BP-293F

 

LA COUCHE D'OZONE :
L'ÉCRAN SOLAIRE DE LA TERRE

 

Rédaction :
Daniel Brassard
Division des sciences et de la technologie
Avril 1992


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LE SYSTÈME NATUREL

   A. L’ozone

   B. Le rayonnement ultraviolet
      1. Effets sur les humains
      2. Effets sur la biosphère

   C. Étendue des dommages

AGENTS ANTHROPIQUES

   A. Types d’agents

   B. Options technologiques de remplacement

MESURES PRISES POUR RÉDUIRE LES AGENTS DESTRUCTEURS

   A. Mesures prises à l’échelle internationale

   B. Mesures fédérales-provinciales prises au Canada

   C. Mesures prises par le gouvernement fédéral

   D. Mesures qu’il reste à prendre

RÉSUMÉ ET CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


 

LA COUCHE D’OZONE :
L’ÉCRAN SOLAIRE DE LA TERRE

 

INTRODUCTION

La vie sur la Terre tient à un équilibre délicat entre de nombreux éléments différents. Les conditions nécessaires pour assurer la diversité et l’abondance des espèces vivantes sont assez limitées, et toute modification importante de ces conditions peut avoir des effets imprévisibles. C’est l’énergie brute du soleil qui supporte toutes les formes de vie sur la planète.

L’une des principales composantes de l’énergie que le soleil transmet à la Terre est le rayonnement ultraviolet. Ce rayonnement peut être très utile en doses modérées; en doses excessives, il peut causer des problèmes graves aux humains et à la biosphère en général. L’ozone de la stratosphère est l’un des principaux mécanismes de modération de ce rayonnement; la couche d’ozone est en quelque sorte l’écran solaire de la Terre.

Depuis les années 70, l’homme sait que divers produits de sa fabrication détruisent ce filtre qui protège la vie. Bien des efforts ont été déployés pour tenter de remédier à la situation, qui est devenue de plus en plus alarmante pour les Canadiens. Selon une étude préliminaire récente de la NASA (Administration nationale de l’aérospatiale des États-Unis), la situation est pire que prévu et le Canada peut s’attendre dans l’avenir à voir augmenter la fréquence des « trous » dans la couche d’ozone. Dans le présent document, nous traitons des divers aspects de la question, depuis les explications techniques du phénomène jusqu’aux derniers efforts déployés pour résoudre le problème.

LE SYSTÈME NATUREL

L’atmosphère est l’enveloppe protectrice de la Terre; c’est elle qui permet à la vie d’exister. La vie sur la Terre a évolué lentement, de sorte que chaque partie de l’écosystème s’est adaptée aux conditions ambiantes pour en tirer le meilleur profit possible. Au cours des temps géologiques, l’atmosphère de la Terre a évolué. L’activité humaine a été la cause de nombreux changements dans l’atmosphère et elle a elle-même dû lentement s’adapter à ces derniers.

Au cours du siècle dernier, l’humanité s’est développée à un point tel qu’elle est en train de modifier la composition de l’atmosphère terrestre. Certains de ces changements, comme la pollution accrue de l’air et la modification des caractéristiques d’absorption énergétique de l’atmosphère, auront un effet direct sur les humains. L’encrassement direct de l’air respirable est très évident; toutefois, les modifications des propriétés d’absorption et de réflexion de l’atmosphère se font à plus long terme et sont plus difficiles à observer directement, particulièrement à cause du nombre élevé d’éléments en interaction. Parmi les modifications, mentionnons le fait que l’atmosphère absorbe moins de rayons ultraviolets nocifs, ce qui a pour effet d’augmenter la quantité d’énergie réfléchie dans l’espace et d’accroître la quantité de chaleur réabsorbée qui est réfléchie vers la Terre, de sorte que l’énergie lumineuse est piégée comme dans une « serre ».

   A. L’ozone

L’une des caractéristiques de l’atmosphère que l’humanité a modifiée est la quantité d’ozone servant à protéger la vie sur la Terre. Pour pleinement saisir l’importance de cette question, il faut comprendre dans ses grandes lignes les processus qui accompagnent une modification de l’ozone.

L’ozone (O3) est un gaz légèrement bleuté, à l’odeur âcre, qui, chimiquement, est un proche cousin de l’oxygène moléculaire (O2). On en trouve depuis le niveau du sol jusqu’à une altitude d’environ 60 km; la stratosphère contient environ 90 p. 100 de tout l’ozone. L’ozone stratosphérique, dont la concentration est maximale à 25 km, forme une couche d’environ 20 km d’épaisseur située à une altitude de 15 à 35 km de la surface de la Terre. L’ozone est si peu dense que s’il était comprimé à la pression du niveau du sol, il formerait une couche d’à peine 3 mm d’épaisseur(1).

L’ozone, particulièrement celui de la stratosphère, est le principal filtre permettant de réduire la quantité de rayonnement ultraviolet qui atteint le sol. Il existe d’autres filtres UV, comme certaines formes de pollution atmosphérique et les nuages; toutefois, l’effet net de ces autres filtres est mal documenté.

