Direction de la recherche parlementaire

 

PRB 98-5F

LA PROBLÉMATIQUE DES IMPORTATIONS
DE MÉLANGES LAITIERS COMME CEUX
D'HUILE DE BEURRE ET DE SUCRE

Rédaction :
Jean-Denis Fréchette
Division de l'économie
Octobre 1998


En un peu plus de dix-huit mois, le volume des importations de mélanges d’huile de beurre et de sucre s’est accru de 488 p.100; il n’est donc pas surprenant de constater que l’engouement politique pour cette question ait, en quelques semaines, connu à peu près la même croissance exponentielle. Pourtant, à prime abord, le fait que des importations soient passées de trois millions de dollars en 1995 à quelque 20 millions de dollars en 1997 n’aurait pas dû en soi susciter beaucoup d’intérêt; si tant de gens s’intéressent soudain à ce produit alimentaire semi-transformé, cireux, granuleux et peu ragoûtant, c’est qu’il cache une réalité économique et politique fort complexe. En effet, l’importation croissante de mélanges contenant 49 p. 100 d’huile de beurre et 51 p. 100 de sucre pose problème parce que ces mélanges laitiers peuvent entrer librement au Canada sous la ligne tarifaire 2106.90.95 et ce, pour une raison principale, à savoir de permettre aux transformateurs de crème glacée et de fromage fondu de diminuer leurs coûts de production.

La rapide réaction des Producteurs laitiers du Canada (PLC) à l’accroissement des importations de mélanges d’huile et de beurre montre bien que l’organisme a saisi l’ampleur du problème que ces importations posent. Ces « produits laitiers », qui sont en principe utilisés comme substitut dans la fabrication de la crème glacée, sont tellement édulcorés que non seulement ils cessent d’être considérés comme une matière grasse de lait, mais perdent aussi la protection tarifaire généralement accordée aux véritables produits laitiers; pourtant ils viennent remplacer une partie de la production intérieure de matière grasse du lait et ainsi bouleverser les marchés. Et parce qu’ils sont importés librement et sans entraves, ils illustrent bien le fait qu’en raison de l’ouverture des marchés, la protection accordée au secteur laitier canadien n’est plus ce qu’elle était avant les négociations de l’Uruguay Round.

Au plan politique, le débat qu’a suscité l’opposition des producteurs canadiens aux importations de mélanges d’huile de beurre et de sucre a révélé que la question n’en est pas uniquement une de gestion de l’offre, mais qu’elle a aussi trait à l’assujettissement des politiques commerciales à des règles internationales, à l’innocuité des aliments et à l’étiquetage des produits.

Du point de vue économique, il a fallu constater qu’en raison de l’ouverture des marchés, les producteurs, les transformateurs et les consommateurs seront désormais confrontés à un nombre croissant de choix qui bousculeront leurs environnements respectifs.

Le commerce des mélanges d’huile de beurre et de sucre relève de quatre ministères fédéraux, à savoir le ministère des Finances pour ce qui est de la politique commerciale en général, Revenu Canada en ce qui a trait à la classification et au contrôle des importations, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en ce qui concerne l’administration des contingents tarifaires et, enfin, Agriculture et Agroalimentaire Canada dont l’expertise est essentielle pour déterminer la classification des produits. Il a suffi que Revenu Canada prenne, en vertu de règlements établis au niveau international, une simple décision administrative pour déclencher une montée aux barricades qui n’est pas sans rappeler l’épisode de l’importation de fromages au lait cru. Par conséquent, on peut affirmer que si les enjeux de la controverse sont de taille, l’origine de celle-ci est d’une banalité toute bureaucratique.

En effet, personne ne remet en question les contingents tarifaires canadiens négociés au niveau international, ni les niveaux de protection dont profitent les produits laitiers; par contre, la mise au point de produits d’imitation ou carrément novateurs et leur importation au Canada obligent ce dernier à prendre des décisions administratives qui ne font pas que des heureux, principalement à cause de l’impact économique qu’elles peuvent avoir sur certaines industries. Dans les diverses sections du présent document, nous abordons divers aspects du problème.