PRB 02-49F

Les étapes de l'intégration économique :
de l'autarcie à l'union économique

Rédaction :
Michael Holden
Division de l'économie
Le 13 février 2003


TABLE DES MATIÈRES

LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE

L'UNION DOUANIÈRE

LE MARCHÉ COMMUN

L'UNION ÉCONOMIQUE

DES LIMITES FLOUES


Les étapes de l’intégration économique :
de l’autarcie à l’union économique

À mesure qu’augmentent les échanges et les investissements internationaux, on assiste à l’intégration économique de plus en plus poussée de certains groupes de pays.  L’exemple le plus manifeste est celui de l’Union européenne.  Ce qui était autrefois une série de pays autarciques est devenu un ensemble économique complètement intégré.  Même si les relations entre pays suivent rarement un cheminement aussi précis, l’intégration économique formelle se fait par étapes, la première étant la réduction et la suppression des obstacles au commerce, et la dernière, la création d’une union économique.  Nous résumons ces étapes ci‑dessous(1).

LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE

La première étape de l’intégration économique est l’accord de libre-échange (ALE) ou l’accord commercial préférentiel (ACP).  L’ALE suppose l’élimination des tarifs et des quotas d’importation entre les pays signataires.  Il peut se limiter à quelques secteurs ou viser la totalité des échanges.  Il peut aussi prévoir des mécanismes officiels de résolution des différends.  L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en est un exemple.

À part un calendrier commun de libéralisation du commerce, l’ALE impose peu de restrictions aux États parties.  L’ALE ne comporte aucune autre forme d’harmonisation des règlements, normes ou politiques économiques, pas plus que le libre mouvement des capitaux et de la main-d’œuvre, à moins que les pays signataires ne s’entendent pour les y inclure.  Ils conservent également leurs propres politiques commerciales à l’égard de tous les pays non parties à l’accord.

Toutefois, pour qu’un ALE fonctionne, les membres doivent se fixer des règles d’origine concernant les biens provenant de pays tiers.  Les biens produits à l’intérieur de la zone (et visés par l’ALE) peuvent passer les frontières en franchise, mais ils doivent satisfaire aux règles d’origine, c’est‑à‑dire que preuve doit être faite qu’ils ont réellement été produits à l’intérieur du pays exportateur.  Faute de règles d’origine, les pays tiers qui cherchent un accès commercial dans la zone de l’ALE choisiront le pays où la barrière tarifaire sera la plus faible pour pénétrer dans l’ensemble de la région.

L’UNION DOUANIÈRE

L’union douanière (UD) pousse plus loin la notion de libre-échange puisque, outre la suppression des obstacles internes au commerce, elle exige des pays parties qu’ils harmonisent leurs politiques commerciales extérieures.  Cela suppose l’imposition d’un tarif extérieur et de quotas d’importation communs sur les produits provenant de pays tiers, de même qu’une possibilité de s’entendre sur les recours commerciaux, comme les mesures antidumping et les droits compensateurs.  L’UD peut également interdire l’utilisation des recours commerciaux à l’intérieur de la zone.  En général, les membres d’une UD mènent leurs négociations commerciales multilatérales (p. ex. à l’Organisation mondiale du commerce) en tant que bloc unique.  Les pays qui font partie d’une UD établie n’ont plus besoin de règles d’origine, puisque tout produit entrant dans la zone est assujetti aux mêmes tarifs douaniers ou quotas d’importation, quel que soit son point d’entrée.

L’élimination des règles d’origine est le principal avantage de l’UD par rapport à la zone de libre-échange.  L’application des règles d’origine exige que tous les États membres d’une ALE maintiennent une lourde documentation et qu’ils fassent respecter les règles aux frontières.  Ce processus coûte cher et peut soulever des différends dans l’interprétation des règles et divers retards.  L’UD entraîne donc d’importantes économies et des gains d’efficience sur le plan administratif.

Cependant, pour accéder à ces avantages, les pays doivent renoncer à une certaine liberté dans le domaine des politiques, à savoir celle de fixer indépendamment leur politique commerciale.  Corrélativement, à cause de l’importance croissante des mesures commerciales et économiques en tant qu’outils de politique étrangère, les UD limitent aussi quelque peu l’indépendance des pays en matière de politique étrangère.

