BP-272F
LE POUVOIR DE DÉPENSER :
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES
RESTRICTION DU POUVOIR DE DÉPENSER JURISPRUDENCE
RELATIVE AU RÉGIME D'ASSISTANCE PUBLIQUE
LE POUVOIR DE DÉPENSER : PORTÉE ET LIMITES
La notion du « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral est un fait constitutionnel relativement récent. Elle résulte des initiatives prises par le gouvernement fédéral immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale et est étroitement liée aux efforts visant à centraliser le pouvoir de taxation(1). En versant des fonds, soit unilatéralement, soit en collaboration avec les provinces, pour divers programmes de santé, de services sociaux, déducation et de développement, le gouvernement fédéral a radicalement modifié la façon dont on abordait, au Canada, certaines questions qui étaient essentiellement de la compétence des provinces. Le pouvoir de dépenser est donc devenu le principal instrument dinfluence du gouvernement fédéral dans des domaines qui, sur le plan législatif, relèvent des provinces, tels que les soins de santé, léducation, le bien-être, la formation de la main-doeuvre et le développement régional. En versant des contributions financières pour certains programmes provinciaux donnés, le gouvernement fédéral pouvait influer sur les politiques provinciales et les normes applicables aux programmes. Jusquaux années 60, la plupart des provinces ont accepté cette influence fédérale accrue, mais le Québec sy est opposé et a refusé daccepter certaines contributions. Avec lélection dun nouveau gouvernement provincial en 1960, les objections du Québec se sont cristallisées et, dans les années qui ont suivi, dautres provinces ont commencé à juger inadmissible la présence fédérale accrue. En conséquence, les provinces ont reçu, en 1964, le droit de se « retirer » des programmes financés par le biais du pouvoir de dépenser et de recevoir des abattements fiscaux en guise de compensation. Seul le Québec sest prévalu de cette disposition(2). Lors dune conférence fédérale-provinciale des premiers ministres tenue en juin 1969, le gouvernement fédéral a présenté un document intitulé « Les subventions fédérales-provinciales et le pouvoir de dépenser du Parlement canadien », qui, pour la première fois, traitait du caractère évolutif du « pouvoir de dépenser » :
Dans le document fédéral, il était signalé quil y avait certains désaccords entre les spécialistes en droit constitutionnel au sujet des limites que comportait le pouvoir de dépenser. Certains, comme Bora Laskin et G. V. La Forest(4), ont fait valoir que le Parlement pouvait verser des subventions conditionnelles ou inconditionnelles dans nimporte quel but en autant que le programme néquivaille pas à une législation ou une réglementation dans un domaine de compétence provinciale. Dautres, y compris la Commission Tremblay au Québec, ont soutenu que le Parlement navait aucun pouvoir de verser des subventions de quelque nature que ce soit dans les domaines de compétence provinciale exclusive. Dautres encore semblaient davis que des subventions inconditionnelles - mais non des subventions conditionnelles - pouvaient être versées à juste titre dans des domaines de compétence provinciale. Les gouvernements provinciaux ont fait valoir que le gouvernement et le Parlement du Canada ne devaient pas détenir le pouvoir de lancer des programmes à frais partagés sans obtenir le consentement unanime des provinces parce que ladministration de ces programmes incombait aux provinces, que les programmes à frais partagés forçaient les provinces à modifier leurs priorités en matière de dépenses et de fiscalité et que les citoyens des provinces qui avaient choisi de se « retirer » étaient assujettis à une « taxation sans en tirer davantages ». Le gouvernement fédéral, pour sa part, insistait sur limportance du pouvoir de dépenser pour que lon puisse offrir des chances égales à tous les Canadiens (p. ex., par le versement dallocations familiales), uniformiser les services publics provinciaux (p. ex., dans les domaine de la santé, du bien-être, de léducation et des routes), assurer le développement économique régional et mener à bien des programmes de portée nationale tels