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BP-459F
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TITRE ABORIGÈNE :
LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA
DANS DELGAMUUKW c. COLOMBIE-BRITANNIQUE

Rédaction :
Mary C. Hurley
Division du droit et du gouvernement
Janvier 1998
Révisé en février 2000


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

CONTEXTE

   A. Définitions du titre aborigène avant l’arrêt Delgamuukw

   B. Interprétation de l’article 35

LES INSTANCES PRÉCÉDENTES

   A. La revendication

   B. Les tribunaux de la Colombie-Britannique
      1. La décision en première instance
      2. La décision en appel

   C. La négociation d’un traité

DELGAMUUKW c. COLOMBIE-BRITANNIQUE

   A. Questions préliminaires commandant un nouveau procès (par. 73-108)

   B. Le titre aborigène au Canada (par. 109-139)
      1. Caractéristiques du titre aborigène (par. 112-115)
      2. Contenu du titre aborigène (par. 116-132)
         a. Comprend le droit à l’utilisation/occupation exclusive du territoire à diverses fins
             (par. 116-124)
         b. L’utilisation doit être compatible avec la nature de l’attachement pour les terres
             (par. 125-132)
      3. Le titre aborigène et l’article 35 (par. 133-139)

   C. Preuve de l’existence d’un titre aborigène (par. 140-159)
      1. Le territoire doit avoir été occupé avant l’affirmation de la souveraineté (par. 144-151)
         a. La période pertinente (par. 144-145)
         b. L’occupation (par. 146-151)
      2. Dans certains cas, il doit y avoir une continuité entre l’occupation actuelle et
          celle antérieure à l’affirmation de la souveraineté (par. 152-154)
      3. L’occupation doit avoir été exclusive au moment de l’affirmation de la souveraineté
          (par. 155-159)

   D. Justification des atteintes au titre aborigène (par. 160-169)
      1. Principes généraux (par. 160-164)
         a. L’atteinte doit se rapporter à la poursuite d’un objectif législatif impérieux et réel
            (par. 161)
         b. L’atteinte doit être compatible avec le rapport de fiduciaire (par. 162-164)
      2. Application au titre aborigène (par. 165-169)
         a. Un large éventail d’objectifs législatifs peut justifier une atteinte (par. 165)
         b. La nature de l’obligation fiduciaire est fonction de la nature du titre (par. 166-169)

   E. Le droit à l’autonomie gouvernementale (par. 170-71)

   F. Le pourvoi incident de la Colombie-Britannique (par. 172-183)

   G. Conclusion et dispositif (par. 184-186)

COMMENTAIRE

CHRONOLOGIE


TITRE ABORIGÈNE :
LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU  CANADA
DANS DELGAMUUKW c. COLOMBIE-BRITANNIQUE

 

INTRODUCTION

En décembre 1997, la Cour suprême du Canada a rendu une décision innovatrice, renfermant sa première déclaration décisive sur le contenu du titre aborigène au Canada. Dans l’arrêt Delgamuukw c. Colombie-Britannique(1), elle décrit la portée de la protection accordée au titre aborigène par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, définit la façon dont le titre aborigène peut être établi et expose les critères justifiant toute atteinte à un titre aborigène.

Dans ce document, nous examinons sommairement certaines conclusions de la Cour suprême à ce sujet, qui nous paraissent dignes de mention. Notre examen est précédé de renseignements généraux sur le titre aborigène en common law et sur les droits ancestraux constitutionnalisés au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, puisque les deux concepts se rejoignent dans l’arrêt Delgamuukw. Les jugements antérieurs des tribunaux de la Colombie-Britannique sont aussi exposés succinctement.

CONTEXTE

   A. Définitions du titre aborigène avant l’arrêt Delgamuukw

Depuis de nombreuses années, les tribunaux britanniques et canadiens cherchent à définir la nature de l’intérêt juridique des peuples autochtones du Canada dans les terres. Suivant les principes généraux établis depuis longtemps par la jurisprudence, le droit des Autochtones sur les terres ne peut être cédé ou aliéné qu’à la Couronne fédérale, après quoi il peut être transmis à la Couronne provinciale (à supposer une cession en dehors des territoires) comme titre de la Couronne libre de toutes charges.

Au début des années 1970, les tribunaux ont commencé à reconnaître aux Autochtones l’existence en common law de droits sur le territoire autres que ceux garantis par traités ou par la loi. En particulier, dans l’arrêt Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique(2) rendu en 1973, la Cour suprême du Canada (ci-après la Cour) a statué que le « titre indien »(3) est un droit juridique indépendant de toute disposition législative et qu’il prend sa source dans « l’occupation, la possession et l’usage » historiques des territoires traditionnels par les peuples autochtones. En tant que tel, le titre existait à l’époque du premier contact avec les Européens, que ceux-ci l’aient reconnu ou non.

Bien que certains arrêts ultérieurs aient donné quelques indications sur la façon d’établir l’existence de ce titre aborigène en common law(4), ils étaient loin d’être instructifs sur la portée ou sur le contenu du titre. Dans l’arrêt Guerin c. La Reine(5) de 1984, quatre juges de la Cour l’ont décrit comme étant un droit foncier unique qui « se distingue surtout par son inaliénabilité et par le fait que Sa Majesté est tenue d’administrer les terres pour le compte des Indiens lorsqu’il y a eu cession de ce droit ». Dans son arrêt de 1988 Canadien Pacifique Ltée c. Paul(6), la Cour a affirmé que son analyse des titres indiens jusqu’à maintenant menait à la « conclusion inéluctable [...] que les Indiens ont un véritable droit sui généris [unique en son genre] sur leurs terres. Il s’agit de quelque chose de plus qu’un droit de jouissance et d’occupation, bien que, [...] il soit difficile de décrire ce en quoi consiste ce quelque chose de plus au moyen de la terminologie traditionnelle du droit des biens ».

   B. Interprétation de l’article 35

La constitutionnalisation des droits des Autochtones au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 a créé un nouveau cadre juridique pour régler les revendications autochtones de longue date, y compris les revendications de titre aborigène. Comme cette disposition reconnaît et affirme, mais sans les définir, les « droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada », il incombe aux tribunaux de déterminer la nature et la portée de ces droits(7).

Avant l’arrêt Delgamuukw, les décisions de la Cour concernant les droits ancestraux garantis par l’article 35 portaient surtout sur les droits de pêche. Entre autres principes d’interprétation généraux énoncés dans l’arrêt innovateur de 1990, Sparrow c. R.(8), et raffinés dans les jugements ultérieurs jusqu’en 1996(9), il y avait les suivants :

  • Le paragraphe 35(1) a pour objet de reconnaître que les peuples autochtones occupaient l’Amérique du Nord avant la colonisation et de concilier leur présence antérieure avec l’affirmation de la souveraineté de la Couronne.

  • Le terme « existants » au paragraphe 35(1) renvoie aux droits « non éteints » en 1982, c.-à-d. ceux qui n’ont pas été abolis.

  • Les droits garantis par le paragraphe 35(1) peuvent restreindre l’application des règles de droit fédérales et provinciales aux peuples autochtones, mais ils n’échappent pas à l’application des règlements pris par les gouvernements.

  • La Couronne doit justifier toute atteinte législative à un droit ancestral existant.

  • Les droits ancestraux peuvent être définis comme des droits découlant des coutumes, pratiques et traditions qui étaient capitales pour les sociétés autochtones d’Amérique du Nord avant le premier contact avec les Européens.

  • Pour être considérées comme des droits ancestraux, ces pratiques et traditions doivent — même si elles ont évolué vers une forme moderne — avoir fait partie intégrante de la culture autochtone distinctive.

  • La protection des droits ancestraux par le paragraphe 35(1) ne dépend pas de l’existence d’un titre aborigène ni de la reconnaissance de ces droits, après le premier contact, par les puissances coloniales.

  • Le titre aborigène est un type distinct de droit ancestral.

  • La revendication de l’autonomie gouvernementale est assujettie au même cadre d’analyse que les revendications des autres droits ancestraux(10).

  • Les causes portant sur les droits ancestraux doivent être jugées par l’application des principes aux faits de l’espèce plutôt que de manière générale.

  • Dans les causes portant sur des droits ancestraux, les tribunaux devraient aborder les règles de preuve et interpréter la preuve produite en tenant compte de la nature particulière des revendications autochtones et de la difficulté de faire la preuve d’un ou de plusieurs droits ayant pris naissance à une époque où il n’y avait pas de documents écrits.

Comme nous l’expliquons ci-après, les questions foncières soulevées dans l’affaire Delgamuukw ont permis à la Cour d’appliquer ces principes et de les adapter au titre aborigène comme « espèce distincte » de droit ancestral constitutionnel.

LES INSTANCES PRÉCÉDENTES

   A.  La revendication

En 1984, des chefs héréditaires, 35 Gitksan et 13 Wet’suwet’en, ont intenté des poursuites contre la province de la Colombie-Britannique. Ils revendiquaient, tant en leur propre nom qu’au nom de leurs « maisons » respectives, la propriété (un titre aborigène non éteint) et la compétence qui en découle (le droit de se gouverner en vertu des lois autochtones) sur des parties distinctes d’un territoire de 58 000 kilomètres carrés situé dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Les demandeurs ont reconnu le titre sous-jacent de la Couronne sur ce territoire, mais en affirmant que leurs revendications grevaient ce titre. Subsidiairement, les demandeurs ont prétendu avoir des droits ancestraux indéterminés à l’utilisation du territoire. Ils exigeaient aussi des dommages-intérêts pour les territoires et les ressources perdus.

La province a présenté une demande reconventionnelle, plaidant que les demandeurs n’avaient aucun droit ni intérêt sur le territoire et que leur demande d’indemnité devrait être adressée au gouvernement fédéral.

   B. Les tribunaux de la Colombie-Britannique

      1. La décision en première instance

En mars 1991, le juge en chef McEachern de la Cour suprême de Colombie-Britannique a rendu un jugement(11) exhaustif et extrêmement controversé, dans lequel il rejetait la revendication par les demandeurs d’un titre aborigène, de l’autonomie gouvernementale et des droits ancestraux sur le territoire en litige. Voici l’essentiel de cette décision de 400 pages :

  • le concept de titre est interchangeable avec celui des droits ancestraux, qui est caractérisé comme étant limité aux droits « découlant de l’occupation ou de l’utilisation ancienne du territoire pour chasser, pêcher, prendre du gibier, du bois, des baies et d’autres aliments et matériaux pour la subsistance et, de façon générale, pour utiliser le territoire de la manière dont leurs ancêtres l’utilisaient »;

  • avant la Loi constitutionnelle de 1982, l’existence de tous les droits ancestraux dépendait du bon plaisir de la Couronne et ces droits pouvaient être éteints à volonté, à condition que l’intention de le faire soit claire;

  • des textes de loi antérieurs à la Confédération ont éteint les droits ancestraux (titre aborigène) sur le territoire revendiqué et non cédé qui est en litige, en démontrant l’intention de conférer aux colons des titres libres de toute charge, ce qui est incompatible avec le maintien des droits ancestraux;

  • les récits oraux présentés par les appelants comme éléments de preuve de leur attachement au territoire n’ont pas beaucoup de poids;

  • le titre foncier a été dévolu à la Couronne impériale lorsqu’elle a affirmé sa souveraineté sur la colonie continentale de la Colombie-Britannique au début ou au milieu du XIXe siècle et, de toute façon, après le contact avec les Européens, avant même cette affirmation, les ancêtres des demandeurs n’avaient pas exercé leur autorité sur le territoire;

  • depuis son adhésion à la Confédération en 1871, la province de la Colombie-Britannique détenait le titre sur le sol de la province, le droit de disposer des terres publiques grevées d’aucun titre aborigène, et le droit de gouverner la province aux termes de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867;

  • la Couronne provinciale avait l’obligation de fiduciaire de permettre aux demandeurs, sous réserve des lois d’application générale de la province, d’utiliser les terres publiques inoccupées pour leur subsistance jusqu’à ce que le territoire en question soit affecté à une autre fin; elle avait aussi l’obligation de ne pas restreindre arbitrairement cette utilisation;

  • la demande reconventionnelle de la province est rejetée(12).

