BP-283F LA CONSTITUTION DU CANADA
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Rédaction :
TABLE DES MATIÈRES
LA CONFÉRENCE DE CHARLOTTETOWN (1864-1866) LE STATUT DE WESTMINSTER (1931) LA FORMULE FULTON (1961) ET LA FORMULE FULTON-FAVREAU(1964) LE COMITÉ MOLGAT-MACGUIGAN (1972) PROPOSITIONS FÉDÉRALES (1975-1976) LE TEMPS DAGIR ET LE PROJET DE LOI C-60 LA COMMISSION PEPIN-ROBARTS (1979) LA TENTATIVE DE 1980 DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982 LACCORD DU LAC MEECH (1987-1900) LE COMITÉ BEAUDOIN-EDWARDS (1991)
LA CONSTITUTION DU CANADA : BREF HISTORIQUE DES DISCUSSIONS
La constitution dun pays est une loi bien particulière qui influe sur la validité et linterprétation de toutes les autres lois. Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 prescrit dailleurs cette suprématie de la constitution canadienne dans les termes suivants :
Et le paragraphe 52(2) définit la constitution canadienne de la façon suivante :
La Loi de 1982 sur le Canada est la loi qua adoptée le Parlement britannique pour décréter ladoption, pour le Canada, de la Loi constitutionnelle de 1982(1). Les textes législatifs et les décrets dont il est question sont des lois constitutionnelles et des décrets adoptés depuis 1867 par le Parlement britannique et qui sappliquent au Canada au même titre que les lois et les décrets de nature constitutionnelle adoptés par le Parlement canadien depuis cette date. Depuis la Confédération, plusieurs discussions constitutionnelles et rapports gouvernementaux ont traité de la procédure de modification de la Constitution. Voici dont un bref historique et une description des procédures de modification proposées. LA CONFÉRENCE DE CHARLOTTETOWN (1864-1866) Les premières conférences constitutionnelles canadiennes se sont tenues avant même que le Canada ne devienne un Dominion en 1867. Les « Pères de la Confédération » se sont en effet réunis une première fois à Charlottetown en septembre 1864. La Loi constitutionnelle de 1867 ne comprenait aucune formule autorisant sa modification au Canada. En conséquence, seule une autre loi britannique pouvait venir modifier la loi fondamentale du pays. Cette anomalie a été corrigée dans la Loi constitutionnelle de 1982, qui renferme une procédure de modification en vertu de laquelle le Parlement du Canada et les législatures provinciales peuvent dorénavant modifier la Constitution du Canada sans quil y ait intervention du Parlement britannique. En incluant, en 1982, la procédure de modification dans la dernière loi britannique à avoir modifié la constitution canadienne, les Canadiens ont « rapatrié » leur constitution. Il sera plus loin question de la procédure de modification inscrite à cette occasion dans la Loi constitutionnelle de 1982. Il a fallu plusieurs discussions constitutionnelles avant que ne soit trouvé un processus de modification interne de la constitution canadienne. Cest au cours dune conférence fédérale-provinciale tenue à Ottawa du 3 au 10 novembre 1927 à linitiative du premier ministre MacKenzie King que la question fut abordée pour la première fois. Lun des sujets de discussions à lordre du jour était en effet une proposition du ministre de la Justice, lhonorable Ernest Lapointe, concernant le rapatriement de la Constitution et ladoption dune procédure de modification. La « Déclaration Balfour », faite dans le cadre de la Conférence impériale qui avait débuté en 1926, était alors un sujet dactualité qui engendrait tout naturellement des discussions sur une procédure interne de modification de la Constitution; Mackenzie King a donc saisi loccasion dinscrire la question à lordre du jour de la conférence. Selon la proposition du ministre de la Justice, les modifications « ordinaires » de la Constitution du Canada pourraient avoir lieu si la majorité des provinces était daccord, alors que les modifications « essentielles et fondamentales » (telles celles touchant les droits des provinces, les droits des minorités et les droits relatifs à la nationalité, à la banque et à la religion) exigeraient laccord unanime des provinces. La proposition ne réussit pas à rallier lassentiment des participants à la conférence et demeura donc lettre morte. LE STATUT DE WESTMINSTER (1931) La « Déclaration Balfour » traitait du statut des Dominions britanniques et reconnaissait à ces derniers légalité de statut avec le Royaume-Uni dans les termes suivants :
