PRB 99-32F

LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
CONVENTIONS UNANIMES DES ACTIONNAIRES

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Le 20 janvier 2000


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

TENEUR DE LA DISPOSITION

LOIS PROVINCIALES

QUESTIONS À EXAMINER

   A. Faudrait-il clarifier la définition actuelle de la « convention unanime des actionnaires »?

   B. Conviendrait-il de modifier la LCSA afin d’imposer de nouveaux critères d’admissibilité
       en sus des exigences actuelles d’unanimité?

   C. Le conseil d’administration dont les pouvoirs ont tous été transférés aux actionnaires en vertu
       d’une convention unanime des actionnaires devrait-il être éliminé?

   D. Quelles dispositions de la LCSA les actionnaires peuvent-ils exclure en vertu d’une convention
         unanime des actionnaires?

   E. Faudrait-il clarifier le paragraphe 146(5) de la LCSA concernant le transfert des responsabilités
       des administrateurs aux actionnaires?


LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS :
CONVENTIONS UNANIMES DES ACTIONNAIRES

 

INTRODUCTION

En 1975, on a ajouté à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) une disposition visant les conventions unanimes des actionnaires. Considérée comme un élément novateur au moment de son adoption, la disposition visait à donner aux actionnaires de sociétés privées plus de souplesse dans la gestion des affaires internes de leur entreprise. Elle supplantait également la règle de common law selon laquelle une convention ayant pour objet d’entraver la discrétion des administrateurs était nulle.

Le présent document traite la disposition sur les conventions unanimes des actionnaires de la LSCA.

TENEUR DE LA DISPOSITION

Une convention unanime des actionnaires est une entente conclue entre tous les actionnaires d’une société relativement à la direction de cette dernière. Il s’agit à la fois d’un contrat entre actionnaires et d’un instrument autorisé par la loi qui porte sur la régie interne de la société.

Énoncée à l’article 146 de la LCSA, la disposition sur la convention unanime des actionnaires prévoit ce qui suit :

  1. Convention de vote — Des actionnaires peuvent conclure entre eux une convention écrite régissant l’exercice de leur droit de vote.

  2. Unanimité des actionnaires —  Est valide, si elle est par ailleurs licite, la convention écrite conclue par tous les actionnaires d’une société soit entre eux, soit avec des tiers, qui restreint en tout ou en partie les pouvoirs des administrateurs de gérer les affaires tant commerciales qu’internes de la société.

  3. Déclaration de l’actionnaire unique — Est réputée une convention unanime des actionnaires la déclaration écrite de l’unique et véritable propriétaire de la totalité des actions émises de la société, qui restreint, même partiellement, les pouvoirs de gestion des administrateurs dans les affaires tant internes que commerciales de la société.

  4. Présomption — Sous réserve du paragraphe 49(8), le cessionnaire d’actions assujetties à une convention unanime des actionnaires est réputé être partie à celle-ci.

  5. Droits des actionnaires — Les droits, pouvoirs et obligations, qu’une convention unanime d’actionnaires enlèvent aux administrateurs, sont assumés par tout actionnaire partie à cette convention; les administrateurs sont déchargés des obligations et responsabilités corrélatives, notamment de la responsabilité visée à l’article 119, conformément à la convention.

Le paragraphe 146(2) peut être utilisé pour restreindre les pouvoirs des administrateurs d’une société. Toutefois, même dépouillé de ses pouvoirs, le conseil d’administration reste en place.

LOIS PROVINCIALES

Les lois sur les sociétés par actions de certaines provinces comportent des dispositions sur les conventions unanimes des actionnaires, alors que ce n’est pas le cas dans d’autres provinces.

Par exemple, les dispositions de la loi de l’Alberta intitulée Business Corporations Act sont plus détaillées que celles de la LCSA; les éléments suivants, entre autres, peuvent être visés par une convention unanime des actionnaires :

  • la réglementation des droits et des responsabilités des actionnaires en cette qualité, entre eux ou encore entre eux et toute autre partie à la convention;

  • la réglementation de l’élection des administrateurs;

  • la gestion des affaires tant commerciales qu’internes de la société, y compris la limitation ou l’abrogation, en tout ou en partie, des pouvoirs des administrateurs; et

  • toute autre question pouvant être traitée dans une convention unanime des actionnaires conformément à toute autre disposition de la loi.

