BP-244F
LE SÉNAT
: NOMINATIONS EN VERTU DE
Rédaction
: TABLE DES MATIÈRES LÉVOLUTION HISTORIQUE DE LARTICLE 26 LES CIRCONSTANCES PERMETTANT DINVOQUER LARTICLE 26 LE SÉNAT : NOMINATIONS
EN VERTU DE LARTICLE 26 DE Les articles 26, 27 et 28 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoient que la Reine peut nommer quatre ou huit sénateurs supplémentaires. Jusquen septembre 1990 toutefois, ce pouvoir navait jamais été exercé et certains se sont interrogés sur les circonstances qui permettraient que ces nominations soient faites convenablement. Quand la Loi constitutionnelle de 1867 a été rédigée, on a longuement discuté de la nécessité dinclure une disposition permettant au gouvernement en place de nommer des sénateurs supplémentaires pour se tirer de limpasse en cas de divergences de vues irréconciliables entre la Chambre des communes et le Sénat. Sir John A. Macdonald sopposait à lidée et soutenait quune telle disposition permettant d« innonder » le Sénat de sénateurs détruirait lindépendance et lutilité de cette institution. À la Conférence de Londres de 1866, pendant laquelle la loi fut rédigée, les autres délégués demeurèrent toutefois divisés sur la question. Le gouvernement britannique tenait absolument à ce quune disposition de ce genre figure dans la loi, si bien que larticle 26 a fini par être rédigé et approuvé. Les délégués des colonies insistèrent cependant pour que les nominations supplémentaires tiennent compte de la représentation régionale, que leur nombre soit strictement limité et que la décision finale relève de la Couronne plutôt que du gouvernement en place. Le gouvernement britannique accepta ces restrictions, même sil sinquiétait un peu des deux dernières. Avant les nominations faites récemment, un seul premier ministre avait, daprès les archives, tenté de recourir à larticle 26. En effet, en 1873, Alexander Mackenzie a demandé à la Couronne de nommer six sénateurs supplémentaires, mais le secrétaire de la colonie a refusé de présenter à Sa Majesté une recommandation en ce sens. Le comte de Kimberley a décidé que larticle 26 ne devait être invoqué que lorsque la gravité et la persistance dun conflit dopinions entre les deux Chambres paralyserait le gouvernement ou lempêcherait de fonctionner. De plus, selon lui, il devait être au moins possible, si ce nest probable, que les nominations supplémentaires dénouent limpasse. Étant donné que larticle 26 na pas été invoqué avant 1990, le mécanisme des nominations nest pas tout à fait clair. On peut supposer quaucun des sénateurs supplémentaires ne peut venir de Terre-Neuve ni des Territoires, parce que ces régions ne sont pas incluses dans les divisions actuelles du Sénat. Nommer des sénateurs de lOntario semblerait assez simple, mais il faudrait réfléchir un peu dans le cas des divisions des Maritimes et de lOuest. Quarriverait-il si, par exemple, de nouveaux sénateurs provenaient du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse et que le prochain poste vacant se présentait à lÎle-du-Prince-Edouard? Conformément à larticle 27, le poste vacant de lÎle-du-Prince-Edouard ne pourrait être comblé tant que la représentation de la division des Maritimes ne serait pas revenue à 24 membres. De même, chaque sénateur du Québec représente un des 24 collèges électoraux, ce qui pourrait être difficile à concilier avec les articles 26 et 27. Enfin, la question des nominations de sénateurs supplémentaires se complique du fait que larticle 26 confère ce pouvoir expressément à la Couronne, à linsistance des délégués canadiens à la Conférence de Londres de 1866. Toutefois, depuis ladoption du Statut de Westminster, en 1931, la Reine (ou le gouverneur général, en son nom) sont constitutionnellement tenus daccepter lavis de leurs ministres canadiens. Par conséquent, un pouvoir de nomination qui a été libellé en termes généraux, afin de permettre à la Reine de recevoir un conseil indépendant et dagir en tant que dernier arbitre, relève maintenant du premier ministre en place. LÉVOLUTION HISTORIQUE DE LARTICLE 26 Les dispositions constitutionnelles relatives à la structure et aux pouvoirs du Sénat nont pas été prises à la légère par les