PRB 00-22F

LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT ET LES AUTRES
INDICATEURS SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES

 

Rédaction :

Blayne Haggart
Division de l'économie
Le 1er décembre 2000


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

QU’EST-CE QUE LE PIB?

   A. Contexte

   B. Historique du PIB

   C. Atouts du PIB

      1. Mesure de l’activité économique

      2. Indicateur approximatif du bien-être social et économique

   D. Les faiblesses du PIB comme mesure normative

      1. Le PIB exclut les activités non rémunérées

      2. Certaines dépenses mesurées par le PIB ne contribuent pas à la prospérité

      3. Stocks et flux

      4. LE PIB ne tient pas compte de la répartition du revenu ni de la consommation

      5. Tous les facteurs de bien-être ne sont pas d’ordre économique

      6. Questions techniques

VERS UNE MESURE DU BIEN-ÊTRE SOCIAL ET ÉCONOMIQUE

   A. Élaborer un nouvel indicateur : une tâche difficile

      1. Problème de définition

      2. Problème d’amalgame

      3. Accords internationaux et pressions politiques

   B. Comment se définit un bon indicateur?

ADAPTATION DU PIB : QUELQUES PROJETS EN COURS

   A. Comptes satellites du SCN

   B. Indicateur de progrès véritable de Redefining Progress

   C. GPI Atlantic

CONCLUSION

SOURCES ET AUTRES RENSEIGNEMENTS

   A. Sites Web

   B. Livres et articles


LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT ET LES AUTRES
INDICATEURS SOCIAUX ET ÉCONOMIQUES

INTRODUCTION

Bien que le produit intérieur brut (PIB), ou son cousin le produit national brut (PNB), n’ait vu le jour qu’il y a 60 ans environ, il est quasiment impossible d’imaginer que l’on ait pu s’en passer.  Statistique Canada le publie chaque mois, ce qui donne lieu à une foule de rapports, de commentaires et d’analyses dans les médias.  Il sous-tend chacune des décisions prises par les entreprises et guide le gouvernement dans l’élaboration de ses politiques.

Comme mesure de l’activité du marché et de la prospérité économique, le PIB est sans pareil.  Le ministère du Commerce américain, qui a déclaré en 1999 que la création du Système de comptabilité nationale était sa plus grande réalisation du XXe siècle, a fait les commentaires suivants :

Les comptes nationaux sont devenus le pilier de l’analyse macroéconomique moderne, car ils permettent aux stratèges, aux économistes et aux entreprises d’analyser l’incidence des différents régimes fiscaux et plans de dépenses, celle des chocs pétroliers et autres chocs de prix ainsi que celle de la politique monétaire sur l’économie dans son ensemble et sur certains compartiments de la demande finale, des revenus, des branches d’activité et des régions(1).

En général, le PIB est toutefois considéré comme plus qu’un indice macro-économique positif.  Il est de plus en plus perçu comme un indicateur normatif du bien-être social et économique.  Pour les Canadiens, il permet de connaître l’état de santé du pays.

Depuis longtemps, les milieux économiques et les cercles de stratèges s’interrogent sur l’utilité du PIB comme indicateur normatif du bien-être social et économique général.  Dans un document qu’il a publié pour Statistique Canada en 1974 et portant sur les possibilités de modification du PIB, Oli Hawrylyshyn fait remarquer que par le « passé le PIB avait été très utile pour ce qui est de la "comptabilité de gestion", en fournissant aux décideurs des renseignements sur l’activité des marchés et aux analystes des données sur les variables économiques à utiliser dans leurs modèles.   Le PIB est supposé désormais indiquer à la population l’amélioration ou la dégradation de son niveau de vie, et ce glissement revêt une certaine importance »(2).

Le désir de mesurer le niveau et l’évolution du bien-être n’a pas tiédi.  Il existe des centaines de programmes d’indicateurs à l’échelon municipal, régional, national et international, qui visent tous à quantifier le bien-être selon ses diverses définitions.   Un grand nombre de ces programmes tentent de mesurer des facteurs pour lesquels le PIB n’a pas été conçu, notamment le développement durable (entre autres types de développement) ainsi que la pollution et la dégradation de l’environnement, de même que la qualité de vie.  Dans son budget de 2000, le gouvernement fédéral a affecté 9 millions de dollars à l’élaboration d’indicateurs relatifs à l’environnement et au développement durables.

Dans le présent document, nous analysons les avantages et les inconvénients de l’utilisation du PIB comme indicateur normatif du développement social et économique.  Dans la première section, nous définissons le PIB, en en soulignant les forces et les lacunes.  Dans la deuxième, nous abordons les aspects positifs et négatifs des autres indicateurs sociaux et économiques, tandis que dans la troisième nous abordons trois programmes en particulier.

QU’EST-CE QUE LE PIB?

   A. Contexte

Si le PIB et les comptes de revenus nationaux semblent être des concepts obscurs, ils comptent néanmoins parmi les grandes inventions du XXe siècle.

Paul A. Samuelson et William D. Nordhaus(3)

Le produit intérieur brut mesure la valeur au coût du marché, exprimée en dollars, de la production finale d’un pays.  Il peut être calculé de trois manières : en additionnant les revenus et les profits issus de la production de biens et services; en additionnant les dépenses en biens et services (en ajoutant les sommes dépensées en exportations et en soustrayant les sommes dépensées en importations); et en adjoignant la valeur ajoutée par le travail et le capital lorsque les intrants achetés à d’autres producteurs sont transformés en extrants.  Le PIB mesure les flux économiques – la production – et non les stocks, comme la richesse et l’équipement déjà existants, et ne mesure pas les transactions financières ni les dons (les fonds qui changent de main).

