91-6F

 

DROIT À LA VIE, À LA LIBERTÉ ET À LA SÉCURITÉ
DE LA PERSONNE EN VERTU DE LA CHARTE

 

Rédaction :
Marilyn Pilon
Division du droit et du gouvernement
Révisé le
19 février 2000


TABLE DES MATIÈRES

 

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution

   B.  Justice fondamentale : article 7

      1.  Portée de l'article
      2.   Application générale de l'article 7 en droit pénal

         a.  Mens rea ou intention coupable
        
b.  Intoxication
        
c.  Aliénation mentale
        
d.  Droit de présenter une défense pleine et entière
        
e.  Droit de garder le silence
        
f.  Règles de preuve
        
g.  Notion d'imprécision
        
h.  Portée excessive
        
i.  Longueur du délai écoulé avant que des accusations ne soient portées

MESURES PARLEMENTAIRES

   A.  Projet de loi C-49; Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle),
         L.C. 1992, chap. 38

   B.  Projet de loi C-30; Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux), L.C. 1991,
        chap. 43, proclamation le 4 février 1992, sauf les articles 672.64 et 672.66 du
        Code Criminel, édictés aux articles 4, 5, 6 et 13 ainsi qu'au paragraphe 10(8)

   C.  Projet de loi C-72; Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire),
         L.C. 1995, chap. 32

   D.  Projet de loi C-46; Loi modifiant le Code criminel (communications de dossiers
        
dans les cas d'infraction d'ordre sexuel), L.C. 1997, chap. 30

JURISPRUDENCE


DROIT À LA VIE, À LA LIBERTÉ ET À LA SÉCURITÉ
DE LA PERSONNE EN VERTU DE LA CHARTE*

DÉFINITION DU SUJET

La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur le 17 avril 1982. Les garanties juridiques que confère la Charte sont prévues aux articles 7 à 14. Ces articles portent notamment sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, les droits de l’inculpé lors de son arrestation, le droit de l’inculpé au respect de certaines procédures dans les affaires criminelles et pénales et le droit à la protection contre les traitements ou peines cruels et inusités.

La jurisprudence relative à ces articles est désormais abondante; dans le présent document, nous nous attachons aux jugements marquants rendus par les cours d’appel provinciales et par la Cour suprême du Canada sur l’application de l’article 7, dont voici le libellé :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution

Lorsqu’on analyse les décisions des tribunaux rendues en application de l’article 7, il importe de ne pas perdre de vue que la Charte fait partie de la Constitution du Canada et qu’en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ».

On pourrait soutenir que ces deux articles de la Charte constituent une tentative délibérée d’empêcher les tribunaux canadiens d’exercer une influence comparable à celle des tribunaux américains, de manière à préserver, dans une certaine mesure, la tradition canadienne de la suprématie parlementaire. En effet, l’article premier permet aux corps législatifs d’imposer des limites raisonnables aux libertés, tandis que l’article 33 leur permet d’adopter des lois indépendamment des dispositions prévues dans certains articles de la Charte.

Dans l’arrêt Southam, la Cour suprême du Canada a souligné que « l’interprétation d’une constitution et l’explication d’une loi sont deux tâches fondamentalement différentes ». Au moment de se prononcer sur l’application de la Charte, il importe de reconnaître qu’il s’agit d’un document dont « l’objectif est de garantir et de protéger dans des limites raisonnables la jouissance des droits et libertés qu’elle accorde. Elle est censée empêcher le gouvernement de poser des gestes incompatibles avec ces droits et libertés, non l’autoriser à y déroger ».

Ces différences de principe entre la Charte et la déclaration américaine des droits servent de toile de fond à la présente étude des garanties juridiques prévues à l’article 7 de la Charte. Nous y présentons des commentaires sur les questions susceptibles de surgir au moment de l’interprétation et de la mise en application de la disposition en cause; nous y donnons ensuite un aperçu de certaines décisions récentes des tribunaux en vue d’illustrer les incidences de ces dispositions sur le système de justice pénale du Canada.

   B. Justice fondamentale : article 7

Pour les tribunaux appelés à donner pleinement effet à la Charte, l’article 7 comporte deux difficultés principales. Premièrement, ils doivent déterminer ce qu’englobe le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne » et, deuxièmement, ce qu’il faut entendre par « principes de justice fondamentale ».

Pour ce qui concerne le « droit à la vie », certaines dispositions relatives au début ou à la fin de la vie ont été contestées. Quant au « droit à la liberté », toute disposition prévoyant une peine d’emprisonnement pourrait être contestée, de même que, dans un pénitencier, toute mesure disciplinaire ou de sécurité comprenant la prolongation de la détention ou dictant les conditions de libération conditionnelle ou de mise en liberté. Par exemple, dans l’affaire Cunningham c. Canada, la Cour suprême du Canada a statué que les modifications apportées en 1986 à la Loi sur la libération conditionnelle et permettant la détention continue de prisonniers qui seraient autrement admissibles à une liberté surveillée, influaient sur le droit à la liberté protégé par l’article 7.

Le « droit à la sécurité de la personne » pourrait toucher les dispositions qui prévoient des traitements médicaux ou psychiatriques, la stérilisation ou d’autres formes d’ingérence de l’État. Par exemple, la Cour suprême du Canada a statué que l’article 7 de la Charte protège l’intégrité psychologique des personnes et peut être invoqué dans les causes relatives à la protection de l’enfant. Dans l’arrêt Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), elle a conclu que le retrait par l’État de la garde d’un enfant au parent à qui elle incombe « porte gravement atteinte à l’intégrité psychologique du parent ». En conséquence, l’article 7 garantit le droit à un procès équitable quand il s’agit de trancher des questions relatives à la garde d’enfants. Lorsque la représentation par un avocat est essentielle à l’obtention d’un procès équitable, le fait de ne pas assurer les services d’un avocat à des parents indigents peut constituer une violation de l’article 7 de la Charte. Le juge de première instance doit évaluer la nécessité d’être représenté par un avocat en tenant compte de l’importance des intérêts en jeu, de la complexité des procédures et de l’aptitude des parents. La Cour a aussi conclu qu’on ne peut invoquer les limites mentionnées à l’article 1 de la Charte pour violer l’article 7 parce que « les effets nocifs de la ligne de conduite excèdent de beaucoup les effets bénéfiques pouvant résulter d’éventuelles économies budgétaires ».

La Cour suprême du Canada a prononcé un certain nombre d’arrêts déterminants qui ont eu pour effet de préciser le sens et la portée de l’expression « principes de justice fondamentale ». Dans le Renvoi sur la B.C. Motor Vehicle Act, elle a statué que l’expression constituait non pas un droit, mais un modificatif du droit de ne pas voir porter atteinte « à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne », c’est-à-dire qu’elle a pour rôle d’établir les paramètres de ce droit. La Cour a refusé de s’engager dans une analyse en profondeur de la teneur de l’expression et a plutôt statué que « les principes de justice fondamentale se trouvent non seulement dans les préceptes de notre procédure judiciaire, mais aussi dans les autres composantes de notre système juridique ». Dans des arrêts ultérieurs, elle a statué que, pour déterminer quels sont ces préceptes, il faut examiner la mesure incriminée « en tenant compte des principes et des politiques applicables qui sont à l’origine de la pratique législative et judiciaire dans le domaine ». Selon la Cour, ces pratiques avaient pour objectif d’établir « [...] un juste équilibre entre les droits individuels et l’intérêt public, ces deux facteurs étant déterminants lorsqu’il s’agit de déterminer si des dispositions données violent les principes de justice fondamentale ». C’est cet équilibre que les tribunaux tentent d’atteindre dans les affaires relatives à l’application de la Charte.

Dans l’affaire Thomson Newspaper Ltd. la Cour suprême a estimé que l’article 8 (le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives) et l’article 14 (le droit à l’assistance d’un interprète devant le tribunal) de la Charte « visent des atteintes spécifiques « au droit » à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne qui violent les principes de justice fondamentale et qui, à ce titre, constituent des violations de l’article 7 ». Ces articles, ainsi que d’autres, fournissent une « indication exceptionnelle » quant au sens de l’expression « principes de justice fondamentale ».

À l’instar de jugements antérieurs, l’arrêt Thomson renvoie à des dispositions précises de la Charte à titre d’indications quant au sens. La Cour a statué que l’alinéa 11c) (le droit de l’inculpé de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans une poursuite intentée contre lui pour l’infraction qu’on lui reproche) et l’article 13 (la protection contre l’auto-incrimination également connue comme « le droit de garder le silence ») apportent un éclaircissement sur le sens de l’expression. Le tribunal a donc statué que l’article 7 pouvait « protéger le particulier contre l’injustice fondamentale qui découle de déclarations incriminantes dans des circonstances non visées par l’alinéa 11c) et l’article 13 ». La Cour a cependant précisé que les exigences de la justice fondamentale « varient selon le contexte » et que les garanties prévues à l’alinéa 11c) et à l’article 13, même en tenant compte de l’article 7, ne sont pas absolues; par conséquent, même si l’article 7 reconnaît à une personne le droit à un procès équitable, « il ne lui donne pas le droit de bénéficier des procédures les plus favorables que l’on puisse imaginer ».

Ce n’était pas la première fois que la Cour exprimait ce point de vue. Son intention n’était pas de restreindre les protections assurées par la Charte, car elle reprenait, pour l’essentiel, ce qu’elle avait dit en 1988 dans l’affaire Beare, à savoir que, « comme d’autres dispositions de la Charte, l’article 7 doit être interprété en fonction des intérêts qu’il est censé protéger. Il doit recevoir une interprétation généreuse, mais il est important de ne pas outrepasser le but réel du droit en question ».

