Direction de la recherche parlementaire


PRB 98-8F

LOIS FÉDÉRALES ET MESURES RÉGLEMENTAIRES

Rédaction :
Mollie Dunsmuir
Division du droit et du gouvernement
Décembre 1998


Usage du tabac en milieu de travail

Le projet de loi C-204, devenu la Loi sur la santé des non-fumeurs, a été présenté en octobre 1986 par la députée Lynne McDonald comme mesure d’initiative parlementaire. Adoptée en 1988 et proclamée en 1989, la Loi régit la consommation de tabac en milieu de travail et dans les transports en commun dans les domaines de ressort fédéral.

Vente de tabac à des jeunes

Le 4 février 1993, la ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a présenté le projet de loi C-111, Loi sur la vente du tabac aux jeunes, à la Chambre des communes. Adopté rapidement par les Communes et le Sénat, il a reçu la sanction royale en mars 1993 et a été proclamé en vigueur en février 1994. Cette loi a remplacé un texte dépassé, la Loi sur la répression de l'usage du tabac chez les adolescents, fait passer de 16 à 18 ans l’âge minimum pour acheter du tabac et imposé des amendes allant jusqu’à 50 000 $ pour ceux qui vendent des produits du tabac à des jeunes qui n’ont pas l’âge voulu. Elle a également imposé de sévères restrictions quant aux lieux où sont placées les distributrices de cigarettes. La Loi a reçu un très large appui et des réactions positives dans le monde politique, dans les médias et même chez les fabricants de tabac, bien que les petits détaillants et les exploitants de machines distributrices aient exprimé des réserves. En 1997, cette loi a été remplacée par des dispositions de la nouvelle Loi sur le tabac.

Publicité sur les produits du tabac : l’affaire RJR-MacDonald

En 1988, le projet de loi C-51, connu ensuite sous le titre Loi réglementant les produits du tabac, a été adopté par le Parlement et a reçu la sanction royale. La Loi prévoit le pouvoir d’interdire toute publicité sur le tabac; de restreindre et d’éliminer progressivement les activités de promotion, la commandite de manifestations et le parrainage de personnes par les fabricants de tabac; et d’exiger sur les paquets de produits du tabac des avertissements plus explicites au sujet des dangers pour la santé.

En juin 1989, le ministre de la Santé et du Bien-être social a déclaré qu’on ne pouvait imposer sur les paquets de cigarettes aucun avertissement liant la consommation de tabac à la dépendance tant que le gouvernement n’aurait pas confirmé l’existence de ce lien. La Société royale du Canada a reçu 30 000 $ pour étudier cette relation et elle a remis son rapport en octobre 1989, disant que le tabac provoquait effectivement une dépendance. De cette date jusqu’à septembre 1995, date de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire RJR-MacDonald, le gouvernement fédéral a exigé des fabricants du tabac qu’ils inscrivent sur les paquets des avertissements explicites sur les dangers pour la santé.

Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac a contesté la Loi réglementant les produits du tabac devant les tribunaux, la dénonçant comme une atteinte à la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. En 1991, la Cour supérieure du Québec a jugé que la Loi constituait une intrusion dans un domaine provincial et violait le droit des fabricants de tabac à la liberté d’expression. En janvier 1993, la Cour d’appel du Québec a renversé cette décision, estimant que l’interdiction de la publicité était une réaction appropriée au problème du tabagisme, même s’il n’était pas prouvé de façon concluante que cette interdiction ferait diminuer la consommation de tabac.

Les fabricants de tabac ont porté leur cause devant la Cour suprême du Canada. Ils ont demandé à être soustraits à l’application du règlement jusqu’à ce que la Cour ait rendu sa décision sur leur appel, mais, en mars 1994, cette dernière a opposé un refus à cette requête. Dès septembre 1994, le gouvernement a même exigé que les fabricants mettent davantage en évidence sur les paquets de cigarettes des avertissements sur les dangers du produit pour la santé. Fin septembre 1995, néanmoins, la Cour suprême a rendu publique sa décision dans l’affaire RJR-MacDonald, annulant toutes les interdictions contestées sur la publicité et la promotion à l’exception de l’interdiction de la distribution gratuite de produits du tabac.

