BP-271F

 

RÉFÉRENDUMS :
L'EXPÉRIENCE CANADIENNE DANS
UN CONTEXTE INTERNATIONAL

 

Rédaction :
Mollie Dunsmuir
Division du droit et du gouvernement
Janvier 1992


 

TABLE DES MATIÈRES

APERÇU

CONTEXTE

   A. Lois autorisant les référendums
      1. Loi constitutionnelle
      2. Loi référendaire
      3. Loi référendaire portant sur une question précise

   B. Présentation du référendum
      1. Exécutif
      2. Assemblée législative ou parti politique
      3. Population ou administration régionale

   C. Formulation de la question

   D. Conséquences d’un référendum
      1. Référendums et plébiscites
      2. Référendums exécutoires
      3. Référendums abrogatifs
      4. Plébiscites ou référendums consultatifs

   E. Mesures faisant l’objet d’un référendum
      1. Modifications constitutionnelles
      2. Revendications territoriales ou souveraineté
      3. Questions morales ou politiques
      4. Projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada (1978)

   F. Réglementation du processus référendaire
      1. Groupement des intérêts
      2. Financement et accès aux médias

   G. Décompte des suffrages


 

RÉFÉRENDUMS :
L’EXPÉRIENCE CANADIENNE DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL

 

APERÇU

Les référendums existent depuis longtemps et sous des formes diverses. Dans les démocraties modernes des pays occidentaux, certains cantons suisses ont recours au référendum depuis le seizième siècle alors que divers États américains utilisent ce m ode de consultation depuis le dix-huitième siècle. La Suisse est le seul pays à avoir tenu de nombreux référendums à l’échelle nationale; à ce titre, elle compte plus de la moitié des référendums ayant eu lieu dans les pays démocratiques. En fait, on ne tient souvent pas compte des référendums suisses dans les statistiques parce qu’ils faussent les résultats. L’ampleur des référendums est à la fois plus et moins étendue qu’on ne le croit souvent. Presque tous les pays démocratiques de l’Occident, les États-Unis étant l’exception la plus remarquable, ont tenu un référendum national au moins une fois; cependant, en 1978, seulement quatre pays en avaient tenu dix ou plus : la France en comptait 20, le Danemark 14, l’Australie 39 et la Suisse, 297 depuis 1848, année où elle devint une fédération(1).

La terminologie et la méthodologie utilisées pour les référendums sont variées. Par exemple, il n’existe aucune nomenclature définitive des divers types de référendums. Dans la deuxième partie du présent document (Contexte), nous abordons donc les divers aspects d’un référendum (les responsables de la tenue d’un référendum, les répercussions et le but des référendums, etc.) et nous donnons des exemples de la façon dont les divers pays abordent ces questions(2).

Les référendums ou les plébiscites peuvent porter sur une foule de questions et avoir des répercussions tout à fait différentes. Au Canada, le référendum a été utilisé surtout à l’échelon provincial ou municipal pour régler des questions d’ordre juridique comme l’interdiction de la vente de boissons alcooliques ou l’heure avancée(3). Dans le présent document, nous n’abordons toutefois pas la question des référendums tenus à l’échelle des provinces, des municipalités ou des États, mais seulement celle des référendums nationaux. La seule exception que nous faisons à cette règle est celle du référendum tenu au Québec en 1980 qui, bien qu’étant en principe un plébiscite provincial, était modelé sur des référendums tenus à l’échelle nationale ailleurs dans le monde.

Dans tout le document, il est question des deux référendums nationaux tenus au Canada, soit celui sur la prohibition en 1898 et celui sur la conscription en 1942. Il est également question des référendums sur l’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération en 1948, ainsi que des divers critères proposés pour la tenue de référendums de 1978 à 1980, que l’on trouve dans la Loi sur la consultation populaire du Québec, adoptée pour le référendum du 1980 sur la souveraineté-association, dans le projet de résolution concernant la Constitution du Canada déposé en 1980, ainsi que dans le projet de loi C-9 de 1978, Projet de loi sur le référendum au Canada.

Enfin, il convient de souligner que l’expérience des pays à composante unique en matière de référendum risque d’être très peu pertinente pour une fédération comme le Canada. Bien que beaucoup d’États américains, plus particulièrement la Californie, aient tenu de nombreux référendums, jamais un référendum n’a eu lieu à l’échelle nationale aux États-Unis :

À l’échelle nationale, [les référendums] sont inconstitutionnels en politique américaine. Le Congrès ne peut prendre de décision par voie référendaire; il ne fait aucun doute que les tribunaux interdiront au Congrès de soumettre à la population une question de politique nationale qui serait exécutoire et ce, par voie de référendum. Deuxièmement, une telle façon de procéder est en soi incompatible avec le système fédéral, tout le système politique américain repose sur un équilibre délicat entre la configuration démographique et géographique du pays; c’est donc un système intrinsèquement non représentatif à maints égards(4).

L’aspect géographique ou le caractère fédéral du système canadien ont revêtu une très grande importance lors des deux référendums nationaux qui ont été tenus au pays. Lors du référendum sur la prohibition en 1898, seulement 44 p. 100 de la population s’était déplacée pour aller voter et pour approuver la prohibition dans une proportion de 51 contre 49 p. 100. Au Québec, cependant, la population avait nettement rejeté la proposition, 122 614 personnes s’étant prononcées contre et 25 582 pour. Les événements ont montré par la suite que le gouvernement fédéral n’a, semble-t-il, tenu aucun compte des résultats du référendum, préférant laisser aux provinces la responsabilité de prendre la décision. Néanmoins, une telle attitude fait ressortir l’injustice qui peut se produire si les résultats d’un référendum approuvé par moins du quart des électeurs admissibles sont imposés à une province qui rejette la question dans une proportion de 5 contre 1, ou presque.

En 1942, le problème s’est posé en termes encore plus crus. Soixante-quatre pour cent des électeurs canadiens ont permis au gouvernement de Mackenzie King de se libérer de sa promesse de ne pas recourir à la conscription pour l’envoi de soldats à l’étranger. Cependant, 72 p. 100 des Québécois avaient dit « non » à la question posée. Comme nombre d’entre eux estimaient que cette promesse leur avait été faite à eux en particulier, plutôt qu’à l’ensemble des Canadiens, les résultats du référendum sont venus exacerber le caractère de discorde qu’avait semée la question de la conscription plutôt que d’en atténuer les effets.

Exception faite des questions de compétence et d’équité géographique, la dynamique d’un référendum dans une fédération n’est pas toujours évidente :

En Australie, la constitution fédérale pose des problèmes de compétence et ses référendums ont porté tout autant sur la réglementation des lignes aériennes que sur la mise hors la loi du Parti communiste. Presque tous les référendums ont porté sur l’accroissement des pouvoirs fédéraux et 78 p. 100 des propositions ont été rejetées, en grande partie parce qu’on a su fouetter la loyauté des électeurs des provinces(5).

Les motifs invoqués en faveur de la tenue d’un référendum sont très nombreux et dépendent en grande partie du type de référendum proposé. Le plus souvent, on veut apporter une modification à la constitution qui, de l’avis de bien des gens, doit être légitimée par la population. Dans d’autres cas, surtout quand il est question de compétence territoriale, de souveraineté ou de structure gouvernementale, le gouvernement peut décider qu’il a besoin de l’appui de la population pour conférer à son projet la légitimité nécessaire. Et pour ce qui est des grandes questions d’ordre moral comme la prohibition, le divorce ou l’avortement, le gouvernement peut vouloir faire assumer ses responsabilités par l’électorat. Enfin, on peut recouvrir au référendum pour régler un problème politique, entre autres une question qui crée une division au sein d’un parti politique (le référendum du Royaume-Uni sur le maintien des liens avec la CEE en 1975), ou lorsque le gouvernement doit régler un difficile dilemme politique (le référendum sur la conscription tenu au Canada en 1942 ou les référendums tenus en Écosse et au Pays de Galles en 1979 sur la délégation de pouvoirs).

D’un point de vue plus théorique, les tenants du processus référendaire soutiennent que les amendements constitutionnels majeurs doivent absolument être approuvés par la population, que les référendums assurent à celle-ci un meilleur contrôle des pouvoirs publics et que l’évolution du processus démocratique est telle qu’un gouvernement ne peut plus miser sur la seule majorité du Parlement lorsque des questions majeures sont en cause.

Quant aux plus ardents défenseurs de la démocratie directe, ils vont encore plus loin et soutiennent qu’un recours plus fréquent au référendum permettrait d’aborder toutes les questions, et non seulement celles qui revêtent un intérêt pour le parti au pouvoir. En outre, on prétend que la population serait davantage informée des décisions du gouvernement, ce qui assurerait, espère-t-on, un plus haut niveau de responsabilité et d’intérêt, que les décisions d’ordre public seraient prises par la population, que la majorité aurait l’occasion d’exprimer adéquatement sa volonté et que l’apathie et l’aliénation des électeurs seraient prévenues. Enfin, on soutient que les intérêts à long terme des générations futures seraient mieux défendus par les électeurs que par les politiciens qui songent aux prochaines élections, et que les citoyens auraient la chance de maximiser leur propre potentiel en participant davantage au processus démocratique.

Par contre, il est également prouvé que le référendum peut freiner aussi souvent le changement qu’il peut le faciliter. Certains ont laissé entendre que « le référendum comporte un danger énorme car, utilisé comme il est censé l’être en Grande-Bretagne, il confère un pouvoir énorme à la majorité parlementaire de l’heure, pouvoir que cette majorité peut exploiter et utiliser à mauvais escient »(6).

Les adversaires du référendum formulent à son égard d’autres critiques importantes; selon eux, le référendum :

  • mine la représentativité démocratique,
  • sème la discorde, et
  • peut annihiler les droits des minorités.

Chacun de ces arguments peut s’avérer exact dans certains cas, et inexact dans d’autres. Dans une démocratie représentative, par exemple, les membres d’une assemblée législative sont élus par la population pour utiliser leur jugement au nom des électeurs. Le jugement et la conscience de ces membres sont essentiels. Dans une démocratie directe comme celle de la Suisse, c’est le jugement de la population qui passes avant toute chose. Il ne fait aucun doute qu’un référendum exécutoire ou un référendum exigé par la population entrave la démocratie représentative; ces types de référendums sont toutefois tout à fait conformes à la démocratie directe. Cependant, un plébiscite non exécutoire, que réclame le gouvernement pour faire approuver une mesure ou un projet de loi spécifique, peut être un outil précieux même au sein d’une démocratie représentative.

Un auteur britannique décrit en ces termes ce genre de plébiscite :

Certes notre constitution se résume en sept mots : Au Parlement, la Reine est l’autorité suprême. Ceux qui croient en ce genre de constitution et qui ne veulent pas d’un document écrit doivent reconnaître qu’une telle façon de voire les choses n’est aucunement incompatible avec les référendums. Si, dans sa sagesse suprême, le Parlement décide qu’un référendum est un outil de travail, le référendum est alors tout à fait constitutionnel(7).

Même quand il s’agit de plébiscites ou de référendums consultatifs, les choses ne sont pas toujours simples. D’une part, le plébiscite peut renforcer la démocratie représentative en conférant une légitimité supplémentaire à une mesure gouvernementale controversée. D’autre part, ce type de consultation, s’il est trop souvent utilisé, risque encore de donner aux représentants élus de la population un prétexte pour éviter d’exercer leur conscience et leur jugement. Comme le disait un politicien de l’Ouest américain :

Je viens d’un État où les référendums et les initiatives sont fréquents; ils ont cependant le grand défaut d’affaiblir la volonté du législateur de régler les problèmes difficiles. Il est tellement facile de laisser la population prendre les décisions en ce qui concerne l’avortement, l’immigration, les impôts, que le législateur dit alors vouloir en laisser le soin au jugement sacré et souverain de cette population(8).

Quant à savoir si le référendum ou le plébiscite mine ou renforce la démocratie représentative, cela dépend souvent du but et de la forme du mode de consultation. Parfois, le résultat risque d’amener le législateur à voter contre sa conscience, comme ce fut le cas lorsque la possibilité de soumettre la question de la peine capitale à un référendum fut soulevée en Grande-Bretagne. Un membre influent du Parti conservateur écrivait ce qui suit dans The Times de Londres en 1978 :

Un tel référendum ferait parfaitement ressortir tous les graves problèmes du pouvoir des Parlements et de la position des députés. […] Il ne fait aucun doute que la population approuvera majoritairement le rétablissement de la peine capitale. […] Le seul but d’un référendum serait d’exercer des pressions sur les députés afin qu’ils votent pour une proposition qu’ils rejetteraient en d’autres circonstances. […] Je ne crois pas que les députés voteraient contre leur conscience, mais il serait bien mal venu de les amener à le faire(9).

