BP-275F

L'UNION ÉCONOMIQUE : UNE COMPARAISON DES
PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT CANADIEN ET
DES PLANS DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

 

Rédaction :
Anthony Chapman
Division de l'économie
Octobre 1991


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET SES INSTITUTIONS

   A. Généralités

   B. Principales institutions décisionnelles de la Communauté européenne

      1. La Commission européenne

      2. Le Conseil des ministres

      3. Le Parlement européen

      4. Le Conseil européen

L’UNIFICATION ÉCONOMIQUE DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

   A. L’Acte unique européen

   B. Europe 1992 : le plan du marché unique

      1. Suppression des barrières physiques

      2. Suppression des barrières techniques

         a. Normes

         b. Achats de l’État

         c. Libre circulation des travailleurs et des professionnels

         d. Marché commun pour les services

      3. Suppression des barrières fiscales

   C. Union économique et monétaire

COMPARAISON DU TRAITÉ INSTITUANT LA CEE ET DE
L’ARTICLE 121 DE LA CONSTITUTION (PROPOSÉ)

   A. Interdiction des barrières intérieures

      1. Les propositions du gouvernement canadien

      2. Les règles de la Communauté économique européenne

      3. Analyse

   B. Exceptions à l’interdiction des barrières intérieures

      1. Les propositions du gouvernement canadien

      2. Règles de la Communauté économique européenne

         a. Exceptions à la libre circulation des biens

         b. Exceptions à la libre circulation des personnes

         c. Exceptions à la libre circulation des services

         d. Exceptions à la libre circulation des capitaux

         e. Autres exceptions

      3. Analyse

COMPARAISON DU PROCESSUS D’INTÉGRATION DU TRAITÉ INSTITUANT
LA CEE ET DES NOUVEAUX POUVOIRS CONSTITUTIONNELS PROPOSÉS

   A. Les propositions du gouvernement canadien

   B. Intégration économique dans la Communauté européenne

   C. Analyse

L’AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS CONCERNANT
LE SECTEUR FINANCIER

   A. Les propositions du gouvernement canadien

   B. Le règlement de la Communauté économique européenne

   C. Analyse

COORDINATION ET HARMONISATION DES POLITIQUES
MACRO-ÉCONOMIQUES

   A. Les propositions du gouvernement canadien

   B. Les propositions de la Communauté économique européenne

   C. Analyse

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


L'UNION ÉCONOMIQUE : UNE COMPARAISON DES
PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT CANADIEN ET
DES PLANS DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

INTRODUCTION

Le 24 septembre 1991, le gouvernement canadien a publié un document de 60 pages, Bâtir ensemble l’avenir du Canada ? Propositions, conçu pour servir de point de départ aux discussions sur l’avenir politique et économique du Canada. Parmi les propositions les plus controversées se trouvent celles qui visent à supprimer les barrières et restrictions économiques internes et à renforcer la coordination et l’harmonisation des politiques macro-économiques. Ces idées de promotion de l’intégration économique du Canada ont été davantage précisées dans le document Le fédéralisme canadien et l’union économique : partenariat pour la prospérité, paru le 26 septembre.

Alors que le Canada fait depuis peu face à une possibilité réelle de morcellement politique et peut-être économique, la Communauté européenne, de l’autre côté de l’océan Atlantique, est en train de mettre en place un ambitieux programme pour intégrer 12 marchés nationaux en un seul marché intérieur qui devrait mener en bout de ligne à une union économique et politique. Les leçons que pourrait tirer le Canada de l’intégration européenne ont été illustrées dans La Communauté européenne : un modèle politique pour le Canada?, l’un des documents de référence qui accompagnaient les propositions du gouvernement. Bien qu’il y ait des différences évidentes sur le plan politique entre le modèle confédéral de la CE et la fédération canadienne, la CE peut donner certaines leçons au Canada en matière d’intégration de l’économie. Vu les similarités entre le plan de marché unique de la CE et les propositions du gouvernement canadien en vue d’une union économique, le gouvernement fédéral devrait écouter ces leçons avec attention.

Dans la première partie du présent document, nous donnons des renseignements sur la CE, sur ses origines et sur les principales institutions décisionnelles qui la composent. Dans la deuxième partie, nous résumons le programme « Europe 1992 » et le programme de création d’une « Union économique et monétaire » (UEM) visant la réussite de l’intégration économique de la CE. Dans la troisième partie, nous comparons les propositions du gouvernement canadien pour l’union économique au processus d’intégration européenne.

LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET SES INSTITUTIONS

   A. Généralités

La Communauté européenne se compose de trois communautés : la première, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), a été instaurée par le traité de Paris (1951) dans le but d’unifier les marchés du charbon et de l’acier de la Belgique, de la France, de l’Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas et de l’Allemagne de l’Ouest; la deuxième, la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou Euratom) a été formée par ces six mêmes pays dans le traité de Rome (1957) et elle vise à coordonner et à favoriser le développement de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques; la troisième, la Communauté économique européenne (CEE), instituée en 1957 par un autre traité de Rome, vise la création d’un marché commun qui jetterait les bases d’une union politique et économique. Même si, sur le plan juridique, ce sont trois communautés distinctes, elles partagent maintenant les mêmes institutions et disposent d’un budget commun. Sur le plan politique, elles sont considérées comme une seule « communauté européenne ».

Pour comprendre le processus de l’unification européenne, il est utile d’avoir certaines connaissances des institutions et des procédures de prise de décision de la Communauté européenne. Dans la partie suivante de ce document, nous abordons les principales institutions de la CE et nous traitons de leur rôle respectif dans le processus décisionnel de la Communauté. Il importe de savoir que la CE est un regroupement de pays qui ont choisi d’être soumis à institutions supranationales. Les institutions de la CE ne peuvent pas agir indépendamment d’une majorité des États membres. Il y a une énorme différence entre la CE, où le gouvernement n’a pas le pouvoir de recueillir des recettes directement par des impôts, et la fédération canadienne, où le gouvernement central possède ses propres pouvoirs fédéraux, très étendus, et peut agir indépendamment des gouvernement qui le composent.

   B. Principales institutions décisionnelles de la Communauté européenne

      1. La Commission européenne

La Commission européenne, qui regroupe 17 membres nommés par accord des États membres et qui compte plus de 15 000 employés, est l’initiative de la politique communautaire, la gardienne des traités et la protectrice de l’intérêt communautaire. La Commission a pour mandat de présenter des propositions, qui font l’objet d’une étude et d’un vote des autres organismes décisionnels. Ainsi, la Commission a présenté un Livre blanc « L’achèvement du marché intérieur » (« Europe 1992 ») et a la responsabilité de rédiger les textes de loi nécessaires pour mettre ce programme en oeuvre. La Commission a aussi la responsabilité de gérer et de superviser les traités, ainsi que de faire respecter les règles des traités par les gouvernements et les sociétés. (Pour des raisons de concurrence, la Commission a récemment bloqué l’achat, par un consortium européen, de la société De Havilland, constructeur canadien d’aéronefs.)

