BP-243F

LES PARTIS POLITIQUES ET LEUR
RECONNAISSANCE AU PARLEMENT

 

Rédaction :
James R. Robertson
Division du droit et du gouvernement

Août 1990
Révisé en août 1996


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

HISTOIRE DES PARTIS POLITIQUES DU CANADA

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

QUESTION DE PROCÉDURE

   A.  Déclarations des ministres

   B.  Période des questions et débats

   C.  Composition des comités

QUESTIONS ADMINISTRATIVES

   A.  Les budgets de recherche

   B.  Attribution des bureaux et des sièges en Chambre

   C.  Autres services et installations

ASSEMBLÉES LÉGISLATIVES PROVINCIALES

FAITS NOUVEAUX

CONCLUSION

 


LES PARTIS POLITIQUES ET LEUR RECONNAISSANCE AU PARLEMENT

 

INTRODUCTION

Dans le présent document, nous examinons la question de la reconnaissance des partis politiques à la Chambre des communes du Canada. Nous y présentons d’abord un bref historique des partis à la Chambre en donnant un aperçu de leur rôle et de leur importance. Nous y abordons ensuite les questions de la reconnaissance officielle des partis, des indemnités spéciales et des avantages accordés aux partis et à leur chef, de la répartition du temps entre les partis au cours de la période des questions et des débats, de l’attribution des sièges à la Chambre et des locaux, ainsi que de l’accès aux services parlementaires. Ces questions, entre autres, ont été soulevées à plusieurs reprises au cours des dernières années. Les événements récents à cet égard sont résumés dans la conclusion.

Il faut dire tout de suite que ces questions relèvent d’un domaine relativement obscur du droit et de la pratique parlementaires et qu’il n’existe que peu de règles précises en la matière. On se fie beaucoup à la tradition et à la pratique parlementaires et les précédents qui existent, quoiqu’ils aient une certaine force de persuasion, ne sont nullement déterminants. Un survol rapide de l’histoire parlementaire nous permet de constater clairement que le pragmatisme et l’opportunisme politique comportent pour beaucoup : on attache une grande importance aux circonstances particulières, aux relations entre les partis, etc. Les décisions d’accorder la reconnaissance officielle sont souvent prises cas par cas. De plus, les avantages découlant de cette reconnaissance étaient relativement peu importants et c’est sans doute en partie pour cette raison que ces questions n’ont guère été débattues jusqu’à tout récemment.

Il faut aussi se rappeler que les partis politiques peuvent être reconnus à certaines fins, sans l’être pour d’autres. Autrement dit, la reconnaissance n’est pas un geste unique : différents critères et différentes considérations entrent en jeu selon le cas particulier ou les répercussions de la décision. Parallèlement, la reconnaissance accordée à une fin particulière ajoute à la crédibilité du parti ainsi reconnu et lui donne des arguments pour se voir reconnaître à d’autres fins.

Il y a une question connexe dont il faut tenir compte, soit l’importance de déterminer qui prend la décision sur une question précise et de connaître quels sont ses pouvoirs discrétionnaires. Les dispositions légales ne peuvent être modifiées que par le Parlement tandis que les dispositions réglementaires peuvent être modifiées par le gouverneur en conseil ou par une autre autorité (gouvernementale). À l’opposé, il y a des décisions administratives qui sont beaucoup plus souples et beaucoup plus faciles à changer. Pour ce qui est de la reconnaissance des partis politiques à la Chambre des communes, il y a les décisions du Président et du Bureau de régie interne (le «Bureau») et celles de la Chambre réunie en assemblée plénière.

Il faut aussi faire une autre mise en garde. Les partis politiques n’ont acquis que récemment un statut légal au Canada(1). Leur enregistrement n’est requis que depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi électorale du Canada en 1970. Les modifications apportées à cette Loi en 1974 ont permis aux partis d’émettre des reçus aux fins d’impôt pour les dons reçus, en plus d’obtenir le remboursement de certaines dépenses électorales et un certain temps d’antenne. Aucune de ces dispositions n’est directement liée à la reconnaissance des partis politiques à la Chambre des communes, mais si un parti ne s’enregistre pas, ses opposants disposeront peut-être d’arguments pour lui refuser certains privilèges ou avantages.

Il n’y a pas de définition unique reconnue de ce qu’est un «parti politique»; toutefois, lorsqu’un parti se conforme à la procédure d’enregistrement, se dote d’une constitution et d’un bureau dûment élu, etc., il est possible qu’il donne du poids à sa demande de reconnaissance. Si l’histoire parlementaire britannique repose sur des groupes politiques flous, plutôt que sur des partis politiques modernes, presque tous les cas récents qui se sont présentés au Canada ont mis en cause des partis bien établis et officiellement créés. En effet, on a souvent invoqué la longévité et l’histoire des partis pour demander certains droits et privilèges, et pour obtenir leur reconnaissance. En 1983, le président a suggéré qu’il y aurait peut-être lieu de faire une distinction entre les partis politiques qui ont pris part à une élection et ceux qui ont été formés par la suite.