Le Statut de Westminster, adopté en 1931 par le Parlement britannique, est également le fruit de la Conférence impériale qui avait débuté en 1926. Ce statut reconnaissait lindépendance du Canada sauf en ce qui concerne le processus de modification, qui demeurait toujours soumis à ladoption dune loi par le Parlement britannique. Le 30 juin 1931, à la suite de la conférence fédérale-provinciale tenue les 7 et 8 avril 1931 à la demande de lOntario, la Chambre des communes adopta une résolution (aussi adoptée ultérieurement par le Sénat) qui fut transmise au Parlement britannique et qui demandait à ce dernier dexclure du projet de Statut de Westminster les lois constitutionnelles adoptés de 1867 à 1930. Le Statut de Westminster prévoyait que les Dominions (dont le Canada) pourraient désormais modifier les lois britanniques qui sappliquaient toujours à leur territoire respectif. Puisquil ny avait pas consensus sur une procédure de modification au Canada, il y avait lieu de faire une exception pour les lois constitutionnelles de 1867 à 1930. En janvier 1935, la Chambre des communes mit sur pied un comité spécial chargé détudier la nécessité de modifier lActe de lAmérique du Nord britannique; dans son rapport, ce comité ne dit rien dune éventuelle procédure de modification. Lors dune nouvelle conférence fédérale-provinciale tenue du 9 au 13 décembre 1935, le premier ministre Mackenzie King présenta un projet de procédure de modification qui nobtint toujours pas lassentiment des provinces. La procédure proposée prévoyait que, si le Parlement et au moins les deux tiers des provinces représentant au moins 55 p. 100 de la population se mettaient daccord, la Constitution du Canada pourrait être modifiée pour ce qui est des points touchant directement les provinces et quil y aurait possibilité de désengagement. Pour les questions plus fondamentales, lunanimité serait indispensable. Par suite de cette conférence, un comité permanent des questions constitutionnelles fut formé. La procédure de modification quil élabora et qui ne fut jamais adoptée prévoyait que la modification de la Constitution du Canada se ferait de la façon suivante ::
En vertu du paragraphe 92(1) de la Loi constitutionnelle de 1867, chaque assemblée législative provinciale avait le pouvoir de modifier la constitution de la province, à lexception des dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur. Le Parlement ne bénéficiait pas dune disposition similaire concernant la Constitution du Canada, cest-à-dire quil ne pouvait modifier seul les dispositions qui traitent de façon exclusive du gouvernement central et des institutions fédérales et qui naffectent que ces derniers. Le premier ministre Louis Saint-Laurent entreprit de corriger la situation et il fit modifier la Constitution par le Parlement britannique de façon à inclure le paragraphe 91(1), qui attribuait au Parlement lautorité exclusive de modifier la Constitution du Canada suivant les formalités prévues à ce paragraphe. Il faut noter que le paragraphe 91(1) et le paragraphe 92(1) ont tous deux été abrogés par la Loi constitutionnelle de 1982 et ont été refondus dans cette même loi. Il sécoula 15 ans avant quune nouvelle conférence traitant de la modification de la Constitution nait lieu. Au cours de cette conférence, tenue du 10 au 12 janvier et du 25 au 28 septembre 1950, on se proposait danalyser lActe de lAmérique du Nord britannique et de tenter den répartir les dispositions en six catégories, à savoir :
Il y aurait eu un processus de modification spécifique pour chacune de ces catégories. La négociation achoppa lorsquon se rendit à lévidence quil était impossible de classer les articles dans les différentes catégories sans sentendre sur le processus de modification qui gouvernerait chacune delles. En dépit de toutes les propositions avancées, il fut impossible den venir à une entente. LA FORMULE FULTON (1961) ET LA FORMULE FULTON-FAVREAU (1964) Dix ans plus tard, les discussions reprirent et menèrent, en 1961, à la « Formule Fulton », du nom du ministre de la Justice de lépoque. En vertu de cette proposition, la Constitution aurait pu être ultérieurement modifiée de la façon suivante (le cas particulier devant prévaloir sur une disposition plus générale) :
Pour pallier à la rigidité de la règle de lunanimité, la proposition prévoyait la possibilité que le pouvoir législatif dune province soit délégué au gouvernement fédéral sur une matière de compétence exclusivement provinciale. Cette proposition subit le même sort que les précédentes, en raison des divergences de vue persistantes. En 1964, le ministre de la Justice, lhonorable Guy Favreau, reprit la proposition Fulton et, après y avoir apporté de légères modifications, présenta une nouvelle proposition de procédure de modification. La nouvelle proposition conservait les éléments de la Formule Fulton et incorporait des dispositions qui accordaient au Parlement un pouvoir exclusif dapporter des modifications à la Constitution du Canada en ce qui concerne le gouvernement exécutif du Canada, le Sénat et la Chambre des communes, sauf :