      2. Le Conseil des ministres

Il a été dit que la Commission propose et que le Conseil dispose. Les initiatives de la Commission sont étudiées par le Parlement européen et font ensuite l’objet d’un vote du Conseil des ministres, qui représente directement les gouvernements des États membres. Théoriquement les membres du Conseil sont les ministres des Affaires étrangères des gouvernements des États membres mais dans les faits, les membres changent selon les sujets abordés. Par exemple, lorsqu’il est question d’agriculture, chaque pays délègue à la réunion le ministre ou le sous-ministre de l’Agriculture. La présidence du Conseil est exercée à tour de rôle par chaque État membre pour une durée de six mois.

Même si le traité instituant la CEE a proposé le principe du vote majoritaire du Conseil des ministres pour la plupart des questions, aux termes du compromis dit « du Luxembourg », tout État membre avait le droit de s’opposer à une décision qui allait à l’encontre de ses intérêts nationaux essentiels. C’est ainsi que les États membres ont eu le droit d’opposer leur veto aux propositions avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord. Les modifications que l’Acte unique européen a apportés au traité instituant la CEE se sont traduits par un plus grand recours au vote majoritaire par le Conseil des ministres. La « majorité qualifiée » au Conseil des ministres est de 54 voix sur 76. Les voix sont pondérées comme suit : Royaume-Uni, Allemagne, France et Italie, 10 voix chacun, Espagne, 8 voix, Belgique, Grèce, Pays-Bas et Portugal, 5 voix chacun, Danemark et Irlande, 3 voix chacun, et Luxembourg, 2 voix.

      3. Le Parlement européen

Même si les 518 membres qui composent le Parlement européen sont maintenant élus directement par les électeurs des États membres, celui-ci n’a pas le pouvoir de présenter des lois ou même de rejeter ou de modifier les propositions de la Commission si le Conseil des ministres décide de ne pas en tenir compte. Le Parlement européen a essentiellement un rôle de consultation; il étudie les propositions de la Commission et les commente. Le Parlement a toutefois le pouvoir de rejeter les budgets proposés et, par une majorité des deux tiers, de provoquer la démission de la Commission.

      4. Le Conseil européen

Il ne faut pas confondre le Conseil européen, qui comprend les chefs des gouvernements des États membres, avec le Conseil des ministres. Le traité initial instituant la CEE ne prévoyait pas le Conseil européen; celui-ci a été créé lors du sommet de Paris en 1974, où il a été convenu que les chefs d’État et leurs ministres des Affaires étrangères ainsi que le Président de la Commission et l’un des vice-présidents de la Commission se réuniraient régulièrement. Intégré par la suite à l’Acte unique européen, le Conseil européen fournit l’élan politique nécessaire pour organiser des conférences intergouvernementales sur des réformes majeures telles que le programme d’un marché unique, l’union économique et monétaire et l’union politique.

L’UNIFICATION ÉCONOMIQUE DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

   A. L’Acte unique européen

Bien que le traité de Rome de 1957 établissant la Communauté économique européenne ait envisagé l’élimination des barrières internes à la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux (les quatre libertés), l’évolution vers ce but s’est faite lentement une fois les tarifs et les quotas internes supprimés en 1968. En fait, à la fin des années 70 et au début des années 80, la montée du chômage intérieur combinée à la concurrence de l’Extrême-Orient a conduit à un accroissement du protectionnisme chez les États membres.

En 1985, la Commission de la Communauté européenne a présenté au Conseil européen un Livre blanc, « L’achèvement du marché intérieur », qui proposait plus de 300 directives (nombre réduit à 279 par la suite) destinées à briser les obstacles du marché intérieur à la pleine réalisation des quatre libertés. Ces barrières internes ont été regroupées en catégories physiques, techniques ou financières selon leur nature, et la solution proposée a commencé à être connue sous le nom de « Europe 1992 » à cause de l’échéance du 31 décembre 1992 pour la mise en place complète du plan.

L’Acte unique européen (AUE), la première révision importante du traité instituant la CEE, avait pour but d’établir le marché interne et d’apporter au traité les changements nécessaires pour permettre la présentation et l’adoption du programme « Europe 1992 ». L’AUE a facilité le processus décisionnel en prévoyant l’utilisation du vote à majorité qualifiée pour les mesures qui concernent l’établissement et le fonctionnement du marché interne. Des exceptions ont été faites pour les dispositions financières et pour les dispositions relatives à la liberté de circulation des personnes, ainsi qu’aux droits et aux intérêts de la main-d’oeuvre.

Une autre caractéristique importante de l’AUE a été d’incorporer dans le traité de la CEE le principe de la « reconnaissance mutuelle ». L’article 100 B du traité demande à la Commission de recenser, en 1992, les dispositions législatives, réglementaires et administratives qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation. Le Conseil peut décider, à la majorité qualifiée, que des dispositions en vigueur dans un État membre doivent être reconnues comme équivalentes à celles qu’applique un autre État membre. Enfin, l’AUE a jeté les bases de propositions d’union économique et monétaire et d’union politique qui ont été présentées par la suite.

   B. Europe 1992 : le plan du marché unique

      1. Suppression des barrières physiques

  • Abolition des contrôles frontaliers pour les biens et les personnes par la suppression des raisons pour lesquelles ces contrôles existent.

  • Normalisation des formulaires douaniers; élimination des permis bilatéraux réglementant le transport par camion entre les pays; adoption de quotas à l’échelle de la CE concernant les biens soumis à des restrictions en provenance de pays tiers; suppression du besoin d’ajustement pour les prix agricoles aux frontières internes; harmonisation de la TVA et des taxes d’accise (mesures fiscales); harmonisation des normes de santé applicables aux produits (normes techniques); harmonisation des lois concernant les drogues et les armes.

      2. Suppression des barrières techniques

         a. Normes

  • Harmonisation des normes essentielles concernant la santé et la sécurité à l’échelle de la Communauté.

  • Reconnaissance mutuelle des normes techniques des autres membres là où la santé et la sécurité ne sont pas en jeu.

         b. Achats de l’État

  • Ouverture des achats de l’État aux fournisseurs étrangers par la suppression des lacunes qui existent dans les règlements de la CE concernant les achats de l’État, l’autorisation pour les firmes d’entamer des poursuites judiciaires en ce qui concerne la façon dont les contrats gouvernementaux sont accordés, l’amélioration de la surveillance des pratiques d’achat des États membres, et l’ouverture aux soumissions extérieures des secteurs précédemment fermés de l’énergie, des transports, des télécommunications et de l’eau.

         c. Libre circulation des travailleurs et des professionnels

  • Adoption de mesures pour faciliter la libre circulation des travailleurs et des professionnels par l’application du principe de reconnaissance mutuelle des grades et diplômes des différents États, par l’établissement des équivalences au titre de la formation professionnelle et par la suppression des obstacles liés aux exigences de résidence.

         d. Marché commun pour les services

  • Intégration du marché européen des services financiers par l’harmonisation des normes en matière de suffisance du capital et des exigences comptables pour les institutions financières, et par la reconnaissance mutuelle de l’application des normes essentielles par les autres États membres, et le contrôle par le pays d’origine, ce qui signifie que la supervision de la vente de produits financiers sera essentiellement la responsabilité des autorités du pays ayant émis la charte de l’institution financière.

