BP-271F
RÉFÉRENDUMS :
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES A. Lois autorisant les référendums B. Présentation du référendum D. Conséquences dun référendum E. Mesures faisant lobjet dun
référendum F. Réglementation du processus référendaire
RÉFÉRENDUMS :
Les référendums existent depuis longtemps et sous des formes diverses. Dans les démocraties modernes des pays occidentaux, certains cantons suisses ont recours au référendum depuis le seizième siècle alors que divers États américains utilisent ce m ode de consultation depuis le dix-huitième siècle. La Suisse est le seul pays à avoir tenu de nombreux référendums à léchelle nationale; à ce titre, elle compte plus de la moitié des référendums ayant eu lieu dans les pays démocratiques. En fait, on ne tient souvent pas compte des référendums suisses dans les statistiques parce quils faussent les résultats. Lampleur des référendums est à la fois plus et moins étendue quon ne le croit souvent. Presque tous les pays démocratiques de lOccident, les États-Unis étant lexception la plus remarquable, ont tenu un référendum national au moins une fois; cependant, en 1978, seulement quatre pays en avaient tenu dix ou plus : la France en comptait 20, le Danemark 14, lAustralie 39 et la Suisse, 297 depuis 1848, année où elle devint une fédération(1). La terminologie et la méthodologie utilisées pour les référendums sont variées. Par exemple, il nexiste aucune nomenclature définitive des divers types de référendums. Dans la deuxième partie du présent document (Contexte), nous abordons donc les divers aspects dun référendum (les responsables de la tenue dun référendum, les répercussions et le but des référendums, etc.) et nous donnons des exemples de la façon dont les divers pays abordent ces questions(2). Les référendums ou les plébiscites peuvent porter sur une foule de questions et avoir des répercussions tout à fait différentes. Au Canada, le référendum a été utilisé surtout à léchelon provincial ou municipal pour régler des questions dordre juridique comme linterdiction de la vente de boissons alcooliques ou lheure avancée(3). Dans le présent document, nous nabordons toutefois pas la question des référendums tenus à léchelle des provinces, des municipalités ou des États, mais seulement celle des référendums nationaux. La seule exception que nous faisons à cette règle est celle du référendum tenu au Québec en 1980 qui, bien quétant en principe un plébiscite provincial, était modelé sur des référendums tenus à léchelle nationale ailleurs dans le monde. Dans tout le document, il est question des deux référendums nationaux tenus au Canada, soit celui sur la prohibition en 1898 et celui sur la conscription en 1942. Il est également question des référendums sur lentrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1948, ainsi que des divers critères proposés pour la tenue de référendums de 1978 à 1980, que lon trouve dans la Loi sur la consultation populaire du Québec, adoptée pour le référendum du 1980 sur la souveraineté-association, dans le projet de résolution concernant la Constitution du Canada déposé en 1980, ainsi que dans le projet de loi C-9 de 1978, Projet de loi sur le référendum au Canada. Enfin, il convient de souligner que lexpérience des pays à composante unique en matière de référendum risque dêtre très peu pertinente pour une fédération comme le Canada. Bien que beaucoup dÉtats américains, plus particulièrement la Californie, aient tenu de nombreux référendums, jamais un référendum na eu lieu à léchelle nationale aux États-Unis :
Laspect géographique ou le caractère fédéral du système canadien ont revêtu une très grande importance lors des deux référendums nationaux qui ont été tenus au pays. Lors du référendum sur la prohibition en 1898, seulement 44 p. 100 de la population sétait déplacée pour aller voter et pour approuver la prohibition dans une proportion de 51 contre 49 p. 100. Au Québec, cependant, la population avait nettement rejeté la proposition, 122 614 personnes sétant prononcées contre et 25 582 pour. Les événements ont montré par la suite que le gouvernement fédéral na, semble-t-il, tenu aucun compte des résultats du référendum, préférant laisser aux provinces la responsabilité de prendre la décision. Néanmoins, une telle attitude fait ressortir linjustice qui peut se produire si les résultats dun référendum approuvé par moins du quart des électeurs admissibles sont imposés à une province qui rejette la question dans une proportion de 5 contre 1, ou presque. En 1942, le problème sest posé en termes encore plus crus. Soixante-quatre pour cent des électeurs canadiens ont permis au gouvernement de Mackenzie King de se libérer de sa promesse de ne pas recourir à la conscription pour lenvoi de soldats à létranger. Cependant, 72 p. 100 des Québécois avaient dit « non » à la question posée. Comme nombre dentre eux estimaient que cette promesse leur avait été faite à eux en particulier, plutôt quà lensemble des Canadiens, les résultats du référendum sont venus exacerber le caractère de discorde quavait semée la question de la conscription plutôt que den atténuer les effets. Exception faite des questions de compétence et déquité géographique, la dynamique dun référendum dans une fédération nest pas toujours évidente :
Les motifs invoqués en faveur de la tenue dun référendum sont très nombreux et dépendent en grande partie du type de référendum proposé. Le plus souvent, on veut apporter une modification à la constitution qui, de lavis de bien des gens, doit être légitimée par la population. Dans dautres cas, surtout quand il est question de compétence territoriale, de souveraineté ou de structure gouvernementale, le gouvernement peut décider quil a besoin de lappui de la population pour conférer à son projet la légitimité nécessaire. Et pour ce qui est des grandes questions dordre moral comme la prohibition, le divorce ou lavortement, le gouvernement peut vouloir faire assumer ses responsabilités par lélectorat. Enfin, on peut recouvrir au référendum pour régler un problème politique, entre autres une question qui crée une division au sein dun parti politique (le référendum du Royaume-Uni sur le maintien des liens avec la CEE en 1975), ou lorsque le gouvernement doit régler un difficile dilemme politique (le référendum sur la conscription tenu au Canada en 1942 ou les référendums tenus en Écosse et au Pays de Galles en 1979 sur la délégation de pouvoirs). Dun point de vue plus théorique, les tenants du processus référendaire soutiennent que les amendements constitutionnels majeurs doivent absolument être approuvés par la population, que les référendums assurent à celle-ci un meilleur contrôle des pouvoirs publics et que lévolution du processus démocratique est telle quun gouvernement ne peut plus miser sur la seule majorité du Parlement lorsque des questions majeures sont en cause. Quant aux plus ardents défenseurs de la démocratie directe, ils vont encore plus loin et soutiennent quun recours plus fréquent au référendum permettrait daborder toutes les questions, et non seulement celles qui revêtent un intérêt pour le parti au pouvoir. En outre, on prétend que la population serait davantage informée des décisions du gouvernement, ce qui assurerait, espère-t-on, un plus haut niveau de responsabilité et dintérêt, que les décisions dordre public seraient prises par la population, que la majorité aurait loccasion dexprimer adéquatement sa volonté et que lapathie et laliénation des électeurs seraient prévenues. Enfin, on soutient que les intérêts à long terme des générations futures seraient mieux défendus par les électeurs que par les politiciens qui songent aux prochaines élections, et que les citoyens auraient la chance de maximiser leur propre potentiel en participant davantage au processus démocratique. Par contre, il est également prouvé que le référendum peut freiner aussi souvent le changement quil peut le faciliter. Certains ont laissé entendre que « le référendum comporte un danger énorme car, utilisé comme il est censé lêtre en Grande-Bretagne, il confère un pouvoir énorme à la majorité parlementaire de lheure, pouvoir que cette majorité peut exploiter et utiliser à mauvais escient »(6). Les adversaires du référendum formulent à son égard dautres critiques importantes; selon eux, le référendum :
Chacun de ces arguments peut savérer exact dans certains cas, et inexact dans dautres. Dans une démocratie représentative, par exemple, les membres dune assemblée législative sont élus par la population pour utiliser leur jugement au nom des électeurs. Le jugement et la conscience de ces membres sont essentiels. Dans une démocratie directe comme celle de la Suisse, cest le jugement de la population qui passes avant toute chose. Il ne fait aucun doute quun référendum exécutoire ou un référendum exigé par la population entrave la démocratie représentative; ces types de référendums sont toutefois tout à fait conformes à la démocratie directe. Cependant, un plébiscite non exécutoire, que réclame le gouvernement pour faire approuver une mesure ou un projet de loi spécifique, peut être un outil précieux même au sein dune démocratie représentative. Un auteur britannique décrit en ces termes ce genre de plébiscite :