Le PIB permet de mesurer l’activité économique à l’intérieur des frontières d’un pays, tandis que le produit national brut (PNB) quantifie le revenu global des citoyens de ce pays.  Le PNB ajoute au PIB les loyers, les intérêts, les profits et les dividendes entrant dans le pays, et en déduit les loyers, les intérêts, les profits et les dividendes versés à des étrangers.  Pour le moment, on privilégie le PIB plutôt que le PNB, car les décideurs s’intéressent habituellement au niveau d’activité économique sur le territoire du pays.  Dans la plupart des cas, le PIB et le PNB sont plus ou moins équivalents, bien que dans certains pays où la présence étrangère est forte, comme l’Irlande, on privilégie le PNB.

Le PIB réel par habitant sert également souvent d’indicateur de l’évolution du niveau de vie d’une population.  Il représente la valeur réelle de la production de biens et services divisée par le nombre d’habitants.

   B. Historique du PIB

La collecte de statistiques visant à décrire la situation des économies nationales dans le monde occidental remonte au moins à 1665, en Angleterre, mais les statistiques utilisées pour établir le PIB et le PNB – le Système de comptabilité nationale – est une invention relativement récente.

Le Système de comptabilité nationale (SCN) a été créé en 1939 aux États-Unis dans le but de répondre à une nécessité pressante, maximiser la production dans une économie à la veille d’une guerre mondiale et faire redémarrer l’économie après la grande Crise.  Contrairement au tableau nuancé que permet aujourd’hui de brosser le SCN, avant le milieu des années 1930 les fonctionnaires de l’État ne disposaient que de données incomplètes et sporadiques sur l’économie.  Selon l’économiste Richard T. Froyen, « il est étonnant d’apprendre que les présidents Hoover et Roosevelt ont conçu leurs politiques visant à surmonter la grande Crise des années 1930 en s’appuyant sur des données aussi grossières que les indices des cours des actions, le chargement des wagons de marchandises ou les indices incomplets de la production industrielle »(4).

C’est en 1937 que le premier jeu de comptes nationaux, préparé sous la direction de Simon Kaznets (futur lauréat du Prix Nobel d’économie) a été présenté au gouvernement américain.  À la même époque, l’économiste britannique John Maynard Keynes, dont la pensée a façonné plus que tout autre l’ordre économique de l’après-guerre, développait sa Théorie générale, qui appelait une politique économique fortement interventionniste de la part de l’État.  Selon le prix Nobel d’économie Robert Solow, les travaux de Kuznets constituent en quelque sorte « l’anatomie » de la « physiologie » de Keynes(5).

Grâce au système de comptabilité nationale, le gouvernement a été en mesure de répartir les ressources avec efficience et efficacité en vue de l’effort de guerre.  D’après Wesley C. Mitchell, directeur du National Bureau of Economic Research, « seuls ceux qui ont participé personnellement à la mobilisation économique à l’époque de la Première Guerre mondiale savent le nombre de façons dont les estimations du revenu national sur 20 ans, ventilé de bien des façons, ont facilité l’effort de guerre lors de la Seconde Guerre mondiale et à quel point »(6).

Le SCN, assise du PIB, a guidé la politique économique de l’après-guerre qui se fondait sur la théorie keynésienne.  Et il est difficile d’en sous-estimer le succès.  William M. Daley, secrétaire du commerce américain, a déclaré que, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, depuis que les comptes du PIB sont plus élaborés et d’un usage plus répandu, les cycles d’expansion et de ralentissement sont beaucoup moins sévères.  ...Ce système a eu un effet très positif sur le bien-être économique de l’Amérique en fournissant un flux constant de données économiques très utiles(7).

Le succès du PIB et du SCN est attribuable à leur universalité.   Le SCN est devenu une norme internationale sous l’égide des Nations Unies, tandis que le PIB est désormais la mesure la plus répandue du bien-être économique et, dans une large mesure, du bien-être social.

   C. Atouts du PIB

      1. Mesure de l’activité économique

Comme on peut le déduire de ce qui précède, le PIB fournit un bien meilleur aperçu de l’économie et, par la voie de son taux de croissance, de l’évolution de cette dernière que les autres mesures existantes.  Il récapitule toute une gamme d’informations économiques.  Décomposé, il peut mettre en lumière les forces et les faiblesses des divers secteurs.   Les décideurs et les analystes disposent ainsi d’un outil commode leur permettant d’orienter les politiques économiques.

Le PIB est également un excellent baromètre pour ce qui est du climat des affaires.  Techniquement, une récession représente deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB, mais, pour les entreprises et pour les gouvernements, c’est le signal qu’ils doivent ajuster leurs politiques.

      2. Indicateur approximatif du bien-être social et économique

La croissance du PIB – c’est-à-dire la croissance de l’économie en général, contribue de façon marquante à la prospérité du pays.   Normalement, la croissance économique a pour effet de faire augmenter les revenus et l’emploi.  La question se pose alors de savoir dans quelle mesure l’évolution du PIB reflète les niveaux et les changements de la santé sociale et économique.

Si nous sommes intéressés à suivre l’évolution du bien-être, le PIB peut servir à mesurer les modifications du niveau de bien-être social si les autres facteurs en jeu demeurent constants.  Selon certains économistes, les variations du PIB reflètent en fait le niveau de bien-être général suffisamment bien pour qu’il représente une bonne mesure de l’évolution du bien-être.  Au début des années 1970, William Nordhaus et James Tobin ont construit une mesure du bien-être économique à l’aide de données portant sur la situation aux États-Unis entre 1929 et 1965.  Leur point de départ était la consommation des particuliers, corrigée pour tenir compte de postes comme les « dépenses regrettables » (frais de déplacement et frais de services bancaires et juridiques, par exemple), les dépenses en soins de santé et en enseignement privé, auxquelles ils ont ajouté des facteurs comme la valeur des loisirs (mesurée comme le coût d’option du travail) et les dépenses des gouvernements censées générer la prospérité.  Certains de ces facteurs peuvent être matière à débat (les loisirs sont-ils vraiment le coût d’option du travail? Les dépenses en services juridiques ou les frais de déplacement sont-ils vraiment « des dépenses regrettables »?).   MM. Nordhaus et Tobin ont établi que la Mesure du bien-être économique (MBÉ) et le PIB étaient corrélés, tout comme leur MBÉ (corrigée pour tenir compte du stock de capital et des exigences de croissance) et le produit national net (PNN).