D’après le raisonnement du juge McEachern, le titre aborigène et le droit ancestral à l’autonomie gouvernementale revendiqués par les demandeurs avaient été effacés plus d’un siècle auparavant et, de ce fait, ne pouvaient plus être qualifiés de droits « existants » en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Sa décision a été considérée par beaucoup de gens comme allant à l’encontre des arrêts de la Cour suprême du Canada traitant des droits ancestraux et des droits issus de traités, et certains ont critiqué son parti pris apparent tant dans son ton que dans sa méthode d’analyse(13).

      2. La décision en appel

La portée des conclusions négatives du juge de première instance a été quelque peu atténuée par la décision de la Cour d’appel de Colombie-Britannique(14) rendue en juin 1993. Les cinq juges y ont rejeté à l’unanimité la conclusion du juge McEachern selon laquelle il y avait eu extinction générale de tous les droits ancestraux des demandeurs par des textes de loi coloniaux et provinciaux(15), mais ils ne s’entendaient pas sur les autres éléments de son jugement.

Au bout du compte, trois des cinq juges de la Cour d’appel ont accueilli l’appel uniquement sur le point exposé ci-dessus, en déclarant que les Gitksan et les Wet’suwet’en avaient des droits ancestraux qui n’étaient ni exclusifs ni éteints, autres qu’un droit de propriété ou un droit de possession, et que ces droits étaient protégés par la common law et, depuis 1982, par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, sur une large partie du territoire revendiqué. La majorité n’a pas défini avec précision la portée, le contenu et les conséquences de ces droits d’utilisation et d’occupation; elle a renvoyé ces questions au juge de première instance pour qu’il les tranche, tout en recommandant que les parties règlent leurs différends par la consultation et la négociation. Tous les autres aspects de la revendication des demandeurs ont été rejetés. Selon les juges dissidents, par contre, les droits ancestraux des demandeurs au titre aborigène ou au territoire et leurs droits à l’autonomie gouvernementale n’avaient pas été éteints par l’affirmation de la souveraineté britannique ou canadienne. Eux aussi préconisaient le règlement des points en litige par la négociation et par des arrangements politiques.

   C. La négociation d’un traité

En mars 1994, les Gitksan, les Wet’suwet’en et la province de la Colombie-Britannique ont obtenu l’autorisation d’interjeter devant la Cour suprême du Canada un pourvoi et un pourvoi incident contre la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Les parties ont ensuite obtenu un ajournement pour leur permettre de négocier un traité destiné à régler l’affaire. En février 1996, la province de la Colombie-Britannique a suspendu les négociations avec les Gitksan à cause de « différends fondamentaux [...] au sujet des droits ancestraux ». Le ministre provincial des Affaires autochtones estimait qu’il était « peu probable que les négociations progressent [...] avec les Gitksan sans de nouvelles directives de la Cour suprême du Canada »(16). Après cette rupture des négociations, l’audition de l’appel a repris. Même si leurs négociations avec la province avaient progressé jusque-là, les Wet’suwet’en sont demeurés partie à l’instance.

DELGAMUUKW c. COLOMBIE-BRITANNIQUE

La Cour a entendu les plaidoiries les 16 et 17 juin 1997 et rendu sa décision le 11 décembre 1997. Bien que les six juges de la Cour ayant pris part au jugement(17) soient arrivés aux mêmes conclusions, le juge en chef Lamer (les juges Cory, McLachlin et Major souscrivant à ses motifs) et le juge La Forest (le juge L’Heureux-Dubé souscrivant à son jugement et le juge McLachlin étant largement en accord) divergent d’opinion sur la méthode à suivre pour établir l’existence d’un titre aborigène. Nous n’analysons ci-après que les motifs du juge en chef.

   A. Questions préliminaires commandant un nouveau procès (par. 73-108) (18)

Selon le juge en chef Lamer, la Cour est empêchée d’examiner le fond du pourvoi des Gitksan et des Wet’suwet’en pour deux raisons. Premièrement, les revendications individuelles présentées au départ par chacune des maisons ont été fusionnées en deux revendications collectives, mais sans modification formelle des actes de procédure. Parce ce que ce vice de procédure porte préjudice aux droits de la province en tant qu’intimée, la tenue d’un nouveau procès s’impose.

Deuxièmement, il est nécessaire de tenir un nouveau procès afin que la preuve complexe et volumineuse concernant les questions de fait puisse être appréciée conformément aux principes s’appliquant tout particulièrement aux revendications autochtones comme celles présentées par les Gitksan et les Wet’suwet’en(19). Essentiellement, ces principes obligent les tribunaux de première instance à adapter les règles de preuve en tenant compte des difficultés inhérentes à l’établissement des revendications autochtones,

de manière à ce que les tribunaux accordent le poids qui convient au point de vue des autochtones sur leurs coutumes, pratiques et traditions, de même que sur les rapports qu’ils entretiennent avec le territoire. En pratique, cela exige que les tribunaux acceptent les récits oraux des sociétés autochtones, récits qui, pour bon nombre de nations autochtones, sont les seuls témoignages de leur passé [...] [et qui] jouent un rôle crucial dans les litiges portant sur les droits ancestraux. (par. 84)

Le juge en chef Lamer conclut que le juge de première instance a traité les diverses formes de récits oraux présentés par les demandeurs pour établir leur occupation et leur utilisation traditionnelles des territoires sans respecter ces principes qui, note-t-il, ont été énoncés après que celui-ci ait rendu sa décision(20).

   B. Le titre aborigène au Canada (par. 109-139)

Le juge en chef n’est d’accord avec ni l’une ni l’autre des parties sur la définition du titre aborigène; il trouve celle des Gitksan et des Wet’suwet’en trop large et celle de la province trop étroite. À son avis, le contenu du titre aborigène « se situe quelque part entre ces deux thèses » (par. 111).

      1. Caractéristiques du titre aborigène (par. 112-115)

Selon le juge en chef Lamer, le caractère sui generis [unique en son genre] du titre aborigène est le principe unificateur qui en sous-tend les différentes dimensions :

  • son inaliénabilité, au sens où les terres détenues en vertu d’un titre aborigène ne peuvent être transférées ou cédées qu’à la Couronne; cela ne veut pas dire, toutefois, que le titre aborigène n’est pas « un intérêt de propriété, qui ne représente rien de plus qu’une autorisation d’utiliser et d’occuper les terres visées et qui ne peut pas concurrencer sur un pied d’égalité d’autres droits de propriété » (par. 113);

  • son origine, puisque le titre aborigène découle 1) de l’occupation du Canada par les peuples autochtones avant la Proclamation royale de 1763 — en vertu des principes de common law, le fait physique de l’occupation prouve la possession en droit — et 2) du rapport entre la common law et les régimes juridiques autochtones;

  • son caractère collectif, au sens où le titre aborigène est un droit foncier collectif, détenu par tous les membres d’une nation autochtone.

Il est impossible d’expliquer entièrement ces caractéristiques en fonction soit des règles du droit des biens en common law, soit des règles relatives à la propriété, prévues par les régimes juridiques autochtones.

      2. Contenu du titre aborigène (par. 116-132)

         a. Comprend le droit à l’utilisation/occupation exclusive du territoire à diverses fins
              (par. 116-124)

Le juge en chef donne trois motifs pour rejeter la définition de la province qui restreint le titre aborigène au droit de n’utiliser le territoire que pour des activités qui sont des aspects des pratiques ou traditions autochtones faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe revendiquant le titre. Premièrement, la jurisprudence canadienne en la matière affirme clairement que le titre aborigène ne se limite pas à ces seules activités. Deuxièmement, les droits des Autochtones sur les terres des réserves et leurs droits sur les terres détenues en vertu d’un titre aborigène sont régis par les mêmes principes juridiques et, en vertu de la Loi sur les Indiens, les utilisations et les avantages auxquels peuvent servir les terres des réserves sont très larges et pas du tout limités comme on le prétend. Troisièmement, la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, qui permet l’exploitation pétrolière et gazière sur les terres des réserves cédées, présume que le droit des Autochtones sur le territoire comprend les droits miniers qui sont eux-mêmes compris dans le titre aborigène. Les terres détenues en vertu d’un titre aborigène devraient pouvoir être exploitées aux mêmes fins non traditionnelles.

         b. L’utilisation doit être compatible avec la nature de l’attachement pour les terres
              (par. 125-132)

Le juge en chef Lamer estime que les limites au contenu du titre aborigène sont une manifestation de son caractère sui generis. Relativement à l’occupation antérieure comme origine du titre aborigène, le droit applicable cherche à la fois à définir les droits historiques et « à accorder, de nos jours, une protection juridique à cette occupation antérieure » en « reconnaissance de l’importance de la continuité du rapport qu’une collectivité autochtone entretient avec ses terres au fil des ans » (par. 126). Comme cette continuité du rapport s’applique aussi à l’avenir, les terres visées par un titre aborigène ne peuvent pas être utilisées à des fins « incompatibles avec la nature de l’occupation de ces terres et avec le rapport que le groupe concerné entretient avec celles-ci, facteurs qui, ensemble, ont donné naissance au titre aborigène en premier lieu » (par. 128). Par exemple, un groupe qui a revendiqué avec succès le titre aborigène sur des terres utilisées comme territoire de chasse ne peut pas les utiliser d’une manière qui anéantisse leur valeur pour la chasse.

Selon le juge en chef, ces considérations sont aussi pertinentes pour établir l’inaliénabilité des terres détenues en vertu d’un titre aborigène, puisque leur aliénation mettrait fin à la fois au droit d’occuper ces terres et à tout rapport spécial avec elles. L’inaliénabilité indique que les terres concernées sont quelque chose de plus qu’un simple bien. Elles ont plutôt une valeur intrinsèque pour la collectivité qui en possède le titre aborigène et qui ne peut pas en faire une utilisation susceptible de détruire cette valeur.

Fait révélateur, le juge en chef Lamer insiste sur le fait que cette limitation générale ne restreint pas l’utilisation des terres aux activités traditionnelles, puisque cela reviendrait à placer dans un « carcan juridique » ceux qui ont un « droit légitime sur les terres ». Autrement dit, on peut se permettre un éventail complet d’utilisations des terres, sous réserve seulement d’une « limite dominante » définie par la nature spéciale du titre aborigène sur les terres en question (par. 132).

Le juge en chef fait aussi observer que cette approche ne fait pas du tout obstacle à la cession à la Couronne des terres visées par un titre aborigène. D’ailleurs, ces terres doivent être cédées et converties en terres non visées par un titre aborigène si les peuples autochtones désirent les utiliser d’une manière incompatible avec leur titre.

      3. Le titre aborigène et l’article 35 (par. 133-139)

L’arrêt Delgamuukw confirme que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a « constitutionnalisé dans sa forme complète » le titre aborigène en common law, dont l’existence a été reconnue avant 1982 (par. 133)(21).