Même quand il sagit de plébiscites ou de référendums consultatifs, les choses ne sont pas toujours simples. Dune part, le plébiscite peut renforcer la démocratie représentative en conférant une légitimité supplémentaire à une mesure gouvernementale controversée. Dautre part, ce type de consultation, sil est trop souvent utilisé, risque encore de donner aux représentants élus de la population un prétexte pour éviter dexercer leur conscience et leur jugement. Comme le disait un politicien de lOuest américain :
Quant à savoir si le référendum ou le plébiscite mine ou renforce la démocratie représentative, cela dépend souvent du but et de la forme du mode de consultation. Parfois, le résultat risque damener le législateur à voter contre sa conscience, comme ce fut le cas lorsque la possibilité de soumettre la question de la peine capitale à un référendum fut soulevée en Grande-Bretagne. Un membre influent du Parti conservateur écrivait ce qui suit dans The Times de Londres en 1978 :
En fait, les observateurs ne peuvent même pas sentendre sur la question de savoir si le référendum est en soi un mécanisme de conservation ou une force de changement. Il peut constituer une tactique dilatoire ou un moyen dinformation, lorsquon se rend compte quune minorité bien présente ou extrémiste a exercé une influence sur la loi, comme ce fut le cas lors du référendum sur la délégation des pouvoirs à lÉcosse. À lexception des pays dont la constitution exige le recours au référendum, cest habituellement au gouvernement quappartient le droit de convoquer un référendum, ce qui en fait un outil très puissant pour la majorité parlementaire. Dans lensemble, les mesures parrainées par le gouvernement sont rarement défaites, sauf en Australie et en Suisse. En outre, certaines de ces défaits sont attribuables à de mauvais calculs politiques ou ont été par la suite oubliées(10). LAustralie est le seul pays où les référendums proposés par le gouvernement ont été plus souvent défaits quautrement(11). Par contre, lors du premier référendum tenu au XXe siècle, la population de la Norvège a décidé à 99,9 p. 100 de se séparer de la Suède, pays dont elle faisait partie depuis deux ou trois siècles. Ce qui amène les observateurs à dire que « la notion voulant que les référendums constituent des obstacles au changement est tout simplement en contradiction flagrante avec la réalité »(12). Quant à savoir si un plébiscite est source de division o u non, cela dépend également de la question en jeu et des circonstances. Dune part, le fait de ramener des sujets complexes à une simple question nécessitant un oui ou un non amoindrit les possibilités den arriver à un consensus. En outre, contrairement à ce qui est le cas pour une loi, il est habituellement impossible de ne pas tenir compte des résultats dun référendum, même si lon est assuré quil aura pour effet de diviser les parties et de créer de linsatisfaction. Les référendums tenus en Irlande en 1983 (visant à inclure dans la constitution linterdiction de pratiquer lavortement) et en 1986 (afin de permettre le divorce cinq après la rupture du mariage) sont deux exemples pertinents à cet égard. Le référendum de 1983 est attribuable à une erreur de jugement politique de la part du premier ministre Garret Fitzgerald, à laquelle sont venues se greffer dénormes pressions exercées par le mouvement pro-vie. Les opposants au référendum estimaient quil nétait pas justifié puisque lavortement était déjà interdit en Irlande, sauf lorsque la vie de la mère est en danger, quil était sectaire parce que les minorités juives et protestantes sy opposaient et potentiellement dangereux, sur le plan médical, en ce sens que la modification proposée risquait de mettre la vie de la mère en péril. La modification fut adoptée par une majorité de deux contre un alors que seulement la moitié de la population avait exercé son droit de vote. En général, on a estimé que le taux élevé dabstention était attribuable à la discorde que vint semer le référendum. Le vice-premier ministre décrivit la situation en ces termes :
Le premier ministre a lui-même fait ne déclaration la veille du référendum pour sexcuser davoir contribué à la rancoeur et à la division causées par la campagne et a reconnu sa part de responsabilité dans la tenue du référendum. En 1986, le premier ministre Fitzgerald décida de ternir un autre référendum constitutionnel afin de permettre les divorces civils, confiant que le vote libéral des citadins, allié à celui des jeunes, lemporterait. Il a perdu le pari dans une proportion de 60-40, « les citadins dressés contre les ruraux, les jeunes contre les vieux et lÉtat contre lÉglise »(14). Dans les deux cas, les campagnes référendaires remplies de rancoeur et démotivité ont eu des répercussions outre-frontières et ont influé sur les relations du pays avec lIrlande du Nord et la Grande-Bretagne. Par contre, il semble que les déchirements soient tout autant attribuables aux circonstances immédiates et aux aspects politiques quau processus référendaire même. En Italie, 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux peuvent réclamer la tenue dun référendum; cest ainsi quen mai 1974, une loi sur la libéralisation du divorce fut adoptée sans conséquences désastreuses. En 1978, lItalie a adopté une loi permettant lavortement au cours des trois premiers mois de la grossesse. Par la suite, la population a réclamé deux référendums. Le premier (dit le référendum des catholiques) visait à restreindre les motifs permettant dobtenir un avortement; le second (dit le référendum des radicaux) aurait permis lavortement à nimporte quel moment durant la grossesse. Les électeurs ont rejeté les deux propositions, celle des radicaux par une majorité de 80 p. 100, celle des catholiques par un majorité de 70 p. 100, situation dautant plus remarquable que la tentative dassassinat du Pape sétait produite vers la fin de la campagne et que les esprits étaient très échauffés. En Irlande, les référendums sur lavortement et le divorce ont été source de déchirements et se sont traduits par des lois qui étaient plus rigides que celles quavait souhaitées le gouvernement. En Italie, les référendums sur les mêmes questions ont donné davantage de légitimité à des lois qui avaient considérablement libéralisé les moeurs. On comprend difficilement pourquoi les deux pays ont vécu des expériences tellement différentes, mais la comparaison permet de voir quil est dangereux de trop généraliser au sujet de la nature et des répercussions des référendums. Le désavantage le plus flagrant des référendums est peut-être le recours possible à la tyrannie par la majorité. Grâce au référendum, la Suisse a refusé le droit de vote aux femmes pendant beaucoup plus longtemps que les autres pays de lEurope de lOuest et a donné toute son importance à la question de lexpulsion forcée des immigrants. Le législateur, habitué quil est de voir immédiatement le résultat des mesures qui sont mises au voix, a souvent tendance à être plus tolérant que le public qui lui, a moins de difficulté à abroger les droits dune minorité à laquelle il ne sidentifie pas. Un observateur britannique fait remarquer ce qui suit :
On pourrait soutenir que la Loi de 1942 sur le plébiscite fédéral est un bon exemple de ces dangers. M. Mackenzie King avait promis durant la campagne électorale de 1940 quil ny aurait pas de conscription pour le service outre-mer. Aux prises par la suite avec une grave pénurie de soldats, le gouvernement a tenu un référendum pour demander à la population de le délivrer de sa promesse électorale.
Même en ce qui concerne les intérêts des groupes minoritaires, la question comporte un autre volet. Parfois, une minorité consiste en un groupe de pression politique actif que tente de faire adopter des lois qui nont pas lappui de la majorité passive. On a laissé entendre, par exemple, que le référendum écossais sur la délégation des pouvoirs avait désamorcé une crise politique, les responsables sappropriant linitiative dun élément radical pour la soumettre à la population. Selon un observateur britannique :
Tout compte fait, les motifs et les résultats dun référendum semblent être davantage liés à la question, aux événements, aux personnalités et aux aspects politiques qui lentourent quà une « théorie » globale sur le sujet. Les référendums qua tenus le général De Gaulle durant la Ve République en sont un bon exemple :
Même lorsque lon tient des référendums sur des questions, à des moments et dans des pays semblables, les résultats peuvent être différents et imprévisibles. Par exemple, on compare souvent, dans les ouvrages pertinents, les référendums tenus en Norvège et au Danemark sur ladhésion de ces pays au Marché commun en 1972. En général, la constitution norvégienne ne prévoit pas de recours au référendum, mais il fut convenu quon en tiendrait un sur la question du Marché commun. Au bout du compte, 78 p. 100 de la population a participé au référendum; 53 p. 100 ont dit non à ladhésion au Marché commun, tandis que 47 p. 100 ont dit oui. Le référendum tenu en Norvège devait avoir un caractère consultatif et être approuvé par une majorité des trois quarts des membres du Parlement pour être valable. Avant la tenue du référendum, environ les deux tiers des membres du Parlement étaient en faveur de ladhésion au Marché commun, mais les observateurs étaient davis que si la population avait donné son aval au référendum, la majorité nécessaire au Parlement aurait été obtenue. En outre, si le référendum navait pas eu lieu, beaucoup sattendaient à ce que, en bout de ligne, le gouvernement obtienne la majorité nécessaire des trois quarts des membres de Parlement.