La majorité des juges a estimé que la Loi relevait bien des compétences législatives fédérales, mais la Cour a également jugé, à cinq contre quatre, que les interdictions pesant sur la publicité et la promotion étaient des restrictions inconstitutionnelles de la liberté d’expression garantie par la Charte. Même si la Cour a approuvé l’objectif de la Loi, elle a jugé que les lois étaient plus rigoureuses qu’il ne fallait, selon la preuve établie, pour atteindre l’objectif du Parlement, soit réduire la consommation provoquée par la publicité.

L’imperfection cruciale des dispositions sur l’étiquetage était le fait que les avertissements en matière de santé n’étaient attribués à personne et étaient imposés aux fabricants de tabac. Le défaut critique de l’interdiction de la publicité était qu’elle s’appliquait également à la publicité sociétale et à la publicité d’information. La Cour a estimé que cette seconde forme de publicité n’était pas un encouragement à fumer, mais qu’elle donnait simplement aux fumeurs une information comparative sur les marques. La Cour a également conclu qu’un lien rationnel n’avait pas été établi de façon probante entre la consommation de tabac et l’usage de logos sur des marchandises qui ne sont pas du tabac.

La Cour a estimé possible que des lois moins rigoureuses, comme l’interdiction de la seule publicité sociétale ou de la publicité visant les jeunes, ou des avertissements obligatoires attribués au gouvernement ou à un de ses organismes, auraient suffi pour atteindre l’objectif d’une réduction de la consommation suscitée par la publicité. Elle a en outre signalé que le gouvernement avait refusé de produire en preuve plus de 500 documents demandés par les fabricants de tabac, dont au moins avait trait à une étude sur les mesures de rechange.

Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac a déclaré que, malgré la décision de la Cour suprême du Canada, elle continuerait de respecter les dispositions de la Loi dans l’immédiat. Le ministre fédéral de la Santé a déclaré pour sa part que la décision judiciaire et les possibilités qui s’ouvraient au gouvernement étaient à l’étude. D’autres groupes intéressés ont soutenu qu’il fallait adopter de nouveau le texte incriminé et l’assortir de la « disposition de dérogation », ou que la publicité et la promotion du tabac soient interdites en vertu de la Loi sur les produits dangereux, loi fédérale. L’industrie du tabac s’est doté d’un code d’éthique d’application facultative sur la publicité, mais, dès le début de 1996, des allégations se faisaient entendre voulant que ce code soit inapplicable et violé.

Lutte contre le tabagisme : un plan directeur

En décembre 1995, le ministre de la Santé a publié le document intitulé La lutte contre le tabagisme : un plan directeur pour protéger la santé des Canadiennes et des Canadiens, qui donnait les grandes lignes des plans en vue de l’adoption de nouvelles mesures législatives pour rebâtir la stratégie du gouvernement, après la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire RJR-MacDonald. Le rétablissement des messages concernant la santé et de l’information sur les ingrédients toxiques sur les emballages de produits du tabac, accompagné d’une règle permettant d’attribuer les messages à un auteur, y est décrit comme une première étape importante. D’après le plan directeur, les intentions du gouvernement sont les suivantes :

  • « l’interdiction la plus complète possible de la publicité »;

  • la restriction de la promotion par des moyens comme l’interdiction d’une publicité croisée entre les produits du tabac et d’autres produits, et l’interdiction de témoignages et appuis de personnalités;

  • une réduction au minimum de la publicité sociétale et de la promotion par l’imposition de limites à la forme et au contenu de la publicité liée à la commandite d’activités et de manifestations par des fabricants de tabac et d’exigences concernant la mise en évidence des avertissements en matière de santé dans les formes de publicité permises;

  • l’imposition de nouvelles restrictions sur l’achat des produits du tabac par des jeunes, par l’interdiction des étalages libre-service et les commandes postales;

  • l’interdiction de presque toutes les formes de publicité et de promotion sur les lieux de vente et la limitation des étalages de produits présentés au consommateur;

  • l’adoption de règlements qui exigent des changements dans la composition des produits du tabac, par exemple une teneur moindre en goudron et en d’autres produits toxiques; et

  • l’augmentation des exigences en matière de rapports qui sont faites aux fabricants, distributeurs et importateurs de tabac.