En fait, les observateurs ne peuvent même pas s’entendre sur la question de savoir si le référendum est en soi un mécanisme de conservation ou une force de changement. Il peut constituer une tactique dilatoire ou un moyen d’information, lorsqu’on se rend compte qu’une minorité bien présente ou extrémiste a exercé une influence sur la loi, comme ce fut le cas lors du référendum sur la délégation des pouvoirs à l’Écosse. À l’exception des pays dont la constitution exige le recours au référendum, c’est habituellement au gouvernement qu’appartient le droit de convoquer un référendum, ce qui en fait un outil très puissant pour la majorité parlementaire.

Dans l’ensemble, les mesures parrainées par le gouvernement sont rarement défaites, sauf en Australie et en Suisse. En outre, certaines de ces défaits sont attribuables à de mauvais calculs politiques ou ont été par la suite oubliées(10). L’Australie est le seul pays où les référendums proposés par le gouvernement ont été plus souvent défaits qu’autrement(11).

Par contre, lors du premier référendum tenu au XXe siècle, la population de la Norvège a décidé à 99,9 p. 100 de se séparer de la Suède, pays dont elle faisait partie depuis deux ou trois siècles. Ce qui amène les observateurs à dire que « la notion voulant que les référendums constituent des obstacles au changement est tout simplement en contradiction flagrante avec la réalité »(12).

Quant à savoir si un plébiscite est source de division o u non, cela dépend également de la question en jeu et des circonstances. D’une part, le fait de ramener des sujets complexes à une simple question nécessitant un oui ou un non amoindrit les possibilités d’en arriver à un consensus. En outre, contrairement à ce qui est le cas pour une loi, il est habituellement impossible de ne pas tenir compte des résultats d’un référendum, même si l’on est assuré qu’il aura pour effet de diviser les parties et de créer de l’insatisfaction.

Les référendums tenus en Irlande en 1983 (visant à inclure dans la constitution l’interdiction de pratiquer l’avortement) et en 1986 (afin de permettre le divorce cinq après la rupture du mariage) sont deux exemples pertinents à cet égard. Le référendum de 1983 est attribuable à une erreur de jugement politique de la part du premier ministre Garret Fitzgerald, à laquelle sont venues se greffer d’énormes pressions exercées par le mouvement pro-vie. Les opposants au référendum estimaient qu’il n’était pas justifié puisque l’avortement était déjà interdit en Irlande, sauf lorsque la vie de la mère est en danger, qu’il était sectaire parce que les minorités juives et protestantes s’y opposaient et potentiellement dangereux, sur le plan médical, en ce sens que la modification proposée risquait de mettre la vie de la mère en péril.

La modification fut adoptée par une majorité de deux contre un alors que seulement la moitié de la population avait exercé son droit de vote. En général, on a estimé que le taux élevé d’abstention était attribuable à la discorde que vint semer le référendum. Le vice-premier ministre décrivit la situation en ces termes :

Jamais dans notre histoire avons-nous connu campagne référendaire aussi amère et déchirante que celle-ci. […] Les voisins se sont dressés les uns contre les autres. Des membres bien en vu des professions libérales se sont amèrement déchirés en public. Les groupes confessionnels ne pouvaient pas être plus divisés. Des membres d’un même parti politique se sont attaqués personnellement(13).

Le premier ministre a lui-même fait ne déclaration la veille du référendum pour s’excuser d’avoir contribué à la rancoeur et à la division causées par la campagne et a reconnu sa part de responsabilité dans la tenue du référendum.

En 1986, le premier ministre Fitzgerald décida de ternir un autre référendum constitutionnel afin de permettre les divorces civils, confiant que le vote libéral des citadins, allié à celui des jeunes, l’emporterait. Il a perdu le pari dans une proportion de 60-40, « les citadins dressés contre les ruraux, les jeunes contre les vieux et l’État contre l’Église »(14). Dans les deux cas, les campagnes référendaires remplies de rancoeur et d’émotivité ont eu des répercussions outre-frontières et ont influé sur les relations du pays avec l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.

Par contre, il semble que les déchirements soient tout autant attribuables aux circonstances immédiates et aux aspects politiques qu’au processus référendaire même. En Italie, 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux peuvent réclamer la tenue d’un référendum; c’est ainsi qu’en mai 1974, une loi sur la libéralisation du divorce fut adoptée sans conséquences désastreuses.

En 1978, l’Italie a adopté une loi permettant l’avortement au cours des trois premiers mois de la grossesse. Par la suite, la population a réclamé deux référendums. Le premier (dit le référendum des catholiques) visait à restreindre les motifs permettant d’obtenir un avortement; le second (dit le référendum des radicaux) aurait permis l’avortement à n’importe quel moment durant la grossesse. Les électeurs ont rejeté les deux propositions, celle des radicaux par une majorité de 80 p. 100, celle des catholiques par un majorité de 70 p. 100, situation d’autant plus remarquable que la tentative d’assassinat du Pape s’était produite vers la fin de la campagne et que les esprits étaient très échauffés.

En Irlande, les référendums sur l’avortement et le divorce ont été source de déchirements et se sont traduits par des lois qui étaient plus rigides que celles qu’avait souhaitées le gouvernement. En Italie, les référendums sur les mêmes questions ont donné davantage de légitimité à des lois qui avaient considérablement libéralisé les moeurs. On comprend difficilement pourquoi les deux pays ont vécu des expériences tellement différentes, mais la comparaison permet de voir qu’il est dangereux de trop généraliser au sujet de la nature et des répercussions des référendums.

Le désavantage le plus flagrant des référendums est peut-être le recours possible à la tyrannie par la majorité. Grâce au référendum, la Suisse a refusé le droit de vote aux femmes pendant beaucoup plus longtemps que les autres pays de l’Europe de l’Ouest et a donné toute son importance à la question de l’expulsion forcée des immigrants. Le législateur, habitué qu’il est de voir immédiatement le résultat des mesures qui sont mises au voix, a souvent tendance à être plus tolérant que le public qui lui, a moins de difficulté à abroger les droits d’une minorité à laquelle il ne s’identifie pas. Un observateur britannique fait remarquer ce qui suit :

Personne ne doute que si l’on tenait un référendum sur la peine capitale, on recueillerait une majorité de 85 p. 100 en faveur de la question; on obtiendrait probablement la même majorité en faveur de l’expulsion des immigrants, de l’abolition de l’atelier fermé et de toutes sortes de choses aussi lourdes de conséquences pour les syndicats(15).

On pourrait soutenir que la Loi de 1942 sur le plébiscite fédéral est un bon exemple de ces dangers. M. Mackenzie King avait promis durant la campagne électorale de 1940 qu’il n’y aurait pas de conscription pour le service outre-mer. Aux prises par la suite avec une grave pénurie de soldats, le gouvernement a tenu un référendum pour demander à la population de le délivrer de sa promesse électorale.

Les opposants [à la conscription] ont soutenu que durant la campagne électorale de 1940, les promesses contre la conscription avaient été faites du Québec, et non à tout le Canada; il s’agissait là d’un argument assez solide. Après les élections, le gouvernement a demandé à tous les Canadiens de le libérer de la promesse qu’il avait faite au Québec(16).

Même en ce qui concerne les intérêts des groupes minoritaires, la question comporte un autre volet. Parfois, une minorité consiste en un groupe de pression politique actif que tente de faire adopter des lois qui n’ont pas l’appui de la majorité passive. On a laissé entendre, par exemple, que le référendum écossais sur la délégation des pouvoirs avait désamorcé une crise politique, les responsables s’appropriant l’initiative d’un élément radical pour la soumettre à la population. Selon un observateur britannique :

Le référendum est un outil constitutionnel précieux; notre pays, qui n’a pas de constitution écrite, en a besoin. C’est une arme à retardement qui redonne à la majorité le droit de faire entendre sa voix lorsque des groupes minoritaires actifs et bien organisés, peuvent souvent faire pencher l’équilibre des forces de façon irrémédiable(17).

Tout compte fait, les motifs et les résultats d’un référendum semblent être davantage liés à la question, aux événements, aux personnalités et aux aspects politiques qui l’entourent qu’à une « théorie » globale sur le sujet. Les référendums qu’a tenus le général De Gaulle durant la Ve République en sont un bon exemple :

Les référendums qui ont lieu sous la Ve République peuvent se résumer par une allitération peu élégante et artificielle : il s’agissait d’un instrument de consultation, de consensus, de consentement, de consécration, de confirmation, de crise, de confrontation et de confusion. Ils avaient soi-disant pour but de consulter la population sur les grandes décisions, de trouver un consensus national sur ces décisions et d’obtenir le consentement de la population pour les appliquer, pour consacrer officiellement le nouveau régime, pour confirmer le mandat donné au président par le peuple, pour redresser les « travers » du système politique attribuables aux intérêts démesurés d’un groupe particulier, pour résoudre les crises de l’Algérie et de l’État, pour provoquer une confrontation avec le Parlement, les partis politiques et les notables traditionnels et pour semer la confusion au sein de l’opposition. Les référendums se voulaient à la fois constructifs et destructeurs, créatifs et nihilistes, unificateurs et iconoclastes; ils étaient utilisés peu fréquemment mais avaient des répercussions marquantes. Mais avant tout, le référendum devait être une arme puissante dont le président pouvait se servir chaque fois qu’à son avis, les circonstances l’exigeaient(18).

Même lorsque l’on tient des référendums sur des questions, à des moments et dans des pays semblables, les résultats peuvent être différents et imprévisibles. Par exemple, on compare souvent, dans les ouvrages pertinents, les référendums tenus en Norvège et au Danemark sur l’adhésion de ces pays au Marché commun en 1972. En général, la constitution norvégienne ne prévoit pas de recours au référendum, mais il fut convenu qu’on en tiendrait un sur la question du Marché commun. Au bout du compte, 78 p. 100 de la population a participé au référendum; 53 p. 100 ont dit non à l’adhésion au Marché commun, tandis que 47 p. 100 ont dit oui.

Le référendum tenu en Norvège devait avoir un caractère consultatif et être approuvé par une majorité des trois quarts des membres du Parlement pour être valable. Avant la tenue du référendum, environ les deux tiers des membres du Parlement étaient en faveur de l’adhésion au Marché commun, mais les observateurs étaient d’avis que si la population avait donné son aval au référendum, la majorité nécessaire au Parlement aurait été obtenue. En outre, si le référendum n’avait pas eu lieu, beaucoup s’attendaient à ce que, en bout de ligne, le gouvernement obtienne la majorité nécessaire des trois quarts des membres de Parlement.

Le système politique en a subi un dur coup, car les groupes de pression extra-parlementaires y ont gagné une nouvelle importance. Par ailleurs, l’autorité et la liberté des chefs de partis politiques en on été réduites et, depuis le référendum, ces même partis sont devenus hésitants à prendre des décisions par crainte des réactions du public. De plus, l’aliénation entre les partis politiques et le public s’est beaucoup accentuée(19).

Les 24 et 25 septembre 1972, les Norvégiens, consultés par voie référendaire, ont refusé d’adhérer à la CEE; le 2 octobre de la même année, les Danois ont accepté de devenir membres de cette organisation. Les référendums sont plus fréquents au Danemark parce que la constitution contient une disposition à cet effet. Tout projet de loi soumis au processus référendaire est réputé être rejeté si une majorité d’électeurs, c’est-à-dire au moins 30 p. 100 des électeurs admissibles, sont contre la mesure proposée. Au Danemark, 90 p. 100 de la population a participé au scrutin référendaire et l’adhésion à la CEE a été approuvée par une majorité de 63 p. 100.

Il est difficile d’expliquer cette différence entre deux pays si rapprochés l’un de l’autre. Le motif le plus souvent invoqué est l’attitude divergente des agriculteurs et des pêcheurs de chacun des pays. En Norvège, où les deux groupes représentent environ 12 p. 100 de la population active, les coopératives de producteurs étaient extrêmement puissantes et les prix à la production dans ce pays étaient de 20 à 30 p. 100 supérieurs à ceux des pays membres de la CEE. Par contre, les agriculteurs danois (10 p. 100 de la population active), avaient confiance en leur pouvoir concurrentiel et prévoyaient tirer certains avantages de la CEE. De même, les pêcheurs danois, qui sont plutôt des pêcheurs hauturiers que des pêcheurs côtiers, avaient, plus que leurs homologues norvégiens, confiance que l’accès à la Communauté européenne leur garantirait des marchés.

Peu importe les raisons qui expliquent les différences dans le vote des électeurs et les hypothèses que l’on ébauche sur les conséquences d’un vote différent, les résultats post-référendaires ont été les mêmes. « Lors de l’élection de 1972, qui a suivi de près le référendum, le système des partis établis éclata dans les deux pays »(20). En fait, on a signalé que « même si l’establishment danois a gagné le référendum de 1972, l’année suivante, la rébellion des électeurs a été encore plus forte et plus marquée que celle qu’on a connue en Norvège »(21).