  • Suppression des quotas bilatéraux de transport routier et ouverture du transport ferroviaire, fluvial, maritime et aérien à une plus grande concurrence.

  • Ouverture à la concurrence de certains services de communications « à valeur ajoutée » tels que la télécopie et la transmission d’images et de données.

  • Suppression de restrictions internes à la libre circulation des capitaux (bien qu’il y ait des dérogations possibles par les États membres pour des raisons de réglementation monétaire intérieure pour contrôler les mouvements exceptionnels des taux de change ou pour prévenir la violation des lois nationales). L’entrée en vigueur de la directive sur les mouvements de capitaux sera retardée jusqu’à la fin de 1992 pour l’Espagne, l’Irlande, le Portugal et la Grèce.

  • Adoption de lois visant à encourager la coopération industrielle transfrontalière, la participation des travailleurs à la gestion des entreprises, les fusions transfrontalières et la protection de la propriété intellectuelle.

      3. Suppression des barrières fiscales

  • Harmonisation des taux de la TVA de chaque pays dans les limites d’une fourchette afin de supprimer le besoin de contrôles frontaliers sur le magasinage transfrontalier.

  • Établissement de taux minimums de la taxe d’accise pour le tabac et l’alcool et d’une échelle de taux pour les huiles minérales.

   C. Union économique et monétaire

Un plan en trois étapes a été établi pour l’union monétaire et économique de la CE. Au cours de la première étape, les politiques monétaires et économiques seraient coordonnées plus étroitement, et les devises de la Grande-Bretagne, du Portugal et de la Grèce se joindraient au Système monétaire européen (SME).

Au cours de la deuxième étape, les variations des devises seraient contrôlées plus étroitement, un système européen de Banques Centrales (SEBC) serait établi, et les politiques macro-économiques seraient coordonnées par le Conseil européen formé des chefs des États membres et des gouvernements.

Au cours de la troisième étape, les taux de change seraient fixés une fois pour toutes, et les unités monétaires nationales seraient remplacées par une devise commune. À l’intérieur du SEBC, la Banque centrale européenne (BCE) déterminerait la politique monétaire. La CE définirait des lignes directrices que les États membres seraient tenus de suivre pour leurs politiques budgétaires.

COMPARAISON DU TRAITÉ INSTITUANT LA CEE ET DE
L’ARTICLE 121 DE LA CONSTITUTION (PROPOSÉ)

   A. Interdiction des barrières intérieures

      1. Les propositions du gouvernement canadien

Le gouvernement canadien propose que l’article 121 de la Constitution soit modifié de manière à ce que soient interdits les lois, les pratiques ou les programmes fédéraux ou provinciaux qui créent des barrières ou des restrictions à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Les deux premières parties de l’article 121 proposé se lieraient comme suit :

(1) Le Canada constitue une union économique où est assurée la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux indépendamment de toute barrière ou autre restriction fondée sur les délimitations provinciales ou territoriales.

(2) Il est interdit au Parlement et au gouvernement du Canada, de même qu’aux législatures et aux gouvernements des provinces, de contrevenir, par la loi ou dans la pratique, au principe énoncé au paragraphe (1).

      2. Les règles de la Communauté économique européenne

L’article 3 du traité établissant la Communauté économique européenne stipule que les activités de la Communauté comprendront :

a) l’élimination, entre les États membres, des droits de douane et des restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie des marchandises, ainsi que de toutes autres mesures d’effet équivalent, […]

b) l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux.

L’Acte unique européen, qui traite de l’intégration du marché intérieur (« Europe 1992 »), a modifié l’article 8A du traité instituant la CEE. Cet article stipule ce qui suit : « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité ».

L’article 5 exige des États membres qu’ils assument leurs obligations en vertu du traité et qu’ils « s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité ».

Les obligations des États membres en ce qui concerne les quatre libertés (biens, personnes, services et capitaux) sont précisées dans le traité : libre circulation des marchandises (articles 9-37); libre circulation des personnes (articles 48-58); libre circulation des services (articles 59-66); libre circulation des capitaux (articles 67-73).

L’article 95 du traité interdit l’imposition de taxes plus élevées sur des produits d’autres États membres que sur les produits intérieurs similaires. Les mesures intérieures d’imposition ne peuvent pas non plus fournir une protection indirecte contre les autres produits.

L’article 2 du projet de traité établissant l’union économique et monétaire modifierait les objectifs du traité de la CEE afin de préciser que la Communauté a pour mandat de réaliser l’union économique et monétaire.

      3. Analyse

Pour des États souverains, un traité est l’instrument juridique principal visant à contrôler les comportements des gouvernements nationaux. Ainsi, les signataires du traité de Rome ont consenti à la libre circulation entre les États membres de la CE des biens, des personnes, des services et des capitaux. Dans une fédération comme le Canada, la Constitution représente le premier instrument juridique auxquels doivent se conformer les gouvernements qui la composent. La protection existante pour le marché commun canadien tient principalement à deux articles de la Constitution. Le premier, l’article 121, prévoit que « Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces, seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces ».

Premièrement dans sa forme actuelle, l’article 121 de la Constitution du Canada ne traite que de la libre circulation des biens entre les provinces, et ne comprend pas la circulation des services, de la main-d’oeuvre et des capitaux. Deuxièmement, on sait pas très bien non plus si l’article 121 actuel s’applique aux biens fabriqués à l’étranger en plus de ceux produits dans les provinces. Troisièmement, l’article semble s’appliquer aux droits, mais non aux barrières non tarifaires. Quatrièmement, il semble créer des obligations pour les gouvernements provinciaux, mais non pour le gouvernement fédéral.

La deuxième protection pour le marché commun du Canada est assurée par l’article 91 de la Constitution, qui confère au gouvernement fédéral une autorité législative exclusive sur « la réglementation du trafic et du commerce ». Même si les tribunaux canadiens ont interprété cet article comme donnant au gouvernement fédéral des compétences exclusives sur le commerce international et interprovincial, cela a été circonscrit par les pouvoirs constitutionnels exclusifs accordés aux provinces sur « la propriété et les droits civils dans la province » et sur « toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province ». Ces dispositions ont permis aux provinces d’ériger toute une série de barrières non tarifaires au commerce interprovincial.

La proposition du gouvernement visant à renforcer la clause de marché commun de la Constitution et d’interdire expressément les mesures fédérales ou provinciales limitant les quatre libertés donnerait vraisemblablement aux tribunaux canadiens un rôle plus actif dans l’élimination des barrières économiques internes. Les tribunaux des États-Unis et de la Communauté européenne ont influé de façon significative sur l’intégration des marchés.

