BP-419F

LES TAXES SUR LES OPÉRATIONS FINANCIÈRES :
LEÇONS À TIRER DE L'EXPÉRIENCE
DES PAYS ÉTRANGERS

 

Rédaction :
Marion G. Wrobel
Analyste principal
Juin 1996


TABLE DES MATIÈRES

LES TOF DANS LES PAYS ÉTRANGERS

DES EXEMPLES DE TAXES SUR LES OPÉRATIONS FINANCIÈRES

LES LEÇONS À TIRER POUR ÉVITER L'ÉVASION FISCALE


LES TAXES SUR LES OPÉRATIONS FINANCIÈRES :
LEÇONS À TIRER DE L'EXPÉRIENCE
DES PAYS ÉTRANGERS

Une taxe sur les opérations financières (TOF) peut être considérée grosso modo comme tout impôt, droit, redevance, etc. levé par un gouvernement sur la vente, l'achat, le transfert ou l'enregistrement d'un instrument financier; dans la plupart des cas, c'est une taxe sur les transactions. Elle peut avoir une assiette très large ou ne pas s'appliquer à divers instruments ou à des opérations effectuées par certains types de négociateurs. Ce peut être une taxe sur la valeur ou une taxe fixe. Elle peut être prélevée soit sur des opérations effectuées par des Canadiens, soit sur des opérations effectuées au Canada, soit sur les deux. Le législateur peut même imposer une taxe aux acheteurs (comme au Royaume-Uni), aux vendeurs (comme au Japon) ou aux deux (comme en France).

Nous examinons ci-après les taxes sur les opérations financières (TOF) imposées ailleurs dans le monde et les effets de leur imposition. La présente étude est complémentaire de l'étude générale BP-418F, Les taxes sur les opérations financières : le pour, le contre, les problèmes conceptuels et les recettes estimatives.

Dans un certain nombre de pays, il existe une taxe sur les opérations financières depuis quelque temps déjà. L'exemple le plus ancien est celui de la taxe américaine sur les ventes d'or à terme (maintenant appelées «contrats d'achat à terme»), imposée au moment de la guerre de Sécession.

En règle générale, les TOF imposées dans les autres pays ne s'appliquent pas aux activités telles que les retraits bancaires, les chèques et le financement d'une automobile ou d'une maison. Au Brésil, une taxe temporaire de 25 points de base(1) a été imposée sur les retraits bancaires en 1993, en même temps que diverses mesures spéciales concernant les retraits de salaires, de pensions, etc.(2). Cette taxe se voulait toutefois une mesure temporaire pour contrer une crise financière et elle a été effectivement supprimée à la fin de 1994.

Les pays étrangers ont choisi des taxes aux régimes très variés. Souvent, les opérations exécutées en dehors des frontières du pays ne sont pas taxables et, lorsqu'elles le sont, la perception de la taxe pose d'énormes problèmes. Les transactions de titres d'État et les opérations des spécialistes (comme les mainteneurs de marché ou d'autres chargés de maintenir une liquidité suffisante sur les marchés) ne sont pas taxables, bien souvent, ou alors, pour les secondes, elles sont soumises à des taux réduits. Ces exceptions peuvent restreindre sensiblement l'assiette de la TOF.

Le tableau 1 compare les recettes directes que les pays ont tirées de taxes assimilables à une TOF au milieu des années 80 et les mesures en pourcentage de trois assiettes différentes afin de donner une idée de la fécondité financière de ces taxes.

TABLEAU 1
RECETTES DES TAXES SUR LES OPÉRATIONS

PAYS

TAXE
(en points de base)

RECETTES DE LA TAXE EN POURCENTAGE :

DES RECETTES TOTALES

DU PNB

DE LA VALEUR AU MARCHÉ DES ACTIONS

ALLEMAGNE

                        25

0,14 %

0,04 %

0,28 %

ÉTATS-UNIS

taxes variant selon les États

0,17 %

0,03 %

0,08 %

FRANCE

               30 et 15

0,26 %

0,12 %

1,19 %

ITALIE

                        15

1,10 %

0,38 %

6,10 %

JAPON

               18 et 55

1,42 %

0,17 %

0,34 %

PAYS-BAS

50 sur les petites opérations

0,63 %

0,32 %

1,17 %

ROYAUME-UNI

                        50

0,80 %

0,30 %

0,01 %

SUÈDE

                      100

0,87 %

0,36 %

1,55 %

SUISSE

               15 et 30

2,33 %

0,48 %

0,94 %

Source : L.H. Summers et V.P. Summers, « When Financial Markets Work Too Well : A Cautious Case for a Securities Tax », Journal of Financial Services Research, vol. 3, 1989, p. 275.