Pères de la Confédération. En réalité, lun des délégués à la Conférence de Londres en 1866, au cours de laquelle la Loi constitutionnelle de 1867 a été rédigée, a déclaré par la suite que « cette question de la constitution du Sénat a pris plus de temps que toute autre aspect du projet de loi. [Nous] en avons certainement discuté pendant une semaine »(1). Même si la possibilité dune impasse entre les deux Chambres du Parlement a été envisagée pendant les négociations entre les colonies, aucune disposition na été prise dans les résolutions de Québec de 1864 en vue de la nomination de membres supplémentaires. Ces résolutions ont été convenues par les représentants de cinq colonies ¾ Canada (Haut et Bas), Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve ¾ même si seul le Canada sest rendu jusquà lapprobation législative. Quand John A. Macdonald, alors procureur général de lOuest, a présenté ces résolutions à lAssemblée législative du Canada lannée suivante, il a expliqué en détail la relation entre les deux Chambres :
Même si Macdonald fondait ses arguments sur la faible probabilité dune impasse, il se peut aussi que la décision de ne pas permettre de nominations supplémentaires, peu importe les circonstances, ait été influencée par les dangers de perturber léquilibre fragile entre les intérêts régionaux, linguistiques et religieux dans la composition proposée du Parlement. La première allusion à une disposition permettant de nommer des sénateurs supplémentaires en cas dimpasse semble se trouver dans une lettre adressée au gouverneur général Monck à la fin de 1864, au sujet des résolutions de Québec : « Le gouvernement de Sa Majesté désire vous informer sans délai de son approbation générale des travaux de la Conférence. Deux dispositions de grande importance semblent toutefois nécessiter des révisions »(3). Lune dentre elles touche à la constitution du Conseil législatif : « Si les membres sont nommés à vie et que leur nombre est fixe, [y aura-t-il] des moyens suffisants de restaurer lharmonie entre le Conseil législatif et lAssemblée populaire? »(4). Tout au long des débats, il semble que le gouvernement de Grande-Bretagne ait insisté pour quil existe un mécanisme quelconque permettant de dénouer une éventuelle impasse entre les deux Chambres. Au cours dun débat au Sénat quelques années plus tard, M. R.D. Wilmot, qui faisait partie de la délégation du Nouveau-Brunswick à la Conférence de Londres de 1866, a décrit en détail les négociations au sujet de larticle 26(5). Les avis des délégués étaient assez également partagés au sujet de lajout, dans la Constitution, dune disposition afin de dénouer une impasse. En trois occasions, les délégués en faveur des propositions de Québec ont eu gain de cause, et chaque fois, le président de la Conférence (sir John A. Macdonald) en a informé lord Carnarvon. À trois reprises, lord Carnarvon, secrétaire de la colonie, a indiqué quil préférait une disposition permettant de dénouer une impasse. Enfin, au milieu de débats interminables, les délégués ont adopté « larticle 26 comme soupape de sûreté en case dimpasse »(6). En plus dexprimer leurs divergences quant au principe en cause, les délégués ont également discuté de la forme exacte que devait prendre cette soupape de sûreté. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, en particulier, craignaient que des nominations supplémentaires ne permettent au Haut-Canada décraser les autres provinces. La solution a consisté à stipuler que les nominations supplémentaires devraient être réparties également entre les trois divisions, soit lOntario, le Québec et les Maritimes. Mais même cette solution na pas réussi à apaiser les craintes du Québec, étant donné quun sénateur devrait être nommé pour chacun des 24 collèges électoraux du Bas-Canada :