De plus, les provinces se seraient aussi vu conférer le droit exclusif dédicter des lois modifiant leur constitution respective, sauf en ce qui concerne la charge de lieutenant-gouverneur. Lors de la conférence de 1964, la procédure proposée reçut laccord de principe de tous les premiers ministres, mais le premier ministre du Québec, Jean Lesage, fit par la suite marche arrière et refusa dentériner laccord, vraisemblablement parce que la population y était opposée. Outre quils remettaient en question le contenu de laccord, les critiques insistaient sur le fait que le processus de révision et de modification sétait déroulé sans que le public soit clairement informé du contenu des discussions et de laccord. Les discussions reprirent en 1968 et il y eut plusieurs conférences jusquen 1971. Lors de la conférence tenue à Victoria du 14 au 16 juin 1971, les premiers ministres conçurent un document, qui porte depuis le nom de Charte de Victoria et qui constituait une révision constitutionnelle importante. En ce qui a trait à la procédure de modification, la Charte de Victoria prévoyait que les modifications subséquentes de la Constitution du Canada pourraient se faire à condition que soit respecté le processus décrit ci-après :
La procédure de modification prévoyait également que, si une résolution de modification nétait pas adoptée par le Sénat dans les 90 jours de son adoption à la Chambre des communes, elle pouvait être remplacée par une seconde résolution de la Chambre des communes. Linitiative dune résolution pouvait venir de la Chambre des communes, du Sénat ou des assemblées législatives, et chaque corps législatif avait la possibilité de révoquer sa résolution avant quelle ne soit proclamée. En dépit de laccord des premiers ministres à Victoria, le cabinet québécois rejeta la Charte de Victoria. LE COMITÉ MOLGAT-MACGUIGAN (1972) Dans un rapport au Parlement en 1972, le Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada a émis lopinion que la nouvelle constitution canadienne devrait adopter la procédure prévue dans la Charte de Victoria. PROPOSITIONS FÉDÉRALES (1975-1976) En 1975, le premier ministre Trudeau relança les discussions constitutionnelles sur la base de la procédure de modification prévue dans la Charte de Victoria; il ne réussit toutefois par à obtenir lassentiment de toutes les parties concernées. En 1976, le premier ministre envoya un nouveau message à ses homologues provinciaux et reçut des réponses mitigées. Tout dabord, le premier ministre de lAlberta fit valoir une opposition partielle, réclamant un consensus sur lélargissement du rôle et des pouvoirs des provinces; ensuite, le premier ministre de la Colombie-Britannique se déclara daccord avec la procédure de la Charte de Victoria, alors que le premier ministre de lAlberta indiqua préférer que lon revienne à la formule Fulton-Favreau, plus rigide. Le 19 janvier 1977, le premier ministre Trudeau adressa à ses homologues provinciaux une lettre à laquelle il avait joint un projet de résolution adressée à la Reine, faisant état de la procédure de modification suivante :
De plus, en vertu de cette procédure de modification, le Sénat naurait joui que dun veto suspensif de 90 jours sur les modifications. Lopposition générale fit en sorte quil ne fut pas donné suite au projet. LE TEMPS DAGIR ET LE PROJET DE LOI C-60 En juin 1978, le gouvernement fédéral publia un Livre blanc, Le temps dagir, dans lequel il proposait que le renouvellement de la Constitution du Canada se fasse en deux étapes. Dans un premier temps, le Parlement, après avoir consulté les provinces, aurait modifié la Constitution en ce qui a trait aux matières que le gouvernement fédéral peut modifier seul. Dans un second temps, le gouvernement fédéral et les provinces auraient tenté den venir à une entente sur les sujets nécessitant lintervention du Parlement du Royaume-Uni, par exemple le partage des compétences. La même année, le gouvernement fédéral publia une autre étude qui portait directement sur le processus de modification de la Constitution du Canada. Après avoir fait un bref rappel des discussions tenues jusque-là sur le sujet, les auteurs du document retenaient quatre procédures possibles pour modifier la Constitution :