Le projet de loi C-117, portant sur les avertissements en matière de santé et sur le contenu toxique à inscrire sur les emballages de tabac, a été présenté en première lecture en décembre 1995. Ce projet de loi et celui qui l’a remplacé, le C-24, déposé en mars 1996, tendaient à modifier les dispositions sur l’étiquetage de la Loi réglementant les produits du tabac que la Cour suprême du Canada avait annulées dans son arrêt RJR-MacDonald. Aucun de ces projets de loi n’a été étudié et, à la fin de 1996, ils ont été remplacés par le projet de loi C-71, intitulée Loi sur le tabac.

Loi sur le tabac (projet de loi C-71)

Le projet de loi C-71, Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac, modifiant une autre loi en conséquence et abrogeant certaines lois, a été présenté en première lecture le 2 décembre 1996 et a reçu la sanction royale le 25 avril 1997. Ce texte législatif, dont le titre abrégé est Loi sur le tabac, réglemente l’étiquetage des produits du tabac, leur promotion et leur composition ainsi que l’accès à ces produits par les jeunes. La publicité du tabac, les commandites, les témoignages de personnalités, les étalages aux points de ventes et les noms de marques sur les accessoires sont au nombre des formes précises de promotion qui sont touchées par cette loi. Les restrictions proposées au départ sur les commandites ont donné lieu à un vif débat et, dans sa version définitive, la loi a retardé leur mise en vigueur jusqu’au 1er octobre 1998 ou à une date plus hâtive que le gouverneur en conseil peut fixer par décret. Les fabricants de tabac n’ont pas tardé à contester la nouvelle loi, soutenant qu’elle était inconstitutionnelle et allait à l’encontre de la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire RJR-MacDonald.

La Loi sur le tabac a également remplacé la Loi sur la vente du tabac aux jeunes. Elle interdit de fournir des produits du tabac à des personnes de moins de 18 ans, interdit la fabrication et la vente de petits paquets de cigarettes et limite la vente de produits du tabac par libre-service ou distributrices.

L’aspect le plus controversé du projet de loi C-71 reste celui des restrictions imposées à la commandite de manifestations artistiques, culturelles et sportives par les fabricants de tabac. Soumis aux pressions à la fois des groupes antitabac et des groupes artistiques, culturels et sportifs qui reçoivent un important financement des fabricants de tabac, le gouvernement a repoussé sa décision définitive sur la question.

Projet de loi C-42 : report des restrictions sur les commandites

Le 3 juin 1998, le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur le tabac, a été déposé à la Chambre des communes. Le projet de loi, qui se résume à cinq articles, prolongerait la période de transition préalable à l’imposition de restrictions aux commandites des fabricants de tabac.

Aux termes du projet de loi C-42, les commandites qui existaient au 25 avril 1997 ne feraient l’objet d’aucune restriction pendant une période de deux ans. La promotion sur les lieux de la manifestation pourrait continuer pendant trois ans, avec certaines restrictions sur le matériel de promotion remis au public. Après cette période de cinq ans, la promotion du tabac au moyen de commandites serait totalement interdite. Les groupes de défense de la santé, en grande partie opposés aux dispositions transitoires concernant les commandites des fabricants de tabac, ont été quelque peu rassurés par cette interdiction, qui finira par s’appliquer.

Les deux premiers articles du projet de loi C-42, amendés par le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, remplaceraient, à compter du 1er octobre 2003, les articles 24 et 25 de la Loi sur le tabac par une interdiction complète de la publicité du tabac liée à la commandite de manifestations artistiques, culturelles ou sportives ou de lieux réservés à ces activités.

