BP-393F

 

LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE -
POSSIBILITÉS ET DÉFIS

 

Rédaction  Sonya Dakers
Division des sciences et de la technologie
Novembre 1994
Révisé en juin 1996


 

TABLE DES MATIÈRES

 

LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE À LA CROISÉE DES CHEMINS

LES PRODUITS ACTUELS ET LES PRODUITS DE PROCHAINE GÉNÉRATION
ISSUS DE LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE

   A. Introduction

   B. Les animaux

   C. Les plantes

PERCEPTIONS DES AVANTAGES ET DES RISQUES DE LA
BIOTECHNOLOGIE PAR LE PUBLIC

RÉGLEMENTATION ET ÉVALUATION DES RISQUES

SYNTHÈSE


 

LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE -
POSSIBILITÉ ET DÉFIS

 LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE À LA CROISÉE DES CHEMINS

Il y a dix ans, le terme biotechnologie était employé pour désigner diverses activités et utilisations. Un consensus s'est progressivement dégagé pour définir la biotechnologie comme un ensemble de technologies, de méthodes ou d'instruments, mais non comme une entité monolithique. Selon la définition officielle d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada, la biotechnologie est l'utilisation pratique d'organismes vivants ou de certaines de leurs parties en vue de fabriquer de nouveaux produits. De nombreux procédés classiques de fabrication d'aliments reposent sur l'utilisation d'organismes vivants : la levure, qui est un champignon microscopique, sert à faire lever le pain, et des bactéries sont employées pour la maturation du fromage et la fabrication de la crème sûre. Des substances provenant d'autres micro-organismes, comme des champignons ou des bactéries, entrent dans la composition de certains médicaments, dont les antibiotiques. Aujourd'hui, les scientifiques s'ingénient à raffiner ces méthodes biotechnologiques, afin que leurs résultats soient mieux circonscrits et plus précis(1).

Il y a dix ans, on se demandait encore si la biotechnologie agricole ferait partie du système agro-alimentaire. Aujourd'hui, au moment où une gamme impressionnante de produits font leur apparition, l'accent s'est déplacé vers les avantages et les risques de ces applications de la biotechnologie(2).

Il est cependant trop tôt pour préciser quelles forces dictent l'évolution du secteur de la biotechnologie. Pour le public, la question est importante; à moins que celui-ci ne puisse participer à l'évolution de cette technologie, elle risque de se développer librement en réponse à la motivation du profit plutôt que dans le but de solutionner des problèmes d'alimentation ou de santé particuliers.

Les préoccupations publiques sont souvent centrées sur l'efficience et la sécurité du point de vue de la santé et de l'environnement, mais un autre critère est entré dans le débat - les répercussions socio-économiques du produit ou de la technologie. Les biotechnologies étant souvent employées comme des instruments en vue d'atteindre des objectifs socio-économiques précis, le public exerce de plus en plus son droit de regard sur l'évolution de cette technologie afin qu'il soit tenu compte de ces objectifs. Cela impose aux scientifiques, aux organismes de réglementation et aux décideurs la responsabilisé de comprendre et d'évaluer non seulement les conséquences de la biotechnologie sur le plan de la sécurité humaine, animale et environnementale, mais aussi ses répercussions socio-économiques. Ce critère a ainsi été appliqué pour interdire l'usage des hormones de croissance dans la production alimentaire sur le marché de l’Union européenne; il explique par ailleurs les délais imposés par le gouvernement canadien à l'utilisation de la BSTr (somatotrophine bovine recombinante) ici même au pays.

Les questions relatives à la capacité de l'État de protéger la santé et la sécurité du public et de promouvoir des technologies qui tiennent compte des préoccupations socio-économiques expliquent pourquoi les mécanismes de contrôle sont maintenant au coeur du débat. Comment peut-on établir des régimes de réglementation permettant de faire la différence entre les produits synthétiques, qui imitent si fidèlement leurs équivalents naturels, qu'ils ne présentent aucune menace, et ceux qui requièrent une attention spéciale avant de pouvoir être approuvés? Comment les procédures réglementaires peuvent-elles être conçues pour que l'on évalue de façon adéquate les avantages et les risques des nouveaux produits de la biotechnologie agricole(3)?

Dans ce document, nous examinons les produits de la biotechnologie agricole qui pointent à l'horizon, ainsi que leurs avantages et les risques qu'ils peuvent présenter pour le public; nous étudions ensuite le rôle de la réglementation et, enfin, nous présentons des commentaires sur les conséquences de la biotechnologie pour le secteur agricole.

LES PRODUITS ACTUELS ET LES PRODUITS DE PROCHAINE GÉNÉRATION
ISSUS DE LA BIOTECHNOLOGIE AGRICOLE

   A. Introduction

La plupart des scientifiques qui travaillent dans le secteur agricole ont tendance à envisager les progrès de la biotechnologie sur un continuum, qui est représenté par le processus ininterrompu de perfectionnement et de mise au point des pratiques agricoles(4). Les preuves de ce continuum abondent au Canada. Ainsi, la production laitière par vache a doublé au cours des quarante dernières années, de sorte que le pays produit aujourd'hui plus de lait avec des troupeaux deux fois moins nombreux. Le même genre d'efficience s'observe dans l'élevage du porc, du boeuf et de la volaille(5).