Dans l’affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a été appelée à déterminer dans quelle mesure les « principes de justice fondamentale » devraient être respectés dans toute législation susceptible de priver une personne du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité. La question en litige portait sur la validité de l’alinéa 241b) du Code criminel, qui interdit à quiconque d’aider ou d’encourager quelqu’un à se donner la mort. L’appelante, atteinte d’une maladie évolutive et débilitante en phase terminale, demandait à obtenir un jugement déclaratoire qui autoriserait un médecin à l’aider à mettre fin à ses jours lorsqu’elle ne serait plus en mesure de le faire seule.

La majorité a confirmé le jugement rendu par le tribunal d’instance inférieure. Tout en tenant compte de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Morgentaler, le juge Hollinrake a statué que, comme la loi ne reconnaît pas que le suicide réalisé avec l’aide d’un médecin cadre avec les valeurs de la société d’aujourd’hui, on ne peut soutenir que le fait pour une personne d’être privée du droit de se suicider avec l’aide d’un médecin va à l’encontre des principes de justice fondamentale. Partageant la même opinion, la juge Proudfoot s’est dite d’avis que les grandes questions d’ordre religieux, éthique, moral et social qui sous-tendent cette cause ne peuvent être tranchées par un tribunal, sur preuve par affidavit, à la demande d’une seule personne. Par contre, le juge en chef McEachern a déclaré que l’article 241 portait atteinte au droit à la liberté et à la sécurité de l’appelante, droit garanti par l’article 7 de la Charte, au motif que toute disposition qui impose, pendant une période indéterminée, une souffrance physique et psychologique inutile à une personne qui, de toute façon, n’a plus beaucoup de temps à vivre, ne peut être jugée conforme aux principes de justice fondamentale. De plus, il a déclaré que, selon lui, cette atteinte ne peut être justifiée en vertu de l’article premier puisqu’elle ne respecte pas le critère de l’atteinte minimale. Au lieu d’invalider l’article 241, qui viole l’article 7 de la Charte uniquement pour son application à l’appelante, le juge en chef aurait statué que, conformément aux conditions établies par le tribunal, ni l’appelante, ni le médecin qui l’aiderait à tenter de se suicider, ou à se suicider ne serait coupable d’une infraction.

Le 30 septembre 1993, dans une décision majoritaire de cinq voix contre quatre, la Cour suprême du Canada a statué que l’alinéa 241b) empiète sur son droit à la sécurité de sa personne garanti par l’article 7, mais qu’il ne va pas à l’encontre des principes de justice fondamentale. Par contre, dans une opinion dissidente, Madame le juge McLachlin a soutenu que l’alinéa 241b) contrevient aux principes de justice fondamentale en privant l’appelante de son droit de faire ce qu’elle veut de son corps. Qui plus est, à son avis, la loi ne peut être manifestement justifiée en vertu de l’article premier, puisqu’une interdiction absolue du suicide réalisé avec l’aide d’un médecin n’est pas nécessaire pour protéger une personne vulnérable; les dispositions actuelles du Code criminel, assorties de l’obligation d’obtenir une ordonnance de la cour pour permettre à la personne de recevoir de l’aide, assureraient une telle protection. Pour sa part, le juge en chef Lamer, également dissident, aurait déclaré l’alinéa 241b) invalide parce qu’il empiète sur les droits à l’égalité garantis en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte, puisqu’il prive de l’option de choisir le suicide les personnes qui sont incapables de s’enlever la vie sans aide.

L’article 7 est souvent invoqué à titre supplétif devant les tribunaux qui sont appelés à appliquer la Charte, la Cour suprême et certains tribunaux d’instance inférieure ayant successivement statué qu’il assurait une protection supplémentaire à certains droits précis comme ceux garantis par les dispositions de l’article 8 et de l’alinéa 11c). Ainsi, les parties qui saisissent les tribunaux sur le fondement de la Charte invoquent l’article 7 à titre subsidiaire par rapport à d’autres dispositions de la Charte. La Cour suprême du Canada a toujours soutenu (comme dans l’arrêt Thomson Newspapers Ltd. prononcé en 1990) qu’en fin de compte, la justice fondamentale consiste en l’équité de la procédure judiciaire.

      1. Portée de l'article

Dans l’affaire Operation Dismantle, la Section d’appel de la Cour fédérale a tenté de restreindre la portée de l’article 7. Selon certains juges, cet article ne confère aucun droit absolu et indépendant à la vie ou à la sécurité de la personne. Pour sa part, le juge Pratte a estimé qu’il ne devait pas être interprété de façon à permettre aux tribunaux de substituer leur avis à celui du législateur et du gouvernement sur des questions purement politiques. La Cour suprême du Canada a rejeté le pourvoi interjeté par Operation Dismantle, mais statué que les tribunaux pouvaient examiner les décisions du Cabinet fédéral pour s’assurer que le gouvernement canadien respecte son obligation générale d’agir en conformité avec les prescriptions de la Charte. Cette décision met en évidence le dilemme auquel un tribunal peut faire face lorsqu’il s’efforce de ne pas substituer son avis à celui du gouvernement, tout en tentant de déterminer si la politique de celui-ci viole les dispositions de la Charte.

Malgré ce dilemme, il est clair que la Cour suprême est disposée, dans certains circonstances, à s’appuyer sur l’article 7 de la Charte pour soutenir le droit d’un particulier de contester une décision du pouvoir exécutif et du gouvernement. Dans l’affaire Nelles, la Cour a statué que le citoyen lésé par les actions d’un procureur de la Couronne ayant agi avec malveillance dans l’exercice abusif de ses fonctions pouvait intenter, au civil, une poursuite en dommages-intérêts ou invoquer la Charte pour obtenir réparation. Cette décision rompt avec la tradition séculaire d’immunité absolue dont jouissent les procureurs généraux et leurs mandataires. La Cour a déterminé qu’une poursuite malveillante en est une qui prive un particulier du droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, contrairement aux principes de justice fondamentale.

Dans l’affaire Kindler c. Canada (Ministère de la justice) et le Renvoi relatif à l’extradition de Ng (Canada), la Cour suprême du Canada a manifesté, quant à l’application de l’article 7, une très grande déférence à l’endroit des décisions prises par le gouvernement en matière d’extradition. La ministre de la Justice avait accepté d’autoriser l’extradition de personnes passibles de la peine de mort aux États-Unis sans obtenir au préalable l’assurance que ce châtiment ne serait pas infligé. La Cour devait déterminer si la décision de la ministre avait pour effet de violer les droits de ces personnes aux termes des articles 7 et 12 de la Charte.

Une majorité de quatre juges contre trois a confirmé le principe que la Cour avait déjà énoncé dans Canada c. Schmidt, à savoir que, dans une affaire d’extradition, il y a violation de l’article 7 lorsque la peine pouvant être infligée dans l’État étranger est suffisamment contraire aux valeurs des Canadiens. Lorsqu’il s’agit d’évaluer les intérêts contradictoires inhérents à une affaire d’extradition, le gouvernement est susceptible d’être mieux informé que le tribunal. Par conséquent, les tribunaux ne doivent intervenir que dans les cas qui le justifient vraiment.

Comme il n’existe pas, au Canada, de consensus voulant que la peine capitale soit moralement odieuse, la Cour a conclu qu’il n’était pas absolument inadmissible de permettre l’extradition sans obtenir au préalable une certaine assurance à cet égard. En outre, le fait d’exiger de la ministre qu’elle obtienne l’assurance que la peine de mort ne serait pas demandée conférerait une application extra-territoriale à la Charte. Or, la courtoisie internationale veut que le Canada n’insiste pas résolument, dans tous les cas, pour que le droit applicable dans l’État qui demande l’extradition soit conforme au droit applicable au Canada.

Au moyen de motifs vigoureux, trois juges dissidents ont cependant statué que la peine de mort était en soi une peine cruelle et inusitée qui, par conséquent, était contraire à l’article 12 de la Charte. Deux de ces juges dissidents ont conclu que, même si la Charte ne s’appliquait pas à l’extérieur des frontières, toute personne se trouvant au Canada devait bénéficier de son application intégrale. Selon les trois juges dissidents, la ministre de la Justice aurait dû, dans ces cas, obtenir des assurances avant de permettre l’extradition.

      2. Application générale de l'article 7 en droit pénal

Peu après l’adoption de la Charte, les tribunaux ont exprimé leur intention générale d’appliquer l’article 7 de manière restreinte afin de ne pas modifier les principes établis en droit pénal. À titre d’exemple, indiquons que dans l’affaire Balderstone, le tribunal a statué que cet article ne visait pas l’article du Code criminel qui autorise le procureur général à porter une accusation contre un inculpé même lorsque ce dernier est libéré à l’issue de l’enquête préliminaire.

Les tribunaux ont statué que les lois prévoyant des peines minimales ne sont pas contraires à cet article. Dans l’affaire Gustavson, le tribunal a statué que les dispositions du Code criminel relatives aux délinquants dangereux ne violent pas l’article 7 de la Charte; celui-ci a cependant été invoqué, ultérieurement, pour justifier l’examen des critères d’incarcération de délinquants dangereux.

         a. Mens rea ou intention coupable

L’une des principales conséquences de l’application de l’article 7 en droit pénal a été l’examen par les tribunaux de l’élément moral (mens rea) requis à l’égard de certains crimes, par suite du jugement rendu dans le Renvoi sur la B.C. Motor Vehicle Act. Dans cet arrêt, la Cour suprême a rejeté l’argument selon lequel l’article 7 et les articles 8 à 14 ne constituaient que des garanties procédurales et a statué que certains de ceux-ci avaient une portée plus étendue. En fait, la Cour s’est appuyée sur l’article 7 pour se prononcer sur la teneur des dispositions législatives en cause. Il s’ensuit que les tribunaux doivent désormais s’assurer que la définition d’un acte criminel établie par le législateur n’est pas incompatible avec les principes de justice fondamentale, lorsque l’auteur de l’acte criminel s’expose à la privation de la vie, de la liberté ou de la sécurité de sa personne.