Le juge en chef Lamer réaffirme les conclusions antérieures de la Cour qui avait jugé le titre aborigène distinct des autres droits ancestraux visés au paragraphe 35(1) « parce qu’il naît lorsque le rapport entre un territoire et un groupe avait, pour sa culture distinctive, une importance fondamentale » (par. 137). L’importance du lien avec le territoire est déterminante pour l’établissement de la portée des droits ancestraux constitutionnels revendiqués. À une extrémité du spectre des droits, il y a les pratiques ou traditions faisant partie intégrante d’une culture autochtone distinctive dans les cas où l’utilisation et l’occupation du territoire sur lequel les activités sont pratiquées n’étayent pas la revendication du titre aborigène. Au milieu du spectre, de telles activités traditionnelles peuvent être étroitement rattachées à une parcelle de terrain particulière, à telle enseigne qu’un groupe puisse être capable d’avoir le droit « spécifique à un site » de s’adonner à ces activités, mais pas de démontrer l’existence d’un titre sur le territoire. Ces deux formes d’activité sont protégées par le paragraphe 35(1). Enfin :

À l’autre extrémité du spectre, il y a le titre aborigène proprement dit. [...] [L]e titre aborigène confère quelque chose de plus que le droit d’exercer des activités spécifiques à un site qui sont des aspects de coutumes, pratiques et traditions de cultures autochtones distinctives. [...] Ce que le titre aborigène confère c’est le droit au territoire lui-même. (par. 138) (c’est nous qui soulignons)

   C. Preuve de l’existence d’un titre aborigène (par. 140-159)

Le juge en chef fait observer que, pour évaluer les revendications d’un titre aborigène, il faut adapter le « critère » dont la Cour se sert actuellement pour les revendications de droits ancestraux se rapportant aux activités menées sur les terres. Par contre, le titre aborigène est le droit au territoire lui-même qui peut être utilisé pour diverses activités dont aucune ne doit nécessairement être protégée individuellement par le paragraphe 35(1), puisqu’elles sont des parasites du titre sous-jacent (par. 140). Néanmoins, les deux critères ont de grandes similitudes.

      1. Le territoire doit avoir été occupé avant l’affirmation de la souveraineté
           (par. 144-151)

         a. La période pertinente (par. 144-145)

Le juge en chef Lamer conclut que la période antérieure au premier contact, utilisée pour établir l’existence de droits ancestraux autorisant l’exercice d’activités, ne convient pas lorsqu’il est question de titre aborigène :

  • Comme le titre aborigène grève le titre sous-jacent de la Couronne, qui a été acquis uniquement lorsque celle-ci a affirmé sa souveraineté, il s’ensuit que le titre aborigène s’est cristallisé à ce moment-là.

  • En vertu de la common law, le fait de l’occupation ou de la possession suffit pour fonder un titre aborigène, sans avoir à prouver que le territoire faisait partie intégrante de la société autochtone avant l’arrivée des Européens.

  • La date de l’affirmation de la souveraineté a un caractère plus certain que celle du premier contact.

Des circonstances ultérieures pourraient être importantes pour ce qui est du titre, par exemple dans des cas de dépossession de terres traditionnelles après l’affirmation de la souveraineté.

         b. L’occupation (par. 146-151)

Pour le juge en chef Lamer, il faut tenir compte tant de la common law que du point de vue des Autochtones à l’égard du territoire — point de vue qui tient compte notamment de leurs régimes juridiques — dans la démonstration de l’occupation. En ce qui concerne le premier élément, l’occupation physique fait preuve de la possession en droit qui, à son tour, fondera le droit au titre sur les terres visées. Elle peut être prouvée de différentes façons, y compris la construction, la culture et l’exploitation des ressources; pour savoir si on a fait la preuve d’une occupation suffisante pour fonder un titre aborigène, il faut tenir compte de la taille, du mode de vie, des ressources et des progrès techniques du groupe concerné. En outre, comme l’exigence que le territoire ait été occupé antérieurement à l’affirmation de la souveraineté suffit à établir l’importance fondamentale du territoire pour la culture du groupe concerné, il n’est pas nécessaire d’inclure explicitement cet élément dans le critère relatif au titre aborigène.

      2. Dans certains cas, il doit y avoir une continuité entre l’occupation actuelle et celle
          antérieure à l’affirmation de la souveraineté (par. 152-154)

Reconnaissant la possibilité de manquer d’éléments de preuve concluants d’une occupation antérieure à l’affirmation de la souveraineté, le juge en chef précise qu’un groupe revendiquant un titre aborigène peut l’établir en produisant des éléments de preuve de l’occupation actuelle, doublés de la preuve de la continuité. Les demandeurs ne sont pas tenus de faire la preuve d’une « continuité parfaite », mais plutôt d’« un maintien substantiel du lien » entre le peuple et le territoire (par. 153). Dans la mesure où ce lien substantiel a été maintenu, le fait que la nature de l’occupation ait changé depuis l’affirmation de la souveraineté ne fera généralement pas obstacle à la revendication d’un titre aborigène.

      3. L’occupation doit avoir été exclusive au moment de l’affirmation de la souveraineté
       (par. 155-159)

Le juge en chef Lamer note que, comme pour l’occupation, il faut faire la preuve de cette exigence en tenant compte tant de la common law que du point de vue des Autochtones. Donc, bien que le principe de l’exclusivité en common law soit lié à la notion de propriété en fief simple, le critère requis pour établir l’occupation exclusive relativement à un titre aborigène revendiqué doit tenir compte du contexte de la société autochtone concernée au moment de l’affirmation de la souveraineté. Ainsi, il est possible de prouver l’exclusivité de l’occupation, suivant les circonstances, même si d’autres groupes autochtones étaient présents ou se rendaient souvent sur les terres revendiquées. Qui plus est, l’exigence d’occupation exclusive n’empêche pas l’existence possible d’un titre conjoint détenu par deux nations autochtones ou plusieurs, par exemple lorsque plus d’un groupe a partagé un territoire particulier, chacun reconnaissant les droits de l’autre sur ce territoire, mais ceux de personne d’autre. En outre, les éléments de preuve d’une occupation non exclusive pourraient néanmoins établir l’existence de droits ancestraux partagés, non exclusifs et spécifiques à certains sites, par exemple sur des terres adjacentes à celles visées par la revendication d’un titre et utilisées pour la chasse par plusieurs groupes.

   D. Justification des atteintes au titre aborigène (par. 160-169)

      1. Principes généraux (par. 160-164)

         a. L’atteinte doit se rapporter à la poursuite d’un objectif législatif impérieux et réel
             (par. 161)

Le juge en chef réaffirme son opinion que les objectifs législatifs réels sont ceux visant l’un ou l’autre des objets qui sous-tendent la constitutionnalisation des droits ancestraux, c’est-à-dire la reconnaissance de l’occupation antérieure de l’Amérique du Nord par les peuples autochtones et la conciliation de cette occupation avec l’affirmation par Sa Majesté de sa souveraineté. Le deuxième objet sera souvent plus pertinent à l’étape de la justification : comme les sociétés autochtones font partie d’une communauté plus large sur laquelle s’exerce la souveraineté de Sa Majesté, certaines restrictions des droits ancestraux seront parfois justifiables dans la poursuite d’objectifs importants pour l’ensemble de la communauté et elles sont un élément nécessaire de la conciliation des sociétés autochtones avec cette communauté.

      b. L’atteinte doit être compatible avec le rapport de fiduciaire  (par. 162-164)

Selon le juge en chef Lamer, l’obligation de fiduciaire envers les peuples autochtones est fonction du contexte juridique et factuel de chaque cas. Bien que cette obligation puisse parfois commander que les intérêts des autochtones aient préséance, elle peut amener, dans d’autres contextes, à aborder des questions comme celles de savoir si on a porté le moins possible atteinte à des droits, si une juste indemnisation est prévue et si le groupe autochtone a été consulté. L’étendue de l’examen de l’obligation de fiduciaire variera aussi selon la nature du droit ancestral en cause.

      2. Application au titre aborigène (par. 165-169)

         a. Un large éventail d’objectifs législatifs peut justifier une atteinte (par. 165)

Le juge en chef Lamer statue que la plupart de ces objectifs peuvent être rattachés à la conciliation de l’occupation antérieure par les peuples autochtones avec l’affirmation de la souveraineté de la Couronne et, donc, à la situation des sociétés autochtones au sein de l’ensemble de la communauté canadienne :

[L]’extension de l’agriculture, de la foresterie, de l’exploitation minière et de l’énergie hydro-électrique, le développement économique général de l’intérieur de la Colombie-Britannique, la protection de l’environnement et des espèces menacées d’extinction, ainsi que la construction des infrastructures et l’implantation des populations requises par ces fins, sont des types d’objectifs compatibles avec cet objet et qui, en principe, peuvent justifier une atteinte à un titre aborigène. (par. 165)

La question de savoir si une mesure constituant une atteinte se rattache à de tels objectifs devra être examinée au cas par cas.

         b. La nature de l’obligation de fiduciaire est fonction de la nature du titre
             (par. 166-169)

Le juge en chef définit trois aspects du titre aborigène qui sont pertinents en l’espèce. Premièrement, le droit d’utiliser et d’occuper de façon exclusive les terres visées influe sur l’étendue de l’examen auquel sont soumis les mesures portant atteinte au titre. Par exemple, une obligation de fiduciaire qui exigerait de donner préséance au titre aborigène ne serait pas absolue; il faudrait plutôt que le gouvernement démontre que les modalités de répartition de la ressource et la répartition elle-même reflètent l’intérêt prioritaire des détenteurs du titre aborigène. Entre autres exemples de cette démonstration, il y a la prise en compte de la participation des autochtones à la mise en valeur des ressources, la concession de fiefs simples ou de permis d’exploitation des ressources reflétant l’occupation antérieure et la réduction des obstacles économiques à l’utilisation par les autochtones de leurs terres. Cette question pourrait obliger à soupeser les divers intérêts concernés par les ressources en cause. Il faudrait aussi s’attendre qu’il sera difficile de déterminer la valeur exacte de l’intérêt des autochtones dans le territoire.

Deuxièmement, le fait que le titre aborigène comprenne le droit de choisir les utilisations éventuelles à être faites des terres indique que le rapport de fiduciaire peut être respecté en faisant participer les autochtones détenteurs du titre à la prise des décisions concernant leurs terres. Bien que la Couronne ait toujours l’obligation de consulter, la nature et l’étendue de cette obligation dépendront des circonstances. Le juge en chef Lamer a souligné que, même dans les rares cas d’un manquement mineur « où la norme minimale acceptable est la consultation, celle-ci doit être menée de bonne foi, dans l’intention de tenir compte réellement des préoccupations des peuples autochtones dont les terres sont en jeu. Dans la plupart des cas, l’obligation exigera beaucoup plus qu’une simple consultation. Certaines situations pourraient même exiger l’obtention du consentement d’une nation autochtone » (par. 168).

Troisièmement, comme le titre aborigène a « inévitablement une dimension économique », il sera généralement nécessaire de verser une juste indemnité, en cas d’atteinte à un titre aborigène, pour exécuter l’obligation de fiduciaire de la Couronne. Le montant de l’indemnité variera en fonction de la nature du titre aborigène touché, de la gravité de l’atteinte et de la mesure dans laquelle les intérêts des Autochtones ont été pris en compte.

   E. Le droit à l’autonomie gouvernementale (par. 170-171)

Le juge en chef fait remarquer que la nécessité de tenir un nouveau procès empêche la Cour de se pencher sur cet aspect de la revendication des demandeurs. De plus, suivant la jurisprudence de la Cour, les droits relatifs à l’autonomie gouvernementale « ne peuvent pas être exprimés en termes excessivement généraux » comme ils l’ont été en l’espèce (par. 170).