La technologie a joué un rôle actif dans ces améliorations sur les plans de la génétique, de la nutrition, de la prévention des maladies et du contrôle phytosanitaire. Parmi les techniques commercialisées avant les années 80 et tenues maintenant pour acquises, il y a notamment la reproduction sélective, la vaccination, les diagnostics et traitements vétérinaires, l'insémination artificielle et les croisements génétiques. Le transfert d'embryons et la régulation des cycles de reproduction sont aussi des techniques dont l'application s'est généralisée vers 1980(6).

En dépit des nombreuses applications prometteuses de la biotechnologie dans le secteur agricole, celle-ci n'est ni une panacée pour tous les maux ni une solution de remplacement pour les méthodes déjà en place. Elle constitue tout simplement une méthode supplémentaire(7). La modification du régime alimentaire des animaux, l'élevage sélectif, l'administration d'hormones ou (éventuellement) les transferts génétiques sont tous des moyens permettant de produire des viandes plus maigres. La meilleure approche pourrait consister en une combinaison de techniques, y compris celles qui font appel à la biotechnologie. De nouvelles plantes peuvent être produites par croisement sélectif et culture cellulaire, ou par utilisation des techniques de génie génétique pour étendre la gamme des caractéristiques nouvelles provenant d'autres variétés.

Même si les applications thérapeutiques et diagnostiques de la biotechnologie, les plus lucratives, dominaient les ventes en 1995, le secteur agro-alimentaire représentait néanmoins 1 milliard des 3,2 milliards de dollars dépensés en produits biotechnologiques, au Canada, cette année-là(8).

   B. Les animaux

Les applications de la biotechnologie aux animaux se répartissent en quatre grandes catégories : les techniques de reproduction, les produits vétérinaires, les hormones de croissance et les animaux transgéniques.

En ce qui a trait à la reproduction, la biotechnologie permet un réglage de précision des méthodes de sélection utilisées depuis très longtemps. Ainsi, les caractéristiques de femelles génétiquement supérieures peuvent être disséminées grâce aux techniques de transfert d'embryons, tandis que le sperme peut être séparé pour permettre la détermination du sexe. Par ailleurs, des embryons de bovins peuvent être entreposés dans de l'azote liquide, ce qui permet une plus grande souplesse en vue de leur utilisation et facilite leur importation ou leur exportation; en outre, certaines techniques de laboratoire permettent d'obtenir, à partir d'embryons, des clones multiples(9).

L'application de la biotechnologie aux produits vétérinaires s'apparente à l'application des résultats de la R-D aux produits pharmaceutiques destinés aux humains et, dans bien des cas, ces produits sont mis au point par les mêmes entreprises. Des anticorps monoclonaux ont servi à mettre au point de nouveaux produits de diagnostic pour les maladies animales et ressemblent à ceux qui sont employés dans les tests de dépistage des maladies humaines. De nouveaux vaccins plus sécuritaires ont aussi été mis au point pour les animaux, notamment par le recours aux techniques du génie génétique, en vue de combattre des maladies telles que la diarrhée et la rage.

La somatotrophine bovine recombinante, une hormone de croissance, a été approuvée par la U.S. Food and Drug Administration en 1994 pour stimuler la production de lait. Étant l'un des produits de la biotechnologie agricole les plus évidents pour le consommateur et le producteur, il a suscité des réactions partagées. Les inquiétudes au sujet de ses effets possibles sur le bien-être des animaux et des humains, ainsi que son incidence sur une industrie qui a déjà une surproduction, ont mené à l'imposition d'un moratoire sur son utilisation dans l’Union européenne, au Canada et dans divers États américains dont le Wisconsin, le Minnesota et le Vermont.

On étudie aussi la possibilité d'utiliser les hormones de croissance animale pour produire des viandes moins grasses. La sélection a déjà permis d'obtenir des porcs et des bovins plus maigres, mais l'administration d'hormones de croissance mises au point grâce aux techniques du génie génétique pourrait avoir le même effet et pourrait en même temps accélérer la croissance et améliorer l’efficacité de l’utilisation des aliments fourragers(10).

Au lieu que ce soit l'éleveur qui administre des hormones de croissance à ses animaux, on pourrait introduire les gènes de l'hormone de croissance dans le génome des animaux. Cette technique d'introduction de sections de code génétique dans le génome d'un animal, qui crée une nouvelle ressource génétique chez une espèce, porte le nom de technologie transgénique(11). Avant que l'on procède, il faudrait avoir de meilleures connaissances des fonctions des gènes en ce qui concerne les caractéristiques de production des animaux d'élevage. C'est une technologie coûteuse lorsqu'on l'applique à des espèces à cycle de reproduction assez long(12) et on ne s'attend pas à ce que de la viande d'animaux transgéniques soit sur le marché avant la fin du siècle.

   C. Les plantes

La modification des plantes en vue d'améliorer leurs caractéristiques est une pratique qui remonte à au moins 10 000 ans(13). Les premiers agriculteurs obtenaient de meilleures récoltes en conservant les semences des meilleurs plants. Au cours du dernier siècle, la sélection des végétaux est devenue plus rigoureuse grâce aux croisements effectués au sein d’une espèce et entre espèces sexuellement incompatibles au sein d'une même famille. Aujourd'hui, les techniques du génie génétique permettent de prendre un gène dans une espèce et de l’introduire dans vue espèce différente, une chose qu’il est impossible de réaliser naturellement ou au moyen des techniques de croisement traditionnelles. Le génie génétique offre le moyen de donner à des plantes des traits nouveaux, élargissant ainsi leur éventail de caractéristiques pour résister aux insectes, aux virus, à la dégradation et aux herbicides.