En général, on recourt au référendum pour consulter la population ou pour légitimer une façon d’agir qui dépasse les affaires courantes d’un gouvernement, particulièrement dans les domaines constitutionnel ou territorial. En outre, le référendum est utilisé pour régler un problème moral ou politique qui, pou une raison ou une autre, ne se prête pas à la politique de parti habituelle. Son efficacité semble plus grande quand il est employé avec modération et réservé à de grandes questions :

[Le référendum du Royaume-Uni sur l’adhésion au Marché commun] fut l’une des rares questions à diviser la population de façon tellement marquée qu’il fait se demander s’il a plus de légitimité qu’un simple vote à la Chambre des communes. Pour régler le problème, pour adhérer au Marché commun, il faut trouver un moyen de légitimer les choses. Par conséquent, je propose, de façon pragmatique, le recours au référendum à l’occasion sur d’importantes questions constitutionnelles où l’on peut garantir un niveau d’intérêt raisonnablement élevé parmi la population et où, de par la nature du système de parti, du système électoral ou d’un jumelage des deux, le choix entre les partis ne peut permettre de régler facilement la question(22).

CONTEXTE

   A. Lois autorisant les référendums

      1. Loi constitutionnelle

C’est parfois dans la constitution d’un pays que l’on trouve le pouvoir ou l’obligation de tenir un référendum. En Australie, toute modification constitutionnelle doit être approuvée par une majorité absolue des membres des deux chambres du Parlement et ensuite par référendum. Dans le référendum, la modification doit être approuvée par une majorité des électeurs à l’échelle du pays et par une majorité des électeurs dans une majorité d’États (soit quatre sur six).

En France, les modifications constitutionnelles doivent d’abord être approuvées par le Parlement, et ensuite soit par voie référendaire, soit par les trois cinquièmes des membres des deux chambres réunies. En outre, le président, à la demande du gouvernement, peut tenir un référendum sur tout projet de loi concernant l’organisation du gouvernement ou un traité modifiant les institutions gouvernementales.

La constitution irlandaise prévoit que tout projet de loi modifiant la constitution doit, après avoit été adopté par les deux chambres du Parlement, être approuvé par une majorité d’électeurs au cours d’un référendum.

En Italie, la constitution renferme plusieurs dispositions concernant les référendums, mais la seule qui a été souvent utilisée est l’article 75 qui prévoit qu’un référendum visant à abroger une loi, sauf une loi portant sur des mesures financières, des traités ou des mesures d’amnistie, doit être convoqué à la demande de 500 000 électeurs ou de cinq conseils régionaux. La majorité simple suffit pour faire abroger la loi.

La constitution danoise permet à un tiers des membres du Folketing de présenter une demande de référendum portant sur un projet de loi dans un délai de trois jours civils suivant son adoption. Elle renferme également des dispositions portant sur les référendums concernant les modifications à la constitution ou à l’âge donnant droit de vote. De plus, toute loi qui accorde des pouvoirs à une organisation internationale doit être approuvée soit par une majorité des cinq sixièmes du Folketing, soit par une majorité simple de ces membres et une majorité d’électeurs au cours d’un référendum. La loi danoise permet également au Folketing d’adopter une loi prévoyant la tenue d’un référendum non exécutoire sur toute question en bue de consulter la population.

La constitution espagnole permet un référendum sur des modifications constitutionnelles, si un dixième des membres de l’une ou de l’autre des chambres des Cortes Generales (Parlement) le réclame. En outre, le gouvernement peut tenir un référendum consultatif sur toute décision politique d’importance. L’Espagne a tenu un référendum en 1976 lorsque la province de l’Andalousie se disait insatisfaite du rythme de ses pourparlers avec le gouvernement central et, en 1986, pour savoir si le pays devait demeurer au sein de l’OTAN.

Quant à la constitution suisse, qui repose sur la notion de démocratie directe, elle autorise un recours très fréquent au processus référendaire. Toutes les modifications à la constitution fédérale doivent être approuvées par référendum. Des modifications constitutionnelles peuvent être présentées à la demande de 50 000 citoyens, mais il a toujours été difficile d’amener les électeurs à approuver une initiative populaire. Les modifications constitutionnelles, peu importe qui les réclame, doivent être approuvées par une majorité d’électeurs et par une majorité de cantons (soit huit d’entre eux). On peut également tenir un référendum sur une loi courante lorsque 30 000 citoyens ou huit gouvernements cantonaux exigent qu’une loi soit assujettie au processus référendaire dans les 90 jours suivant sa publication. En pareil cas, il faut la majorité simple des électeurs pour que la loi soit abrogée.

Le projet de résolution relatif à la constitution canadienne, présenté par le gouvernement Trudeau en 1980, après l’échec des pourparlers entre le gouvernement fédéral et les provinces au mois de septembre de la même année, comprenait une disposition autorisant les modifications constitutionnelles par voie de référendum. La formule de modification prévoyait le recours au référendum comme solution de rechange aux résolutions adoptées par les assemblées législatives des provinces et aurait nécessité la majorité absolue des électeurs ainsi que la majorité dans chacune des provinces(23).

      2. Loi référendaire

Il est également possible de tenir un référendum en vertu d’une loi générale à cet effet. La Loi sur la consultation populaire, adoptée par le Québec en 1978, prévoyait la tenue d’un référendum sur toute question approuvée par l’Assemblée nationale ou sur tout projet de loi adopté par celle-ci. Quant au projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, déposé en 1978, il prévoyait la tenue d’un référendum sur toute question touchant la Constitution du Canada, entre autres les douanes, les conventions et les textes de loi, ainsi que les institutions ou les processus nationaux, politiques et judiciaires. Cependant, pour éviter que le référendum devienne un processus constitutionnel permanent, le projet de loi renfermait une clause de « révision » de cinq ans.

      3. Loi référendaire portant sur une question précise

Il est également possible de tenir un référendum en vertu d’une loi autorisant un seul référendum sur une question précise. Dans les pays dont la constitution ne renferme aucun pouvoir ni aucune exigence concernant le référendum, il semble que ce soit la méthode utilisée le plus souvent. Par exemple, c’est ainsi qu’on a procédé en Grande-Bretagne lors du référendum sur l’adhésion au Marché commun, tenu en 1975. Par la suite, lorsque le gouvernement travailliste de ce pays a conçu un plan visant à déléguer des pouvoirs aux assemblées d’Écosse et du Pays de Galles, il n’a pas réussi à faire adopter le projet de loi au Parlement à sa première tentative. Lorsqu’il en a présenté une version modifiée, le gouvernement a tenté d’apaiser les opposants en prévoyant que le projet de loi ne serait pas appliqué avant d’être approuvé par référendum en Écosse et au Pays de Galles.

Avant les années 70, le Canada avait adopté des lois précises visant à autoriser chacun de ses référendums, entre autres la Acte du plébiscite de prohibition de 1898 et la Loi de 1942 sur le plébiscite fédéral. Lorsqu’un référendum est autorisé aux termes d’une loi référendaire portant sur une question précise, le problème qui se pose toujours, c’est de savoir si le libellé de la question est inclus dans la loi ou si on laisse au pouvoir exécutif le soin de le déterminer. Dans les deux lois susmentionnées, le libellé exact de la question ainsi que la forme du bulletin de vote étaient précisés. Par exemple, l’article 8 de la Prohibition Plebiscite Act était ainsi libellé :

8. Les bulletins de vote qui serviront en vertu du présent acte seront dans la forme qui suit :

Êtes-vous en faveur de l’adoption d’un acte prohibant l’importation, la fabrication ou la vente des spiritueux, vins, aîle, bière, cidre et de toutes autres liqueurs alcooliques servant de boisson?

OUI
NON

La Newfoundland Referendum Act prévoyait à la fois la forme et l’ordonnancement des questions, ce qui risquait en soi d’être problématique. Comme trois choix étaient offerts (Commission, Confédération et gouvernement responsable tel qu’il existait en 1933), la loi prévoyait un deuxième référendum au cas où une majorité absolue d’électeurs ne retiendrait aucun des choix au premier tour de scrutin. La loi prévoyait également que l’option qui recueillerait le moins de voix au premier tour ne serait pas retenue au cours du deuxième référendum.

René Lévesque a fait allusion plus tard aux référendums tenus par Terre-Neuve; il estimait qu’ils constituaient un précédent pour les référendums multiples sur une même question :

Il a fallu préparer cette loi [la loi référendaire] en étudiant ce qui s’était fait dans d’autres pays, notamment au Canada avec les deux consultations populaires qui ont abouti à l’entrée de Terre-Neuve dans la Fédération, ou encore en Angleterre au moment de son acception du Marché commun, ou enfin dans les cantons suisses et en France. […]

J’exclus formellement un second référendum pendant le même mandat. D’ailleurs notre loi-cadre nous l’interdit. Pour le reste, on ne peut jamais savoir. […] Un précédent existe ici même au Canada. La province de Terre-Neuve a été la seule à être consultée démocratiquement pour son entrée dans la Fédération. […] Les habitants de Terre-Neuve furent donc consultés deux fois. […] Le président existe(24).

Cependant, les dispositions précises que contenait la Newfoundland Referendum Act et qui permettaient de ramener de trois à deux les choix possibles constituent un fondement douteux de l’autorisation de plébiscites multiples portant sur une question à laquelle il faut répondre par un oui ou un non.

   B. Présentation du référendum

      1. Exécutif

Dans la plupart des cas, c’est l’Exécutif qui présente le projet de référendum, avec ou sans l’approbation officielle de l’assemblée législative. Souvent, le projet de référendum est approuvé par l’assemblée législative, mais l’impact d’une telle approbation varie beaucoup selon la nature du gouvernement en cause.

L’article 11 de la Constitution française de la Ve République, par exemple, permet au président de convoquer un référendum sur tout projet de loi concernant l’organisation des pouvoirs publics « sur recommandation du gouvernement au cours de la session parlementaire. » Si le résultat du référendum est favorable, le président peut promulguer la loi. Toutefois, les modifications constitutionnelles doivent être adoptés par les deux chambres avant d’être soumises au référendum (article 89). Le général de Gaulle, qui se méfiait des partis et des représentants parlementaires, interprétait les dispositions sur les référendums de façon controversée et les utilisait pour passer outre au Parlement.

Le recours à tous les référendums tenus sous la Ve République est sans l’ombre d’un doute attribuable au président de la République. C’est le général de Gaulle qui, le 16 novembre 1960, annonçait la tenue du référendum sur l’autodétermination de l’Algérie en janvier 1961, alors que le « projet du gouvernement » fut présenté le 8 décembre. Le référendum d’octobre 1962 sur le suffrage direct à la présidence fut annoncé par le général dès le 29 août — trois semaines avant une tentative d’assassinat ratée contre lui — lorsqu’il avoua son intention de modifier la constitution « afin d’assurer la continuité de l’État. » Il fit connaître officiellement ses intentions au Conseil des ministres le 12 septembre et le « projet du gouvernement » fut présenté le 2 octobre(25).

Mis à part l’autoritarisme avec lequel le général de Gaulle proposa les référendums avant que le gouvernement ne présente les projets à cet effet, au moins deux référendums portaient sur des modifications constitutionnelles (1962 et 1969); on peut ajouter sans l’ombre d’un doute qu’ils n’auraient pas dû être proposés en vertu de l’article 11.

La Loi sur la consultation populaire du Québec prévoit que la question référendaire doit être soit proposée par le premier ministre, soit énoncée dans la loi. Dans le premier cas, un débat de privilège de 35 heures en vue de modifier le libellé de la question avant son approbation finale par l’Assemblée nationale est prévu. Dans le second cas, la question est adoptée comme n’importe quel autre article du projet de loi.

Aux termes du projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, la question devait être proposée par le gouverneur en conseil et approuvée par la Chambre des communes et le Sénat après un maximum de 40 heures de débat. Seul un membre du gouvernement aurait été habilité à déposer une motion autorisant la tenue d’un référendum. Le référendum aurait pu être tenu dans plusieurs provinces et aurait pu contenir plus d’une question dans la mesure où la réponse exigée aurait été un oui ou un non.

Conformément aux propositions de réforme constitutionnelle présentées par le gouvernement fédéral en 1980, on aurait pu tenir un référendum visant à modifier la Constitution lorsque l’Exécutif l’aurait demandé et que le référendum aurait été autorisé par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes.