L’ozone se forme dans la troposphère et la stratosphère. Dans la stratosphère, les concentrations d’ozone sont plus stables et ses conditions de formation sont mieux connues. De l’ozone est constamment produit par les rayonnements très énergétiques, comme le rayonnement ultraviolet; ce rayonnement sépare les molécules d’oxygène (O2) en deux atomes d’oxygène qui se recombinent avec d’autres molécules d’oxygène pour former de l’ozone(O3). La formation et la destruction d’ozone donnent lieu à de nouveaux points d’équilibre selon diverses conditions. Il semble que certains facteurs accroissent la quantité d’ozone. On prévoit que des concentrations accrues de gaz carbonique (CO2) et de méthane (CH4), deux « gaz à effet de serre », feront augmenter la teneur en ozone dans une colonne atmosphérique(2). Une autre variable importante est la quantité de rayonnement solaire qui peut influer directement sur la production d’ozone.

La production d’ozone dans la troposphère est beaucoup plus dynamique et imprévisible. Même si les principes généraux régissant la production d’ozone dans cette zone sont semblables à ceux qui entrent en jeu dans la stratosphère, les conditions beaucoup plus variables dans la troposphère rendent les concentrations moins stables.

Le processus de destruction de l’ozone stratosphérique est très complexe et fait intervenir de nombreux facteurs. Il est bien connu que l’un des principaux agents de cette destruction est le chlore. Ce processus a récemment été considéré comme une réaction « hétérogène »(3) dans laquelle des cristaux de glace ou des cendres volcaniques servent de support aux réactions chimiques qui détruisent les oxydes d’azote(4). De plus, le processus est fortement influencé par la circulation de l’air et les conditions météorologiques, particulièrement dans le cas des « trous » de la couche d’ozone observés jusqu’à maintenant. En présence de températures très froides, la formation d’acide nitrique, qui joue un rôle important dans la destruction de l’ozone, peut s’accélérer.

Les divers facteurs qui interviennent dans le processus de destruction peuvent avoir diverses origines. Le chlore présent dans la stratosphère peut provenir de nombreuses sources, anthropiques ou naturelles. Les produits synthétiques qui contribuent le plus à la formation de chlore sont les composés chlorofluorocarbonés (CFC) et d’autres produits analogues qui montent lentement (en cinq ans) jusqu’à la stratosphère où ils sont décomposés. Les CFS resteront dans la stratosphère pendant plus de 100 ans. Les supports nécessaires au processus de destruction sont produits par la pollution anthropique, les cristaux de glace et les éruptions volcaniques importantes.

Bien que le processus dépende de plusieurs variables, une description simplifiée de ce qui se produit dans le cas des CFC permet d’illustrer son ampleur. Les CFC se décomposent dans la stratosphère. Le rayonnement ultraviolet « dissout » les « liaisons » qui maintiennent ensemble les atomes de chlore, de fluor et de carbone, et des atomes de chlore sont libérés. Il se produit deux types de réaction. Dans le premier cas, l’atome de chlore (C1) réagit avec l’ozone (O3) pour former du monoxyde de chlore (C10) et de l’oxygène moléculaire (O2). Dans le deuxième cas, l’oxyde de chlore (C10) se combine avec de l’oxygène atomique (O) pour former du chlore atomique (C1) et de l’oxygène moléculaire (O2). Généralement, un atome de chlore servant de catalyseur peut détruire jusqu’à 100 000 molécules d’ozone. Tout appauvrissement substantiel de la couche d’ozone stratosphérique risque d’accroître la quantité d’énergie ultraviolette atteignant la Terre.

   B. Le rayonnement ultraviolet

Le soleil émet un large spectre d’énergie dont la quantité varie avec le temps et dont la plupart des formes fournissent chaleur et lumière sur la Terre. Une partie de cette énergie se trouve sous forme d’énergie ultraviolette dont la longueur d’onde est plus courte que celle de la lumière violette. Malheureusement, la portion de la lumière ultraviolette dont la longueur d’onde va de 280 à 320 nanomètres, connue sous le nom de rayonnement ultraviolet B (UV-B), est dangereuse en excès.

Une surabondance de rayonnement ultraviolet B entraîne des effets néfastes directs et indirects chez les organismes vivants parce qu’elle endommage et modifie l’atmosphère. L’étendue des dommages et les formes de vie touchées font actuellement l’objet d’étude. Certaines recherches montrent qu’une adaptation limitée est possible, mais que la plupart des effets restent très négatifs. La majeure partie de l’information la plus récente sur les effets d’un rayonnement ultraviolet B accru vient d’un rapport des Nations Unies intitulé Environmental Effects of Ozone Depletion : 1991 Update(5) qui a été rendu public en février 1992. Une partie importante des détails relatifs aux effets négatifs du rayonnement ultraviolet B sont tirés de ce rapport.

      1. Effets sur les humains

De fortes doses de rayonnement ultraviolet B nuisent à la santé humaine, à la production alimentaire agricole destinée aux humains et aux matières synthétiques. Les effets d’un excès de rayonnement ultraviolet B sont dans une certaine mesure proportionnels à l’appauvrissement de la couche d’ozone. Le grand nombre d’interactions complexes qui se produisent peut toutefois rendre difficile l’interprétation des résultats.