Toujours en 1978, le premier ministre déposa à la Chambre des communes le projet de loi C-60, Loi portant modification de la Constitution. En raison de lopposition quil suscitait, le projet de loi fut soumis a lexamen de la Cour suprême Cette dernière en arriva à la conclusion que le pouvoir accordé(5). au Parlement par le paragraphe 91(1) de la Loi constitutionnelle de 1867 ne concernait que les matières de compétence exclusivement fédérale. Comme plusieurs des modifications proposées par le projet de loi C-60 nentraient pas dans cette limite, le gouvernement ny donna pas suite. LA COMMISSION PEPIN-ROBARTS (1979) La Commission de lunité canadienne déposa son rapport en janvier 1979 et recommanda à son tour ladoption dune procédure de modification de la constitution canadienne. La procédure mise de lavant reprenait, à sa manière, la procédure de la Charte de Victoria. La procédure de modification proposée prévoyait que la Constitution serait modifiée par ladoption, à la majorité, dune loi par la Chambre des communes et le Conseil de la fédération(6) et par la ratification de cette loi par un référendum à léchelle du Canada. Pour que le référendum soit probant, il aurait fallu un vote affirmatif dans chacune des quatre régions constituées par les provinces de lAtlantique, le Québec, lOntario ainsi que les provinces de lOuest et les territoires(7). Cette procédure se serait appliquée aux articles de la Constitution qui traitent :
Selon ce même rapport, le Parlement aurait été investi du droit de modifier les autres articles de la Constitution, sauf ceux qui ont trait à la constitution des provinces, ceux-ci ne pouvant être modifiés que par lassemblée législative provinciale concernée. LA TENTATIVE DE 1980 DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL Par suite du référendum tenu au Québec le 20 mai 1980, à loccasion duquel une majorité de personnes refusa de donner au gouvernement de la province le mandat de négocier la souveraineté-association avec le reste du Canada, les discussions reprirent dès le 9 juin; elles visaient à amener les divers intervenants à en venir à une entente, entre autres choses, sur le rapatriement de la Constitution et sur une procédure de modification. En octobre 1980, un projet de résolution qui incluait une procédure de modification fut déposé à la Chambre des communes; il visait à permettre au gouvernement fédéral de procéder unilatéralement étant donné linsuccès des discussions antérieures. Cette résolution retenait comme procédure de modification le mécanisme suivant :
Il faut noter que la présentation dune résolution pouvait venir autant dune des deux Chambres du Parlement que dune assemblée législative, alors que la tenue dun référendum ne pouvait venir que du Sénat ou de la Chambre des communes. Compte tenu de lopposition à ce projet, des doutes exprimés quant à la légalité de la procédure et des avis donnés par les cours dappel du Québec, du Manitoba et de Terre-Neuve, la question fut renvoyées à la Cour suprême du Canada. Le 28 septembre 1981, cette dernière en arriva majoritairement à la conclusion que la démarche fédérale était légale, mais elle exprima des réserves sur la légitimité de celle-ci au motif quelle irait à lencontre des conventions et de lesprit du régime fédéral(8). Par ailleurs, le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada, présidé par le sénateur Harry Hays et le député Serge Joyal, déposa son rapport le 13 février 1981. Il recommandait que la règle générale de la procédure de modification soit celle du projet de résolution de 1977. Toutefois, les résolutions des assemblées législatives provinciales non formulées dans les 12 mois des résolutions de chacune des chambres du Parlement pouvaient être remplacées par un référendum. Le choix référendaire serait considéré comme étant adopté sil était approuvé par une majorité à léchelle nationale ainsi que par une majorité dans les provinces devant produire des résolutions dapprobation. Cette idée de la tenue dun référendum pour pallier à ladoption des résolutions par les assemblées législatives provinciales avait été mentionnée à plusieurs reprises par le premier ministre Trudeau. LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982 Une nouvelle conférence fédérale-provinciale fut convoquée. Le premier ministre Trudeau proposa encore une procédure similaire à celle quavait prévue la Charte de Victoria. Toutes les provinces, à lexception de lOntario et du Nouveau-Brunswick, appuyaient la « formule de Vancouver », selon laquelle la Constitution serait modifiée avec laccord des deux tiers des provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population. Cette proposition prévoyait également une possibilité de désengagement avec pleine compensation. Au cours des dernières discussions, les parties abandonnèrent lidée de la pleine compensation sauf pour les questions relatives à la culture et à la langue. Le Québec refusa de sassocier à lentente conclue, qui, après quon lui eut apporté de légères modifications, devint la Loi constitutionnelle de 1982. Cette loi constitutionnelle a amené ladoption de la procédure de modification suivante :