QUESTIONS À EXAMINER

En avril 1996, Industrie Canada a publié un document de consultation sur les conventions unanimes des actionnaires(1). Entre autres, les auteurs de ce document passent en revue les dispositions actuelles de la LCSA, examinent un certain nombre de questions précises et présentent différentes options en vue d’un éventuel changement.

Il se demandent :

  • si la définition actuelle de « convention unanime des actionnaires » requiert des éclaircissements;

  • s’il conviendrait de modifier la LCSA pour imposer de nouveaux critères d’admissibilité en sus des exigences actuelles d’unanimité;

  • si le conseil d’administration dont tous les pouvoirs ont été transférés aux actionnaires en vertu d’une convention unanime des actionnaires devrait être éliminé;

  • à quelles dispositions de la LCSA les actionnaires pourraient se soustraire en vertu d’une convention unanime des actionnaires;

  • s’il y aurait lieu de clarifier le paragraphe 146(5) de la LCSA concernant le transfert des responsabilités des administrateurs aux actionnaires.

   A. Faudrait-il clarifier la définition actuelle de « convention unanime des actionnaires »?

La clarification de la définition actuelle suppose qu’on décide si une telle entente doit « restreindre » expressément les pouvoirs des administrateurs de gérer les affaires de la société.

Selon le document, à l’heure actuelle, l’expression « convention unanime des actionnaires » définie au paragraphe 2(1) signifie « une convention visée au paragraphe 146(2) ou une déclaration d’un actionnaire visée au paragraphe 146(3) », qui précisent tous deux que la convention ou la déclaration écrites doit « restreindre » les pouvoirs des administrateurs de gérer les affaires de la société. Par conséquent, une convention qui « restreint » les pouvoirs des administrateurs et qui est conclue par tous les actionnaires d’une société constitue une convention unanime des actionnaires. Si elle ne restreint pas les pouvoirs du conseil, elle ne constitue pas une telle convention(2).

Comme nous l’avons indiqué plus haut, la définition large de « convention unanime des actionnaires » contenue dans la Business Corporation Act de l’Alberta inclut des ententes qui régissent : i) les droits et obligations des actionnaires et des autres parties à la convention; ii) l’élection des administrateurs; iii) la direction de la société, y compris la restriction ou l’abrogation des pouvoirs des administrateurs; et iv) d’autres questions pouvant être traitées dans une convention unanime des actionnaires selon les dispositions de la loi en question.

En outre, la loi permet aux actionnaires de désigner à titre de convention privée ce qui constituerait une convention unanime des actionnaires.

Les auteurs du document de consultation présentent les options suivantes à cet égard :

  1. maintenir le statu quo : pour être admissible à titre de convention unanime des actionnaires, la convention devrait restreindre le pouvoir des administrateurs de gérer la société;

  2. adopter la démarche de la Business Corporation Act de l’Alberta; adopter une définition large de convention unanime des actionnaires et permettre qu’une convention qui constituerait autrement une convention unanime des actionnaires soit désignée comme convention entièrement privée;

  3. adopter la démarche de l’Alberta énoncée à l’alinéa ii) ci-dessus, mais préciser que seule une convention unanime des actionnaires pourrait restreindre les pouvoirs des administrateurs.

Les auteurs du document ne présentent pas de recommandation précise. Toutefois, du point de vue des politiques, il conviendrait peut-être d’élargir la définition de convention unanime des actionnaires afin que ces ententes puissent être adaptées aux besoins d’une société particulière.

   B. Conviendrait-il de modifier la LCSA afin d’imposer de nouveaux critères d’admissibilité
         en sus des exigences actuelles d’unanimité?

Une convention unanime des actionnaires doit être écrite, par ailleurs licite et unanime. Il n’y a aucune restriction fondée sur le nombre d’actionnaires ou le genre de société.