Dans le Renvoi sur la B.C. Motor Vehicle Act, la Cour a procédé à l’examen d’une loi provinciale qui assimilait à une infraction le fait de conduire un véhicule en étant muni d’un permis suspendu, même lorsque le titulaire du permis ignorait la suspension, et qui permettait de prononcer une peine d’emprisonnement. La Cour suprême a statué que la responsabilité absolue était contraire aux principes de justice fondamentale et, compte tenu de la possibilité d’une peine d’emprisonnement, violait l’article 7 de la Charte. L’inculpé passible d’une peine d’emprisonnement doit, à tout le moins, avoir une certaine culpabilité morale, c’est-à-dire avoir au moins fait preuve de négligence avec présomption de responsabilité. Ainsi, l’inculpé pourrait faire valoir le moyen de défense de la diligence raisonnable.

Dans R. c. Vaillancourt, la Cour suprême a invalidé l’alinéa 213d) (remplacé par l’alinéa 230d)) du Code criminel qui définissait le meurtre comme la perpétration, à l’aide d’une arme, de l’une ou l’autre des infractions qui y sont énumérées, entraînant la mort. Suivant le libellé de cette disposition, un inculpé pouvait être déclaré coupable même s’il n’avait aucune intention d’utiliser l’arme à des fins meurtrières, notamment, lorsqu’une arme à feu était déchargée accidentellement, et causait la mort d’une personne. La majorité des juges de la Cour a jugé que le caractère hautement répréhensible du meurtre dans notre société justifie l’opprobre et la peine qui se rattachent à la déclaration de culpabilité de meurtre. L’article 7 exige donc que l’on établisse l’existence d’un élément moral quant à la nature particulière de ce crime. Cet élément est présent lorsqu’une personne a l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles susceptibles de causer la mort, sans se soucier que la mort en résulte ou non. La Cour a cependant statué que cela n’était même pas nécessaire. L’article 7 exige au minimum que l’infraction s’accompagne d’une perception objective du risque de décès, c’est-à-dire le fait qu’une personne raisonnable aurait, en commettant l’infraction, prévu que celle-ci causerait probablement la mort de la victime. Comme l’alinéa en cause (l’alinéa 213d) du Code) permettait de prononcer une déclaration de culpabilité de meurtre même lorsqu’une personne raisonnable n’aurait pu prévoir cette possibilité, il a été déclaré inopérant.

Dans R. c. Martineau, la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle une infraction de meurtre semblable à celle qui avait été invalidée dans l’affaire Vaillancourt. La disposition en cause, l’alinéa 213a) (remplacé depuis par l’alinéa 230a)) du Code criminel, prévoyait une condamnation pour meurtre lorsque la mort résultait de lésions corporelles infligées pendant la perpétration d’une infraction ou la fuite subséquente à celle-ci. Dans cette affaire, la Cour a confirmé, sur une question de droit, l’avis qu’elle avait exprimé dans l’affaire Vaillancourt, c’est-à-dire qu’une condamnation pour meurtre doit se fonder sur une preuve hors de tout doute raisonnable de la prévision subjective de la mort.

La prévision subjective des conséquences ne sera toutefois pas exigée pour toutes les infractions criminelles. Dans l’arrêt DeSousa c. La Reine, la Cour suprême a examiné la mens rea requise qui, aux termes du Code criminel, se rattache à l’infliction « illégale » de lésions corporelles. L’accusé soutenait que l’élément moral minimal requis par l’art. 7 de la Charte incluait l’intention de causer des lésions corporelles.

La Cour suprême a analysé la mens rea exigée par l’art. 269 du Code criminel et conclu qu’elle se compose de deux exigences. D’abord, il faut établir que l’infraction sous-jacente (aux lois fédérales ou provinciales) comporte un élément moral suffisant du point de vue constitutionnel (les infractions de responsabilité absolue ne seraient pas visées selon les règles d’interprétation de la loi). Ensuite, il faut prouver que les lésions corporelles causées par l’acte « illégal » étaient objectivement prévisibles. Constatant que l’infraction examinée ne faisait pas partie de ces rares infractions qui, en raison des stigmates qui s’y rattachent et de la peine dont elles sont assorties, « exigent une faute fondée sur une norme subjective », la Cour a statué que la prévision objective des lésions corporelles causées par l’acte comportait un élément moral suffisant aux termes de l’art. 269 et satisfaisait aux exigences de l’article 7 de la Charte.

Par la suite, la Cour suprême du Canada a statué à l’unanimité que la mens rea, dans le cas de l’infraction de conduite dangereuse, devait également être appréciée objectivement, mais à la lumière de tous les événements entourant l’incident. Dans l’arrêt R. c. Hundal, le juge Cory a affirmé que l’article 249 du Code criminel commande l’application d’une norme objective, car il serait contraire au bon sens d’acquitter un conducteur qui a agi d’une manière objectivement dangereuse, au motif qu’il ne pensait pas, au moment où est survenu l’accident, à sa façon de conduire. En effet, selon lui, le juge des faits doit être convaincu qu’il s’agit d’un comportement qui représentait un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l’accusé.

Le 9 septembre 1993, la Cour suprême du Canada a rendu quatre arrêts permettant la prévision objective comme fondement de responsabilité pour l’homicide involontaire coupable, le manquement à l’obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence, ainsi que l’usage et l’entreposage négligents d’armes à feu. Dans l’affaire R. c. Creighton, la Cour a examiné une accusation « d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal » portée contre un accusé qui avait injecté une quantité de cocaïne à une femme et ainsi provoqué sa mort. L’avocat de la défense a admis que l’injection constituait du « trafic » aux termes de l’article 4 de la Loi sur les stupéfiants, mais il a soutenu que la définition d’homicide involontaire coupable en common law contrevenait à l’article 7 de la Charte. Dans une décision majoritaire rendue à cinq voix contre quatre, la Cour a statué que le critère pour la détermination de la mens rea dans le cas de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal « est (outre la mens rea de l’infraction sous-jacente) celui de la prévisibilité objective du risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère, dans le contexte d’un acte dangereux ». De l’avis de la majorité, la prévisibilité de causer des lésions corporelles, plutôt que la mort, est appropriée aux stigmates associés à l’homicide involontaire coupable; qui plus est, l’absence d’une peine minimum pour homicide involontaire coupable soutient le principe que ceux qui causent intentionnellement des lésions corporelles devraient être frappés d’une sanction plus sévère que ceux qui le font involontairement. La Cour a statué qu’il est fait droit aux principes de justice fondamentale quand il existe un élément de faute ou de culpabilité morale proportionnel à la gravité et aux conséquences de l’infraction reprochée. Les quatre juges dissidents se sont dits d’avis que les stigmates rattachés à une condamnation pour homicide involontaire coupable suffisaient pour exiger « à tout le moins, la prévision objective du risque de mort pour que l’infraction soit conforme à l’article 7 de la Charte ».

Dans l’affaire R. c. Gosset, un agent de police a été accusé d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal dans la mort d’un suspect en raison de l’usage négligent d’une arme à feu, contrairement au paragraphe 86(2) du Code criminel. Seulement trois des huit juges auraient exigé la prévision objective du risque de mort comme fondement de condamnation pour homicide involontaire coupable. Cependant, la Cour a statué à l’unanimité que, pour condamner l’accusé pour l’infraction sous-jacente « d’usage négligent » d’une arme à feu, le jury devait uniquement conclure que l’usage que l’accusé avait fait de son arme constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances ».

Cette décision est en accord avec l’arrêt de la Cour rendu le même jour dans l’affaire R. c. Finlay concernant l’entreposage « négligent » d’armes à feu et de munitions contrairement au paragraphe 86(2) du Code criminel. L’exigence en matière de faute pour cette infraction doit également être évaluée objectivement afin de frapper d’une sanction toute conduite qui constitue « un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’observerait une personne raisonnable dans les circonstances ».

Enfin, dans l’affaire R. c. Naglik, la Cour suprême du Canada a confirmé un fondement objectif de responsabilité en vertu de l’article 215 du Code criminel, qui crée une obligation de fournir « les choses nécessaires à l’existence » d’un enfant et qui punit tout manquement à celle-ci. Concluant que cette obligation « serait vide de sens si chacun en définissait le contenu selon ses croyances et ses priorités personnelles », la Cour a convenu que la conduite de l’accusé devrait être mesurée d’après une norme objective de la société. Ainsi, le sous-alinéa 215(2)a)(ii) frapperait d’une sanction un « écart marqué par rapport à la conduite d’un parent raisonnablement prudent dans des circonstances où il était objectivement prévisible que l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence risquerait de mettre en danger la vie de l’enfant ou d’exposer sa santé à un péril permanent ». Cette mesure satisfait aux exigences en matière de faute de l’article 7 de la Charte, étant donné que l’absence d’une peine minimum permet d’imposer une sanction proportionnelle au degré de la faute et que les stigmates encourus en raison de la condamnation ne seraient pas « injustement disproportionnés ni sans rapport avec la conduite coupable » de l’accusé.

La Cour suprême du Canada est divisée en ce qui concerne la nature du critère objectif à appliquer dans ces quatre cas. La majorité des juges a préconise un critère objectif qui ne tiendrait pas compte des caractéristiques personnelles de l’accusé, sauf pour démontrer qu’il n’était pas en mesure d’évaluer le risque. Par contre, le juge en chef a mesuré le comportement de l’accusé par rapport à la norme d’une personne raisonnable « établie pour tenir compte des capacités particulières de l’accusé et de son incapacité subséquente à percevoir certains risques et à y faire face ». Il a soutenu qu’il ne s’agissait pas là d’un critère subjectif, puisque les caractéristiques pertinentes qui pouvaient excuser le comportement « doivent être des traits que l’accusé ne pouvait ni contrôler ni maîtriser dans les circonstances ».

