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LE SECTEUR FORESTIER AU CANADA :
PROFIL INDUSTRIEL ET TECHNOLOGIQUE

 

Rédaction :
Odette Madore, Division de l'économie
Jean-Luc Bourdages, Division des sciences et de la technologie
Avril 1992


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

STRUCTURE ET RENDEMENT DE L’INDUSTRIE

   A. Structure

   B. Production

   C. Emploi

   D. Exportations

SITUATION DE L’INDUSTRIE

   A. Problèmes d’approvisionnement

   B. Facteurs liés au commerce

   C. Profil technologique

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

LE FINANCEMENT ET L’EXÉCUTION DE LA R-D DANS LE DOMAINE FORESTIER

ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


 

LE SECTEUR FORESTIER AU CANADA :
PROFIL INDUSTRIEL ET TECHNOLOGIQUE

 

INTRODUCTION

Le Canada a une superficie totale de 997 millions d’hectares, dont près de la moitié est couverte de forêts. Les terres forestières canadiennes représentent 10 p. 100 des terres boisées du monde. De l’ensemble des terres forestières du Canada, 244 millions d’hectares peuvent servir à l’exploitation et produire un peuplement marchand. Onze p. cent des terrains forestiers productifs du Canada appartiennent au gouvernement fédéral. Environ 80 p. 100 de la superficie forestière productive du Canada relève des provinces. Le reste appartient à des propriétaires privés, soit des particuliers ou des grandes sociétés.

L’étendue considérable du territoire forestier canadien explique l’exploitation commerciale à grande échelle des forêts. De fait, l’industrie forestière constitue, depuis plusieurs décennies, un puissant moteur de l’économie. La croissance de l’industrie forestière a stimulé le développement d’industries manufacturières et d’industries de services. D’une part, ses produits servent dans de nombreux autres secteurs de l’économie, comme la construction domiciliaire, l’ameublement, l’imprimerie et la publication. D’autre par, l’industrie forestière est un gros consommateur d’énergie, de produits chimiques, de services de transports, de machines et de systèmes de traitement et de contrôle.

Aujourd’hui cependant, l’industrie forestière canadienne se trouve dans une conjoncture difficile. Le ralentissement économique et un taux de change défavorable menacent la viabilité financière d’un grand nombre d’entreprises. Cette situation limite les possibilités d’investissement dans les immobilisations et les biens d’équipement, la modernisation des usines et les technologies de pointe et oblige l’industrie à se restructurer rapidement.

Au-delà des problèmes cycliques auxquels l’industrie fait face, deux dangers menacent la viabilité à long terme du secteur forestier canadien. D’une part, les sources d’approvisionnement économiques en bois de qualité se font de plus en plus rares en raison d’un aménagement forestier encore insuffisant. D’autre part, l’industrie forestière canadienne risque de se voir supplantée su le marché international par certains de ses concurrents qui ont su tirer un meilleur parti de la technologie. Alors, qu’à l’étranger les usines fabriquent des produits à forte valeur ajoutée, plusieurs entreprises canadiennes sont encore dépendantes des marchés de produits primaires qui, pourtant, assurent des marges de profit de moins en moins appréciables. Le Canada se trouve dans une situation désavantageuse par rapport à ses principaux concurrents, car les entreprises n’ont pas saisi leur auraient permis d’accroître leur efficacité et de diversifier leur production.

Dans ce document, nous dressons un portrait général de l’industrie forestière canadienne tant pour ce qui est de sa structure et de son rendement que de la situation difficile qui la caractérise à l’heure actuelle. Nous y présentons également le profil et les perspectives technologiques de l’industrie, particulièrement sous l’angle des activités de recherche et de développement (R-D). Nous y identifions les principaux acteurs de l’industrie et y faisons état des sommes qui sont allouées à cette dernière, et nous tentons de cerner les carences technologiques qui pourraient expliquer, dans une certaine mesure, les difficultés qu’elle traverse.

STRUCTURE ET RENDEMENT DE L’INDUSTRIE

   A. Structure

L’industrie forestière canadienne couvre un ensemble d’activités qui vont de la récolte des arbres à la fabrication d’une variété de produits de papier et de bois. Elle regroupe quatre grands secteurs : les services forestiers, l’exploitation forestière, les industries du bois et les industries du papier et des activités connexes. La classification industrielle est présentée au tableau 1. Au fil des ans, l’industrie forestière s’est diversifiée dans ses produits et dans ses services. Le tableau 1 montre la gamme variée de produits forestiers fabriqués au Canada. Certains secteurs de l’industrie forestière se sont particulièrement bien intégrés. Par exemple, la plus grande partie du papier et tout le papier journal sont actuellement fabriqués dans des usines qui à la fois produisent la pâte et la transforment, sans compter que plusieurs papetières possèdent aussi leurs propres scieries. Dans le secteur des produits du bois, l’intégration est moins poussée; de petites entreprises de conversion secondaire achètent souvent le bois des grosses usines de conversion primaire.

La majeure partie des activités de l’industrie forestière se déroule dans trois provinces : la Colombie-Britannique, le Québec et l’Ontario. On constate, au tableau 2, que ces trois provinces se spécialisent dans différents produits forestiers. La Colombie-Britannique est responsable de 51 p. 100 de l’exploitation forestière et de 45 p. 100 de l’activité dans le domaine de l’industrie du bois. L’industrie des pâtes et papiers est plus active au Québec et en Ontario; en effet, 62 p. 100 de l’activité dans ce secteur se fait dans ces deux provinces(1). Par ailleurs, la forêt est l’élément vital de nombreuses économies régionales : près de 350 agglomérations canadiennes tirent leur principal revenu de l’industrie de la coupe et de la transformation du bois.