Au début de janvier 1867, les délégués présentaient une nouvelle proposition. Il serait possible deffectuer des nominations supplémentaires au Sénat, à condition que ces nominations soient réparties également entre les trois sections du Canada, quand le Sénat aurait rejeté une mesure financière une fois ou tout autre projet de loi trois fois et à condition que, à la troisième lecture à la Chambre des communes, une majorité de députés de deux des trois divisions se soient prononcés en faveur du projet de loi(8). Dans un mémoire au Cabinet britannique, lord Carnarvon mentionnait deux autres conditions ajoutées par les délégués : que les nominations se fassent par la Couronne et non par le gouverneur général et que leur nombre ne dépasse pas six. Il ajoutait : « Lintervention de la Couronne est à mon avis une proposition douteuse, mais elle vise à vérifier la volonté populaire et laction du gouvernement local et je ne vois comment nous pourrions nous y opposer »(9). Par conséquent, la troisième ébauche de lActe de lAmérique du Nord britannique se lit comme suit :
Larticle suivant prévoyait que, dans le cas où le nombre de sénateurs aurait été accru de la sorte, aucune nomination supplémentaire ne pouvait, dans les conditions habituelles, être effectuée tant que le nombre de membres de chaque division nétait pas revenu à 24. La quatrième ébauche du projet de loi simplifiait les dispositions relatives à la nomination des sénateurs supplémentaires :
La version finale des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 permettant de dénouer une impasse se lit comme suit :
Le gouvernement britannique na probablement pas été très enchanté ni de la participation de la Couronne ni du nombre limité de sénateurs supplémentaires, mais le compromis semble avoir été la meilleure solution possible. En déposant lActe de lAmérique du Nord britannique à la Chambre des lords de la Grande-Bretagne, lord Carnarvon a déclaré :
Au fur et à mesure que le Canada a grandi, les compromis établis avec soin pour dénouer une éventuelle impasse ont dû être modifiés afin de tenir compte de larrivée de nouvelles provinces. La loi de 1867 avait prévu le nombre de sénateurs qui serait accordé à Terre-Neuve et à lÎle-du-Prince-Édouard, si ces dernières adhéraient à lUnion par la suite(13), mais pas celui des provinces de lOuest. LÎle-du-Prince-Édouard aurait droit à quatre sénateurs, à inclure dans la division des Maritimes, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse abandonnant chacune deux sièges pour que le nombre de sénateurs de la division des Maritimes ne dépasse pas 24. Terre-Neuve aurait eu droit à quatre sénateurs, ne faisant partie daucune division. Selon sir John A. Macdonald :
Quand le Manitoba a été formé, en 1870, on lui a accordé deux membres au Sénat et on a prévu deux autres postes de sénateurs à mesure que la population grandirait. La Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération canadienne en 1871 et a eu droit à trois sénateurs. LAlberta et la Saskatchewan ont suivi en 1905 et ont eu droit à quatre sénateurs chacune et à deux autres sénateurs de plus après le recensement suivant. Enfin, en 1915, le Parlement a rationalisé la représentation des provinces de lOuest au Sénat en adoptant un amendement constitutionnel. Chacune des quatre provinces de lOuest avait désormais droit à six membres au Sénat, pour former une division de lOuest de 24 sénateurs, semblable aux divisions de lOntario, du Québec et des Maritimes(15). Le nombre de sénateurs était donc porté de 72 à 96. Parce quil existait désormais quatre divisions au lieu de trois, le nombre de sénateurs pouvant être nommés en application de larticle 26 a été porté à quatre ou huit, au lieu de trois ou six. Le libellé de larticle 27 a été légèrement modifié lui aussi afin que, dans le cas où des sénateurs supplémentaires seraient nommés, aucun nouveau sénateur ne puisse être mandé pour représenter une division au Sénat tant que la représentation de cette division ne serait pas revenue à 24. Le nombre de sénateurs auxquels Terre-Neuve a eu droit en entrant dans la Confédération a été porté de quatre à six, ce qui a porté à 102 le nombre total de sénateurs prévu par la Loi constitutionnelle de 1867, modifiée. Le nombre maximum de sénateurs permis si larticle 26 était invoqué a été porté à 110. En 1975, la Constitution a été modifiée une fois de plus afin de permettre la nomination dun sénateur du Yukon et dun autre des Territoires du Nord-Ouest(16). Aucune autre modification de nature à changer la constitution du Sénat na été apportée depuis, et le nombre maximum de sénateurs sétablit comme suit :