Dans la Communauté européenne, l’exécution des obligations des États membres énoncées dans le traité de Rome se fait en vertu des lois de la CE, et la Cour européenne de justice a montré qu’elle était l’une des forces les plus puissantes de l’intégration du marché intérieur de la CE. Un exemple frappant est le cas du Cassis de Dijon. La Cour européenne de justice a décrété dans ce cas que l’Allemagne de l’Ouest ne pouvait pas empêcher l’importation de cette liqueur française simplement parce qu’elle ne contenait pas le minimum requis de 32 p. 100 d’alcool pour porter l’appellation liqueur selon les normes ouest-allemandes. Cette décision a joué un rôle important dans l’élimination d’autres barrières commerciales déguisées au sein de la CE, telle que la loi allemande sur la pureté de la bière allemande et le règlement italien exigeant que les pâtes alimentaires soient fabriquées exclusivement à partir de blé dur. Il y a de nombreux autres cas où la Cour européenne a éliminé, par ses décisions, les obstacles du marché.

Contrairement à la modification proposée concernant la Constitution du Canada, le traité instituant la CEE ne désigne pas la CEE comme étant une « union économique ». Cependant, les modifications proposées au traité instituant la CEE par la Commission prévoient que la Communauté ait pour mandat d’en arriver à une union économique et monétaire.

   B. Exceptions à l’interdiction des barrières intérieures

      1. Les propositions du gouvernement canadien

Le gouvernement a proposé que l’interdiction des barrières commerciales admette des exceptions pour les politiques d’expansion régionale ou les lois que le Parlement déclarerait d’intérêt national. Les paragraphes 121(3) et 121(4) proposés de la Constitution stipulent ce qui suit :

(3) Le paragraphe (2) n’a pas pour effet d’invalider :

a) des lois fédérales édictées pour la mise en oeuvre des principes de la péréquation et du développement régional;

b) les lois provinciales édictées en faveur de la réduction des inégalités économiques entre régions de la même province, à condition que ces lois ne créent pas, à l’égard des personnes, biens, services ou capitaux d’origine extérieure à la province, des barrières ou autres restrictions plus sévères qu’à l’égard des personnes, biens, services ou capitaux provenant d’une région de la province; ou

c) les lois fédérales ou provinciales déclarées d’intérêt national par le Parlement.

(4) La déclaration visée à l’alinéa (3)c) n’a d’effet que si elle est agrée par les gouvernements d’au moins deux tiers des provinces dont la population confondue représente, selon le recensement général le plus récent à l’époque, au moins cinquante pour cent de la population de toutes les provinces.

      2. Règles de la Communauté économique européenne

         a. Exceptions à la libre circulation des biens

L’article 36 du Traité CEE permet des interdictions ou des restrictions relatives à l’échange des biens là où elles sont « justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale ». Ces interdictions ou restrictions ne peuvent constituer un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée des échanges entre États membres.

         b. Exceptions à la libre circulation des personnes

Le paragraphe 43(3) du traité CEE permet aux États membres d’exclure de leur territoire des personnes « pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique ». La discrétion des États membres dans l’application de la disposition relative à l’ordre public est limitée par la loi de la CE. La conduite d’un individu doit constituer une menace authentique et grave à l’ordre public et affecter un des intérêts fondamentaux de la société. Par exemple, des maladies, telles que la tuberculose, la syphilis, la toxicomanie et les troubles mentaux profonds pourraient être interprétés comme menaçants pour la santé publique. La conduite d’un individu pourrait également amener un État membre à lui interdire l’accès à son territoire pour des raisons d’ordre public si cette conduite représente une menace authentique et grave à la sécurité publique et affecte un des intérêts fondamentaux de la société. Le paragraphe 48(4) énonce que la liberté de mouvement des travailleurs établie dans l’article 48 ne s’applique pas à l’emploi dans l’administration publique.

         c. Exceptions à la libre circulation des services

Les services ne sont considérés comme tels, selon l’intention du traité, que s’ils ne tombent pas sous le coup des dispositions relatives à la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes. Il en résulte donc que les États membres peuvent appliquer des restrictions à la vente de services sur leur territoire par des étrangers. Ainsi, des restrictions peuvent être appliquées pour des motifs d’ordre public, de santé publique ou de sécurité publique comme dans le cas de la libre circulation des personnes. Des restrictions pourraient également s’appliquer là où le fournisseur de services accomplit des activités qui sont liées, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique (article 55).

         d. Exceptions à la libre circulation des capitaux

Actuellement, le traité instituant la CEE autorise un État membre à prendre des mesures de protection quand des mouvements de capitaux entraînent des perturbations dans le fonctionnement du marché des capitaux (article 73) ou quand des difficultés surviennent dans la balance des paiements (articles 108 et 109). Cependant, les modifications proposées au traité instituant l’union économique et monétaire interdiraient les restrictions à la circulation des capitaux. (On n’a pas encore étudié la possibilité d’abroger les articles 68 à 73).

         e. Autres exceptions

L’article 100 A du traité, qui a été amendé par l’Acte unique européen, renferme au paragraphe 4 une dérogation à l’harmonisation des lois et règlements où un « État membre estime nécessaire d’appliquer des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l’article 36 ou relatives à la protection du milieu de travail ou de l’environnement […] ». (Veuillez noter la référence antérieure à l’article 36 concernant les exceptions à la libre circulation des biens.) L’État membre doit signaler à la Commission européenne les dispositions nationales qui dérogent à l’harmonisation des lois prévues à l’article 100 A. La Commission doit confirmer les dispositions nationales après avoir établi qu’elles ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée sur le commerce.

L’article 8 C du traité instituant la CEE enjoint la Commission de tenir compte « […] de l’ampleur de l’effort que certaines économies présentant des différences de développement devront supporter au cours de la période d’établissement du marché intérieur » au moment de rédiger ses propositions préliminaires pour un marché unique. Toute dérogation doit être temporaire et nuire le moins possible au fonctionnement du marché intérieur.

      3. Analyse

Même si elles semblent nombreuses, les dérogations au principe du marché commun dans le traité instituant la CEE ont tendance à avoir des motifs précis (par exemple la santé et la sécurité, l’environnement, etc.). La Cour européenne de justice, qui décide en dernier lieu des dérogations qui sont acceptables, a interprété ces exceptions sévèrement. Dans un certain nombre de cas où un État membre a invoqué, par exemple, la santé et la sécurité comme motifs pour restreindre les importations, la Cour a qualifié ces dérogations d’injustifiées.

Par contre, dans la proposition du gouvernement canadien, les exceptions sont moins nombreuses mais de nature plus générale. Les exceptions concernant le développement régional et les lois proclamées dans l’intérêt national laissent amplement place à la déviation par rapport au principe d’union économique. L’exigence voulant que les exceptions pour les lois proclamées dans l’intérêt national soient ratifiées par les provinces au moyen de la formule 7/50 met un frein à l’utilisation de cette dérogation.

Même si le traité instituant la CEE ne permet pas la non-participation lorsqu’il y a entente à ce sujet, une modification proposée au traité de la CEE ayant trait à l’union économique et monétaire constituerait un fait nouveau dans les lois régissant la Communauté. Sur un vote de la majorité qualifiée du Conseil des ministres (avec l’approbation d’au moins huit États membres), les États membres qui connaissent des difficultés économiques seraient autorisés, pour une période limitée, à ne pas participer pleinement à l’étape finale de l’union économique et monétaire.