   F. Le pourvoi incident de la Colombie-Britannique (par. 172-183)

Le juge en chef Lamer rejette la prétention de la province qui estime avoir eu la compétence, depuis son entrée dans la fédération en 1871 jusqu’à la constitutionnalisation du paragraphe 35(1) en 1982, d’éteindre les droits des peuples autochtones. Voici quelques conclusions qu’il expose dans ses motifs :

  • Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 a conféré au gouvernement fédéral le pouvoir exclusif de légiférer sur les « Indiens et [les] terres réservées aux Indiens », ce qui comprend le pouvoir de légiférer relativement au titre aborigène, notamment en l’éteignant.

  • Le paragraphe 91(24) protège aussi « l’essentiel de l’indianité » qui se situe dans le champ de la compétence fédérale et qui englobe tout l’éventail des droits ancestraux protégés par le paragraphe 35(1) : les lois qui sont censées éteindre ces droits outrepassent donc la compétence législative des provinces.

  • Bien que le titre sous-jacent sur les terres dans la province ait été attribué à la Couronne provinciale par l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, cette disposition subordonne ce droit de propriété provincial à « tout intérêt autre que celui de la province » sur ces terres : le titre aborigène constitue un tel intérêt.

  • Les lois provinciales d’application générale, c.-à-d. celles qui n’imposent pas un traitement spécial aux Indiens, s’appliquent aux Indiens et aux terres indiennes, mais elles ne peuvent avoir pour effet d’éteindre des droits ancestraux, en partie parce qu’elles seraient incapables de respecter la norme de l’« intention claire et expresse » à l’égard de l’extinction des droits ancestraux, sans outrepasser la compétence de la province.

  • L’article 88 de la Loi sur les Indiens incorpore par renvoi les lois provinciales d’application générale qui ne sauraient autrement s’appliquer aux Indiens, mais il ne les autorise pas à éteindre les droits ancestraux : non seulement cette disposition ne renferme pas l’« intention claire et expresse » requise, mais son allusion explicite aux droits issus de traités indique qu’elle n’est manifestement pas censée porter atteinte aux droits ancestraux.

   G. Conclusion et dispositif (par. 184-186)

Le juge en chef Lamer accueille le pourvoi en partie, rejette le pourvoi incident de la province et ordonne la tenue d’un nouveau procès. Il déclare ouvertement qu’il n’encourage pas les parties à introduire une instance; il leur conseille plutôt d’entreprendre des négociations pour régler leur différend. Selon le juge en chef, « [d]evraient également participer à ces négociations les autres nations autochtones qui ont un intérêt dans le territoire revendiqué. En outre, la Couronne a l’obligation morale, sinon légale, d’entamer et de mener ces négociations de bonne foi ». Les règlements négociés « de bonne foi et [toutes les parties] faisant les compromis qui s’imposent », conclut-il, vont permettre de réaliser l’objet du paragraphe 35(1), à savoir la conciliation (par. 186).

COMMENTAIRE

On s’attendait que l’arrêt Delgamuukw de la Cour suprême du Canada ait des répercussions importantes, quoique encore inconnues, sur la négociation et le règlement futurs des revendications territoriales globales fondées sur un titre aborigène, sur les politiques d’utilisation des terres et sur les procès portant sur un titre aborigène, dans les régions du pays où les Autochtones n’ont pas cédé leurs terres ancestrales par traité. C’est le cas non seulement de presque tout le territoire de la Colombie-Britannique, mais aussi de certaines parties du Québec et du Canada atlantique.

L’arrêt Delgamuukw demeure une affirmation capitale de l’existence du titre aborigène au Canada et du fait qu’il est protégé par la Constitution. Il semble important, toutefois, de souligner que la Cour ne s’étant pas prononcée sur le fond de la revendication du titre aborigène par les Gitksan et les Wet’suwet’en, sa décision a des effets qui servent d’instructions plutôt que de conclusions définitives. L’arrêt Delgamuukw fournit au gouvernement, aux Autochtones revendiquant un titre et aux tribunaux inférieurs, de nouvelles lignes directrices complètes qui les aideront à l’avenir à régler ou à juger, selon le cas, les revendications des Gitksan et des Wet’suwet’en et les autres revendications territoriales globales.

En pratique, on ignore encore l’effet à terme qu’aura la réaction des diverses parties à l’arrêt Delgamuukw sur les politiques à élaborer, sur les processus de négociation et sur la fréquence des recours judiciaires. Vu l’historique des négociations sur les revendications territoriales, ce n’est pas parce que la Cour a recommandé que les différends en cours se règlent par la négociation que ses lignes directrices faciliteront le processus de négociation ou éviteront les procès relativement aux revendications individuelles. D’autre part, l’arrêt Delgamuukw a donné aux parties un élan irrépressible pour réaffirmer que les traités doivent se conclure par la négociation.

Bref, l’arrêt Delgamuukw a établi un cadre théorique sans précédent qui constitue la base sur laquelle se bâtira le droit relatif au titre aborigène au Canada, plutôt que le point culminant de son développement. Le droit du titre aborigène continuera d’évoluer au fur et à mesure que les principes énoncés dans l’arrêt Delgamuukw seront mis en application.

CHRONOLOGIE

En conclusion au présent document sont énumérés un certain nombre de faits significatifs survenus depuis décembre 1997 et qui se rapportent directement ou indirectement à l’arrêt Delgamuukw de la Cour suprême du Canada.

Janvier 1998

  • La Commission des traités de la Colombie-Britannique(22) a pressé les gouvernements fédéral et provincial et les Premières nations de travailler ensemble pour raviver la négociation d’un traité, plutôt que de s’en remettre à un procès et à la reprise de la confrontation qui entraîneraient vraisemblablement une incertitude économique accrue. Le président de la Commission d’alors a affirmé que l’arrêt Delgamuukw avait déjà eu un effet marqué sur la négociation des traités en Colombie-Britannique, une démarche dans laquelle plus de 50 Premières nations étaient engagées. Il a reconnu, d’une part, que les mandats et démarches nouveaux ne produiront pas des résultats instantanés étant donné la complexité des questions auxquelles les parties doivent répondre et, d’autre part, que les Premières nations peuvent avoir l’impression que l’arrêt Delgamuukw renforce leur position et réduit les obstacles traditionnels à la tenue d’un procès comme solution à la place de la négociation(23).

Février 1998

  • La Commission des traités de la Colombie-Britannique a indiqué que les deux ordres de gouvernement et le Sommet des Premières nations (associé à la création de la Commission) avaient accepté de collaborer pour déterminer quels changements il faudrait apporter au traité pour tenir compte de l’arrêt Delgamuukw. À son avis, toutes les parties ont reconnu que la Cour suprême a laissé de nombreuses questions sans réponse parce que c’est la négociation qui permettra le mieux d’y répondre. Un tribunal peut déclarer qu’il existe un titre aborigène dans une région donnée, mais il faudra quand même négocier les compétences et concilier les intérêts à la fois des Autochtones et des non-Autochtones(24).

Mars 1998

  • La ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique et le grand chef du Groupe de travail du Sommet des Premières nations ont annoncé comme prévu un réexamen conjoint du processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique à la lumière de l’arrêt Delgamuukw; ils ont établi que le premier objectif serait de « trouver des façons de concilier les intérêts du Canada, de la Colombie-Britannique et des Premières nations ». Les parties ont aussi convenu qu’il était nécessaire d’amener les tierces parties et les dirigeants du monde des affaires à participer à un dialogue élargi au sujet de la décision de la Cour suprême. Un comité de haut niveau s’est vu confier le mandat de se réunir dans les deux mois pour examiner les répercussions de l’arrêt et « améliorer le processus de négociation des traités pour en arriver à conclure les ententes nécessaires pour la stabilité économique et sociale de la province»(25).

  • La Confédération des nations indiennes de l’Assemblée des Premières nations (APN) a adopté des résolutions demandant, d’une part, l’application des principes de l’arrêt Delgamuukw par la réforme des politiques fédérales sur les revendications territoriales globales et, d’autre part, le remplacement des lois et politiques fédérales « offensantes » par des mesures conformes aux indications de la Cour dans cet arrêt(26).

Avril 1998

  • L’examen du processus de négociation des traités a commencé. Des hauts fonctionnaires du fédéral, de la province et des Premières nations se sont réunis à deux reprises pendant trois jours et ont mis sur pied des groupes de travail chargés d’étudier des questions précises. À l’issue de ces réunions, les participants ont convenu de recommander un plan d’action à leurs mandants. Entre autres sujets abordés, il y a les titres ancestraux, l’accélération des négociations sur certains éléments du traité, le renforcement des capacités, et la certitude(27).

Mai 1998

  • Les participants à la conférence annuelle de Business at the Summit pour les gens d’affaires autochtones et non autochtones ont reconnu que l’arrêt Delgamuukw avait accru l’incertitude entourant les investissements en Colombie-Britannique. Néanmoins, ils estiment que le jugement appuie la création de partenariats entre Autochtones et non-Autochtones(28).

Juin 1998

  • Le chef de l’opposition a demandé au gouvernement fédéral d’adopter une loi pour mettre fin à l’insécurité qui résulte de l’arrêt Delgamuukw, et d’établir les règles régissant les titres aborigènes(29).

  • Dans son rapport annuel, la Commission des traités de la Colombie-Britannique qualifie l’arrêt Delgamuukw d’événement déterminant de 1997-1998 et cite certaines questions qui font l’objet d’un examen tripartite, par exemple le fait que les terres, les ressources et les affaires pécuniaires sont des sujets qui devraient être abordés plus tôt dans le processus de négociation des traités, et la nécessité d’améliorer le processus actuel en six temps. De plus, la Commission a déclaré que les revendications territoriales qui se chevauchent et les répercussions de l’arrêt Delgamuukw sur les processus de consultation et sur les mesures provisoires étaient aussi des questions sur lesquelles les parties devaient se pencher :

Depuis l’arrêt Delgamuukw, les Premières nations revendiquent de plus en plus un rôle dans les transactions du gouvernement visant les terres et les ressources dans leurs territoires. Les Premières nations engagées dans le processus de conclusion des traités sont trop nombreuses pour qu’on puisse acquiescer à leur revendication dans le cadre d’un traité. Il va falloir trouver un autre moyen. Selon l’arrêt Delgamuukw, un processus de négociation devrait remplacer le processus de consultation afin que des mesures provisoires et des ententes de développement économique deviennent des composantes des traités. (traduction)

La Commission des traités a pressé les parties de rétablir le processus d’examen tripartite, qui serait paralysé depuis la décision de la Colombie-Britannique d’engager le fédéral et le Groupe de travail du Sommet des Premières nations dans des pourparlers bilatéraux. Elle a en outre fait remarquer que, si presque toutes les Premières nations participant au processus de conclusion des traités en Colombie-Britannique privilégient la négociation, elles s’attendent néanmoins que les mandats et les méthodes du gouvernement changent par suite de l’arrêt Delgamuukw(30).

Juillet 1998

  • Dans une cause qu’on a dit être la première depuis Delgamuukw à porter sur les revendications territoriales en Colombie-Britannique, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé le refus d’accorder une injonction interlocutoire à la bande indienne de Kitkatla qui cherchait à empêcher l’exploitation forestière sur le territoire qu’elle revendiquait, en attendant le procès sur la question du titre. Pour arriver à sa décision, la Cour a statué que l’arrêt Delgamuukw n’avait absolument rien changé au droit des injonctions. Ce qui est capital dans l’affaire de la bande de Kitkatla, c’est la portée de l’obligation de consultation de la couronne provinciale dans les cas où un titre aborigène est revendiqué mais pas encore établi. Les tribunaux de la Colombie-Britannique ont reconnu que c’était une question importante(31).