Il existe quatre divisions au Sénat : lOntario, le Québec, les Maritimes, (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard) et les provinces de lOuest (Manitoba, Colombie-Britannique, Saskatchewan et Alberta). Larticle 26 prévoit que la Reine peut nommer un ou deux membres supplémentaires pour chacune des divisions, si elle le juge à propos et sur recommandation du gouverneur général. Lorsque des nominations de ce genre sont effectuées, aucune autre nomination nest permise dans lune ou lautre de ces quatre divisions, tant que le nombre de sénateurs nest pas revenu au nombre de normal de 24 par division(17). LES CIRCONSTANCES PERMETTANT DINVOQUER LARTICLE 26 En 1873, le gouvernement Macdonald a démissionné à cause du scandale du Pacifique. Le gouvernement Mackenzie sest emparé du pouvoir le 2 novembre 1873. Mackenzie prorogea le Parlement le jour même et le dissout le 2 janvier 1874. Le 22 janvier, les libéraux de Mackenzie étaient reportés au pouvoir, avec une écrasante majorité. Entre temps, Mackenzie et son Cabinet avaient conseillé au gouverneur général et recommandé à la Reine, à la fin de décembre 1873, de nommer six sénateurs supplémentaires. Cette demande semble sêtre accompagnée dun mémorandum dans lequel le premier ministre décrivait ses raisons(18). Selon Mackenzie, larticle 26 avait pour objet d« éviter les complications ou les contretemps possibles en donnant une certaine souplesse au système ». Mackenzie mentionne lentente conclue entre les dirigeants des deux partis politiques avant la Confédération selon laquelle chaque parti nommerait la moitié des premiers sénateurs et fait observer que 29 des 31 sénateurs nommés depuis 1867 étaient dallégeance conservatrice. Même si Mackenzie nest pas allé jusquà soutenir que les nominations au Sénat devaient maintenir le principe de légalité de la représentation entre les partis, il estimait important déviter de donner limpression que le Sénat était « trop la création du gouvernement en place ». À cause de la disparité des nominations du gouvernement Macdonald, « des preuves assez claires justifient lapplication des mesures de contrepoids prévues dans la Constitution ». En outre, les nominations supplémentaires garantiraient que les mesures gouvernementales seraient défendues efficacement au Sénat(19). Le gouverneur général, lord Dufferin, a transmis la demande à lord Kimberley, secrétaire dÉtat aux colonies, le 26 janvier 1874, dès quil fut clair que Mackenzie avait remporté les élections. Le 18 février 1874, lord Kimberley répondit quil ne pouvait conseiller à Sa Majesté dordonner les nominations demandées. Il considérait la question « dune importance considérable », mais estimait que lintention des auteurs de larticle 26 avait été dinvestir Sa Majesté du pouvoir de nommer des sénateurs supplémentaires afin de « préparer un moyen de mettre le Sénat daccord avec la Chambre des communes, au cas dun sérieux conflit dopinions entre les deux Chambres ». Par conséquent, il ne pouvait être conseillé à Sa Majesté dinvoquer cet article, si ce nest dans le cas où « un conflit viendrait à surgir entre les deux Chambres avec un tel caractère de gravité ou de persistance que le gouvernement se trouvât dans limpossibilité de fonctionner sans lintervention de Sa Majesté ¾ et où il serait démontré que la création limitée de sénateurs, autorisée par lacte, pût offrir la solution de la difficulté »(20). Les choses en seraient restées là, en apparence tout au moins, car la correspondance nétait pas rendue publique, neût été une remarque faite en passant par le gouverneur général en 1876. Lors dune visite en Colombie-Britannique, lord Dufferin constata une insatisfaction considérable à lendroit du Canada. La construction du chemin de fer du Pacifique avait été retardée et un projet de loi prévoyant la construction dun chemin de fer dEsquimalt à Nanaimo, pour compenser ces retards, avait été rejeté au Sénat. Sefforçant de rassurer les citoyens de la Colombie-Britannique que le gouvernement avait fait tout son possible pour faire adopter ces projets de loi, lord Dufferin fit la déclaration suivante, qui fut largement diffusée dans la presse :