LACCORD DU LAC MEECH (1987-1990) Dans un discours prononcé en 1984, lhonorable Brian Mulroney prit lengagement dinsuffler un esprit nouveau au fédéralisme et de persuader lAssemblée nationale du Québec de signer la Constitution. En 1986, le gouvernement de Robert Bourassa établit les cinq conditions minimales qui devaient être satisfaites pour que le Québec accepte de signer la Constitution. Lune de ces conditions était que la province dispose dun droit de veto en ce qui a trait au processus de modification de la Constitution. LAccord Meech-Langevin du 30 avril 1987 aurait apporté les modifications suivantes à la procédure de modification de la Loi constitutionnelle de 1982 :
Les domaines décrits en a), d), f) et j) sont déjà des domaines pour lesquels lunanimité est requise dans la Loi constitutionnelle de 1982; les domaines mentionnés en b), c), e), g), h) et i) sy seraient ajoutés. En ce qui concerne la Cour suprême, seules des modifications à sa composition requièrent lunanimité en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982. LAccord du Lac Meech devait être adopté par les deux Chambres du Parlement et toutes les assemblées législatives provinciales pour entrer en vigueur. La Chambre des communes adopta laccord une première fois le 25 octobre 1987 et une seconde fois le 22 juin 1988 pour pallier au refus du Sénat dadopter ledit accord dans sa forme intégrale(9). À compter du 23 juin 1987, date où lAssemblée nationale du Québec adopta une première résolution approuvant laccord, et les autres provinces avaient trois ans pour lapprouver. En fait, une seule province, le Manitoba, na jamais adopté laccord; lAssemblée législative de Terre-Neuve, qui avait adopté une résolution approuvant laccord, a rescindé ultérieurement son approbation par une seconde résolution(10). Peu de temps avant lexpiration des trois années, comme il savérait de plus en plus probable que laccord ne serait pas adopté dans le délai prescrit par toutes les assemblées législatives, le premier ministre Mulroney convoqua une nouvelle conférence constitutionnelle, qui eut lieu au début de juin 1990. Le 9 juin 1990, les premiers ministres signèrent une entente aux termes de laquelle les premiers ministres des trois provinces desquelles on attendait toujours une ratification de laccord avant le 23 juin 1990 (le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et le Manitoba) consentaient à soumettre ce dernier à leur assemblée législative respective et à tout mettre en oeuvre pour quune décision soit prise avant le 23 juin 1990. Par suite de cette entente, le Nouveau-Brunswick adopta laccord dans le délai imparti. LAssemblée législative du Manitoba ne put se prononcer sur laccord parce quun de ses membres refusa de donner son consentement à ce que la procédure de ladite assemblée soit modifiée pour permettre à celle-ci de se prononcer avant le 23 juin(11). Puisque que laccord ne pouvait techniquement être adopté par lAssemblée législative du Manitoba, lAssemblée législative de Terre-Neuve décida quil nétait pas approprié de procéder à un vote sur le sujet. LE COMITÉ BEAUDOIN-EDWARDS (1991) Prenant pour hypothèse que lAccord du Lac Meech navait pu être adopté dans une large mesure à cause de la procédure de modification de la Loi constitutionnelle de 1982, le gouvernement proposa au Parlement la mise sur pied dun comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de mener de vastes consultations auprès des Canadiens et de faire enquête et rapport sur le processus de modification de la Constitution du Canada. Après avoir tenu des audiences partout au Canada, le Comité a produit, le 20 juin 1991, un rapport dans lequel il recommandait au Parlement que la procédure de modification de la Constitution soit changée de la façon suivante :