HISTOIRE DES PARTIS POLITIQUES DU CANADA

L’histoire détaillée de l’avènement des partis politiques à la Chambre des communes du Canada dépasse le cadre du présent document. Qu’il suffise d’indiquer que la notion de parti politique est un phénomène relativement récent. Les systèmes parlementaires se fondant sur le modèle du Parlement n’ont traditionnellement reconnu les partis ni pour les travaux du Parlement, ni en tant que personnes morales à des fins juridiques. Cela ne correspondait bien sûr pas à la réalité : depuis les années 1870 au moins, ce sont les partis politiques qui ont formé, contré et mis en minorité les gouvernement, ce qui exigeait la plupart du temps une discipline et une loyauté considérables de la part de leur membres.

De plus, l’idée traditionnelle du Parlement au dix-neuvième siècle s’axait sur le bipartisme. Dans une certaine mesure, ce système tenait compte de la prédominance de deux partis importants. Cela correspondait également à l’idée parlementaire d’un gouvernement et d’une opposition, ainsi qu’à l’aménagement de nombreuses salles où se réunissent les assemblées législatives. Le Canada a été le premier pays du Commonwealth à reconnaître officiellement le poste de chef de l’opposition. Mais là encore, ce n’était pas l’opposition, mais son chef, qui était reconnu. En 1944 encore, le premier ministre pouvait prétendre que lorsqu’il consultait l’opposition, il était obligé uniquement de traiter avec le chef de l’opposition, et non avec les chefs des autres partis : «Si cette dernière [l’opposition] souhaite être divisée en groupes, naturellement c’est son affaire»(2).

Au Canada, il a fallu attendre 1896 pour que des députés qui n’étaient ni libéraux ni conservateurs soient élus. Même là, ces députés furent perçus comme une aberration jusque vers les années 20, époque à laquelle des députés d’autres partis, et non des députés indépendants, ont commencé à être élus en assez grand nombre et avec un appui et une crédibilité suffisants pour influer sur le système. Dans les années 30, le Crédit social et la Fédération du commonwealth coopératif (CCF), qui a précédé le NPD, ont été créés. Au début des années 60, il était devenu évident que ces tiers partis n’allaient pas disparaître.

L’élection fédérale de 1963 était la quatrième élection à être tenue en six ans et il n’y en a eu qu’une au cours de laquelle un gouvernement majoritaire fut élu. Les gouvernements minoritaires comptent beaucoup sur le soutien des tiers partis, et c’est dans ce contexte que la reconnaissance officielle a d’abord été étendue à de tels partis politiques. Le gouvernement a proposé une modification à la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes, qui a été adoptée, et qui a permis, pour la première fois dans l’histoire du Canada, à un chef de parti autre que le premier ministre et le chef de l’opposition de recevoir une indemnité annuelle supplémentaire. L’élément primordial était en l’occurrence la définition de ce qu’est un «parti politique» : selon la modification, seuls les députés qui dirigent un parti «comptant officiellement au moins 12 députés» seraient autorisés à recevoir un traitement supplémentaire de 4 000 $ par an.

Il semble que la situation minoritaire dans laquelle se trouvait le nouveau gouvernement libéral de l’époque ait constitué la principale motivation qui l’ait poussé à proposer d’accorder des indemnités aux chefs des tiers partis. Étant donné que le Crédit social et le NPD, individuellement ou ensemble, pouvaient garantir la survie du gouvernement lors des votes importants, ce dernier avait très évidemment intérêt à leur donner satisfaction. Il faut également noter que le Crédit Social et le CCF/NPD comptaient respectivement 24 et 17 députés, et que tous deux existaient depuis plus de 30 ans. On admettait de façon générale que les chefs de ces partis avaient des responsabilités plus grandes que les autres députés, et il n’a donc pas été très difficile de justifier les nouvelles indemnités.

La condition voulant qu’un parti compte au moins 12 députés pour pouvoir être reconnu semble avoir été choisie par le gouvernement, sans consultation avec les partis d’opposition(3). Ces derniers ne se sont pas opposés à la proposition lorsqu’elle leur a été soumise, mais elle n’émanait pas d’eux. Douze députés constituaient plus ou moins la représentation parlementaire moyenne à long terme du CCF/NPD et du Crédit Social. On craignait aussi sans doute qu’un chiffre trop bas entraînerait une prolifération de partis, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. En 1944, le premier ministre Mackenzie King avait exprimé certaines réserves en déclarant : «un certain nombre d’honorables députés pourraient soudainement devenir chefs de parti, que le nombre de leurs adhérents soit considérables (sic) ou non et réclamer des droits et privilèges à la Chambre»(4).

De toute manière, quelques semaines après que l’exigence des 12 députés ait été intégrée à la loi, le Parti du Crédit Social s’est scindé en deux, le Ralliement des Créditistes comptant 13 députés et le Parti du Crédit Social, qui avait sa base dans l’Ouest, regroupant les 11 députés restants. Il semble que le leader parlementaire du gouvernement ait par la suite admis qu’il aurait dû veiller à ce que le nombre minimum de députés requis pour constituer un parti soit fixé à 10 afin que les indemnités puissent continuer à être versées aux membres du Crédit Social.