  • Conformément à la reconnaissance par les parties de la nécessité de régler les questions se rapportant aux capacités des Premières nations, le gouvernement fédéral a annoncé la formation d’un groupe de treize experts sur le renforcement des capacités, qui sera composé de représentants des communautés autochtones (de l’intérieur et de la région côtière), du secteur des ressources et de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, ainsi que d’autres experts(32). Le rôle du groupe d’experts est décrit comme suit :

[examiner] les programmes existants et, par l’entremise de consultations avec l’industrie et les collectivités de Premières nations, [déterminer] les besoins en matière de renforcement des capacités. En se fondant sur l’information recueillie, le groupe d’experts : 1) effectuera des recommandations sur la manière de rajuster les programmes en vigueur de sorte qu’ils répondent davantage aux besoins; 2) déterminera les secteurs où il y a des écarts entre les programmes en vigueur et les besoins en matière de renforcement des capacités; 3) déterminera les possibilités conjointes permettant de renforcer les capacités des Premières nations à négocier et à mettre [en] œuvre les traités ainsi qu’à gérer les terres et les ressources; 4) évaluera les ressources financières nécessaires pour lancer d’autres initiatives de renforcement des capacités(33).

Le groupe d’experts devait présenter ses recommandations à la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien au plus tard à la fin de 1998. Le gouvernement fédéral a fait savoir qu’au cours des trois à cinq prochaines années, il offrirait des ressources pour appuyer les initiatives recommandées par le groupe d’experts; le financement de base pour soutenir le renforcement des capacités des Premières nations serait d’environ trois millions de dollars par année(34).

Septembre 1998

  • Dans un accord entre la province de la Colombie-Britannique et les chefs héréditaires des Wet’suwet’en, les parties conviennent de régler les problèmes soulevés par l’arrêt Delgamuukw et de « revitaliser » les pourparlers sur les traités. L’accord comprend des engagements à travailler ensemble à la planification et à la mise en valeur des ressources, ainsi qu’au développement économique; à privilégier le développement économique comme priorité des deux groupes de travail bilatéraux qui ont été formés pour étudier les terres, les ressources et les services sociaux; à collaborer aux initiatives de formation et de perfectionnement professionnels; à faire participer, si possible, les industries et le gouvernement locaux à des discussions bilatérales; et à s’assurer que le fédéral remplit ses obligations fiduciaires relativement aux activités découlant de l’accord(35).

  • Une entente de conciliation entre Sa Majesté du chef de la Colombie-Britannique et les chefs héréditaires des Gitksan a aussi été signée pour permettre aux parties de régler les questions liées à l’arrêt Delgamuukw. Elle prévoit trois séries de pourparlers : une entre la province et les Gitksan sur des questions comme la gestion de la faune et de son habitat, l’exploitation forestière et minière, le développement économique; une autre entre le fédéral et les Gitksan sur des sujets tels que la pêche, le renforcement des capacités et le dédommagement; et une dernière série de pourparlers entre la province, le fédéral et les Gitksan sur les affaires trilatérales, à condition que le fédéral accepte de reprendre les discussions sur le traité en se basant sur l’entente cadre conclue avec les Gitksan en juillet 1995, avant que les négociations soient interrompues(36).

  • Le gouvernement de la Colombie-Britannique a rendu publiques les lignes directrices opérationnelles destinées à aider les ministères et organismes provinciaux, en particulier dans le domaine des terres et des ressources, à remplir l’obligation de consultation des Premières nations, énoncée dans l’arrêt Delgamuukw, au sujet des projets d’activités sur les terres publiques qui pourraient empiéter sur le titre aborigène. Le processus de consultation n’a pas pour but de déterminer si le titre existe. C’est aux Premières nations qu’il incombe de le démontrer. En annonçant les lignes directrices, le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique a précisé que ce n’était qu’une partie de la réponse de la province à l’arrêt Delgamuukw et qu’on allait continuer à discuter des obligations de consultation avec les organisations des Premières nations et du gouvernement fédéral(37).

Octobre 1998

  • La Commission des traités de la Colombie-Britannique a fait savoir que les parties avaient convenu de poursuivre l’examen tripartite de plusieurs questions, notamment le titre aborigène et la certitude, le rôle de la Commission des traités, la consultation, le financement de la participation des Premières nations aux négociations et les mesures provisoires. Au sujet de ces dernières, la Commission a réitéré l’importance, à son avis, d’arriver à des ententes négociées sur les mesures provisoires, parce que c’est un moyen de mettre en équilibre les intérêts de toutes les parties en attendant l’issue de la négociation des traités, et elle a dressé la liste des ententes récentes. La Commission a aussi commenté les défis associés à la négociation de telles ententes sur les questions de territoire et de ressources, et signalé que les parties reconnaissaient l’importance d’en arriver à des ententes pour régler ces affaires lorsqu’elles sont capitales pour la négociation des traités(38).

  • La Commission a aussi fait remarquer que l’Entente définitive des Nisga’a et l’arrêt Delgamuukw montrent combien il est important de résoudre les revendications territoriales qui se chevauchent; que plusieurs Premières nations avaient déjà conclu des conventions de délimitation; et que d’autres avaient convenu d’un processus de règlement des chevauchements et en arriveraient bientôt à une entente. De plus, on était à étudier un protocole de résolution des chevauchements, adopté lors du Sommet des Premières nations de 1997, tandis que les parties avaient accepté d’inclure la question du chevauchement dans le champ de l’examen tripartite. La Commission a proposé que des ententes de principe soient signées uniquement si les lignes directrices clés visant les revendications qui se chevauchent étaient suivies(39).

  • Les commissaires ont fait savoir qu’aucune Première nation de la Colombie-Britannique n’avait officiellement abandonné le processus de négociation des traités depuis l’arrêt Delgamuukw, même si plusieurs maintenaient les poursuites qu’elles avaient intentées parallèlement(40).

Décembre 1998

S’inspirant en partie de l’arrêt Delgamuukw relativement à l’aspect économique du titre aborigène et de l’affirmation contenue dans l’arrêt suivant laquelle une atteinte au titre exigerait normalement une indemnisation équitable, la Confédération des nations indiennes (APN) adoptait une résolution demandant aux gouvernements fédéral et provincial d’adopter de nouveaux mandats indiquant explicitement qu’une négociation de dédommagements équitables pour les atteintes passées et actuelles aux titres aborigènes serait une question de fond du processus de négociation de traités en Colombie-Britannique(41).

Janvier 1999

  • Le Groupe d’experts sur le renforcement des capacités post-Delgamuukw, formé en juillet 1998, a présenté son rapport final au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien(42). Afin d’accélérer les négociations sur le fond et de répondre à la nécessité de renforcer les capacités, il recommande, entre autres, que les gouvernements offrent plus rapidement des terres, des ressources et de l’argent lorsque les parties s’entendent; que les parties procèdent à une analyse plus poussée de questions comme la mise en œuvre par étapes des avantages issus des traités, l’utilité de mesures provisoires et le partage des avantages découlant des arrangements commerciaux; et que les parties étudient la possibilité de s’entendre sur les aspects de la gestion publique touchant les terres, les ressources et l’argent, et qu’elles reportent à plus tard l’étude des questions moins pressantes. Dans une autre proposition importante, le Groupe recommande la mise sur pied d’un comité indépendant de sept à neuf membres, à majorité des Premières nations, qui serait chargé d’examiner et de recommander des propositions relatives à des activités de renforcement des capacités, ainsi que le recours au système de prestation existant pour accroître l’efficacité et réduire les frais d’administration(43). Le Groupe a refusé d’élaborer les critères d’évaluation des propositions, estimant que ce rôle revenait plutôt au comité proposé.

Février 1999

  • Lors de la conférence « Delgamuukw: One Year After », le chef adjoint régional de l’APN en Colombie-Britannique a affirmé que la décision de la Cour n’avait pas changé l’approche des gouvernements fédéral et provincial à la négociation des traités. Selon lui, il est temps que les Autochtones s’organisent en fonction des conclusions de l’arrêt Delgamuukw et de l’existence effective de leurs titres aborigènes s’ils veulent que les gouvernements traitent avec eux de façon sérieuse. Le président de la conférence, le professeur Frank Cassidy, a signalé pour sa part que les gouvernements fédéral et provincial utilisaient la négociation de traités pour réduire la portée de l’arrêt Delgamuukw(44).

  • À la suite d’une réunion pour discuter d’affaires pendantes liées à l’arrêt Delgamuukw, le MAINC et l’APN ont convenu que le processus de révision de la politique issu de l’arrêt serait permanent et global(45).

Mars 1999

  • La Cour suprême de la Colombie-Britannique s'est prononcée sur la question de savoir si l’obligation « morale » de la Couronne de négocier des traités de bonne foi — affirmée par le juge en chef dans l’arrêt Delgamuukw — était également une obligation juridique. L’action contre le Canada et la Colombie-Britannique par la première nation Gitanyow(46), engagée dans des négociations depuis 1993, avait été entreprise dans le contexte de la conclusion imminente de l’Entente définitive des Nisga’a, qui reconnaît comme territoire Nisga’a des parties du territoire du bassin hydrographique de la Nass qui sont revendiquées par les Gitanyow(47). Le juge a statué que si les gouvernements fédéral et provincial n’étaient pas obligés de négocier des traités avec les Gitanyow, une fois des négociations entamées, leur obligation de fiduciaire envers les peuples autochtones les obligeait à négocier de bonne foi, obligation qui s’appliquait à tous les représentants de la Couronne(48). L’affaire Gitanyow soulève la question des chevauchements qui concernent de nombreuses revendications en Colombie-Britannique, comme l’a souligné la Commission des traités de la province. Tranchant une question préliminaire de procédure dans cette affaire, le juge de la Cour a noté que la Cour serait saisie d’une myriade de demandes si le processus de négociation des traités ne réglait pas la question des revendications chevauchantes. À son avis, si les parties ne parviennent pas à régler ce problème manifeste, elles pourraient bien se voir imposer par la Cour des solutions qu’elles trouveraient sans doute moins acceptables que des règlements négociés.

Avril 1999

  • Le Canada et la Colombie-Britannique ont fait appel de la décision Gitanyow au motif, notamment, que de soumettre le processus de négociation des traités au contrôle judiciaire pourrait faire des négociations une voie vers l’action judiciaire.

  • La ministre fédérale des Affaires indiennes a annoncé un investissement de 15 millions de dollars sur trois ans pour financer des activités destinées à renforcer la capacité des Premières nations de la Colombie-Britannique de participer aux négociations et aux consultations relatives à la gestion des terres et des ressources. La province, quant à elle, a prévu deux millions de dollars pour l’exercice 1999-2000. Conformément à la recommandation du Groupe d’experts sur le renforcement des capacités post-Delgamuukw, un conseil de neuf personnes, le Conseil de l’initiative sur le renforcement des capacités (CIRC), a également été formé. Regroupant une majorité de représentants des Premières nations ainsi que des représentants du milieu des affaires et des syndicats, le CIRC sera chargé d’évaluer les projets proposés et d’en recommander le financement selon des lignes directrices qu’il établit lui-même pour définir les critères et les conditions d’admissibilité au financement. Toute Première nation de la Colombie-Britannique ayant une revendication territoriale en instance peut répondre à la demande de propositions du CIRC, qu’elle soit ou non partie prenante au processus établi par la Commission des traités. Les propositions relatives au renforcement des capacités dont le financement sera envisagé peuvent concerner des personnes, des organismes ou des entreprises(49).