De plus, selon dautres recommandations, aucune modification à la Constitution qui influerait sur les droits des peuples autochtones naurait pu se faire sans consentement desdits peuples. De même, toute modification aux frontières des provinces ou des territoires aurait nécessité laccord du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires concernés. Quant à la création de provinces dans les territoires, elle aurait pu se faire sil y avait eu adoption dune loi fédérale entérinant un accord en ce sens entre le gouvernement fédéral et les territoires. Le rapport du Comité Beaudoin-Edwards mentionnait également que ladoption de la procédure de modification proposée naurait dû se faire que dans le cadre dune réforme plus globale, qui aurait inclus la réforme du Sénat. Comme on peut le constater, la plupart des formules proposées sont des variantes de la formule Fulton-Favreau, basée sur légalité des provinces, et de la Charte de Victoria, basée sur légalité des régions. Selon limportance accordée par les jeux politiques de la fédération canadienne à la province et à lautonomie provinciale, lune ou lautre formule a été favorisée. Par le passé, il a été proposé de passer outre à lapprobation des provinces en amenant la population à prendre part au processus au moyen dun référendum. Cette idée a récemment eu un regain de popularité par suite des pressions publiques voulant que la population participe davantage au processus. Pour quune telle formule de référendum puisse dappliquer, toutefois, il faudrait que toutes les provinces acceptent de modifier la formule de modification actuelle. (1) La première loi constitutionnelle du Canada, lActe de lAmérique du Nord Britannique, 1867, 30 et 31 Victoria, c. 3 (R.-U.), et ses lois modificatrices ont en fait toujours été des lois du Parlement britannique. LActe de lAmérique du Nord Britannique a été adopté le 29 mars 1867 et est entré en vigueur le 1er juillet 1867. Depuis 1982, les diverses lois constitutionnelles canadiennes sont désignées sous le vocable de « Loi constitutionnelle », suivi de lannée dadoption. Ainsi lActe de lAmérique du Nord Britannique, 1867 est maintenant désigné sous le titre de Loi constitutionnelle de 1867. (2) On entendait par là la charge de gouverneur général, les charges de lieutenant-gouverneur, la constitution du Conseil privé, la constitution, la composition et les pouvoirs du Sénat, à lexception de la représentation des provinces au sein de ce dernier, la constitution, la composition et les pouvoirs de la Chambre des Communes, à lexception de la représentation aux sein de cette dernière, ainsi que le Trésor. (3) Si toutefois la loi avait eu trait à des matières entrant dans les catégories 13 (propriété et droits civils) et 16 (matières dune nature locale ou privée dans une province) de larticle 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou dans lune ou lautre de ces catégories, le corps législatif dune province, dont lassemblée législative naurait pas été réputée avoir approuvé ladite loi en conformité des dispositions du présent article et qui aurait exprimé son dissentiment sur une résolution, aurait pu continuer exclusivement à légiférer sur les matières visées par ladite loi. (4) Cette section visait expressément toute matière relevant des articles 9 (Reine investie du pouvoir exécutif), 21 ((nombre de sénateurs), 22 (représentation des provinces au Sénat), 51 et 51A (représentation à la Chambre des Communes), des paragraphes 4, 5, 8, 12, 14 et 15 de larticle 92 (pouvoirs législatifs des provinces), de larticle 93 et des dispositions correspondantes des diverses lois de lunion (éducation), et de larticle 133 et de la disposition correspondante de lActe du Manitoba de 1870 (emploi des langues française et anglaise). (5) Re British North America Act and the Federal Senate (1979), 30 NR 271. (6) Suivant les recommandations du rapport, le Sénat aurait été remplacé par un Conseil de la fédération. (7) Toute province qui aurait par la suite regroupé au moins 25 p. 100 de la population du Canada serait automatiquement devenue une région distincte. (8) Renvoi : résolution pour modifier la constitution, [1981] 1 RCS 753. (9) En fait, le Sénat passa, le 21 avril 1988, une résolution par laquelle il adoptait lAccord après y avoir apporté neuf modifications. Comme le Sénat ne bénéficie que dun veto suspensif de 180 jours sur les modifications à la Constitution en vertu de larticle 47 de la Loi constitutionnelle de 1982, la Chambre des communes adopta une seconde résolution approuvant lAccord pour passer outre au refus du Sénat. (10) Le paragraphe 46(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit la possibilité pour une assemblée législative de révoquer la résolution quelle peut avoir déjà adoptée en faveur dun accord. (11) Les règles de procédure de lAssemblée législative du Manitoba ne permettaient pas à celle-ci de se prononcer sur laccord à moins quun avis en ce sens ne soit donné un certain nombre de jours à lavance. Le délai de lavis ne rendait pas possible la tenue du débat sur laccord avant le 23 juin 1990 à moins que tous les membres de lAssemblée ne consentent à traiter du sujet avant lexpiration de ce délai. Un seul député, Elija Harper, refusa de donner son consentement, ce qui eut pour effet de paralyser le processus tout entier. |