Comme le développement de certaines régions repose uniquement sur l’industrie forestière, toute rationalisation des opérations ou restructuration dans certaines usines a un effet important sur l’économie locale. Par exemple, la fermeture de l’usine de Produits Forestiers Canadien Pacifique (PFCP) à Trois-Rivières occasionnerait la perte de quelques 1500 emplois, ce qui représente une masse salariale annuelle d’environ 50 millions de dollars(2). Compte tenu de l’effet multiplicateur, la fermeture de cette usine pourrait provoquer des pertes encore plus importantes pour l’activité économique de cette région.

   B. Production

Le graphique 1 présente la contribution de l’industrie à l’activité économique du pays. Ensemble, les secteurs de l’industrie forestière contribuent énormément au développement économique et social du Canada. Entre 1975 et 1991, le secteur forestier a fourni en moyenne 3,4 p. 100 du PIB canadien(3). Ce taux a été de 3,1 p. 100 en 1991, dont 0,9 p.100 qui était attribuable aux industries du bois, 1,6 p. 100 aux industries du papier et activités connexes et 0,6 p. 100 aux services et à l’exploitation forestière. Il s’agit cependant d’une proportion du PIB équivalente à celle enregistrée en 1982, soit le plus bas niveau depuis plusieurs décennies.

 

TABLEAU 1
STRUCTURE DU SECTEUR FORESTIER DU CANADA

CLASSIFICATION INDUSTRIELLE

  CLASSIFICATION DES PRODUITS

Services forestiers

   

Services de reboisement

   

Services de protection des forêts

   

Services de pépinières forestières

   
     

Exploitation forestière

 

Produits primaires du bois

Entreprises qui récoltent les billes
et le bois à pâte

 

Billes et billots

Entreprises qui livrent les billes
et le bois à pâte aux usines

 

Bois à pâte

   

Poteaux, pilotis et pieux

   

Bois de chauffage

   

Copeaux de bois

     

Industries du bois

 

Produits de bois manufacturés

Scieries et ateliers de rabotage

 

Bois d’oeuvre

Usines de bardeaux et de bardeaux de fente

 

Bardeaux et bardeaux de fente

Usines de placages et de contreplaqués

 

Placages

Portes, fenêtres et autres bois travaillés

 

Contreplaqués

Boîtes et palettes de bois

 

Panneaux de particules

Cercueils

 

Panneaux gaufrés

Autres industries du bois

 

Autres : Portes et fenêtres

   

Armoires de cuisine

   

Armoires de salles de bains

   

Boîtes et palettes

   

Cercueils

     

Industries du papier et activités connexes

 

Pâte de bois et papiers

Usines de pâtes

 

Pâte de bois

Usines de papier journal

 

Papier journal

Usines de cartons

 

Autres Papier et cartons :

Autres usines de papiers

 

Papier d’impression et d’écriture

Papier de couverture asphalté

 

Papier mousseline

Boîtes en carton et sacs en papier

 

Emballage

Autres produits en papier transformé

 

Carton

   

Papier transformé

    Papier et panneaux de construction

Source : Forêts Canada, Regard sur la foresterie, mai 1990, p. 21.

 

TABLEAU 2
RÉPARTITION RÉGIONALE DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE, 1989

 

Atl.

Qc

Ont.

Prairies

C.-B.

Canada

Établissements

           

Exploitation forestière

1 476

2 735

1 727

606

4 036

10 580

Industries du bois

342

1 218

926

391

763

3 640

Papier et activités connexes

45

218

330

60

65

718

             

Collectivités dont l’économie repose sur le secteur forestier

57*

126

41

21

103

348

             

Emplois directs (en milliers)

33

110

84

21

99

347

Source : Forêts Canada, L’état des forêts au Canada : Rapport au Parlement 1990, p. 11-15.

*À l’exclusion des données de l’Île-du-Prince-Édouard.

 

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La seconde récession en moins de dix ans affecte particulièrement le secteur du papier journal. L’Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers (ACPPP) évalue les pertes globales de l’industrie à 1,5 milliard de dollars pour l’année 1991, alors que les pertes se sont chiffrées à 265 millions de dollars au moment de la récession de 1982(4). Certains analystes croient que les producteurs de papier journal ne sortiront pas du marasme économique avant plusieurs mois, compte tenu de la surcapacité de production à la grandeur de l’Amérique du Nord. Selon leurs estimations, environ 10 p. 100 des machines à papier journal cesseront de fonctionner ou seront converties en 1992. Ils soutiennent qu’il est absolument nécessaire qui l’industrie élimine certains de ses moyens de production pour que le secteur des pâtes et papiers connaisse un revirement de situation(5). Certaines fermetures d’usines ont déjà été annoncées : l’usine de pâte de Cascades à Port-Cartier et sa division de la pâte à Jonquière; l’usine de pâte de Donohue à Matane; l’usine de papier fin d’Abitibi Price à Thunder Bay; l’usine de pâte commerciale de la société Fraser à Atholville; et l’usine de la compagnie PFCP à Trois-Rivières.

D’autres entreprises ont décidé de réduire leur capacité de production. Ainsi, la compagnie PFCP a décidé de mettre fin à l’exploitation de deux machines à papier à son usine de Dalhousie (Nouveau-Brunswick). De son côté, MacMillan Bloedel, la plus importante compagnie forestière de la Colombie-Britannique, a non seulement réduit sa production, mais elle a également annoncé qu’elle envisageait la possibilité de participer à la construction d’une usine de recyclage du papier journal en Californie. La société a expliqué qu’il serait plus rentable de procéder à un tel investissement que d’importer les vieux journaux et de les recycler au Canada. Fletcher Challenge Canada Ltd., la deuxième compagnie forestière en importance en Colombie-Britannique, a plutôt décidé de réduire ses investissements au Canada et de se tourner vers les États-Unis, où les coûts de production sont moins élevés(6).