Le tableau comporte un large éventail de données qui semblent contradictoires. La Suisse, qui a fixé un taux très proche de celui de l'Allemagne, a pourtant tiré de sa taxe des recettes douze fois plus élevées par rapport à la taille de son économie. Comme elle est un paradis fiscal sûr, sa devise a souvent été malheureusement très forte à cause de l'afflux de capitaux. Le régime suisse des taxes financières a parfois été conçu dans le but exprès de freiner cet afflux(3), et il se pourrait que ce soit cet effet qui se fasse sentir.

L'Italie, dont le taux de la taxe est relativement bas, en tire des recettes impressionnantes, mais celles-ci mesurées proportionnellement à la valeur au marché des actions sont si exorbitantes quand on les compare à celles d’autres pays, que cela paraît impossible. La taxe du Royaume-Uni, qui rapporte aussi de généreuses recettes, ne correspond qu'à 0,01 p. 100 de la valeur au marché des actions, un pourcentage tout à fait disproportionné par rapport aux autres pays comme l'Allemagne dont la taxe rapporte pourtant moins.

Toutes ces contradictions donnent à penser que la conception et l'application des taxes varient énormément et d'une manière qui s'expose difficilement dans un tableau.

LES TOF DANS LES PAYS ÉTRANGERS (4)

Les taxes sur les opérations financières dans les divers pays ont fait l'objet de bien peu de publications spécialisées. Le Royaume-Uni et la Suède sont les deux pays qu’on a le plus étudié à ce chapitre. Bien que la taxe lui ait causé bien peu de difficultés, le Royaume-Uni a annoncé sa ferme intention de la supprimer. La Suède, en revanche, a laissé tomber ses taxes après en avoir tiré des recettes décevantes et subi des effets secondaires néfastes de grande envergure.

Suède : En janvier 1984, le gouvernement a imposé une taxe de 50 points de base sur l'achat et la vente des titres de participation. Ainsi, la taxe sur une transaction aller-retour (achat et vente) était de 100 points de base et s'appliquait à toutes les transactions effectuées en Suède par l'entremise des maisons de courtage locales et aux options d'achat d'actions, mais pas aux donations ni aux legs. En juillet 1986, le taux a doublé. L'année suivante, une taxe équivalant à la moitié du taux normal a aussi été imposée sur les transactions entre courtiers. En janvier 1989, les titres à revenu fixe étaient taxés à leur tour.

Cette dernière taxe était très inférieure à celle sur les actions, puisqu'elle n'était que de 0,2 point de base pour un titre ayant un terme de 90 jours ou moins. Mais pour les obligations dont l'échéance était d'au moins cinq ans, le taux était de trois points de base.

Le 15 avril 1990, la taxe sur les titres à revenu fixe a été abolie. En janvier 1991, le taux des taxes qui restaient ont été réduits de moitié et à la fin de l'année, les taxes ont été supprimées.

Plusieurs raisons expliquent ce revirement. Tout d'abord, le climat politique a évolué en Suède. Au départ, les taxes ont été acceptées parce qu'on avait l'impression que les opérations financières déstabilisaient l'économie et favorisaient de trop grands écarts salariaux. Cet effet répugnait à une société qui attache énormément d'importance à l'égalisation des revenus. Les recettes des taxes ont été décevantes. Alors que l'on prévoyait tirer annuellement 1 500 millions de couronnes suédoises de la taxe sur les titres à revenu fixe, en fait, les recettes n'ont jamais dépassé 80 millions de couronnes, la moyenne tournant plutôt autour des 50 millions(5).