Certains analystes comme ceux de Redefining Progress (voir ci-après) estiment néanmoins que, par suite de l’utilisation de ces indicateurs, les mesures de la production et du bien-être semblent avoir divergé au cours des années 1970, si bien que le PIB ne permet plus d’établir avec exactitude notre utilité globale.

Le principal avantage du PIB comme mesure approximative du bien-être général tient sans doute au fait qu’il est facilement quantifiable.  Il est en effet extrêmement avantageux pour les stratèges de disposer d’un chiffre facile à calculer et à suivre et c’est ce que le PIB constitue dans la mesure où il donne une idée approximative du niveau de bien-être social et économique général.

   D. Les faiblesses du PIB comme mesure normative

Les économistes s’empresseront de signaler que le PIB ne prétend pas être plus que ce qu’il est, une simple mesure de la production, mais avec le temps on en est venu à penser que la croissance du PIB reflète un essor de l’économie et une amélioration de la société.

Hans Messinger, Division des mesures
et analyse des industries, Statistique Canada(8)

La plupart des économistes – de Simon Kuznets, créateur du SCN, au président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan – émettent des mises en garde contre l’utilisation du PIB comme mesure du bien-être social.  Selon M. Greenspan, le PIB « constitue toujours la meilleure mesure de la valeur au coût du marché des biens et services, mais pas nécessairement du bien-être ni même du niveau de vie »(9).  M. Kuznets a dit au Congrès américain en 1934 que « les objectifs en matière de croissance devraient être précis et indiquer de quel type de croissance il s’agit et dans quel but »(10).

Ces mises en garde sont passées plus ou moins inaperçues.   En 1972, William Nordhaus et James Tobin ont fait remarquer que « le PNB n’était pas une mesure du bien-être; que la politique ne devait pas avoir pour objectif l’accroissement maximal du PIB et que tous les économistes le savaient pertinemment, et pourtant le fait qu’ils recouraient au PIB chaque jour pour mesurer la tenue de l’économie semblait indiquer qu’ils sont des adorateurs du dieu PIB »(11).

Plus de 400 économistes américains, notamment le Prix Nobel Herbert Simon et le professeur Robert Eisner, ancien président de la American Economics Association, ont déclaré publiquement que le PIB laissait de côté les coûts sociaux et environnementaux et donnait donc  « une image partielle et trompeuse de la véritable prospérité »(12).

De par sa nature, le PIB ne mesure pas certains facteurs intéressant ceux qui désirent déterminer le niveau et les variations du bien-être économique durable.  Plus l’évolution de ces facteurs diverge de celle du PIB, moins la mesure du bien-être économique que donnent le PIB et sa croissance est fiable.  Par ailleurs, malgré son utilité comme moyen de prendre le pouls de l’activité économique, cet indicateur n’a pas un format immuable, comme le mettent en lumière certaines questions techniques.

      1. Le PIB exclut les activités non rémunérées

On entend par activités non rémunérées la production et la consommation de biens et services hors de l’économie de marché.  Le travail ménager, les soins aux enfants ainsi que le bénévolat peuvent être, à quelques exceptions près, achetés dans une économie de marché.  Dans une certaine mesure, les loisirs représentent le choix personnel d’offrir ses services dans l’économie de marché.

Le PIB est un moyen de mesurer l’activité du marché; à ce titre, il exclut tout ce à quoi aucun prix n’est associé, ainsi que les transactions ayant lieu sur le marché noir.  Le travail ménager non rémunéré, le bénévolat, le soin des enfants, le troc et le trafic de stupéfiants sont quelques exemples d’activités dont le PIB ne tient pas compte, bien qu’elles puissent en théorie être achetées sur le marché.

Ronald Colman, directeur du groupe de réflexion de Halifax, GPI Atlantic (qui est en train de mettre au point une série d’indicateurs pour la Nouvelle-Écosse) estime que tout glissement d’un marché à l’autre sera pris en compte dans le PIB, même si les niveaux généraux de biens et services produits peuvent rester stables.

Parce qu’il ne tient pas compte des transactions non monétaires, le PIB comptabilise certains glissements de la production (des soins parentaux aux services de garderie, des repas pris à la maison aux sorties au restaurant, des tâches domestiques non rémunérées au travail ménager par des professionnels) comme une croissance économique, même s’il n’y a pas modification de la production globale.  Inversement, en période de récession il y a en général un retour vers l’économie informelle, que le PIB enregistre comme un déclin de la production(13).

Au niveau macroéconomique, la variable qui compte c’est le niveau total des biens et services fournis, que ce soit sur le marché mesuré par le PIB ou non.  Dans ce sens, le PIB ne fournit qu’un aperçu partiel de la réalité.

      2. Certaines dépenses mesurées par le PIB ne contribuent pas à la prospérité

Parfois les progrès et les reculs du PIB ne sont pas un reflet fidèle de la santé de l’économie.  Si l’on veut utiliser le PIB isolément comme indicateur normatif, les externalités, c’est-à-dire les événements extérieurs hors de tout contrôle – comme les guerres, les catastrophes naturelles et les maladies – et qui mènent à des augmentations des dépenses, doivent être considérées comme des facteurs constructifs dans la mesure où elles stimulent l’activité économique.  Le PIB ne tient compte d’aucune perte au niveau du bien-être en cas, notamment, de catastrophe naturelle ou écologique, bien que les opérations de dépollution ou la reconstruction contribuent à la fois au niveau de bien-être de la population et au PIB.  Ne tenir compte que du PIB comme indicateur normatif dans de telles situations fournit une « mauvaise indication » des changements de bien-être social, car cela ne tient pas compte des effets négatifs qui ont été à l’origine de l’activité économique.  En effet, « bien qu’ils contribuent tous à l’augmentation du PIB, les catastrophes "naturelles" et "humaines", les crimes et les accidents n’améliorent pas le bien-être de la société »(14).