Les techniciens en génie génétique pourraient aussi être en mesure de mettre au point des aliments supérieurs en insérant dans les plantes cultivées des gènes donnant des protéines aux propriétés nutritives supérieures. Les plantes peuvent ainsi être adaptées pour produire des substances chimiques particulières telles que des amidons, des huiles industrielles, des enzymes et même des substances pharmaceutiques. Les premiers essais portant sur ces innovations sont en cours(14).

La science transgénique se bute par ailleurs à certains problèmes techniques, les techniciens en génie génétique ne pouvant à l'heure actuelle modifier que les traits exprimés par un maximum de trois à cinq gènes. En outre, certaines plantes cultivées ne répondent pas aux méthodes actuelles de transfert de gènes, et il est parfois difficile d'isoler les gènes utiles.

Il ne fait aucun doute que, si l'on parvenait à surmonter ces problèmes techniques, la biotechnologie offrirait des possibilités immenses pour accroître la production alimentaire. On estime que la production d'aliments devra tripler au cours des quarante prochaines années pour répondre aux besoins d'une population qui atteindra, à ce moment, neuf milliards de personnes selon les estimations. Il est évident que les progrès de la biotechnologie pourraient laisser un peu de temps pour s’adapter aux graves problèmes de surpopulation, de détérioration de l’environnement et de répartition des richesses.

Selon les travaux publiés, les centaines d'essais de plantes mises au point grâce au génie génétique qui se déroulent actuellement sur le terrain aux États-Unis et en Europe confirment la sécurité et la valeur commerciale potentielle de ces produits; ces nouvelles variétés de plantes cultivables pourraient être mises à la disposition des agriculteurs vers le milieu des années 90(15). Néanmoins, en 1989 et 1990, des groupes ont protesté aux Pays-Bas et en Allemagne contre ces essais.

Il semble que ce soit des questions autres que des questions techniques qui risquent de retarder la commercialisation de certaines technologies, même après l'approbation de celles-ci par les organismes de réglementation(16). Ces questions seront vraisemblablement liées aux contraintes financières et au manque d'acceptation des technologies par le public en raison des préoccupations exprimées au sujet de la sécurité alimentaire et de l'éthique, des répercussions sur l'environnement et d'une mauvaise compréhension des nouvelles techniques. C'est la raison pour laquelle nous consacrons la prochaine section du présent document aux perceptions des avantages et des risques de la biotechnologie par le public.

PERCEPTIONS DES AVANTAGES ET DES RISQUES DE LA
BIOTECHNOLOGIE PAR LE PUBLIC

La capacité d'améliorer les plantes, les animaux et les micro-organismes par les méthodes décrites précédemment pourrait entraîner des améliorations spectaculaires pour ce qui est de la quantité et de l'efficience de la production et de la transformation des aliments et des applications nouvelles des denrées agricoles brutes. Les consommateurs pourraient profiter d'une baisse des prix et d'aliments plus sains et plus nutritifs. Les nouvelles technologies offrent aussi la possibilité de modifier la nature même des aliments et d'élargir la gamme des produits alimentaires disponibles. C’est le consommateur qui déterminera l’avenir de ces nouveaux produits alimentaires, par l’accueil qu’il leur réservera(17).

Certains aspects de la biotechnologie soulèvent des questions au sujet de l'éthique des manipulations génétiques animales et, en fin de compte, de la manipulation de l'équilibre naturel. Les cas où l'on a donné au public des assurances au sujet de la sécurité d'innovations scientifiques, particulièrement dans le secteur de la santé, pour ensuite lui révéler l'existence de problèmes nouveaux, ont engendré un certain cynisme au sujet des renseignements fournis par les promoteurs de produits nouveaux, sur lesquels même les gouvernements doivent se fier pour assumer leur rôle en matière de réglementation. La documentation publicitaire fournie par les compagnies ne traitera vraisemblablement pas de la probabilité que surviennent, à long terme, des problèmes médicaux ou environnementaux.

Des enquêtes de consommation(18) effectuées entre 1992 et 1995 montrent que les consommateurs ont plus confiance dans les renseignements fournis par des experts indépendants, comme les organismes nationaux dans le domaine de la santé et de la nutrition, en ce qui concerne l'évaluation du pour et du contre des biotechnologies. D'une façon générale, ils ne voient rien de mal dans l'utilisation de la biotechnologie pour modifier des plantes, mais estiment qu'il est moralement répréhensible de l'utiliser pour modifier des animaux. Les consommateurs ont déclaré vouloir être informés, par une mention sur l'étiquette, du fait qu'il s'agit d'un aliment modifié et ils souhaitent que l'on s'en tienne aux aliments qui présentent des avantages tangibles pour la santé (moins gras, par exemple). Au Canada, la plupart des consommateurs auraient une grande confiance dans le gouvernement fédéral en ce qui concerne la réglementation et l'évaluation des produits du point de vue de la santé et de la salubrité.

À l'étape de l'élaboration d'un produit, il n'existe aucun mécanisme au Canada ou aux États-Unis pour permettre la participation du public. Le processus d'approbation de la somatotrophine bovine recombinante (BSTr), aux États-Unis, offre un bon exemple à cet égard. À l'étape de l'approbation des essais sur le terrain, on assistait déjà à une controverse publique importante au sujet de l'efficacité de ce médicament destiné à être administré aux vaches pour accroître leur production laitière. L'organisme responsable de l'approbation du produit, la Food and Drug Administration, a dû prendre l'initiative extraordinaire de mettre en place un processus d'audiences publiques et obtenir la permission des sociétés qui avaient présenté des demandes d'approbation pour diffuser auprès du public les résultats des études faites sur la sécurité du produit.

