Direction de la recherche parlementaire


MR-122F

 

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES :
LE RAPPORT FINAL DU COMITÉ CANADIEN

 

Rédaction :
Sandra Harder
Division des affaires politiques et sociales

Le 28 février 1994

                                      


TABLE DES MATIÈRES


CONTEXTE

MANDAT ET RECHERCHE/CONSULTATION

LE CADRE ANALYTIQUE DU COMITÉ

LE PLAN D'ACTION NATIONAL

CE QUI S'EST PASSÉ DEPUIS LA PUBLICATION DU RAPPORT


LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES :
LE RAPPORT FINAL DU COMITÉ CANADIEN

CONTEXTE

En juin 1991, le Sous-comité de la Chambre des communes sur la condition féminine a publié son rapport intitulé La guerre contre les femmes après une étude de six mois dans le cadre de laquelle il a reçu le témoignage de représentants de nombreux secteurs de la société canadienne. En réponse à l'une des 25 recommandations du rapport, le gouvernement fédéral a établi, en août 1991, le Comité canadien sur la violence faite aux femmes.

Aux deux coprésidentes à plein temps nommées dès le début du processus se sont joints sept membres à temps partiel, dont quatre avaient formé le Cercle autochtone, un organisme consultatif. Un comité consultatif de 23 membres a également été établi pour renforcer le lien entre les groupes de femmes communautaires et le Comité. Le Comité s'est réuni au complet cinq fois pendant son mandat et un secrétariat a coordonné le processus de recherche et de consultation avant d'analyser et de documenter les conclusions du comité.

Le Comité canadien a publié son rapport final Un nouvel horizon : Éliminer la violence — Atteindre l'égalité en juin 1993.

MANDAT ET RECHERCHE/CONSULTATION

Le Comité avait pour mandat d'examiner toutes les formes de la violence faite aux femmes, ainsi que de déterminer l'incidence de cette violence et d'en explorer les causes profondes. Il devait également sensibiliser le public au problème, formuler des recommandations en matière de prévention de la violence et fixer des délais raisonnables aux mesures que le gouvernement doit prendre pour assurer la "tolérance zéro" dans la société canadienne.

Le Comité a accompli son travail en deux phases. Dans la première phase qui était essentiellement consultative, de petits groupes de membres du Comité ont, entre janvier et mai 1992, sillonné le pays, y compris le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. En tout, ils ont visité 139 localités et rencontré plus de 4 000 personnes, dont 84 p. 100 étaient des femmes. Au cours des réunions convoquées dans des endroits accessibles tels que des centres communautaires, des écoles, des églises, des bureaux de bande et des maisons privées, ils ont reçu le témoignage de femmes victimes de violence, de fournisseurs de services, de défenseurs communautaires, de policiers, de médecins et d'ecclésiastiques. Le Comité a par ailleurs reçu près de 700 mémoires, dont des témoignages personnels, des examens des services et des programmes communautaires existants et des suggestions de recommandations.

En plus de mener ces consultations, le Comité a parrainé des activités précises : des réunions avec des groupes de femmes nationaux, une table ronde sur la santé chez les Autochtones et une autre avec les Anciens de la communauté autochtone, un groupe de réflexion pour les femmes handicapées, une table ronde avec les Églises et deux tables rondes pour les jeunes. À plusieurs reprises, les membres du Comité ont rencontré des groupes qui avaient des opinions à exprimer sur le comité ou qui s'intéressaient à ses activités.

Le Comité a également commandé à des spécialistes plusieurs recherches afin de rassembler les connaissances existantes et de faire ressortir les thèmes qui émergent, notamment ceux qui ont trait aux aspects moins connus de la violence faite aux femmes comme la mutilation rituelle et la violence contre les domestiques, les femmes vivant en milieu rural et les femmes de couleur.

LE CADRE ANALYTIQUE DU COMITÉ

Le Comité a adopté un cadre sociologique féministe en vertu duquel la violence faite aux femmes doit être perçue comme un continuum qui va des cris et des bousculades à des actions plus musclées comme les coups, le viol et le meurtre. Il a aussi souligné que la violence a plusieurs dimensions, et des aspects physiques, sexuels, psychologiques, financiers et spirituels. Selon les constatations du Comité, la plupart des Canadiens sont plus conscients de la violence physique que des autres formes de violence. À l'aide d'extraits des témoignages qu'il a reçus, le Comité brosse, dans son rapport final, un portrait saisissant des sévices infligés aux femmes de tous les âges et horizons socio-économiques, antécédents culturels et niveaux de revenu au Canada.

Conformément au cadre sociologique féministe adopté, le Comité a fait reposer son analyse de la violence sur l'hypothèse que :

même si chaque homme choisit individuellement d'être ou de ne pas être violent envers une femme, toute explication fondée uniquement sur les caractéristiques et tendances individuelles ne saurait rendre compte de l'ampleur, de la fréquence et des dimensions de la violence faite aux femmes, aujourd'hui et depuis toujours.