Si l’on devait utiliser le PIB comme seul critère de progrès, toute progression de ce dernier devrait signifier que le bien-être général s’est amélioré.  Et l’on se retrouve avec cette situation paradoxale :

Le PIB étant ce qu’il est, le héros national du point de vue économique est la personne qui se meurt d’un cancer et qui traverse un divorce coûteux.  Ce qui peut lui arriver de mieux, c’est un tremblement de terre ou une tornade.  Il serait aussi idéal qu’il habite dans un des sites visés par le Fonds spécial pour l’environnement.  Ces situations contribuent à la croissance du PIB, car elles supposent des transactions monétaires.  C’est un peu comme si une entreprise se contentait d’additionner toutes ses « opérations » sans se soucier de savoir s’il s’agit de revenus ou de dépenses, ou d’éléments d’actif ou de passif(15).

Parfois, les particuliers engagent des dépenses « défensives » qui réduisent éventuellement leur qualité de vie.  Il peut s’agir par exemple du coût des déplacements entre le lieu de travail et le logement, des coûts liés à la criminalité et aux accidents.  Une fois encore, lorsqu’il s’agit de dépenses involontaires (comme en cas d’accident), leur contribution positive au PIB devrait être traitée comme nous l’avons décrit auparavant.  Lorsqu’il s’agit d’activités délibérées, il faut user de jugement pour établir s’il s’agit effectivement d’une dépense « négative » et dans quelle mesure.  Par exemple, de longs déplacements entre son lieu de travail et son logement peuvent être fastidieux, mais résulter d’une préférence personnelle (pour la vie en banlieue ou envie d’écouter de la musique pendant le trajet) ou s’expliquer par l’absence de logements abordables à proximité du lieu de travail.   En fait, il est souvent difficile d’établir si un facteur est complètement « négatif » ou complètement « positif ».

      3. Stocks et flux

Parce que le PIB ne mesure que les flux, et non les stocks, la consommation de ressources naturelles non renouvelables, comme le pétrole, compte comme un ajout au PIB, alors que le stock restant de réserves pétrolières n’est pas considéré comme un stock.  Les ressources naturelles devraient être considérées comme des stocks auxquels l’on puise.   Le tableau serait plus exact : lorsqu’elles sont découvertes, les ressources seraient ajoutées à la « richesse » du pays, dont elles seraient soustraites dès qu’elles seraient utilisées.

Même si le PIB ne l’indique pas, le Système de comptabilité nationale comporte des comptes satellites qui traitent des stocks de ressources naturelles, car, comme le capital physique et le travail, ils contribuent à la richesse d’une nation.

      4. Le PIB ne tient pas compte de la répartition du revenu ni de la consommation

La mesure dans laquelle les particuliers et divers groupes bénéficient de la prospérité d’un pays est un autre indicateur du bien-être social et économique qui y règne.  Le PIB par habitant fournit une estimation grossière de la « part » qu’a chacun de l’économie du marché.  Certains sont privilégiés par rapport aux autres.  Ce n’est pas en suivant l’évolution du PIB que l’on peut établir l’ampleur de la pauvreté et à quel point revenus et consommation sont inégalement répartis.

      5. Tous les facteurs de bien-être ne sont pas d’ordre économique

Le PIB ne pouvant mesurer que les facteurs auxquels un prix est associé, il exclut automatiquement ce qui ne ressort pas de la sphère de l’économie, comme la faible criminalité, la stabilité familiale et la salubrité de l’air.  Inversement, les coûts « négatifs » que sont le contrôle de la pollution ou les dépenses en systèmes d’alarme et en frais de garderie constituent une adjonction au PIB même s’ils contribuent peu au bien-être général ou n’y contribuent aucunement.  Le PIB ne tient pas non plus compte des investissements en capital social, comme les investissements dans les collectivités ou les institutions sociales.

      6. Questions techniques

On apporte constamment des révisions au PIB en tant que mesure de l’activité du marché, à mesure que la compréhension de l’économie évolue.  Par exemple, on continue de débattre des différences entre un investissement de capitaux et la consommation, du côté des dépenses, les deux étant compris dans le même type d’activité.  Le premier est bénéfique à long terme, alors que la seconde ne l’est que dans l’immédiat.   Selon Alan Greenspan,

Dans le monde d’aujourd’hui, il est devenu beaucoup plus difficile d’établir si une dépense particulière a été imputée à l’exercice et exclue dans la mesure du PIB, ou si elle est capitalisée et prise en compte dans le PIB.  C’est tout ou rien.  Et, comme l’on capitalise le logiciel qui n’est pas incorporé dans le matériel, il y a un glissement important dans la façon dont on évalue ce que l’on produit(16).

Qui plus est, certains éléments tiennent à la fois de la consommation et de l’investissement, ce qui est le cas de l’éducation.  Comme le fait remarquer Hawrylyshyn, dans ce cas il faut simplement établir les limites et c’est ce que fait le PIB en dollars courants à l’égard de la consommation…(17).