Au Canada, il n'y a pas non plus de processus d'examen public permettant de soumettre à un débat, avant l'approbation, les décisions à venir dans le domaine de la biotechnologie. Néanmoins, le Canada a reporté de plus d'un an l'utilisation de la BSTr, tandis qu'aux États-Unis ce produit a été approuvé en février 1994. Agriculture et Agroalimentaire Canada place maintenant des « documents de décision » dans son site Internet, « InfoAgBiotech », qui expliquent les décisions de réglementation prises en relation avec les nouvelles plantes. Ce site vise à mieux faire comprendre le système de réglementation du ministère. Le ministère publie également des lignes directrices de réglementation lorsqu'elles sont approuvées. En plus des décisions sur les produits approuvés, le site Internet contient des renseignements sur la réglementation, des lignes directrices, des documents de consultation et une liste des essais sur le terrain. C'est certainement le début d'un dialogue entre l'organisme de réglementation et le public.

Un autre sujet d’inquiétude est la propriété de ces nouvelles technologies, car beaucoup sont entre les mains de multinationales dont les activités débordent les frontières géographiques et qui n'ont qu'une faible allégeance nationale(19). L'obtention, par ces sociétés, de brevets portant sur des plantes et des animaux pourrait menacer la diversité génétique, particulièrement dans le tiers monde. En théorie, la manipulation génétique des plantes peut permettre de fournir aux agriculteurs la technologie la plus récente sous une forme traditionnelle, les semences, auxquelles même les nations les plus pauvres peuvent avoir accès sans qu'il leur soit nécessaire de recourir à des fournitures de haute technologie. Mais en pratique, la biotechnologie peut rendre ces semences trop coûteuses pour les agriculteurs démunis. En outre, des plantes naturelles peuvent être remplacées par des équivalents synthétiques, comme cela risque de se produire sur l'île de Madagascar où 100 000 agriculteurs dépendent de la culture de la vanille, un produit que l'on s'apprête à remplacer par un produit bio-synthétique moins coûteux. Ainsi, ceux qui fournissent la ressource indigène qui donne éventuellement lieu à l'octroi d'un brevet se retrouvent dans l'incapacité de profiter de cette technologie(20).

Un autre exemple qui nous touche de plus près est celui des cultures résistantes aux herbicides. Si leur production se concentre dans un nombre toujours plus petit de mains, comme cela semble être la tendance, on peut se demander si les agriculteurs en profiteront réellement. Quels intérêts sont servis par la promotion de ces produits?

Il est important pour tout le monde, y compris les chercheurs en biotechnologie, que le public ait confiance dans la biotechnologie. D'ailleurs, l'acceptation par le public des innovations, et son appui à celles-ci, est essentielle si l'on veut obtenir un milieu compétitif viable pour la biotechnologie au Canada. Une plus grande participation du public ferait en sorte que l'évolution du secteur de la biotechnologie respecte davantage la diversité des valeurs, des intérêts et des priorités au sein d'une société et elle favoriserait l'examen des préoccupations d'ordre environnement et social. Un programme de biotechnologie acceptable doit être assorti d'un mécanisme décisionnel participatif, pour que les applications de la biotechnologie soient au service du bien public, et d'un régime de réglementation accessible et cohérent pour que soit préservée la qualité des produits alimentaires qui en résultent.

Il semblerait logique que ceux qui mettent au point des produits de la biotechnologie préparent le public à ces innovations en leur fournissant des renseignements utiles avant d'investir des sommes importantes en recherche-développement. Il serait ainsi possible d'évaluer la réaction éventuelle du public aux futurs produits de la biotechnologie.

Le secteur public a, par le passé, joué un rôle dans le domaine de la recherche fondamentale, dont les résultats sont utilisés par l'industrie de la biotechnologie, et il devrait continuer de le faire vu que les entreprises ne seront peut-être pas disposées à assumer la responsabilité des recherches présentant un risque plus élevé au moment même où l'on procède à d'importantes compressions des dépenses. Si le secteur public cesse de jouer ce rôle, le gouvernement ne sera pas en mesure d'évaluer l'efficacité des nouvelles technologies. Cela est plus particulièrement vrai dans le cas des recherches liées à l'évaluation des risques présentés par de nouveaux organismes, au contrôle de leur dispersion, ou encore aux études portant sur les transferts génétiques ou d'autres domaines où les renseignements sur la biosécurité peuvent être incomplets. Contrairement au Canada, le Département de l'agriculture des États-Unis a réservé un pourcentage précis (1 p. 100) de ses fonds de recherche en biotechnologie aux travaux d'évaluation des risques(21). Ce genre de recherches constitue l'un des moyens de répondre aux préoccupations du public parce qu'il débouche sur des méthodes de contrôle et de surveillance des nouveaux produits de la biotechnologie.

Dans la section suivante, nous examinons comment le gouvernement s'acquitte de ses obligations pour que les avantages et les risques soient évalués de façon adéquate et communiqués au public. Un cadre de réglementation rigoureux offre l'assurance que les produits de la biotechnologie sont conformes à des normes acceptables de protection de la santé humaine et de l'environnement et envoie un signal de confiance au marché intérieur et au marché international(22).