Le Parlement canadien avait compté d’autres petits partis avant 1963. Jusque là, toutefois, il n’avait pas été question d’un nombre minimum de députés. En fait, la reconnaissance des partis politiques n’était pas un problème important et n’avait pas d’utilité pratique. Comme nous l’avons indiqué plus haut, la procédure et la tradition parlementaires reposaient sur la «non-existence» des partis politiques et s’appuyaient sur le concept de députés indépendants qui agissent séparément et seuls. Lorsqu’un parti ne devait pas compter nombre minimum de députés, les questions avaient tendance à être débattues en coulisse et au fur et à mesure qu’elles surgissaient. Il semble que l’on ait peu ou pas discuté de la question et que s’il y a eu à cet égard des décisions de la part des présidents à la Chambre des communes, elles aient été peu nombreuses.

Il faut noter que lorsque, en 1963, il a été fixé qu’un parti devait compter au moins 12 députés pour être reconnu, il y avait 265 députés à la Chambre des communes. De nos jours, même si la Chambre comptait 295 sièges en 1996 et que le nombre de députés atteindra 301 après la prochaine élection générale, il suffit toujours qu’un parti ait 12 membres pour être reconnu.

L’exigence d’un nombre minimum de 12 députés n’avait été proposée à l’origine que dans l’optique des indemnités destinées aux chefs de parti; il ne semble pas qu’elle ait eu d’autres objectifs. D’après John C. Courtney, «sur un plan technique, aucun lien n’existe entre le seuil de 12 députés établi dans la mesure législative de 1963 et la procédure parlementaire. Il est cependant à peu près certain, étant donné le calendrier des événements, que l’exigence qu’un groupe parlementaire «compte officiellement au moins 12 députés» surgira à l’avenir dans tout débat sur la réglementation et la législation relative aux partis politiques. L’expression, et le chiffre en particulier, prendront graduellement un caractère d’authenticité»(5). Depuis 1963, les avantages indirects dont peuvent bénéficier les partis d’opposition ont augmenté et se sont améliorés, comme nous le verrons plus loin.

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

La Loi sur le Sénat et la Chambre des communes fait maintenant partie de la Loi sur le Parlement du Canada. Cette dernière est le principal texte de loi traitant du Parlement, mais elle reste cependant nettement incomplète. Cette Loi est désuète et a été sporadiquement modifiée au cours des ans.

La principale disposition qui importe pour notre propos actuel est celle qui prévoit une indemnité supplémentaire pour les chefs de certains partis politiques. L’article 62 stipule que :

[...] sont versées aux titulaires de certaines charges, en sus de l’indemnité de session, les indemnités annuelles supplémentaires suivantes :

b) dix-huit mille six cents dollars au député - à l’exclusion du premier ministre et du chef de l’opposition - qui est le chef d’un parti comptant officiellement au moins douze députés;

Le libellé est un peu gauche ici car il est question d’un «parti comptant officiellement au moins douze députés» au lieu de donner une définition d’un «parti reconnu».

Il est prévu, aux paragraphes 62 d) et f) respectivement, des indemnités supplémentaires pour le whip et le leader d’un parti qui compte officiellement au moins douze membres à la Chambre des communes. L’article 67 stipule en outre que ces indemnités sont indexées selon la même formule que les indemnités de session des députés. Le paragraphe 50(3) de la Loi sur le Parlement du Canada prévoit aussi la constitution, pour la Chambre des communes, d’un Bureau de régie interne composé de représentants du parti ministériel et des partis d’opposition, en limitant encore une fois ceux-ci aux partis comptant «au moins douze députés».

D’autres lois ont repris la même définition des partis politiques reconnus. Par exemple, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité prévoit que les membres du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité seront nommés après consultation du «chef de l’opposition à la Chambre des communes et [du] chef de chacun des partis qui y disposent d’au moins douze députés» (paragraphe 34(1)). Par contre, la Loi sur l’institut canadien pour la paix et la sécurité mondiales stipule simplement que les nominations sont faites après consultation du chef de l’opposition et du «chef de tout autre parti reconnu à la Chambre des communes», ce qui permet d’éviter la condition du minimum de douze députés.

QUESTION DE PROCÉDURE

   A. Déclarations des ministres

Peu après la création des indemnités des chefs en 1968, le Règlement de la Chambre des communes a été modifié afin que soit reconnu à un porte-parole de chaque parti de l’opposition le droit de faire de brefs commentaires en réponse à une déclaration d’un ministre sur les motions présentées à la Chambre. Au début de 1966, les députés progressistes conservateurs de l’opposition ont prétendu que le nouvel article du Règlement devrait être interprété à la lumière de la modification de 1963 apportée à la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes. En d’autres termes, ils demandaient que seuls les partis politiques «reconnus» - c’est à dire ceux comptant au moins douze députés - soient autorisés à se prévaloir de la règle. Cela aurait eu pour effet d’exclure les représentants du Crédit Social et du Parti créditiste, étant donné que l’effectif parlementaire de ces partis était tombé à cinq et neuf députés respectivement à la suite de l’élection générale de 1965.