      2. Assemblée législative ou parti politique

En Australie, aucune disposition précise ne prévoit que les modifications à la constitution doivent être présentées par le gouvernement; en outre, des motions exigeant des modifications constitutionnelles, voire des projets de loi en ce sens, ont été présentées par l’opposition ou de simples députés, bien que sans succès. Au Danemark, un tiers des membres du Folkering peut présenter une demande de référendum sur tout projet de loi dans les trois jours ouvrables suivant son adoption. En Espagne, un dixième des membres de l’une ou l’autre des chambres peut exiger la tenue d’un référendum sur des modifications constitutionnelles.

      3. Population ou administration régionale

Dans certains pays, un nombre donné de personnes ou des administrations régionales peuvent exiger la tenue d’un référendum; c’est ce que l’on appelle souvent « l’initiative populaire », surtout lorsque le référendum est exécutoire.

En Italie, par exemple, la tenue d’un référendum sur des modifications constitutionnelles peut être exigée par un cinquième des membres de l’une ou l’autre chambre, par 500 000 électeurs ou par cinq conseils régionaux. Ces deux derniers groupes peuvent exiger un référendum visant à abroger une loi courante, sauf une mesure financière ou un traité. Cette dernière approche, en vertu de laquelle il est possible d’abroger mais non de présenter un projet de loi est en général jugée avantageuse.

La constitution suisse permet l’initiative populaire lorsque 50 000 citoyens proposent la tenue d’un référendum. Comme c’est le cas pour les autres modifications constitutionnelles, une telle proposition doit être acceptée à la fois par une majorité des électeurs et une majorité des cantons.

Le projet de constitution canadienne de 1980 ne contenait aucune disposition prévoyant les initiatives populaires, mais il semble que le gouvernement Trudeau y ait songé :

La population canadienne devrait avoir le droit d’exiger une modification constitutionnelle par voie référendaire, a déclaré le premier ministre Trudeau [lors de la conférence fédérale-provinciale de septembre 1980]. […]

Ce dernier a précisé aux premiers ministres des provinces que la formule de modification devrait inclure « un certain mécanisme de recours à la population » au moyen d’un référendum afin de permettre aux électeurs d’avoir préséance sur le gouvernement fédéral ou sur tout gouvernement provincial qui s’opposerait à une modification à la constitution.

Bien que M. Trudeau n’ait pas précisé sa pensée, sa proposition est conforme à la stratégie précisée dans un document du Cabinet qui a été dévoilée à des délégations provinciales plus tôt cette semaine [la « note de service Kirby »].

On précise dans le document que M. Trudeau devrait songer à permettre aux citoyens « d’exiger la tenue de référendums » dans les cas où le Parlement ou des assemblées législatives voteraient contre une proposition de modification ou s’abstiendraient de prendre quelque mesure que ce soit en ce sens.

« Ainsi, il serait prouvé que la souveraineté appartient à la population, » comme le précisait le document de stratégie du Cabinet.

Le même document précise également que trois pour cent des électeurs au niveau national ou provincial pourraient exiger la tenue d’un référendum afin de procéder à un changement constitutionnel. Si un nombre suffisant de provinces tenait un tel référendum, la modification serait adoptée(26).

En 1977, le gouvernement du Québec s’est dit en principe favorable à l’initiative populaire; il estimait que la mise en oeuvre d’une telle initiative au Canada nécessiterait une étude beaucoup plus poussée :

Le gouvernement envisage favorablement que la consultation populaire s’étende progressivement pour englober l’initiative populaire. Par contre, il est clair qu’instaurer ce mécanisme immédiatement équivaudrait à ne pas tenir compte de plusieurs facteurs importants(27).

   C. Formulation de la question

Les référendums qu’a tenus la province de Terre-Neuve sur son entrée dans la Confédération en 1948 illustrent à quel point il peut être difficile de trouver la bonne question. Les Canadiens soutenaient que le libellé de la question avantageait le gouvernement de l’époque. Quant aux opposants à la Confédération, ils prétendaient qu’il était inconstitutionnel de même inclure la possibilité, il devait en être de même de l’union avec les États-Unis. Dans une lettre adressée aux autorités britanniques, « […] le Haut Commissaire se dit d’avis que la formulation de la question avait été ainsi arrêtée sur l’insistance du gouverneur de Terre-Neuve [et] émettait l’opinion que ces entretiens [avec le premier ministre britannique] n’avaient servi aux personnes concernées qu’à étager la thèse du gouverneur, même s’il devait en coûter de placer l’option Confédération dans une position très désavantageuse »(28).

Le Danemark offre deux exemples intéressants de la façon de régler le problème de la formulation de la question. Lors du référendum sur l’adhésion à la CEE tenu en 1972, on demandait simplement aux électeurs de dire JA (oui) ou NEJ (non); aucune question ne figurait sur le bulletin de vote, qui ne contenait que les mots JA et NEJ. Un formulaire joint au bulletin de vote renfermait les directives suivantes :

Le vote porte sur le projet de loi relatif à l’adhésion du Danemark à la Communauté européenne, adopté par le Folketing; celui qui est en faveur du projet de loi, l’indique par un X à côté du oui, celui qui est contre le projet de loi, l’indique par un X à côté du non(29).

Il faut dire toutefois que le Danemark était déjà habitué à une certaine approche imaginative en matière de questions référendaires. Avant 1953, il fallait, selon la constitution, l’approbation de 45 p. 100 de l’électorat (et non du nombre réel d’électeurs) pour qu’une modification constitutionnelle soit adoptée. Il était ainsi très difficile d’apporter des modifications à la constitution, compte tenu du fait que moins de 50 p. 100 de l’électorat ne s’est prévalu de son droit de vote au cours des premiers référendums.

Par exemple, d’éminents politiciens représentant les grands partis, qui, au total, avaient recueilli plus de 1,2 million de voix lors des élections tenues un mois auparavant, ont proposé avec vigueur une série de modifications à la constitution en mai 1939. Seulement 966 000 personnes se sont présentées aux bureaux de scrutin pour appuyer les modifications, cependant, et une majorité de 91,9 p. 100 d’électeurs en faveur des modifications s’est avérée insuffisante puisqu’elle ne constituait que 44,9 p. 100 de l’électorat danois(30).

De toute évidence, il fallait faire quelque chose. Le gouvernement a proposé une nouvelle série de modifications constitutionnelles qui venaient assouplir les exigences à cet égard. Puisque, semble-t-il, ce que l’on voulait était moins de faire approuver une modification que d’obtenir un nombre suffisant d’électeurs, le gouvernement a recouru à la « stratégie de la princesse. »

Lorsque d’importantes modifications constitutionnelles ont été de nouveau soumises à l’électorat danois en 1953, les politiciens ont pris soin d’inclure une mesure qui, estimait-on, recueillerait l’assentiment de la population — c’est-à-dire une modification aux règles de la dynastie permettant à la jeune princesse Margaret d’accéder au trône. Il semble que le truc ait fonctionné. Une majorité de 78,4 p. 100 d’électeurs sur les 58,3 p. 100 qui s’étaient présentés aux urnes se sont prononcés en faveur de la mesure; il y a donc eu tout juste suffisamment de voix en faveur de la nouvelle constitution qui venait assouplir les conditions régissant les modifications tout en permettant l’adoption de nouvelles dispositions référendaires(31).

Lier deux questions distinctes dans un référendum est chose courante, mais une telle mesure peut également se retourner contre ses auteurs. Les référendums français de 1961 (autodétermination de l’Algérie) et de 1962 (indépendance) visaient essentiellement tous les deux à régler deux questions : « Êtes-vous en faveur de la politique proposée? » et « Voulez-vous que le général De Gaulle la mette en oeuvre? » Selon un autre observateur :

[…] Le référendum d’avril 1969 offre le pire exemple d’une question malhonnête et obscure. La question était décevante et simple : «Êtes-vous en faveur du projet de loi sur la création des régions et sur la réforme du Sénat?»(32)

Le projet de loi en question renfermait 8 000 mots, couvrait 14 pleines pages de texte, comprenait 69 articles et prévoyait la modification et le remplacement de 19 articles de la constitution. La question ne portait même pas sur la révision des dispositions touchant la présidence par intérim. Même les supporteurs du gouvernement ont déclaré, dans des sondages d’opinion, qu’ils souhaitaient donner deux réponses distinctes aux deux questions. En avril 1969, 53 p. 100 des électeurs ont rejeté les propositions et le général De Gaulle, en ayant fait une question de confiance, démissionna immédiatement.

Il est difficile de trouver l’équilibre entre une question qui est trop simple et une autre qui est incompréhensible. Les observateurs ont laissé entendre que le pourcentage élevé de propositions référendaires qui on été rejetées par les électeurs australiens pouvait être attribuable à la simple frustration qu’engendrait le libellé de la question :

La forme même du bulletin de vote référendaire risque d’indisposer certains électeurs. La question est la suivante : « Approuvez-vous le projet de loi prévoyant la modification de la Constitution, intitulé… », suivi du titre abrégé du projet de loi. En 1974, par exemple, la première question portait sur un « Projet de loi visant à faciliter des modifications à la constitution et à permettre aux électeurs des Territoires, de même que des États, de voter au cours de référendums sur des projets de loi visant à modifier la constitution. » Non seulement les termes employés étaient mal connus de la plupart des électeurs, mais le libellé de la question venait obscurcir le fait que le but principal de ce projet de loi était de faire passer de quatre à trois le nombre des États qui devaient obtenir une majorité pour l’approbation des mesures législatives(33).

Le référendum que la Grande-Bretagne a tenu sur le maintien des liens avec la CEE fait à la fois ressortir la fragilité du libellé de la question et le peu d’importance qu’il peut avoir à long terme.

Bien qu’on ait suggéré de poser plus d’une question sur le bulletin de vote et de demander entre autres si les votants préféraient laisser la décision au Parlement, le gouvernement fut d’avis que la simplicité serait à son avantage. Il n’y aurait donc qu’une question sur le bulletin de vote et le Livre blanc proposait la formulation suivante :

Le gouvernement a fait connaître les résultats des renégociations sur les nouvelles conditions d’affiliation du Royaume-Uni à la Communauté européenne.

PENSEZ-VOUS QUE LE ROYAUME-UNI DEVRAIT RESTER DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE?

OUI
NON

Un débat s’ensuivit. Au début de février, les maisons de sondage, ayant essayé différentes formules qui avaient donné des résultats très variés, en conclurent finalement que si le problème était bien expliqué lors d’une bonne campagne de publicité, la formulation n’aurait pas d’importance. Malgré cela, la formulation a donné lieu à des débats véhéments au sein du Cabinet. Le ministre des Affaires étrangères voulait qu’on explique la prise de position du gouvernement dans un long préambule alors que les opposants à l’adhésion demandaient qu’on remplace « Communauté européenne » par « Marché commun. » Le Bill sur le référendum adopta finalement la question telle qu’elle avait été formulée dans le Livre blanc, mais le gouvernement se plia toutefois à la requête des opposants de l’adhésion et accepta d’ajouter les mots « Marché commun, » entre parenthèses. La question se lut finalement comme suit sur le bulletin de vote :

PENSEZ-VOUS QUE LE ROYAUME-UNI DEVRAIT RESTER DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE (LE MARCHÉ COMMUN)?

Même cette formulation causa quelque souci administratif lorsqu’on découvrit que les imprimeurs avaient placé « Marché commun » séparément, sur une nouvelle ligne(34).

En Australie, en raison de la forme préétablie du bulletin de vote, on n’a pas l’habitude de jouer avec le libellé de la question, mais il n’en demeure pas moins que les deux référendums de 1916 et de 1917 sur la conscription étaient étrangement libellés. La question du référendum de 1916 était la suivante :

En ces heures graves, êtes-vous d’accord pour que le Commonwealth dispose des mêmes pouvoirs exécutoires sur les citoyens en ce qui a trait à l’obligation du service militaire pour la durée de la présente guerre, à l’extérieur du Commonwealth, que ceux dont il dispose concernant le service militaire au sein du Commonwealth? (traduction)

Le référendum fut rejeté par une faible majorité, mais le gouvernement Hughes tenta de nouveau sa chance en 1917 en posant une question plus laconique, mais qui n’éclairait guère plus les électeurs : « Êtes-vous en faveur de la proposition visant à permettre au gouvernement du Commonwealth d’accroître la force impériale de l’Australie outre-mer? » La question fut rejetée par une majorité encore plus importante(35).

Un tel libellé se compare à celui qu’a utilisé le Canada pour formuler sa question référendaire de 1942 sur la conscription :

Acceptez-vous de libérer le gouvernement de toute obligation découlant d’un quelconque engagement antérieur visant à restreindre la façon de recruter des hommes pour le service militaire?

L’aspect le plus intéressant de la comparaison est peut-être que les électeurs des deux pays semblaient effectivement savoir ce pour quoi ils votaient.