RÉGLEMENTATION ET ÉVALUATION DES RISQUES

Les activités fédérales dans le domaine de la biotechnologie ont débuté en 1980 lorsqu'un groupe d'étude du secteur privé a été constitué pour conseiller le gouvernement au sujet de cette nouvelle science. Dans son rapport, le groupe d'étude a recommandé l'établissement d'une stratégie nationale qui favoriserait un secteur dynamique et concurrentiel au Canada.

En réponse, le gouvernement fédéral a mis en place, en 1983, la Stratégie nationale en matière de biotechnologie; au début, cette initiative devait s'échelonner sur une période de cinq ans, mais elle a été prolongée pour un second mandat et elle prendra fin en 1997. Le programme comprend un Comité consultatif national de la biotechnologie (CCNB), qui est composé de représentants de l'industrie et du gouvernement et qui a pour rôle de conseiller le ministre de l’Industrie sur les nouvelles exigences en matière de politique, de centres d'excellence multidisciplinaires visant à encourager les transferts de technologie, de sept réseaux sectoriels de promotion de la coopération scientifique dans les secteurs de recherche prioritaires et d'un Comité interministériel sur la biotechnologie (CIB), dont le mandat est de coordonner la politique fédérale dans le domaine de la biotechnologie.

En 1987, le CCNB a publié huit grands critères axés sur l'élaboration d'un régime de réglementation capable de déterminer si les avantages commerciaux découlant des investissements importants faits jusqu'à maintenant profiteraient au Canada(23). Ce régime devait : susciter la confiance du public; être viable sur le plan économique; permettre à l'industrie de planifier les étapes du développement et de la commercialisation; être compatible avec les stratégies appliquées dans les autres pays; être souple, pour laisser place à de nouvelles approches; préciser les questions de compétence; profiter d'avis scientifiques indépendants.

Les ministères qui ont des responsabilités réglementaires comme Agriculture et Agroalimentaire Canada ont commencé à rédiger des projets de règlements en vertu de leurs mandats respectifs. Dans le cadre du Sous-groupe interministériel sur la sécurité et la réglementation, ils ont rédigé, en 1988, un document conjoint intitulé Biotechnologie : Guide de l'utilisateur. La même année, les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement, de la Santé, du Travail et des Pêches ont reçu instruction du Cabinet de mettre au point un plan d'action en vue d'établir un régime de réglementation coordonné pour les produits de la biotechnologie. En 1990, un échéancier de mise en oeuvre sur cinq ans a été fixé dans le Plan vert. Celui-ci préconise aussi des normes et des codes de pratiques nationaux pour la protection de l'environnement et de la santé humaine dans les cas de déversements accidentels ou délibérés de produits. Le Plan vert prévoit aussi un préavis pour les produits de la biotechnologie avant leur lancement ou leur mise en marché(24).

Les principes fondamentaux du Cadre de travail pour la réglementation des produits de la biotechnologie ont été annoncés le 11 janvier 1993. Ils englobent le recours aux institutions réglementaires et aux lois en vigueur pour préciser les responsabilités et éviter les doubles emplois, l'élaboration de lignes directrices pour évaluer si les produits de la biotechnologie respectent les normes nationales en matière de santé et d’environnement, l’utilisation d’évaluations fondées sur le risque et le soutien d'un mécanisme de consultation en matière de réglementation(25).

En 1993, le CIB a proposé que les ministères adoptent une série de définitions pour assurer la cohérence des renvois faits à la biotechnologie dans toutes les communications et tous les documents fédéraux. On a ainsi défini la réglementation axée sur les « produits » par opposition à la réglementation axée sur les « procédés », l'évaluation des risques et une procédure à guichet unique, et adopté la définition de la biotechnologie figurant dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, soit l'« Application des sciences ou de l'ingénierie à l'utilisation d'organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée » (LCPE, par. 3(1))(26).

En agriculture, cette définition englobe le génie génétique et les techniques nouvelles de la biologie moléculaire comme la culture de tissus, l'ADN recombinant et la mutagénèse. Conformément au cadre fédéral applicable à la biotechnologie, la réglementation appliquée par Agriculture et Agroalimentaire Canada est axée sur les « produits ». Le ministère réglemente les nouveaux produits de la biotechnologie de la même façon que les produits classiques, en vertu de diverses lois agricoles et dans divers secteurs de production, en partant du principe qu'ils doivent être sûrs et efficaces, indépendamment de la manière dont ils ont été créés(27). Le 11 janvier 1995, la réglementation d'application de ces lois a été modifiée pour préciser qu'elle visait aussi les produits de la biotechnologie.

Les nouvelles variétés de plantes et d'arbres, y compris les plantes présentant des caractéristiques nouvelles, sont visées par la Loi sur les semences. Cela inclut les « plantes transgéniques », les nouvelles variétés de plantes cultivées créées par des méthodes faisant appel au « génie génétique » ou à la technologie utilisant l'ADN recombinant, ainsi que les plantes aux caractéristiques nouvelles obtenues par des méthodes anciennes, dont la mutagénèse et les croisements classiques. L'introduction de gènes peut conduire à des caractéristiques comme l'amélioration de la teneur en protéines, la tolérance à un herbicide, la résistance au gel, ou la résistance à certains insectes. Les plantes aux caractéristiques nouvelles sont évaluées indépendamment des méthodes ou techniques utilisées pour les créer. L'autorisation des essais sur le terrain et de la commercialisation n'est donnée qu'après de vastes évaluations environnementales.