Les 24 et 25 septembre 1972, les Norvégiens, consultés par voie référendaire, ont refusé dadhérer à la CEE; le 2 octobre de la même année, les Danois ont accepté de devenir membres de cette organisation. Les référendums sont plus fréquents au Danemark parce que la constitution contient une disposition à cet effet. Tout projet de loi soumis au processus référendaire est réputé être rejeté si une majorité délecteurs, cest-à-dire au moins 30 p. 100 des électeurs admissibles, sont contre la mesure proposée. Au Danemark, 90 p. 100 de la population a participé au scrutin référendaire et ladhésion à la CEE a été approuvée par une majorité de 63 p. 100. Il est difficile dexpliquer cette différence entre deux pays si rapprochés lun de lautre. Le motif le plus souvent invoqué est lattitude divergente des agriculteurs et des pêcheurs de chacun des pays. En Norvège, où les deux groupes représentent environ 12 p. 100 de la population active, les coopératives de producteurs étaient extrêmement puissantes et les prix à la production dans ce pays étaient de 20 à 30 p. 100 supérieurs à ceux des pays membres de la CEE. Par contre, les agriculteurs danois (10 p. 100 de la population active), avaient confiance en leur pouvoir concurrentiel et prévoyaient tirer certains avantages de la CEE. De même, les pêcheurs danois, qui sont plutôt des pêcheurs hauturiers que des pêcheurs côtiers, avaient, plus que leurs homologues norvégiens, confiance que laccès à la Communauté européenne leur garantirait des marchés. Peu importe les raisons qui expliquent les différences dans le vote des électeurs et les hypothèses que lon ébauche sur les conséquences dun vote différent, les résultats post-référendaires ont été les mêmes. « Lors de lélection de 1972, qui a suivi de près le référendum, le système des partis établis éclata dans les deux pays »(20). En fait, on a signalé que « même si lestablishment danois a gagné le référendum de 1972, lannée suivante, la rébellion des électeurs a été encore plus forte et plus marquée que celle quon a connue en Norvège »(21). En général, on recourt au référendum pour consulter la population ou pour légitimer une façon dagir qui dépasse les affaires courantes dun gouvernement, particulièrement dans les domaines constitutionnel ou territorial. En outre, le référendum est utilisé pour régler un problème moral ou politique qui, pou une raison ou une autre, ne se prête pas à la politique de parti habituelle. Son efficacité semble plus grande quand il est employé avec modération et réservé à de grandes questions :
A. Lois autorisant les référendums Cest parfois dans la constitution dun pays que lon trouve le pouvoir ou lobligation de tenir un référendum. En Australie, toute modification constitutionnelle doit être approuvée par une majorité absolue des membres des deux chambres du Parlement et ensuite par référendum. Dans le référendum, la modification doit être approuvée par une majorité des électeurs à léchelle du pays et par une majorité des électeurs dans une majorité dÉtats (soit quatre sur six). En France, les modifications constitutionnelles doivent dabord être approuvées par le Parlement, et ensuite soit par voie référendaire, soit par les trois cinquièmes des membres des deux chambres réunies. En outre, le président, à la demande du gouvernement, peut tenir un référendum sur tout projet de loi concernant lorganisation du gouvernement ou un traité modifiant les institutions gouvernementales. La constitution irlandaise prévoit que tout projet de loi modifiant la constitution doit, après avoit été adopté par les deux chambres du Parlement, être approuvé par une majorité délecteurs au cours dun référendum. En Italie, la constitution renferme plusieurs dispositions concernant les référendums, mais la seule qui a été souvent utilisée est larticle 75 qui prévoit quun référendum visant à abroger une loi, sauf une loi portant sur des mesures financières, des traités ou des mesures damnistie, doit être convoqué à la demande de 500 000 électeurs ou de cinq conseils régionaux. La majorité simple suffit pour faire abroger la loi. La constitution danoise permet à un tiers des membres du Folketing de présenter une demande de référendum portant sur un projet de loi dans un délai de trois jours civils suivant son adoption. Elle renferme également des dispositions portant sur les référendums concernant les modifications à la constitution ou à lâge donnant droit de vote. De plus, toute loi qui accorde des pouvoirs à une organisation internationale doit être approuvée soit par une majorité des cinq sixièmes du Folketing, soit par une majorité simple de ces membres et une majorité délecteurs au cours dun référendum. La loi danoise permet également au Folketing dadopter une loi prévoyant la tenue dun référendum non exécutoire sur toute question en bue de consulter la population. La constitution espagnole permet un référendum sur des modifications constitutionnelles, si un dixième des membres de lune ou de lautre des chambres des Cortes Generales (Parlement) le réclame. En outre, le gouvernement peut tenir un référendum consultatif sur toute décision politique dimportance. LEspagne a tenu un référendum en 1976 lorsque la province de lAndalousie se disait insatisfaite du rythme de ses pourparlers avec le gouvernement central et, en 1986, pour savoir si le pays devait demeurer au sein de lOTAN. Quant à la constitution suisse, qui repose sur la notion de démocratie directe, elle autorise un recours très fréquent au processus référendaire. Toutes les modifications à la constitution fédérale doivent être approuvées par référendum. Des modifications constitutionnelles peuvent être présentées à la demande de 50 000 citoyens, mais il a toujours été difficile damener les électeurs à approuver une initiative populaire. Les modifications constitutionnelles, peu importe qui les réclame, doivent être approuvées par une majorité délecteurs et par une majorité de cantons (soit huit dentre eux). On peut également tenir un référendum sur une loi courante lorsque 30 000 citoyens ou huit gouvernements cantonaux exigent quune loi soit assujettie au processus référendaire dans les 90 jours suivant sa publication. En pareil cas, il faut la majorité simple des électeurs pour que la loi soit abrogée. Le projet de résolution relatif à la constitution canadienne, présenté par le gouvernement Trudeau en 1980, après léchec des pourparlers entre le gouvernement fédéral et les provinces au mois de septembre de la même année, comprenait une disposition autorisant les modifications constitutionnelles par voie de référendum. La formule de modification prévoyait le recours au référendum comme solution de rechange aux résolutions adoptées par les assemblées législatives des provinces et aurait nécessité la majorité absolue des électeurs ainsi que la majorité dans chacune des provinces(23). Il est également possible de tenir un référendum en vertu dune loi générale à cet effet. La Loi sur la consultation populaire, adoptée par le Québec en 1978, prévoyait la tenue dun référendum sur toute question approuvée par lAssemblée nationale ou sur tout projet de loi adopté par celle-ci. Quant au projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, déposé en 1978, il prévoyait la tenue dun référendum sur toute question touchant la Constitution du Canada, entre autres les douanes, les conventions et les textes de loi, ainsi que les institutions ou les processus nationaux, politiques et judiciaires. Cependant, pour éviter que le référendum devienne un processus constitutionnel permanent, le projet de loi renfermait une clause de « révision » de cinq ans. 3. Loi référendaire portant sur une question précise Il est également possible de tenir un référendum en vertu dune loi autorisant un seul référendum sur une question précise. Dans les pays dont la constitution ne renferme aucun pouvoir ni aucune exigence concernant le référendum, il semble que ce soit la méthode utilisée le plus souvent. Par exemple, cest ainsi quon a procédé en Grande-Bretagne lors du référendum sur ladhésion au Marché commun, tenu en 1975. Par la suite, lorsque le gouvernement travailliste de ce pays a conçu un plan visant à déléguer des pouvoirs aux assemblées dÉcosse et du Pays de Galles, il na pas réussi à faire adopter le projet de loi au Parlement à sa première tentative. Lorsquil en a présenté une version modifiée, le gouvernement a tenté dapaiser les opposants en prévoyant que le projet de loi ne serait pas appliqué avant dêtre approuvé par référendum en Écosse et au Pays de Galles. Avant les années 70, le Canada avait adopté des lois précises visant à autoriser chacun de ses référendums, entre autres la Acte du plébiscite de prohibition de 1898 et la Loi de 1942 sur le plébiscite fédéral. Lorsquun référendum est autorisé aux termes dune loi référendaire portant sur une question précise, le problème qui se pose toujours, cest de savoir si le libellé de la question est inclus dans la loi ou si on laisse au pouvoir exécutif le soin de le déterminer. Dans les deux lois susmentionnées, le libellé exact de la question ainsi que la forme du bulletin de vote étaient précisés. Par exemple, larticle 8 de la Prohibition Plebiscite Act était ainsi libellé :
La Newfoundland Referendum Act prévoyait à la fois la forme et lordonnancement des questions, ce qui risquait en soi dêtre problématique. Comme trois choix étaient offerts (Commission, Confédération et gouvernement responsable tel quil existait en 1933), la loi prévoyait un deuxième référendum au cas où une majorité absolue délecteurs ne retiendrait aucun des choix au premier tour de scrutin. La loi prévoyait également que loption qui recueillerait le moins de voix au premier tour ne serait pas retenue au cours du deuxième référendum. René Lévesque a fait allusion plus tard aux référendums tenus par Terre-Neuve; il estimait quils constituaient un précédent pour les référendums multiples sur une même question :
Cependant, les dispositions précises que contenait la Newfoundland Referendum Act et qui permettaient de ramener de trois à deux les choix possibles constituent un fondement douteux de lautorisation de plébiscites multiples portant sur une question à laquelle il faut répondre par un oui ou un non. Dans la plupart des cas, cest lExécutif qui présente le projet de référendum, avec ou sans lapprobation officielle de lassemblée législative. Souvent, le projet de référendum est approuvé par lassemblée législative, mais limpact dune telle approbation varie beaucoup selon la nature du gouvernement en cause. Larticle 11 de la Constitution française de la Ve République, par exemple, permet au président de convoquer un référendum sur tout projet de loi concernant lorganisation des pouvoirs publics « sur recommandation du gouvernement au cours de la session parlementaire. » Si le résultat du référendum est favorable, le président peut promulguer la loi. Toutefois, les modifications constitutionnelles doivent être adoptés par les deux chambres avant dêtre soumises au référendum (article 89). Le général de Gaulle, qui se méfiait des partis et des représentants parlementaires, interprétait les dispositions sur les référendums de façon controversée et les utilisait pour passer outre au Parlement.