quExpo 67. Au bout du compte, le gouvernement fédéral a « proposé » certains principes : 1) le pouvoir du gouvernement fédéral de dépenser devrait être enchâssé dans la Constitution, 2) le Parlement devrait avoir le pouvoir illimité de verser des subventions inconditionnelles aux gouvernements provinciaux dans le but dappuyer leurs programmes et leurs services publics, et 3) le pouvoir du Parlement dinstaurer des programmes à frais partagés comportant des subventions conditionnelles dans des domaines de compétence provinciale devrait être assujetti à la condition que soit obtenu un large consensus national et que soient remboursés directement les habitants (et non le gouvernement) dune province dont lassemblée législative a choisi de ne pas participer à un tel programme. Le débat au sujet du pouvoir de dépenser sest poursuivi mais de façon plus discrète tout au long des diverses négociations constitutionnelles durant les années 70 et 80. En 1986, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser est devenue lune des cinq conditions exigées par le Québec pour donner son appui à la Loi constitutionnelle de 1982. Ainsi, lAccord du Lac Meech de 1987 aurait ajouté un nouvel article à la Constitution, soit larticle 106A, immédiatement après larticle traitant du pouvoir du gouvernement fédéral en matière daffectation de crédits. En vertu de larticle 106A, le gouvernement de toute province qui aurait décidé de ne pas participer à un programme à frais partagés dans un domaine de compétence provinciale exclusive aurait pu obtenir une compensation raisonnable, à condition doffrir un programme compatible avec les objectifs nationaux. En tant que mécanisme fiscal, le pouvoir de dépenser nest pas difficile à comprendre, mais il a toujours été controversé dun point de vue constitutionnel. E.A. Dreidger a soutenu que le « pouvoir de dépenser » était dabord apparu au niveau constitutionnel avec la publication du document fédéral présenté lors de la Conférence constitutionnelle fédérale-provinciale de juin 1969. Cependant, Dreidger a été incapable de retrouver lexpression « pouvoir de dépenser » dans tout jugement ou loi canadienne avant 1981(5). On peut donc soutenir que le « pouvoir de dépenser » nest quune extension du pouvoir de taxation jusquau point ou le gouvernement fédéral a suffisamment de recettes pour soutenir des programmes nationaux en plus dexécuter son mandat constitutionnel spécifique. Peter Hogg convient que le pouvoir de dépenser nest pas explicite dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais il affirme quon peut le déduire du pouvoir de percevoir des impôts (paragraphe 91(3)), de légiférer en rapport avec la « propriété publique » (paragraphe 91(1A)) et daffecter des fonds fédéraux (article 106)(6). La nature du pouvoir de dépenser est aussi contestée que ses origines. Ceux qui, comme Dreidger, remettent en question lexistence constitutionnelle distincte du pouvoir de dépenser soulignent que le gouvernement fédéral na pas besoin dobtenir un pouvoir constitutionnel supplémentaire pour dépenser ses fonds comme il le souhaite, en autant quil ne réglemente pas de fait des domaines de compétence provinciale. Dreidger note que lArmée du Salut na aucun pouvoir de légiférer en ce qui a trait aux hôpitaux mais quelle fonde et exploite de tels établissements(7). On peut supposer quelle a aussi le droit de verser des subventions à des hôpitaux, à certaines conditions, en autant quelle ne singère pas dans le pouvoir de réglementation des hôpitaux que possèdent les provinces. Les provinces sont toujours libres de refuser de participer à des programmes à frais partagés. Incidemment, en 1975, aucune province na accepté la proposition du gouvernement fédéral voulant que le gouvernements provinciaux étendent leurs services sociaux aux autochtones, à la condition que le gouvernement fédéral défraie 100 p. 100 des services offerts aux Indiens vivant sur des réserves et partage avec les provinces les coûts des services offerts aux Indiens vivant à lextérieur des réserves. En outre, il semble ny avoir aucun raison technique pour que le pouvoir de dépenser ne soit envisagé que dans une perspective fédérale. En théorie, les dix provinces