Bien que ce soit Agriculture et Agroalimentaire Canada qui soit responsable de l'évaluation de la sécurité agronomique et écologique des plantes cultivées destinées à l'alimentation, c'est Santé Canada qui est responsable de la salubrité des aliments. Par exemple, Santé Canada a procédé à l'évaluation de la pomme de terre New Leaf, génétiquement modifiée pour la protéger contre le doryphore, pour déterminer la sécurité du produit et son acceptabilité comme produit alimentaire.

Les aliments pour les animaux sont réglementés en vertu de la Loi relative aux aliments du bétail, les aliments du bétail étant « les substances ou mélanges de substances [...] fabriqués ou vendus [...] comme devant servir à la consommation par des animaux de ferme, à l'alimentation des animaux de ferme, et à empêcher ou corriger des désordres nutritifs chez les animaux de ferme ». En plus des aliments traditionnels, il y a des bioaliments comme des produits microbiens (vivants ou morts), des plantes ayant des caractéristiques nouvelles (voir ci-dessus), et toute une gamme de produits de fermentation comme des enzymes, des protéines de biomasse, des acides aminés, des vitamines et des agents de sapidité. Les évaluations portent essentiellement sur la toxicité pour les animaux, les effets antinutritifs et allergènes, et la sécurité pour le consommateur humain.

Les produits biologiques vétérinaires sont réglementés en vertu de la Loi sur la santé des animaux. Cette catégorie comprend toute une variétés de produits comme les vaccins, les toxines, les bactérines(28), les toxoïdes(29), les antisérums et les trousses de diagnostic utilisés pour le diagnostic, le traitement ou la prévention des maladies infectieuses chez les animaux. La majorité des produits approuvés jusqu'à maintenant sont des trousses de diagnostic pour déceler les maladies animales. Parmi les autres produits réglementés en vertu de cette loi, citons les pathogènes animaux, les produits ou sous-produits animaux, et les animaux transgéniques présentés comme ayant une résistance à certaines maladies.

Les engrais relèvent de la Loi sur les engrais. Ces produits sont conçus pour nourrir les plantes et ils peuvent comprendre des microorganismes. Les engrais microbiens sont utilisés depuis de nombreuses années pour remplacer les engrais chimiques, en particulier pour l'enrobage des graines. Dans la nature, l'enveloppe des graines contient des microorganismes qui servent d'engrais. L'évaluation de sécurité porte surtout sur l'identité de l'organisme et son comportement dans l'environnement, pour s'assurer qu'il n'a pas d'effets sur la santé.

L'importation de plantes, de microorganismes et d'animaux exige un permis d'importation en vertu de la Loi sur la santé des animaux, ainsi que de la Loi sur la protection des plantes. Lors de l'examen des permis d'importation, on essaie de déterminer la possibilité qu'une plante, un microorganisme ou un animal importé ait des effets néfastes pour la sécurité des humains, des animaux ou de l'environnement.

Enfin, la Loi sur les produits agricoles au Canada comporte le pouvoir d'assurer la sécurité et l'intégrité des produits agro-alimentaires par des normes et des mécanismes tels que l'homologation et l'inspection(30).

Cela signifie que les nouveaux produits, comme les produits obtenus par des moyens classiques, sont réglementés selon leurs caractéristiques. Les critères de la « familiarité » et de l'« équivalence substantielle » sont appliqués pour établir s'il faut procéder à une évaluation des risques; ces évaluations servent à préciser la menace potentielle pour les humains ou l'environnement; des normes de sécurité et de rendement sont aussi appliquées. Cette procédure vise les importations, les recherches sur le terrain et les étapes de la pré-commercialisation et de la commercialisation d'un produit(31).

Dans l'élaboration des lignes directrices applicables aux divers secteurs de produits décrits précédemment, le Ministère a tenu des consultations et des ateliers pour recueillir des avis sur l'acceptabilité de ces méthodes dans le domaine de la biotechnologie. Un certain nombre de questions se sont posées, notamment au sujet des critères servant à déterminer quels produits doivent être assujettis à une évaluation des risques. On a aussi constaté que la « familiarité » dépend de la présence d'une quantité importante d'information, y compris celle qui porte sur la sécurité de tout produit considéré comme substantiellement équivalent au nouveau produit issu de la biotechnologie. Dans le modèle proposé, le degré de « familiarité » et « d’équivalence substantielle » à un produit accepté sera le critère qui déterminera quels nouveaux produits devront être assujettis à une évaluation des risques possibles. Le processus d'évaluation, qui n'est pas nouveau, vise à déceler les dangers possibles et à déterminer l'exposition et les risques en présence.

Pour que le modèle proposé soit utile, les bases de connaissances utilisées en vue d'établir la « familiarité » et l'« équivalence substantielle » doivent pouvoir évoluer. Le cas du canola, qui avait été évalué à l'origine sous l'angle de la sécurité des huiles et des produits servant à l'alimentation des animaux, permet d'illustrer le fonctionnement du modèle. La vaste expérience acquise depuis au sujet du canola ne peut être considérée suffisante pour supposer qu'une nouvelle variété de canola (qui aurait, par exemple, été mise au point par la méthode de l'ADN recombinant en vue de produire une huile végétale spéciale) est « substantiellement équivalente », même s'il y a une « familiarité » suffisante(32).

Certaines autres questions qui se posent dans le contexte de la nouvelle politique sont, notamment, l'incidence de la réglementation sur la compétitivité, sa transparence, sa souplesse, sa crédibilité, la nécessité d'en surveiller l'efficacité et la nécessité de la participation du public au processus.