Les recettes des taxes sur les plus-values ont diminué proportionnellement à la baisse du volume des transactions taxables pour finalement annuler presque complètement celles de la taxe sur les transactions d'actions, qui avaient atteint 4 000 millions de couronnes suédoises en 1988(6). (Cette constatation ne peut absolument pas être dégagée des données du tableau 1, à la page 2, qui présente uniquement les recettes fiscales directes.) De plus, la baisse du cours des actions provoquée par l'imposition de la taxe puis par son augmentation a elle aussi contribué à réduire les recettes de la taxe sur les plus-values. Le jour où la taxe a été annoncée, le prix des actions a chuté de 2,2 p. 100. Mais la fuite de certains renseignements auparavant pourrait expliquer la baisse de 5,35 p. 100 des cours 30 jours avant l'annonce. Lorsque la taxe a doublé, les prix ont diminué encore une fois de 1 p. 100. Ces réductions étaient compatibles avec la valeur de capitalisation de la taxe à payer ultérieurement sur les négociations prévues. En outre, on a estimé que les taxes sur les titres à revenu fixe avaient eu comme seul effet de faire augmenter les frais d'emprunt de l'État, apportant de l'eau au moulin des adversaires de la taxe.

La fiscalité suédoise a aussi contribué profondément à la migration des transactions vers des pays où les taxes étaient moindres ou nulles. Après l'annonce, en 1986, que la taxe sur les actions allait doubler, 60 p. 100 des transactions pour les 11 catégories d'actions suédoises les plus négociées, qui constituaient la moitié de toutes les opérations sur les actions suédoises, ont plutôt été effectuées à Londres. Autrement dit, 30 p. 100 de toutes les transactions sur les actions suédoises ont été conclues à l'étranger. En 1990, plus de 50 p. cent d'entre elles étaient dorénavant réalisées à Londres(7). Les investisseurs étrangers ont réagi à la taxe en allant faire leurs transactions à l'étranger, tandis que les investisseurs suédois, eux, ont réduit le nombre de leurs opérations sur les actions.

Bien que la taxe sur les titres à revenu fixe ait été très inférieure à celle sur les actions, son effet sur le volume des transactions a été beaucoup plus spectaculaire. Durant la première semaine suivant l'entrée en vigueur de la taxe, le volume des négociations d'obligations a chuté de 85 p. 100, malgré un taux de seulement trois points de base sur les obligations de cinq ans; pour sa part, le volume des négociations des contrats à terme a chuté de 98 p. 100 et le marché des options s'est volatilisé. Les transactions sur les titres du marché monétaire, taxées à un taux d'à peine 0,2 point de base, ont diminué de 20 p. 100. Cette réaction a été due en grande partie à l'existence d'une foule de substituts non taxés. Une fois les taxes supprimées, les transactions ont repris de plus belle, leur volume ayant grossi considérablement dans les années 90.

Les conséquences observées en Suède et exposées ci-dessus sont toutes compatibles avec celles que prédisait la théorie économique. Des événements et des facteurs autres que la TOF seraient cependant susceptibles de provoquer des résultats semblables, ce qui complique l'établissement de rapports de cause à effet. Le moment et l'ampleur des répercussions sur les marchés financiers nous amènent à rechercher des changements spectaculaires dans les variables explicatives. Or, s'il n'y a pas de modifications patentes des variables économiques ou financières, il y en a d'évidentes dans les variables institutionnelles (c.-à-d. la TOF).

Cela ne veut pas dire que le taux de la TOF doit être élevé pour produire de tels effets, mais simplement que le rapport de cause à effet est plus net quand les taux sont élevés. Des taux plus bas entraîneraient des résultats qualitatifs semblables, quoique moins marqués, mais ils seraient susceptibles d'être masqués par d'autres facteurs.

Royaume-Uni : Au Royaume-Uni, la taxe, qui est en réalité un droit de timbre, n'est pas prélevée sur les transactions en soi mais sur l'enregistrement des titres. Lorsqu'une opération entraîne un changement de propriété qui doit être enregistré, le droit de timbre s'applique. Cependant, les opérations effectuées par des non-résidents et les transactions de valeurs mobilières étrangères ne sont pas taxées.