VERS UNE MESURE DU BIEN-ÊTRE SOCIAL ET ÉCONOMIQUE

Tous les autres indicateurs sociaux et économiques sont conçus pour mesurer certains ou la totalité des facteurs précisés plus haut et pour permettre d’étudier et de suivre de façon empirique l’évolution d’aspects sociaux comme le développement durable et la dégradation de l’environnement et de régler les problèmes que pose l’utilisation du PIB comme indicateur normatif.  Bien que de nombreux groupes aient proposé des indicateurs rivalisant avec le PIB ou complétant ce dernier, aucun ne s’est répandu ni n’a même menacé le PIB.  Dans la section suivante, nous décrirons les efforts de trois groupes, celui qui appuie le SCN, Redefining Progress et GPI Atlantic, groupe de la Nouvelle-Écosse, après avoir indiqué dans le détail certaines des critiques dont font l’objet les indicateurs sociaux.

   A. Élaborer un nouvel indicateur : une tâche difficile

      1. Problème de définition

Parce qu’il s’attache aux prix liés aux transactions sur le marché, le PIB permet d’établir un indice complet comportant un résultat net convenu.  Les indicateurs de nature sociale n’ont pas ces caractéristiques.  Même si l’on peut s’entendre sur divers facteurs de qualité de vie (l’eau potable est une bonne chose, la criminalité une mauvaise) ou sur ce qui constitue une « croissance négative », l’exhaustivité des mesures (on ne peut jamais tout prévoir) et leur importance relative sont toujours matière à débat.

Par conséquent, il est très difficile de s’entendre sur la composition d’un indicateur global du bien-être social, car il est par nature entaché de subjectivité.  Même si un indice du bien-être social et économique durable n’est pas impossible à construire, sa fiabilité dépendra de la mesure dans laquelle il est accepté.

Le PIB présente un problème quelque peu différent.  Bien qu’il constitue une mesure objective et positive de la croissance économique, le fait de s’en servir pour mesurer de façon approximative le bien-être social procède d’un jugement de valeur à propos de l’importance de l’activité du marché et de la croissance économique.  Si l’on se fie exclusivement au PIB, on exclut automatiquement d’autres indicateurs, ce qui représente en soi un jugement de valeur (par exemple, on suppose que l’inégalité des revenus et la valeur du travail ménager non rémunéré ne sont pas des mesures importantes du bien-être social et que le PIB est une mesure exacte du bien-être).

      2. Problème d’amalgame

Il est difficile, voire impossible, d’additionner des facteurs évidents de qualité de vie, tels que le niveau de la criminalité, les loisirs et les encombrements de la route, car ils ont tous des fondements différents.  On préfère y associer un prix, ce qui pose toutes sortes de problèmes de mesure.  Bien que l’on accepte lentement la tarification de certaines activités non commerciales, le travail ménager non rémunéré par exemple, le fait d’attacher un prix à toutes sortes d’activités, des loisirs au temps perdu dans les encombrements (manque à gagner en salaires) en passant par l’amenuisement des ressources est un jugement de valeur pour ce qui est des éléments dont on tient compte et du poids relatif de chacun, comme nous en avons déjà parlé.  L’amalgame pose également le problème de la pondération subjective.

La solution la plus simple serait de l’éviter complètement.  Aucun chiffre, que ce soit le PIB ou autre chose, ne peut brosser le tableau nuancé du monde dont on a besoin pour prendre des décisions judicieuses.  Aussi, même s’il serait souhaitable pour des raisons de simplicité de disposer d’un seul chiffre, il pourrait être plus pratique de se doter d’une sorte de « tableau de bord », comme le suggère l’Institut international de développement durable, de Winnipeg (www.iisd.ca).  À l’instar du tableau de bord d’un véhicule qui regroupe un compteur de vitesse, un compteur kilométrique et un tachymètre, ainsi que plusieurs témoins d’alerte, le modèle de tableau de bord proposé comporterait plusieurs indicateurs, notamment le PIB, les mesures de pollution, les comptes de ressource et les niveaux de criminalité, ce qui permettrait de pouvoir mieux prendre le pouls d’un pays.  On aurait ainsi une meilleure idée du niveau de bien-être social et l’on éviterait la simplification exagérée qui va avec l’utilisation d’un seul chiffre.

      3. Accords internationaux et pressions politiques

Le recours à un autre indicateur rencontre l’inertie des autorités nationales et internationales.  Le Système de comptabilité nationale est utilisé, cité et peaufiné depuis plus de 50 ans un peu partout au monde.  Tous les pays acceptent le PIB comme une mesure de l’activité économique et, du Canada à la Chine, on cherche à en répandre l’usage.  Par conséquent, toute modification en profondeur de cet indicateur est peu probable parce qu’il est nécessaire d’avoir un outil permettant des comparaisons internationales.  Or, pour Hans Messinger de Statistique Canada, cela « n’empêche pas de chercher à établir une autre mesure »(18).

   B. Comment se définit un bon indicateur?

D’après l’Institut international du développement durablede Winnipeg, un bon indicateur économique présenterait les caractéristiques suivantes :

  • pertinence pour ce qui est de la politique;

  • simplicité;

  • validité;

  • données chronologiques;

  • disponibilité de données abordables;

  • capacité d’amalgamer les renseignements;

  • sensibilité;

  • fiabilité.

Dans certains cas, il faut créer de nouveaux ensembles de données pour construire un indice; dans d’autres, on peut réutiliser les données de plusieurs façons.   Le plus difficile est sans doute de créer un indicateur scientifiquement valide (problèmes de mesure et de définition).  Il faut noter de nouveau que cela s’applique également au PIB dans son rôle de mesure du bien-être social.

ADAPTATION DU PIB : QUELQUES PROJETS EN COURS

   A. Comptes satellites du SCN

La volonté de créer d’autres indicateurs tient essentiellement à la montée du mouvement écologique.  Pour faire suite aux révisions apportées en 1993 par les Nations Unies au système de comptabilité nationale, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques et la Commission des communautés européennes ont adopté des lignes directrices visant à instaurer un système satellite de comptes nationaux portant sur les données écologiques et économiques, de manière à ce que les dépenses au titre de la protection de l’environnement soient transparentes, à ce que l’utilisation des ressources et la production des déchets soient chiffrées et à ce que le produit intérieur net tienne compte de la situation écologique, ce dans le but de rendre compte de l’amenuisement des ressources naturelles et de la dégradation de l’environnement.