À l’heure actuelle, l’article 24 de la Loi sur le tabac permet de montrer un élément de marque d’un produit du tabac pour promouvoir le parrainage d’une personne ou la commandite d’une manifestation ou d’un lieu par un fabricant de tabac, sous réserve des paragraphes (2) et (3) de l’article 24 ou de dispositions réglementaires. Le paragraphe 24(2) limite l’affichage d’information sur la marque de tabac aux 10 p. 100 inférieurs de tout matériel de promotion, tandis que le paragraphe 24(3) limite les publications ou les lieux où cette information peut être montrée. Le premier article du projet de loi C-42 interdirait au fabricant de tabac la promotion de la commandite d'une personne, d'une manifestation, ou d'installations permanentes à compter du 1er octobre 2003.

À l’heure actuelle, l’article 25 de la Loi sur le tabac dit que, sous réserve de dispositions réglementaires, un élément de marque d’un produit de tabac, par exemple le nom de la marque ou le logo, peuvent figurer sur des installations permanentes comme des installations sportives ou un centre culturel, pourvu que le nom ou le logo fasse partie du nom des installations. Le paragraphe 2(1) du projet de loi C-42 interdirait l'utilisation d’un élément de marque d'un produit du tabac ou le nom d'un fabricant sur des installations permanentes, notamment dans la dénomination de celles-ci, si l'élément ou le nom est de ce fait associé à une manifestation ou activité sportive ou culturelle. Aux termes du paragraphe 2(2), cependant, l’actuel article 25 continuerait de s’appliquer jusqu’au 1er octobre 2003 aux éléments de marque qui figurent sur des installations permanentes le jour de l’entrée en vigueur de la loi proposée.

L’article 3 abrogerait le pouvoir de réglementation prévu par les articles 24 et 25; ce pouvoir ne serait plus nécessaire, car le projet de loi C-42 remplacerait la réglementation par une interdiction. Le paragraphe 5(1) prévoit que l’article 3 entrerait en vigueur le 1er octobre 2003.

L’article 4 contient des dispositions provisoires sur les commandites qui existaient déjà au Canada à la date de l’adoption du projet de loi C-71, le 25 avril 1997. L’effet net serait que ces commandites échapperaient à la Loi sur le tabac pendant deux ans, après quoi il y aurait une autre exemption de trois ans pour la promotion sur les lieux.

Les paragraphes 24(2) et 24(3) de la Loi sur le tabac sont entrés en vigueur le 1er octobre 1998; cependant, pour les commandites qui existaient au Canada le 25 avril 1997 et qui avaient été actives dans les 15 mois précédant cette date, ces paragraphes ne s’appliquent pas avant le 1er octobre 2000. De plus, ces deux paragraphes ne s’appliqueront pas aux promotions sur les lieux pendant cinq ans, sauf que le paragraphe 24(2) limiterait l’information sur le tabac aux 10 p. 100 inférieurs du matériel fourni au public. Les personnes et entités participant à des manifestations commanditées seraient également exemptées, qu’elles aient ou non participé auparavant à des activités commanditées par des fabricants de tabac.

L’article 5 arrête les dates d’entrée en vigueur des diverses dispositions, comme il est dit plus haut.

Toute commandite nouvelle ou rétablie serait assujettie aux articles 24 et 25 de la Loi sur le tabac, ce qui limiterait sérieusement la promotion de la commandite.

Projet de loi S-13

En février 1998, le sénateur Colin Kenny a présenté le projet de loi S-13, Loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac. Le projet proposait la création d’une fondation sans but lucratif, financée au moyen d’un prélèvement sur les produits du tabac, pour détourner les jeunes de la cigarette, pour favoriser une transition en douceur afin que les milieux artistiques, culturels et sportifs s’affranchissent de leur dépendance à l’égard des fabricants de tabac et aider les tabaculteurs à passer à d’autres cultures. À l’étape de la troisième lecture, le projet de loi a été amendé par la suppression des dispositions sur la transition. Étant donné que le gouvernement a décidé de repousser de cinq ans l’interdiction des commandites, il n’était plus nécessaire de procurer une aide transitoire aux milieux artistiques, culturels et sportifs qui perdent des commanditaires. En décembre 1998, le projet de loi S-13 a été jugé irrecevable aux Communes parce qu’il prévoyait une taxe et non un prélèvement. Les mesures fiscales doivent être présentées aux Communes seulement, et non par le biais d’un projet de loi du Sénat.