Le Président a rejeté l’argument des Progressistes conservateurs en indiquant que depuis 1951 au moins, les présidents avaient accepté le principe en vertu duquel un porte-parole de chaque parti de l’opposition serait autorisé à faire des remarques sur les déclarations des ministres. Il a rappelé que cette pratique est mentionnée dans la quatrième édition (1958) de la Jurisprudence parlementaire d’Arthur Beauchesne. Le Président a estimé que la Chambre devrait en général se laisser guider non pas tellement par une interprétation littérale du Règlement, mais plutôt par la coutume des dernières années. Il a jugé que sauf si la Chambre était prête à définir de façon plus précise le droit de faire des commentaires sur les déclarations des ministres, un tel droit devrait être accordé au chef de l’opposition officielle et, selon ses propres termes, «au porte-parole du Nouveau parti démocratique, du Ralliement des créditistes et du Parti Crédit Social», mais non aux députés indépendants(6). La décision du Président a été acceptée sans contestation et sans argument de la part de la Chambre.

La règle pertinente figure maintenant à l’article 33(1) du Règlement. La Chambre n’a jamais donné suite à la suggestion du Président voulant qu’elle définisse plus précisément le droit de faire des commentaires sur les déclarations des ministres. La coutume d’accorder le privilège de la parole aux représentants de chacun des partis moins importants de la Chambre a été codifiée dans le Règlement après être devenue une norme acceptable des travaux de la Chambre. Le fait que cette coutume se soit établie avant la modification de 1963 a été pertinente et la coutume et la pratique qui ont précédé l’entrée en vigueur de l’article ont joué sur son interprétation. La décision du président a établi une distinction entre la règle de procédure et la définition légale relative à la reconnaissance, ce qui montre bien que la définition contenue désormais dans la Loi sur le Parlement du Canada n’est pas déterminante à tous égards.

Le Président a toutefois pris l’habitude, ces dernières années, de ne donner la parole qu’aux députés de formations comptant au moins douze députés pour répliquer aux déclarations de ministres. Il est cependant arrivé que l’on permette à des représentants de formations plus réduites d’intervenir.

   B. Période des questions et débats

Il n’est pas possible de donner une réponse simple à la question de la reconnaissance des partis politiques dans l’optique des débats et de la période des questions. En 1979, à l’époque du gouvernement minoritaire progressiste conservateur, le premier ministre a présenté une motion portant création d’un comité de sélection. Comme il n’y était pas représenté, le Parti créditiste, qui comptait six députés à la Chambre, a proposé un amendement pour demander que l’un des députés en fasse partie. Après un court débat, l’amendement a été rejeté à la suite d’un vote nominal. Le Président s’est estimé lié par le vote à la lumière des débats qui l’avaient précédé. Lorsque les Créditistes se sont plaint le lendemain du fait que leur chef n’avait pas été reconnu comme il se devait pour le débat sur le discours du Trône, le Président a décidé que, malgré les précédents, le vote limitait ses actes : «Au sujet de la décision à la Chambre, hier, je ne pourrais aller à l’encontre de cette décision et donner un statut au Parti Crédit Social du Canada à la Chambre qui a été refusé par une décision formelle [...]»(7). Revenant sur cette question par la suite, il devait indiquer : [...] «il me semble que je doive considérer ce qui a été dit comme une déclaration de la Chambre. [...] Je ne suis pas autorisé à modifier ou à critiquer le moindrement cette décision de la Chambre»(8). En conséquence, le chef des Créditistes devait recevoir le même traitement que n’importe quel autre député.

Le Président a énormément de latitude pour ce qui est de reconnaître les députés à la Chambre des communes. Il est cependant lié par les habitudes et les traditions, ainsi que par les décisions antérieures et les précédents; de plus, comme le montre l’affaire de 1979, en tant que serviteur de la Chambre, il est lié par les décisions expresses prises par celle-ci.

L’attribution des questions, pour la période des questions, se fait en gros selon le nombre de députés appartenant aux partis d’opposition. Les chefs de parti se consultent passablement à ce sujet et établissent des plans; c’est toutefois au Président que revient en définitive l’autorité et le pouvoir de décision. Absolument rien n’empêche le Président de permettre aux députés de n’importe quel parti de poser des questions pendant la période des questions, mais il y a peu ou pas de règles ou de politiques qui traitent de ce sujet.

Pour ce qui est de participer aux débats, tous les députés peuvent se prévaloir de ce droit, sous réserve uniquement du respect des règles générales de la Chambre. Le seul problème qui pourrait se poser porte sur l’ordre d’intervention des orateurs, étant donné que les chefs et les porte-parole de parti parlent généralement dans un ordre donné et à des moments précis. Le Règlement limite habituellement de temps de parole sauf pour le premier ministre et le chef de l’opposition(9); les chefs des autres partis n’ont pas ce privilège.

Là encore, les partis procèdent à de nombreuses négociations et consultations pour ce qui est des débats, du nombre d’orateurs et de l’ordre dans lequel ils s’adressent à la Chambre. En effet, il sembe y aller de l’intérêt du gouvernement de tenter de s’assurer la collaboration de tous les députés de l’opposition afin d’éviter tout retard ou toute obstruction inutile. Les députés ont de nombreuses possibilités d’employer les règles et les procédures au détriment des travaux de la Chambre; le déroulement des activités et le fonctionnement de la Chambre des communes reposent beaucoup sur la coopération et la négociation.

