Direction de la recherche parlementaire |
||||||||
PRB 98-2F LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ Rédaction : Depuis 50 ans, la Commission canadienne du blé (CCB) est le comptoir unique de vente des céréales au Canada. Le volume de céréales dans le commerce mondial a augmenté durant cette période, mais le nombre de joueurs a diminué : au début des années 80, une poignée dorganismes contrôlait 75 p. 100 des ventes et de lachat de céréales dans le monde. La CCB a toujours été contestée comme instrument politique. En 1917 et jusquà la fin de la première guerre, puis à nouveau en 1935, le gouvernement a établi la CCB pour garantir une vente ordonnée des céréales dans des conditions de marché difficiles. Dans sa forme originale, la Commission constituait un compromis destiné à accroître les rendements et à stabiliser les revenus; la participation était facultative. En 1943, quand lagriculture et lapprovisionnement alimentaire des alliés du Canada sont redevenus un important objectif national, la participation des agriculteurs à la CCB est devenue obligatoire. En 1949, la CCB est également devenue le seul organisme de vente de lorge et de lavoine; cependant, on a retiré lavoine du mandat de la CCB le 1er août 1989, ainsi que lorge à destination des É.-U. le 1er août 1993, par décret. Le 10 septembre, à moins de 10 jours de la date dapplication, cette décision a été rejetée par la Cour fédérale pour le motif quun tel changement ne pouvait avoir lieu que si le Parlement adoptait une loi, et non par simple décret du Cabinet. La contestation provenait de Prairie Pools Inc., qui soutenait que les pouvoirs de commercialisation de la CCB étaient trop anciens et importants pour pouvoir être modifiés arbitrairement par décret du Cabinet. Comme il semblait quune forte majorité de producteurs sopposaient à la décision sur lorge, ces derniers ont demandé un plébiscite sur la question. Le 20 novembre 1993, le nouveau gouvernement libéral a annoncé quil abandonnait une poursuite en appel de la décision du 10 septembre, entreprise par lancien gouvernement conservateur. La question de lorge a continué de couver jusquà ce quun référendum au début de 1977 fasse la preuve que 63 p. 100 des producteurs des Prairies appuyaient la vente de leur orge par la Commission. Le mandat premier de la CCB est de vendre le blé qui pousse dans lOuest du Canada aux meilleurs intérêts des producteurs, qui défraient tous les coûts dexploitation de la Commission. La zone quelle couvre comprend les trois provinces des Prairies et une petite partie de la Colombie-Britannique. La CCB est le seul organisme de vente de blé et dorge canadiens sur les marchés étrangers et le principal fournisseur de ces grains pour la consommation humaine au Canada. Les grains de provende canadiens destinés au marché intérieur peuvent être vendus soit par lentremise de la CCB, soit directement aux compagnies céréalières. La CCB est une grande agence de vente de céréales, qui réalise un chiffre daffaires de trois à six milliards de dollars par année. Par les opérations de la CCB et ses comptes de mise en commun, les producteurs céréaliers de la Prairie reçoivent pour leur grain un prix qui reflète les conditions générales du marché plutôt que ses fluctuations au jour le jour à léchelle internationale. La CCB administre les prix initiaux garantis par le gouvernement et payés aux producteurs, et exploite un système de moyenne annuelle (mise en commun) des prix aux producteurs. La CCB tient des comptes distincts, ou pools, par campagne agricole, pour chaque céréale quelle vend. Dès que la CCB reçoit la totalité du paiement pour toutes les céréales quelle a reçues durant une période de mise en commun, elle déduit ses coûts afin de déterminer le surplus dan le compte. Ce surplus est versé comme paiement final en fonction des livraisons des producteurs au compte commun. Sil y a déficit, la Loi sur la Commission canadienne du blé prévoit que les pertes sont financées par crédits du Parlement. Le gouverneur en conseil désigne un membre du Cabinet pour agir à titre de ministre aux fins de la Loi. Déficits de