Il ressort de l'analyse que la violence contre les femmes découle du partage inégal du pouvoir social, économique et politique établi dans les relations sociales et renforcé par des hypothèses idéologiques et des actions qui contribuent au sexisme, au racisme et aux préjugés de classe. En outre, le Comité souligne dans son rapport final qu'une analyse féministe doit envisager non seulement les ressemblances entre les femmes, mais les réalités qui distinguent certaines femmes des autres : l'âge, l'ethnicité, l'orientation sexuelle et le niveau de compétence. Par conséquent, certaines sections du rapport final portent sur les expériences et les problèmes de groupes comme les femmes âgées, les femmes pauvres, les femmes handicapées, les femmes vivant en milieu rural, les lesbiennes, les femmes des minorités de langue officielle, les femmes de couleur, les jeunes femmes, les immigrantes et les réfugiées, les domestiques étrangers et les femmes inuits et autochtones. Dans son rapport final, le Comité explore également les dimensions précitées de la violence ainsi que ses formes moins connues telles que la mutilation rituelle et l'exploitation financière.

LE PLAN D'ACTION NATIONAL

Conformément à son approche féministe et sociologique, le Comité soutient, dans son rapport final, que la violence faite aux femmes cessera lorsque les femmes jouiront de l'égalité :

l'inégalité rend les femmes plus vulnérables à la violence et limite leurs choix dans tous les aspects de la vie. [...] Nous devons donc viser deux objectifs : assurer l'égalité des femmes et éliminer la violence qui leur est faite.

Le Comité propose un plan à deux volets : un Plan d'action pour l'égalité et une Politique de tolérance zéro. Le premier traite des aspects de l'inégalité qui rendent les femmes particulièrement vulnérables à la violence — le manque de droits à l'égalité, l'inégalité d'accès à l'appareil judiciaire, le manque de participation à la vie politique et à la fonction publique, la fiscalité et les paiements de transfert et d'autres questions économiques — et vise le maintien ou la création de mécanismes visant à assurer l'égalité des femmes, ou les deux.

Voici quelques-unes des stratégies proposées :

  • éliminer dans la Loi sur les Indiens la discrimination entre certaines catégories de femmes autochtones et leurs enfants;

  • veiller à ce que la législation sur les droits de la personne permette d'intervenir contre la discrimination systémique ainsi que dans les cas de discrimination faisant l'objet de plaintes individuelles;

  • ajouter dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et, au besoin, dans la législation provinciale et territoriale des droits de la personne que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est interdite;

  • rétablir et élargir le Programme de contestation judiciaire, étendre son application aux lois provinciales et territoriales et fournir des crédits suffisants pour assurer son application par les niveaux de gouvernement respectifs;

  • oeuvrer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour mettre sur pied des programmes de sensibilisation à la discrimination raciale et sexiste à l'intention de tous les étudiants en droit, avocats, juges et employés para-judiciaires;

  • exiger de tous les ministères chargés de compiler et de diffuser des statistiques qu'ils fournissent des données ventilées selon le sexe et d'autres grandes caractéristiques démographiques;

  • mettre en oeuvre un programme national de garde d'enfants fondé sur les principes de l'équité et de la flexibilité et assorti de règlements et de normes régissant le personnel, les programmes et les équipements.

La Politique de tolérance zéro signifie « qu'aucune forme de violence n'est acceptable et que la sécurité et l'égalité des femmes sont des priorités ». Dans son rapport le Comité encourage vivement tous les organismes à examiner leurs programmes, pratiques et produits en fonction de la tolérance zéro et à se servir de la politique de tolérance zéro pour créer un environnement libre de violence et s'assurer qu'il le reste. La politique devrait également être appliquée dans certains secteurs clés de la société comme les services médicaux et sociaux, l'appareil judiciaire, le monde du travail, le secteur militaire, l'éducation, les médias, l'enseignement, les institutions religieuses et le gouvernement fédéral. Même si la mise en oeuvre de la Politique de tolérance zéro dans ces secteurs fera bouger l'ensemble de la société canadienne, le Comité propose un plan individuel qui contient les mesures que chacun des Canadiens peut prendre à titre de conjoint, de parent, d'enfant, d'ami, de collègue et de citoyen.

CE QUI S'EST PASSÉ DEPUIS LA PUBLICATION DU RAPPORT

La publication du rapport final a donné lieu à une controverse. Un certain nombre de groupes de femmes, de groupes communautaires et de particuliers qui oeuvrent dans le secteur des services directs ont reproché au rapport de ne pas remplir le mandat dont était investi le Comité, à savoir dresser un échéancier et une stratégie de mise en oeuvre de ses recommandations. En outre, alors que le rapport compte plus de 400 recommandations et renferme une quantité énorme de documents, son sommaire n'a été publié que quelques semaines plus tard. Nombreux sont ceux qui ont jugé que la taille du rapport a nui à son impact.

Bien que le gouvernement ne soit pas tenu de répondre au rapport final du Comité, Condition féminine Canada est en train de dresser un programme d'égalité et de sécurité pour les femmes qui s'inspire des constatations et recommandations qu'il renferme.