   C. Composition des comités

La représentation au sein des comités est une autre question pertinente pour les partis politiques. En règle générale, la composition des comités correspond à celle de la Chambre des communes. Il peut donc se poser des problèmes pour les tiers partis et les députés indépendants. En règle générale, ces dernières années, les partis qui comptent moins de 12 députés à la Chambre ne sont pas représentés au sein des comités permanents ou législatifs. Le nombre élevé de comités et de séances de comités, qui fait que les membres de petits partis auraient du mal à s’y faire représenter, y est sans doute pour quelque chose. Dans certains cas, cela se répercuterait aussi sur la représentation proportionnelle au sein des comités. Il est arrivé plus fréquemment que des membres de partis qui ne sont pas reconnus et des députés indépendants fassent partie de sous-comités et, à l’occasion, de comités spéciaux.

La notion de «membre associé» de comités permanents est né des modifications apportées au Règlement en 1994. Des députés indépendants et des membres de petits partis sont devenus membres associés, en qualité de quoi ils sont avisés des réunions du comité, font partie de sous-comités, et servent de suppléants aux membres permanents des comités (quoique très rarement)(10).

QUESTIONS ADMINISTRATIVES

   A. Les budgets de recherche

En 1968, le gouvernement libéral, après avoir consulté les chefs des partis d’opposition de la Chambre des communes, a annoncé que les partis d’opposition officiellement reconnus - ceux comptant au moins 12 députés - auraient accès à des fonds pour la recherche. Ces fonds visaient à permettre au partis d’opposition de critiquer les mesures législatives du gouvernement de façon plus efficace. Grâce à l’argent reçu, les partis d’opposition devaient pouvoir engager du personnel, signer des contrats de services avec des particuliers et utiliser les installations techniques existant à la Chambre, comme par exemple les services d’imprimerie.

Le premier «budget de recherche» a été approuvé pour l’année financière débutant le 1er avril 1969. Il semblait à l’origine que ces sommes serviraient à aider les chefs des partis d’opposition. Il a ensuite été établi que les services de recherche seraient mis aussi à la disposition des caucus de parti et des députés membres de ces caucus. Il est clair que l’objectif original des budgets de recherche de l’opposition était d’aider les partis d’opposition à remplir leur rôle de façon plus efficace. Étant donné les ressources et le savoir-faire dont dispose le gouvernement, il a été jugé que les partis d’opposition devraient avoir accès à certains services de recherche qui leur soient propres, bien que de façon limitée(11). Depuis 1979, le parti qui forme le gouvernement est également prévu dans l’octroi des budgets de recherche.

Les budgets de recherche et les critères de financement sont prévus par le Bureau de régie interne et ils figurent au Budget des dépenses de la Chambre des communes. Les sommes accordées à chaque parti correspondent au nombre de sièges que le parti détient à la suite d’une élection générale, bien que l’on ait récemment modifié quelque peu la formule permettant d’arriver à ce calcul. De manière générale, le montant du budget annuel n’est pas modifié pendant une législature en fonction des changements résultant d’élections partielles et d’autres vacances à la Chambre. Les crédits budgétaires sont toutefois modifiés chaque année pour qu’il soit tenu compte de l’augmentation du coût de la vie.

Les principales règles d’octroi du financement de recherche ont été modifiées au cours des ans afin qu’il soit tenu compte des réalités et des considérations politiques. Le Bureau de régie interne a le pouvoir de renoncer aux exigences dans certains cas particuliers, ou de changer les critères. À la suite de l’élection générale de 1974, les Créditistes, qui n’avaient plus que 11 députés, n’ont pas eu droit à une affection de crédits pour le Bureau de recherche, mais ils ont continué à recevoir un financement de recherche.

   B. Attribution des bureaux et des sièges en Chambre

L’attribution des bureaux aux députés dans les édifices du Parlement se fait surtout par voie de négociations entre les whips des partis et le Sergent d’armes. L’attribution des sièges à la Chambre des communes est, traditionnellement, une question plus controversée.

À la suite de la scission du Parti du Crédit Social en 1963, la question de l’attribution des sièges aux partis d’opposition s’est posée. Les Créditistes avaient 13 députés tandis que le Crédit Social n’en gardait que 11. Le Nouveau Parti démocratique, qui comptait 17 députés, a demandé à avoir des sièges à côté de l’opposition officielle et à bénéficier du privilège de prendre la parole à la Chambre étant donné sa nouvelle position de troisième parti de la Chambre, par ordre d’importance. Le Crédit Social, qui disposait de moins de députés que les Créditistes et qui avait une trop faible représentation parlementaire pour que son chef bénéficie de l’indemnité supplémentaire, a cependant demandé, en se fondant sur le fait qu’il existait depuis plus longtemps, à avoir la priorité sur les Créditistes pour prendre la parole et obtenir des sièges. Le Président a décidé de ne pas se prononcer : il a laissé clairement entendre que la responsabilité de «reconnaître» un parti politique revenait aux députés. Selon lui, c’était à la Chambre qu’il revenait de décider en l’occurrence. Il devait ajouter :