   C. Emploi

En 1991, l’industrie a employé quelques 299 000 personnes. De ce nombre, 38 p. 100 ont travaillé dans le secteur des produits du bois, 41 p. 100 dans celui des industries du papier et des activités connexes, 16 p. 100 dans celui de l’exploitation forestière et 5 p. 100 dans celui des services de foresterie(7). Compte tenu des liens avec d’autres secteurs d’activité économique, l’industrie forestière a également généré un nombre important d’emplois indirects. Si l’on tient compte de l’ensemble des empois directs et indirects, l’industrie forestière constitue l’un des principaux employeurs au Canada. Plus précisément, on estime qu’en 1989 la forêt a créé au total un emploi sur 14 au Canada, c’est-à-dire 7 p. 100 de la population active(8).

 

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Comme on peut le voir au graphique 2, l’emploi dans l’industrie forestière canadienne est demeuré relativement stable au cours des deux dernières décennies. On constate que les cycles économiques sont principalement responsables des fluctuations du niveau de main-d’oeuvre dans l’industrie. Par exemple, la récession du début des années 80 a entraîné une chute de 15 p. 100 de l’emploi. Après 1982, le rétablissement du niveau d’emploi a été attribuable à la croissance économique et à la force des marchés d’exportation. En particulier, l’emploi dans les industries du bois et du papier a considérablement augmenté entre 1985 et 1989. Entre 1989 et 19990, le niveau d’emploi de l’industrie forestière a connu un déclin de près de 9 p. 100. En outre, la récession a causé la perte de plusieurs autres milliers d’emplois en 1991. En effet, Forêts Canada estime qu’environ 20 000 emplois ont été perdus; il s’agit d’une diminution de plu de 6 p. 100 par rapport à 1990. Le secteur du bois de sciage et celui des pâtes et papiers ont été particulièrement affectés; l’emploi dans ces secteurs a diminué de 9 et de 7 p. 100 respectivement. Les mises à pied touchent autant les petites scieries que les grandes usines de pâtes et papiers de toutes les régions du pays.

Traditionnellement, l’industrie forestière a tenté de combattre la récession économique en ralentissant sa production et en effectuant des mises à pied temporaires. Cependant, les pertes de l’industrie en 1991 sont si élevées que certains analystes estiment qu’une restructuration massive de l’industrie sera nécessaire. Certains travailleurs de l’industrie qui ont perdu leur emploi ne le retrouveront probablement jamais.

   D. Exportations

Le Canada occupe une place importante sur les marchés internationaux de produits forestiers. Premier producteur de papier journal (31 p. 100) et deuxième de pâte à papier (16 p.100), il se classe au troisième rang pour la production de bois d’oeuvre de résineux (16 p. 100). En outre, le Canada exporte davantage de produits forestiers transformés que tout autre pays. Les États-Unis, qui achètent 65 p. 100 des exportations, sont le premier client du pays; ils sont suivis de la Communauté économique européenne (15 p.100) et du Japon (11 p.100)(9).

En 1990, les exportations de l’industrie forestière se sont élevées à 22 milliards de dollars, soit 16 p.100 de toutes les exportations canadiennes. Comme le Canada importe très peu de produits forestiers, la balance commerciale de l’industrie forestière est largement excédentaire.

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Le graphique 3 retrace l’évolution des exportations de produits forestiers depuis 1975; la valeur de ces dernières est exprimée en dollars constants de 1986. De tous les produits forestiers fabriqués au Canada, près de la moitié est exportée. Les principaux produits forestiers exportés sont la pâte de bois, le papier journal et le bois d’oeuvre de résineux. Ils ont représenté en 1990 plus de 75 p. 100 de la valeur totale des exportations. La valeur des produits exportés a toutefois fléchi depuis 1988, à cause de facteurs tels que la chute des prix du papier journal qui a résulté de l’augmentation de la capacité de production en Amérique du Nord, la baisse des mises en chantier aux États-Unis, la montée du dollar canadien et le ralentissement général de l’économie mondiale.

SITUATION DE L’INDUSTRIE

Lorsqu’on examine les données préliminaires pour l’année 1991, on constate que l’ensemble de l’industrie forestière subit âprement les contrecoups de la récession économique. L’industrie des pâtes et papiers se montre particulièrement vulnérable aux aléas de l’économie. Par contre, les difficultés et fermetures dans cet important secteur ne sont pas sans avoir des répercussions sur le secteur de l’exploitation et sur les industries du bois, étant donné le caractère intégré des opérations de certaines compagnies. Certains estiment en effet que, lorsqu’une papetière ferme ses portes, quatre ou cinq scieries risquent de connaître le même sort.

La variation du taux de change constitue un facteur déterminant de la compétitivité du secteur. La hausse du cours du dollar canadien par rapport au dollar américain a fortement défavorisé les exportations de produits forestiers. Certains estiment même que le taux de change à 0,87 $ du dollar canadien en 1991 aurait fait perdre entre 60 et 100 $ la tonne, selon la catégorie de produits forestiers(10).

Parmi les autres facteurs qui peuvent influer sur la performance de l’industrie forestière, on retrouve les difficultés d’approvisionnement en matières premières, les fluctuations de la demande mondiale et les applications technologiques. De toute évidence, les problèmes de l’industrie forestière canadienne ne sont pas uniquement conjoncturels, mais tout autant d’ordre structurel.

   A. Problèmes d’approvisionnement

L’approvisionnement en ressources forestières a été et restera toujours un facteur clé de la croissance de l’industrie de la transformation du bois. Cependant, un aménagement forestier inadéquat a, au cours des dernières décennies, perturbé l’offre de ressources forestières et fait grimper les prix du bois. Les forêts économiquement exploitables sont de plus en plus loin des usines existantes. Le bois susceptible d’être récolté économiquement se fait donc de plus en plus rare. En outre, les stocks de bois de grande qualité, comme les billes de bois dur de forte grosseur, ont déjà considérablement diminué. Comme le reboisement est une préoccupation récente de l’industrie forestière, les fabricants doivent maintenant parcourir de longues distances pour obtenir la matière première dont ils ont besoin. Cela explique, en partie, la hausse des prix du bois depuis le début des années 1980. L’accroissement du prix du bois canadien reflète également la hausse des droits de coupe dans plusieurs provinces.