COMPARAISON DU PROCESSUS D’INTÉGRATION DU TRAITÉ INSTITUANT
LA CEE ET DES NOUVEAUX POUVOIRS CONSTITUTIONNELS PROPOSÉS

   A. Les propositions du gouvernement canadien

Le gouvernement propose de doter le Parlement canadien d’un nouveau pouvoir constitutionnel qui lui donnerait le droit exclusif de légiférer pour assurer le fonctionnement efficace de l’union économique. Cependant, les lois ne seraient pas en vigueur tant qu’elles n’auraient pas été approuvées par les gouvernements d’au moins les deux tiers des provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces. De plus, l’assemblée législative de n’importe quelle province pourrait déclarer, par une résolution appuyée par 60 p. 100 de ses membres, que ces lois ne s’appliquent pas dans la province, bien qu’une telle déclaration deviendrait nulle après trois ans, à moins qu’un délai plus court soit spécifié dans la déclaration.

Le gouvernement propose également la formation d’un « Conseil de la Fédération » qui ratifierait les lois établies en vertu de ce nouveau pouvoir constitutionnel. Bien que les propositions gouvernementales ne le précisent pas textuellement, le Conseil serait formé de représentants de chaque province, et l’approbation provinciale requise (par au moins deux tiers des provinces) viendrait de ce Conseil.

En attendant l’entrée en vigueur du nouvel article 121 de la Constitution le 1er juillet 1995, le gouvernement propose que le Conseil de la Fédération soit utilisé par les gouvernements pour tout problème de barrière intérieure.

   B. Intégration économique dans la Communauté européenne

Comme nous l’avons expliqué précédemment, la Commission européenne est chargée d’instituer les lois de la CE, tandis que le Parlement européen étudie les propositions et les met aux voix. Le pouvoir d’adopter la proposition ou de la rejeter réside cependant entre les mains des États membres eux-mêmes, qui sont représentés au Conseil des ministres.

Bien que ce processus législatif s’applique aux lois qui tombent sous la juridiction des traités de la CE, les mesures nécessitant la modification des traités, notamment l’Acte unique européen, l’Union économique et monétaire et l’Union politique européenne, sont d’abord soumises aux chefs des gouvernements aux réunions du Conseil européen. Cet organisme organise alors des conférences intergouvernementales autorisées dans le but d’élaborer les modifications à apporter aux traités. Les traités modifiés entrent en vigueur après avoir été ratifiés par les assemblées législatives des États membres. Les lois de la CE visant à faire entériner les propositions sont présentées par la Commission et suivent le processus législatif de la CE.

Prenons, par exemple, le programme « Europe 1992 ». La création de ce plan coïncide avec le « Livre blanc de la Commission sur l’achèvement du marché intérieur » publié par la Commission européenne et présentée au Conseil européen en 1985. Malgré les objections de la Grande-Bretagne, du Danemark et de la Grèce, le Conseil européen a décidé, aux voix, de la tenue d’une conférence intergouvernementale afin de rédiger les modifications habilitantes au traité instituant la CEE. Le résultat de cette conférence, l’Acte unique européen, a été signé et ratifié par les 12 États membres et est entré en vigueur en 1987.

Les paramètres du traité instituant la CEE étant suffisamment élargis, la Commission européenne a entrepris d’incorporer les 279 mesures du Livre blanc aux lois de la CE. À ce moment-ci, plus des deux tiers des propositions ont franchi le processus législatif prescrit et ont été adoptées par le Conseil des ministres. À peu près les deux tiers des mesures visant le marché unique exigent une majorité qualifiée au Conseil (54 votes sur un total de 76). Les mesures ayant trait à l’harmonisation des taxes, à la libre circulation des personnes et aux droits et intérêts des personnes employées peuvent encore être bloquées au Conseil des ministres par un seul État membre.

Le programme de marché unique est largement mis en application par les Directives de la CE, c’est-à-dire des instruments légaux qui n’entrent pas en vigueur dans un État membre tant et aussi longtemps qu’ils n’ont pas été transposés en lois nationales. En mai 1991, les trois quarts environ des directives adoptées par le Conseil des ministres avaient été transposées en lois nationales. Les propositions relatives au marché unique sont aussi appliquées par le truchement des règlements de la CE, qui lient directement les États membres sans nécessiter l’adoption de lois au niveau interne. Un autre instrument légal, les décisions, sont les instructions de la Commission de la CE; elles lient entièrement les gouvernements, les entreprises ou les personnes à qui elle sont adressées.

   C. Analyse

La création d’un nouveau pouvoir constitutionnel qui donnerait au Parlement le droit de légiférer pour assurer le fonctionnement efficace de l’union économique canadienne permettrait au gouvernement fédéral d’instituer un régime de marché unique pour le Canada largement inspiré d’« Europe 1992 ». La ratification de ces mesures par les gouvernements provinciaux au sein d’un nouveau Conseil de la Fédération d’après la règle 7/50 peut se comparer à l’obligation législative de la CE d’avoir une majorité qualifiée au Conseil des ministres. Il convient de noter, cependant, que les États membres de la CE se sont réservés le droit d’opposer leur veto à certaines mesures d’institution du marché unique. La proposition canadienne exclut pareille possibilité.

Il serait possible pour une province, aux termes de la proposition canadienne, de déroger aux lois adoptées en vertu du pouvoir de l’union économique pour une période maximale de trois ans. Le traité instituant la CEE, par contraste, ne donne pas au États membres l’option de dérogation temporaire par simple vote de l’assemblée nationale. Cependant, avec l’assentiment du Conseil des ministres, les États membres qui connaissent des difficultés économiques seraient autorisés à ne pas participer temporairement à l’étape finale de l’union économique et monétaire. Comme nous l’avons dit précédemment, l’Acte unique européen de la CE a obligé la Commission, au moment où celle-ci élaborait son plan d’achèvement du marché intérieur, à prendre en considération la nécessité pour les pays membres mois développés de bénéficier de dérogations temporaires. Il est sous-entendu, cependant, que cette dérogation doit reposer sur des justifications bien fondées et qu’elle doit être approuvée par la Commission.

L’AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS CONCERNANT
LE SECTEUR FINANCIER

   A. Les propositions du gouvernement canadien

Le document du gouvernement reconnaît les coûts inutiles qu’impose aux institutions financières canadiennes (et, partant, aux consommateurs) le chevauchement des règlements fédéraux et provinciaux. Par exemple, une société de fiducie ou de prêt incorporée au niveau fédéral ou au niveau provincial et exerçant ses activités dans tout le pays pourrait devoir respecter dix ou onze réglementations pour ses opérations pancanadiennes.