Je ne puis conclure ces observations sans souligner la portée que ces événements auront dorénavant sur la notion et le statut des partis dans cette Chambre. Il ne m’appartient pas d’évaluer l’influence de semblables facteurs sur les structures et la nature toujours renouvelées des partis politiques, mais j’estime qu’il est de mon devoir de signaler à la Chambre l’aspect nouveau de la situation à laquelle elle doit faire face. Le paiement des indemnités, l’organisation du Parlement et des partis, les travaux de cette Chambre sont autant de problèmes particuliers qui nécessitent l’attention de la Chambre, lorsque de nouveaux groupes réclament, de temps à autre, le statut de parti politique. Tout ceci soulève des problèmes constitutionnels importants; par exemple, un groupe de députés qui ne formait pas un parti lors de la dernière élection générale peut-il se faire reconnaître comme parti sans s’être d’abord présenté à ce titre devant les électeurs(12).

   C. Autres services et installations

Il existe un grand nombre d’autres services et installations sur la Colline parlementaire. Bon nombre de ces services sont mis à la disposition des députés dans leur ensemble; cela veut dire que chaque député, qu’il soit ou non affilié à un parti politique ou à un parti qui est ou non reconnu, peut s’en prévaloir simplement en vertu de son titre de député.

Il y a cependant des installations et des services qui sont essentiellement réservés aux «partis politiques reconnus». L’accès à ces derniers semble être avant tout une question administrative relevant du Président ou du Bureau de régie interne. Il semble que l’on choisisse normalement de consulter les responsables de la Chambre et les représentants des autres partis politiques. Les présidents ne semblent pas avoir rendu de décisions sur ces questions en particulier.

ASSEMBLÉES LÉGISLATIVES PROVINCIALES

Il convient d’examiner brièvement les coutumes de diverses assemblées législatives provinciales. Au Manitoba, par exemple, des indemnités spéciales sont accordées au chef d’un «parti d’opposition reconnu», soit les députés élus à l’assemblée qui appartiennent à un parti politique représenté à l’assemblée par quatre députés au moins(13). Cette disposition de la Loi sur l’Assemblée législative a été ajoutée en 1970, un an après l’élection provinciale manitobaine au cours de laquelle le NPD a obtenu 28 sièges, les Progressistes conservateurs 22 et les Libéraux quatre.

Au Québec, les lois régissant les indemnités des chefs ont été modifiées pour qu’il puisse être tenu compte du pourcentage du vote populaire obtenu par un parti lors d’une élection, comme solution de rechange au nombre des sièges obtenus par celui-ci. Un minimum de 20 p. 100 des voix exprimées a été fixé. Cette disposition a été prise pour donner satisfaction au Parti Québécois dont les six sièges obtenus en 1970 et les sept obtenus en 1973 (sur plus de 100 sièges que compte l’Assemblée nationale) ne reflétaient guère les 12 et 30 p. 100 du vote populaire qu’il avait obtenu lors des élections de ces deux années-là. À la suite de l’élection de 1976, la loi a à nouveau été modifiée pour que soient accordés certains privilèges à l’Union nationale, qui n’avait ni obtenu les 12 sièges ni les 20 p. 100 des voix nécessaires pour devenir un parti à l’Assemblée nationale; il a alors été bien précisé que cette modification du Règlement ne devait rester en vigueur que jusqu’à l’élection suivante.

Lors de l’élection de 1989 au Québec, le Parti Égalité a fait élire quatre députés à l’Assemblée nationale. Ce parti, qui était un parti politique enregistré, n’a pas été «reconnu» à l’Assemblée nationale comme parti d’opposition étant donné qu’il ne comptait pas les 12 députés nécessaires et qu’il n’avait pas obtenu 20 p. 100 du vote populaire. Néanmoins, il a été reconnu comme «formation politique» à l’Assemblée et a bénéficié de ce fait de certains privilèges, dont des fonds de recherche, et le droit de siéger aux commissions. Un député du parti était généralement autorisé à poser une question à la fin de la période de questions tous les deux jours.

Il faut également parler brièvement de la situation du Nouveau-Brunswick où les Libéraux ont obtenu la totalité des 58 sièges de l’Assemblée législative lors de l’élection provinciale de 1987. La Loi sur le financement de l’activité politique de la province prévoit l’octroi de deniers publics aux partis représentés à l’Assemblée législative. Le gouvernement a rejeté les demandes des Conservateurs et du NPD qui voulaient utiliser ces fonds à leur guise; il a plutôt accordé à ces partis d’autres installations et services, y compris des bureaux, l’utilisation de la bibliothèque parlementaire, le droit de prendre des notes de la tribune du public lors des délibérations législatives, la représentation au Comité d’administration de l’Assemblée législative, la permission de présenter des questions écrites au Comité des comptes publics et la participation aux comités législatifs(14). Par la suite, des droits et des services supplémentaires ont été accordés aux partis d’opposition non représentés.