Ce droit de timbre est en vigueur de depuis de nombreuses décennies. En 1974, il était de 2 p. 100. On l'a abaissé à 1 p. 100 en 1984 et à 0,5 p. 100 en 1986. Il est maintenant prévu de le supprimer complètement.

Les transactions peuvent être réalisées de multiples façons sans qu'il soit nécessaire de modifier l'enregistrement. Ainsi, les courtiers peuvent enregistrer des actions à leur nom mais au profit de leurs clients qui, de cette manière, peuvent les négocier sans en modifier l'enregistrement, comme si les courtiers négociaient des actions entre leurs propres clients. Pour tenir compte de ce fait, le gouvernement britannique taxe l'inscription de ces prête-noms actifs au triple du taux normal.

Bien que le droit de timbre britannique ait rapporté environ 800 millions de livres par année, il a suscité l'apparition d'un certain nombre de techniques destinées à éviter la taxe. Le nombre des titres au porteur s'est accru aux dépens des valeurs nominatives. Dans une certaine mesure, les investisseurs ont délaissé les opérations sur les actions pour les transactions d'actions dérivées dont le rendement est comparable. Ils ont aussi utilisé de plus en plus les certificats américains d'actions étrangères qui permettaient aux prête-noms britanniques actifs de négocier leurs valeurs sur les marchés boursiers américains sans avoir à acquitter les droits d'enregistrement britanniques.

Ces droits de timbre représentent environ la moitié du coût des transactions au Royaume-Uni. Comme l'élasticité varie entre -1 et -1,7, la taxe aurait pu réduire le volume des transactions de près de 50 p. 100. Cela est compatible avec le fait qu’à Londres, les transactions constituent une proportion de la valeur du marché qui équivaut à seulement 60 p. 100 du volume correspondant aux États-Unis.

Japon : Le gouvernement japonais lève lui aussi une TOF qui, à la fin des années 80, rapportait environ 12 milliards de dollars US par année. À l'époque, la taxe au Japon s'appliquait tant aux titres d'emprunt (à un taux de trois points de base) qu'aux actions (à un taux de 30 points de base). Avant 1988, le taux de la taxe sur les transactions d'actions était de 55 points de base(8). Plus récemment, le Japon a imposé une taxe sur les transactions de produits dérivés(9).

DES EXEMPLES DE TAXES SUR LES OPÉRATIONS FINANCIÈRES

Les renseignements fournis dans la présente section proviennent de divers documents(10), dont quelques-uns sont désuets à certains égards. Les sources ne s'entendent pas toutes sur le type de taxes à inclure dans la catégorie des TOF. Ainsi, la Securities Industry Association des États-Unis soutient qu'il n'y a aucune TOF en Grèce, au Portugal et en Espagne, contrairement à ce que nous prétendons ci-après en nous fondant sur des renseignements qui sont eux aussi à jour. De plus, selon l'étude du FMI, l'Italie n'impose aucune TOF, alors que de légères taxes assimilables à une TOF continuent d'y être perçues.

Parmi les pays énumérés ci-après, 15 ont supprimé ou réduit leur TOF au cours des dix dernières années ou prévoient la diminuer bientôt. Il semble que la Commission européenne ait l'intention de recommander que ces taxes soient supprimées plutôt que de tâcher d'en harmoniser les taux(11). Les transactions effectuées par les non-résidents et les opérations sur des actions de sociétés étrangères sont détaxées en Finlande, en France, en Irlande, en Italie, en Suisse et au Royaume-Uni.

Allemagne : Toutes les taxes en Allemagne ont été abolies en 1991. Auparavant, les résidents payaient jusqu'à 18,5 points de base sur la vente d'actions, tandis que les non-résidents payaient une taxe de six points de base.

Argentine : Les transferts d'actions sont soumis à un droit de timbre de 100 point de base lorsqu'ils se font en vertu d'un contrat écrit.

Australie : Les États imposent une taxe de six points de base sur les opérations effectuées par des institutions financières. Le droit est plafonné à 1 500 $A par transaction. Au moment où un droit de timbre supplémentaire a été supprimé en 1991, la taxe était de 30 points de base.

