Direction de la recherche parlementaire


PRB 99-19F

 

L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

 

Rédaction :
Mary C. Hurley, Division du droit et du gouvernement
Jill Wherret, Division des affaires politiques et sociales
Le 27 septembre 1999


TABLE DES MATIÈRES

PROGRÈS DES NÉGOCIATIONS

RAPPORT DE LA COMMISSION ROYALE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES (CRPA) ET RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


L'AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE DES AUTOCHTONES

En 1995, le gouvernement fédéral a rempli une promesse électorale en annonçant une politique qui reconnaissait que le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale existe en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qui définissait une approche pour négocier les ententes d’autonomie. Malgré la reconnaissance fédérale de ce droit inhérent, les groupes autochtones et les gouvernements continuent de différer à propos de la portée et de la nature des pouvoirs visés.

Progrès des négociations

De nombreuses années de négociations ont, jusqu’ici, produit relativement peu d’ententes. Il en a été conclu notamment avec les Cris, Naskapis et Inuit du Nord du Québec, sous le régime de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (1975) et de la Convention du Nord-Est québécois (1978), avec la bande indienne sechelte de la Colombie-Britannique, en application de la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte (1986), et avec sept Premières nations du Yukon, en vertu de l’Accord-cadre définitif (1993). Aucune de ces ententes antérieures à 1995, qui portent création de structures et de pouvoirs divers, n’est explicitement « visée » par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

D’autres règlements de revendications territoriales au sens de l’article 35 qui ont été conclus avant 1995 ne comprennent pas de disposition d’autonomie gouvernementale garantie par la Constitution. C’est le cas de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (1993) et des ententes sur les revendications territoriales globales des Gwich’in (1992) et des Déné et Métis du Sahtu (1994). Aucune entente d’autonomie gouvernementale n’a encore été conclue avec les deux derniers groupes. L’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la loi fédérale qui ont créé le nouveau territoire le 1er avril 1999 donnent au Nunavut une structure gouvernementale publique plutôt que strictement inuite, avec des pouvoirs analogues à ceux du gouvernement des T. N.-O. L’Accord précise que le modèle de gouvernement du Nunavut n’est pas censé être protégé par l’article 35.

La politique de 1995 sur le droit inhérent, qui prévoit que les droits à l’autonomie gouvernementale peuvent être protégés par l’article 35 dans les nouveaux traités, dans les règlements des revendications territoriales globales ou en ajout à des traités existants, est appliquée dans au moins quelques-unes des ententes de principe ou accords définitifs récents. Voici quelques faits nouveaux qui en témoignent :

  • En juin 1998, les Conseils unis des Anishnaabeg et le ministre des Affaires indiennes ont signé une entente de principe sur le gouvernement Anishnaabe, la première du genre en Ontario sous le régime de la nouvelle politique. Cette entente prévoit que l’accord définitif n’aura pas le statut d’un traité.
  • L’Accord définitif Nisga’a, signé en août 1998 et ratifié depuis par les Nisga’a et par l’assemblée législative de la C.-B., constitue le premier règlement moderne d’une revendication territoriale à étendre explicitement la protection offerte par l’article 35 aux droits territoriaux et aux droits à l’autonomie gouvernementale. La loi fédérale portant ratification devrait être présentée au Parlement au début de la deuxième session de la 36e législature.
  • En octobre 1998, la Deline Land/Financial Corporation Ltd. et les Dénés de Deline, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement fédéral ont signé une entente concernant le déroulement et le calendrier des négociations de l’autonomie gouvernementale.
  • En novembre 1998, des représentants du gouvernement fédéral et de la nation Anishinabek, laquelle est une coalition politique distincte de nombreuses Premières nations de l’Ontario, ont signé une entente-cadre pour négocier les modalités de mise en place d’un gouvernement autochtone. Cette entente est le résultat de la première étape des négociations et n’apporte donc pas de réponse définitive aux questions concernant l’article 35.
  • En avril 1999, les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique et la bande indienne sechelte ont signé une entente de principe, la première à être conclue sous l’égide de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. L’entente maintient la forme d’autonomie gouvernementale déléguée pratiquée par les Secheltes depuis 1986.
  • L’entente de principe concernant les revendications territoriales des Inuit du Labrador a été paraphée par les parties en mai 1999 et approuvée par les Inuit en juillet. L’entente, dont un volet est consacré à l’autonomie gouvernementale, prévoit la reconnaissance constitutionnelle de l’éventuel accord définitif.
  • En mai 1999, la nation Mi’kmaq de Gespeg, le Québec et le gouvernement fédéral ont signé une entente-cadre pour négocier l’autonomie gouvernementale.
  • En août 1999, les parties ont paraphé l’entente de principe des Dogrib, donnant le premier mandat touchant à la fois les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale au nord du 60e parallèle. Cette entente prévoit aussi que l’éventuel accord sera un règlement de revendication territoriale visé par l’article 35.