Citant un principe de justice fondamentale selon lequel « une personne ne devrait pas être trouvée coupable d’un crime si elle est exempte de blâme sur le plan moral », la Cour d’appel du Québec a déclaré « inopérante » la défense de contrainte prévue par le Code criminel (article 17), parce celle-ci ne peut être invoquée que s’il y a eu menace immédiate de mort ou de blessures et si l’auteur des menaces était « présent » au moment où l’infraction a été commise. L’accusé, dans l’arrêt R. c. Langlois, est un employé de pénitencier qui, parce que quelqu’un menaçait de s’en prendre à sa famille, a reçu de la drogue et l’a ensuite livrée à un détenu; l’auteur des menaces n’était pas présent au moment de l’infraction. Parce que l’article 17 crée un risque réel de condamnation au criminel pour des actes normativement involontaires, qui ne devraient pas susciter la désapprobation de la société, le tribunal a jugé que l’article 17 allait à l’encontre des principes de justice fondamentale. Par suite de la déclaration du tribunal, la défense de contrainte prévue en common law est devenue accessible à l’accusé en vertu de l’article 8 du Code criminel, ce qui a fait en sorte de supprimer l’exigence relative à la présence de l’auteur des menaces sur les lieux du crime.

         b. Intoxication

La preuve d’intoxication en défense est admise depuis longtemps dans la common law, en reconnaissance du fait que l’alcool altère les fonctions mentales et la formulation de l’intention, et que la personne chez qui fait défaut l’élément moral exigé pour la perpétration d’un crime ne doit pas être reconnue coupable de ce crime. La jurisprudence canadienne avait toutefois limité ce motif aux infractions d’« intention spécifique » (comme un homicide), le résultat pratique étant l’obtention d’une déclaration de culpabilité pour une infraction d’intention « générale » de moindre gravité (comme un homicide involontaire). Pour les infractions d’intention « générale », y compris les voies de fait ou l’agression sexuelle, la Cour suprême avait refusé d’admettre ce motif de défense et considérait même que l’intoxication volontaire était une preuve de l’élément mental de l’infraction. Cela étant, la classification judiciaire des infractions selon leur intention générale ou spécifique avait souvent été critiquée parce qu’elle impose arbitrairement une norme objective de responsabilité dans des infractions présumément d’intention générale.

Dans l’affaire R. c. Daviault, la Cour suprême du Canada a révisé la loi pour permettre que l’intoxication volontaire soit utilisée comme motif de défense contre une accusation d’agression sexuelle (une infraction d’intention générale), dans les « rares » occasions où l’intoxication est si profonde qu’elle « entraîne un état apparenté à l’aliénation mentale ou à l’automatisme ». Une majorité des deux tiers des juges de la Cour a soutenu que la réfutation de la mens rea par l’intoxication volontaire enfreint l’article 7 de la Charte en privant l’accusé de son droit à la justice fondamentale. Étant donné qu’une déclaration de culpabilité peut être portée en dépit d’un doute raisonnable quant à un élément essentiel de l’infraction, la présomption d’innocence protégée par l’alinéa 11d) de la Charte a aussi été enfreinte. Cependant, en raison de la nature de la preuve nécessaire pour démontrer l’état d’intoxication allégué, la Cour a statué en outre que « l’intoxication extrême doit être établie par l’accusé selon la prépondérance des probabilités ». De plus, « il faudrait recourir au témoignage d’experts pour confirmer que l’accusé se trouvait probablement dans un état voisin de l’automatisme ou de l’aliénation mentale par suite de son ivresse ».

Ordonnant la tenue d’un nouveau procès, la Cour suprême du Canada a exprimé l’opinion que sa décision dans l’affaire Daviault n’influerait sur l’utilisation de l’intoxication comme défense que dans des circonstances rarissimes. Cependant, les quelques jugements rendus subséquemment par des tribunaux inférieurs et qui donnent à penser le contraire ont suscité de vives réactions dans le public, si bien que le ministre de la Justice Allan Rock a présenté, le 24 février 1995, le projet de loi C-72, Loi modifiant le Code Criminel (intoxication volontaire).

Sous la rubrique « Intoxication volontaire », le projet de loi C-72 a ajouté au Code criminel l’article 33.1, selon lequel l’accusé ne peut invoquer l’intoxication lorsqu’il s’est écarté « de façon marquée » d’une norme de diligence prescrite en portant atteinte ou en menaçant de porter atteinte volontairement ou involontairement à l’intégrité physique d’autrui « alors qu’[il] est dans un état d’intoxication volontaire qui [le] rend incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite ».

         c. Aliénation mentale

Dans l’arrêt R. c. Swain, la Cour suprême du Canada a examiné, à la lumière de l’article 7, la constitutionnalité de la règle de common law qui permettrait au ministère public de soulever au procès la question de l’aliénation mentale de l’accusé malgré l’opposition de ce dernier. Le nœud du problème vient d’un conflit entre deux principes de justice fondamentale concernant l’application de la règle de common law. Le fait de permettre au ministère public d’invoquer l’aliénation mentale de l’accusé, qui est un moyen de défense au criminel, va à l’encontre du principe selon lequel seul l’accusé a le droit de mener sa défense. L’accusé peut ainsi se retrouver dans l’impossibilité d’invoquer d’autres défenses incompatibles avec l’exception d’irresponsabilité pour cause d’aliénation mentale. Cela peut aussi porter préjudice à la crédibilité de l’accusé et amener un jury à croire que celui-ci est le type de personne susceptible de commettre l’infraction.

En revanche, dans la mesure où la société tient à maintenir le principe fondamental qui fait de la santé mentale un élément essentiel de la responsabilité criminelle, il peut se révéler nécessaire de permettre au ministère public d’invoquer la défense fondée sur l’aliénation mentale quand l’accusé en décide autrement. Sinon, une personne pourrait être condamnée même si elle est incapable d’une intention criminelle.

La majorité a jugé que, l’objet de la Charte étant avant tout de protéger les droits de l’individu contre l’État, le droit de l’accusé de mener sa défense l’emporte sur l’intérêt de la société au maintien du principe voulant que la santé mentale soit un élément essentiel de la responsabilité criminelle. Ainsi, quand un accusé décide de ne pas invoquer l’aliénation mentale pour sa défense, le ministère public doit respecter sa décision.

Toutefois, le droit de l’accusé de mener sa défense n’est pas absolu. À la lumière de la Charte, la Cour a ensuite formulé une nouvelle règle de common law définissant les circonstances dans lesquelles le ministère public peut invoquer l’aliénation mentale quand l’accusé en a décidé autrement. Si l’accusé tentait de démontrer qu’il n’avait pas l’intention criminelle nécessaire pour commettre le crime, on ne pourrait alors empêcher le ministère public de soulever la question de l’aliénation mentale. En outre, le ministère public pourrait, si l’accusé était trouvé coupable et n’avait pas plaidé l’aliénation mentale, soulever cette question.

Dans l’affaire Swain, la Cour suprême du Canada a également examiné la constitutionnalité de l’article du Code criminel qui dispose qu’une personne jugée non coupable pour cause d’aliénation mentale doit être immédiatement placée sous bonne garde jusqu’à ce que le lieutenant-gouverneur ait fait connaître son bon plaisir. La majorité a estimé que cette disposition portait atteinte à l’article 7 de la Charte parce qu’elle refusait à la personne, avant de la priver de sa liberté, l’occasion de se faire entendre pour qu’il soit décidé si elle est encore dangereuse, ce que lui garantit la procédure. La Cour a rejeté l’argument voulant que cette disposition constitue une limite raisonnable au sens de l’article premier. Comme la disposition prévoyait l’internement pour une période indéterminée, elle ne répondait pas à l’exigence de l’article premier qui porte que, pour être valable, une loi doit empiéter le moins possible sur le droit garanti par l’article 7.

Pour des raisons semblables, la majorité a aussi jugé que cette disposition portait atteinte à l’article 9 de la Charte. La Cour a accordé à la législature une période de transition de six mois pendant laquelle la disposition demeurerait valide. Pendant cette période, le recours à un bref d’habeas corpus serait permis si une audience n’était pas tenue dans un délai de 30 à 60 jours après l’internement.

En réponse à l’arrêt Swain, le Parlement a adopté en décembre 1991 le projet de loi C-30 visant à modifier les dispositions relatives aux troubles mentaux du Code criminel. La nouvelle loi prévoit la création de commissions d’examen provinciales qui décideraient, de manière ponctuelle, du traitement et de la détention des auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux. La commission d’examen devra, dans les 45 jours qui suivent le verdict, rendre une décision au sujet du traitement et de la détention de l’accusé dont la non-responsabilité criminelle est reconnue pour cause de troubles mentaux. Lorsque le tribunal a rendu une première décision (ou dans les cas exceptionnels déterminés par le tribunal), le délai pour rendre une décision peut être prorogé à 90 jours.

De plus, toute décision ordonnant autre chose qu’une absolution inconditionnelle doit faire l’objet d’un examen chaque année, et l’accusé(e) « non responsable criminellement » (NRC) a le droit d’interjeter appel de la décision le ou la visant devant la Cour d’appel.