mise en commun
N.B. : Le seul déficit de mise en commun de blé dur sest
produit en 1990-1991 (69,6 M$) La
CCB utilise les compagnies de silos primaires situées dans les régions productrices de
céréales de tout lOuest canadien pour recevoir les livraisons de grain des
producteurs, faire le paiement initial et entreposer, manutentionner et expédier le grain
en fonction des besoins. En général, la CCB ne possède ni nexploite les
installations, mais elle utilise diverses compagnies de manutention et de
commercialisation des grains comme agents pour acheter, manutentionner et parfois vendre
le grain en son nom. La CCB vend à des organismes dÉtat ou à des compagnies
céréalières internationales. Pour leur part, les clients de 70 pays se voient offrir
une grande variété doptions dachat et de livraison. La stratégie globale de
commercialisation de la CCB se caractérise le mieux par son objectif, qui est de garantir
que les sortes et quantités de grain répondant à ses engagements commerciaux soient
vendus là, où et quand elles sont requises. Lune
des questions quon se pose sur le mandat de la Commission est de savoir si elle
devrait continuer de vendre de lorge aux États-Unis. Depuis la signature de
lAccord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989 (ALÉ), le
gouvernement des États-Unis allègue que certaines exportations canadiennes
contreviennent à laccord : les porcs, le bois doeuvre de résineux, le
bétail et le blé dur. En février 1993, le groupe de travail sur le commerce binational
a absout la CCB de laccusation de dumping de blé dur sur le marché américain,
mais recommandé une vérification annuelle confidentielle sur les pratiques de vente de
la Commission. Malgré
ce résultat, la Commission du blé du Dakota-Nord a continué dutiliser son pouvoir
de négociation au sein de lALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain),
signé en janvier 1994, pour réclamer des sanctions commerciales contre le blé dur
importé du Canada. À la fin de 1993, cet organisme a accusé la CCB dutiliser des
subventions généreuses au transport et des pratiques de prix prédatrices pour obtenir
des avantages commerciaux injustes. Selon les responsables de lindustrie canadienne,
les ventes aux États-Unis. ont augmenté parce que les Américains exportaient de gros
volumes de blé dur en vertu de leur programme de mise en valeur des exportations (Export
Enhancement Program), privant ainsi les transformateurs américains du blé dur dont
ils avaient besoin pour faire des pâtes alimentaires, ce qui offrait un marché de choix
pour le blé dur canadien de grande qualité. À
la mi-janvier de 1994, le président Clinton a ordonné à la Commission du commerce
international de mener une étude de six mois sur les pratiques canadiennes de vente du
blé dur. (Le Canada a exporté 708 000 dun total de 2,25 millions de tonnes
métriques de blé durant la campagne agricole 1992-1993.) Les résultats de la première
vérification indépendante de la CCB, pour la période allant du 1er janvier
1989 au 31 juillet 1992, ont été rendus publics le 10 mars 1994. Selon la
Commission du commerce international, des 105 contrats de vente de blé dur conclus,
seulement trois contrevenaient au paragraphe 701.3 de lALÉ, exigeant que la CCB ne
vende pas de blé dur aux É.-U. en deçà du prix dachat augmenté des coûts
dentreposage, de manutention et autres, engagés à leur égard. Le
22 avril 1994, les États-Unis. ont avisé le secrétariat du GATT (Accord général sur
les tarifs et le commerce) de leur intention de renégocier les tarifs sur le blé et
lorge en vertu de larticle 28. Après avoir signalé leur intention, ils
auraient été obligés dattendre 90 jours avant dimposer de nouveaux tarifs
sur le blé dur, après quoi le Canada aurait été libre de bloquer des exportations
américaines de valeur égale. Parmi les cibles quaurait pu viser le Canada,
mentionnons le vin, les pâtes et les céréales à déjeuner américains. Les industries
canadiennes du lait et de la volaille se sont inquiétées du fait que leur régime de
gestion de loffre pourrait être compromis par les efforts du pays pour apaiser les
États céréaliers américains. En