L’étendue de la protection offerte par l’article 35 en matière d’autonomie gouvernementale et la nature de certaines mesures d’autonomie prévues dans les traités modernes suscitent la controverse, comme le montre le débat au sujet de l’accord définitif Nisga’a.

Dans son rapport sur le rendement, d’octobre 1998, le ministère des Affaires indiennes et du Nord indique qu’en mars 1998, plus de 80 processus de négociation (globaux ou sectoriels) portant sur l’autonomie gouvernementale étaient en cours, à diverses étapes. Il y avait notamment un projet pilote entrepris en 1994 pour démanteler le service régional du ministère au Manitoba et transférer ses responsabilités aux Premières nations de la province. Le projet avance plus lentement que prévu, en raison de la complexité des enjeux.

Un autre dossier important concerne l’autonomie gouvernementale des Autochtones vivant hors réserve et en zone urbaine. On a proposé diverses approches, dont des formes de gouvernement public ou des liens avec les gouvernements autochtones rattachés à un territoire. Le dossier est compliqué par le partage des responsabilités entre le fédéral et les provinces à l’égard des Autochtones.

Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones
(CRPA) et réponse du gouvernement

Dans son rapport de novembre 1996, la CRPA énonce une approche de l’autonomie gouvernementale basée sur la reconnaissance des gouvernements autochtones comme un des trois paliers de l’État au Canada. Elle recommande, entre autres :

  • une nouvelle Proclamation royale pour énoncer les principes d’une nouvelle relation et exposer les nouvelles lois et institutions envisagées;
  • l’adoption d’une loi sur le gouvernement et la reconnaissance des nations autochtones;
  • l’élimination du ministère et du poste de ministre des Affaires indiennes et la création d’un nouveau poste au sein du Cabinet, celui de ministre des Relations avec les Autochtones, et d’un nouveau ministère des Relations avec les Autochtones pour négocier et gérer les ententes avec les nations autochtones. Un nouveau ministère des Services aux Indiens et aux Inuit serait chargé de la prestation des services au niveau fédéral;
  • l’adoption d’une loi sur le parlement autochtone afin d’établir un organe représentatif des peuples autochtones qui deviendrait une chambre des Premières nations et ferait partie du Parlement.

En janvier 1998, le gouvernement fédéral a répondu au rapport en publiant Rassembler nos forces : le plan d’action du Canada pour les questions autochtones. Il a centré sa réponse sur quatre objectifs, dont le renforcement de l’autonomie gouvernementale autochtone. Le fédéral :

  • se dit disposé à poursuivre les discussions sur tout arrangement ministériel et institutionnel susceptible d’améliorer la situation actuelle;
  • déclare qu’il consultera les organismes autochtones ainsi que les provinces et les territoires au sujet des instruments requis pour reconnaître les gouvernements autochtones;
  • compte s’attacher à améliorer la capacité des Premières nations de négocier et de mettre en œuvre l’autonomie gouvernementale;
  • se dit disposé à collaborer avec les Premières nations signataires de traités en vue de réaliser l’autonomie gouvernementale dans le respect des traités.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Wherrett, Jill. L’autonomie gouvernementale des Autochtones.  CIR 96-2F, Ottawa, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.