Les problèmes d’approvisionnement de l’industrie forestière sont aggravés par les insectes, les maladies et les incendies. Forêts Canada estime que chaque année les incendies, les insectes et les maladies ravagent un volume de bois équivalent au volume récolté(11). Or, les forêts qui remplacent celles qui ont été détruites par des désastres naturels sont souvent plus pauvres. De fait, elles ne se régénèrent pas toujours avec des essences recherchées. Leur densité est souvent moindre et elles peuvent s’avérer moins résistantes aux insectes et aux maladies.

Par ailleurs, la productivité actuelle des forêts canadiennes est inférieure de 60 p. 100 à celle de la Suède; elle se classe également derrière celle des États-Unis. L’avantage comparatif du Canada résultant de l’abondance de la ressource ligneuse risque de s’effriter si l’on ne parvient pas à maintenir un niveau d’approvisionnement adéquat.

Il est possible de résoudre le problème d’approvisionnement en bois par des mesures appropriées de gestion et d’aménagement des forêts. Dans l’ensemble, la régénération des forêts et les progrès technologiques permettant une utilisation plus efficace de la ressource ligneuse ou facilitant l’accès à une forêt aujourd’hui moins accessible mais qui le deviendra davantage sont des facteurs qui influeront sur l’approvisionnement en bois et la croissance du secteur forestier au Canada.

   B. Facteurs liés au commerce

Comme l’industrie exporte une forte proportion de sa production, elle est extrêmement vulnérable aux fluctuations de la demande mondiale. Le secteur du papier journal constitue un exemple frappant de cette vulnérabilité. Ainsi, c’est la demande du marché américain qui détermine, en grande partie, l’importance du secteur canadien du papier journal. À l’heure actuelle, 43 p. 100 du papier journal consommé aux États-Unis provient maintenant de papetières américaines. C’est deux fois plus qu’en 1985 et cette tendance devrait se maintenir(12). La vente de journaux est également en perte de vitesse aux États-Unis. Il est donc probable que la demande des Américains pour le papier journal canadien n’augmente que très peu au cours de la prochaine décennie. Par ailleurs, il est vraisemblable que les coûts des papetières canadiennes augmenteront davantage parce qui certains États américains exigent un contenu minimum en fibres recyclées dans leur papier journal.

La position concurrentielle du secteur canadien du papier s’est également détériorée comparativement à celle des papetières étrangères. À l’heure actuelle, la capacité des machines à papier du Canada est inférieure à celles des machines à papier américaines et scandinaves. Il est vrai qui la construction de nos usines remonte à plusieurs décennies. Au Québec, par exemple, environ deux tiers des machines à papier ont été mises en opération voilà plus de 60 ans. Il en résulte que la productivité des papetières canadiennes est plus faible que celle de leurs concurrents. Ainsi, il en coûte 122 $ en main-d’oeuvre pour produire une tonne de papier dans l’est du Canada; par contre, il n’en coûte que 80 $ dans le sud des États-Unis(13). Il semble que cet écart s’explique davantage par la vétusté des machines que par les conditions salariales.

Les autres secteurs de l’industrie forestière qui sont fortement tournés vers l’extérieur éprouvent des difficultés similaires à celui du papier journal. D’une part, certains secteurs réalisent peu d’économies d’échelle en raison de la faible envergure des entreprises. D’autre part, d’autres secteurs sont désavantagés par rapport à leurs concurrents parce que les ressources forestières font plus abondantes, de meilleure qualité et plus variées à l’étranger qu’au Canada. Par ailleurs, bon nombre des installations au Canada n’utilisent pas les équipements les plus modernes.

Les secteurs de l’industrie forestière qui exportent peu subissent malgré tout une vive concurrence sur les marchés mondiaux. Le rendement de ces secteurs qui alimentent surtout le marché intérieur suit généralement les tendances générales de la croissance économique. En outre, ils sont souvent morcelés et regroupent de petites entreprises. Il en résulte une faible échelle de production qui les désavantage par rapport à leurs concurrents étrangers sur le plan de la productivité, du rendement économique et des possibilités de commercialisation.

Enfin, il importe de souligner que le commerce mondial de certains produits forestiers a longtemps été l’objet de politiques protectionnistes. C’est le cas surtout des produits transformés de bois et de papier et des produits à valeur ajoutée élevée. En conséquence, l’élimination progressive des tarifs douaniers découlant de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis offre non seulement des occasions nouvelles grâce au vaste marché américain, mais également une rationalisation des opérations et une restructuration dans certains secteurs de l’industrie. Dès janvier 1993, les tarifs douaniers d’un ensemble de produits forestiers seront réduits à zéro.

   C. Profil technologique

De façon générale, les usines canadiennes de transformation du bois sont plus anciennes, et donc moins développées sur le plan technologique, que celles de leurs concurrents des États-Unis, de la Finlande et de la Suède. Par exemple, le secteur du bois ouvré (portes, fenêtres, armoires de cuisine, etc.) est moins automatisé et moins mécanisé que celui des États-Unis. De même, la majorité des scieries de bois feuillu sont de petites exploitations qui n’utilisent pas le matériel le plus moderne, comme l’équipement à grande vitesse commandé électriquement.