Le libellé de la question a quand même eu une certaine importance au Canada après la guerre. Lors d’une conférence internationale sur les référendums, tenu en Angleterre en 1979, le co-rédacteur du texte définitif sur les référendums a fait les observations suivantes :

Le côté vague de la question qui peut être posée au Québec me gêne moins que certaines personnes. On a beaucoup discuté en Grande-Bretagne du libellé de la question lors du référendum de 1975; en outre, lors d’un sondage, on a posé une question hypothétique de huit façons différentes et obtenu des différences majeures dans les réponses à ces questions. Les gens n’étaient pas contents. Le libellé de la question au sujet de l’adhésion au Marché commun ou à la Communauté européenne n’avait pas d’importance. À la fin d’une campagne électorale au cours de laquelle la question avait été discutée en profondeur, les gens savaient parfaitement bien ce qu’ils faisaient. Ils disaient oui ou non. Personne n’a vraiment lu la question dans l’isoloir(36).

   D. Conséquences d’un référendum

      1. Référendums et plébiscites

Bien que les termes « référendum » et « plébiscite » soient souvent utilisés l’un pour l’autre, leur origine est différente. Le terme « plébiscite » vient du droit romain ou il était utilisé pour décrire une loi adoptée par vote des plébiens, ou des hommes du peuple, à la demande d’un magistrat plébien.(37) Aujourd’hui, le terme est utilisé pour décrire un vote des électeurs d’une compétence politique, dans lequel ces derniers expriment leur opinion sur une question précise. Le terme « référendum » décrit une méthode semblable qui consiste à « soumettre » une importante mesure législative à un scrutin direct. Le terme n’apparaît pas dans la langue française avant la fin du XVIIIe siècle, mais les cantons suisses avaient déjà pris des décisions sur des questions ad referendum longtemps auparavant.

Bien que les termes « référendum » et « plébiscite » soient souvent utilisés l’un pour l’autre, leur origine est différente. Le terme « plébiscite » vient du droit romain ou il était utilisé pour décrire une loi adoptée par vote des plébiens, ou des hommes du peuple, à la demande d’un magistrat plébien(37). Aujourd’hui, le terme est utilisé pour décrire un vote des électeurs d’une compétence politique, dans lequel ces derniers expriment leur opinion sur une question précise. Le terme « référendum » décrit une méthode semblable qui consiste à « soumettre » une importante mesure législative à un scrutin direct. Le terme n’apparaît pas dans la langue française avant la fin du XVIIIe siècle, mais les cantons suisses avaient déjà pris des décisions sur des questions ad referendum longtemps auparavant.

Conformément à cette définition, les plébiscites sont essentiellement de nature consultative et n’ont aucun caractère juridique et exécutoire pour le gouvernement, peu importe l’importance de l’obligation politique ou morale qui lui incombe de se conformer au résultat. Quant aux référendums, au sens le plus strict du terme, ils permettent de créer des lois directement sans que le gouvernement n’intervienne par la suite. Toutefois, cette distinction n’est pas toujours acceptée et dans de nombreux textes, on utilise le terme « référendum » autant pour décrire un vote consultatif non exécutoire qu’exécutoire.

Par exemple, dans le Déroulement d’un référendum au Québec, on dit que le référendum a pour but de « consulter les électeurs sur un sujet donné au moyen d’un scrutin dont le déroulement est analogue à celui d’une élection générale »(38). Dans sa brochure publiée en 1978 et intitulée Exposé du projet de loi sur le référendum du Canada, le gouvernement fédéral précise que « dans les deux langues, l’usage contemporain favorise nettement « référendum »; « plébiscite » semble être tombé en désuétude »(39).

Dans l’ensemble, cependant, les juristes ont, plus que les politicologues, tendance à établir une distinction entre le référendum et le plébiscite. C’est peut-être ce qui explique pourquoi, nonobstant le fait que dans les brochures publiées par les gouvernements du Canada et du Québec on fasse peu de différence entre les deux termes, un auteur a, dans un article publié en 1989, établi une distinction claire :

Un référendum est un verdict juridiquement exécutoire de la population auquel le gouvernement doit donner suite au moyen d’une loi. Les tribunaux ont précisé que, conformément aux principes du gouvernement parlementaire, le Parlement ou les assemblées législatives provinciales ne peuvent être juridiquement liés par un tel processus d’établissement de lois par la population. Seuls les conseils municipaux peuvent véritablement recourir au référendum et être tenus légalement responsables du résultat.

Quant au plébiscite, il n’est rien de plus que l’expression de l’opinion publique; il revêt un caractère consultatif uniquement et n’a aucun caractère exécutoire pour le gouvernement fédéral, provincial ou pour les municipalités(40).

Une des raisons qui explique la confusion est peut-être la suivante :

Parfois, la distinction que l’on fait entre un référendum et un plébiscite — c’est-à-dire entre un vote populaire qui est immédiatement et juridiquement normatif et exécutoire, et un vote populaire qui n’a qu’une autorité morale — est une différence qui ne semble exister que dans le monde de la common law de la langue anglaise(41).

      2. Référendums exécutoires

Les référendums exécutoires sont peu fréquents dans les démocraties parlementaires et conviennent davantage aux pays qui ont une tradition de démocratie directe comme la Suisse :

En Suisse, nous voyons les référendums un peu différemment parce que nous ne croyons pas que nous sommes une démocratie parlementaire. Nous estimons être une démocratie directe; par conséquent, constitutionnellement parlant, il ne fait aucun doute que le pouvoir ultime se trouve entre les mains de la population. […] On ne s’en remet jamais à la Cour suprême pour savoir si un référendum populaire est permis. Le pouvoir ultime appartient à la population. Elle a préséance sur tout organisme du gouvernement. La Cour suprême ne déclarerait jamais qu’un référendum est inconstitutionnel. Permettez-moi de donner deux exemples. Les femmes n’ont pas eu le droit de vote en Suisse avant 1971. […] Est-ce une mesure inconstitutionnelle? Non, tant et aussi longtemps que la population le voudra ainsi. La Cour suprême ne peut établir que la population viole les droits fondamentaux de la personne(42).

De même, une initiative constitutionnelle mise en branle pour expulser les travailleurs étrangers de la Suisse a été rejetée par une majorité de pratiquement 60 p. 100; cependant, s’il en avait été autrement, les tribunaux n’auraient rien pu faire pour protéger les travailleurs étrangers, même s’ils possédaient des permis de travail valides.

La Suisse a tenu 297 référendums entre 1848, année où elle est devenue une fédération, et 1978. Les référendums exécutoires, ou les propositions qui sont venues du Parlement, ont habituellement été acceptés, 100 personnes ayant répondu oui contre 38 qui ont dit non. Quant aux scrutins qui ont été demandés pour régler des propositions parlementaires dans le cadre du processus de référendum optionnel, ils ont été plus souvent négatifs, soit 67 non contre 7 oui. Dans l’ensemble, on peut donc dire que l’usage du référendum en Suisse est très efficace.

Une préoccupation, cependant, c’est que la participation électorale en Suisse est beaucoup plus faible que dans les pays voisins, situation qui peut être attribuable au très grand nombre de référendums. En outre, le pourcentage moyen de la population qui participe aux référendums a diminué au cours des années :

1880-1913     58 p. 100
1914-1944     61 p. 100
1945-1959    54 p. 100
1960-1969     43 p. 100
       1970-1978     42 p. 100(43)

Tout compte fait, on peut dire que la démocratie directe fonctionne bien en Suisse, même si elle ne paraît pas être une denrée exportable :

La Suisse est le foyer du référendum. C’est dans ce pays que l’on recourt le plus souvent à ce processus. Le référendum fait partie intégrante de la vie politique. La Suisse a montré, qu’à tout le moins dans un petit pays raffiné, la démocratie directe fonctionne et n’est pas alourdie par les conséquences négatives qui lui ont été attribuées par les politicologues d’ailleurs. La Suisse a fourni aux tenants américains et autres de la démocratie directe le modèle sur lequel ils se sont appuyés dans les années 1890 et 1900. Et la Suisse peut prétendre que l’original continue de fonctionner beaucoup mieux que la copie(44).

À l’heure actuelle, la Constitution du Canada ne permet pas le référendum exécutoire :

En vertu de la constitution actuelle, en effet, il est impossible de conférer un pouvoir législatif direct à un processus référendaire puisque cela irait à l’encontre des pouvoirs et fonctions qui sont réservés au lieutenant-gouverneur. […] Cet obstacle constitutionnel ne diminue en rien, cependant, la valeur politique du processus référendaire puisque la première loi contraignante de la vie politique, en démocratie, est celle de la majorité clairement exprimée. Et un gouvernement peut toujours s’engager explicitement à accepter le résultat d’un référendum(45).

      3. Référendums abrogatifs

Le référendum abrogatif permet aux électeurs de rejeter ou d’abroger une mesure adoptée par une assemblée législative.

La Constitution danoise prévoit qu’un tiers des membres du Folketing peut réclamer la tenue d’un référendum sur un projet de loi un fois qu’il a été adopté. Pour que le projet de loi soit défait par voie référendaire, il faut une majorité de votes négatifs et ceux-ci doivent représenter au moins 30 p. 100 des personnes ayant droit de vote. La disposition abrogative ne s’applique pas à certains projets de loi, plus particulièrement ceux qui portent sur les questions financières ou les traités.

L’article 75 de la constitution italienne prévoit qu’une loi peut être abrogée au moyen d’un référendum demandé par 500 000 électeurs ou cinq conseils régionaux. Sont précisément exclus les lois financières ou budgétaires, les amnisties ou les pardons, ou les lois autorisant la ratification de traités internationaux. La loi de mise en oeuvre n’a pas été adoptée avant 1970 et en 1986, il y avait eu neuf référendums. Le premier, tenu en 1974, a permis d’abroger les lois sur le divorce, mais aucun des autres référendums tenus par la suite n’a été accepté. Quatre d’entre eux portaient sur une loi antiterroristes, deux consistaient en des propositions visant à restreindre l’accès à l’avortement et les autres concernaient le financement de l’État ou des partis politiques ainsi que l’indexation automatique des salaires.

Certains indices portent à croire que les référendums sur les modifications à la constitution ont tendance à permettre le rejet de projets de loi qui sont particulièrement mal rédigés. Cela est peut-être simplement dû au fait que les électeurs ont l’impression qu’un projet de loi qui ne peut être expliqué logiquement renferme des problèmes internes :

Il me semble que si un référendum porte exclusivement sur l’approbation ou le rejet d’un projet de loi adopté par le Parlement, les tenants du projet de loi souhaiteront davantage faire adopter des lois qui sont défendables plutôt que de concocter un mauvais projet de loi et d’essayer de le faire adopter bon gré mal gré. L’une des raisons qui explique pourquoi la Scotland Act et la Wales Act n’ont pas été appuyées plus solidement dans les référendums est qu’il s’agissait de mesures législatives extrêmement mal rédigées(46).

Le général De Gaulle a subi la défaite lors du référendum de 1969 en partie parce que « les experts constitutionnels du Conseil de l’État ont décrit le projet de loi comme étant l’un des plus mal rédigés à être soumis au Conseil »(47).

Tout compte fait, le référendum abrogatif semble être parmi ceux qui obtiennent le plus de succès et qui ont le moins de conséquences négatives. Comme le prouve l’expérience de l’Italie et de la Suisse, les référendums abrogatifs sont habituellement rejetés et ont donc rarement un effet déstabilisateur. Quant à leurs répercussions sur la démocratie représentative, elles sont minimes puisque les référendums n’ont lieu qu’une fois le processus législatif terminé. Le législateur ne peut donc s’en remettre aux référendums abrogatifs simplement parce qu’il ne veut pas régler une question difficile. Néanmoins, ces référendums sont un contrepoids utile dont dispose l’électorat face au législateur. La simple possibilité d’un référendum abrogatif confère une légitimité supplémentaire aux modifications constitutionnelles puisqu’il ne fait aucun doute que des modifications grandement impopulaires seraient contestées.

      4. Plébiscite ou référendum consultatifs

On fait parfois une distinction entre le plébiscite et le référendum consultatif, mais cette distinction est très difficile à soutenir. Selon certains, le plébiscite permet d’approuver ou de légitimer une mesure adoptée par un gouvernement, alors que le référendum consultatif n’est rien d’autre qu’une consultation. En fait, compte tenu du poids moral et politique du référendum, le plébiscite et le référendum consultatif ont tendance à se recouper.

Les référendums qui ont pour but de consulter la population ne sont pas juridiquement exécutoires, mais ils ont tendance à l’être sur le plan politique. En théorie, le référendum tenu au Québec en 1980 ne liait pas le gouvernement du Québec et encore moins celui d’Ottawa; toutefois, son importance politique et morale ne faisait aucun doute.

