d’un montant équivalant au montant net de la perte occasionnée par ces changements. Actuellement, toutes les prestations de sécurité de la vieillesse sont prélevées directement du Fonds du revenu consolidé selon le mode d’autofinancement progressif.

Le tableau 2 illustre le montant des recettes fiscales recueillies au titre de l’impôt de la sécurité de la vieillesse durant la période allant de 1952 à 1972. Ainsi qu’il est indiqué, l’impôt sur les sociétés a toujours constitué une source de revenu relativement faible. En 1952-1953, première année financière au cours de laquelle les trois impôts avaient été prélevés durant toute l’année, l’impôt sur les sociétés ne représentait que 19 p. 100 des recettes totales; par la suite, ce pourcentage a décliné pour se maintenir aux alentours de 10 p. 100. Par ailleurs, le tableau indique que la taxe de vente constituait la principale source de revenus au cours des premières années, mais que l’impôt sur les revenus des particuliers a progressivement pris de l’importance, phénomène en partie attribuable aux changements intervenus en 1963 et en 1967. Enfin, à l’exception du découvert enregistré en 1952-1953, alors que le déficit avait été débité au fonds de réserve, au titre des pertes enregistrés lors de la réalisation des biens, les déficits de la Caisse enregistrés avant l’exercice 1959-1960 avaient été débités en tant que dépenses budgétaires. Les déficits postérieurs à l’exercice 1959-1960 avaient été couverts au moyen de prêts temporaires consentis par le ministre des Finances.

Enfin, il conviendrait de noter que les prestations de sécurité de la vieillesse ne sont pas réellement universelles et uniformes. Étant donné que ces prestations constituent un revenu imposable, une modeste partie en est recouvrée par le trésor fédéral au moyen des impôts sur le revenu. Dans son rapport déposé en 1984, le Conseil national du bien-être a jugé qu’environ 6 p. 100 seulement des coûts du programme de sécurité de la vieillesse sont ainsi recouvrés au moyen du régime d’imposition du revenu, puisqu’un bon nombre de personnes du troisième âge ont des revenus limités et versent peu ou point d’impôt.

 

Tableau 1

Opinion de la population sur les régimes universels de pensions de vieillesse
1946-1951

Réponses aux questions dans lesquelles on demandait aux répondants s’ils étaitent favorables à des pensions qui seraient versées aux « personnes du troisième âge n’ayant aucun autre moyen de subsistance » ou « à chaque personne qui atteint l’âge de la retraite ».

Novembre 1946

Avril 1950

Octobre 1950

Aucun autre moyen de subsistance

58%

50%

43%

Toutes les personnes du troisième âge

34%

38%

55%

Incertains ou indécis

8%

12%

2%

Réponses aux questions : « L’an prochain, chaque Canadien âgé de 70 ans et plus commencera à recevoir une pension de 40$ par moi, quelle que soit sa situation financière. Êtes-vous pour ou contre? »

Octobre 1951

Pour

81%

Contre

17%

Ne savent pas

2%

Source : Canadian Institute of Publice Opinion, cité dans K. Bryden, Old Age Pensions and Policy-Making in Canada, 1974, p. 249.

 

Tableau 2

 

Nombre de prestataires, et recettes et dépenses de la Caisse de sécurité de la vieillesse,
exercices allant de 1952 à 1972
(En millions de dollars)

Recettes fiscales

Année

Nombre de prestataires(2)

Montant de la pension

($)

Taxe de vente

($)

Impôt sur le revenu des particuliers ($)

Impôt sur le revenu des sociétés ($)

Total

($)

Surplus (+)

Déficit (–)

1952(1)

643 013

76,1

24,3

0,1

2,0

26,4

– 49,7(3)

1953

686 127

323,1

141,5

45,2

36,9

223,6

– 99,5

1954

716 399

338,9

146,8

90,7

55,6

293,1

– 45,8

1955

745 620

353,2

143,1

100,9

46,0

290,0

– 63,3

1956

771 753

366,2

160,4

102,5

53,3

316,2

– 50,0

1957

797 486

379,1

179,3

125,0

67,3

371,6

– 7,5

1958

827 560

473,9

175,8

135,0

60,7

371,5

– 102,4

1959

854 284

559,3

173,6

146,4

55,3

375,3

– 184,0

1960

876 410

574,9

270,0

185,6

91,3

546,9

– 28,0

1961

904 906

592,4

270,2

229,4

103,5

603,1

+ 10,7

1962

927 590

625,1

284,9

259,0

100,1

644,0

+ 18,9

1963

950 766

734,4

302,2

273,7

115,2

691,1

– 43,3

1964

971 801

808,4

331,8

302,6

115,7

750,1

– 58,3

1965

993 582

885,3

383,2

431,9

145,2

960,3

+ 75,0

1966

1 105 776

927,3

522,1

494,9

153,3

1 169,3

+ 242,0

1967

1 229 561

1 033,4

560,0

576,6

150,0

1 286,6

+ 213,6

1968

1 366 210

1 153,3

544,5

800,1

150,0

1 494,6

+ 106,5

1969

1 504 862

1 296,8

528,1

915,0

183,0

1 626,1

+ 84,8

1970

1 670 639

1 467,0

577,4

1 026,5

227,1

1 831,0

+ 100,5

1971

1 720 128

1 634,2

573,8

1 132,5

207,9

1 914,2

+ 7,0

1972

1 762 550

1 681,0

668,5

1 237,0

212,5

2 118,0

– 88,0

  1. Pour les trois mois terminés le 31 mars 1952.

  2. Pour le mois de mars.

  3. Débité au compte de dépenses budgétaires.

Source : Canadian Tax Foundation, The National Finances : An Analysis of the revenues and expenditures of the Government of Canada, 1961-1962, p. 89 et 1972-1973, p. 111.