FAITS NOUVEAUX

La question de la reconnaissance des partis a beaucoup retenu l’attention à la Chambre des communes du Canada ces dernières années. Après l’élection fédérale de 1988, des députés conservateurs et libéraux mécontents ont quitté leurs formations respectives pour former le Bloc Québécois; il s’agissait au départ d’un «mouvement» ou groupement sans structure plutôt que d’une véritable formation politique. Il a par la suite été enregistré aux termes de la Loi électorale du Canada et un de ses représentants a été élu lors d’une élection complémentaire en 1990. Jusqu’à l’élection générale de 1993, le parti n’a jamais compté plus de huit députés, pour la plupart élus, faisait-on observer, comme représentants d’autres formations. Le fait que le Bloc vise à faire sortir le Québec de la Confédération a sans aucun doute influé sur l’attitude du public et des milieux politiques à son égard.

À l’élection générale de 1993, la représentation au Parlement de deux partis traditionnels est tombée à moins de 12 : les Conservateurs ne comptaient plus que deux députés, et les Néo-démocrates, neuf. Pas nés de la veille, ces partis étaient depuis longtemps représentés aux Communes et, dans le cas du Parti conservateur en particulier, avaient recueilli l’appui d’un nombre considérable d’électeurs lors de l’élection.

Ces événements ont suscité beaucoup de questions de privilège et de débats en Chambre tant sur la reconnaissance des partis politiques que sur les droits et privilèges auxquels ils ont droit.

En 1990, le Bureau de régie interne a refusé au Bloc Québécois les fonds réclamés pour la recherche et le bureau de son chef. Malgré le plaidoyer passionné d’un de ses membres en Chambre en vue d’obtenir des fonds additionnels, le Président a rejeté la demande en signalant que les députés du Bloc québécois avaient droit aux mêmes ressources financières et formes de soutien que tous les autres députés de la Chambre(15).

Au même moment, un député qui avait quitté le caucus conservateur pour siéger comme indépendant a voulu être reconnu et enregistré comme «conservateur indépendant». Le Président a décidé qu’il n’y trouvait aucun empêchement légal et ordonné que le député figure comme conservateur indépendant dans l’annexe hebdomadaire des Débats, dans les annexes de l’édition reliée des Débats et des Journaux, de même que dans tout autre document ou circonstance qui découle de ces annexes(16). Cette décision s’est aussi appliquée aux membres du Bloc Québecois et à ceux d’autres partis comptant moins de 12 députés.

En 1994, le député de Winnipeg-Transcona, M. Bill Blaikie, a soulevé une question de privilège au sujet de la reconnaissance et du statut du Parti néo-démocrate. Tout en prétendant qu’il ne remettait pas en question les aspects financiers régis par la Loi sur le Parlement du Canada, il a évoqué divers précédents et arguments concernant les conventions et usages qui devraient inciter le Président à exercer son pouvoir discrétionnaire pour reconnaître les membres du NPD et leur accorder certains droits(17).

Dans sa décision rendue le 16 juin 1994, le Président, Gilbert Parent, a rappelé que, en ce qui a trait à la reconnaissance des partis, il appartient à la Chambre de décider ou de lui tracer la voie. Il a indiqué que même s’il incombe à la présidence de protéger les droits des membres de petits partis, le statut des partis minoritaires en Chambre a toujours été déterminé, de manière générale, par la composition politique de la Chambre. Pour ce qui est des revendications du NPD au sujet de la possibilité de poser davantage de questions en Chambre, le Président a fait remarquer que, au cours des deux derniers mois, les députés qui ne sont pas affiliés à un parti reconnu avaient participé presque chaque jour à la période réservée aux déclarations des députés et un jour sur deux en moyenne à la période de questions. Il s’est engagé à continuer de favoriser la participation équitable et active de tous les députés aux travaux de la chambre, mais il a indiqué ne pas se croire en droit d’agir unilatéralement ou de changer les coutumes sans instruction de la Chambre. Il s’est toutefois disposé à modifier la répartition des sièges à la Chambre, en ordonnant que les députés du NPD et du Parti conservateur soient regroupés, la priorité de leurs chefs respectifs déterminant leur ordre dans le rôle(18).

Comme M. Blaikie l’a écrit par la suite, le Président a accepté d’apporter des changements là où il jugeait qu’il avait l’autonomie voulue, c’est-à-dire l’attribution des sièges. Sur d’autres questions, le Président s’est vu cependant comme le serviteur de la Chambre, et M. Blaikie a estimé qu’il ne s’était pas penché sur certains des principaux enjeux soulevés par lui, dont l’importance et l’interprétation de l’exigence des 12 membres établie par la Loi sur le Parlement du Canada, le rôle du Président dans la protection des droits des minorités, et la fréquence à laquelle les partis minoritaires obtiennent la parole pendant la période de questions. M. Blaikie croit que la décision fera en sorte que le traitement réservé au Bloc Québécois lors de la 34e législature servira de modèle au traitement que les présidents accorderont aux petits partis dorénavant(19).