  • Le Canada, la Colombie-Britannique et la bande indienne seychelte ont signé la première entente de principe conclue dans le cadre du processus établi par la Commission des traités de la Colombie-Britannique(50).

Mai 1999

  • À une conférence du Fraser Institute, « The Delgamuukw case: Aboriginal Land Claims and Canada’s Regions », des universitaires, des politiques et des dirigeants autochtones ont fait valoir de nombreux points de vue sur les répercussions actuelles et éventuelles de la décision de la Cour(51). Par exemple, les participants étaient généralement d’avis que la Colombie-Britannique est le plus directement touchée par l’arrêt; ils ont cependant évoqué la possibilité que celui-ci puisse permettre à des Premières nations d’autres provinces ou territoires de renégocier des traités existants touchant la cession de terres. Certains ont décrit tour à tour l’arrêt comme étant un « levier précieux » pour les communautés autochtones du Québec, un moyen inefficace de concilier développement économique et droits des Autochtones en Colombie-Britannique, une victoire des peuples autochtones et une « garantie de paralysie bureaucratique ». D’autres ont proposé l’adoption d’une loi fédérale qui pourrait « pratiquement » abolir les titres aborigènes, à condition qu’il y ait indemnisation. D’autres enfin ont affirmé que l’arrêt Delgamuukw ne nuit pas à la capacité de la Colombie-Britannique de gouverner, car il permet aux gouvernements d’empiéter sur les titres aborigènes(52).

Juin 1999

  • Les Gitanyow et les gouvernements fédéral et provincial ont convenu de reprendre en accéléré les négociations de traités, mettant en suspens la seconde question soulevée par les Gitanyow contre les gouvernements fédéral et provincial, à savoir que la signature de l’Entente définitive des Nisga’a était contraire à l’obligation de la Couronne de négocier de bonne foi avec les Gitanyow à la lumière de leur revendication « chevauchante »(53).

  • Faute de consultation avec la Première nation des Klahoose, touchée par l’arrêt, le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique et la société International Forest Products Ltd. ont retiré un plan d’exploitation forestière dans la région côtière Sunshine Coast et leur engagement à ne pas y couper d’arbres pendant au moins cinq ans. Le Ministère a convenu de consulter la bande klahoose sur toute décision ultérieure en matière de gestion forestière. Reconnaissant que le Ministère doit veiller à ce que les groupes autochtones soient consultés sur les questions de développement touchant leurs territoires ancestraux, un haut fonctionnaire a fait remarquer que les attentes des Premières nations varient face à l’obligation de les consulter créée par l’arrêt Delgamuukw, et qu’il n’est pas facile pour le Ministère de veiller au respect de toutes ses obligations juridiques(54).

  • La Commission des traités de la Colombie-Britannique affirme dans son rapport annuel que les répercussions de la décision Delgamuukw ne sont pas encore entièrement connues et qu’un de ses effets a été de créer suffisamment d’incertitude chez toutes les parties pour les pousser à négocier des traités plutôt que de s’en remettre à un procès. Elle a fait savoir que les recommandations élaborées au cours du processus d’examen tripartite étaient à l’étude, et décrit comme suit l’objet de cet examen :

Trouver des moyens d’accélérer la négociation des composantes des traités touchant les terres, les ressources, l’argent et les autres considérations financières. Les Premières nations qui empruntent des sommes importantes pour financer leurs négociations sont frustrées. Lorsque les négociations traînent en longueur, elles voient s’épuiser ou carrément disparaître les ressources dans leurs territoires et craignent qu’il n’en reste très peu pour répondre aux attentes découlant des traités. Elles veulent être sûres que les traités leur procureront de meilleures conditions que celles dont elles bénéficient à l’heure actuelle. L’arrêt Delgamuukw et sa confirmation des titres ancestraux qui en découle font en sorte que les Premières nations s’attendent maintenant davantage à ce qu’on s’occupe de leurs préoccupations. Une façon de redonner confiance dans le processus de négociation de traités serait de régler rapidement les questions touchant les terres et les ressources au lieu de laisser traîner les choses. (traduction)

La Commission fait par ailleurs observer que, comme il ressort clairement de la décision Delgamuukw, le versement d’une somme forfaitaire à des individus autochtones pour résoudre les questions liées aux traités n’est pas envisageable, puisque le titre aborigène est détenu par des groupes et non par des individus. Par conséquent, les gouvernements doivent s’entendre avec les Premières nations qui détiennent les titres plutôt qu’avec des membres individuels des Premières nations(55).

  • Dans son rapport, la Commission des traités affirme qu’une déclaration de reconnaissance mutuelle pourrait satisfaire, du moins en partie, à la directive claire de l’arrêt Delgamuukw que la négociation de traités doit concilier titre aborigène et titre de la Couronne, et qu’on attend une déclaration commune du Canada, de la Colombie-Britannique et du Sommet des Premières nations. La Commission insiste une fois de plus pour dire que la nécessité d’établir des mesures provisoires efficaces, comme le souligne l’arrêt, est devenue plus pressante(56). Elle prédit qu’une entente sur le partage des coûts relatifs aux mesures provisoires entre les gouvernements provincial et fédéral faciliterait le règlement des revendications au moyen de traités et protégerait les intérêts des Premières nations en attendant la conclusion de traités(57).

  • La Commission a souligné que les Premières nations avaient besoin de fonds suffisants pour négocier sur un pied d’égalité avec le Canada et la Colombie-Britannique, ajoutant que l’augmentation du nombre de Premières nations qui en sont à la quatrième étape [37 Premières nations de la Colombie-Britannique négocient alors des ententes de principe] et la diminution progressive du budget total ont entraîné une chute des indemnités versées. La Commission estime que les Premières nations auraient besoin de 38,4 millions de dollars pour mener leurs négociations à terme au cours de l’exercice 2000-2001. Elle dit avoir prévenu le Canada et la Colombie-Britannique que bon nombre de bureaux chargés des traités manqueront de fonds, sans compter que leurs efforts de recherche ne pourront être soutenus. Même les Premières nations qui sont sur le point de conclure une entente de principe ou qui avancent bien dans leurs négociations trouveront difficile, voire impossible, de soutenir le rythme des négociations(58).

  • Un sondage effectué auprès des Premières nations de la Colombie-Britannique participant au processus établi par la Commission révèle que des négociations se déroulent avec les Wet’suwet’en, tandis que les Gitksan n’ont pas encore repris les négociations tripartites(59).

  • Les réactions au rapport annuel de la Commission ont été partagées. Les dirigeants du Sommet des Premières nations se sont réjouis des constatations concernant la nécessité d’accroître le financement pour appuyer les négociations et améliorer les mesures provisoires, et ont demandé une rencontre avec la ministre fédérale des Affaires indiennes et le ministre provincial des Affaires autochtones pour en discuter(60). Le président de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique aurait affirmé que 45 p. 100 des groupes autochtones de la province désapprouvent le processus des traités qui, selon lui, mènera à l’abolition des titres aborigènes et à une plus grande incertitude économique pour les Premières nations. À son avis, l’arrêt Delgamuukw reconnaît clairement l’existence du titre aborigène et des intérêts légitimes des peuples autochtones à l’égard des terres et des ressources de la Colombie-Britannique(61).

Juillet 1999

  • Établi en avril 1999, le Conseil de l’initiative sur le renforcement des capacités a approuvé 74 des 167 demandes de fonds pour 1999-2000. Les propositions retenues, admissibles au même niveau de financement pour la prochaine année financière, ont reçu des montants allant jusqu’à 75 000 $, pour un engagement global de 5 millions de dollars. Les fonds devaient être distribués mensuellement à compter d’octobre 1999, sous la condition que les bénéficiaires produisent des rapports régulièrement. Bon nombre des projets approuvés concernent la gestion des terres et des ressources et visent à renforcer les capacités de gestion pour la période post-traité, ainsi qu’à aider les Premières nations à mieux se débrouiller dans les consultations en cours(62).

  • L’Assemblée général de l’APN a adopté une résolution sur la mise en application de l'arrêt Delgamuukw visant la révision de la politique fédérale des revendications globales en vue d’élaborer une approche de rechange fondée sur la reconnaissance du titre aborigène conformément à l’arrêt Delgamuukw. La résolution découle en partie de l’opinion de l'APN selon laquelle le gouvernement du Canada refuse de modifier sa politique des revendications globales de manière à reconnaître le titre aborigène conformément à l’arrêt Delgamuukw et continue plutôt à se servir du processus de révision APN/MAINC issu de Delgamuukw comme prétexte pour ne pas modifier sa politique. Par conséquent, la révision serait devenue préjudiciable pour les Premières nations qui réclament le titre aborigène et demandent que l'arrêt Delgamuukw soit mis en application(63).

Septembre 1999

  • Un rapport des chefs de Colombie-Britannique, rendu public à l’occasion du Sommet des Premières nations, appelle les chefs autochtones à examiner des solutions de remplacement au processus de négociation de traités vu le désaccord entre les Autochtones et les gouvernements sur les questions de l’indemnisation et du titre aborigène(64).

  • Ayant négocié en vain pour obtenir un permis provincial d'exploitation forestière, des membres de la Première nation Westbank entreprirent de l’abattage sans permis sur des terres de la Couronne revendiquées par eux dans le centre sud de la Colombie-Britannique. C’était là pour certains la partie visible de l’iceberg de l’insatisfaction autochtone face à l’inaction de la province dans le dossier des implications de l’arrêt Delgamuukw(65). Dans une alliance inédite, l’Union des chefs indiens de Colombie-Britannique et le Sommet des Premières nations appuyèrent l’activité d’abattage de la nation Westbank(66), comme le firent de nombreux autres groupes autochtones, aussi bien locaux et régionaux que nationaux(67). Des Premières nations de divers coins de la province ont exprimé leur intention de suivre l’exemple de la Westbank; certaines, invoquant l’arrêt Delgamuukw, l’ont fait. La province a demandé à la Cour suprême de Colombie-Britannique de rendre une ordonnance obligeant les travailleurs de la Westbank à se conformer à l’ordonnance d’arrêt des travaux rendue par le ministère des Forêts, mais le 28 septembre, la Cour a statué qu’un tribunal devrait d’abord trancher le différend quant au titre aborigène et au titre de la Couronne. À la demande de la Cour, la Première nation Westbank a accepté de plein gré de cesser ses activités. La province a demandé l’autorisation d’en appeler de cette décision(68).

  • Le Cabinet de la Colombie-Britannique a approuvé des « mesures de traité » pour réactiver le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique et faire en sorte que le Canada fasse sa part dans les travaux de négociation de traités. Il a demandé au gouvernement fédéral d’en faire autant et de finaliser les modalités de partage des coûts. D'après des documents du gouvernement, les « mesures de traité » en question pourraient faire avancer le processus de négociation plus rapidement que les mesures intérimaires dont la province était seule à supporter le coût. Les mesures sont destinées à aider à accélérer la négociation de traités. Selon les mêmes documents, elles permettront aussi à la province de s’acquitter de ses obligations légales découlant de l’arrêt Delgamuukw et de décisions connexes, contribueront à régler les différends sur l’utilisation des terres et des ressources et faciliteront le développement économique. Elles pourraient aussi comprendre la protection des terres et ressources(69). Certains leaders autochtones de la province ne croient pas que ces mesures vont renouveler le processus de négociation de traités(70).

Octobre 1999

  • Des leaders des Premières nations de l’intérieur de la Colombie-Britannique comptent se rendre aux États-Unis et en Europe pour demander le boycottage des produits forestiers de la province, parce qu’ils proviendraient illégalement de terres autochtones. Un porte-parole du Conseil des industries forestières a reconnu qu’un tel boycottage menace l’industrie(71).