Mis à part lautoritarisme avec lequel le général de Gaulle proposa les référendums avant que le gouvernement ne présente les projets à cet effet, au moins deux référendums portaient sur des modifications constitutionnelles (1962 et 1969); on peut ajouter sans lombre dun doute quils nauraient pas dû être proposés en vertu de larticle 11. La Loi sur la consultation populaire du Québec prévoit que la question référendaire doit être soit proposée par le premier ministre, soit énoncée dans la loi. Dans le premier cas, un débat de privilège de 35 heures en vue de modifier le libellé de la question avant son approbation finale par lAssemblée nationale est prévu. Dans le second cas, la question est adoptée comme nimporte quel autre article du projet de loi. Aux termes du projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, la question devait être proposée par le gouverneur en conseil et approuvée par la Chambre des communes et le Sénat après un maximum de 40 heures de débat. Seul un membre du gouvernement aurait été habilité à déposer une motion autorisant la tenue dun référendum. Le référendum aurait pu être tenu dans plusieurs provinces et aurait pu contenir plus dune question dans la mesure où la réponse exigée aurait été un oui ou un non. Conformément aux propositions de réforme constitutionnelle présentées par le gouvernement fédéral en 1980, on aurait pu tenir un référendum visant à modifier la Constitution lorsque lExécutif laurait demandé et que le référendum aurait été autorisé par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes. 2. Assemblée législative ou parti politique En Australie, aucune disposition précise ne prévoit que les modifications à la constitution doivent être présentées par le gouvernement; en outre, des motions exigeant des modifications constitutionnelles, voire des projets de loi en ce sens, ont été présentées par lopposition ou de simples députés, bien que sans succès. Au Danemark, un tiers des membres du Folkering peut présenter une demande de référendum sur tout projet de loi dans les trois jours ouvrables suivant son adoption. En Espagne, un dixième des membres de lune ou lautre des chambres peut exiger la tenue dun référendum sur des modifications constitutionnelles. 3. Population ou administration régionale Dans certains pays, un nombre donné de personnes ou des administrations régionales peuvent exiger la tenue dun référendum; cest ce que lon appelle souvent « linitiative populaire », surtout lorsque le référendum est exécutoire. En Italie, par exemple, la tenue dun référendum sur des modifications constitutionnelles peut être exigée par un cinquième des membres de lune ou lautre chambre, par 500 000 électeurs ou par cinq conseils régionaux. Ces deux derniers groupes peuvent exiger un référendum visant à abroger une loi courante, sauf une mesure financière ou un traité. Cette dernière approche, en vertu de laquelle il est possible dabroger mais non de présenter un projet de loi est en général jugée avantageuse. La constitution suisse permet linitiative populaire lorsque 50 000 citoyens proposent la tenue dun référendum. Comme cest le cas pour les autres modifications constitutionnelles, une telle proposition doit être acceptée à la fois par une majorité des électeurs et une majorité des cantons. Le projet de constitution canadienne de 1980 ne contenait aucune disposition prévoyant les initiatives populaires, mais il semble que le gouvernement Trudeau y ait songé :
En 1977, le gouvernement du Québec sest dit en principe favorable à linitiative populaire; il estimait que la mise en oeuvre dune telle initiative au Canada nécessiterait une étude beaucoup plus poussée :
Les référendums qua tenus la province de Terre-Neuve sur son entrée dans la Confédération en 1948 illustrent à quel point il peut être difficile de trouver la bonne question. Les Canadiens soutenaient que le libellé de la question avantageait le gouvernement de lépoque. Quant aux opposants à la Confédération, ils prétendaient quil était inconstitutionnel de même inclure la possibilité, il devait en être de même de lunion avec les États-Unis. Dans une lettre adressée aux autorités britanniques, « [ ] le Haut Commissaire se dit davis que la formulation de la question avait été ainsi arrêtée sur linsistance du gouverneur de Terre-Neuve [et] émettait lopinion que ces entretiens [avec le premier ministre britannique] navaient servi aux personnes concernées quà étager la thèse du gouverneur, même sil devait en coûter de placer loption Confédération dans une position très désavantageuse »(28). Le Danemark offre deux exemples intéressants de la façon de régler le problème de la formulation de la question. Lors du référendum sur ladhésion à la CEE tenu en 1972, on demandait simplement aux électeurs de dire JA (oui) ou NEJ (non); aucune question ne figurait sur le bulletin de vote, qui ne contenait que les mots JA et NEJ. Un formulaire joint au bulletin de vote renfermait les directives suivantes :
Il faut dire toutefois que le Danemark était déjà habitué à une certaine approche imaginative en matière de questions référendaires. Avant 1953, il fallait, selon la constitution, lapprobation de 45 p. 100 de lélectorat (et non du nombre réel délecteurs) pour quune modification constitutionnelle soit adoptée. Il était ainsi très difficile dapporter des modifications à la constitution, compte tenu du fait que moins de 50 p. 100 de lélectorat ne sest prévalu de son droit de vote au cours des premiers référendums.
De toute évidence, il fallait faire quelque chose. Le gouvernement a proposé une nouvelle série de modifications constitutionnelles qui venaient assouplir les exigences à cet égard. Puisque, semble-t-il, ce que lon voulait était moins de faire approuver une modification que dobtenir un nombre suffisant délecteurs, le gouvernement a recouru à la « stratégie de la princesse. »
Lier deux questions distinctes dans un référendum est chose courante, mais une telle mesure peut également se retourner contre ses auteurs. Les référendums français de 1961 (autodétermination de lAlgérie) et de 1962 (indépendance) visaient essentiellement tous les deux à régler deux questions : « Êtes-vous en faveur de la politique proposée? » et « Voulez-vous que le général De Gaulle la mette en oeuvre? » Selon un autre observateur :
Le projet de loi en question renfermait 8 000 mots, couvrait 14 pleines pages de texte, comprenait 69 articles et prévoyait la modification et le remplacement de 19 articles de la constitution. La question ne portait même pas sur la révision des dispositions touchant la présidence par intérim. Même les supporteurs du gouvernement ont déclaré, dans des sondages dopinion, quils souhaitaient donner deux réponses distinctes aux deux questions. En avril 1969, 53 p. 100 des électeurs ont rejeté les propositions et le général De Gaulle, en ayant fait une question de confiance, démissionna immédiatement. Il est difficile de trouver léquilibre entre une question qui est trop simple et une autre qui est incompréhensible. Les observateurs ont laissé entendre que le pourcentage élevé de propositions référendaires qui on été rejetées par les électeurs australiens pouvait être attribuable à la simple frustration quengendrait le libellé de la question :
Le référendum que la Grande-Bretagne a tenu sur le maintien des liens avec la CEE fait à la fois ressortir la fragilité du libellé de la question et le peu dimportance quil peut avoir à long terme.