Autriche : Il y existe trois types de taxe. Un droit sur le capital et un impôt sur le revenu des valeurs mobilières s'appliquent respectivement à toute augmentation du capital social d'une société et à toute première émission de titres portant intérêt. Une taxe sur les opérations financières est aussi perçue sur les transactions effectuées en Autriche ou même à l'étranger lorsqu'une des parties est autrichienne. Le taux est de quatre points de base pour les obligations d'État et de 15 points de base pour les actions. Il est possible de réduire les taxes en négociant hors Bourse.

Belgique : Un impôt sur les opérations boursières s'applique aux transferts de valeurs financières. Son taux s'échelonne entre un minimum de 8,5 points de base et un maximum de 35 points de base. Les taxes sont plafonnées et on peut les éviter en négociant à l'étranger.

Brésil : Les emprunteurs, les acheteurs de titres ou de devises étrangères et les acheteurs d'assurances paient une taxe dont le taux varie entre un minimum de 0,4 point de base sur les emprunts et un maximum de 150 points de base sur une dette à long terme. Une taxe dissuasive de 13 000 points de base s'appliquait à certaines opérations de change. Elle a été supprimée pour certaines transactions. À la fin de 1994, une taxe temporaire de 25 points de base sur les opérations bancaires a été abolie.

Canada : Il n'y a pas de TOF.

Chili : Il n'y a pas de TOF, mais un droit de timbre s'applique à un nombre restreint d'opérations financières.

Chine : Dans la province de Shenzhen, une taxe de 60 points de base est perçue sur les transactions d'actions.

Colombie : Une série limitée d'opérations sont soumises à un droit de timbre. La première émission d'actions et d'obligations et leur transfert sont exonérés du droit de timbre ou de la TOF.

Corée du Sud : Une TOF de 50 points de base est imposée sur les transactions, mais elle peut être réduite ou supprimée par décret présidentiel.

Danemark : Toutes les actions vendues par un résident du Danemark sont taxées à un taux de 50 points de base. Avant 1995, la taxe était de 100 points de base. Les institutions financières ne sont pas assujetties à la taxe, et les nouvelles émissions et les transferts résultant de fusions ne sont pas taxés. Un droit de timbre s'applique à l'émission de nouvelles obligations ou de contrats de prêt. Le taux est de 30 points de base pour les valeurs nominatives et de 100 points de base pour les obligations au porteur. Les non-résidents n'ont pas à payer la taxe danoise.

Espagne : Une taxe de 600 points de base sur les opérations est perçue lorsqu'il y a prise de contrôle d'une société.

États-Unis : Il n'y a pas de TOF. La Securities Exchange Commission perçoit des frais modestes et quelques États lèvent de modestes taxes. Jusqu'en 1965, les États-Unis ont prélevé un droit de timbre d'au plus 10 points de base sur l'émission et le transfert de titres et d'obligations.

Finlande : Un droit de timbre de 160 points de base s'applique au transfert de valeurs mobilières hors Bourse. Les transferts entre non-résidents ne sont pas taxés. Une taxe de 50 points de base sur les opérations financières a été supprimée en 1992.

France : La France perçoit un impôt sur les opérations boursières lors du transfert des valeurs mobilières; selon que la transaction est petite ou grosse, le taux en est respectivement de 30 ou de 15 points de base. Comme ces taux s'appliquent tant aux acheteurs qu'aux vendeurs résidant en France, une petite transaction entre deux résidents est taxée au taux de 60 points de base. Il n'y a pas longtemps que les non-résidents sont exemptés de cette taxe. Il est possible d'éviter la taxe en négociant à l'étranger. La taxe est plafonnée à 4 000 francs par transaction et les très petites transactions sont entièrement exonérées de la taxe.

Jusqu'en 1993, une taxe d'enregistrement de 480 points de base était imposée sur le capital social. Cette taxe est maintenant de 100 points de base. Dans certains cas, un autre impôt sur les opérations boursières de 100 points de base est perçu.

Grèce : Une taxe de 30 points de base s'applique aux transferts.

Hong Kong : Des droits de timbre sont perçus sur les documents d'enregistrement des opérations financières. Les droits sont fixes dans certains cas et varient entre 3 et 20 $HGK. Dans d'autres cas, ils sont imposés sur la valeur et les taux se situent dans une fourchette de 25 à 300 points de base.