  • Le Sommet des Premières nations a convoqué une assemblée extraordinaire pour discuter de l’insatisfaction des Premières nations de Colombie-Britannique face aux négociations et au manque apparent de volonté des deux gouvernements dans le processus de négociation. Le grand chef Edward John estime que les négociations sont à un tournant. À son avis, les gouvernements continuent de se présenter à la table avec des préalables unilatéraux qui sont clairement inacceptables, ce qui est en contradiction flagrante avec les principes d’une négociation de bonne foi(72).

  • À l'assemblée extraordinaire, le ministre des Affaires autochtones de la Colombie-Britannique a annoncé que les mesures relatives aux traités comprendraient entre autres points :

  • l’engagement de déposer rapidement des offres d’une entente de principe;

  • une contribution provinciale de 20 millions de dollars à un fonds de mesures de traités, financé à égalité avec le gouvernement fédéral;

  • la volonté de reprendre les négociations avec le Sommet des Premières nations sur la question d’établir une certitude par la conclusion de traités;

  • l’engagement à entendre les vues des Premières nations sur le partage des recettes, la cogestion et l’indemnisation;

  • une invitation aux Premières nations et à l’industrie forestière à discuter de la mise sur pied d’un comité directeur pour l'accès des Premières nations à l’exploitation des forêts(73).

Pour ce qui est de l’indemnisation, le ministre a reconnu, comme le croient les Premières nations, que les traités constituent des règlements de revendications antérieures, et il a indiqué que la province était disposée à discuter de la question avec les autres parties aux négociations(74).

  • À la suite de l’assemblée, le Sommet des Premières nations est demeuré critique à l’égard des deux gouvernements, notamment sur la question de l’indemnisation(75) et de l’aliénation continue des terres et des ressources. Le commissaire en chef de la Commission des traités de la Colombie-Britannique a observé que les Premières nations présentes n’avaient pas voté la suspension du processus de négociation, estimant qu’elles n’étaient pas disposées à renoncer à un processus qui avait été long à obtenir. Il a ajouté qu’à la suite de l’arrêt Delgamuukw, les parties se sont entendues sur des changements pour revigorer le processus de négociation; que ces changements auraient une incidence sur les négociations au cours des prochains mois et mettraient à l’épreuve la volonté politique des parties; et qu’il était trop tôt pour dire si cette réforme suffirait pour mener à des ententes(76).

Novembre 1999

  • La Cour suprême de Colombie-Britannique a accédé à la demande, présentée par le ministre des Forêts, d’une ordonnance interlocutoire pour empêcher certaines Premières nations de poursuivre leurs activités d’abattage sur les terres de la Couronne, en attendant qu’il soit statué sur leurs revendications du titre d’aborigène et du droit de coupe(77). Dans une affaire semblable, la cour a ordonné que le différend entre le ministère provincial des Forêts et la Première nation de Westbank soit rapidement soumis à un tribunal plutôt que d’être réglé par voie d’audition sommaire. De l’avis du juge, un procès s’impose en raison de la complexité des questions de prise en compte des intérêts autochtones et de justification évoquées dans Delgamuukw, qui se posent aussi dans ce cas-ci. Le juge a ajouté que la question du titre de la Première nation n’est pas incontestée, qu’il est clair que la Couronne n’est pas prête à concéder que la Première nation a un titre ou des droits sur la région revendiquée et qu'elle contestera ces revendications(78).

  • La Commission des traités de la Colombie-Britannique annonce que les gouvernements fédéral et provincial souscrivent à la déclaration suivante sur le titre aborigène et le titre de la Couronne :

    Les parties conviennent de négocier des traités selon les principes suivants :

    1. Les parties reconnaissent que le titre aborigène existe au sens de droit protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

    2. L’existence d’un titre aborigène en Colombie-Britannique est un droit légal sur le territoire et grève ainsi le titre de la Couronne.

    3. Le titre aborigène s'entend à la fois au sens de la common law et dans l’optique autochtone.

    4. Comme la Cour suprême du Canada l’a reconnu, les peuples autochtones tirent leur titre aborigène de l’occupation, de l’utilisation et de la possession de longue date de leurs terres tribales.

    5. Les parties conviennent qu'il est dans l’intérêt bien compris des Autochtones et de la Couronne que leurs intérêts soient déterminés par des négociations honorables, respectueuses et de bonne foi(79).


(1) [1997] 3 R.C.S. 1010.

(2) [1973] R.C.S. 313.

(3) Il y a relativement peu de temps que les tribunaux ont cessé d’employer le terme « Indien » — qui figure au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et dans la Loi sur les Indiens — tant comme sujet que comme descripteur, pour le remplacer par les expressions au sens plus large de « peuple(s) autochtone(s) » et d’« Autochtone ». Le terme « Autochtone » qualifie les premiers habitants d’un territoire. L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 définit « peuples autochtones du Canada » comme incluant notamment les Indiens, les Inuits et les Métis.

(4) Voir en particulier la décision de la Cour fédérale du Canada (Section de première instance) dans Baker Lake c. Ministre des Affaires indiennes, dans laquelle sont énoncés des critères cumulatifs relativement au titre aborigène : [1980] 1 C.F. 518 et [1981] 1 C.F. 266 pour d’autres motifs.

(5) [1984] 2 R.C.S. 335.

(6) [1988] 2 R.C.S. 654.

(7) Dans deux publications de la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement, l’auteur, Jane May Allain, procède à une analyse bien plus exhaustive des questions entourant les droits des Autochtones : Les droits des autochtones, Bulletin d’actualité 89-11F et Les droits de pêche ancestraux : arrêts de la Cour suprême du Canada, Étude générale 428F, octobre 1996.

(8) [1990] 1 R.C.S. 1075.

(9) Il y a notamment la « trilogie » des décisions sur les droits de pêche commerciaux en Colombie-Britannique (R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507; R. c. N.T.C. Smokehouse Ltd., [1996] 2 R.C.S. 672 et R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723) ainsi que des arrêts portant sur les droits de pêche au Québec (R. c. Côté, [1996] 3 R.C.S. 139 et R. c. Adams, [1996] 3 R.C.S. 101).

(10) Voir R. c. Pamajewon, [1996] 2 R.C.S. 821, une cause qui soulève des questions d’autonomie gouvernementale relativement aux jeux de hasard à gros enjeux.

(11) (1991), 79 D.L.R. (4th) 185.

(12) L’action contre la Couronne fédérale, qui s’était jointe à la défenderesse pour des raisons de procédure, a aussi été rejetée.

(13) Pour une analyse exhaustive des motifs de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, voir la publication de la Direction de recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement, rédigée par Wendy Moss et intitulée Les droits de propriété autochtones en Colombie-Britannique (Delgamuukw c. La Reine), Étude générale 258F, mai 1991.

(14) (1993), 104 D.L.R. (4th) 470.

(15) Il faut souligner que l’argument de l’extinction générale avancé devant le juge de première instance au nom du gouvernement du Crédit social a été abandonné en appel par le gouvernement du Nouveau Parti démocratique qui venait d’être élu.

(16) Ministre des Affaires autochtones, Communiqué, « Province Suspends Treaty Negotiations with Gitxsan [sic] », 1er février 1996, accessible à l’adresse suivante :
http://www.aaf.gov.bc.ca/aaf/news/1996/ fe1996nr.htm, le site Internet du Ministère.

(17) Le juge Sopinka a assisté aux plaidoiries mais n’a pas pris part au jugement.

(18) Aux par. 1 à 72, le juge présente les faits, fait un survol de l’histoire des peuples Gitksan et Wet’suwet’en, et analyse les décisions des tribunaux de la Colombie-Britannique.

(19) Voir la section « Interprétation de l’article 35 » (p. 2).

(20) Par exemple, comme le juge de première instance n’a accordé aucune valeur probante indépendante à une forme de récits oraux ou qu’il a semé le doute sur leur authenticité, cela implique que la valeur de ces récits oraux « serait constamment et systématiquement sous-estimée par le système juridique canadien, en contravention des instructions expresses [de la Cour] à l’effet contraire » (par. 98). De même, en attendant, comme il le fait, qu’une deuxième forme de récits apporte la preuve définitive et précise d’activités autochtones avant le contact avec les Européens, le juge fixe un fardeau de preuve « dont il est presque impossible de s’acquitter » (par. 101). Enfin, le raisonnement tenu par le juge de première instance pour écarter la preuve contenue dans une troisième forme de récits oraux aurait pour effet « qu’une société possédant une telle tradition orale ne pourrait jamais faire la preuve d’une revendication historique en utilisant un récit oral en cour » (par. 106).

(21) Le juge en chef fait aussi remarquer que la constitutionnalisation des droits ancestraux reconnus en common law ne signifie pas que ces droits épuisent le contenu du paragraphe 35(1) (par. 136).

(22) En Colombie-Britannique, le processus de conclusion des traités et les principes régissant les négociations ont été établis dans le rapport de 1991 du groupe de travail de la Colombie-Britannique sur les revendications territoriales (BC Claims Task Force); ils ont été incorporés en 1992 dans l’Accord tripartite sur la Commission des traités. Conformément aux termes de l’Accord, une loi fédérale et une loi provinciale ont été adoptées pour constituer la Commission des traités de la Colombie-Britannique. La Commission est chargée de favoriser la négociation de traités dans la province, exception faite des négociations des Nisga’a qui viennent de se terminer. Elle accepte la participation des Premières nations au processus de négociation des traités; détermine à quel moment les parties sont disposées à entreprendre les négociations; octroie des fonds, surtout sous forme d’emprunts, aux Premières nations; suit l’état des négociations et en fait rapport; évalue les problèmes et prodigue des conseils; aide les parties à régler leurs différends. Deux des cinq commissaires sont nommés par le Sommet des Premières nations, tandis que le fédéral et la Colombie-Britannique en nomment chacun un. Le président de la Commission est nommé conjointement par les parties. L’actuel président, Miles Richardson, a entrepris un mandat de trois ans en novembre 1998.

(23) Commission des traités de la Colombie-Britannique, News Release, « Treaty Commission Urges Changes to Safeguard Treaty Process », Vancouver, 28 janvier 1998. Le texte du communiqué et d’autres documents de la Commission se trouvent sur Internet à l’adresse : http://www.bctreaty.net/.

(24) Commission des traités de la Colombie-Britannique, Newsletters, « Supreme Court Decision Underlines Need for Negotiation », Vancouver, février 1998.

(25) Gouvernement du Canada, Gouvernement de la Colombie-Britannique et Sommet des Premières nations, Communiqué, « Le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières nations s’entendent pour s’engager dans un examen conjoint du processus de négociation des traités en Colombie-Britannique », Vancouver, 13 mars 1998.

(26) Résolutions 2/98 et 3/98 du 11 mars 1998, confirmées en juin par la résolution 34/98 de l’Assemblée générale de l’APN. Les résolutions se trouvent à l’adresse
http://www.afn.ca/eng_main.htm

(27) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), Document d’information, « Appui accru de la part du gouvernement fédéral envers la négociation des traités en Colombie-Britannique », 7 juillet 1998. Le texte de divers documents produits par le MAINC, dont celui-ci, se trouve sur Internet à l’adresse http://www.inac.gc.ca.

(28) Bureau fédéral de négociation des traités, « Nombreuses occasions d’affaires dans le nouveau contexte post-Delgamuukw », Traités en bref, juin 1998, accessible sur Internet à l’adresse
http://www.inac.gc.ca/pubs/treaty/june98/index.html.

(29) Cabinet du chef de l’opposition, Communiqué, « Il faut légiférer un terme à l’insécurité causée par la décision sur les Delgamuukw », Ottawa, 8 juin 1998.