Conformément à cet objectif, la Banque mondiale a publié en 1997 le document intitulé Expanding the Measure of Wealth: Indicators of Environmentally Sustainable Development, et Statistique Canada a rendu public, le 4 décembre 1997, son nouveau système de comptes des ressources et de l’environnement, qui sera intégré aux bilans nationaux et aux comptes d’intrants-extrants.  En fait, un des buts principaux de Statistique Canada, lorsque l’organisme a créé ses Comptes sur les dépenses consacrées à la protection de l’environnement, « était de fournir l’information nécessaire à tous ceux qui désiraient calculer un produit intérieur net ajusté pour tenir compte de l’environnement ».

(extrait de Measuring Sustainable Development de GPI Atlantic)

Parce que le bilan national fait état des ressources naturelles, il est possible d’établir la richesse nationale (valeur du capital dont une nation peut déduire un revenu futur).  Actuellement, on tient aussi compte des machines au moyen desquelles on produit du bois d’œuvre, mais pas le bois d’œuvre lui-même.  Dans les deux cas, il s’agit d’immobilisations; bien qu’il soit possible pour un pays d’épuiser une ressource naturelle, ce qui ne se reflétera pas dans les comptes nationaux, une nation ne peut perdre tout son capital (selon la définition actuelle).  Cela tient au fait que le capital fabriqué par l’homme est pris en compte au moment de sa création et que le capital naturel « découvert » ne se reflète jamais dans un bilan.

Le système des comptes satellites permet de restructurer le cadre de la comptabilité nationale pour faciliter l’analyse environnementale, de manière à ce que les dépenses au chapitre des activités de protection de l’environnement soient explicites et à ce que l’on connaisse la valeur du stock de ressources naturelles et sa variation annuelle.  Il permet également de décrire l’interaction entre l’environnement et l’économie concrètement, en liant les données relatives à l’utilisation des ressources et la production de déchets aux données économiques provenant du SCN.  On obtient ainsi un produit intérieur net ajusté pour tenir compte de l’environnement.

   B. Indicateur de progrès véritable de Redefining Progress

Redefining Progress, organisme de réflexion de San Francisco (www.rprogress.org), est un des chefs de file du mouvement qui prône l’adoption d’autres indicateurs sociaux et économiques.  Son indicateur de progrès véritable (IPV) représente le PIB corrigé de manière à tenir compte de la croissance « négative » (amenuisement des ressources et dépenses au titre de la prévention de la criminalité) par opposition à la croissance « positive ».  Son objectif est de créer un indicateur à un seul chiffre qui remplacera le PIB en tant que mesure du bien-être social et économique.

Ce nouvel indicateur devrait permettre de mesurer la prospérité économique et le développement durables.  Il part des dépenses de consommation, corrigées pour tenir compte de l’inégalité des revenus, auxquelles sont ajoutés ou dont sont soustraits divers facteurs selon qu’ils contribuent au développement économique durable et au bien-être social ou non (voir tableau 1).

Son principal avantage est de permettre aux stratèges de s’interroger sur la qualité de la croissance économique, pour laquelle les mesures économiques traditionnelles comme le PIB sont sans utilité.  Ainsi, le tableau que brosse l’IPV de l’économie américaine au cours des 20 dernières années n’est plus aussi rose : bien que le PIB ait augmenté considérablement au cours de cette période, l’IPV affiche un recul de 45 p. 100.

Là encore, ce que l’on reproche à l’IPV, c’est la façon dont ses différentes composantes sont traitées.  Par exemple, il ne tient pas compte de la plupart des dépenses de l’État (qui ne sont pas toutes intermédiaires ou consacrées à la défense de l’environnement), des minéraux métalliques et des minéraux non métalliques, qui sont non renouvelables, ni des ressources renouvelables comme les forêts et la pêche et du capital humain.

Par ailleurs, les prix qu’il attache à certains facteurs (comme les ressources non utilisées) sont souvent subjectifs.  Par exemple, le chômage et le sous-emploi ont même valeur.   D’autre part, les corrections dont il tient compte sont soit trop, soit pas assez restrictives.  Enfin, il a le travers d’amalgamer de nombreux facteurs divers pour en arriver à un résultat net en dollars.

Tableau 1 : Récapitulatif des méthodes d’évaluation de chacune des composantes de l’IPV

+/-

Apport à l’IPV Mode de calcul

 

Consommation personnelle Composante la plus importante du PIB et de l’IPV

 

Répartition du revenu Le coefficient de Gini, mesure de répartition du revenu entre les ménages, est utilisé comme indice

 

Consommation personnelle pondérée Consommation divisée par l’indice de répartition du revenu

+

Valeur du travail ménager et des tâches parentales Nombre estimatif d’heures par année fois un montant fixé

+

Valeur du travail de bénévole Nombre estimatif d’heures par année fois un montant fixé

+

Après-vente des biens de consommation durable Stock de véhicules, de meubles, etc, fois un pourcentage fixé

+

Services de voirie Parc d’autoroutes fois un pourcentage fixé

-

Coût de la criminalité Coût direct pour les ménages plus les dépenses engagées pour éviter la criminalité

-

Coût de l’éclatement des familles Coûts du divorce (frais d’avocat plus les effets sur les enfants) plus le coût estimé des heures de télévision regardées

-

Perte de loisir Écart entre le nombre d’heures de loisir en 1969 et les autres années fois 11,20 $ par heure fois la population active

-

Coût du sous-emploi Membres de la population active travaillant moins qu’ils ne le souhaitent fois le nombre d’heures non travaillées par année fois11,20 $

