Direction de la recherche parlementaire

 

PRB 98-5F

LA CLASSIFICATION DES MÉLANGES
D'HUILE DE BEURRE ET DE SUCRE

Rédaction :
Jean-Denis Fréchette
Division de l'économie
Octobre 1998
Révisé le 19 août 1999


Au début des années 90, certaines quantités de mélanges d’huile de beurre et de sucre, ayant une composition de 49 p. 100/51 p. 100 ont été importées en vertu de la Liste des marchandises d’importation contrôlée (LMIC) sans restriction. Ces importations n’ont pas vraiment attiré l’attention de l’industrie laitière probablement parce qu’elles n’avaient qu’une valeur marginale, évaluée à au plus deux millions de dollars par année. De plus, comme les mélanges laitiers composés de matière sèche étaient frappés d’un contrôle des importations depuis 1988, et que certains mélanges comptant moins de 50 p.  de contenu laitier avaient été auparavant bloqués, il est possible qu’un nouveau mélange d’huile de beurre et de sucre ait été importé dans « l’ombre » de ceux-ci.

Certains fabricants canadiens de crème glacée, qui avaient déjà tenté d’importer des mélanges laitiers en vertu de la LMIC, se sont rendu compte, en examinant la nouvelle liste des contingents tarifaires du Canada, qu’ils pouvaient avoir recours à une échappatoire. Ils ont en effet constaté que les importations de mélanges laitiers contenant plus de sucre que de matière grasse du lait ¾ 49 p. 100 d’huile de beurre contre 51 p. 100 de sucre ¾ n’étaient pas soumises aux tarifs élevés associés aux produits laitiers, puisque de tels mélanges, renfermant proportionnellement plus de sucre que de matière grasse, ne sont pas considérés comme un « substitut du beurre » même s’ils contiennent suffisamment de matière grasse du lait (en poids) pour servir à la fabrication de crème glacée.

Après la mise en vigueur des contingents tarifaires en 1995, un importateur de mélanges d’huile de beurre et de sucre a demandé à Revenu Canada de confirmer si ces mélanges étaient bien classés sous la ligne tarifaire 2106.90.95. Le ministère lui confirma qu’il avait effectivement classé ces mélanges sous la ligne tarifaire 2106.90.95 et que conséquemment ils pouvaient être importés sans licence d’importation et n’étaient pas soumis à un contingent tarifaire.

La classification tarifaire est basée sur un système hiérarchique complexe qui passe d’une rubrique à quatre chiffres à une rubrique à six chiffres et, finalement, à un numéro tarifaire comprenant huit chiffres ou plus selon les pays. Cette méthodologie intitulée « Système Harmonisé (SH) de désignation et de codification des marchandises » a été mise au point par l’Organisation mondiale des douanes et elle utilise des notes explicatives et des avis de classification pour décrire et classer les produits. Au niveau international, tous les pays signataires utilisent le code de base à six chiffres du SH, qui permet une nomenclature de base commune pour la classification. Au niveau national, pour classer un produit sous un numéro à huit chiffres, Revenu Canada doit décrire celui-ci en suivant certains critères précis. Ainsi, avant de décider si un mélange d’huile de beurre et de sucre peut être considéré comme un succédané du beurre, le ministère doit d’abord vérifier si ce mélange peut se commercialiser en tant que beurre, ce qui n’est pas le cas. De plus, pour être considéré comme étant un substitut au beurre, le mélange doit d’être « tartinable », et il doit pouvoir servir de gras de cuisson et aussi d’ingrédient de cuisson. Lorsqu’il a procédé à la classification visant à établir le contingent tarifaire en 1995, Revenu Canada a tout d’abord examiné la classification à six chiffres, soit le numéro 2106.90, utilisé pour les « autres préparations alimentaires non dénommés, ni comprises ailleurs ». C’est lorsqu’il est passé à la classification à huit chiffres et qu’il a pris la décision administrative de classer les mélanges d’huile de beurre et de sucre sous le numéro 2106.90.95, plutôt que sous le numéro 2106.90.33/34, qu’il a suscité un litige entre les producteurs laitiers et les importateurs de produits laitiers.

Après avoir procédé à une analyse, Revenu Canada en est en effet arrivé à la conclusion que de tels mélanges ne peuvent pas être tartinés, qu’ils se caramélisent quand ils sont employés comme gras de cuisson et que, même s’ils peuvent être indiqués dans certaines recettes, leur forte concentration en sucre en limite considérablement l’utilisation culinaire. Par conséquent, il a jugé qu’en dépit de leur nom, les mélanges n’étaient pas un substitut du beurre et ne pouvaient donc pas être classés sous le numéro 2106.90.33/34. Selon Revenu Canada, les mélanges d’huile de beurre et de sucre correspondent bien à la ligne tarifaire 2106.90.95 et peuvent être importés sous cette ligne, qui ne prévoit pas de contingent tarifaire particulier.

Le problème que posent les mélanges contenant des produits laitiers découle en grande partie d’une interprétation problématique au niveau national. En effet, lorsqu’ils passent aux douanes, les mélanges d’huile de beurre et de sucre ne sont pas perçus comme des succédanés du beurre parce qu’ils ne sont pas jugés « suffisamment laitiers »; par contre, lorsqu’ils sont intégrés dans de la crème glacée, les fabricants doivent les décrire comme des « substances laitières ». Tout se passe donc comme si, entre le moment de la description tarifaire et celui de la transformation alimentaire, les mélanges d’huile de beurre et de sucre devenaient « un peu plus laitiers ».