Ce ne sont pas des questions faciles à résoudre de façon équitable. Pour soutenir la concurrence, le Canada doit avoir un cadre de réglementation bien défini et prévisible, sur lequel les gens puissent s'appuyer pour prendre des décisions d'affaires ou d'investissement. Par contre, pour être crédible aux yeux du public, ce cadre de réglementation doit être sensible aux questions d'acceptabilité publique. Il y a là un délicat équilibre à trouver.

Sur la scène internationale, la stratégie suivie par le Canada se situe à mi-chemin entre la réglementation rigoureuse axée sur la biotechnologie et l'absence de réglementation. Aux États-Unis, on a suivi une démarche semblable en s'appuyant sur les lois en place, qui ont déjà servi à approuver de nombreux nouveaux produits. Le Département de l'agriculture des États-Unis et l'EPA (Agence de protection environnementale) ont déjà établi des modalités d'examen des essais sur le terrain de plantes modifiées et de microorganismes(33). L'UE (Union européenne) a adopté une ligne de conduite plus rigoureuse. Elle a publié des directives qui s'appliquent spécifiquement aux produits dérivés de la biotechnologie et elle envisage la possibilité d'y superposer des évaluations socio-économiques des nouveaux produits.

SYNTHÈSE

En dépit des possibilités qu'ils laissent entrevoir pour améliorer et accroître la production alimentaire mondiale, les progrès de la biotechnologie alimentaire se présentent dans un contexte d'incertitude publique. La réaction controversée à l'utilisation de la BST synthétique illustre la compréhension limitée qu'a le public des produits de la biotechnologie, de leurs avantages et de leurs risques.

Certains voient les innovations technologiques en agriculture comme s'inscrivant dans un processus en constante évolution, dont la biotechnologie n'est que le dernier chapitre en date. Pour ces personnes, la biotechnologie offre la possibilité d'améliorer les rendements des cultures, de renouveler la vigueur génétique des espèces végétales et animales, de favoriser la conservation des espèces (en rendant les gènes des variétés de plantes indigènes plus facilement disponibles et utiles) en encourageant la biodiversité, en réduisant la nécessité de recourir aux produits chimiques agricoles et en contribuant à la prospérité du tiers monde, ralentissant ainsi la croissance de la population(34).

D'autres sont d'avis que la biotechnologie doit faire l'objet d'une vigilance particulière et d'un traitement qualitatif différent. Ils ne pensent pas que la biotechnologie débouchera forcément sur un secteur agricole plus humain et plus égalitaire, socialement juste et écologiquement sage, en dépit des possibilités qu'elle offre en vue d'accroître la diversité et le rendement des cultures et de contribuer à la prospérité du tiers monde. Ils envisagent plutôt le scénario opposé : d'énormes quantités de ressources sont actuellement consacrées à la mise au point de variétés de plantes résistant aux herbicides, pour lesquelles il y a déjà d'importants excédents, et à l'accroissement de la productivité laitière, alors que l'on produit déjà trop de lait. En outre, les agriculteurs du tiers monde ne bénéficient pas toujours des nouvelles formes de vie et de semences qui sont protégées par des brevets et qui sont censées favoriser la biodiversité. Ces observateurs sont d'avis que les facteurs économiques sont le principal moteur du progrès dans le secteur de la biotechnologie, lequel ne tient aucunement compte des préoccupations d'ordre éthique et environnemental de portée plus vaste.

Entre ces deux points de vue passablement divergents, il y en a d'autres. Des audiences parlementaires tenues en 1996 ont révélé de vastes différences d'opinion en ce qui concerne la notification et la réglementation des produits de la biotechnologie, particulièrement ceux qui ont été créés par une technologie utilisant l'ADN-recombinant.

La communauté écologiste désire une approche semblable à celle de la CE, c'est-à-dire une réglementation en vertu d'une loi nouvelle conçue spécialement pour la biotechnologie ou d'une codification législative annexée à la Loi canadienne de protection de l'environnement (LCPE). Actuellement, cette loi ne vise que les produits de la biotechnologie qui ne relève d'aucune autre loi fédérale et laisse la responsabilité première aux ministères qui ont l'expertise et l'expérience pour certaines catégories de produits(35). Sous sa forme actuelle, la LCPE donne néanmoins à Environnement Canada le pouvoir de fixer des normes minimales, pour la notification et l'évaluation, pour tous les produits de la biotechnologie vivants et inanimés [alinéa 26(3)a)].

Conformément à son cadre de réglementation de la biotechnologie de 1993, le gouvernement se propose d'utiliser la LCPE comme « filet de sécurité », c'est-à-dire pour réglementer les produits qui ne sont pas visés par d'autres lois fédérales(36). Le gouvernement a accepté d'ajouter une nouvelle partie à la LCPE qui traiterait spécifiquement des produits de la biotechnologie ne relevant d'aucune autre loi et qui exigerait une notification et une évaluation des effets à long terme sur les humains et l'environnement pour ces produits. Cette approche, toutefois, confinerait l'application des normes d'Environnement Canada aux produits non visés par les lois actuelles. La LCPE ne serait plus la base des normes minimales.