Comme les référendums consultatifs visent à évaluer l’opinion publique plutôt qu’à légitimer une mesure précise, ils laissent aux gouvernement suffisamment de souplesse pour y donner suite. La Suède a tenu en 1980 un référendum consultatif afin de savoir si le pays devait continuer d’utiliser l’énergie nucléaire, et toutes les parties avaient déclaré qu’elles seraient liées par le résultat. Or, le référendum n’a pas fourni de réponse précise, mais a permis de façonner un compromis, accordant ainsi aux diverses parties plus de souplesse que si le référendum avait été juridiquement exécutoire.

Cependant, les gouvernements ne se sentent pas toujours liés par un référendum antérieur. En 1955, une écrasante majorité de Suédois s’est déclarée contre la conduite à droite. Néanmoins, en 1963, le gouvernement a adopté la conduite à droite sans tenir d’autre référendum.

On soutient que le plébiscite est un moyen de légitimer une mesure ou une décision d’un gouvernement, alors que le référendum consultatif permet d’établir quelles décisions le public attend du gouvernement. Cependant, la différent entre les deux peut être illusoire :

Le référendum consultatif est un outil fragile. Il peut conserver foncièrement son caractère de consultation s’il est utilisé en de rares occasions. Par contre, si on y recourt souvent ou si on l’utilise pour régler des questions qui polarisent l’opinion (par exemple, l’adhésion de la Norvège à la CEE en 1972), son caractère consultatif devient illusoire. En défier le résultat serait mépriser l’élément le plus important de la légitimité dans un État démocratique, c’est-à-dire le consentement de la population(48).

 

   E. Mesures faisant l’objet d’un référendum

      1. Modifications constitutionnelles

Dans un certain nombre de pays, la constitution renferme des dispositions prévoyant la tenue de référendums pour l’adoption des modifications constitutionnelles.

  • En Australie, les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par voie référendaire, et ce par une majorité de tous les électeurs participant au scrutin ainsi que par une majorité des voix dans une majorité d’États (soit quatre sur six).
  • En Autriche, toute modification constitutionnelle importante doit être approuvée par voie de référendum si le tiers des membres du Conseil national ou du Conseil fédéral (la chambre haute qui représente les « Lander » ou provinces) en fait la demande.
  • Au Danemark, les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par une majorité simple des voix au cours d’un référendum, qui représente au moins 40 p. 100 des personnes ayant droit de vote.
  • En France, les modifications constitutionnelles doivent être confirmées soit par une majorité des trois cinquièmes des deux chambres réunies, soit par référendum.
  • En Irlande, un projet de loi visant à modifier la constitution doit être nécessaire seulement s’il est exigé par le cinquième des membres de l’une ou l’autre des chambres, par 500 000 électeurs ou par cinq conseils régionaux, dans un délai de trois mois suivant la publication de la modification.
  • En Espagne, une modification constitutionnelle peut être assujettie au référendum afin d’être ratifiée si un dixième des membres de l’une ou l’autre des chambres en fait la demande dans un délai de 15 jours suivant l’adoption de la modification.
  • En Suisse, toutes les modifications constitutionnelles doivent être confirmées par une majorité de citoyens. En outre, toute modification proposée par 50 000 citoyens fait l’objet d’un référendum (à moins que le Parlement y donne suite en proposant sa propre modification et que les parrains du référendum retirent leur initiative). Les modifications constitutionnelles doivent être approuvées par une majorité des électeurs et par une majorité de cantons.

Au sujet des procédures référendaires contenues dans les propositions constitutionnelles du gouvernement fédéral en 1980, Gregory Mahler laisse entendre que les trois pays qui se comparent le mieux au Canada sont l’Australie, la Suisse et l’Allemagne de l’Ouest :

On constate donc que la formule de modification proposée par le Canada aurait été assez différente de ces autres procédures. Dans le cas de l’Allemagne, le référendum n’est pas nécessaire et on n’exige pas non plus l’approbation ultérieure par les États, mais les États sont directement représentés au Bundesrat; on ne peut se passer de l’approbation de leurs représentants. Cependant, une modification peut être adoptée sans l’approbation d’un, de deux ou de trois des États allemands. Quant à la constitution australienne, elle ne donne pas aux États la possibilité d’approuver ou de désapprouver les modifications, mais elle exige des majorités populaires importantes au cours d’un référendum. Quant à la Suisse, elle constitue un moyen terme : la population doit approuver les modifications par voie de référendum et les États doivent approuver tout référendum qui est proposé(49).

M. Mahler poursuit en disant que la proposition de référendum mise de l’avant par le gouvernement Trudeau en ce qui a trait aux modifications constitutionnelles aurait considérablement réduit les pouvoirs des provinces. Plus précisément, le gouvernement fédéral aurait pu faire approuver une modification par voie de référendum, même si toute les provinces s’y étaient opposées; cependant, l’inverse n’était pas vrai.

      2. Revendications territoriales ou souveraineté

Lorsqu’il y a conflit au sujet de l’appartenance d’un territoire, ou sur les véritables frontières d’un État, le référendum ou le plébiscite est souvent considéré comme le meilleur moyen de régler le différend. En fait, il semblerait que ce soit la seule méthode permettant d’harmoniser l’irréconciliable credo du nationalisme avec celui des gouvernements populaires(50).

Les premiers plébiscites officiels concernant la souveraineté ont eu lieu à la fin du XVIIIe siècle en vue d’établir si le territoire papal d’Avignon souhaitait être annexé à la France révolutionnaire. Au XIXe siècle, les référendums sur l’autodétermination jouèrent un rôle majeur dans l’unification de l’Italie :

Il est juste de dire que l’État moderne d’Italie a été construit grâce à une série de référendums au cours desquels des majorités écrasantes se sont présentées aux bureaux de scrutin en vue de procéder à l’unification de leur pays(51).

Les six premiers membres du Marché commun n’ont pas tenu de référendum sur sa formation, mais les éventuels « membres du second round » l’ont fait : il s’agit de l’Irlande, du Royaume-Uni, du Danemark qui ont accepté, et de la Norvège qui a refusé. L’une des leçons que l’on peut tirer des référendums tenus sur l’adhésion à la CEE dans les années 70, c’est que les consultations sur la souveraineté peuvent avoir des résultats dangereusement imprévisibles :

Le Parti social-démocrate norvégien s’était mis d’accord pour la tenue d’un référendum, croyant que la population norvégienne répondrait à la question référendaire par l’affirmative; les gens on plutôt dit non. Les membres du Parti travaillistes de la Grande-Bretagne qui étaient contre l’adhésion de Marché commun ont commis exactement la même erreur; le référendum de 1975 est venu rattacher encore davantage la Grande-Bretagne à l’Europe. Enfin, Pompidou a tenu un référendum [en vue d’approuver l’admission de la Grande-Bretagne, de la Norvège, du Danemark et de l’Irlande], référendum qu’il n’aurait pas eu besoin de tenir afin d’accroître son prestige; malheureusement, la consultation a produit l’effet contraire(52).

Le « référendum sur la délégation de pouvoirs » tenu au Royaume-Uni en 1979 venait demander aux citoyens d’Écosse et du Pays de Galles s’ils souhaitaient l’établissement de leurs propres assemblées, comme le prévoyaient la Scotland Act et la Wales Act de 1978. Cette question est discutée en détail plus loin sous le titre «Décompte des votes. »

L’une des objections au référendum qui est le plus solidement ancrée est que la question proposée s’éloigne souvent beaucoup du véritable sujet débattu. Dans le cas de la délégation de pouvoirs, la question était de savoir s’il y aurait rupture de l’État britannique.

Le professeur Steiner soutient que les choses ne se passent pas ainsi en Suisse; le référendum sur la délégation des pouvoirs est différent de tout ce qui s’est fait en Suisse parce que personne de ce pays n’a proposé qu’un canton se sépare de la Fédération. On tient des référendums sur toutes sortes d’autres chose, mais jamais sur la rupture de l’État suisse. Il y a deux types de sujets totalement différents : les questions constitutionnelles, qui sont délicates et émotives, et les questions d’ordre général. Personne n’a jamais songé à exiger la tenue d’un référendum afin de savoir si l’État d’Oklahoma devrait se séparer de l’Union fédérale(53).

Quelles que soient les difficultés que puisse poser un référendum sur des revendications territoriales et la souveraineté, il est probablement préférable aux autres solutions. Le processus politique traditionnel, que repose sur l’opposition des partis, peut créer encore plus de division qu’un référendum. En outre, de toutes les questions, celles qui concernent la souveraineté semblent être les mesures qui doivent être le plus fortement légitimées.

Comme le faisait remarquer Benjamin Disraeli, rien n’est définitif en politique, surtout en ce qui concerne les questions mettant en cause les émotions changeantes et fragiles que soulève le nationalisme. Il ne faudrait donc pas s’attendre à trouver un instrument qui puisse permettre d’atteindre une décision définitive dans un État démocratique. Une fois ce point compris, le référendum devient, pour paraphraser Winston Churchill, le pire instrument que l’on puisse trouver pour résoudre des conflits territoriaux, exception faite de tous les autres(54).

      3. Questions morales ou politiques

Les référendums sur des questions morales ou politiques ont tendance à comprendre un report délibéré de l’usage du pouvoir décisionnel :

Les gouvernements hésitent à régler des questions sur lesquelles ils sont eux-mêmes divisés; ils veulent éviter d’assumer la responsabilité d’une décision qui serait impopulaire auprès d’une partie importante du public. Les référendums sont une façon de refiler la responsabilité à quelqu’un d’autre. Les référendums sur l’adhésion à la CEE qui ont été tenus en Norvège et en Grande-Bretagne, le référendum de Léopold III en Belgique, le référendum sur le divorce en Italie et les divers référendums sur la prohibition en Scandinavie et en Australie en sont des exemples. De façon différente, il en fut de même des référendums sur la conscription militaire (Australie 1916 et 1917; Canada 1941; Nouvelle-Zélande 1949)(55).

Souvent, les questions morales comme le divorce, la prohibition ou l’avortement peuvent remettre en question de la discipline de parti et un référendum devient alors le moyen d’éviter la perturbation au Parlement. De même, le référendum peut comprendre le règlement d’un problème politique lorsqu’une question, comme l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE, menace de faire éclater l’unité d’un parti.

      4. Projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada (1978)

Malgré l’hésitation qu’a toujours manifestée le gouvernement fédéral à tenir des référendums, le projet de loi C-9, Loi sur le référendum au Canada, fut présenté en 1978, peu de temps après que l’Assemblée nationale du Québec eut adopté la loi habilitante prévoyant la tenue d’un référendum provincial en 1980; le projet de loi C-9 visait vraisemblablement à permettre au gouvernement fédéral de tenir son propre référendum, sur sa propre question, si le besoin s’en faisait sentir.

Les principales dispositions du projet de loi sur le référendum au Canada déposé en 1978 étaient les suivantes :

  • Les référendums n’auraient pu être tenus que sur des questions touchant la Constitution.
  • Les référendums auraient été de nature consultative et n’aurait pas eu l’effet direct de la loi.
  • Il aurait fallu pouvoir répondre aux questions par un oui ou par un non.
  • Les référendums auraient pu se tenir dans une ou plusieurs provinces.
  • Les référendums auraient été tenus par suite du dépôt à la Chambre des communes d’une résolution de gouvernement renfermant une question précise. Le débat qui s’en serait suivi aurait été limité à 40 heures; les référendums n’auraient pu être tenus que sur des questions approuvées par la Chambre des communes et le Sénat.
  • Les brefs référendaires n'auraient pu être émis que dans un délai de 45 jours suivant l’approbation de la résolution par le Parlement en vue de tenir un référendum; la campagne officielle aurait duré 47 jours.
  • Tous les partis fédéraux et provinciaux ou les autres groupes prévoyant dépenser plus de 5 000 dollars durant la campagne officielle auraient été tenus de s’enregistre; l’enregistrement aurait pu se faire n’importe quant à partir du moment du dépôt de la résolution jusqu’à sept jours avant la tenue du scrutin.
  • Les partis enregistrés ou les « comités référendaires enregistrés » auraient pu avoir un représentant de circonscription qui aurait disposé de droits semblables aux candidats pour la révision des listes électorales et l’examen des bulletins de vote.

   F. Réglementation du processus référendaire

Dans l’ensemble, la loi électorale actuelle prévoit la compilation des registres des électeurs, la nomination des directeurs de scrutin, l’établissement et la dotation des bureaux de scrutin ainsi que les règles concernant le caractère secret du vote. Bien que l’on propose parfois que les règles concernant l’âge auquel une personne a droit de vote soient assouplies au moment d’un référendum, on ne le fait habituellement pas. Par contre, on pourrait peut-être donner un droit de vote à un référendum à certaines catégories d’électeurs qui, pour des raisons qui vont de la neutralité absolue (juges) à une incapacité juridique (prisonniers), n’ont pas le droit de vote aux élections générales.