pourraient se regrouper et adopter une position uniforme dans un domaine de compétence fédérale (p. ex., les pêches) et ensuite offrir de partager les frais dun programme commun si le gouvernement fédéral était disposé à ladministrer. De même, bien que le commerce international soit exclusivement de compétence fédérale, plusieurs provinces maintiennent au moins une délégation commerciale à létranger. Dun certain point de vue, donc, le pouvoir fédéral de dépenser nest rien dautre que la capacité du gouvernement fédéral de percevoir des recettes et de dépenser ensuite ces fonds au delà des montants dont il a besoin pour assumer ses responsabilités constitutionnelles particulières. Par ailleurs, dautres sont davis que lampleur et la nature des transferts monétaires et fiscaux entre les gouvernements constituent essentiellement une redistribution de fait des pouvoirs en vertu de la Constitution(8). Cette opinion au sujet du pouvoir de dépenser en tant que notion constitutionnelle distincte a été pertinemment résumée dans un jugement récent :
Quel que soit le statut constitutionnel du pouvoir de dépenser, la plupart des observateurs reconnaissent que son utilisation comporte à la fois des avantages et des désavantages. Avantages
Désavantages
RESTRICTION DU POUVOIR DE DÉPENSER Quelle que soit la façon dont est perçu le statut constitutionnel du pouvoir de dépenser, il y a assurément des limites quant à la façon dont les fonds sont amassés et à la façon dont ils sont dépensés. Malgré le pouvoir étendu de taxation qua le gouvernement fédéral, une loi fiscale pourrait être contestée si elle était conjuguée explicitement à un programme de dépenses qui déborde la compétence fédérale. Bien que, par exemple, les questions environnementales soient en grande partie de compétence provinciale, le gouvernement fédéral peut financer des programmes environnementaux pour sattaquer à des problèmes locaux dans les provinces. Par contre, si le gouvernement fédéral établissait une taxe dans le but avoué de réaliser un objectif environnemental local ou dy contribuer financièrement, les tribunaux pourraient invalider la mesure législative en cause. De même, une surtaxe fédérale destinée spécifiquement à créer un fonds de bourses détude pourrait soulever des problèmes.
Même lorsque le gouvernement fédéral exerce comme il se doit son pouvoir de prélever des impôts, il ne peut pas en faire nimporte quoi. Sil peut dépenser ou donner son argent comme bon lui semble(12), il ne peut réglementer directement les activités qui sont de compétence provinciale.
Il est cependant facile de voir pourquoi les provinces peuvent être irritées par lutilisation du pouvoir de dépenser. Une fois que le gouvernement fédéral a pris linitiative doffrir de partager le coût dun programme quil propose aux provinces dadministrer, les options qui soffrent aux provinces sont sérieusement restreintes. Si le gouvernement provincial noffre pas les mêmes avantages que ceux qui sont offerts aux résidents des autres provinces, il en subira vraisemblablement des conséquences politiques. Toutefois, si la province accepte de participer au programme, elle peut ne pas être en mesure dassumer les dépenses requises ou encore elle devra sacrifier dautres priorités budgétaires. Il y a aussi la possibilité que le gouvernement fédéral puisse se retirer du programme, laissant la province seule à assumer des responsabilités financières accrues. La réalité politique impose aussi des contraintes majeures à la mise en oeuvre ou à la modification de programmes nationaux à frais partagés. Il serait manifestement difficile dabandonner un important programme à frais partagés une fois quil a été lancé. Ainsi, pour des raisons politiques, la province elle-même peut rarement se prévaloir de la possibilité de mettre fin à de tels programmes bien quelle puisse se trouver de moins en moins capable dassumer des dépenses accrues. Le gouvernement du Canada, par le biais de son pouvoir de dépenser, dispose dun puissant levier politique(14). Les contraintes auxquelles fait face le gouvernement fédéral sont toutefois presque aussi sévères. En imposant des conditions plus rigoureuses ou même en appliquant des conditions moins sévères, le