Inde : Les augmentations du capital social sont soumises à un droit d'enregistrement et les transactions, à des droits de timbre.

Italie : Le transfert de la propriété des valeurs est soumis à une taxe d'enregistrement dont le montant est fixe. Les droits de timbre s'appliquent aussi à un taux de cinq points de base dans certaines circonstances. Il est possible d'éviter ces taxes en effectuant les transactions à l'étranger.

Japon : Les taxes sur les transactions de valeurs mobilières sont fixées à 30 points de base pour les actions et à trois points de base pour les obligations d'État et elles sont prélevées au moment de la vente. Ces taux atteignaient jusqu’à 55 points de base avant 1990. Les transferts occasionnés par un donation, un legs ou une fusion ne sont pas taxés. Le taux de la taxe est inférieur pour les maisons de courtage et les titres d'État sur le marché monétaire ne sont pas taxés. On peut éviter ces taxes en effectuant les opérations à l'étranger.

Luxembourg : Il n'y a pas de TOF.

Malaysia : Un droit de timbre de 30 points de base qui s'appliquait à l'achat et à la vente d'actions a été supprimé en 1992. Un droit de compensation de cinq points de base est imposé, jusqu'à concurrence de 100 $. Il est possible de l'éviter en effectuant les opérations hors Bourse.

Mexique : Il n'y a pas de TOF sur le transfert d'actions.

Norvège : Il n'y a pas de TOF.

Nouvelle-Zélande : Des droits de timbre sont perçus à l'émission et au transfert de titres financiers. Un droit sur les transactions a été aboli en 1992. Un droit de cinq cents est perçu sur tous les chèques.

Pays-Bas : Il n'y a pas de TOF sur les opérations, mais toute nouvelle émission d'actions est soumise à un droit sur le capital. Les Pays-Bas avait imposé une TOF de plus de 100 points de base dans les années 80, mais ils l'ont abolie le 1er juillet 1990.

Portugal : Toutes les opérations financières sont soumises à un droit de timbre dont le taux est variable. Un droit de timbre et des frais d'enregistrement sont perçus lors de la constitution en société d'une nouvelle entreprise.

Royaume-Uni : Un droit de timbre de 50 points de base est perçu à la vente d'actions et d'autres valeurs mobilières. Il s'applique uniquement aux titres britanniques et un budget d'un gouvernement précédent avait prévu son abolition.

Singapour : Un droit de timbre de 20 points de base s'appliquait à toutes les opérations financières avant 1992. Une grande variété d'instruments étaient exemptés de ce droit et la taxe perçue sur les obligations non garanties (débentures) était plafonnée. Un droit d'enregistrement était aussi imposé sur le nouveau capital social. Il existe d'autres droits équivalant à 15 points de base, mais il est possible de les éviter en effectuant les opérations hors Bourse.

Suède : Les taxes suédoises sur les transactions ont été abolies en 1991. À un moment donné, la taxe sur le volume des transactions atteignait 200 points de base pour les actions.

Suisse : Un droit de timbre est perçu à l'achat de valeurs mobilières. Son taux est de 15 points de base pour les titres suisses et de 30 points de base pour les titres étrangers. Certaines transactions sont exemptés de taxe. Il est possible d'éviter les taxes en négociant à l'étranger. Les taux ont diminué depuis 1985.

Taïwan : Le vendeur de valeurs mobilières paie une TOF de 30 points de base sur les actions et de 10 points de base sur les autres opérations. Le taux de cette taxe atteignait jusqu'à 60 points de base avant 1993.

LES LEÇONS À TIRER POUR ÉVITER L'ÉVASION FISCALE

Les produits financiers sont probablement parmi les biens et services les plus mobiles de l'économie. Les télécommunications modernes et la technologie informatique rendent l'industrie encore plus libre. Comme ces types d'opérations peuvent s'effectuer sans aucun contact personnel entre les parties, sans aucun contact personnel avec les intermédiaires et sans que rien de tangible ne passe effectivement d'une partie à une autre, un investisseur au Canada peut négocier presque aussi efficacement et rapidement avec un courtier de New York qu’avec un courtier de Toronto. L'important, c'est que l'investisseur soit convaincu que les transactions se réalisent au moment et au prix convenus et qu'il ait le moyen de faire valoir son droit de propriété sur les titres. Les investisseurs exigent aussi de leurs courtiers et de leurs conseillers financiers qu'ils soient compétents et qu'ils connaissent bien le marché. Or, le marché financier américain réunit toutes ces caractéristiques dans une certaine mesure.