Certains problèmes concernant les référendums sont assez distincts de ceux qui se posent au cours des élections; ils concernent la plupart du temps l’identification des différents groupes d’intérêt de façon que les critères concernant le financement, les médias et les scrutateurs puissent s’appliquer de façon juste.

      1. Groupement des intérêts

En général, pour ce qui est de la réglementation des référendums, le plus difficile est de définir les groupes auxquels s’appliquent les critères généraux en matière de finances et d’accès aux médias :

La création de groupes de coordination a pour but d’assurer l’équité entre les deux parties tant en ce qui concerne le financement que l’accès aux médias. Si les autorités publiques doivent accorder des crédits pour le financement des campagnes référendaires, il est nécessaire d’établir qui y a droit. S’il faut fixer une limite aux dépenses de sorte que le groupe le plus en fonds « n’achète pas » la victoire, il est nécessaire d’établir qui peut dépenser de l’argent et qui doit être responsable sur le plan financier. Si les autorités doivent présenter des brochures pour expliquer les points de vue opposés, il faut définir qui doit rédiger ces documents. Si les médias doivent offrir du temps d’antenne égal à tous, il convient d’établir officiellement qui sont les représentants chargés de présenter les arguments équilibrés(56).

Le référendum tenu en Grande-Bretagne sur le maintien des liens de cette dernière avec la CEE renfermait un certain nombre de caractéristiques bien particulières, nombre d’entre elles portant sur la reconnaissance des groupes de coordination. Une subvention de 125 000 £ a été accordé à chacun des organismes de coordination car il était évident que les tenants des liens avec le Marché commun disposaient de ressources supérieures à ceux qui s’y opposaient. En outre, la solidarité du Cabinet a été assouplie pendant les trois mois du référendum; seize membres du Cabinet ont fait campagne en faveur du maintien des liens avec la CEE alors que sept ont fait campagne contre.

Le recours aux groupes de coordination, qu’on a vus pour la première fois lors du référendum tenu au Royaume-Uni en 1975, a été adopté au Québec, tout comme l’ont été de nombreux autres aspects du référendum britannique. En fait, le gouvernement du Québec, aussi étonnant que cela puisse paraître, a été très élogieux au sujet de l’expérience britannique dans un document publié en 1977 et intitulé La consultation populaire au Québec, publié par le ministre d’État à la Réforme électorale et parlementaire :

On constatera que les dispositions retenues, tout en s’inspirant de plusieurs pays à très forte tradition démocratique, sont en tout premier lieu tributaires de l’expérience vécue par la Grande-Bretagne lors du référendum de 1975, sur le maintien des liens avec le Marché commun. Le régime parlementaire, la longue tradition démocratique et le sens profond du « fair play » sont autant d’institutions britanniques que les Québécois ont absorbées dans leur propre tradition politique. Les mécanismes référendaires institués par la Grande-Bretagne à partir de ses institutions apparaissent au gouvernement du Québec comme un guide précieux dans l’amélioration de nos propres institutions(57).

La Loi sur la consultation populaire du Québec prévoyait que les membres de l’Assemblée nationale pouvaient faire connaître l’option qu’ils retenaient au Directeur général des élections dans un délai de sept jours suivant l’adoption de la question ou du projet de loi contenant une question. Les tenants de chaque option se constituaient alors en comités provisoires. Si, après sept jours, aucun membre de l’Assemblée nationale n’avait enregistré une option ou une autre, le Directeur général des élections pouvait alors inviter entre trois et vingt électeurs à constituer un comité provisoire.

Par contre, aux termes du Projet de loi sur le référendum au Canada, tous les groupes dépensant plus de 5 000 dollars au cours d’un référendum auraient été tenus de s’enregistrer auprès du Directeur général des élections, mais aucune disposition ne serait venu restreindre le nombre de ces groupes.

Les raisons qui ont motivé le gouvernement du Québec à adopter le principe des groupes de coordination étaient les suivantes : accorder un traitement égal aux tenants de chaque option, conformément aux pratiques électorales qui limitaient les dépenses maximales et éviter de se retrouver dans une situation artificielle qui amènerait un parti politique à défendre une question qui ne serait pas conforme à sa ligne de pensée. Pour que tous jouissent d’un traitement égal, il fallait que l’État accorde une aide financière et restreigne les dépenses et le financement provenant de l’extérieur.

Nonobstant la légitimité reconnue des groupes de coordination, la loi du Québec a provoqué certaines critiques parce que, bien qu’elle ait eu pour but d’empêcher la distorsion provoquée par des groupes possédant de bons moyens financiers,

Elle a eu pour conséquence de remettre tout le débat pratiquement exclusivement entre les mains des deux principaux partis de la province. Les gens qui voulaient appuyer une des raisons non approuvées par le groupe qui les représentait durant la campagne semblaient être réduits au silence.

Lorsqu’elle fut mise à l’épreuve en 1980, la loi du Québec a été plus facile à appliquer et s’est avérée moins rigide que de nombreuses personnes ne l’avaient craint. On n’a noté aucun différend sérieux au sein des groupes de coordination, bien que l’on puisse soutenir que les Libéraux ont utilisé leur position pour consolider leur prédominance sur les autres petits partis comme étant l’opposition au Parti Québécois. D’autres organismes ont réussi à faire entendre leur voix durant la campagne référendaire en recourant à la publicité institutionnelle et aux conférences, ainsi qu’en prononçant des discours au Parlement fédéral et en s’adressant à d’autres organismes de la presse. La presse, par les colonnes de ses correspondants, s’est avérée un forum intéressant où se sont exprimés toutes sortes de points de vue(58).

      2. Financement et accès aux médias

Une fois que la loi régissant les groupes de coordination est adoptée, les grandes questions qu’il reste à régler sont l’ampleur des contributions du gouvernement aux groupes, les exigences concernant les rapports, les limites aux contributions durant la campagne, les plafonds imposés aux dépenses durant la campagne, l’accès garanti aux médias (principalement la télévision), la publication possible d’énoncés de principe aux frais du gouvernement et la durée de la campagne.

D’abord, if faut décider si les contributions et les dépenses durant la campagne référendaire doivent être rendues publiques. Comme les référendums portent souvent sur un question très émotive, les arguments pour et contre le divulgation diffèrent quelque peu de ceux qui sont invoqués au moment d’élections générales. Certains ont laissé entendre que « l’effet temporisateur » de la divulgation des dépenses peut être plus prononcé au cours d’une campagne référendaire qu’au cours d’une campagne électorale et plusieurs pays, notamment le Danemark et la Norvège, ont décidé de ne pas imposer de normes concernant la divulgation et les rapports précisément pour ces motifs(59). Le compromis pourrait consister à fixer les contributions qui doivent être déclarées à un niveau suffisamment élevé pour restreindre au minimum les exigences concernant les rapports et l’application d’une telle disposition.

Autre question en général litigieuse : Faut-il limiter les dépenses? D’une part, une limite aux dépenses permet de s’assurer que les coûts de la campagne référendaire demeurent raisonnables et que les plus riches « n’achètent pas » le référendum; de plus, on croît qu’une telle limite accroît la confiance du public dans les résultats. D’autre part, si les plafonds sont fixés aux dépenses sont plus difficiles à appliquer au cours d’une campagne portant sur une seule question, lorsqu’il est difficile de faire la différence entre une publicité référendaire et une « publicité sociétale. » Si, par exemple, le Canada tenait un référendum sur une interdiction complète de fumer, une campagne de publicité menée à l’échelle nationale par la Société canadienne du cancer sur le cancer du poumon devrait-elle être assujettie aux limites fixées pour les dépenses?

Il y a aussi deux autres questions connexes soit celle de savoir s’il faut restreindre les contributions provenant des organisations qui ont un intérêt dans le résultat du référendum, et celle de déterminer s’il faut imposer un plafond aux contributions qui proviennent d’une source unique, quelle qu’elle soit. Enfin, il y a aussi la question du « plancher » des coûts d’une campagne, ou des sommes que le gouvernement doit débourser pour s’assurer que toutes les parties sont en mesure de mener une campagne d’information efficace.

   G. Décompte des suffrages

Les critères régissant le succès d’un référendum peuvent varier considérablement :

La décision peut être prise par simple majorité des électeurs — ou l’on peut imposer certaines exigences plus rigoureuses comme les deux tiers des électeurs (Gambie), 50 (Allemagne de l’Ouest), 45 (Danemark jusqu’en 1953) et 40 p. 100 des personnes ayant droit de vote (référendums de l’Écosse et du Pays de Galles de 1979) ou 50 p. 100 des électeurs dans une majorité d’États ou de cantons (Australie et Suisse). Dans la très grande majorité des cas, une simple majorité suffit pour donner le verdict, bien que, comme l’a constaté le roi Léopold III de Belgique en 1950, une majorité de 57 p. 100 n’est pas suffisante pour faire accepter et légitimer un chef d’État(60).

La participation électorale à un référendum peut également revêtir une importance cruciale. Dans le cas du référendum de Terre-Neuve tenu en 1948, le Royaume-Uni avait clairement laissé entendre qu’il considérait toute majorité, peu importe son ampleur, comme exécutoire. Par contre, en 1972, le président Pompidou a tenté de capitaliser sur l’utilisation créative du référendum qu’en avait fait le général De Gaulle en convoquant un référendum sur l’approbation de l’entrée de la Grande-Bretagne, de l’Irlande, de la Norvège et du Danemark dans la Communauté européenne. Bien que presque 70 p. 100 des électeurs aient répondu oui à la question posée, les deux cinquièmes de l’électorat ne se sont pas présentés aux bureaux de scrutin. Il s’agissait du taux d’abstention le plus élevé jamais enregistré au cours d’une élection en France à l’échelle nationale depuis la guerre. En tenant un référendum inutile dans l’espoir d’accroître son prestige, le président Pompidou a obtenu un résultat tout à fait contraire.

Lorsque les résultats d’un référendum sont exécutoires, soit qu’ils se traduisent par une loi ou par une entente politique, la question est toujours de savoir s’il faudrait exiger le consentement d’un certain pourcentage de tout l’électorat ainsi que de la majorité des électeurs. L’exemple le plus fréquemment cité est le référendum de 1979 sur la délégation de pouvoirs à l’Écosse. En 1978, le gouvernement travailliste a présenté des projets de loi prévoyant la délégation de certains pouvoirs à de nouvelles assemblées en Écosse et au Pays de Galles, à condition que la mesure soit approuvée par les électeurs au cours de référendums qui se tiendraient dans ces régions et non en Angleterre même. Une rébellion des députés d’arrière-ban au tout début de 1978 a forcé le gouvernement à modifier son projet de loi et à prévoir que « si de l’avis du Secrétaire d’État, moins de 40 p. 100 des Écossais ou des Gallois admissibles votaient pour le projet de loi en question, le Secrétaire serait tenu de déposer un ordre d’abrogation devant le Parlement. » Les élections ont eu lieu le 1er mars 1979 et la participation électorale est devenue d’une importance fondamentale. Aucun problème ne se posait au Pays de Galles, qui a rejeté la délégation de pouvoirs par une majorité de 80 p. 100 d’électeurs et de 47 p. 100 de l’électorat, mais les résultats en Écosse ont été moins clairs :

  Bulletins de vote Pourcentage des voix exprimées Pourcentage de l'électorat
OUI 1 230 937 51,6 32,9
NON 1 153 502 48,4 30,8
Abstention - - -

Le gouvernement a tenté de retarder les choses, mais a perdu un vote de confiance de justesse le 28 mars 1979. L’expérience semble avoir atténué l’intérêt des Britanniques pour les référendums, plus particulièrement depuis que certains observateurs laissent entendre qu’il serait politiquement impossible de tenir un référendum en Grande-Bretagne sans incorporer cette règle des 40 p. 100.

Le Danemark exige aujourd’hui que 40 p. 100 de l’électorat approuve une modification constitutionnelle. Cependant, les référendums sur les projets de loi autres que les modifications constitutionnelles sont tenus de façon différente; pour qu’ils soient refusés, il faut que la majorité des électeurs participant au scrutin répondre par la négative et ceux-ci représentent au moins 30 p. 100 de l’électorat.

Le Québec a envisagé cette possibilité lorsqu’il a élaboré son projet de loi sur le référendum, mais a décidé que « par ailleurs, ce caractère consultatif des référendums fait qu’il serait inutile d’inclure dans la loi des dispositions spéciales à l’égard de la majorité requise ou du taux nécessaire de participation »(61).

Un autre moyen de régler le problème de la faible participation électorale est d’adopter le vote obligatoire. Une telle méthode est en vigueur en Australie depuis 1924. Bien que la participation ait radicalement augmenté, l’effet de cette mesure sur le résultat des référendums ultérieurs n’est pas certain.