gouvernement fédéral court le risque doutrepasser la ligne de partage des pouvoirs; le retrait, voire la diminution, du financement offert comporte aussi des risques politiques importants. Ainsi, depuis 1977, la contribution du gouvernement fédéral aux programmes du FPÉ (financement des programmes établis, dans les domaines de lenseignement post-secondaire, de lassurance-hospitalisation et de lassurance-santé) a été déterminée en vertu dune formule liée à la croissance du produit national brut et à la population de chacune des provinces plutôt quen fonction des coûts réels. En théorie, cela incite davantage les provinces à réduire leurs dépenses, et le gouvernement fédéral a ainsi moins intérêt à contrôler ou à vérifier ces dépenses. Les tentatives récentes en vue dimposer des plafonds semblables à la croissance des transferts en vertu du Régime dassistance publique du Canada ont toutefois soulevé des critiques et mené à une contestation devant les tribunaux. JURISPRUDENCE
RELATIVE AU RÉGIME DASSISTANCE PUBLIQUE Les dispositions du Régime dassistance publique du Canada(15) autorisent le gouvernement du Canada à conclure des accords avec les gouvernements provinciaux pour le versement de contributions visant à assumer une partie des coûts de laide sociale et du bien-être social. Dans ses grandes lignes, larticle 5 du Régime permet des contributions fédérales équivalant à 50 p. 100 des dépenses admissibles de chaque province. Les accords conclus en vertu du Régime demeurent en vigueur aussi longtemps que les régimes provinciaux daide sociale et de bien-être social restent en place, à moins dêtre révoqués par consentement mutuel ou préavis dun an de lune ou lautre des parties. En 1990, le gouvernement fédéral a décidé de réduire ses dépenses, en partie en imposant une limite aux contributions versées en vertu du Régime aux provinces financièrement plus à laise. En conséquence, une loi a été déposée pour permettre que les contributions fédérales versées à certaines provinces naugmentent pas plus de 5 p. 100 pour les années se terminant le 31 mars 1990 et le 31 mars 1991(16). Les provinces touchées sont celles qui nétaient pas admissibles au versement de paiements de péréquation pour lune ou lautre de ces années, cest-à-dire la Colombie-Britannique, lAlberta et lOntario. En février 1990, le gouvernement de la Colombie-Britannique a soumis deux questions à lattention de la Cour dappel de cette province :
La Cour dappel de la Colombie-Britannique a répondu « non » à la première question et « oui » à la seconde. La Cour suprême du Canada, cependant, a donné une réponse contraire à chacune des deux questions(17). Dans son jugement portant sur lappel, la Cour suprême du Canada sest dabord demandée si ces questions étaient assujetties à la compétence des tribunaux ou si, comme le procureur général du Canada le faisait valoir, elles étaient de nature politique et, de ce fait, ne pouvaient faire lobjet dune intervention judiciaire. Le tribunal a jugé que les deux questions avaient un contenu juridique suffisant pour justifier un arrêt judiciaire :
Le tribunal a fait remarquer que la formule de contribution figurait uniquement à larticle 5 du Régime et non dans laccord auxiliaire conclu avec la Colombie-Britannique, qui ne fait mention que des contributions que le Canada est autorisé à verser à cette province en vertu de la Loi (Régime) et du Règlement. Par conséquent, les contributions peuvent faire lobjet de modifications dans la mesure où le Régime lui-même peut être modifié. Le paragraphe 42(1) de la Loi dinterprétation fédérale précise que chaque loi doit être conçue de façon à réserver au Parlement le pouvoir de labroger ou de la modifier, ce qui reflète le principe de la souveraineté parlementaire. En vertu de ce principe et de la Loi dinterprétation, le Parlement était en droit de modifier le Régime et, par conséquent, la formule de contribution. La réponse à la première question de la Colombie-Britannique a donc été affirmative. Quant à la deuxième question, le tribunal a dabord réitéré la notion de la doctrine de lexpectative légitime :