Dans le document de consultation, il est indiqué qu’étant donné qu’une une convention unanime des actionnaires peut entraîner des « dérogations » à certaines exigences du droit des sociétés, certaines autorités ont décidé d’en restreindre le recours aux sociétés dont le nombre d’actionnaires n’excède pas un certain plafond(3).

Les options présentées dans le document au sujet de l’admissibilité sont les suivantes :

  1. maintenir le statu quo;

  2. restreindre le recours aux conventions unanimes des actionnaires aux sociétés n’ayant pas fait appel au public ou aux sociétés privées;

  3. restreindre le recours aux conventions unanimes des actionnaires aux sociétés comptant au plus 15 actionnaires(4).

Les auteurs du document de consultation n’arrivent à aucune conclusion quant à savoir s’il convient d’imposer des critères d’admissibilité en sus des exigences actuelles d’unanimité. Dans une large mesure, la méthode actuelle est plutôt limitative, car une fois qu’une société dépasse un certain nombre d’actionnaires, il peut s’avérer difficile d’obtenir l’unanimité. En outre, puisque les conventions unanimes ont tendance à être utilisées par des sociétés ayant un nombre relativement restreint d’actionnaires, il n’est peut-être pas nécessaire d’imposer des limites additionnelles.

   C. Le conseil d’administration dont les pouvoirs ont tous été transférés aux actionnaires
        en vertu d’une convention unanime des actionnaires devrait-il être éliminé?

Une convention unanime des actionnaires permet le transfert de tous les droits, pouvoirs, obligations et responsabilités des administrateurs aux actionnaires de la société. Toutefois, la LCSA ne permet pas l’élimination du conseil même s’il est privé de pouvoirs. Il a été signalé que ce dernier devient peut-être superflu après que tous ses pouvoirs ont été transférés aux actionnaires.

Parmi les options présentées dans le document de discussion, mentionnons les suivantes :

  1. maintenir l’exigence actuelle d’un conseil d’administration;

  2. permettre aux actionnaires de petites sociétés (p. ex., des sociétés fermées dont les revenus sont inférieurs à cinq millions de dollars ou des sociétés définies par un autre plafond précis) de conclure des conventions unanimes des actionnaires qui transfèrent à ceux-ci tous les droits, pouvoirs, obligations et responsabilités des administrateurs, et d’éliminer le conseil. Les actionnaires de grandes sociétés pourraient transférer une partie, non la totalité, des pouvoirs des administrateurs et devraient maintenir un conseil d’administration;

  3. interdire aux actionnaires constitués en société de conclure des conventions unanimes des actionnaires qui transfèrent tous les pouvoirs des administrateurs et d’éliminer le conseil (tout en permettant aux actionnaires qui sont des personnes physiques de le faire);

  4. permettre aux actionnaires constitués en société de conclure des conventions unanimes des actionnaires qui transfèrent tous les pouvoirs des administrateurs et d’éliminer le conseil, mais exiger qu’au moins une personne physique (p. ex., les administrateurs de la société mère) soit également partie à la convention et que tous les pouvoirs des administrateurs lui soient transférés;

  5. permettre aux actionnaires de toutes les sociétés régies par la LCSA de conclure des conventions unanimes des actionnaires qui transfèrent tous les pouvoirs des administrateurs et d’éliminer le conseil;

  6. exiger l’élimination du conseil lorsqu’une convention unanime des actionnaires transfère tous les pouvoirs des administrateurs(5).

Dans le document de consultation, il n’est fait aucune recommandation visant l’élimination du conseil d’administration après le transfert de ses pouvoirs aux actionnaires. Il est douteux que la LCSA soit modifiée pour permettre l’élimination complète du conseil. Une telle proposition serait controversée et entrerait en nette contradiction avec la tradition des entreprises. En ce qui concerne les petites sociétés fermées, cependant, il est possible de présenter de bons arguments en faveur de l’élimination du conseil car celui-ci risque de devenir superflu après le transfert de ses droits, obligations et responsabilités aux actionnaires, qui sont habituellement les mêmes que les administrateurs.

   D. Quelles dispositions de la LCSA les actionnaires peuvent-ils exclure
        en vertu d’une convention unanime des actionnaires?