LE MARCHÉ COMMUN

Le marché commun (MC) représente un pas important dans l’intégration économique.  Au-delà des dispositions habituelles de l’UD, il supprime les obstacles à la circulation des personnes, des capitaux et d’autres ressources à l’intérieur de la zone, tout en éliminant les barrières non tarifaires au commerce, par exemple le traitement réglementaire des normes sur les produits.

En règle générale, l’établissement d’un MC exige une grande harmonisation des politiques dans plusieurs domaines.  La libre circulation de la main-d’œuvre, par exemple, exige des ententes sur les compétences et les attestations des travailleurs.  Habituellement, le MC est également associé – intentionnellement ou par voie de conséquence – à une convergence poussée des politiques budgétaires et monétaires, en raison de l’interdépendance économique croissante au sein de la région et de l’effet que les politiques d’un pays membre peuvent avoir sur celles des autres.  Il en résulte nécessairement des restrictions plus sérieuses à  la capacité des pays de mener leurs politiques économiques de façon indépendante.

Le principal avantage de l’établissement d’un MC réside dans les éventuels gains d’efficacité de l’économie.  Lorsque la mobilité n’est pas entravée, la main-d’œuvre et les capitaux peuvent répondre plus facilement aux signaux économiques à l’intérieur du MC, ce qui entraîne une répartition plus efficace des ressources.

L’UNION ÉCONOMIQUE

L’union économique est la forme la plus poussée d’intégration économique.  Elle suppose un MC auquel s’ajoute l’harmonisation d’un certain nombre de domaines stratégiques clés.  Plus particulièrement, l’union économique comporte une coordination officielle des politiques monétaires et budgétaires ainsi que des politiques relatives au marché du travail, au développement régional, aux transports et à l’industrie.  Puisque tous les pays doivent essentiellement partager le même espace économique, il serait illogique pour eux d’appliquer des politiques divergentes dans ces domaines. 

Par ailleurs, l’union économique s’accompagne souvent d’une monnaie commune et d’une politique monétaire unifiée.  La suppression des incertitudes liées aux taux des changes améliore le fonctionnement de l’union en permettant aux échanges commerciaux de se faire d’une façon efficace sur le plan économique sans être inutilement touchés par les fluctuations des devises.  Cela est vrai aussi du choix d’un emplacement pour les entreprises.

Cette intégration exige des institutions supranationales qui adoptent des lois sur le commerce pour assurer une application uniforme des règles à l’intérieur de l’union.  Les pays membres renoncent à leur capacité législative dans ce domaine, mais continuent de voir au respect de ces lois à l’échelon national.

Résumé des étapes de l’intégration économique

Accord de libre-échange (ALE)

Aucun tarif entre les États membres et réduction des barrières non tarifaires

Union douanière (UD)

ALE + tarif extérieur commun

Marché commun (MC)

UD + libre mouvement des capitaux et de la main-d’œuvre, harmonisation partielle des politiques

Union économique

MC + politiques et institutions économiques communes

DES LIMITES FLOUES

Les pays négocient leurs accords d’intégration économique comme ils l’entendent.  Aussi, dans la pratique, il est rare que les ententes officielles correspondent exactement à l’une ou l’autre de ces quatre étapes.  Il en résulte une certaine confusion dans le vocabulaire ainsi qu’au sujet du degré effectif d’intégration économique dans certaines parties du monde.  Le Canada, lui, fait partie d’une zone de libre-échange comprenant les États-Unis et le Mexique.  Toutefois, l’ALENA prévoit également une libéralisation partielle de la circulation de la main-d’œuvre et des capitaux, une caractéristique du MC.  De plus, le Canada a dans le passé cherché à restreindre l’utilisation des recours commerciaux au sein de l’Amérique du Nord.  Il s’agit certes d’un désir de faire avancer une facette de l’intégration nord-américaine, mais la prochaine étape formelle – l’UD – ne semble pas constituer une priorité stratégique pour l’instant.


(1)     Ce texte se fonde sur deux sources principales : Rolf Mirus et Nataliya Rylska, Economic Integration:  Free Trade Areas vs. Customs Unions, Western Centre for Economic Research, 2001, et Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, Troisième rapport, Partenaires en Amérique du Nord : Cultiver les relations du Canada avec les États-Unis et le Mexique, 2e session, 37e législature, décembre 2002.