En Australie, en raison de la forme préétablie du bulletin de vote, on na pas lhabitude de jouer avec le libellé de la question, mais il nen demeure pas moins que les deux référendums de 1916 et de 1917 sur la conscription étaient étrangement libellés. La question du référendum de 1916 était la suivante :
Le référendum fut rejeté par une faible majorité, mais le gouvernement Hughes tenta de nouveau sa chance en 1917 en posant une question plus laconique, mais qui néclairait guère plus les électeurs : « Êtes-vous en faveur de la proposition visant à permettre au gouvernement du Commonwealth daccroître la force impériale de lAustralie outre-mer? » La question fut rejetée par une majorité encore plus importante(35). Un tel libellé se compare à celui qua utilisé le Canada pour formuler sa question référendaire de 1942 sur la conscription :
Laspect le plus intéressant de la comparaison est peut-être que les électeurs des deux pays semblaient effectivement savoir ce pour quoi ils votaient. Le libellé de la question a quand même eu une certaine importance au Canada après la guerre. Lors dune conférence internationale sur les référendums, tenu en Angleterre en 1979, le co-rédacteur du texte définitif sur les référendums a fait les observations suivantes :
D. Conséquences dun référendum Bien que les termes « référendum » et « plébiscite » soient souvent utilisés lun pour lautre, leur origine est différente. Le terme « plébiscite » vient du droit romain ou il était utilisé pour décrire une loi adoptée par vote des plébiens, ou des hommes du peuple, à la demande dun magistrat plébien.(37) Aujourdhui, le terme est utilisé pour décrire un vote des électeurs dune compétence politique, dans lequel ces derniers expriment leur opinion sur une question précise. Le terme « référendum » décrit une méthode semblable qui consiste à « soumettre » une importante mesure législative à un scrutin direct. Le terme napparaît pas dans la langue française avant la fin du XVIIIe siècle, mais les cantons suisses avaient déjà pris des décisions sur des questions ad referendum longtemps auparavant. Bien que les termes « référendum » et « plébiscite » soient souvent utilisés lun pour lautre, leur origine est différente. Le terme « plébiscite » vient du droit romain ou il était utilisé pour décrire une loi adoptée par vote des plébiens, ou des hommes du peuple, à la demande dun magistrat plébien(37). Aujourdhui, le terme est utilisé pour décrire un vote des électeurs dune compétence politique, dans lequel ces derniers expriment leur opinion sur une question précise. Le terme « référendum » décrit une méthode semblable qui consiste à « soumettre » une importante mesure législative à un scrutin direct. Le terme napparaît pas dans la langue française avant la fin du XVIIIe siècle, mais les cantons suisses avaient déjà pris des décisions sur des questions ad referendum longtemps auparavant. Conformément à cette définition, les plébiscites sont essentiellement de nature consultative et nont aucun caractère juridique et exécutoire pour le gouvernement, peu importe limportance de lobligation politique ou morale qui lui incombe de se conformer au résultat. Quant aux référendums, au sens le plus strict du terme, ils permettent de créer des lois directement sans que le gouvernement nintervienne par la suite. Toutefois, cette distinction nest pas toujours acceptée et dans de nombreux textes, on utilise le terme « référendum » autant pour décrire un vote consultatif non exécutoire quexécutoire. Par exemple, dans le Déroulement dun référendum au Québec, on dit que le référendum a pour but de « consulter les électeurs sur un sujet donné au moyen dun scrutin dont le déroulement est analogue à celui dune élection générale »(38). Dans sa brochure publiée en 1978 et intitulée Exposé du projet de loi sur le référendum du Canada, le gouvernement fédéral précise que « dans les deux langues, lusage contemporain favorise nettement « référendum »; « plébiscite » semble être tombé en désuétude »(39). Dans lensemble, cependant, les juristes ont, plus que les politicologues, tendance à établir une distinction entre le référendum et le plébiscite. Cest peut-être ce qui explique pourquoi, nonobstant le fait que dans les brochures publiées par les gouvernements du Canada et du Québec on fasse peu de différence entre les deux termes, un auteur a, dans un article publié en 1989, établi une distinction claire :
Une des raisons qui explique la confusion est peut-être la suivante :
Les référendums exécutoires sont peu fréquents dans les démocraties parlementaires et conviennent davantage aux pays qui ont une tradition de démocratie directe comme la Suisse :
De même, une initiative constitutionnelle mise en branle pour expulser les travailleurs étrangers de la Suisse a été rejetée par une majorité de pratiquement 60 p. 100; cependant, sil en avait été autrement, les tribunaux nauraient rien pu faire pour protéger les travailleurs étrangers, même sils possédaient des permis de travail valides. La Suisse a tenu 297 référendums entre 1848, année où elle est devenue une fédération, et 1978. Les référendums exécutoires, ou les propositions qui sont venues du Parlement, ont habituellement été acceptés, 100 personnes ayant répondu oui contre 38 qui ont dit non. Quant aux scrutins qui ont été demandés pour régler des propositions parlementaires dans le cadre du processus de référendum optionnel, ils ont été plus souvent négatifs, soit 67 non contre 7 oui. Dans lensemble, on peut donc dire que lusage du référendum en Suisse est très efficace. Une préoccupation, cependant, cest que la participation électorale en Suisse est beaucoup plus faible que dans les pays voisins, situation qui peut être attribuable au très grand nombre de référendums. En outre, le pourcentage moyen de la population qui participe aux référendums a diminué au cours des années : 1880-1913
58 p. 100 Tout compte fait, on peut dire que la démocratie directe fonctionne bien en Suisse, même si elle ne paraît pas être une denrée exportable :
À lheure actuelle, la Constitution du Canada ne permet pas le référendum exécutoire :
Le référendum abrogatif permet aux électeurs de rejeter ou dabroger une mesure adoptée par une assemblée législative. La Constitution danoise prévoit quun tiers des membres du Folketing peut réclamer la tenue dun référendum sur un projet de loi un fois quil a été adopté. Pour que le projet de loi soit défait par voie référendaire, il faut une majorité de votes négatifs et ceux-ci doivent représenter au moins 30 p. 100 des personnes ayant droit de vote. La disposition abrogative ne sapplique pas à certains projets de loi, plus particulièrement ceux qui portent sur les questions financières ou les traités. Larticle 75 de la constitution italienne prévoit quune loi peut être abrogée au moyen dun référendum demandé par 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux. Sont précisément exclus les lois financières ou budgétaires, les amnisties ou les pardons, ou les lois autorisant la ratification de traités internationaux. La loi de mise en oeuvre na pas été adoptée avant 1970 et en 1986, il y avait eu neuf référendums. Le premier, tenu en 1974, a permis dabroger les lois sur le divorce, mais aucun des autres référendums tenus par la suite na été accepté. Quatre dentre eux portaient sur une loi antiterroristes, deux consistaient en des propositions visant à restreindre laccès à lavortement et les autres concernaient le financement de lÉtat ou des partis politiques ainsi que lindexation automatique des salaires. Certains indices portent à croire que les référendums sur les modifications à la constitution ont tendance à permettre le rejet de projets de loi qui sont particulièrement mal rédigés. Cela est peut-être simplement dû au fait que les électeurs ont limpression quun projet de loi qui ne peut être expliqué logiquement renferme des problèmes internes :
Le général De Gaulle a subi la défaite lors du référendum de 1969 en partie parce que « les experts constitutionnels du Conseil de lÉtat ont décrit le projet de loi comme étant lun des plus mal rédigés à être soumis au Conseil »(47). Tout compte fait, le référendum abrogatif semble être parmi ceux qui obtiennent le plus de succès et qui ont le moins de conséquences négatives. Comme le prouve lexpérience de lItalie et de la Suisse, les référendums abrogatifs sont habituellement rejetés et ont donc rarement un effet déstabilisateur. Quant à leurs répercussions sur la démocratie représentative, elles sont minimes puisque les référendums nont lieu quune fois le processus législatif terminé. Le législateur ne peut donc sen remettre aux référendums abrogatifs simplement parce quil ne veut pas régler une question difficile. Néanmoins, ces référendums sont un contrepoids utile dont dispose lélectorat face au législateur. La simple possibilité dun référendum abrogatif confère une légitimité supplémentaire aux modifications constitutionnelles puisquil ne fait aucun doute que des modifications grandement impopulaires seraient contestées. 4. Plébiscite ou référendum consultatifs On fait parfois une distinction entre le plébiscite et le référendum consultatif, mais cette distinction est très difficile à soutenir. Selon certains, le plébiscite permet dapprouver ou de légitimer une mesure adoptée par un gouvernement, alors que le référendum consultatif nest rien dautre quune consultation. En fait, compte tenu du poids moral et politique du référendum, le plébiscite et le référendum consultatif ont tendance à se recouper. Les référendums qui ont pour but de consulter la population ne sont pas juridiquement exécutoires, mais ils ont tendance à lêtre sur le plan politique. En théorie, le référendum tenu au Québec en 1980 ne liait pas le gouvernement du Québec et encore moins celui dOttawa; toutefois, son importance politique et morale ne faisait aucun doute. Comme les référendums consultatifs visent à évaluer lopinion publique plutôt quà légitimer une mesure précise, ils laissent aux gouvernement suffisamment de souplesse pour y donner suite. La Suède a tenu en 1980 un référendum consultatif afin de savoir si le pays devait continuer dutiliser lénergie nucléaire, et toutes les parties avaient déclaré quelles seraient liées par le résultat. Or, le référendum na pas fourni de réponse précise, mais a permis de façonner un compromis, accordant ainsi aux diverses parties plus de souplesse que si le référendum avait été juridiquement exécutoire. Cependant, les gouvernements ne se sentent pas toujours liés par un référendum antérieur. En 1955, une écrasante majorité de Suédois sest déclarée contre la conduite à droite. Néanmoins, en 1963, le gouvernement a adopté la conduite à droite sans tenir dautre référendum. On soutient que le plébiscite est un moyen de légitimer une mesure ou une décision dun gouvernement, alors que le référendum consultatif permet détablir quelles décisions le public attend du gouvernement. Cependant, la différent entre les deux peut être illusoire :
E. Mesures faisant lobjet dun référendum 1. Modifications constitutionnelles Dans un certain nombre de pays, la constitution renferme des dispositions prévoyant la tenue de référendums pour ladoption des modifications constitutionnelles.