Un débat public franc sur le rôle de la biotechnologie en agriculture, fondé sur des renseignements équilibrés et fiables, est toujours requis. Ce débat doit traiter notamment de la capacité de la biotechnologie de contribuer utilement à résoudre d'importants problèmes comme la dégradation de l'environnement, la faim et la croissance démographique. Toute préoccupation publique ayant trait à la santé, à la sécurité, à l'éthique, à l'économie ou à d'autres aspects doit être abordée franchement devant les instances réglementaires et dans les tribunes éducatives.

Au Canada, on se fie dans une certaine mesure à la capacité du gouvernement de protéger la santé et la sécurité publiques; cependant, pour que le gouvernement conserve sa crédibilité dans ce domaine, il faut prévoir des mécanismes permettant au public d'exprimer ses préoccupations ou de poser des questions. Parce que les consommateurs se soucient du contenu des aliments qu'ils achètent, l'étiquetage des aliments produits par les techniques du génie génétique sera une dimension importante, tout comme des connaissances sur l'effet de l'exposition à long terme à ces aliments. L'avenir des aliments produits grâce à ces techniques dépendra de la confiance qu'auront les consommateurs envers ces produits et leurs avantages.

Jusqu'à un certain point, la communauté scientifique a le fardeau de démontrer au public que les produits de la biotechnologie sont à la fois souhaitables et sécuritaires. La plupart des gens ont des rapports émotifs, culturels et religieux marqués avec les aliments. Certains pensent que le fait de manipuler les gènes des animaux ou des plantes viole l'intégrité des espèces. Il incomberait à ceux qui développent les produits de la biotechnologie de choisir judicieusement les premiers aliments produits par les techniques du génie génétique qui arriveront sur le marché afin de s'assurer que leurs avantages soient plus importants que les risques qu'ils présentent. L'expérience de la BST recombinante montre qu'un public insatisfait de l'efficacité d'un produit s'efforcera d'être entendu et, à défaut d'une autre tribune, se tournera vers les médias pour faire valoir son point de vue. Cela ne constitue pas nécessairement la meilleure façon de débattre publiquement de la biotechnologie, de ses avantages et de ses risques(37).


 (1) Agriculture Canada, La biotechnologie appliquée à l'agriculture, une science du mieux-vivre, 1993, p. 1.

(2) National Agricultural Biotechnology Council, Rapport no 3, Agricultural Biotechnology at the Crossroads, Ithaca (NY), NABC, 1991, p. 18, [ci-après NABC 3].

(3) Institute for Science in Society Conference, « Food Biotechnology: A New Paradigm for Food, the Farm and the Public », Bio/Technology, vol. no 11, décembre 1993, p. 1584.

(4) NABC 3 (1991), p. 98.

(5) Sénat du Canada, Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, fascicule no 4, 22 septembre 1994, p. 30-31.

(6) NABC 3 (1991), p. 99.

(7) Congrès des États-Unis, Bureau de l'évaluation de la technologie, Biotechnology in a Global Economy, Washington (DC), Congrès des États-Unis, 1991, p. 100.

(8) Industrie Canada, La biotechnologie au Canada, présentation au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, 16 mai 1996, p. 4.

(9) Congrès des États-Unis (1991), p. 100.

(10) Ibid., p. 102.

(11) NABC 3 (1991), p. 38.

(12) Ibid., p. 104

(13) Charles S. Gasser et Robert T. Fraley, « Transgenic Crops », Scientific American, juin 1992, p. 62.

(14) Ibid., p. 69.

(15) Ibid.

(16) National Agricultural Biotechnology Council, rapport no 5, Agricultural Biotechnology: A Public Conversation about Risk, Ithaca (NY), NABC, 1993, p. 73.

(17) Ibid., p. 74.

(18) D’Arce McMillan, « Consumers Sees as Unfazed by Biotechnology », The Western Producer, 20 juin 1996, p. 5.

(19) NABC 3 (1991), p. 163.

(20) Dakers, Sonya, La biotechnologie et le bien commun: rapport de la conférence NABC 6, mini-bulletin MR-127F, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 28 juin 1994, p. 2.

(21) NABC 3 (1991), P. 141.

(22) Agriculture Canada, Workshop on Food Biotechnology, Ottawa, 29 mars 1993, p. 4.

(23) Ibid., p. 4.

(24) Agriculture et Agro-alimentaire Canada, Atelier sur la réglementation des produits agricoles issus de la biotechnologie, Compte rendu, Ottawa, 8-10 novembre 1993, p. 5.

(25) Ibid.

(26) Ibid., p. 6.

(27) La description suivante de la législation agricole est inspirée de Thomas Curran, Briefing Notes on Biotechnology, 12 juin 1996, p. 4-6 et de la présentation d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la biotechnologie au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, 16 mai 1996, p. 3-4.

(28) Une « bactérine » est une suspension de bactéries mortes ou atténuées utilisée comme antigène.

(29) Un « toxoïde » est une toxine d'organisme pathogène traitée de façon à détruire sa toxicité tout en lui conservant sa capacité d'induire la formation d'anticorps.

(30) Agriculture Canada, Atelier (1993), p. 6.

(31) Ibid., p. 6-7

(32) Ibid., p. 13.

(33) Congrès des États-Unis (1991), p. 196.

(34) Bio/Technology (1993), p. 1585-1588.

(35) Canada, Parlement, Comité permanent de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable, Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, juin 1995, p. 123.

(36) Environnement Canada, Mesures législatives sur la protection de l’environnement conçues pour l’avenir - Une LCPE renouvelée, ministère des Approvisionnements et Services, Ottawa, 1995, p. 51.

(37) Ibid., p. 1588.