Cependant, la doctrine de lexpectative légitime fait partie des règles déquité procédurale et ne peut créer de droits substantifs. Ainsi, tout au plus, la Colombie-Britannique aurait pu légitimement sattendre à ce que le gouvernement fédéral la consulte avant dagir, mais non que le gouvernement fédéral obtienne son consentement. En outre, les règles régissant léquité procédurale ne sappliquent pas à un organe exerçant des fonctions purement législatives, et le tribunal na pas lintention de singérer dans le processus législatif. Le procureur général de la Colombie-Britannique avait fait valoir que lexpectative légitime de la province aurait dû empêcher le gouvernement de déposer le projet de loi, sinon le Parlement de ladopter. La Cour suprême a rejeté cet argument en invoquant que « [l]e gouvernement parlementaire serait paralysé si la théorie de lexpectative légitime pouvait sappliquer de manière à empêcher le gouvernement de déposer un projet de loi au Parlement »(20). En outre, une telle interprétation de la doctrine constituerait une entrave au principe fondamental selon lequel le gouvernement nest pas lié par les engagements de son prédécesseur. Les provinces et le Conseil national des autochtones du Canada ont présenté divers autres arguments que le tribunal a étudié brièvement, même sils sortaient du cadre des deux questions soumises par le gouvernement de la Colombie-Britannique. La question de la compétence législative, soulevée par le procureur général du Manitoba, faisait spécifiquement mention du « pouvoir de dépenser ».
Le tribunal a soutenu que le simple refus de verser des fonds fédéraux jusque-là accordés pour financer une matière de compétence provinciale ne revient pas à réglementer cette matière. Les « répercussions » que le projet de loi C-69 pourrait avoir sur un domaine de compétence provinciale « ne sont manifestement pas suffisantes pour conclure quune loi empiète sur la compétence de lautre palier de gouvernement »(22). Enfin, le procureur général du Manitoba a aussi fait valoir que le « principe essentiel du fédéralisme » devrait empêcher le Parlement dintervenir dans des domaines de compétence provinciale et que le tribunal devrait superviser lexercice du pouvoir de dépenser afin de protéger lautonomie des provinces. La Cour suprême a conclu simplement que « [l]a surveillance du pouvoir de dépenser ne constitue cependant pas un sujet distinct de contrôle judiciaire. Si une loi nest ni inconstitutionnelle ni contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux nont nullement compétence pour surveiller lexercice du pouvoir législatif »(23). Le pouvoir de dépenser suppose le transfert de fonds ou de points dimpôt plutôt que la compétence, et les domaines les plus touchés par celui-ci (la santé, léducation, le bien-être, la formation professionnelle et le développement régional) sont déjà des domaines de compétence provinciale. En théorie du moins, la suppression du pouvoir de dépenser pourrait tout simplement comporter lélimination de ces transferts fédéraux aux provinces. En pratique, les provinces insisteraient presque à coup sûr pour obtenir un transfert de points dimpôt ou de fonds. En finançant des programmes nationaux, même si ceux-ci se trouvent dans le champ de compétence des provinces, le gouvernement fédéral a la possibilité duniformiser des normes nationales. Dans le cas des programmes du FPÉ, même sil ny a pas de contrôle fédéral sur les dépenses réelles, le montant transféré est calculé en fonction de la population. Si, toutefois, le gouvernement fédéral retire son financement et cède lespace fiscal ou des points dimpôt(24), le résultat pourrait facilement être inéquitable dune province à lautre. Les provinces les plus pauvres recevraient proportionnellement moins que les provinces riches par habitant, même si, de fait, elles appliquaient la même augmentation en pourcentage au niveau de limpôt provincial. Sil y avait transfert de fonds selon une formule par habitant, les résultats seraient plus équitables, mais compromettraient toujours les normes nationales. Dans lensemble, il semble que peu de choses aient changé depuis que le juge La Forest a rédigé son éminent ouvrage; la question en demeure une de normes, de financement et de mécanismes de coordination plutôt que de changement constitutionnel.