Au sujet des procédures référendaires contenues dans les propositions constitutionnelles du gouvernement fédéral en 1980, Gregory Mahler laisse entendre que les trois pays qui se comparent le mieux au Canada sont lAustralie, la Suisse et lAllemagne de lOuest :
M. Mahler poursuit en disant que la proposition de référendum mise de lavant par le gouvernement Trudeau en ce qui a trait aux modifications constitutionnelles aurait considérablement réduit les pouvoirs des provinces. Plus précisément, le gouvernement fédéral aurait pu faire approuver une modification par voie de référendum, même si toute les provinces sy étaient opposées; cependant, linverse nétait pas vrai. 2. Revendications territoriales ou souveraineté
Les premiers plébiscites officiels concernant la souveraineté ont eu lieu à la fin du XVIIIe siècle en vue détablir si le territoire papal dAvignon souhaitait être annexé à la France révolutionnaire. Au XIXe siècle, les référendums sur lautodétermination jouèrent un rôle majeur dans lunification de lItalie :
Les six premiers membres du Marché commun nont pas tenu de référendum sur sa formation, mais les éventuels « membres du second round » lont fait : il sagit de lIrlande, du Royaume-Uni, du Danemark qui ont accepté, et de la Norvège qui a refusé. Lune des leçons que lon peut tirer des référendums tenus sur ladhésion à la CEE dans les années 70, cest que les consultations sur la souveraineté peuvent avoir des résultats dangereusement imprévisibles :
Le « référendum sur la délégation de pouvoirs » tenu au Royaume-Uni en 1979 venait demander aux citoyens dÉcosse et du Pays de Galles sils souhaitaient létablissement de leurs propres assemblées, comme le prévoyaient la Scotland Act et la Wales Act de 1978. Cette question est discutée en détail plus loin sous le titre «Décompte des votes. »
Quelles que soient les difficultés que puisse poser un référendum sur des revendications territoriales et la souveraineté, il est probablement préférable aux autres solutions. Le processus politique traditionnel, que repose sur lopposition des partis, peut créer encore plus de division quun référendum. En outre, de toutes les questions, celles qui concernent la souveraineté semblent être les mesures qui doivent être le plus fortement légitimées.
3. Questions morales ou politiques Les référendums sur des questions morales ou politiques ont tendance à comprendre un report délibéré de lusage du pouvoir décisionnel :
Souvent, les questions morales comme le divorce, la prohibition ou lavortement peuvent remettre en question de la discipline de parti et un référendum devient alors le moyen déviter la perturbation au Parlement. De même, le référendum peut comprendre le règlement dun problème politique lorsquune question, comme ladhésion de la Grande-Bretagne à la CEE, menace de faire éclater lunité dun parti. 4. Projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada (1978) Malgré lhésitation qua toujours manifestée le gouvernement fédéral à tenir des référendums, le projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, fut présenté en 1978, peu de temps après que lAssemblée nationale du Québec eut adopté la loi habilitante prévoyant la tenue dun référendum provincial en 1980; le projet de loi C-9 visait vraisemblablement à permettre au gouvernement fédéral de tenir son propre référendum, sur sa propre question, si le besoin sen faisait sentir. Les principales dispositions du projet de loi sur le référendum au Canada déposé en 1978 étaient les suivantes :
F. Réglementation du processus référendaire Dans lensemble, la loi électorale actuelle prévoit la compilation des registres des électeurs, la nomination des directeurs de scrutin, létablissement et la dotation des bureaux de scrutin ainsi que les règles concernant le caractère secret du vote. Bien que lon propose parfois que les règles concernant lâge auquel une personne a droit de vote soient assouplies au moment dun référendum, on ne le fait habituellement pas. Par contre, on pourrait peut-être donner un droit de vote à un référendum à certaines catégories délecteurs qui, pour des raisons qui vont de la neutralité absolue (juges) à une incapacité juridique (prisonniers), nont pas le droit de vote aux élections générales. Certains problèmes concernant les référendums sont assez distincts de ceux qui se posent au cours des élections; ils concernent la plupart du temps lidentification des différents groupes dintérêt de façon que les critères concernant le financement, les médias et les scrutateurs puissent sappliquer de façon juste. En général, pour ce qui est de la réglementation des référendums, le plus difficile est de définir les groupes auxquels sappliquent les critères généraux en matière de finances et daccès aux médias :
Le référendum tenu en Grande-Bretagne sur le maintien des liens de cette dernière avec la CEE renfermait un certain nombre de caractéristiques bien particulières, nombre dentre elles portant sur la reconnaissance des groupes de coordination. Une subvention de 125 000 £ a été accordé à chacun des organismes de coordination car il était évident que les tenants des liens avec le Marché commun disposaient de ressources supérieures à ceux qui sy opposaient. En outre, la solidarité du Cabinet a été assouplie pendant les trois mois du référendum; seize membres du Cabinet ont fait campagne en faveur du maintien des liens avec la CEE alors que sept ont fait campagne contre. Le recours aux groupes de coordination, quon a vus pour la première fois lors du référendum tenu au Royaume-Uni en 1975, a été adopté au Québec, tout comme lont été de nombreux autres aspects du référendum britannique. En fait, le gouvernement du Québec, aussi étonnant que cela puisse paraître, a été très élogieux au sujet de lexpérience britannique dans un document publié en 1977 et intitulé La consultation populaire au Québec, publié par le ministre dÉtat à la Réforme électorale et parlementaire :
La Loi sur la consultation populaire du Québec prévoyait que les membres de lAssemblée nationale pouvaient faire connaître loption quils retenaient au Directeur général des élections dans un délai de sept jours suivant ladoption de la question ou du projet de loi contenant une question. Les tenants de chaque option se constituaient alors en comités provisoires. Si, après sept jours, aucun membre de lAssemblée nationale navait enregistré une option ou une autre, le Directeur général des élections pouvait alors inviter entre trois et vingt électeurs à constituer un comité provisoire. Par contre, aux termes du Projet de loi sur le référendum au Canada, tous les groupes dépensant plus de 5 000 dollars au cours dun référendum auraient été tenus de senregistrer auprès du Directeur général des élections, mais aucune disposition ne serait venu restreindre le nombre de ces groupes. Les raisons qui ont motivé le gouvernement du Québec à adopter le principe des groupes de coordination étaient les suivantes : accorder un traitement égal aux tenants de chaque option, conformément aux pratiques électorales qui limitaient les dépenses maximales et éviter de se retrouver dans une situation artificielle qui amènerait un parti politique à défendre une question qui ne serait pas conforme à sa ligne de pensée. Pour que tous jouissent dun traitement égal, il fallait que lÉtat accorde une aide financière et restreigne les dépenses et le financement provenant de lextérieur. Nonobstant la légitimité reconnue des groupes de coordination, la loi du Québec a provoqué certaines critiques parce que, bien quelle ait eu pour but dempêcher la distorsion provoquée par des groupes possédant de bons moyens financiers,