-

Coût des biens de consommation durable Dépenses en voitures, meubles, etc. (contrebalancent l’après-vente des biens de consommation durables)

-

Coût des déplacements entre le logement et le travail Frais connexes plus la valeur des heures passées en déplacement

-

Coût des équipements de prévention de la pollution chez les ménages Dépenses des ménages en dispositifs de prévention de la pollution – surtout pour les véhicules

-

Coût des accidents automobiles Dommages et coûts d’hospitalisation

-

Coût de la pollution de l’eau Diminution de la qualité de l’eau plus l’envasement

-

Coût de la pollution atmosphérique Dommages à la flore, aux structures et d’ordre esthétique, salissure des tissus, pluies acides, dépréciation des immeubles en ville (autres que les coûts en soins de santé ou les décès)

-

Coût de la pollution sonore Baisse de la qualité de l’environnement humain

-

Disparition des marécages Valeur annualisée de la disparition cumulative de services (purification des eaux, contrôle des inondations, habitat des animaux sauvages), qui augmente exponentiellement par suite de la rareté

-

Disparition des terres agricoles Valeur annualisée de la disparition cumulative de la productivité de la terre fondée sur l’hypothèse que la fertilité inhérente des terres aura encore plus de valeur à l’avenir à mesure que le coût des engrais et des autres intrants augmente (érosion des sols, compactage des sols, urbanisation)

-

Amenuisement des ressources non renouvelables Valeur annualisée de la perte cumulative de la productivité de services provenant des ressources perdues à tout jamais (mesurée comme étant le coût croissant de ce qu’il faudrait pour remplacer la quantité de ressources énergétiques produites dans un pays)

-

Coût des dommages écologiques à long terme Valeur actuelle des coûts cumulatifs attendus des dommages découlant des changements climatiques et de la gestion des déchets nucléaires (consommation de combustibles fossiles et d’énergie nucléaire fois un montant fixé par unité)

-

Coût de l’amenuisement de la couche d’ozone Production mondiale cumulative de CFC-11 et CFC-12 fois un montant fixé par unité

-

Disparition du peuplement vieux Valeur cumulative de la perte de services écologiques provenant du peuplement vieux plus les dommages aux routes forestières

+

Investissement net en capital Variation du stock de capital fixe moins variation du stock de capital nécessaire pour les nouveaux travailleurs égale stock supplémentaire net à la disposition de l’ensemble des travailleurs (fluctuations modifiées à l’aide de moyennes mobiles)

+

Emprunts ou prêts net à l’étranger Variation de la position internationale nette (correspond à la variation de la balance commerciale courante) lissée à l’aide d’une moyenne mobile sur cinq ans

 

Indicateur de progrès véritable

Somme de l’ensemble des calculs

Nota : Le signe +/- indique si une section a été ajoutée ou soustraite de l’indice.

Source : Redefining Progress, Why Bigger Isn’t Better : The Genuine Progress Indicator – 1999 Update,
www.rprogress.org/pubs/gpi1999/gpi1999.html

   C. GPI Atlantic

Le groupe de réflexion de Halifax GPI Atlantic (www.gpiatlantic.org) suit une approche différente de celle empruntée par Redefining Progress.  En effet, GPI Atlantic, organisme de recherche sans but lucratif fondé en 1997, est en train d’élaborer une série de comptes pour la Nouvelle-Écosse, qui seront intégrés de manière à produire un indice du développement durable et du bien-être.  Contrairement à Redefining Progress, l’indice de progrès véritable de cet organisme est un véritable indice et non un indicateur du résultat net : « constitué de 20 ensembles d’indicateurs réputés et acceptables », il sera un indice général fiable permettant de suivre divers dossiers.  Chacun des indicateurs qui le constituent devrait être accepté de façon générale, puisqu’il fera l’objet d’une étude approfondie à la fois de Statistique Canada et d’employés du gouvernement, d’universitaires et d’experts indépendants.

Statistique Canada a décidé que l’entreprise de GPI Atlantic (GPI est la traduction anglaise d’indicateur de progrès véritable) sera un projet-pilote pour tout le pays.  Il l’appuie en lui donnant accès à ses données, en lui fournissant des conseils et en organisant des consultations de manière régulière ainsi qu’en revoyant les ébauches des documents produits.

Les comptes de l’IPV sont divisés en cinq groupes comportant des sous-groupes : l’utilisation du temps (valeur du travail ménager et des soins aux enfants non rémunérés); les ressources naturelles (poisson); l’environnement; les facteurs socio-économiques (répartition du revenu) et le capital social (coût de la criminalité, soins de santé).  Certains de ces comptes ont déjà été établis, et le reste devrait l’être d’ici 2001.

CONCLUSION

Pour ce qui est des autres indicateurs sociaux et économiques, l’ingéniosité de l’homme ne fait pas problème.  Il y a dans le site web de l’IIDD plus d’une centaine de programmes locaux, nationaux et internationaux liés à des indicateurs.  Il s’agit davantage d’un problème de consensus et d’acceptation.  C’est parce qu’il a l’appui du gouvernement que le PIB est largement accepté et est devenu l’indicateur le plus souvent utilisé.  Seules les autorités publiques peuvent assurer à un programme d’indicateur la reconnaissance, les ressources et la base de données nécessaires pour qu’il devienne plus qu’un chiffre à la crédibilité limitée conçu pour répondre aux besoins – idéologiques, financiers ou autres – de son créateur.