D’autres secteurs ont mieux su intégrer les nouvelles technologies dans leur processus de production. Ainsi, le secteur des bardeaux de bois utilise des fendoirs hydrauliques et des guides dédoubleurs automatiques. Ceci permet de réduire le nombre d’opérations par chaîne de production et entraîne conséquemment des gains de productivité. Pour certaines gammes de produits, les usines du secteur du papier transformé important leur matériel de production et utilisent actuellement un matériel très moderne. Les initiatives des fabricants canadiens en matière de R-D sont limitées aux besoins du marché et visent surtout l’amélioration des produits et des procédés plutôt que la recherche fondamentale. Dans le secteur des pâtes et du papier, l’adoption de nouvelles techniques de fabrication de pâte (telle que la pâte thermomécanique et la pâte chimico-thermomécanique) a permis de substituer en partie aux billes les copeaux provenant des résidus des scieries. Cependant, la tendance sur le plan technologique se déplace vers l’industrie scandinave, qui a recours à un matériel de transformation faisant appel à la micro-électronique afin d’optimiser le rendement des billes de sciage et la valeur des produits.

La technologie a évolué rapidement au cours des dernières décennies dans l’industrie forestière, de sorte que les usines nouvelles ou modernisées sont beaucoup plus efficientes que celles dont l’équipement est désuet. Plusieurs techniques nouvelles de transformation et de fabrication sont disponibles partout dans le monde et de nombreuses innovations font l’objet d’un transfert de technologie. Toutefois, un grand nombre d’entreprises canadiennes sont de petite taille et ne disposent pas d’un capital suffisant pour acquérir les nouvelles innovations. En outre, plusieurs entreprises estiment que les investissements requis pour moderniser leurs installations ne seraient pas rentables actuellement. Comme la modernisation et la restructuration des usines canadiennes ne sont pas aussi poussées, leur productivité ne s’est pas améliorée au même rythme que celle de leurs principaux concurrents. C’est le cas de plusieurs entreprises du secteur du bois et du secteur des pâtes et papier. Par ailleurs, les machines et l’outillage, ainsi que le matériel de pointe, proviennent souvent de fournisseurs étrangers se trouvant en Allemagne, aux États-Unis et en Scandinavie. Ce sont ces fournisseurs qui exécutent les travaux de R-D.

Pour demeurer compétitif, le secteur forestier devra se maintenir à la fine pointe de la technologie. L’un des moyens de faire face à ce défi est de s’adonner à la R-D. Dans la section suivante, nous décrivons en détail l’effort de R-D de l’industrie forestière canadienne.

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

Au Canada, la R-D du secteur forestier est réalisée par le secteur privé, des laboratoires coopératifs, les gouvernements fédéral et provinciaux et les universités. Ces divers établissements ont chacun leurs points forts de R-D. De façon générale, la recherche fondamentale se fait dans les universités et les laboratoires gouvernementaux, tandis que la recherche appliquée est effectuée par les organismes de recherche coopératifs. Le développement des procédés relève essentiellement des fournisseurs d’équipement. Par ailleurs, le développement des produits dépend surtout des entreprises forestières.

Au niveau fédéral, la contribution la plus importante à la R-D dans le domaine forestier revient à Forêts Canada. De fait, le ministère compte six centres régionaux qui se consacrent à des activités de R-D liées aux problèmes d’environnement et d’aménagement forestier propres à leur région, à savoir le Pacifique et le Yukon, le Nord-Ouest, l’Ontario, le Québec, les Maritimes, ainsi que Terre-Neuve et le Labrador. Le ministère compte également deux instituts qui s’intéressent aux enjeux pancanadiens. Voici les principales activités de recherche ainsi que les budgets consacrés à chaque catégorie de projets pour l’année financière 1990-1991(14) :

  • Environnement forestier. Cette catégorie regroupe les domaines tels que les effets des pratiques forestières et de l’utilisation de produits contre les ravageurs sur l’environnement; l’incidence des polluants atmosphériques et du changement climatique sur les forêts; l’écologie végétale et forestière; les techniques de fertilisation des sites forestiers; le reboisement; la productivité des forêts; le rendement des essences d’arbres; les plantations expérimentales; les systèmes sylvicoles et la biomasse forestière. Près de 12 millions de dollars ont été alloués à cette activité.
  • Amélioration de l’offre de bois (Protection). Dans le cadre de cette activité, on effectue un relevé des insectes et des maladies des arbres et on analyse les effets des feux de forêt sur l’approvisionnement en bois et sur les écosystèmes forestiers. Le budget correspondant à cette activité atteint plus de cinq millions de dollars.
  • Évaluation de la ressource forestière. Les travaux portent sur la cueillette et l’analyse de statistiques sur les ressources forestières. Au total, cette activité a nécessité un peu plus d’un million de dollars.
  • Amélioration de l’approvisionnement en bois (Production). Cette sphère d’activité regroupe la recherche sur les semences forestières, sur la génétique des essences, sur la lutte contre les ravageurs et sur les insecticides chimiques. Un budget d’environ 14 millions de dollars a été consacré à ce type de recherche.

Le secteur forestier compte, par ailleurs, trois laboratoires coopératifs de recherche financés en partie par les sociétés membres et qui ont des domaines d’intervention bien distincts. Il s’agit de l’Institut canadien de recherche en génie forestier (Feric), de Forintek et de l’Institut de recherches sur les pâtes et papiers (Paprican).

Feric est le résultat du regroupement, au début des années 70, d’une partie du Service canadien des forêts et du groupe de foresterie de Paprican. Financé à parts égales par le gouvernement et les entreprises du secteur, Feric travaille exclusivement dans le domaine de l’exploitation forestière et de la sylviculture. Ses activités de R-D, surtout axées sur le développement, visent à améliorer l’efficacité des opérations d’exploitation forestière et à minimiser les coûts du bois utilisé par le secteur manufacturier. Sa recherche englobe les domaines suivants : la récolte, le façonnage et la construction routière; l’exploitation forestière; le transport secondaire; les opérations sylvicoles et le design d’ingénierie(15).