(1) « En plus de sa politique générale de reconstruction et dune approche plus interventionniste, notamment en matière de bien-être, le gouvernement a jugé essentiel de centraliser le pouvoir de taxation pour promouvoir les politiques économiques keynésiennes quil envisageait d'appliquer et quil a suivi avec beaucoup de succès pendant une longue période durant l'après-guerre avec une détermination qui est probablement sans équivalent dans aucun autre pays ». G.V. La Forest, The Allocation of Taxing Power Under the Canadian Constitution, 2e éd., Canadian Tax Paper n° 65, Association canadienne détudes fiscales, 1981, p. 28 (traduction). (2) Ibid., p. 31-33. (3) Anne Bayefsky, Canadas Constitution Act 1982 and Amendments: A Documentary History, vol. 1, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1989, p. 146-162 (traduction). (4) Par la suite, M. Laskin est devenu juge en chef et M. La Forest, juge de la Cour suprême du Canada. (5) E.A. Dreidger, « The Spending Power », Queens Law Journal, vol. 7, 1981, p. 124. (6) Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2e éd., Toronto, Carswell, 1985, p. 124. (7) Dreidger (1981), p. 125. (8) Thomas J. Courchene, « The Fiscal Arrangements: Focus on 1987 », Ottawa and the Provinces: the Distribution of Money and Power, vol. I, Conseil économique de lOntario, rapport de recherche spécial, 1985, p. 4. (9) Winterhaven Stables Ltd. c. Canada (1988), 53 D.L.R., (4th) 413, p. 415 (traduction). (10) Joseph E. Magnet, Constitutional Law of Canada: Cases, Notes and Materials, 5e éd., Les Éditions Yvon Blais Inc. 1993, p. 381-382. (11) Ibid., p. 380-381 (traduction). (12) Un certain nombre de jugements viennent confirmer que le gouvernement fédéral peut dépenser ses recettes dans des domaines qui débordent sa compétence législative : dans Angers c. M.R.N., [1957], Ex. C.R. 83, la Cour a maintenu la validité des allocations familiales fédérales; et dans SCHL c. Coop College Residences (1975), 13 O.R. (2d) 394 (CAO) la validité des prêts fédéraux destinés à construction de résidences détudiants a été maintenue. (13) Winterhaven Stables, 434 (traduction). (14) Dreidger (1981), p. 134. (15) Édicté par S.C. 1966-1967, c. 45 maintenant S.R.C., 1985 c. C-1. (16) Le projet de loi C-69, Loi modificative portant compression des dépenses publiques, a été déposé le 15 mars 1990 et a reçu la sanction royale le 1er février 1991 pour devenir la Loi sur la compression des dépenses publiques, L.C. 1991, chap. 9. (17) Renvoi relatif au Régime dassistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525. (18) Ibid., p. 546. (19) Ibid., p. 557; tiré des raisons du jugement majoritaire dans la cause Association des résidents du Vieux Saint-Boniface c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S., 1170, à la p. 1204. (20) Ibid., p. 559. (21) Ibid., p. 564. (22) Ibid., p. 567. (23) Ibid. (24) La « marge fiscale » et les « points dimpôt » sont des notions difficiles dune application pratique restreinte. Au risque de simplifier à outrance, disons que la capacité totale des Canadiens de verser des impôts est considérée en quelque sorte comme une tarte que se partagent les deux paliers de gouvernement. Ainsi, si le gouvernement fédéral réduit sa part, les provinces disposent dune plus grande « marge fiscale » pour financer de nouveaux programmes. (25) La Forest (1981), p. 38 (traduction). |