vertu dune entente bilatérale intervenue le 1er août 1994 avec le
Canada, les États-Unis ont affirmé quils ne poursuivraient pas la renégociation
en vertu de larticle 28, évitant ainsi une guerre commerciale dans le domaine de
lalimentation. Lentente, valide jusquau 12 septembre 1995, imposait
des tarifs punitifs sur les exportations de blé aux États-Unis, au-delà de
1,5 million de tonnes métriques; durant la campagne 1993-1994, une quantité record
de 2,5 Mt avait été exportée chez nos voisins du sud. Lentente ne concernait pas
les 400 000 tonnes métriques dorge, de semoule et de blé, en provenance surtout de
lOntario et du Québec, et qui ne transitent pas par la Commission canadienne du
blé. Une
commission mixte dexperts canado-américaine, créé en septembre 1994, a reçu le
mandat détudier le différend pendant un an, et de faire des recommandations
préliminaires après 6 mois. Le 22 juin 1995, cette commission déposait un rapport
provisoire, dans lequel elle recommandait lélimination des politiques de prix
discriminatoires dans les deux pays. Cela signifiait mettre fin au programme américain de
mise en valeur des exportations et forcer la CCB à fonctionner plus en fonction des
risques de profits et pertes du marché, ce qui impliquait une plus grande transparence
dans les pratiques de prix. On a affirmé que la mise en commun des prix de la CCB coupait
les prix, même si son mandat loblige à fonctionner comme une entreprise
commerciale et à vendre le blé au moins au prix du marché. Dans son rapport, la
Commission recommandait de permettre aux producteurs de décider eux-mêmes sils
veulent participer aux mises en commun canadiennes de blé et dorge. Le rapport
final, daté du 11 septembre 1995, traitait davantage du fonctionnement des deux systèmes
de mise en marché des céréales et recommandait létablissement dun comité
consultatif pour régler les différends transfrontaliers mineurs. Les
défenseurs de la CCB blâment les pressions américaines, depuis linstauration du
traité de libre-échange, pour les tentatives de réduction des pouvoirs de
commercialisation de la Commission. Selon eux, ce sont les garanties gouvernementales du
prix initial et la vente par comptoir unique qui permettent à la CCB de livrer le
meilleur rendement aux agriculteurs des Prairies. Ces
dernières années, un nombre croissant de critiques de la CCB a demandé plus de
transparence dans les transactions, ainsi que plus doptions de prix pour les
agriculteurs. Le souvenir des batailles qui ont mené à la création de la Commission,
dans le désordre et la faiblesse du marché libre des années 20 et 30 sest
maintenant estompé. Les agriculteurs progressistes ne sont plus nécessairement ceux qui
voient lavantage de la coopération; la jeune génération dagriculteurs
commerciaux témoigne dune préférence pour les compétences personnelles en
gestion, plutôt que pour les approches collectives. Il est clair que la position
incontestée de la Commission est maintenant devenue controversée dans
lenvironnement commercial plus libre des années 90. En
octobre 1990, un Comité dexamen a publié un rapport sur les défis et les
occasions qui se présentent à la Commission dans les années 90 et au delà. En plus de
traiter de commercialisation, de transport et de manutention du grain, le Comité a
recommandé que la CCB renonce à son équipe de cinq commissaires nommés par le pouvoir
politique, en faveur dune structure dentreprise constituée dun
président et dun vice-président choisis par un conseil dadministration à
temps partiel. Les producteurs détiendraient une majorité des sièges au conseil, qui
inclurait également des représentants de lindustrie et du gouvernement. La
structure dentreprise rendrait délibérément la CCB plus comptable à ses
actionnaires, les agriculteurs du Canada, tandis que le directeur général serait plus
libre de diriger les opérations de la Commission au jour le jour. En
réaction à ce rapport, au printemps 1992, la Commission a ajusté son système de mise
en commun afin de permettre aux agriculteurs de transporter par camion du grain
quils voudraient vendre aux États-Unis, plutôt que par le système des silos.