Seulement la moitié des électeurs inscrits ont voté aux référendums de 1906 et de 1911, alors que six électeurs sur dix ont voté en 1910 et que plus de sept électeurs sur dix ont fait la même chose en 1913 et en 1919. Il est difficile de croire que l’augmentation de la participation à 91 p. 100 qui s’est produite en 1926 n’a en aucun effet sur le résultat du scrutin; le raisonnement le plus plausible à priori suggère en effet que le fait de forcer des personnes non intéressées par la question et qui n’en connaissaient rien a probablement accru le nombre de ceux qui étaient susceptibles de dire non. Les succès ont été plus marqués aux référendums depuis 1924; cependant, le nombre de ratés continue d’être très important. Aucune conclusion ne peut être tirée à ce sujet(62).

L’Italie a adopté le vote semi-obligatoire et de nombreux pays ont réglé la question en tenant leurs référendums en même temps que les élections nationales, au moment où l’intérêt des électeurs est à son zénith. Cette mesure permet également de réduire les coûts du référendum tout en perturbant le moins possible la conduite des affaires du gouvernement. Cependant, les passions politiques ont tendance à être plus grandes au moment des élections et la question posée au référendum peut s’entremêler avec d’autres questions.

Le référendum tenu par la Belgique en 1950 (dont il a été question à la note de bas de page 60) se voulait un plébiscite consultatif visant à déterminer si Léopold III devait accéder de nouveau au trône. Le problème n’était pas un problème de majorité totale, Léopold III disposant d’une majorité dans la moitié flamande de la Belgique; toutefois, il ne disposait que d’une minorité dans la moitié française. Dans ces circonstances, les résultats du référendum n’ont pas permis de résoudre le problème, et Léopold III a décidé d’abdiquer.

La même chose aurait pu se produire au moment du référendum tenu au Québec en 1980 si les résultats avaient été plus également divisés. Avant le référendum, René Lévesque avait dit espérer que la proposition référendaire ne serait pas défaite par une faible majorité : « […] toute majorité de situant autour des 45 à 50 p. 100 signifie évidemment que la majorité des francophones ont voté oui. […] Cela voudrait dire qu’une majorité de francophones a clairement exprimé un « oui », mais qu’elle a été bloquée par une minorité. » Même avec un rejet de la proposition dans une proposition de 60 à 40 p. 100, il estimait que la situation n’était pas entièrement claire : « À ce jour, nul ne sait si nos deux cinquièmes de oui représentèrent ce soir-là 49 ou 51 p. 100 du Québec français »(63).

Les résultats d’un référendum peuvent varier considérablement suivant la configuration géographique et le milieu social, même dans des sociétés comparativement homogènes. Lors du référendum tenu à Terre-Neuve, qui a été chaudement disputé, la population a approuvé l’entrée de cette province dans la Confédération par une mince majorité de 52 contre 48 p. 100. L’importance de la configuration géographique était évidente :

C’est surtout dans la Péninsule d’Avalon qu’on avait voté en faveur du gouvernement responsable; à l’extérieur de la péninsule, tous les districts, sauf un, s’étaient prononcés en faveur de l’union. Il semble que le découpage du vote ait été partiellement calqué sur les « frontières » confessionnelles : la population de la Péninsule d’Avalon était en majorité catholique romaine et l’archevêché catholique romain avait nettement pris position contre la Confédération(64).

Les situations susmentionnées viennent illustrer à quel point il est difficile de savoir comment procéder au décompte des votes dans un référendum. Certains ont laissé entendre qu’ « il était absolument essentiel lors du référendum tenu en Belgique que les résultats obtenus au niveau local tout comme ceux de la Belgique dans son ensemble soient rendus publics parce qu’ils ont fait la preuve que seulement une moitié de la population voulait de Léopold III, tandis que l’autre moitié n’en voulait pas »(65). La question cependant n’est pas simple.

En Grande-Bretagne, par exemple, le décompte et l’enregistrement se sont toujours faits par unités plus grandes que dans la plupart des pays démocratiques, mais lors du référendum de 1975 sur le maintien des liens avec la CEE, on a adopté des unités encore plus grandes afin qu’aucun député ne soit gêné par un écart évident entre ses propres opinions et celles de ses électeurs. Au départ, on se proposait de faire le décompter de tous les votes à Londres et d’annoncer seulement le résultat du vote à l’échelle nationale, surtout parce qu’on craignait que des résultats différents en Écosse, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord ne créent des difficultés politiques graves. Cette idée a été abandonnée par la suite tant pour des raisons administratives que politiques et les votes ont été comptés par comté plutôt que par circonscription.

Le gouvernement du Québec s’est rendu compte du problème lorsqu’il a rédigé son propre projet de loi sur le référendum :

Lors des élections, les suffrages, après avoir été comptés dans chaque bureau de scrutin, sont regroupés au niveau des circonscriptions électorales. On pourrait évidemment conserver cette façon de procéder lors des référendums. Il faut remarquer cependant qu’on risque alors de mettre en contradiction les électeurs et leur député. On pourrait obvier à cette difficulté en suivant l’exemple de la Grande-Bretagne et en faisant en sorte que les résultats de chaque bureau de scrutin soient regroupés au niveau de régions réunissant un certain nombre de circonscriptions électorales ou même au niveau de tout le Québec. Le gouvernement reste ouvert à l’une ou l’autre de ces trois méthodes(66).

Parfois, le problème en ce qui a trait à une division géographique ou sociale n’est pas la façon dont les bulletins de vote sont comptés, mais un refus de la minorité de participer au scrutin. Par exemple, dans le référendum sur les « frontières » de 1973, la population de l’Irlande du Nord devait indiquer si elle voulait ou non que sa région continue à faire partie du Royaume-Uni; 98 p. 100 des électeurs ont répondu oui à la question posée. Les résultats du référendum ont cependant été analysés de diverses façons car il était évident que de nombreux catholiques avaient refusé de prendre part au vote.


(1) Pour obtenir la liste des référendums nationaux, voir « Appendix A – National Referendums », dans David Butler et Austin Ranney, Referendums : A Comparative Study of Practice and Theory, Washington, American Enterprise Institute for Public Policy Research, 1978, p. 227-237.

(2) Les modalités pertinentes à la tenue d’un référendum dans certains pays sont décrites dans l’ouvrage Parlement, 1986. Seuls, les aspects pertinents sont abordés dans le présent document.

(3) On trouvera une liste des référendums et plébiscites tenus au Canada dans l’ouvrage de J. Patrick Boyer intitulé Lawmaking by the People : Referendums and Plebiscites in Canada, Toronto, Butterworths, 1982, p. 39-41.

(4) Thomas Foley, in « Reflections on Referendums », The Referendum Device, conférence parrainée par l’American Institute for Public Policy Research et la Hansard Society for Parliamentary Governments, Washington, 1981, Austin Ranney (éd.), 1982, p. 10 (traduction).

(5) David Butler, « The World Experience », The Referendum Device (1981), p. 75 (traduction)

(6) Ronald Butt, in « Reflections on Referendums », (1981), p. 12 (traduction).

(7) Robin Day, in « Reflections on Referendums », (1981), p. 9 (traduction).

(8) Thomas Foley, in « Reflections on Referendums » (1981), P. 10-11 (traduction).

(9) David Butler, « United Kingdom », in Referendums (1978), p. 218.

(10) Les mauvais calculs responsables des défaites référendaires subies en France en 1969 et en Norvège en 1972 ont mis un terme au règne des hommes qui avaient proposé les référendums. Au Danemark, en 1969, la proposition qui avait été rejetée a par la suite été adoptée après avoir été mise de l’avant de façon plus habile lors d’un référendum en 1971. Le gouvernement de la Suède qui a essuyé la défaite en 1955 avait agi de son propre chef, défiant ainsi une décision prise par voie de référendum. (Butler, « The World Experience » (1981), p. 74 (nbp 2)).

(11) Butler et Ranney in Referendums (1978), p. 8.

(12) Anthony King, in Reflections on Referendums (1981), p. 14 (traduction).

(13) Globe and Mail (Toronto), 7 septembre 1983, p. 11 (traduction).

(14) Ibid., 26 juin 1986, p. A14 (traduction).

(15) Day, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 9 (traduction).

(16) Boyer (1982), p. 60 (traduction).

(17) Philip Goodland, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 2 (traduction).

(18) Vincent Wright, « France », in Referendums (1978), p. 150 (traduction).

(19) Bureau de l’information sur l’unité canadienne, Ottawa, Pour mieux comprendre les référendums : six cas historiques, 1979, p. 27

(20) Ibid, p. 33.

(21) Sten Sparre Nilson, « Scandinavia » in Referendums (1978), p. 186 (traduction).

(22) Michael Steed, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 8 (traduction).

(23) L’Ontario, le Québec, deux provinces de l’Atlantique comptant au moins 50 p. 100 de la population de cette région et deux des provinces de l’Ouest comptant au moins 50 p. 100 de la population de l’Ouest.

(24) René Lévesque, La passion du Québec, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1978, p.146 et p. 155-156.

(25) Wright (1978), p. 153-154 (traduction).

(26) Don Butler, « Trudeau Urges Referendum Right in Constitution », Ottawa Citizen, 12 septembre 1980 (traduction).

(27) Québec, La consultation populaire au Québec, 1977, p. 9.

(28) Pour mieux comprendre les référendums, (1978), p. 11.

(29) Ibid., p. 31.

(30) Nilson (1978), p. 171-172 (traduction).

(31) Ibid., p. 172 (traduction).

(32) Wright (1978), p. 155 (traduction).

(33) Don Aitkin, « Australia », Referendums (1978), p. 131 (traduction).

(34) Pour mieux comprendre les référendums (1978), p. 38.

(35) Don Aitkin (1978), p. 131 (traduction).

(36) David Butler, « Discussion », Referendum Device (1981), p. 102 (traduction).

(37) Patrick Boyer (1982), p. 12; Butler et Ranney (1978), p. 4.

(38) Directeur général des élections du Québec, Québec, 1980, p. 6.

(39) Ministre d’État aux Relations fédérales-provinciales, Exposé du projet de loi sur le référendum du Canada, 1978, p. 5.

(40) Matthew Grafield, « Referendums and Plebiscites in Canada : Letting the People Choose, » Hearsay, vol. 14, nos 29-31 (1989), p. 29 (traduction).

(41) Edward McWhinney, Constitution-making, Toronto, University of Toronto Press, 1981, p. 39 (traduction)

(42) Jurg Steiner, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 6 (traduction).

(43) Jean-François Aubert, « Switzerland, » Referendums (1978), p. 45.

(44) Ibid., p. 66 (traduction).

(45) La Consultation populaire au Québec (1977), p. 7. Les problèmes que pose la tenue d’un référendum exécutoire en vertu de la Constitution actuelle sont analysés plus en détail dans un document rédigé par Jacques Rousseau et intitulé « Notes on Changes to the Constitution and Legislation that Would Need to be Enacted to Allow a Referendum, » Bibliothèque du Parlement (1986).

(46) Vernon Bogdenor, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 6 (traduction).

(47) Wright (1978), p. 156 (traduction).

(48) Nevil Johnson, « Types of Referendums, » The Referendum Device (1981), p. 21 (traduction).

(49) Gregory Mahler, New Dimensions of Canadian Federalism : Canada in a Comparative Perspective, London et Toronto, Associated University Presses, 1987, p. 73 (traduction).

(50) Vernon Bogdanor, « Referendums and Separatism II, » The Referendum Device (1981), p. 118-119 (traduction).

(51) Philip Goodhart, « Referendums and Separatism II, » The Referendum Device (1981), p. 143 (traduction).

(52) Philip Goodhart, « Referendums and Separatism I, » The Referendum Device (1981), p. 139 (traduction)

(53) Tom Dalyell, in « Reflections on Referendums » (1981), p. 17 (traduction).

(54) Bogdanor (1981), p. 158 (traduction).

(55) Bulter et Ranney (1978), p. 18 (traduction).

(56) The Referendum Device (1981), Annexe, p. 182 (traduction).

(57) Québec, La consultation populaire au Québec, (1977), p. 6.

(58) The Referendum Device (1981), Annexe, p. 183 (traduction).

(59) Austin Ranney, « Regulating the Referendum, » The Referendum Device (1981), p. 92.

(60) Butler, « The World Experience » (1981), p. 75-76 (traduction).

(61) La consultation populaire au Québec (1977), p. 9.

(62) Aitkin (1978), p. 131-132 (traduction).

(63) « Attendez que je me rappelle » (1979), Québec/Amérique, Montréal, 1986, p. 414.

(64) Pour mieux comprendre les référendums, (1978), p. 12.

(65) Butler, « Discussion, » The Referendum Device (1981), p. 82 (traduction).

(66) La consultation populaire au Québec (1977), p. 19.