Par la suite, des motions ont été déposées à la Chambre et au Sénat pour demander la production de toute la correspondance relative à cette demande de sénateurs supplémentaires. Ayant reçu ces documents, la majorité conservatrice au Sénat ne devait pas rester muette sur la question. Le 19 mars 1877, le Sénat adoptait une résolution exprimant combien elle appréciait la conduite du gouvernement de Sa Majesté « en refusant de conseiller un acte que ne justifiait aucune raison constitutionnelle ». Le Sénat fit également consigner son opinion sur lutilisation convenable de larticle 26 :
Cette intervention semble être la dernière documentation officielle concernant lobjet et lutilisation convenable de larticle 26(23). La plupart des observateurs conviennent que larticle 26 visait à être invoqué uniquement en cas de grave impasse entre les Chambres(24). En cas de collision des volontés de ce genre, il revenait à la Couronne de décider si les circonstances justifiaient le recours au mécanisme de dénouement des impasses. Le premier ministre Mackenzie a essayé un autre moyen que larticle 26 en 1873 quand il a demandé à la Reine de nommer six sénateurs supplémentaires en invoquant comme motif que la disposition visait uniquement « à trouver un moyen déviter les complications ou les contretemps possibles en donnant une certaine souplesse au système ». Lord Kimberley, secrétaire de la colonie, rejeta la demande, ayant donné une interprétation plus étroite et plus classique à larticle en cause. Mais au moins trois facteurs rendent une interprétation moderne de larticle 26 plus difficile que ne laisse croire lhistoire législative. Il y a dabord et avant tout lévolution du Canada, où le rôle de la Couronne a été réduit à celui dun personnage constitutionnel décoratif agissant sur les conseils des ministres canadiens. Quand larticle 26 a été rédigé, les délégués ne voulaient pas dune disposition permettant de dénouer les impasses de crainte que la nomination au Sénat de sénateurs supplémentaires par le gouvernement ne compromette le rôle darbitre permanent de la Couronne. Ce rôle ayant disparu, lidée dun tiers objectif effectuant une médiation entre la Chambre des communes et le Sénat, envisagé par les délégués à la Conférence de Londres, est disparue elle aussi. Deuxièmement, le libellé de larticle 26 est assez large et, contrairement à une version antérieure, il ne contient aucun critère précis permettant de déterminer les situations où le pouvoir de nommer des sénateurs peut être invoqué. On peut supposer que les délégués ont estimé ces critères inutiles étant donné que le pouvoir ultime était investi à la Couronne et que, comme le déclarait lord Kimberley en 1874, la Reine ninterviendrait que dans les circonstances les plus graves. Mais en apparence, le premier ministre peut invoquer cet article en tout temps. Troisièmement, même si larticle 26 fait partie du droit constitutionnel, il sapproche de très près des concepts associés habituellement à une convention constitutionnelle. Dans ce qui demeure larticle le plus approfondi sur la question, Eugene Forsey laisse entendre que le pouvoir de nommer des sénateurs supplémentaires repose sur des principes et des conventions qui « restent encore à établir, et qui devront être établis sans pouvoir sinspirer de notre histoire ni de lhistoire britannique »(25). Il fait remarquer, par exemple, quil existe des circonstances où un gouverneur général est autorisé à rejeter même les nominations au Sénat habituelles, par exemple, lorsquun gouvernement défait aux élections essaie de combler les postes vacants au Sénat avant que le nouveau gouvernement nentre en fonction. Il indique aussi quil y a des moments où un gouvernement serait tout à fait en droit deffectuer des nominations au Sénat en vertu de larticle 26 en labsence de tout conflit dopinions avec le Sénat, notamment si un gouvernement élu nétait nullement représenté au Sénat. Malgré les observations qui précèdent, il semble clair quà lorigine, larticle 26 visait à fournir un mécanisme permettant de dénouer une impasse sil devait se présenter