En définitive, la valeur de tous ces programmes d’indicateurs sera fonction de leur utilité.  C’est pour cela que le PIB est déjà devenu un guide en matière de politique économique.  Dans d’autres domaines, il faut d’autres indicateurs.   Comme le font remarquer Clifford Cobb, Ted Halstead et Jonathan Rowe, « une approximation des coûts sociaux et des coûts de l’habitat causerait moins de distorsions et d’effets pervers que ne le fait actuellement le PIB; une estimation timide des coûts d’un divorce ou d’un crime, par exemple, produirait une image plus exacte du progrès économique que le fait de ne pas en tenir compte du tout »(19).  Tout comme le Système de comptabilité nationale a permis aux stratèges d’avoir une vue de plus en plus nuancée de l’économie de marché, l’utilisation de nouveaux indicateurs sociaux et économiques bien conçus permettrait de cerner ces questions dans un contexte social plus large.

SOURCES ET AUTRES RENSEIGNEMENTS

Les autres indicateurs économiques ne manquent pas de défenseurs. On trouve une kyrielle de renseignements sur le sujet dans Internet et dans les bibliothèques.  L’auteur a consulté les sources suivantes pour préparer le présent document.

   A. Sites Web

  • GPI Atlantic: www.gpiatlantic.org

  • Redefining Progress: www.rprogress.org

  • Institut international du développement durable : www.iisd.ca (nombreux liens vers divers projets relatifs à des mesures du bien-être social et économique)

   B. Livres et articles

Anderson, Victor. Alternative Economic Indicators.  London: Routledge, 1991.

Baker, Linda. « Real Wealth: The Genuine Progress Indicator Could Provide an Environmental Measure of the Planet’s Health »  In E/The Environmental Magazine, mai-juin 1999, version Internet, www.emagazine.com/may-june_1999/0599feat2.html

Cobb, Clifford, Ted Halstead et Jonathan Rowe.

  • « If the GDP is Up, Why is America Down? » Atlantic Monthly. Octobre 1995. www.theatlantic.com/politics/ecbig/gdp.htm

  • Redefining Progress: The Genuine Progress Indicator, Summary of Data and Methodology. Redefining Progress, 1995.

Colman, Ronald. « Background »  In Measuring Sustainable Development: Application of the Genuine Progress Index to Nova Scotia, Progress Report and Future Directions.  16 janvier 1998, http://www.gpiatlantic.org/archive/background.html

Dale, Ann et John B. Robinson, éd. Achieving Sustainable Development.  Vancouver: UBC Press, 1996.

Hawrylyshyn, Oli. « Examen de quelques propositions récentes visant à modifier et à étendre la mesure du PNB ».  Statistique Canada. Décembre 1974.

Henderson, D.W.  Social Indicators: A Rationale and Research Framework.  Ottawa : Conseil économique du Canada, 1974.

Kuznets, Simon. “How to Judge Quality.”  New Republic, 20 octobre 1962, p. 29.

Measuring Well-being: Proceedings from a Symposium on Social Indicators, Rapport final, Conseil canadien de développement social, novembre 1996.

Nordhaus, William et James Tobin. « Is Growth Obsolete? » In Economic Growth, National Bureau of Economic Research General Series No. 96E.  New York: Columbia University Press, 1972.

Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).  Measuring Social Well-Being: A Progress Report on the Development of Social Indicators.  Programme d’élaboration d’indicateurs du progrès social de l’OCDE.  Paris : OCDE, 1976.

Statistique Canada. Éconnexions :  Pour lier l’environnement et l’économie – Concepts, sources et méthodes du Système des comptes de l’environnement et des ressources. Ottawa : décembre 1997.


(1) Dans « GDP: One of the Great Inventions of the 20th Century », Survey of Current Business (ministère du Commerce américain), janvier 2000, www.bea.doc.gov/bea/aw/0100od/maintext.htm.

(2) Oli Hawrylyshyn, « Examen de quelques propositions récentes visant à modifier et à étendre la mesure du PNB », Statistique Canada, décembre 1974, p. 12.

(3) Cité dans « GDP : One of the Great Inventions of the 20th Century ».

(4) Ibid.

(5) Cité dans Clifford Cobb, Ted Halstead et Jonathan Rowe, « If the GDP is Up, Why is America Down? », Atlantic Monthly, octobre 1995, p. 6 de la version Internet, www.theatlantic.com/politics/ecbig/gdp.htm.

(6) Cité dans « GDP : One of the Great Inventions of the 20th Century ».

(7) William M. Daley, « Press Conference Announcing the Commerce Department’s Achievement of the Century », 7 décembre 1999, dans « GDP: One of the Great Inventions of the 20th Century ».

(8) Cité dans Blayne Haggart, « Taking a New Look at the Bottom Line », Catholic New Times, 28 février 1999, p. 13.

(9) Dans « GDP : One of the Great Inventions of the 20th Century ».

(10) Simon Kuznets, « How to Judge Quality », New Republic, 20 octobre 1962, p. 29.

(11) William Nordhaus et James Tobin, « Is Growth Obsolete? » dans Economic Growth, National Bureau of Economic Research General Series No. 96E, New York : Columbia University Press, 1972, p. 4.

(12) Cité dans Linda Baker, « Real Wealth: The Genuine Progress Indicator Could Provide an Environmental Measure of the Planet’s Health », dans E/The Environmental Magazine, mai-juin 1999, édition Internet, www.emagazine.com/may-june_1999/0599feat2.html.

(13) Ronald Colman, « Background », dans Measuring Sustainable Development : Application of the Genuine Progress Index to Nova Scotia, Progress Report and Future Directions, 16 janvier 1998, http://www.gpiatlantic.org/archive/background.html.

(14) Hans Messinger, Measuring Sustainable Economic Welfare: Looking Beyond GDP, Ébauche préliminaire, Statistique Canada, juin 1997.

(15) « If the GDP is Up, Why is America Down? » p. 8.

(16) Cité dans le document du ministère du Commerce américain « GDP  One of the Great Inventions of the 20th Century ».

(17) Oli Hawrylyshyn, « A Review… », p. 24.

(18) Blayne Haggart, « Taking a New Look at the Bottom Line », p. 13.

(19) « If the GDP is Up, Why is America Down? » p. 14.