Forintek est né de la fusion et de la privatisation, en 1979, de deux laboratoires gouvernementaux. Son financement provient des entreprises de l’industrie canadienne des produits du bois, du gouvernement fédéral, ainsi que des gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, du Manitoba, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Cependant, il dépend, à cet égard, beaucoup plus des gouvernements que des entreprises. Forintek, dont les laboratoires se trouvent à Vancouver et à Ottawa, s’intéresse à la technologie de la transformation du bois ainsi qu’aux produits du bois. Ses principaux domaines d’activité comprennent la transformation des sciages, les systèmes de construction, les panneaux composites et les placages lamellés, les produits traités et de transformation secondaire, et la caractérisation de la ressource ligneuse(16).

De son côté, Paprican est largement financé par les contributions annuelles versées par les entreprises de pâtes et papiers. Cet institut de recherche s’intéresse principalement aux projets liés à la fabrication de la pâte et du papier. Bien que certaines de ses activités portent sur la R-D fondamentale et appliquée de nature pré-commerciale, la majorité de ses travaux est axée sur la recherche appliquée. Les activités de R-D de Paprican visent l’amélioration à tous les niveaux : amélioration de la productivité, amélioration des procédés, mise au point de nouveaux produits, économies d’énergie et protection de l’environnement. Les activités de Paprican ont connu une grande ampleur au cours des dernières décennies(17).

LE FINANCEMENT ET L’EXÉCUTION DE LA R-D DANS LE DOMAINE FORESTIER

Le tableau 3 présente un bilan des contributions totales de R-D dans le domaine forestier pour l’année 1988. Les dépenses sont exprimées du point de vue du financement et de l’exécution. En 1988, les dépenses consacrées à la R-D ont atteint près de 351 millions de dollars. L’industrie a constitué la principale source de financement avec 166 millions de dollars. Cela représente 47 p. 100 de l’ensemble des dépenses. Le gouvernement fédéral a également participé au financement de la R-D dans le secteur forestier. Il a contribué environ 106 millions de dollars, soit une proportion de 30 p. 100 de toutes les dépenses de R-D. Pour leur part, les gouvernements provinciaux ont investi quelque 44 millions de dollars, ce qui représente 12 p. 100 de la totalité des dépenses dans ce domaine. Le financement des universités a atteint sept millions de dollars ou 2 p. 100 de tous les fonds consacrés à la R-D dans le domaine forestier.

L’industrie forestière a été le principal exécutant de la R-D en 1988. Elle a réalisé 54 p. 100 des toutes les activités de recherche au pays. Pour leur part, le gouvernement fédéral et ceux des provinces ont exécuté respectivement 17 et 9 p. 100 de la R-D. Les instituts de recherche coopératifs ont effectué 13 p. 100 des activités dans ce domaine, tandis que les universités en ont réalisé 8 p. 100.

Le tableau 4 présente la répartition des diverses sources de financement de la R-D exécutée par l’industrie et les instituts de recherche en 1988. Les entreprises d’exécution ont financé près de 73 p. 100 de leurs propres dépenses de R-D. Le gouvernement fédéral, avec 11 p. 100, a constitué la deuxième source en importance pour l’industrie. L’industrie a également fourni la proportion la plus grande du financement de la R-D exécutée par les trois instituts de recherche coopératifs. Pour sa part, le gouvernement fédéral a financé 22 p. 100 des travaux de R-D des instituts de recherche.

ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE

Les travaux de R-D dans le secteur forestier ont certes contribué au développement technologique de l’industrie canadienne. Par exemple, de nouveaux procédés dans le secteur du bois d’oeuvre et du contreplaqué ont permis d’élargir les possibilités de production et d’accroître la productivité de la main-d’oeuvre. D’autres activités de R-D dans ce domaine ont permis la création de nouveaux produits du bois sur le marché canadien. Les produits du contreplaqué ont particulièrement connu une grande diversification.

De façon similaire, des progrès remarquables ont été réalisés dans le secteur du papier et produits connexes, notamment au niveau des techniques de blanchiment, dans la production de la pâte et dans la transformation du papier. L’un des changements technologiques les plus importants dans ce secteur a été l’amélioration de la machine à papier, notamment grâce à l’informatisation, aux capteurs et aux dispositifs d’actionnement. Ces nouvelles techniques ont entraîné un accroissement de la vitesse de la machine ainsi qu’une meilleure utilisation des fibres.

Le Canada a donc participé au développement technologique de l’industrie forestière. Il y a quelques décennies, il se classait même parmi les leaders dans des domaines comme le blanchiment de la pâte et la fabrication du papier. Le rythme des changements technologiques dans l’industrie forestière s’est par ailleurs accéléré un peu partout dans le monde. Malheureusement, dans cette course, les entreprises forestières canadiennes à l’avant-garde des progrès technologiques se sont fait de plus en plus rares. Aujourd’hui, ce sont des pays comme la Finlande, l’Allemagne, la Suède et les États-Unis qui possèdent un avantage comparatif lié à la technologie forestière. Il semble que le Canada ait négligé d’investir dans la R-D pour développer et maintenir ce secteur. À cet égard, les comparaisons internationales sont révélatrices.