Le document précise que

le gouvernement a l’intention d’examiner le chevauchement et le double emploi dans la réglementation des sociétés de fiducie. […] De nombreuses personnes ont préconisé l’adoption par le Canada d’une démarche analogue à celle d’Europe 1992, qui prévoit l’instauration d’un seul marché financier européen l’an prochain. […] Ceci veut dire que chaque juridiction devrait reconnaître et accepter, à des fins réglementaires, le régime de prudence de la juridiction de constitution de l’institution financière, sous réserve de normes financières acceptables. […]

[L]e gouvernement fédéral est prêt à explorer, avec les provinces, la possibilité d’évoluer vers un régime de réglementation fondé sur juridiction principale ou une reconnaissance mutuelle. Dans le cas des sociétés à charte fédérale, un tel arrangement pourrait être obtenu si les provinces déléguaient au gouvernement fédéral leur pouvoir en matière de réglementation et d’administration.

En ce qui concerne la réglementation des valeurs mobilières, le gouvernement est prêt à envisager une approche par laquelle toutes les autorités compétentes pourraient déléguer, en tout ou en partie, leur réglementation à un organisme géré conjointement. D’autres approches comprennent des « […] mesures fédérales-provinciales plus formelles visant à coordonner les approches à la réglementation, à la négociation internationale et à la détermination de normes relatives aux valeurs mobilières ».

   B. Le règlement de la Communauté économique européenne

La libéralisation des marchés financiers en vertu du programme de 1992 s’appuie sur trois principes. Le premier principe, l’harmonisation, exige des États membres qu’ils harmonisent les normes essentielles de suffisance de capital de solvabilité, et d’exigences comptables pour les institutions financières. Le deuxième principe, la reconnaissance mutuelle, signifie que les États membres doivent avoir une confiance mutuelle dans leur application des normes essentielles décidées par le Conseil. Le troisième principe, le contrôle par le pays d’origine, signifie que la surveillance de la vente de services financiers incombera surtout aux autorités du pays d’origine de l’institution financière. (Le contrôle par le pays hôte continuera à s’appliquer en ce qui concerne la liquidité des institutions de crédit et les mesures ayant une influence sur les exigences relatives à la politique monétaire et aux réserves des opérations des institutions de crédit sur le marché des valeurs mobilières.) L’exigence relative à la libre circulation des capitaux au-delà des frontières découle de ces trois principes.

Le but ultime de ces mesures de libéralisation est de permettre à une institution financière de vendre des services financiers outre-frontière ou d’établir des succursales sur le territoire des autres États membres sans qu’il y ait chevauchement ou dédoublement réglementations. Les principes de l’harmonisation, de la reconnaissance mutuelle et du contrôle par le pays d’origine s’appliqueraient à la réglementation des services bancaires, des services d’investissement et, par la suite, des services d’assurance.

   C. Analyse

Aux termes du régime de la CE, les banques et les sociétés de construction (essentiellement des institutions de dépôts) qui se conforment aux normes harmonisées de suffisance de capital et de solvabilité recevraient un « permis bancaire unique » qui les autoriserait à vendre un menu défini des services bancaires n’importe où dans la Communauté, pourvu que leurs pays d’attache (dispensateur de chartes) n’interdise pas l’offre de tels services. Les services autorisés par le permis bancaire unique pourraient être offerts dans un pays membre, même dans les cas où le pays d’accueil n’autorise pas ses propres sociétés à les offrir. Il pourrait s’ensuivre des cas où des sociétés à charte étrangère vendent des services financiers que des sociétés à charte nationale ne sont pas autorisées à vendre. Il va sans dire que des pressions seront exercées sur les pays qui définissent leurs services bancaires plus étroitement pour qu’ils harmonisent leurs services avec le menu des services autorisés par le permis bancaire unique. Autrement, il pourrait en résulter un désavantage pour les sociétés à charte nationale.

Étant donné que les propositions canadiennes sur l’amélioration de la réforme du secteur financier ne sont pas détaillées, il est difficile de déterminer comment le gouvernement entend faire appliquer au Canada les principes d’harmonisation, de reconnaissance mutuelle et de contrôle par le pays d’origine. Une possibilité serait d’adopter presque tel quel le modèle de la CE et d’autoriser les institutions à vendre partout au Canada une gamme précise de services financiers basés sur l’acceptation par toutes les provinces de certaines normes de prudence. Comme dans la CE, les instances autorisant la vente d’un nombre plus restreint de services financiers par une institution seraient encouragées par des pressions concurrentielles à harmoniser leurs services avec ceux qui sont autorisés par le permis unique. L’inconvénient de cette solution serait toutefois de constituer une ingérence dans les compétences provinciales.

Une autre interprétation du modèle de la CE appliqué au Canada a été offerte dans le rapport publié en mai 1990 par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, et intitulé Canada 1992 : Vers un marché national des services financiers. Ce système prévoit aussi un consensus sur les principales normes de prudence (harmonisation), sur la réglementation principale par la province conférant la charte (contrôle par le pays d’origine) et sur la reconnaissance mutuelle de cette réglementation par les autres provinces. La principale différence entre ce modèle d’« instance désignée » et le plan de la CE est l’obligation pour la province d’origine d’avoir un permis et le respect du menu de services autorisés par la province d’origine.

Une illustration du modèle de l’instance désignée aidera à mieux comprendre son application. Supposons qu’une compagnie de fiducie constituée au Québec, qui autorise la vente d’assurances sur les lieux des institutions de dépôt, fait aussi des affaires en Ontario, où la vente d’assurance sur les lieux n’est pas autorisée. Aux termes du modèle d’instance désignée, la compagnie de fiducie n’aurait pas le droit de vendre de l’assurance sur les lieux en Ontario. Elle ne pourrait faire en Ontario que ce qu’une société constituée en Ontario est autorisée à faire.

Par contre, le Québec accorderait aux compagnies de fiducie menant des activités au Québec mais constituées en dehors de la province les mêmes privilèges dont bénéficient les firmes constituées au Québec. Le principal avantage du modèle d’instance désignée par rapport au statu quo, c’est que la réglementation incomberait principalement à l’instance constituante. Dans le cas de la compagnie de fiducie québécoise faisant des affaires en Ontario, le Québec régirait les normes relatives au capital et à la solvabilité que doit respecter la firme, et l’Ontario ne tenterait pas de chevaucher cette réglementation. De plus, contrairement au modèle de la CE, chaque province pourrait maintenir ses propres règles de conduite à l’intérieur de sont territoire, sans être contrainte de les harmoniser à un menu précis de services financiers.

COORDINATION ET HARMONISATION DES POLITIQUES
MACRO-ÉCONOMIQUES

   A. Les propositions du gouvernement canadien

Le gouvernement propose de mettre au point des procédures budgétaires fédérales et provinciales plus ouvertes et plus visibles qui comprendraient :

  • un cycle budgétaire relativement fixe;

  • un calendrier annuel fixe de rencontres des ministres des Finances;

  • la publication par les onze gouvernements, avant le budget, d’un aperçu économique et budgétaire;

  • des conventions de comptabilité commune.