En vertu de l’article 146, une convention peut restreindre, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de gérer les affaires tant commerciales qu’internes de la société. La LCSA énonce expressément qu’un certain nombre de dispositions peuvent faire l’objet d’une « exclusion » au moyen d’une convention unanime des actionnaires. Ce sont : l’article 102 — le pouvoir général des administrateurs de gérer la société; le paragraphe 6(3) — le pouvoir d’augmenter le nombre de voix nécessaires à l’adoption de certaines mesures par les administrateurs ou par les actionnaires; l’article 25 — le pouvoir des administrateurs d’émettre des actions; l’article 103 — le pouvoir de prendre, de modifier ou de révoquer tout règlement administratif; l’article 121 — la nomination des dirigeants; l’article 125 — le pouvoir des administrateurs d’établir la rémunération; l’article 189 — les pouvoirs d’emprunt de la société; et l’alinéa 214(1)b) — la dissolution de la société à la demande d’un actionnaire. Toutefois, rien n’indique que cette liste est exhaustive ou qu’elle devrait l’être(6).

Les auteurs du document de consultation indiquent qu’il conviendrait peut-être d’examiner la nature des dispositions de la LCSA pouvant être exclues par les actionnaires en vertu d’une convention unanime. Il y a trois options à cet égard : 1) une liste exhaustive des exigences législatives pouvant faire l’objet d’une exclusion; 2) une liste des exigences législatives ne pouvant faire l’objet d’une exclusion en vertu d’une convention unanime; ou 3) une clause omnibus pour regrouper les dispositions de la loi ne pouvant faire l’objet d’une exclusion ou celles qui peuvent faire l’objet de dérogation(7).

Les auteurs du document de consultation n’arrivent à aucune conclusion quant à savoir s’il devrait exister une liste exhaustive de dispositions législatives qui peuvent ou ne peuvent pas être exclues en vertu d’une convention unanime des actionnaires. Toutefois, il serait peut-être utile de disposer d’une telle liste, ne fût-ce que pour clarifier la portée d’une convention unanime des actionnaires.

   E. Faudrait-il clarifier le paragraphe 146(5) de la LCSA concernant
       le transfert des responsabilités des administrateurs aux actionnaires?

Le paragraphe 146(5) de la LCSA ne stipule pas expressément que, là où on a adopté une convention unanime, les actionnaires assument les responsabilités dont les administrateurs sont déchargés, en plus de leurs « droits, pouvoirs et obligations ». Il n’est peut-être pas clair, en vertu de la LCSA, que les actionnaires ayant assumé les pouvoirs des administrateurs aux termes d’une convention unanime supportent aussi les responsabilités législatives correspondantes, et si les administrateurs y demeurent assujettis(8).

Par exemple, la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario stipule que les actionnaires assument les responsabilités et obligations des administrateurs et que ces derniers en sont libérés dans la même mesure.

Les auteurs du document de consultation présentent plusieurs options touchant la question des responsabilités. Ce sont :

  1. maintenir le statu quo; et

  2. modifier l’article 146 pour préciser que

    1. les actionnaires assumeraient tant les responsabilités des administrateurs que leurs droits, pouvoirs et obligations, et que les administrateurs seraient déchargés de leurs responsabilités dans la même mesure,

    2. les obligations et responsabilités des administrateurs en common law et aux termes de lois diverses passent aux actionnaires, et

    3. les défenses qu’auraient pu faire valoir les administrateurs par rapport à certaines responsabilités sont offertes aux actionnaires(9).

Il est probable que le gouvernement modifiera la LCSA pour préciser qu’en vertu d’une convention unanime des actionnaires, ceux-ci assument les responsabilités des administrateurs.


(1) Industrie Canada, Loi canadienne sur les sociétés par actions, Document de consultation, Conventions unanimes des actionnaires, avril 1996.

(2) Ibid., p. 24.

(3) Ibid., p. 27.

(4) Ibid., p. 29.

(5) Ibid., p. 47-48.

(6) Ibid., p. 57.

(7) Ibid., p. 58.

(8) Ibid., p. 32-33.

(9) Ibid., p. 34.