Par exemple(18), le Canada a consacré environ 0,85 p. 100 des ventes totales de produits forestiers à la recherche forestière en 1985. Par comparaison, cette proportion a été de 1, 75 p. 100 pour la Suède. Si l’on s’attarde seulement au bilan de l’industrie, on constate qu’au Canada celle-ci a investi, en 1988, 0,34 p. 100 de la valeur totale des ventes de produits forestiers, soit environ deux fois moins que ne le fait la Suède(19). Même de petits pays comme la Suisse et les Pays-Bas dépensent, toutes proportions gardées, plus que le Canada en matière de R-D dans le secteur forestier. Les Scandinaves, en particulier, ont connu du succès dans la recherche appliquée. Par exemple, ils ont pratiquement pris la tête du marché mondial de la conception et de la production d’équipement de traitement du bois. De plus, on retrouve en Suède et en Finlande des laboratoires de recherche similaires aux instituts de recherche coopératifs du Canada. Les laboratoires de ces pays réalisent deux fois plus de recherche que les instituts canadiens. Dans ces pays, pourtant, l’industrie forestière est deux fois plus petite qu’au Canada(20). Par ailleurs, presque toutes les papetières de la Suède, de la Finlande, de l’Allemagne et du Japon disposent de leurs propres installations de recherche interne. Au Canada, au contraire, une seule entreprise de pâtes et papiers, MacMillan Bloedel, possède son propre laboratoire. D’après Mardon, le budget consacré aux laboratoires de recherche des quatre plus grandes compagnies du Japon est équivalent à celui de Paprican(21).

Dans une certaine mesure, le faible niveau de recherche dans les laboratoires de recherche coopératifs et dans les entreprises explique la baisse de compétitivité de l’industrie forestière canadienne. Les analystes suggèrent différents facteurs qui contribuent à cette faiblesse. Parmi ceux-ci, on retrouve le comportent des dirigeants d’entreprise, le manque de savoir technologique, la faible proportion de main-d’oeuvre dans le domaine de la R-D, la présence d’entreprises étrangères, le manque de mécanismes de transfert de technologie et, finalement, le peu d’incitatifs gouvernementaux.

Certains estiment que les dirigeants d’entreprises n’ont toujours accordé qu’une importance secondaire aux questions de technologie. D’après eux, les entreprises canadiennes ont davantage misé sur la réduction maximale des coûts que sur la maximisation de la valeur des produits qu’elles fabriquent. De la même façon, il semble que les entreprises canadiennes présentent un rapport dividendes/bénéfices de beaucoup supérieur à celui affiché par les entreprises américaines, ce qui limite considérablement le réinvestissement des profits dans la modernisation des entreprises, dans la R-D et dans l’innovation technologique(22).

D’autres mentionnent que, bien que les entreprises canadiennes puissent profiter de la technologie de pointe, en particulier celle provenant de l’étranger, beaucoup d’entre elles sont dépourvues du savoir-faire technique voulu, certaines ne sont pas au courant des progrès technologiques réalisés à l’étranger et d’autres encore sont incapables de les adopter ou de les adapter.

Cette lacune au niveau du savoir-faire peur s’expliquer en partie par le manque de main-d’œuvre spécialisée pour comprendre la technologie. De la même façon, il y a une corrélation entre la force de la R-D et les ressources humaines qui lui sont affectées. Par comparaison à autres pays, le Canada emploie peu de personnel en R-D. Par exemple, en 1985, la compagnie américaine Weyerhaeuser a employé quelque 500 professionnels en R-D dans ses installations de Tacoma, soit environ le double du total des professionnels en R-D de l’ensemble des entreprises canadiennes(23).

Certains indiquent aussi que le financement inadéquat de la R-D en industrie découle en partie de la propriété étrangère(24). Certains soutiennent, par exemple, que la grande majorité des sociétés américaines de produits forestiers installées au Canada ont centralisé leurs investissements de R-D aux États-Unis.

Le manque de mécanismes efficaces de transfert technologique peut aussi expliquer pourquoi le Canada accuse un retard sur ses prinicpaux concurrents lorsqu’il s’agit d’adopter des innovations. Cette carence limite les échanges entre les utilisateurs et les créateurs de nouvelles technologies. En fait, il semble que les entreprises ne disposent pas de l’information qui leur serait nécessaire.

Enfin, certains critiquent les politiques d’innovation des gouvernements qui, dit-on, n’encouragent pas suffisamment la R-D. D’autres, au contraire, soutiennent que le gouvernement finance suffisamment la recherche proprement dite, mais qu’il pourrait faire plus pour aider l’entreprise qui en est rendue à l’étape du développement et de la commercialisation d’un prototype. Cette étape du processus d’innovation exige souvent un énorme investissement.

Par ailleurs, d’autres estiment que les nouvelles exigences en matière d’environnement désavantagent l’industrie parce que les gouvernements n’ont pas proposé de mesures parallèles qui puissent compenser les effets de telles politiques. Par contre, les promoteurs de ces politiques environnementales rétorquent que la mise en oeuvre de ces dernières permettra aux industries de demeurer concurrentielles sur les marchés mondiaux(25).

CONCLUSION

De toute évidence, l’industrie forestière canadienne traverse la pire crise de son histoire. Nombre d’analystes décortiquent la conjoncture à la recherche des maux et causes à l’origine des défaillances de l’industrie de la forêt. Une majorité d’entre eux, à l’instar des représentants même de l’industrie, y voient essentiellement des causes conjoncturelles, pendant que d’autres mettent davantage en relief des problèmes d’ordre structurel. Lesquels sont certainement accentués par la récession du début des années 90.

Certes, les facteurs économiques conjoncturels ne sont pas négligeables en regard de l’ampleur des difficultés que vit l’industrie forestière. De fait, la valeur du dollar canadien, les taux d’intérêts relativement élevés par rapport aux taux américains et les coûts de la main-d’oeuvre et du transport affectent la position concurrentielle des compagnies canadiennes, dont la matière première et les produits doivent parcourir de grandes distances, à des coûts élevés de carburant. Même l’électricité, il n’y a pas si longtemps abondante et à bon marché, contribue à la diminution de la compétitivité de l’industrie forestière canadienne.