2. Financement et accès aux médias Une fois que la loi régissant les groupes de coordination est adoptée, les grandes questions quil reste à régler sont lampleur des contributions du gouvernement aux groupes, les exigences concernant les rapports, les limites aux contributions durant la campagne, les plafonds imposés aux dépenses durant la campagne, laccès garanti aux médias (principalement la télévision), la publication possible dénoncés de principe aux frais du gouvernement et la durée de la campagne. Dabord, if faut décider si les contributions et les dépenses durant la campagne référendaire doivent être rendues publiques. Comme les référendums portent souvent sur un question très émotive, les arguments pour et contre le divulgation diffèrent quelque peu de ceux qui sont invoqués au moment délections générales. Certains ont laissé entendre que « leffet temporisateur » de la divulgation des dépenses peut être plus prononcé au cours dune campagne référendaire quau cours dune campagne électorale et plusieurs pays, notamment le Danemark et la Norvège, ont décidé de ne pas imposer de normes concernant la divulgation et les rapports précisément pour ces motifs(59). Le compromis pourrait consister à fixer les contributions qui doivent être déclarées à un niveau suffisamment élevé pour restreindre au minimum les exigences concernant les rapports et lapplication dune telle disposition. Autre question en général litigieuse : Faut-il limiter les dépenses? Dune part, une limite aux dépenses permet de sassurer que les coûts de la campagne référendaire demeurent raisonnables et que les plus riches « nachètent pas » le référendum; de plus, on croît quune telle limite accroît la confiance du public dans les résultats. Dautre part, si les plafonds sont fixés aux dépenses sont plus difficiles à appliquer au cours dune campagne portant sur une seule question, lorsquil est difficile de faire la différence entre une publicité référendaire et une « publicité sociétale. » Si, par exemple, le Canada tenait un référendum sur une interdiction complète de fumer, une campagne de publicité menée à léchelle nationale par la Société canadienne du cancer sur le cancer du poumon devrait-elle être assujettie aux limites fixées pour les dépenses? Il y a aussi deux autres questions connexes soit celle de savoir sil faut restreindre les contributions provenant des organisations qui ont un intérêt dans le résultat du référendum, et celle de déterminer sil faut imposer un plafond aux contributions qui proviennent dune source unique, quelle quelle soit. Enfin, il y a aussi la question du « plancher » des coûts dune campagne, ou des sommes que le gouvernement doit débourser pour sassurer que toutes les parties sont en mesure de mener une campagne dinformation efficace. Les critères régissant le succès dun référendum peuvent varier considérablement :
La participation électorale à un référendum peut également revêtir une importance cruciale. Dans le cas du référendum de Terre-Neuve tenu en 1948, le Royaume-Uni avait clairement laissé entendre quil considérait toute majorité, peu importe son ampleur, comme exécutoire. Par contre, en 1972, le président Pompidou a tenté de capitaliser sur lutilisation créative du référendum quen avait fait le général De Gaulle en convoquant un référendum sur lapprobation de lentrée de la Grande-Bretagne, de lIrlande, de la Norvège et du Danemark dans la Communauté européenne. Bien que presque 70 p. 100 des électeurs aient répondu oui à la question posée, les deux cinquièmes de lélectorat ne se sont pas présentés aux bureaux de scrutin. Il sagissait du taux dabstention le plus élevé jamais enregistré au cours dune élection en France à léchelle nationale depuis la guerre. En tenant un référendum inutile dans lespoir daccroître son prestige, le président Pompidou a obtenu un résultat tout à fait contraire. Lorsque les résultats dun référendum sont exécutoires, soit quils se traduisent par une loi ou par une entente politique, la question est toujours de savoir sil faudrait exiger le consentement dun certain pourcentage de tout lélectorat ainsi que de la majorité des électeurs. Lexemple le plus fréquemment cité est le référendum de 1979 sur la délégation de pouvoirs à lÉcosse. En 1978, le gouvernement travailliste a présenté des projets de loi prévoyant la délégation de certains pouvoirs à de nouvelles assemblées en Écosse et au Pays de Galles, à condition que la mesure soit approuvée par les électeurs au cours de référendums qui se tiendraient dans ces régions et non en Angleterre même. Une rébellion des députés darrière-ban au tout début de 1978 a forcé le gouvernement à modifier son projet de loi et à prévoir que « si de lavis du Secrétaire dÉtat, moins de 40 p. 100 des Écossais ou des Gallois admissibles votaient pour le projet de loi en question, le Secrétaire serait tenu de déposer un ordre dabrogation devant le Parlement. » Les élections ont eu lieu le 1er mars 1979 et la participation électorale est devenue dune importance fondamentale. Aucun problème ne se posait au Pays de Galles, qui a rejeté la délégation de pouvoirs par une majorité de 80 p. 100 délecteurs et de 47 p. 100 de lélectorat, mais les résultats en Écosse ont été moins clairs :
Le gouvernement a tenté de retarder les choses, mais a perdu un vote de confiance de justesse le 28 mars 1979. Lexpérience semble avoir atténué lintérêt des Britanniques pour les référendums, plus particulièrement depuis que certains observateurs laissent entendre quil serait politiquement impossible de tenir un référendum en Grande-Bretagne sans incorporer cette règle des 40 p. 100. Le Danemark exige aujourdhui que 40 p. 100 de lélectorat approuve une modification constitutionnelle. Cependant, les référendums sur les projets de loi autres que les modifications constitutionnelles sont tenus de façon différente; pour quils soient refusés, il faut que la majorité des électeurs participant au scrutin répondre par la négative et ceux-ci représentent au moins 30 p. 100 de lélectorat. Le Québec a envisagé cette possibilité lorsquil a élaboré son projet de loi sur le référendum, mais a décidé que « par ailleurs, ce caractère consultatif des référendums fait quil serait inutile dinclure dans la loi des dispositions spéciales à légard de la majorité requise ou du taux nécessaire de participation »(61). Un autre moyen de régler le problème de la faible participation électorale est dadopter le vote obligatoire. Une telle méthode est en vigueur en Australie depuis 1924. Bien que la participation ait radicalement augmenté, leffet de cette mesure sur le résultat des référendums ultérieurs nest pas certain.