Les modifications apportées au Code criminel dans le projet de loi C-30 ont survécu, depuis leur adoption, à maintes contestations en vertu de la Charte. Par exemple, dans R. c. Winko, l’accusé a soutenu que la loi renverse le fardeau de la preuve en obligeant un accusé NRC à prouver qu’il ne représente pas « un risque important pour la sécurité du public », ce à quoi la Cour suprême a rétorqué qu’à son avis, la loi ne viole pas l’article 7 de la Charte parce qu’elle « ne crée pas de présomption de dangerosité et n’a pas pour effet d’imposer à l’accusé non responsable criminellement le fardeau de prouver qu’il n’est pas dangereux ». La Cour a également jugé que la loi n’est pas vague à un point inadmissible, car le membre de phrase « risque important pour la sécurité du public » est suffisamment précis pour permettre un débat juridique. Enfin, la loi n’a pas une portée excessive, car le tribunal ou la commission d’examen qui refuse l’absolution inconditionnelle à l’accusé doit rendre la décision « la moins sévère et la moins privative de liberté possible » pour lui.

         d. Droit de présenter une défense pleine et entière

Dans l’affaire R. c. Stinchcombe, la Cour suprême du Canada a considéré le droit de présenter une défense pleine et entière comme un droit reconnu par la common law qui « a acquis une nouvelle vigueur par suite de son inclusion parmi les principes de justice fondamentale visés à l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ». L’accusé, dans l’affaire Stinchcombe, avait demandé la divulgation du contenu des déclarations recueillies auprès d’un témoin à charge par suite d’une enquête préliminaire; le substitut du procureur général avait refusé en indiquant que le témoin en question ne serait pas cité à comparaître parce qu’il n’était pas digne de foi. Au moment d’ordonner la production des déclarations en cause et la tenue d’un autre procès, le juge Sopinka a statué que le droit d’un accusé de présenter une défense pleine et entière créait un devoir général de communiquer tous les renseignements pertinents à la défense, sous réserve de l’obligation faite au ministère public de respecter les règles en matière de secret et de taire l’identité des indicateurs. En outre, l’exercice du pouvoir discrétionnaire du substitut du procureur général en ce qui a trait au refus de divulguer ces renseignements doit, selon lui, faire l’objet d’un contrôle de la part du juge du procès.

La Cour suprême du Canada a depuis statué, dans l’arrêt R. c. Leipert, que le droit à la divulgation reconnu par l’article 7 de la Charte sera assujetti au privilège relatif aux indicateurs, dont l’application appartient au ministère public, qui ne peut y renoncer sans le consentement de l’indicateur. Le privilège empêche non seulement la divulgation du nom de l’indicateur, mais aussi de tout autre renseignement susceptible d’en révéler l’identité. Il ne souffre qu’une exception, celle concernant la démonstration de l’innocence de l’accusé, en vertu de laquelle il serait possible à un tribunal d’examiner l’information en question pour déterminer si la divulgation est nécessaire pour démontrer l’innocence d’un accusé. Si le tribunal en décidait ainsi, seuls les renseignements essentiels à l’établissement de cette preuve seraient divulgués et encore, seulement si le ministère public décidait de surseoir à l’instance. En conséquence, la Cour suprême a jugé que l’accusé n’avait pas le droit d’obtenir la divulgation des renseignements communiqués par un indicateur anonyme et consignés sur une fiche d’information d’Échec au crime. En outre, le juge du procès a eu tort en l’espèce d’ordonner la divulgation du document après l’avoir révisé; étant donné le caractère anonyme de l’information communiquée, il était impossible de déterminer si la divulgation des détails subsistant pourrait suffire à « révéler l’identité de l’indicateur à l’accusé et à d’autres personnes qui pourraient avoir été impliquées dans le crime et qui pourraient chercher à se venger ».

Dans deux arrêts publiés le même jour, la Cour suprême du Canada a depuis clarifié la common law relativement au droit de l’accusé à la communication de dossiers privés dans une affaire d’agression sexuelle. Dans l’arrêt A. (L.L.) c. B. (A.), la Cour a refusé de reconnaître un privilège général ou de catégorie pour les dossiers privés de médecins ou de travailleurs sociaux dans les mains de tiers, estimant que ces dossiers doivent être communiqués afin que l’accusé puisse présenter une défense pleine et entière.

Dans l’arrêt complémentaire R. c. O’Connor, la Cour a établi les critères et la procédure à suivre pour déterminer la nécessité de communiquer des dossiers privés dans une affaire d’agression sexuelle. Dans un jugement majoritaire, cinq juges contre quatre ont également convenu que les dossiers de traitement qui sont déjà entre les mains de la Couronne ne sont plus confidentiels et qu’ils sont soumis à l’obligation de divulgation établie dans l’arrêt Stinchcombe. La Cour s’est également penchée sur les actions possibles en cas de non-divulgation de dossiers privés par la Couronne, y compris sur la question de savoir dans quelles circonstances une suspension d’instance serait indiquée. Ayant conclu qu’une ordonnance de divulgation ou l’ajournement pourrait compenser tout obstacle empêchant l’appelant de présenter une défense pleine et entière, six juges contre trois ont convenu qu’une suspension d’instance ne s’imposait pas dans l’affaire O’Connor.

Dans une affaire connexe, la Cour d’appel de l’Ontario a renversé la décision de suspension d’instance obtenue par l’accusé, qui n’avait pu avoir accès aux notes d’un entretien avec un travailleur social du Sexual Assault Crisis Centre. Dans l’affaire R. c. Carosella, les notes de l’entretien avec la plaignante avaient été détruites suite à une décision d’ordre général prise par le Centre peu de temps avant que la plaignante ne consente à la production de notes que le juge chargé du procès pourrait examiner. La majorité des juges a déploré la décision prise par le Centre, mais la Cour n’a pas été persuadée que cela nuisait à la capacité de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. Soulignant que les notes en question n’étaient pas une déclaration écrite à partir desquelles la plaignante aurait pu être contre-interrogée, la Cour ne s’est pas montrée disposée à confirmer la suspension d’instance sans éléments de preuve indiquant qu’il y avait plus qu’un « simple risque » de violation d’un droit fondé sur la Charte.

Dans un jugement rendu par une majorité de cinq contre quatre, la Cour suprême du Canada a toutefois signifié son désaccord avec la Cour d’appel de l’Ontario et rétabli l’arrêt des procédures accordé par le juge de première instance, en faisant valoir qu’il y avait atteinte au droit de l’accusé à une défense pleine et entière, qui est reconnu par l’article 7 de la Charte. La majorité des juges ont exprimé l’avis qu’aucune autre réparation ne pouvait corriger le préjudice ainsi causé à l’accusé. En outre, l’absence de mesures visant « à corriger la destruction délibérée de documents dans le but de priver le tribunal et l’accusé d’éléments de preuve pertinents ternirait l’image de l’administration de la justice ».

Pour faire suite à l’inquiétude croissante du public au sujet de la divulgation des dossiers personnels des plaignants dans les cas d’agressions sexuelles, sans égard aux droits à la vie privé et à l’égalité que leur confère la Charte, le gouvernement a déposé le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d’infraction d’ordre sexuel) à la Chambre des communes, le 12 juin 1996. Entrée en vigueur le 12 mai 1997, cette loi restreint l’accès aux dossiers médicaux et thérapeutiques des plaignants dans les cas d’infractions d’ordre sexuel et institue une procédure en deux étapes aux fins de leur communication. Pour l’essentiel, les dispositions prévues dans le projet de loi C-46 ont reçu l’appui unanime des neufs juges de la Cour suprême dans l’arrêt O’Connor, y compris l’obligation d’adresser les demandes au juge du procès et de faire porter à la partie défenderesse la responsabilité d’en démontrer la pertinence. Une partie de la nouvelle loi va toutefois aussi à l’encontre du jugement majoritaire rendu dans l’affaire O’Connor, en assujettissant les dossiers confidentiels que le ministère public a entre les mains à la même procédure de divulgation, sans égard à la décision rendue dans l’arrêt R. c. Stinchcombe.

Quoi qu’il en soit, la Cour suprême du Canada a par la suite reconnu, dans l’arrêt R. c. Mills, la validité du régime législatif en dépit de la dissidence isolée du juge en chef Lamer, selon lequel les dossiers que le ministère public avait en main ne devaient pas être assujettis à la même procédure de divulgation. Comme l’arrêt O’Connor n’avait pas abordé la question de la procédure à suivre lorsque le ministère public a en main des dossiers de tiers en l’absence de renonciation expresse de la part du plaignant, la majorité a jugé qu’« [i]l était donc loisible au législateur de combler cette lacune par voie législative ». La Cour a ajouté qu’il est « constitutionnellement acceptable » que le ministère public se retrouve en possession de documents que l’accusé n’a pas vus, « pourvu que l’accusé puisse présenter une défense pleine et entière et que le procès soit fondamentalement équitable ».

La Cour suprême du Canada a, depuis, examiné les obligations du ministère public et les possibles recours en cas de non-divulgation, lorsque des éléments de preuve sont perdus par réelle mégarde. Dans R. c. La, les policiers ont égaré une bande sonore sur laquelle ils avaient enregistré la plaignante avant que ne commence l’enquête criminelle. La Cour suprême a décrété qu’il n’y a pas violation de l’obligation de divulguer si la Couronne peut persuader le juge que les éléments de preuve n’ont pas été délibérément détruits ni perdus en raison d’une négligence inacceptable. Toutefois, l’obligation de divulguer ne couvre pas tous les aspects du droit de présenter une défense pleine et entière, et c’est pourquoi la majorité des juges ont émis l’avis qu’un accusé peut, dans certaines circonstances, être lésé par la perte d’éléments de preuve pertinents au point qu’un arrêt des procédures sera la seule réparation possible.

Dans l’arrêt R. c. Dixon, la Cour suprême du Canada a également énoncé les critères visant à déterminer si le fait que le ministère public a, par inadvertance, omis de communiquer des documents pertinents viole le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. Décrétant que l’accusé doit prouver une telle violation selon la prépondérance des probabilités, la Cour suprême a jugé qu’il « est satisfait à cette obligation lorsque l’accusé démontre qu’il y a une possibilité raisonnable que la non-divulgation ait influé sur l’issue ou l’équité globale du procès ». Dans un tel cas, un nouveau procès constitue la réparation appropriée. Toutefois, en examinant l’équité globale du procès, la Cour fait remarquer qu’il « faut tenir compte de la diligence dont l’avocat de la défense a fait preuve en tentant d’obtenir la divulgation par le ministère public ».