L'exemple moderne le plus frappant d'une telle migration a été le développement du marché des eurodollars en réaction aux tentatives du gouvernement américain de restreindre les exportations de capitaux et d’imposer de nouveaux règlements au système bancaire. Un marché financier où les opérations se faisaient en dollars américains sur des valeurs libellées en dollars américains s'est développé à Londres, échappant entièrement aux États-Unis et au contrôle du gouvernement américain. La valeur brute de ce marché est passée de 20 milliards de dollars US en 1964 à plus de trois billions de dollars US en 1988(12).

La migration des opérations financières de la Suède a été traitée précédemment. Mais la Suisse, un centre bancaire international, a également souffert de cette migration financière, puisque les frais de transaction relativement élevés qu'elle a imposés aux fonds du marché monétaire a nui au développement de ce marché chez elle. Son droit de timbre a également provoqué la migration des fonds mutuels vers le Luxembourg et l'euro-obligation et celle du marché des actions vers Londres. En 1993, 22 p. 100 des transactions sur les actions des sociétés suisses s'effectuaient à Londres, une hausse par rapport à la proportion de 16 p. 100, deux années auparavant. En 1993, le gouvernement suisse a aboli le droit de timbre de 15 p. 100 sur une foule de valeurs afin d'endiguer le flot(13).

L'incidence de la TOF sur le lieu des opérations financières s'est répercutée en Allemagne et en France. En 1989, avant l'abolition des taxes en Allemagne, 30 p. 100 des transactions sur les obligations de l'État allemand et 50 p. 100 des transactions sur les autres obligations libellées en DM étaient réalisées à Londres, tout comme de 80 à 90 p. 100 des opérations sur les obligations en DM à taux flottant(14). En outre, environ le tiers des opérations sur les titres des sociétés ouvertes françaises et allemandes était effectué à Londres où près de la moitié du volume quotidien des transactions porte sur des actions de sociétés étrangères(15).

La Cité de Londres a réussi à récupérer les transactions des services financiers des pays étrangers à cause de la réglementation et des taxes en vigueur dans ces pays. Il ne faut donc pas s'étonner que le monde londonien de la finance soit parmi les plus ardents partisans de l’adoption d'une TOF aux États-Unis(16).

Le fait qu'une TOF ait poussé vers l'étranger une partie importante des négociations sur les actions suédoises est lourd de sens pour le Canada dont l'économie, comme celle de la Suède, est relativement petite et voisine d'un gros marché financier bien développé. Le Canada est encore plus vulnérable à un déplacement possible des opérations et des placements à cause de sa longue habitude des frontières ouvertes aux capitaux et aux investissements américains, et du fait qu'il s'y parle la même langue qu'aux États-Unis.

Un petit nombre de sociétés étrangères sont inscrites à la Bourse de Toronto, par exemple British Airways, Fosters Brewing, Benetton, etc. Une TOF qui rendrait les frais de transaction au Canada énormément plus chers qu'aux États-Unis pourrait inciter ces entreprises à retirer leurs actions. Le principal, toutefois, c'est qu'environ 200 titres de sociétés canadiennes sont intercotés à la Bourse de Toronto et dans les Bourses américaines. Parmi les actions d'entreprises canadiennes les mieux connues qui font l'objet d'un grand nombre de transactions à l'étranger, il y a celles de Barrick Gold, de Cognos Inc., de Cominco Ltd., de Gandalf Technologies, de Moore Corp., de Magna International, de Newbridge Network, de Northern Telecom, de Placer Dome et de Royal Oak Mining. En 1995, les transactions effectuées au Canada sur ces 200 titres ne représentaient que 58 p. 100 du volume des transactions et 55 p. 100 de leur valeur. Les autres ont été réalisées ailleurs, surtout à la Bourse de New York qui est à elle seule le lieu de 29 p. 100 de la valeur des transactions sur les actions des sociétés basées au Canada(17). Les transactions sur les titres canadiens aux États-Unis totalisaient 113 milliards de dollars, ce qui représente 45 p. 100 des transactions d'actions au Canada, sans même qu'il y ait une TOF.