Le gouvernement propose de mettre au point avec les provinces des lignes directrices afin d’améliorer la coordination des politiques financières et l’harmonisation des politiques financières avec la politique monétaire du Canada. On pourrait demander, par exemple, que les budgets soient équilibrés sur toute la période du cycle financier. (Un budget équilibré pourrait être défini de manière à exclure les dépenses de formation de capital.) Ces lignes directrices seraient établies sous forme de lois en vertu des nouveaux pouvoirs économiques proposés. Par conséquent, cette proposition aura besoin de l’accord d’au moins sept des dix provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population.

Le gouvernement propose l’établissement d’un organisme indépendant pour surveiller et évaluer les politiques macro-économiques des gouvernements fédéral et provinciaux.

La Loi sur la Banque du Canada serait modifiée afin d’établir clairement que le mandat de la Banque est de parvenir à la stabilité des prix et de la maintenir. Les régions du Canada seraient représentées au Conseil d’administration de la Banque du Canada par des personnes nommées par le gouvernement fédéral après consultation avec les gouvernements provinciaux. Des comités consultatifs régionaux seraient créés pour donner leur avis aux administrateurs de la Banque à propos des conditions économiques régionales. La nomination du Gouverneur de la Banque du Canada serait sujette à ratification par le Sénat. Pour améliorer la transparence de la politique monétaire, le Gouverneur de la Banque du Canada serait tenu de comparaître régulièrement devant le Parlement. On lui demanderait également de rencontrer les ministres fédéral et provinciaux des Finances pour donner des opinions sur la situation économique et sur l’interaction entre la politique monétaire et la politique financière.

   B. Les propositions de la Communauté économique européenne

L’Acte unique européen incorpore dans le traité instituant la CEE l’objectif de parvenir à une union économique et monétaire. L’article 102 A exige des États membres qu’ils coopèrent « en vue d’assurer la convergence des politiques économiques et monétaires nécessaires au développement ultérieur de la Communauté ».

Le rapport du Comité Delors, publié en avril 1989, a établi un plan en trois étapes pour la réalisation de l’union économique et monétaire. Le Conseil européen a souscrit aux conclusions du rapport à sa réunion tenue à Madrid, en juillet 1989. À la réunion du Conseil européen tenue à Rome en octobre et en décembre 1990, 11 des 12 membres ont convenu de suivre la conception de l’union économique et monétaire proposée par le plan Delors et de convoquer une conférence intergouvernementale. (Le Royaume-Uni est le seul pays à s’être opposé au plan de l’union.)

Étape 1 — Durant la première étape de l’union économique et monétaire, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1990, les politiques monétaires et économiques des États membres doivent être coordonnées plus étroitement. Les plans monétaires et économiques doivent être soumis à la Commission de la CE et à ECOFIN (Comité des ministres de l’économie et des finances). Les devises de la Grande-Bretagne, du Portugal et de la Grèce sont censées être intégrées au Système monétaire européen (SME). On laissera les devises fluctuer dans les limites d’une fourchette établie à plus ou moins 2,5 p. 100 du taux central.

Étape 2 — La deuxième étape est censée commercer le 1er janvier 1994. La situation des devises serait contrôlée plus étroitement, une Banque centrale européenne et un Système européen de Banques centrales (SEBC) semblable au Federal Reserve System en vigueur aux États-Unis seraient établis et commenceraient à établir une politique monétaire valable pour toute la CE. Les politiques macro-économiques seraient coordonnées par le Conseil européen, qui établirait des lignes directrices pour chacun des pays et déciderait des correctifs appliqués aux États membres qui accusent un déficit budgétaire excessif.

Étape 3 — La data précise du début de cette étape n’a pas encore été établie. Les taux de change seraient fixés de façon permanente, et les unités monétaires nationales seraient remplacées par une devise commune. La BSCE/SEBC établirait la politique monétaire de la CE. La Commission européenne soumettrait des lignes directrices pluriannuelles (normalement, pour trois à cinq ans) au Conseil européen relativement aux questions ci-après;

  • l’établissement de soldes budgétaires des États membres;

  • la surveillance des coûts de production;

  • le niveau et la promotion des économies et des investissements;

  • l’adaptation des programmes de la Communauté afin de réaliser une cohésion économique et sociale;

  • l’élaboration d’orientations structurelles.

Dans les cas où un État membre n’aurait pas mis en application de directives pluriannuelles, la Commission pourrait recommander au Conseil les redressements à apporter à la politique. Une aide financière pourrait être offerte aux pays membres en difficulté.

L’article 104 A proposé interdirait le financement des déficits budgétaires au moyen de l’aide directe du Système européen des banques centrales ou par un accès privilégié donné par les autorités publiques au marché des capitaux. La Communauté ne serait pas autorisée à garantir la dette publique d’un État membre. Les États membres seraient tenus d’éviter les déficits budgétaires excessifs.

La politique monétaire serait établie par la majorité des membres du Conseil de la Banque, selon la formule « une personne, un vote ». Le Conseil de la Banque comprendrait les douze gouverneurs des banques centrales nationales ainsi que les six membres de Conseil exécutif de la BCE, y compris le président. Les membres du Conseil exécutif de la BCE seraient nommés pour une période de huit ans par le Conseil européen après que le Conseil de la Banque aurait donné son opinion. Le Parlement européen serait également consulté pour la nomination du président et du vice-président.

Dans un nombre restreint de cas clairement définis ayant trait à des décisions sur le capital, au transfert des actifs en réserve et des profits de la BCE, un système de pondération des votes est proposé. Les membres du Conseil exécutif ne voteraient pas, et les votes des gouverneurs des banques centrales nationale seraient pondérés d’après l’importance relative de l’économie de chaque État membre.

Selon le projet de loi pour le Système européen des banques centrales (SEPC) et la Banque centrale européenne (BCE), l’objectif principal du Système sera de maintenir la stabilité des prix. Cependant, le deuxième objectif se lit comme suit : « Sans nuire à l’objectif de la stabilité des prix, le Système appuiera la politique économique générale de la Communauté». Bien que les BCE/SEBC seraient responsables des opérations de change, les décisions concernant le régime de taux de change seraient prises conjointement avec le Conseil ECOFIN.

La mise en application de l’étape finale de l’union économique et monétaire dans les pays membres en difficulté financière pourrait être retardée temporairement, avec l’assentiment du Conseil des Ministres.

   C. Analyse

Les propositions canadiennes pour la coordination et l’harmonisation des programmes économiques semblent incorporer les aspects ci-après du plan de la CE pour réaliser l’union économique et monétaire :

  • la coordination des régimes fiscaux et l’harmonisation de ceux-ci avec la politique monétaire;

  • l’application obligatoire de lignes directrices économiques pluriannuelles qui seraient ratifiées par un Conseil;

  • le recours limité, pour les gouvernements, au financement au moyen de déficits;

  • la surveillance des programmes macro-économiques par un organisme de surveillance (la Commission jouerait ce rôle dans la CE);

  • la représentation régionale au sein du Conseil d’administration de la banque centrale.