Cependant, la Commission sest opposée de façon véhémente au retrait de son
monopole de vente de lorge aux consommateurs américains. En conséquence, des
agriculteurs ont commencé à défier le rôle de la Commission et à aller vendre
directement leur grain aux États-Unis. Le 17 mai 1996, le Cabinet a réagi en approuvant
une ordonnance exigeant des exportateurs de blé et dorge quils présentent un
permis dexportation de la Commission canadienne du blé lorsquils passent la
frontière. En
tenant de mettre fin aux disputes sur la façon de vendre le blé et lorge, en 1995,
le ministre Goodale a nommé un Groupe sur la commercialisation du grain de lOuest,
composé de neuf membres, afin dexaminer tous les aspects de la mise en marché du
grain canadien, incluant le monopole de la CCB. Le 9 juillet 1996, ce groupe publiait les
résultats dune étude dun an. Il y recommandait de permettre que le quart de
la récolte annuelle canadienne de blé, valant cinq milliards de dollars, ainsi que 100
p. 100 de la récolte dorge de provende, valant 250 millions, soit vendu au prix du
marché. La CCB demeurerait le seul acheteur des deux catégories de blé, en payant soit
le prix spot, soit le prix moyen de la mise en commun, au choix du producteur. Le groupe a
également formulé des recommandations sur ladministration et les responsabilités
redditionnelles de la CCB. Les résultats nont pas semblé régler les différends
dans le monde agricole sur le rôle de la Commission. Le
3 décembre 1997, le gouvernement a présenté des changements à la Loi sur la
Commission canadienne du blé (voir LS-281). Le projet de
loi C-72 proposait de faire de cette société dÉtat une entreprise mixte dirigée
à temps plein par un directeur général et par un conseil dadministration à temps
partiel et élu. Il proposait aussi que tout changement au monopole de la Commission sur
la vente du blé et de lorge fasse lobjet dune ordonnance et dun
vote des producteurs. Le
projet de loi C-72 a été renvoyé au Comité permanent de lagriculture et de
lagroalimentaire de la Chambre des communes le 19 février 1997, avant la deuxième
lecture. Le Comité a entendu une centaine de témoins et apporté certains amendements
majeurs au projet de loi, en particulier au sujet de la direction de la Commission
canadienne du blé. Le projet de loi amendé par le Comité permanent a été déposé à
la Chambre des communes le 16 avril 1997. La
version amendée du projet de loi prévoyait que 10 directeurs seraient élus par les
producteurs. Dautres amendements accroissaient davantage les pouvoirs des conseils
de direction et clarifiaient le statut de la CCB ainsi que le rôle du fonds
durgence. Le projet de loi C-72 est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a
été dissout le 25 avril 1997, en raison de la tenue délections fédérales. Le
25 septembre 1997, le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission
canadienne du blé et dautres lois en conséquence, a été présentée en
première lecture à la Chambre des communes. Le 8 octobre 1997, on la renvoyé,
avant la deuxième lecture, au Comité permanent de lagriculture et de
lagroalimentaire de la Chambre des communes. Le projet de loi reprend pour
lessentiel le projet C-72 tel quamendé par le Comité permanent en avril
1997, avec certains changements techniques et autres (voir
LS-292). Les changements les plus fondamentaux permettraient à la CCB détendre
son mandat aux autres grains et au conseil dadministration de désigner un directeur
comme président. Le Comité a apporté un ou deux changements de plus lorsquil a
examiné le projet de loi : le plus important précise que seuls les producteurs
dune céréale seraient en mesure décrire au ministre pour la faire inclure
dans le mandat de la Commission. On a également pris des dispositions pour que la
communauté agricole soit suffisamment avisée dune telle demande. Le projet de loi
est retourné à la Chambre des communes le 7 novembre 1997. Du
24 mars au 2 avril 1998, le Comité sénatorial permanent de lagriculture et des
forêts a tenu des audiences publiques sur le projet de loi C-4 à Brandon, Regina,
Saskatoon, Calgary, Edmonton et Winnipeg. Il a entendu les témoignages de 92
agriculteurs, dont 34 appartenaient à des associations, et de trois ministres de
lAgriculture provinciaux. À Ottawa, le Comité a accueilli le ministre responsable
de la CCB et entendu les témoignages de fonctionnaires de la CCB et dAgriculture et
Agroalimentaire Canada. Dans
le rapport quil a déposé au Sénat le 14 mai 1998, le Comité a fait les
recommandations suivantes : i) que le
conseil dadministration soit consulté en ce qui concerne la nomination du
président de la Commission; ii) que le
vérificateur général du Canada soit autorisé à faire la vérification de la
Commission; iii) que les
articles relatifs à linclusion et à lexclusion de grains soient tout
simplement supprimés. Le
Comité sénatorial permanent a aussi recommandé que les circonscriptions électorales
créées pour lélection des producteurs au conseil dadministration soient
délimitées de façon que cinq dentre elles soient situées en Saskatchewan, trois
en Alberta et deux au Manitoba; que chaque détenteur dun carnet de permis ait droit
à un vote; que le fonds de réserve soit plafonné à 30 millions de dollars; et que des
comptes distincts soient établis pour chacune des trois activités financées par le
fonds de réserve (ajustements au paiement initial, versements anticipés de mise en
commun et pertes éventuelles résultant de la vente au comptant). Le projet de loi C-4 a
reçu la sanction royale le 11 juin 1998.
|