(30) Commission des traités de la Colombie-Britannique, Annual Report 1998, « Challenges - Delgamuukw Decision Defining Event of 1997 », Vancouver, juin 1998.

(31) Kitkatla Band c. British Columbia Minister of Forests, [1999] 2 C.N.L.R. 170. Voir le texte à la rubrique « Juin 1999 » ci-dessous et la note en bas de page connexe.

(32) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Communiqué, « Le Canada démontre son engagement à revitaliser le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique », Vancouver, 7 juillet 1998.

(33) Document d’information, note 27.

(34) Ibid.

(35) Gouvernement de la Colombie-Britannique, ministère des Affaires autochtones, News Release, « Agreement Reinvigorates Treaty Discussions with Wet’suwet’en », Smithers (C.-B.), 14 septembre 1998. Le texte du communiqué et d’autres documents rendus publics par le ministère provincial se trouvent sur Internet à l’adresse http://www.aaf.gov.bc.ca/aaf/.

(36) Gouvernement de la Colombie-Britannique, ministère des Affaires autochtones, News Release, « Agreement Renews Treaty Discussions with Gitxsan First Nation » Hazelton (C.-B.), 15 septembre 1998.

(37) Gouvernement de la Colombie-Britannique, ministère des Affaires autochtones, News Release, « Province Releases First Nations Consultation Guidelines for Government Staff », Victoria, 29 septembre 1998. Voir le titre Consultation Guidelines au site Web du ministère à la rubrique Delgamuukw.

(38) Commission des traités de la Colombie-Britannique, Newsletter, « Interim Measures Keep Peace », Vancouver, octobre 1998.

(39) Ibid., « Overlap Agreements A Must in Treaty Negotiations ».

(40) Ibid., « Commissionners Respond to Questions About Treaty Process ».

(41) Résolution 72/98 du 9 décembre 1998.

(42) Le Rapport final du Groupe d’experts sur le renforcement des capacités post-Delgamuukw se trouve sur le site Web du MAINC.

(43) Ibid., « Résumé ».

(44) Ian Dutton, « B.C. Ignoring Court, Natives Say: Negotiators Don’t Recognize Title Despite Delgamuukw, Leader Charges », Times Colonist (Victoria), 19 février 1999, p. A3.

(45) « Delgamuukw National Process », Backgrounder, disponible sur le site Web de l’APN (« Links »).

(46) Culturellement, les Gitanyow appartiennent à la première nation Gitksan.

(47) Les Gitanyow souhaitaient faire confirmer (1) que dans la négociation d’un traité avec les Gitanyow, les gouvernements fédéral et provincial sont tenus de négocier de bonne foi et de faire tous les efforts raisonnables pour conclure et signer un tel traité avec les Gitanyow, et (2) que le fait que les gouvernements fédéral et provincial concluent un traité avec les Nisga’a ou permettent la désignation, aux fins du Traité des Nisga’a, de terres ou de ressources faisant l’objet de négociations entre les Gitanyow, le Canada et la Colombie-Britannique avant que ces négociations soient conclues serait contraire à l’obligation de la Couronne de négocier de bonne foi, compromettrait la revendication des Gitanyow sur les parties « chevauchantes » de la vallée de la Nass et invaliderait le processus de traité avec les Gitanyow. Les premières nations Gitksan et Tahltan revendiquent aussi des parties du territoire du bassin de la Nass.

(48) Gitanyow First Nation v. Canada, [1999] 3 C.N.L.R. 89, par. 70-75.

(49) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Communiqué, « Le Canada investit 15 millions de dollars pour appuyer les Premières nations dans les négociations et les consultations concernant les terres et les ressources », Vancouver, 15 avril 1999; Document d’information, « L’Initiative de renforcement des capacités en Colombie-Britannique », 15 avril 1999; Bureau fédéral de négociation des traités, « 15 millions de dollars investis dans le Projet de la C.-B. en matière de capacités », Traités en bref, juin 1999, accessible sur Internet à l’adresse :
http://www.inac.gc.ca/pubs/treaty/june99/invest.html.

(50) Le résumé de l’entente de principe des Seychelt se trouve sur le site Web du MAINC et sur celui du ministère provincial.

(51) On trouvera des renseignements sur la conférence à l’adresse électronique
http://www.fraserinstitute.ca/.

(52) Peter O’Neil, « Delgamuukw Decision ‘to Have Wide Fallout’ on Native Claims: The Ruling on a B.C. Aboriginal Land Action Is Strengthening Rights Elsewhere, Experts Say », Vancouver Sun, 27 mai 1999, p. A4; « Delgamuukw Decision ‘an Unworkable Regime’: A B.C. Liberal MLA Says the Ruling Has Created a Flawed System in Trying to Reconcile Aboriginal Rights and Economic Projects », Vancouver Sun, 28 mai 1999, p. A6.

(53) On trouvera la suite de cette affaire à la rubrique « Novembre 1999 ».

(54) Les implications de l’obligation de consultation énoncée par l’arrêt Delgamuukw ont été invoquées dans plusieurs décisions : voir Kitkatla Band v. British Columbia (Minister of Small Business, Tourism and Culture), [1999] 1 C.N.L.R. 72 (C.C.S.C.), où le juge, ayant constaté que le devoir de consultation n’avait pas été rempli, a annulé la décision pour d’autres motifs dans Kitkatla Band v. British Columbia (Small Business, Tourism and Culture), dossiers VO3364 et VO3385, 19 janvier 2000 (B.C.C.A.); Chief Councillor Alice Munro v. British Columbia (Minister of Forests) et al., dossier A981672, 9 juillet 1998 (B.C.S.C.).; Halfway River First Nation v. British Columbia (Ministry of Forests), dossiers CA023526 et CA023539, 12 août 1999 (B.C.C.A.), confirmant [1997] 4 C.N.L.R. 45 (B.C.S.C.).

(55) Commission des traités de la Colombie-Britannique, Annual Report 1999, « The Legal and Political Landscape After Delgamuukw », Vancouver, juin 1999.

(56) Ibid.

(57) Commission des traités de la Colombie-Britannique, News Release, « Several Treaties with First Nations within Reach, Says Treaty Commission Annual Report Card », Vancouver, 24 juin 1999.

(58) Commission des traités de la Colombie-Britannique, Annual Report 1999, « Negotiation Funding Inadequate ».

(59) Ibid., « First Nations in Stage 4 ».

(60) « First Nations Summit Urges Governments to Implement Recommendations Contained within the 1999 BC Treaty Commission Annual Report », Canada News Wire, Vancouver, 25 juin 1999.

(61) « Smooth Road Expected for Aboriginal Treaties », Regina Leader Post, 25 juin 1999, p. C9. La position de l’UBCIC sur les titres aborigènes et les droits autochtones est affichée à l’adresse
http://www.ubcic.bc.ca/publications.htm

(62) Bureau fédéral de négociation des traités, « Les Premières nations reçoivent des fonds pour développer leurs compétences en matière de gestion des ressources et des terres », Traités en bref, novembre 1999;
http://www.inac.gc.ca/pubs/treaty/nov99/funds_f.html

(63) Résolution 5/99, 22 juillet 1999.

(64) Kim Pemberton, « Immediate Benefits Planned for Natives », Vancouver Sun, 16 septembre 1999, p. A10.

(65) Les Gitksan, par exemple, assimilant leur situation à celle des Westbank, envisageraient d’aller en cour plaider leur droit de couper du bois suivant les principes de l’arrêt Delgamuukw. En mars 1999, la Forest Appeals Board statua sur une accusation de 1995 relativement à l’entrée non autorisée sur une terre de la Couronne pour couper du bois, comportant une amende importante, que le ministère des Forêts n’avait pas tenu compte des droits des Gitksan (« Gitksan to Court in Dispute on Logging », Vancouver Sun, 10 septembre 1999, p. A29.)

(66) « First Nations Summit Passes Unanimous Resolution in Support of Westbank First Nation », Canada News-Wire, 15 septembre 1999.

(67) Notamment le Conseil tribal Porteurs-Sekani, dont les chefs s’employaient à empêcher les grandes forestières de pénétrer sur leur territoire traditionnel en l'absence de mesures forestières intérimaires qui protégeraient leurs intérêts dans l’attente de la négociation d’un traité. À leur avis, l’arrêt Delgamuukw confirme leur droit sur la ressource forestière, et ils ne comptaient pas rester les bras croisés alors que leurs gens sont sans travail et qu’ils s’endettent à négocier pour obtenir des terres dégarnies  (Conseil tribal Porteurs-Sekani, communiqué, « CSTC Supports Westbank First Nation’s Title to Their Forests », Prince George, 29 septembre 1999).

(68) Chuck Poulsen, « Both Sides in Logging Dispute Hope for Solution », Kelowna Daily Courrier, 22 septembre 1999; « Court Weighs Logging Dispute », Brantford Expositor, 24 septembre 1999, p. A9; « Court Turns Down Victoria Bid to Stop Westbank Logging », Vancouver Sun, 28 septembre 1999, p. A4; Suzanne Fournier, « Westbank Nation Logs Key to Victory : Judge Refuses to Halt Timber Cutting on Land in Dispute », Vancouver Province, 28 septembre 1999, p. A11; « Westbank Band Scores Court Victory », Victoria Times Colonist, 28 septembre 1999, p. A1; Kim Pemberton, « Province Appeals Logging-Ban Ruling : A Judge Refuses to Grant a Request to Force an End to Cutting, but the Westbank Band Stops Voluntarily », Vancouver Sun, 29 septembre 1999, p. B8.

(69) Gouvernement de Colombie-Britannique, ministères des Affaires autochtones, communiqué, « Cabinet Approves Measures to Revitalize Treaty Negociations », Victoria, 29 septembre 1999.

(70) Suzanne Fournier, « B.C. Resources Overture Brushed Off by Natives », Vancouver Province, 1er octobre 1999, p. A44.

(71) « B.C. Chiefs Seek Lumber Boycott Abroad: Leaders of Three Interior Bands Are Going to Washington, New York and Geneva in a Bid to Launch an International Campaign against Purchase of B.C. Wood… », Vancouver Sun, 21 octobre 1999, p. B7.

(72) Commission des traités de Colombie-Britannique, Newsletter, « Changes to Treaty Process May Spur Negociations », Vancouver, novembre 1999.

(73) Gouvernement de Colombie-Britannique, ministère des Affaires autochtones, communiqué, « Treaty Measures Offer Resource Opportunities for First Nations », Vancouver-Nord, 29 octobre 1999.

(74) L’honorable Dale Lovick, allocution au Sommet des Premières nations, Vancouver-Nord, 29 octobre 1999.

(75) Le Sommet des Premières nations retient l’indemnisation comme un grand enjeu dans la négociation de traités et il estime que la fin de non-recevoir des gouvernements quant à sa discussion dans le cadre des négociations est une des causes de l'absence de progrès sur la question des traités (voir Commission des traités de la Colombie-Britannique, Newsletter, « Compensation a Key Issue in Negociations », Vancouver, novembre 1999).

(76) Commission des traités de Colombie-Britannique, Newsletter, note 72.

(77) British Columbia (Minister of Forests) v. Okanagan Indian Band, [1999] B.C.J. n° 2545 (Q.L.), 12 novembre 1999.

(78) British Columbia (Minister of Forests) v. Westbank First Nation, dossier 46440, 12 novembre 1999.

(79) Commission des traités de la Colombie-Britannique, « The Treaty Commission’s Role in the Review », After Delgamuukw : The Legal and Political Landscape, Vancouver, novembre 1999.