Aux termes des propositions canadiennes, le seul mandat de la Banque du Canada serait d’atteindre et de maintenir la stabilité des prix. Le premier objectif de la Banque centrale européenne (BCE) serait de maintenir la stabilité des prix. Néanmoins, le deuxième objectif de la BCE, soit appuyer la réalisation de la politique économique de la Communauté, soulève des questions quant à la latitude donnée à la Banque de poursuivre l’objectif de la stabilité des prix. Il pourrait y avoir conflit d’objectifs si la BCE était appelée à appuyer la politique économique en réduisant le chômage, par exemple, tout en devant en même temps maintenir la stabilité des prix. En outre, les taux de change seraient déterminés en partie dans l’arène politique, conformément aux lignes directrices énoncées par le Conseil des ministres (ECOFIN). Ici encore, il y a un risque de conflit d’objectifs pour la banque centrale.

Bien que le gouvernement compte accroître la représentation régionale au sein du Conseil d’administration de la Banque du Canada, il ne parle pas d’autoriser le Conseil à participer à la formulation de la politique monétaire. En ce moment, celle-ci est décidée par le Gouverneur de la Banque du Canada, après consultation du premier sous-gouverneur et avec les conseils du personnel de la Banque; le Conseil d’administration peut être consulté à propos de la situation économique régionale, mais il a peu d’influence directe sur la politique monétaire du pays.

Par contraste, la représentation régionale se ferait sentir beaucoup plus à la BCE. Le projet de loi pour la BCE indique que la politique monétaire dans la CE serait décidée par un vote majoritaire du Conseil de la Banque, qui comprendrait les douze gouverneurs des banques centrales nationales et les six membres du Conseil exécutif.

CONCLUSION

Depuis les années 30, on s’est rendu compte que les politiques commerciales égocentriques nuisent en dernière analyse à ceux qui les pratiquent. Bien qu’il soit théoriquement possible pour un grand pays d’améliorer son sort en érigeant des barrières commerciales, ces gains peuvent être annulés si d’autres pays emboîtent le pas; il en résulte une baisse de la production économique mondiale. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada et d’autres pays ont utilisé le GATT et des accords commerciaux séparés afin d’abaisser les barrières internationales au commerce. Pourtant, malgré des progrès à l’échelle internationale, le marché interne canadien demeure fragmenté par de nombreuses barrières commerciales inter-provinciales. Outre qu’elles sont un anachronisme maintenant que le pays progresse vers le libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, les barrières intérieures sont coûteuses pour le Canada sur le chapitre des emplois et de la production économique.

Les propositions du gouvernement canadien enchâsseraient dans la loi le principe de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux et interdirait les lois qui contreviennent à ce principe. Cependant, l’expérience de la CE montre qu’il ne suffit pas de transformer le principe des quatre libertés en loi pour supprimer les barrières intérieures; une approche active est également nécessaire. Par conséquent, la CE a introduit un programme législatif (« Europe 1992 ») qui vise directement les derniers obstacles au marché intérieur.

Les propositions du gouvernement canadien admettent elles aussi que l’ajout d’une clause de marché commun dans la Constitution pourrait ne pas viser toutes les barrières commerciales. Le gouvernement propose donc que le Parlement ait le pouvoir de passer des lois destinées à supprimer ces obstacles. (Le gouvernement a peut-être l’intention d’introduire une espèce de programme « Canada 1992 » pour intégrer complètement le marché intérieur canadien.) Comme celles de la CE, ces lois seraient sujettes à ratification par une majorité spécifique d’États-provinces membres réunis en « Conseil ».

Les propositions canadiennes admettent aussi des exceptions au principe des quatre libertés pour des motifs spécifiques d’expansion régionale ou de péréquation. De plus, les gouvernements pourraient soustraire une loi de l’application de la clause du marché commun en la faisant déclarer d’intérêt national par le Parlement et, par conséquent, sujette à ratification par sept des dix provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population. En outre, une province qui n’est pas d’accord avec des lois adoptées par le Parlement en vertu du pouvoir de la nouvelle union économique pourrait unilatéralement s’en dégager par une déclaration appuyée par 60 p. 100 de l’assemblée législative provinciale.

Par contraste, les barrières commerciales au sein de la CE doivent être justifiées par des motifs précis, tels que la santé et la sécurité; à l’heure actuelle, le traité instituant la CEE ne permet pas à une nation d’exercer une option de refus, soit en obtenant l’accord d’une majorité des États membres, soit par un vote majoritaire de sa propre assemblée législative nationale. Cependant, le projet de traité pour l’union économique et monétaire permettrait aux États membres en difficulté financière de déroger temporairement à l’application de la dernière étape de l’union, avec l’accord du Conseil des Ministres.

Les propositions canadiennes visant l’amélioration de la réglementation des institutions financières sont empruntées du programme « Europe 1992 », qui a établi les principes de l’harmonisation, de la reconnaissance mutuelle et du contrôle par le pays d’origine. L’application de ces principes, qui ont été adaptés au contexte canadien dans un rapport publié en mai 1990 par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce serait une étape significative de la réduction de chevauchement et de la duplication de la réglementation de notre pays.

Comme la CE, le gouvernement canadien propose d’améliorer la coordination et l’harmonisation des politiques financières. Avec l’accord des gouvernements provinciaux (sept provinces et 50 p. 100 de la population), le gouvernement canadien serait capable d’établir des lignes directrices contraignantes en vue de limiter le recours, par les gouvernements, au financement au moyen de déficits. À l’instar de la CE, un organisme serait chargé de la surveillance et de l’évaluation de la politique macro-économique des gouvernements.

En ce qui concerne la politique monétaire, le Canada possède déjà une banque centrale et une devise unique, choses que la CE se propose d’introduire. Le gouvernement canadien propose de confier à la Banque du Canada le but unique de parvenir à la stabilité des prix et de la maintenir. Même si ce but serait également l’objectif principal de la Banque centrale européenne, d’autres buts, subordonnés au premier, et potentiellement conflictuels, sont aussi proposés.

Une incertitude demeure quant aux pouvoirs que le gouvernement canadien s’attend à voir exercer par les directeurs de la Banque du Canada en vertu des nouvelles règles. Le fait d’accepter une représentation régionale plus efficace alignerait la Banque du Canada sur la Banque centrale européenne, où 12 des 28 membres du Conseil seraient des gouverneurs des banques centrales nationales nommés directement par chacun des États membres. Rien n’indique, cependant, que le gouvernement canadien propose que le Conseil d’administration de la Banque du Canada joue un rôle actif dans la formulation de la politique monétaire, dans le sens proposé pour les membres du Conseil de la Banque centrale européenne.

En conclusion, bien qu’il existe des différences considérables entre le système politique de la CE et celui du Canada, le gouvernement canadien a de toute évidence tiré des leçons des plans d’intégration économique de la Communauté européenne. Non seulement les propositions du gouvernement renforceraient-elles le marché commun canadien en veillant à la concrétisation des quatre libertés, mais elles ouvriraient la porte à une pleine union économique grâce à la coordination et à l’harmonisation des programmes fiscaux. À première vue, certaines propositions peuvent sembler radicales, mais lorsqu’elles sont examinées à la lumière des plans de la Communauté européenne qui, après tout, est une association d’États souverains, elles ne semblent pas exagérées.

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