Dans l’affaire R. c. Durette, la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de se prononcer sur le droit d’un accusé de présenter une défense pleine et entière dans un contexte mettant en cause l’accès à des documents présentés à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique. Selon le jugement majoritaire rendu, « le contenu des affidavits influe [...] beaucoup » sur la validité de l’autorisation et, par conséquent, sur l’admissibilité des éléments de preuve recueillis au moyen de l’écoute électronique. Au sujet de l’obligation de divulgation abordée dans l’affaire Stinchcombe, le juge Sopinka a conclu que « lorsqu’il s’agit de déterminer si le contenu des affidavits doit être divulgué à un accusé, la divulgation intégrale est la règle, sous réserve de seulement quelques exceptions fondées sur des considérations prépondérantes d’intérêt public pouvant justifier la non-divulgation. Les affidavits ne devraient être révisés que dans la mesure nécessaire pour protéger ces intérêts publics prépondérants ».

Dans les affaires Seaboyer et Gayme, la Cour suprême du Canada a examiné la question de savoir si l’article 276 du Code criminel, à savoir les dispositions de protection contre le viol, portait atteinte à l’article 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte. L’article 276 interdisait la production de preuves sur le comportement sexuel du plaignant avec qui que ce soit d’autre que l’accusé, sauf dans des circonstances précises énoncées dans l’article. La Cour a jugé que cette disposition contrevenait à l’article 7 parce que l’exclusion générale de ce genre de preuves, à moins qu’il ne s’agisse d’une preuve visée par les trois exceptions prévues, pouvait entraîner l’exclusion de preuves pertinentes essentielles à la présentation d’une défense légitime. L’accusé à qui la possibilité de présenter une telle preuve était refusée pouvait être privé d’un procès équitable, contrairement à l’alinéa 11d) de la Charte.

La Cour a jugé que l’annulation de l’article 276 ne rétablirait pas l’ancienne position de la common law concernant la pertinence de la preuve du comportement sexuel. La preuve du comportement sexuel et de la réputation ne peut aujourd’hui être considérée comme pertinente en ce qui a trait à la crédibilité du plaignant ni au consentement. Elle ne sera admissible que dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’elle est produite pour des fins légitimes, qu’elle étaye logiquement un moyen de défense et que son effet préjudiciable sur le procès ne l’emporte pas sur sa pertinence.

Le 12 décembre 1991, le projet de loi C-49 qui vise à modifier le Code criminel pour remplacer l’article 276, a franchi l’étape de la première lecture au Parlement. (Il a reçu la sanction royale le 23 juin 1992.) La nouvelle loi rend inadmissible toute preuve d’activité sexuelle du plaignant autre que celle qui est à l’origine de l’accusation, sauf si le juge autorise la production d’une telle preuve après s’être prononcé sur son admissibilité en appliquant de critères établis. Cette preuve n’est pas admissible « pour permettre de déduire du caractère sexuel de cette activité » que le plaignant est davantage susceptible d’avoir consenti à l’acte reproché ou est moins digne de foi.

Enfin, la Cour suprême du Canada s’est aussi penchée sur le droit qu’a l’accusé de présenter une défense pleine et entière dans le contexte des paragraphes 651(3) et (4) du Code criminel, lequel accorde au ministère public le droit de s’adresser au jury en dernier si l’accusé cite un témoin pour sa défense. Dans R. c. Rose, la Cour a conclu, par une majorité de cinq juges contre quatre, que même si le fait de s’adresser au jury en dernier peut conférer un avantage tactique apparent dans une cause donnée, la procédure énoncée à l’article 651 ne viole pas le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. À l’appui de cette conclusion, les juges majoritaires ont exprimé l’avis que le juge de première instance a le devoir de corriger toute injustice susceptible de résulter d’une intervention indue de la part du ministère public.

         e. Droit de garder le silence

Le droit de garder le silence est l’un des principes fondamentaux du système juridique canadien et, à ce titre, il est protégé par l’article 7. Un inculpé a en effet le droit de garder le silence pendant toute la durée d’une enquête ainsi qu’au procès. Dans R. c. Hébert, la Cour suprême a statué que le droit de l’accusé de garder le silence avait été violé, car pendant sa détention, l’accusé avait fait des déclarations incriminantes à un policier banalisé qui prétendait être un suspect arrêté par la police. Après avoir consulté un avocat, l’accusé avait choisi de ne faire aucune déclaration. La Cour a statué que le droit de l’accusé de garder le silence avant le procès découle, par analogie, d’autres règles de droit contre l’auto-incrimination ainsi que de la volonté de préserver la réputation et l’intégrité du système judiciaire. L’accusé qui est détenu a le droit fondamental de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence. Suivant l’article 7, l’État n’a pas le droit d’utiliser son pouvoir supérieur pour contrecarrer la décision du suspect et de faire fi de son choix. En l’occurrence, la police avait violé le droit de l’accusé de garder le silence en usant d’un artifice pour contrecarrer sa décision de ne pas parler.

Dans l’arrêt R. c. Broyles, la Cour suprême a confirmé le droit de garder le silence protégé par l’article 7, y compris le droit de choisir de faire ou non une déclaration aux autorités. À la demande de la police, un ami de l’inculpé avait rendu visite à ce dernier, en prison, après avoir dissimulé un magnétophone dans ses vêtements. La Cour a soutenu qu’il y avait eu violation du droit de M. Broyles de garder le silence, car la déclaration obtenue de sa part n’était pas volontaire. Elle lui avait été soutirée par un « agent de l’État » qui avait tenté de mettre à profit la confiance que portait l’inculpé à son ami pour l’amener à douter de son avocat, qui lui conseillait de garder le silence. Selon la Cour, cette violation de l’article 7 ne pouvait se justifier au sens de l’article 1, car l’action de la police n’était ni autorisée par une loi, ne fondée sur une règle de common law. Concluant que la déclaration de l’inculpé n’aurait pas dû être admise en preuve, la Cour a infirmé la condamnation et ordonné la tenue d’un nouveau procès.

Toutefois, la Cour suprême a par la suite précisé, dans R c. Liew, que l’utilisation de déclarations faites spontanément par un suspect à un représentant de l’État ne constitue pas une violation de son droit de garder le silence. La Cour a donc statué que l’utilisation de la preuve recueillie par un policier banalisé au cours d’une conversation tenue dans un bloc cellulaire ne violait pas le droit de garder le silence garanti à l’accusé par l’article 7 de la Charte parce que le policier « n’a[vait] pas orienté la conversation d’une manière qui aurait incité, encouragé ou amené l’appelant à répondre ».

Le droit de garder le silence a également été confirmé par la Cour suprême dans l’affaire Chambers. Le juge Cory a en effet ordonné la tenue d’un nouveau procès, principalement parce que, selon lui, on a porté atteinte à ce droit à l’égard de l’accusé. Selon la Cour, il a été passablement abusif de la part de l’avocat de la Couronne et très préjudiciable pour l’accusé de contre-interroger ce dernier au sujet de son refus de répondre aux questions posées par les policiers au cours de leur enquête sur une affaire de drogue. Se fondant sur la jurisprudence applicable, la Cour a statué qu’un accusé pouvait exercer son droit de garder le silence pendant l’enquête précédant un procès.

Le droit de garder le silence protégé par l’article 7 s’applique aussi à un accusé qui refuse de témoigner en son nom lors d’un procès. Dans l’arrêt R. c. Noble, une majorité de juges de la Cour suprême du Canada ont confirmé l’ordonnance rendue par la Cour d’appel en vue de la tenue d’un nouveau procès, parce le juge de première instance avait fait erreur en se fondant, du moins en partie, sur le refus de témoigner de l’accusé pour établir sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Toutefois, la Cour suprême a également jugé qu’un accusé qui témoigne contre un coaccusé ne peut invoquer son droit de garder silence « pour priver ce dernier du droit de contester son témoignage par une attaque systématique contre sa crédibilité, notamment en faisant état de son silence avant le procès ». Dans l’affaire R. c. Crawford; R. c. Creighton, la majorité des juges a reconnu le caractère concurrentiel du droit garanti à l’article 7 de la Charte aux coaccusés, dont l’un « invoque son droit de garder le silence et soutient que l’exercice de ce droit ne saurait être utilisé contre lui à son désavantage, tandis que l’autre prétend avoir le droit, aux fins de présenter une défense pleine et entière, d’invoquer sans restriction le fait que son coaccusé a gardé le silence avant le procès ». Établissant l’équilibre entre les deux, la Cour a jugé que dans un cas de ce genre, il y aurait lieu d’informer le jury que l’on peut invoquer le silence avant le procès pour contester la crédibilité d’un coaccusé, mais que ce silence n’est pas une preuve recevable lorsqu’il est question de décider de l’innocence ou de la culpabilité dudit coaccusé. De plus, si le jury est convaincu que le coaccusé a gardé le silence avant le procès en raison d’un facteur qui n’entache pas sa crédibilité, comme une mise en garde des policiers ou un conseil de son avocat, le silence ne doit avoir aucune valeur à ses yeux.

La Cour suprême du Canada s’est également penchée sur la mesure dans laquelle le droit de garder le silence, garanti à l’article 7 de la Charte, peut s’appliquer aux témoins à des procès criminels qui y sont aussi des suspects ou des coaccusés accusés séparément. Dans l’affaire R. c. S. (R.J.), la majorité de la Cour a jugé que les tribunaux ont le pouvoir discrétionnaire d’annuler une assignation à témoigner lorsque la règle générale en matière de contraignabilité causerait un préjudice indu au témoin. Une autre majorité a également jugé que l’article 7 prévoit une « immunité partielle », en vertu de laquelle la preuve dérivée du témoignage forcé peut être jugée irrecevable dans des procédures ultérieures contre le témoin contraint. Cette limite à l’utilisation de la preuve dérivée s’ajoute à l’immunité en matière de témoignage garantie à l’article 13 de la Charte. Dans les affaires R. c. Jobin et R. c. Primeau, la Cour suprême du Canada a par la suite examiné à fond la contraignabilité des suspects et des coaccusés accusés séparément lors d’enquêtes préliminaires et a appliqué les principes dégagés dans R. c. S. (R.J.) au contexte des procédures réglementaires dans l’affaire B.C. Securities Commission c. Branch.