des différences irréconciliables entre les deux Chambres. Le fait quune telle impasse ne soit pas présentée au cours des 120 premières années qui ont suivi la Confédération ninvalide ni le but de larticle 26 ne le recours à cet article dans des circonstances appropriées. (1) Débats du Sénat, 19 mars 1877, p. 202 (M. Wilmot). (2) Canada, Législature, Parliamentary Debates on the Subject of Confederation, Hunter, Rose & Co., Québec, 1865, p. 36 (traduction). (3) G.P. Brown (éd.), Documents on the Confederation of British North America, Toronto, The Carleton Library, No. 40, McClelland and Stewart, 1969, p. 171 (traduction). Le premier problème mentionné concerne les prérogatives de la Couronne au sujet du pardon. (4) Ibid. (traduction). (5) Débats du Sénat, 19 mars 1877, p. 203-204. (6) Ibid., p. 203. (7) Brown (1969), p. 212 (traduction). (8) Ibid., p. 283 (traduction) (9) Ibid., p. 264 (traduction). (10) Ibid., p. 268 (traduction). (11) Ibid., p. 283 (traduction). (12) Cité par le sénateur MacPherson au Sénat (Débats du 19 mars 1877, p. 215-216). Lord Carnarvon soulignait également, comme lavait fait sir John A. Macdonald dans les délibérations de 1865, la possibilité dun roulement élevé des sénateurs, en dépit des nominations à vie : en 1856, 42 membres nommés ou à vie du Conseil législatif du Canada qui exsitait avant la Confédération avaient répondu à lappel. En 1862, il nen restait plus que 42 et, en 1864, selon sir John A., plus que 21. Lidée, que « six membres supplémentaires [...] sajoutant à une modification si importante et si fréquente de la composition du Sénat [suffirait] à maintenir lharmonie législative entre les deux Chambres », ne semble pas avoir été acceptée avec beaucoup denthousiasme par lun ou lautre des deux camps dans les délibérations du Sénat. (13) Loi constitutionnelle de 1867, article 147. (14) Parliamentary Debates, 1865, p. 35 (traduction). (15) Acte constitutionnel de 1915, 5-6 Geo. V, c. 45 (U.K.) Act. Larticle 22 de la Loi constitutionnelle de 1867, modifiée, créait les divisions du Sénat. (16) Loi constitutionnelle (no 2), 1975, S.C. 1974-75-76, c. 53. (17) Larticle 27 prévoit que larticle 26 peut être de nouveau invoqué à condition que le nombre de sénateurs ne dépasse pas 112. Les circonstances dans lesquelles un tel geste pourrait être posé sont toutefois obscures. (18) Les circonstances entourant la demande et les documents daccompagnement sont exposés en détail dans deux articles dEugene Forsey : « Alexander Mackenzies Memoranda on the Appointment of Extra Senators, 1873-74 », 27 Canadian Historical Review (1946), p. 189-194; et « Appointment of Extra Senators Under Section 26 of the British North America Act », 12 Canadian Journal of Economics and Political Science (1946), p. 159-167. (19) Quand la question a été débattue par la suite, les conservateurs ont prétendu que six ou sept des quelque 32 nominations postérieures à la Confédération avaient été des nominations libérales (Débats du Sénat, 19 mars 1877, p. 210). (20) Sénat, Journaux, 1877, p. 77. (21) Chambre des communes, Débats. 1er mars 1877, p. 366. (22) Sénat, Journaux, 19 mars 1877, p. 130 et Débats, 19 mars 1877, p. 194. (23) A.B Keith laisse entendre que sir Wilfrid Laurier aurait peut-être demandé non officiellement sil pouvait effectuer des nominations supplémentaires, mais il nindique pas sa source dinformation : « Sir Wilfrid Laurier aurait aimé faire appliquer les dispositions prévues en cas dimpasse, mais sa demande non officielle en Angleterre en 1990 lui confirma que cette faveur ne lui serait pas accordée ». Responsible Government in the Dominions, Clarendon Press, Oxford, 1928, vol. 1, p. 463. (24) Par exemple, W.R. Riddell, The Canadian Constitution in Form and Fact, New York, Columbia University Press, 1923, p. 24; J.G. Bourinot, Parliamentary Procedure and Practice, Montréal, Dawson Brothers, 1892, p. 141; A.B. Keith, Imperial Unity in the Dominions, Oxford, Clarendon Press, 1916, p. 392; R. MacGregor Dawson, Democratic Governement in Canada, University of Toronto Press, 1949, p. 63. (25) Forsey, « Appointment of Extra Senators under Section 26... » (1946), p. 166 (traduction). |