CONCLUSION

Comme le montre la brève discussion qui précède, il n’existe que peu de règles précises quant à la reconnaissance des partis politiques par la Chambre des communes du Canada. La modification apportée en 1963 à ce qui est maintenant la Loi sur le Parlement du Canada a amené la notion que seuls les groupes comptant au moins 12 députés seront reconnus. Étant donné que c’est pour ainsi dire la seule «définition» de ce qu’est un parti politique reconnu ou officiel, le minimum de 12 députés a été utilisé à d’autres fins et repris dans d’autres situations. Il ne faut toutefois pas oublier que la Loi porte essentiellement sur les indemnités supplémentaires destinées aux chefs de parti.

Assez tôt, la modification apportée à la Loi en 1963 au sujet des indemnités a été mêlée à des revendications de procédure relative au privilège de la parole et à l’attribution des sièges bien que, techniquement, ces questions n’aient rien à voir l’une avec l’autre. Ce sont les événements du moment qui ont amené l’introduction de l’expression «comptant officiellement au moins douze députés à la Chambre des communes» dans les débats ultérieurs concernant les règlements, les lois et les politiques relatifs aux partis politiques. L’expression, ou plus précisément le nombre, allait petit à petit acquérir une authenticité qui lui serait propre.

D’autres tiers partis et mouvements politiques ont existé avant 1963. Mais au fur et à mesure que les avantages indirects accordés aux partis d’opposition, comme les indemnités supplémentaires et les budgets de recherche, ont augmenté, les différends et les controverses concernant la reconnaissance se sont accrus en nombre. Les questions extra-financières, telles que l’attribution des sièges à la Chambre des communes et le fait d’accorder la parole lors d’un débat, sont d’un intérêt plus durable, mais il semble que l’on soit arrivé de façon générale à les résoudre par la négociation et la consultation entre les partis.

La reconnaissance peut être accordée pour certaines raisons et non pour d’autres. La règle du «tout» ou «rien» ne s’applique pas. La solution des problèmes fait beaucoup appel au pragmatisme et au bon sens. Le problème de la répartition des sièges survenu en 1963, comme bien d’autres problèmes moins litigieux qui s’étaient posés auparavant et qui se sont posés depuis, a été réglé de façon purement ponctuelle par l’adoption de recommandations d’un comité parlementaire se fondant sur un amalgame des revendications du NPD et du Crédit Social. Comme l’a fait remarquer un observateur : «On a remédié à la situation tendue du moment, mais les députés n’ont pas proposé de solution à long terme à ce problème et se sont contentés d’admettre la primauté de la Chambre en la matière et d’accepter tacitement le défi de résoudre chaque problème de «reconnaissance» selon son bien-fondé»(20).

Comme l’a montré la décision que le Président a prise en 1963 au sujet de l’attribution des sièges, la «reconnaissance» d’un parti politique est une question dont la Chambre doit décider. Le Président et le Bureau de régie interne ont une certaine latitude et beaucoup de problèmes peuvent être réglés sur le plan administratif ou à l’amiable entre députés. La décision la plus récente rendue à ce sujet, en juin 1994, est venue confirmer que le Président, répugnant à agir unilatéralement, continue d’attendre les instructions et le bon vouloir de la Chambre.

 


(1) Voir John C. Courtney, «Recognition of Canadian Political Parties in Parliament and in Law», Revue canadienne de science politique, vol. XI, no 1, mars 1978.

(2) Chambre des communes, Débats, 16 février 1944, p. 580. M. Mackenzie King s’est également prononcé avec force contre le fait d’accorder la reconnaissance à des tiers partis en 1940 : voir Débats, 15 novembre 1940, p. 132-135.

(3) Courtney (1978), note 1, p. 39.

(4) Chambre des communes, Débats, 16 février 1944, p. 580.

(5) Courtney (1978), p. 39 (traduction).

(6) Chambre des communes, Débats, 18 février 1996, p. 1434-1435; voir également le Recueil de décisions du Président Lucien Lamoureux, 1966-1974, Ottawa, 1985, p. 156.

(7) Chambre des communes, Débats, 10 octobre 1979, p. 49.

(8) Chambre des communes, Débats, 11 octobre 1979, p. 69.

(9) Voir les articles 50(2), 84(7), 101(3) et 43 du Règlement de la Chambre des communes.

(10) Paragraphe 104(4) du Règlement.

(11) Voir Edwin R. Black, «Opposition Research: Some Theories and Practice», Canadian Public Administration, vol. 15 (1972), p. 26.

(12) Chambre des communes, Débats, 30 septembre 1963, p. 3158-3159.

(13) Manitoba, Loi sur l’Assemblée législative, R.S.M. 1970, c. L-110, art. 61(1), (2), (6).

(14) Voir Steward Hyson, «Où est passée l’«Opposition loyale de Sa Majesté» dans la province loyaliste?» Revue parlementaire canadienne, été 1988, p. 24-27.

(15) Chambre des communes, Débats, 13 décembre 1990, p. 16703-16704.

(16) Chambre des communes, Débats, 13 décembre 1990, p. 16705-16706.

(17) Chamre des communes, Débats, 1er juin 1994, p. 4703-4709.

(18) Chambre des communes, Débats, 16 juin 1994, p. 5437-5440.

(19) Bill Blaikie, «Réflexions sur la décision du Président», Revue parlementaire, automne 1994, p. 36.

(20) John C. Courtney (1978), p. 38 (traduction).