Malgré l’existence cyclique de facteurs économiques défavorables à ce secteur industriel, il faut aussi regarder du côté des facteurs structurels. Misant essentiellement sur ses avantages comparatifs, qui n’ont d’ailleurs cessé de s’éroder, et sur une politique du plus bas prix possible, l’industrie forestière canadienne a, selon nombre d’observateurs, consenti de trop faibles investissements dans la modernisation de ses équipements, dans la R-D et dans la formation d’une main-d’oeuvre de plus en plus spécialisée. Maintenant aux prises avec des coûts de production trop élevés, l’industrie canadienne voit les écarts de compétivité entre elle et ses concurrents se creuser davantage.

Pourtant, elle a tout de même investi des sommes relativement importantes au chapitre de la modernisation des usines, surtout dans le secteur des pâtes et papier. Par exemple, l’ACPPP révèle que les investissements liés à la modernisation et à l’expansion ont atteint 25 milliards de dollars depuis 1985, ce qui a permis l’installation de 26 nouvelles machines à papier et la construction de six nouvelles usines de pâte. Plus précisément, les investissements dans la modernisation ont été de quatre milliards de dollars en 1989, de 3,2 milliards en 1990 et de 1,33 milliard en 1991. L’Association estime que ces investissements devraient s’élever à 1,27 milliard de dollars en 1992, à 1 milliard en 1993 et à 695 millions en 1994. L’économiste Kevin McElhatton de l’ACPPP explique cette baisse par le manque de bénéfices des compagnies et par le fait qu’elles ont dû consacrer beaucoup plus d’argent à la protection de l’environnement(26).

Quoi qu’il en soit, le blâme ne saurait être uniquement dévolu à l’industrie canadienne de la forêt. Il semble en effet que tout le secteur de la R-D soit déficient au Canada. Il y a beaucoup de rattrapage à faire dans ce domaine et, dans le cas de l’industrie des pâtes et papiers, les délais d’action demeurent très courts. On estime que dans cinq ans, il sera trop tard pour sauver une industrie qui, récemment encore, procurait directement et indirectement un grand nombre d’emplois partout au Canada(27).

Pourtant, les perspectives de développement technologique de l’industrie forestière sont vastes. De nouvelles technologiques pourraient permettre de réduire les coûts, d’économiser l’énergie, de mettre au point de meilleurs équipements et de créer des produits à forte valeur ajoutée, tout en réduisant la pression sur la ressource ligneuse. Pour ce faire, les entreprises canadiennes doivent intensifier leurs efforts de R-D. Ceci apparaît essentiel pour qu’elles puissent assurer leur productivité et leur compétitivité. Cependant, le défi posé par les nouvelles technologies nécessitera d’énormes investissements.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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(1) Statistique Canada, Statistiques forestières du Canada, 1988.

(2) « Le Fonds FTQ accepte d’aider les 1 500 emplyés du PFCP à Trois-Rivières à évaluer une possible relance de l’usine », Le Soleil (Québec), 11 janvier 1992, p. B-4.

(3) Statistique Canada, division Cansim.

(4) Claude Turcotte, « Pas de profits en vue cette année pour les pâtes et papiers », Le Devoir (Montréal), 24 janvier 1992, p. A-6.

(5) « Pâtes et papiers : pas d’amélioration en vue avant 1993 », La Presse (Montréal), 11 janvier 1992,
p. C-2.

(6) Rick Haliechuk, « Axe to fall in forest industry? », Toronto Star, 21 décembre 1991, p. C-1.

(7) D’après des estimations fournies par Forêts Canada le 31 janvier 1992.

(8) Forêts Canada, L’état des forêts au Canada : Rapport au Parlement 1990, Ottawa, avril 1991, p. 9.

(9) Ibid., p. 45.

(10) Jean-Guy Morin, « L’industrie des pâtes et papiers demande le gel des salaires à ses employés syndiqués », Le Journal de Montréal, 15 janvier 1992, p. 31.

(11) L’état des forêts au Canada (1991), p. 25 et 59.

(12) Gilles Lavoie, « Les causes du déclin de notre industrie papetière remontent aux années 1970 », Les Affaires (Montréal), 21 décembre 1991.

(13) Presse Canadienne, « Un rapport sur l’industrie forestière prédit, des fusions, d’autres fermetures et une réorientation », La Presse (Montréal), 14 janvier 1992, p. C-8.

(14) Forêts Canada, Activités de recherche de Forêts Canada, 1990-1991, Ottawa, 1991.

(15) Feric, Programme d’activités, 1990, p. 15-64.

(16) Forintek, Progrès et réalisatons, 1990-1991.

(17) Paprican, Rapport annuel, 1988, p. 18-28.

(18) Comité permanent des forêts et des pêches, Les forêts du Canada : le rôle du fédéral, novembre 1990, p. 85.

(19) Presse canadienne, « Pulp and Paper Industry: Canadian Cuts in R&D Threaten Competitiveness, Says Swedish Expert », The Ottawa Citizen, 31 janvier 1992, p. C-7.

(20) Rollin Milroy, « Mardon Speaks Out on R&D Crisis », Pulp & Paper Canada Magazine, Saint-Laurent (Qc), 30 novembre 1991.

(21) Ibid.

(22) Le Point, Société Radio-Canada, 16 décembre 1991.

(23) Roger Hayter, La technologie dans l’industrie forestière canadienne : les orientations à prendre, Conseil des sciences du Canada, Étude de documentation 54, janvier 1988, p. 82.

(24) Ibid., p. 79.

(25) Gouvernement du Canada, « Une nouvelle réglementation fédérale contrôlera la pollution causée par les papetières », Ottawa, Communiqué CO-AC-091-45, 4 décembre 1991, p. 2.

(26) Claude Turcotte, « Pas de profits en vue cette année pour les pâtes et papiers », Le Devoir, 24 janvier 1992, p. A-6.

(27) Rollin Milroy, « Mardon speaks out on R&D Crisis », Pulp & Paper Canada Magaxine, Saint-Laurent (Qc), 30 novembre 1991.