Les Bourses canadiennes sont tout à fait au courant de la nécessité d'être compétitives par rapport à leurs équivalents américains et elles sont conscientes de la part de marché qu'elles ont perdue. Elles cherchent à accroître la coopération(18). En outre, en 1994, la Bourse de Toronto a ramené le plafond des frais de transaction de 1 000 à 100 $ pour regagner la part de marché accaparée par ses concurrents américains(19). Les liens économiques et financiers étroits qui unissent le Canada et les États-Unis font en sorte que le Canada serait incapable de contrer le déplacement des opérations financières vers l'étranger, comme cela s'est produit dans d'autres pays qui ont imposé des TOF.


(1) Un point de base est égal à un centième pour cent.

(2) « Brazil : Financial Transactions Tax », International Tax Digest, vol. 5, no 3, mai-juin 1993.

(3) P.B. Spahn, International Financial Flows and Transactions Taxes : Survey and Options, document de travail du FMI WP/95/60, Washington (D.C.), Fonds monétaire international, juin 1995.

(4) Les renseignements qui suivent sont tirés principalement de K.A. Froot et J.Y. Campbell, Securities Transactions Taxes : What About International Experiences and Migrating Markets?, Chicago (Ill.), Catalyst Institute, juillet 1993.

(5) Froot et Campbell (1993), p. 18.

(6) S.R. Umlauf, « Transaction Taxes and the Behavior of the Swedish Stock Market », Journal of Financial Economics, vol. 33, 1993, p. 227-240.

(7) Ibid., p. 229-230.

(8) L.H. Summers et V.P. Summers, « When Financial Markets Work Too Well : A Cautious Case for a Securities Transaction Tax », Journal of Financial Services Research, 1989, p. 261-286.

(9) Y. Masayuki, « Legal and Tax Aspects of Securities Lending Transactions in Japan », Worldwide Directory of Securities Lending, 1995-1996.

(10) C.S. Hakkio, « Should We Throw Sand in the Gears of Financial Markets? » Federal Reserve Bank of Kansas City, Economic Review, deuxième trimestre, 1994; J.M. Schaefer, C. Hildebrandt et D.G. Strongin, « The International Trend away from Transaction Taxes : Lessons to Be Learned », Securities Industry Trends, vol. XX, no 4, 18 août 1994; P. Kupiec, A.-P. White et G. Duffee, « A Securities Transaction Tax : Beyond the Rhetoric », G.G. Kaufman (éd.), Research in Financial Services : Private and Public Policy, Greenwich (Conn.), JA1 Press Inc., 1993; et Spahn (1995).

(11) Kupiec, White et Duffee (1993), p. 61.

(12) M. Goodfriend, « Eurodollars », Federal Reserve Bank of Richmond, Instruments of the Money Market, 1993; et « The Way We Were », The Economist, 3 octobre 1992.

(13) « Swiss Finance : On Deaf Ears », The Economist, 28 août 1993, p. 72 et 74; A.W. Lo et J.C. Heaton, Securities Transaction Taxes : What Would Be Their Effects on Financial Markets and Institutions?, Chicago (Ill.), Catalyst Institute, décembre 1993.

(14) Kupiec, White et Duffee (1993).

(15) Schaefer, Hildebrandt et Strongin (1994).

(16) J.A. Grundfest, « The Damning Facts of a New Stocks Tax », The Wall Street Journal, 23 juillet 1990.

(17) Toronto Stock Exchange, Review, vol. 61, no 12, décembre 1995, Toronto. Voir aussi Toronto Stock Exchange, Official Trading Statistics, Toronto, 1995.

(18) C. Clark, « ME Would Lose Stock-Trading to Toronto under Co-operation Plan », The Gazette (Montréal), 25 janvier 1996; et « ME Plan Could Offer Escape from the Balkans », Financial Post, 25 janvier 1996.

(19) The Toronto Stock Exchange, Annual Report, 1994, Toronto, 1995.