LItalie a adopté le vote semi-obligatoire et de nombreux pays ont réglé la question en tenant leurs référendums en même temps que les élections nationales, au moment où lintérêt des électeurs est à son zénith. Cette mesure permet également de réduire les coûts du référendum tout en perturbant le moins possible la conduite des affaires du gouvernement. Cependant, les passions politiques ont tendance à être plus grandes au moment des élections et la question posée au référendum peut sentremêler avec dautres questions. Le référendum tenu par la Belgique en 1950 (dont il a été question à la note de bas de page 60) se voulait un plébiscite consultatif visant à déterminer si Léopold III devait accéder de nouveau au trône. Le problème nétait pas un problème de majorité totale, Léopold III disposant dune majorité dans la moitié flamande de la Belgique; toutefois, il ne disposait que dune minorité dans la moitié française. Dans ces circonstances, les résultats du référendum nont pas permis de résoudre le problème, et Léopold III a décidé dabdiquer. La même chose aurait pu se produire au moment du référendum tenu au Québec en 1980 si les résultats avaient été plus également divisés. Avant le référendum, René Lévesque avait dit espérer que la proposition référendaire ne serait pas défaite par une faible majorité : « [ ] toute majorité de situant autour des 45 à 50 p. 100 signifie évidemment que la majorité des francophones ont voté oui. [ ] Cela voudrait dire quune majorité de francophones a clairement exprimé un « oui », mais quelle a été bloquée par une minorité. » Même avec un rejet de la proposition dans une proposition de 60 à 40 p. 100, il estimait que la situation nétait pas entièrement claire : « À ce jour, nul ne sait si nos deux cinquièmes de oui représentèrent ce soir-là 49 ou 51 p. 100 du Québec français »(63). Les résultats dun référendum peuvent varier considérablement suivant la configuration géographique et le milieu social, même dans des sociétés comparativement homogènes. Lors du référendum tenu à Terre-Neuve, qui a été chaudement disputé, la population a approuvé lentrée de cette province dans la Confédération par une mince majorité de 52 contre 48 p. 100. Limportance de la configuration géographique était évidente :
Les situations susmentionnées viennent illustrer à quel point il est difficile de savoir comment procéder au décompte des votes dans un référendum. Certains ont laissé entendre qu « il était absolument essentiel lors du référendum tenu en Belgique que les résultats obtenus au niveau local tout comme ceux de la Belgique dans son ensemble soient rendus publics parce quils ont fait la preuve que seulement une moitié de la population voulait de Léopold III, tandis que lautre moitié nen voulait pas »(65). La question cependant nest pas simple. En Grande-Bretagne, par exemple, le décompte et lenregistrement se sont toujours faits par unités plus grandes que dans la plupart des pays démocratiques, mais lors du référendum de 1975 sur le maintien des liens avec la CEE, on a adopté des unités encore plus grandes afin quaucun député ne soit gêné par un écart évident entre ses propres opinions et celles de ses électeurs. Au départ, on se proposait de faire le décompter de tous les votes à Londres et dannoncer seulement le résultat du vote à léchelle nationale, surtout parce quon craignait que des résultats différents en Écosse, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord ne créent des difficultés politiques graves. Cette idée a été abandonnée par la suite tant pour des raisons administratives que politiques et les votes ont été comptés par comté plutôt que par circonscription. Le gouvernement du Québec sest rendu compte du problème lorsquil a rédigé son propre projet de loi sur le référendum :
Parfois, le problème en ce qui a trait à une division géographique ou sociale nest pas la façon dont les bulletins de vote sont comptés, mais un refus de la minorité de participer au scrutin. Par exemple, dans le référendum sur les « frontières » de 1973, la population de lIrlande du Nord devait indiquer si elle voulait ou non que sa région continue à faire partie du Royaume-Uni; 98 p. 100 des électeurs ont répondu oui à la question posée. Les résultats du référendum ont cependant été analysés de diverses façons car il était évident que de nombreux catholiques avaient refusé de prendre part au vote. (1) Pour obtenir la liste des référendums nationaux, voir « Appendix A National Referendums », dans David Butler et Austin Ranney, Referendums : A Comparative Study of Practice and Theory, Washington, American Enterprise Institute for Public Policy Research, 1978, p. 227-237. (2) Les modalités pertinentes à la tenue dun référendum dans certains pays sont décrites dans louvrage Parlement, 1986. Seuls, les aspects pertinents sont abordés dans le présent document. (3) On trouvera une liste des référendums et plébiscites tenus au Canada dans louvrage de J. Patrick Boyer intitulé Lawmaking by the People : Referendums and Plebiscites in Canada, Toronto, Butterworths, 1982, p. 39-41. (4) Thomas Foley, in « Reflections on Referendums », The Referendum Device, conférence parrainée par lAmerican Institute for Public Policy Research et la Hansard Society for Parliamentary Governments, Washington, 1981, Austin Ranney (éd.), 1982, p. 10 (traduction). (5) David Butler, « The World Experience », The Referendum Device (1981), p. 75 (traduction) (6) Ronald Butt, in « Reflections on Referendums », (1981), p. 12 (traduction). (7) Robin Day, in « Reflections on Referendums », (1981), p. 9 (traduction). (8) Thomas Foley, in « Reflections on Referendums » (1981), P. 10-11 (traduction). (9) David Butler, « United Kingdom », in Referendums (1978), p. 218. (10) Les mauvais calculs responsables des défaites référendaires subies en France en 1969 et en Norvège en 1972 ont mis un terme au règne des hommes qui avaient proposé les référendums. Au Danemark, en 1969, la proposition qui avait été rejetée a par la suite été adoptée après avoir été mise de lavant de façon plus habile lors dun référendum en 1971. Le gouvernement de la Suède qui a essuyé la défaite en 1955 avait agi de son propre chef, défiant ainsi une décision prise par voie de référendum. (Butler, « The World Experience » (1981), p. 74 (nbp 2)). (11) Butler et Ranney in Referendums (1978), p. 8. (12) Anthony King, in Reflections on Referendums (1981), p. 14 (traduction). (13) Globe and Mail (Toronto), 7 septembre 1983, p. 11 (traduction). (14) Ibid., 26 juin 1986, p. A14 (traduction). (15) Day, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 9 (traduction). (16) Boyer (1982), p. 60 (traduction). (17) Philip Goodland, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 2 (traduction). (18) Vincent Wright, « France », in Referendums (1978), p. 150 (traduction). (19) Bureau de linformation sur lunité canadienne, Ottawa, Pour mieux comprendre les référendums : six cas historiques, 1979, p. 27 (20) Ibid, p. 33. (21) Sten Sparre Nilson, « Scandinavia » in Referendums (1978), p. 186 (traduction). (22) Michael Steed, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 8 (traduction). (23) LOntario, le Québec, deux provinces de lAtlantique comptant au moins 50 p. 100 de la population de cette région et deux des provinces de lOuest comptant au moins 50 p. 100 de la population de lOuest. (24) René Lévesque, La passion du Québec, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1978, p.146 et p. 155-156. (25) Wright (1978), p. 153-154 (traduction). (26) Don Butler, « Trudeau Urges Referendum Right in Constitution », Ottawa Citizen, 12 septembre 1980 (traduction). (27) Québec, La consultation populaire au Québec, 1977, p. 9. (28) Pour mieux comprendre les référendums, (1978), p. 11. (29) Ibid., p. 31. (30) Nilson (1978), p. 171-172 (traduction). (31) Ibid., p. 172 (traduction). (32) Wright (1978), p. 155 (traduction). (33) Don Aitkin, « Australia », Referendums (1978), p. 131 (traduction). (34) Pour mieux comprendre les référendums (1978), p. 38. (35) Don Aitkin (1978), p. 131 (traduction). (36) David Butler, « Discussion », Referendum Device (1981), p. 102 (traduction). (37) Patrick Boyer (1982), p. 12; Butler et Ranney (1978), p. 4. (38) Directeur général des élections du Québec, Québec, 1980, p. 6. (39) Ministre dÉtat aux Relations fédérales-provinciales, Exposé du projet de loi sur le référendum du Canada, 1978, p. 5. (40) Matthew Grafield, « Referendums and Plebiscites in Canada : Letting the People Choose, » Hearsay, vol. 14, nos 29-31 (1989), p. 29 (traduction). (41) Edward McWhinney, Constitution-making, Toronto, University of Toronto Press, 1981, p. 39 (traduction) (42) Jurg Steiner, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 6 (traduction). (43) Jean-François Aubert, « Switzerland, » Referendums (1978), p. 45. (44) Ibid., p. 66 (traduction). (45) La Consultation populaire au Québec (1977), p. 7. Les problèmes que pose la tenue dun référendum exécutoire en vertu de la Constitution actuelle sont analysés plus en détail dans un document rédigé par Jacques Rousseau et intitulé « Notes on Changes to the Constitution and Legislation that Would Need to be Enacted to Allow a Referendum, » Bibliothèque du Parlement (1986). (46) Vernon Bogdenor, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 6 (traduction). (47) Wright (1978), p. 156 (traduction). (48) Nevil Johnson, « Types of Referendums, » The Referendum Device (1981), p. 21 (traduction). (49) Gregory Mahler, New Dimensions of Canadian Federalism : Canada in a Comparative Perspective, London et Toronto, Associated University Presses, 1987, p. 73 (traduction). (50) Vernon Bogdanor, « Referendums and Separatism II, » The Referendum Device (1981), p. 118-119 (traduction). (51) Philip Goodhart, « Referendums and Separatism II, » The Referendum Device (1981), p. 143 (traduction). (52) Philip Goodhart, « Referendums and Separatism I, » The Referendum Device (1981), p. 139 (traduction) (53) Tom Dalyell, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 17 (traduction). (54) Bogdanor (1981), p. 158 (traduction). (55) Bulter et Ranney (1978), p. 18 (traduction). (56) The Referendum Device (1981), Annexe, p. 182 (traduction). (57) Québec, La consultation populaire au Québec, (1977), p. 6. (58) The Referendum Device (1981), Annexe, p. 183 (traduction). (59) Austin Ranney, « Regulating the Referendum, » The Referendum Device (1981), p. 92. (60) Butler, « The World Experience » (1981), p. 75-76 (traduction). (61) La consultation populaire au Québec (1977), p. 9. (62) Aitkin (1978), p. 131-132 (traduction). (63) « Attendez que je me rappelle » (1979), Québec/Amérique, Montréal, 1986, p. 414. (64) Pour mieux comprendre les référendums, (1978), p. 12. (65) Butler, « Discussion, » The Referendum Device (1981), p. 82 (traduction). (66) La consultation populaire au Québec (1977), p. 19. |