Depuis, la Cour suprême a toutefois précisé que le « principe de protection contre l’auto-incrimination [...] n’exige pas qu’on accorde à l’appelant une immunité contre l’utilisation de renseignements fournis en application d’une loi » dans des procédures réglementaires subséquentes. Plus précisément, la Cour a jugé que l’article 7 « ne devait pas être interprété comme faisant de tout dossier produit en application d’une loi un témoignage forcé à une enquête ou un procès ». Dans l’arrêt R. c. Fitzpatrick, la Cour a examiné la recevabilité des « rapports de prises » et des registres quotidiens de pêche dans une procédure réglementaire pour surpêche aux termes de la Loi sur les pêches. La Loi oblige tous les pêcheurs à fournir des registres de leurs prises quotidiennes aux agents du ministère des Pêches et des Océans; ces registres servent au contrôle des stocks et à l’ajustement des quotas dans la gestion des pêches commerciales. Dans une décision unanime de la Cour, le juge La Forest, après avoir procédé à une analyse contextuelle de la question, a conclu que le principe de la protection contre l’auto-incrimination n’était pas en jeu étant donné que l’accusé ne faisait pas l’objet d’une accusation ou d’une enquête par l’État au moment de la production des renseignements exigés par la loi. En outre, selon lui, la production des renseignements ne pourrait être considérée comme « forcée » que dans la mesure où il s’agit d’une condition pour participer à une activité réglementée.

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a, depuis, fait une distinction entre les registres de pêche dont il est question dans l’arrêt Fitzpatrick et les déclarations d’accident exigées par la loi en vertu de la Motor Vehicles Act de la province. D’après la décision majoritaire rendue dans l’arrêt R. c. White, admettre une telle déclaration dans un procès pour accusation au criminel contreviendrait à l’article 7 de la Charte. Se fondant sur le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et des recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), le tribunal a décrété que l’article 7 et le paragraphe 24(1) de la Charte peuvent être invoqués pour exclure des éléments de preuve dans un tel cas. Le jugement rendu dans R. c. White a été confirmé par six juges contre un en Cour suprême du Canada le 10 juin 1999.

Dans l’arrêt R. c. Jones, la Cour suprême du Canada a examiné le droit de garder le silence reconnu par l’article 7, dans le contexte du processus de détermination de la peine. M. Jones soutenait que les preuves psychiatriques obtenues lors d’une évaluation de son état mental devaient être jugées inadmissibles dans le procès de criminel dangereux intenté contre lui. Par une majorité de cinq contre quatre, le tribunal a rejeté son appel en faisant valoir que l’article 7 a une portée plus limitée lorsqu’il s’applique à l’étape de la détermination de la peine, où « l’accent est mis davantage sur les intérêts de la société et la protection procédurale accordée au délinquant est définie plus restrictivement ». À l’appui de son opinion dissidente, le juge en chef Lamer a souligné qu’en vertu des modifications subséquentes apportées au Code criminel en 1991, en ce qui a trait aux « troubles mentaux », il ne faisait aucun doute que ces preuves étaient devenues inadmissibles dans les procès de criminels dangereux.

         f. Règles de preuve

Dans l’arrêt R. c. Laramee, la Cour d’appel du Manitoba a statué que certaines règles de preuve admises en common law font partie des principes de justice fondamentale et que tout manquement à ces règles peut être considéré comme un déni des droits garantis par l’article 7. Le litige concernait la validité de l’article 715.1 du Code criminel, qui autorise l’utilisation de déclarations enregistrées de jeunes plaignants dans le cadre de procès pour agression sexuelle. Le juge Twaddle a conclu que cette disposition allait à l’encontre de la règle de la « meilleure preuve »; pour sa part, la juge Helper a soutenu qu’il s’agissait d’une violation de la règle interdisant l’admission d’une preuve relative à des déclarations compatibles antérieures. Selon ces juges, il y avait donc violation tant de l’article 7 que de l’alinéa 11d) de la Charte. Cependant, tous ont convenu que l’article 715.1 ne pouvait être considéré comme une limite raisonnable au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés. Même si la protection des jeunes plaignants contre le traumatisme pouvant être occasionné par le fait de témoigner lors d’une audience publique constitue un objectif suffisamment pressant pour justifier qu’il prime un droit garanti par la Charte, la législation n’a pas, selon les juges, atteint l’objectif souhaité, puisque le plaignant devra quand même confirmer la preuve en cour et se soumettre a un contre-interrogatoire. La juge Helper a également conclu que l’article a une portée trop vaste, puisque les jeunes victimes n’ont pas toutes besoin de la protection offerte; selon elle, la loi dépasse donc largement l’objectif qu’elle vise.

Le 15 juin 1993, la Cour suprême du Canada a renversé la décision de la Cour d’appel du Manitoba en statuant que l’article 715.1 du Code criminel ne limite pas les droits garantis par l’article 7 de la Charte. La décision dans l’affaire R. c. L.(D.O.) a été rendue à l’audience. Dans les motifs du jugement, donnés le 18 novembre 1993, la Cour a statué que l’article 715.1 ne portait pas atteinte aux règles de la preuve interdisant l’admission de ouï-dire ou de déclarations compatibles antérieures. De plus, la majorité a jugé que l’incorporation du pouvoir judiciaire discrétionnaire dans l’article 715.1, habilitant un juge de première instance à filtrer ou à exclure des témoignages enregistrés lorsque leur effet préjudiciable dépasse leur valeur probante, assure la conformité de l’article 715.1 aux principes fondamentaux de la justice et du droit à un procès équitable, prévus par les l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte.

Dans l’affaire connexe, R. c. Levogiannis, qui a été entendue et pour laquelle décision a été rendue le même jour, la Cour suprême du Canada a affirmé la validité constitutionnelle de l’article 486(2.1) du Code criminel. Cette disposition permet aux jeunes plaignants dans le cadre de procès pour agression sexuelle de témoigner derrière un écran, ou à l’extérieur de la salle du tribunal par le biais d’une télévision à circuit fermé, lorsque le juge estime qu’il est nécessaire de soustraire le plaignant à la vue de l’accusé pour obtenir un compte rendu complet et franc des agissements dont se plaint le plaignant. La Cour a soutenu que l’absence de confrontation face à face de l’accusé et du plaignant ne porte atteinte à aucun principe de justice fondamentale, puisque l’accusé ne possède pas le droit absolu d’être dans le champ de vision des personnes qui témoignent contre lui. De plus, à son avis, le fait que l’utilisation d’un écran puisse faciliter la présentation de témoignages de la part du plaignant ne restreint ni n’entrave d’aucune façon la capacité de l’accusé de soumettre le plaignant à un contre-interrogatoire. La Cour a, par conséquent, statué que l’article 486(2.1) du Code criminel ne porte pas atteinte à l’article 7 de la Charte.

En supprimant l’alinéa 198(1)d) du Code criminel, on a également cité les règles de la preuve. Cet alinéa prévoyait que la preuve qu’une personne a été déclarée coupable d’avoir tenu une maison de désordre était, « en l’absence de toute preuve contraire », une preuve que la maison était alors une maison de désordre, aux fins de poursuites contre quiconque était soupçonné d’avoir « habité » la maison on d’y avoir été « trouvé » au moment de l’infraction. Dans l’affaire R. c. Janoff, la Cour d’appel du Québec a considéré que l’alinéa 198(1)d) était contraire à l’article 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte car, selon elle, la présomption qui en découle est contraire aux règles de la preuve en ce qui concerne le ouï-dire et l’admissibilité des opinions; la Cour a conclu que ces règles constituent des « préceptes de la justice fondamentale destinés à garantir un procès juste ». Elle a donc indiqué qu’en l’absence de preuves conformes au test de la « proportionnalité » établi dans R. c. Oakes, cette disposition ne se justifiait pas aux termes de l’article 1 de la Charte et elle l’a déclarée sans effets.

         g. Notion d'imprécision

Dans l’affaire Nova Scotia Pharmaceutical Society, la Cour suprême du Canada a confirmé que la théorie de l’imprécision est également partie intégrante des principes de justice fondamentale. Ainsi, « au regard de l’article 7, il se peut que la restriction à la vie, à la liberté et à la sécurité ne soit pas par ailleurs inacceptable, sauf quant à l’imprécision de la loi contestée ». Dans un jugement unanime, le juge Gonthier a soutenu que la loi doit être assez précise pour que les citoyens soient conscients du fait « qu’une certaine conduite est assujettie à des restrictions légales ». De plus, il faut limiter le pouvoir discrétionnaire, parce qu’« une loi ne doit pas être dénuée de précision au point d’entraîner automatiquement la déclaration de culpabilité dès lors que la décision de poursuivre a été prise ».

Lorsqu’il devra se prononcer quant à l’imprécision d’une loi, un tribunal devra tenir compte a) de la nécessité d’une certaine souplesse et du rôle des tribunaux de fournir des interprétations, b) de l’impossibilité d’obtenir une certitude absolue, c) de la probabilité d’interprétations judiciaires différentes. Laissant entendre que le seuil doit être relativement élevé, la Cour suprême a fait la mise en garde suivante : « il faut hésiter à recourir à la théorie de l’imprécision pour empêcher ou gêner l’action de l’État qui tend à la réalisation d’objectifs sociaux légitimes, en exigeant que la loi atteigne un degré de précision qui ne convient pas à son objet ».

Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a maintenu la validité de la disposition de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (maintenant Loi sur la concurrence) selon laquelle commet une infraction, quiconque conspire, trame, s’entend ou se ligue avec un autre pour empêcher ou réduire « indûment » la concurrence. Après avoir examiné des interprétations judiciaires antérieures, les intérêts de la politique gouvernementale à protéger et les résultats de l’examen de la disposition contestée, la Cour a conclu que le Parlement « a suffisamment délimité la sphère de risque et les termes du débat pour satisfaire à la norme constitutionnelle ».

         h. Portée excessive

Dans l’affaire R. c. Heywood, la Cour suprême du Canada a statué à la majorité qu’un texte de loi peut contrevenir à l’article 7 de la Charte s’il « porte atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une façon qui est inutilement large, allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif gouvernemental ». L’accusé dans l’arrêt Heywood avait été accusé et reconnu coupable de vagabondage en vertu de l’alinéa 179(1)b) du Code criminel, qui stipule qu’une personne qui a déjà été reconnue coupable de certains délits sexuels commet une infraction quand elle « est trouvée flânant sur un terrain d’école, ou dans un terrain de jeu, un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner ou à proximité de ces endroits. » Parce que l’interdiction s’applique « sans avis préalable à l’accusé, elle vise trop d’endroits et trop de personnes, et elle est d’une durée indéterminée sans possibilité de contrôle », la Cour a jugé qu’elle restreint la liberté « beaucoup plus qu’il ne le faut pour accomplir son objectif, tout louable qu’il soit, de protéger les enfants contre des agressions sexuelles ». Le juge Cory a ensuite cité le nouvel article 161 du Code criminel comme étant « un bon exemple de disposition législative qui est beaucoup mieux adaptée et circonscrite pour atteindre le même objectif ». Cet article requiert une ordonnance du tribunal, prévoit un préavis et un contrôle et s’applique seulement aux personnes coupables d’infractions touchant des jeunes de moins de 14 ans. Enfin, reconnaissant pour les mêmes raisons que l’alinéa 179(1)b) a une portée excessive, la Cour a statué à la majorité qu’il ne résiste pas à l’analyse au point de vue de la nuisance minimale et qu’il n’est pas justifié en vertu de l’article premier.

         i. Longueur du délai écoulé avant que des accusations ne soient portées

Dans l’arrêt W.K.L. c. R., la Cour suprême du Canada a décidé que le droit à un procès équitable garanti par l’article 7 et l’alinéa 11d) n’était pas violé parce qu’un long délai s’était écoulé avant que des accusations soient portées dans une affaire d’exploitation sexuelle. La Cour a pris connaissance d’office du fait que les délais sont chose courante dans la dénonciation de l’exploitation sexuelle. Elle a jugé qu’on ne pouvait exiger des victimes qu’elles parlent des incidents avant d’être psychologiquement prêtes à en affronter les conséquences.

La Cour suprême a toutefois confirmé depuis une décision ordonnant l’arrêt des procédures dans le cas d’une femme accusée d’un meurtre prétendument commis 31 ans avant que des accusations ne soient finalement portées. Dans l’affaire R. c. MacDonnell, ni le médecin traitant ni le médecin légiste, qui avaient tous deux témoigné lors de l’enquête du coroner menée au moment du décès, n’étaient en mesure de témoigner. Il était en outre impossible de mettre la main sur la transcription de leurs témoignages. Parce que les résultats de l’enquête du coroner avaient conclu à une mort accidentelle, le juge de première instance avait estimé qu’il aurait été à la fois utile et important que l’accusée ait accès aux preuves médicales manquantes pour assurer sa défense. En conséquence, le juge MacDonald avait décrété que les droits de l’accusée en vertu de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte avaient été violés et que celle-ci avait droit à un arrêt des procédures conformément au paragraphe 24(1). Malgré la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse d’infirmer l’arrêt en question, la Cour suprême a souscrit à la position du juge de première instance en statuant « qu’il y avait eu, dans les circonstances, atteinte au droit de l’appelante à une défense pleine et entière » et « qu’il s’agissait là de l’un des cas les plus manifestes où il convient d’ordonner l’arrêt des procédures ».

MESURES PARLEMENTAIRES

   A. Projet de loi C-49; Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle),
        L.C. 1992, chap. 38

Ce projet de loi a remplacé l’ancien article 276 du Code criminel par des dispositions établissant une nouvelle procédure et des critères nouveaux pour statuer sur l’admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel du plaignant. En outre, des dispositions additionnelles fournissent une définition du consentement aux fins de l’agression sexuelle et suppriment ou limitent les défenses du consentement et de la croyance erronée au consentement à certaines circonstances.

   B.  Projet de loi C-30; Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux), L.C. 1991,
        chap. 43, proclamation le 4 février 1992, sauf les articles 672.64 et 672.66 du
        Code Criminel, édictés aux articles 4, 5, 6 et 13 ainsi qu'au paragraphe 10(8)

Ce projet de loi a modifié le Code criminel en remplaçant le verdict de non culpabilité pour cause d’aliénation mentale par le verdict « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ». Le projet de loi a également établi la procédure à suivre concernant les décisions et les examens visant les personnes jugées « inaptes à subir leur procès » ou faisant l’objet d’un verdict de « non-responsabilité criminelle ». La proclamation de ce projet de loi a été retardée pour un certain nombre d’articles, dont ceux qui limiteraient la durée d’application de la décision rendue à l’égard de toute infraction donnée et ceux qui autoriseraient le tribunal à ordonner que la peine d’emprisonnement commence par une période de détention dans un centre de soins lorsque le contrevenant « est atteint de troubles mentaux en phase aiguë » et a besoin d’un traitement immédiatement.

   C. Projet de loi C-72; Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire),
        L.C. 1995, chap. 32.

Le projet de loi C-72 a eu pour effet d’interdire d’utiliser l’intoxication comme moyen de défense dans le cas de certaines infractions d’intention générale en faisant de l’intoxication une forme d’incapacité mentale ou une faute qui est un facteur de négligence criminelle.

   D. Projet de loi C-46; Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers
        dans les cas d’infraction d’ordre sexuel), L.C. 1997, chap. 30

Le projet de loi C-46 a restreint l’accès d’un accusé aux dossiers médicaux ou thérapeutiques d’un plaignant dans les cas d’agressions sexuelles et établi des critères pour décider de la pertinence possible de ces preuves et si il y a lieu ou non de les communiquer afin qu’elles soient soumises à l’examen du juge du procès et de la partie défenderesse.

JURISPRUDENCE

A. (L.L.) c. B. (A.), [1995] 4. R.C.S. 536

B.C. Securities Comission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3

Canada c. Schmidt, [1981] 1 R.C.S. 500

Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143

DeSousa c. La Reine, [1992] 2 R.C.S. 944

Kindler c. Canada (Ministère de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779

Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), 10 septembre 1999, Cour suprême du Canada

Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170

Operation Dismantle Inc. c. La Reine, Can. Charter of Rights Ann. 12-7 (C.F. Appel), [1985] 1 R.C.S. 441

R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387

R. c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833

R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595

R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80, infirmant (1995), 26 O.R. (3d) 209 (C.A. Ont.)

R. c. Chambers, [1990] 2 R.C.S. 1293

R. c. Crawford; R. c. Creighton, [1995] 1 R.C.S. 858

R. c. Creighton, [1993] 3 R.C.S. 3

R. c. Daviault, [1994] 3 R.C.S. 63

R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244

R. c. Durette, [1994] 1 R.C.S. 469

R. c. Finlay, [1993] 3 R.C.S. 103

R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154

R. c. Gosset, [1993] 3 R.C.S. 76

R. c. Gustavson (1982), 1 C.C.C. (3d) 470 (C.S. C.B.)

R. c. Hébert, [1990] 2 R.C.S. 151

R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 76

R. c. Hundal, [1993] 1 R.C.S. 867

R. c. Janoff (1991), 68 C.C.C. (3d) 454 (C.A. Qc)

R. c. Jobin, [1995] 2 R.C.S. 78

R. c. Jones (1994), 30 C.R. (4th) 1 (C.S.C.)

R. c. L. (D.O.), [1993] 4 S.C.R. 419

R. c. La, [1997] 2 R.C.S. 680

R. c. Langlois (1993), 80 C.C.C. (3d) 28 (C.A. Qc)

R. c. Laramee (1991), 73 Man. R. (2d) 238

R. c. Levogiannis, [1993] 4 R.C.S. 475

R. c. Liepert, [1997] 1 R.C.S. 281

R. c. Liew, 16 septembre 1999, Cour suprême du Canada

R. c. MacDonnel, [1997] 1 R.S.C. 305

R. c. Martineau, [1990] 2 R.C.S. 633

R. c. Mills, 25 novembre 1999, Cour suprême du Canada

R. c. Naglik, [1993] 3 R.C.S. 122

R. c. Noble, [1997] 1 R.C.S. 874

R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606

R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411

R. c. Primeau, [1995] 2 R.C.S. 60

R. c. Rose, [1998] 3 R.C.S. 262

R. c. S. (R.J.), [1995] 1 R.C.S. 451

R. c. Seaboyer; R. c. Gayme, [1991] 2 R.C.S. 577

R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326

R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933

R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636

R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417

R. c. Winko, [1999] 2 R.C.S. 625

Re B.C. Motor Vehicle Act, [1985] 2 R.C.S. 486

Renvoi relatif à l’extradition de Ng (Canada), [1991] 2 R.C.S. 858

Rodriguez c. Attorney General of British Columbia, [1993] 3 R.C.S. 519

Southam Inc. c. Hunter, [1984] 2 R.C.S. 145

Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et des recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425.

W.K.L. c. R., [1991] 1 R.C.S. 1091


La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en février 1992; le document a été régulièrement mis à jour depuis.