Plusieurs conséquences directes des doses accrues du rayonnement ultraviolet B sur les humains ont été confirmées :

L’induction de l’immunosuppression par le rayonnement ultraviolet B a été mise en évidence chez les humains, que ce soit chez des individus à pigmentation claire ou à pigmentation foncée […] et elle s’accompagne d’augmentations possibles de l’incidence ou de la gravité des maladies infectieuses. […]

Il y a un nombre accru d’effets oculaires négatifs, parmi lesquels la myopie liée au vieillissement, une déformation de la capsule du cristallin et des cataractes nucléaires (une forme de cataracte que des informations antérieures avaient empêché de considérer). […] Une réduction soutenue de 10 p. 100 de l’ozone causerait l’apparition de 1,6 à 1,75 million de cas supplémentaires de cataracte par année à travers le monde(6).

D’autres effets médicaux font encore l’objet d’un débat.

On prévoit maintenant qu’une diminution soutenue de 10 p. 100 de la couche d’ozone se traduira par une augmentation de 26 p. 100 des cancers de la peau non liés à un mélanome. Tous les autres facteurs étant constants, cela signifierait qu’il y aurait une augmentation de plus de 300 000 cas par année dans le monde(7).

Cette prévision, qui a été largement diffusée, peut être remise en question à la suite d’autres études. Dans une étude portant sur le « mélanome cutané », qu’il a publiée en 1991, un épidémiologiste de l’Université de Boston cite de nombreuses études indiquant que le cancer de la peau est relativement peu fréquent chez les personnes travaillant à l’extérieur(8). Il cite aussi d’autres travaux étayant l’hypothèse selon laquelle le risque de mélanome est particulièrement lié à une exposition intermittente au soleil, surtout au début de la vie(9).

La production de certaines plantes cultivées a diminué avec l’augmentation du rayonnement ultraviolet B. Des expériences ont montré qu’une réduction de 1 p. 100 de la couche d’ozone entraînait une réduction de 1 p. 100 du rendement du soja(10).  Bon nombre de plantes cultivées ne sont pas touchées ou montrent un degré élevé de tolérance. Des recherches indiquent que la croissance et la photosynthèse de certains végétaux (p. ex., les semis de seigle, de maïs et de tournesol) peuvent être inhibées même aux niveaux ambiants de rayonnement ultraviolet B(11).

Certains matériaux utilisés par l’homme se dégradent plus rapidement s’ils sont exposés à un niveau accru de rayonnement ultraviolet B. De nombreuses classes de matériaux peuvent être touchées; des recherches sur ce sujet sont en cours.

Le rayonnement ultraviolet B est particulièrement efficace dans la dégradation par la lumière des produits du bois et du plastique; il entraîne une décoloration et une perte de résistance. L’accroissement du rayonnement ultraviolet B entraînera une dégradation plus rapide […](12).

 

      2. Effets sur la biosphère

Toutes les parties de la biosphère semblent touchées dans une certaine mesure, mais certaines le sont plus que d’autres. À vrai dire, certains des effets du rayonnement ultraviolet B pourraient être désastreux s’ils ne sont pas enrayés.

Le phytoplancton marin, une plante unicellulaire, produit au moins autant de biomasse que tous les écosystèmes terrestres confondus. En plus d’être un important producteur d’oxygène et un puits de carbone, il constitue un ingrédient essentiel de la chaîne alimentaire. Des études récentes montrent que l’écosystème aquatique subit déjà le stress du rayonnement ultraviolet B, et l’on craint qu’une augmentation de ce rayonnement provoque encore plus d’effets nuisibles(13). Une modification de la quantité de phytoplancton pourrait accroître l’effet de serre.

De nombreuses larves, y compris celles du crabe, de la crevette et de l’anchois, seraient directement touchées parce qu’elles passent des périodes critiques près de la surface de l’eau, où le rayonnement ultraviolet B peut pénétrer. Toute réduction de la population de poissons pourrait avoir un effet défavorable pour le genre humain. Le poisson compte pour 18 p. 100 des protéines animales mondiales et pour 40 p. 100 des protéines consommées en Asie(14).

La flore et la faune sont toutes deux touchées. La faune, et plus particulièrement les espèces diurnes, fait face aux mêmes difficultés que l’homme. Comme la sensibilité des arbres et des autres espèces végétales est variable, leur diversité et leur distribution pourraient se trouver modifiées(15). On pourrait également assister à la disparition de certaines espèces(16). Malheureusement, l’impact d’un accroissement du rayonnement ultraviolet B sur la végétation est difficile à évaluer.

Des facteurs environnementaux, biotiques (p. ex., les maladies des végétaux et la compétition avec les autres végétaux) et abiotiques (p. ex., le gaz carbonique, la température, les métaux lourds et la quantité d’eau disponible) peuvent interagir avec le rayonnement ultraviolet B chez les végétaux. C’est pourquoi il est difficile de faire des prévisions quantitatives(17).

L’accroissement du niveau de rayonnement ultraviolet B a aussi des effets sur les microorganismes. Si la population des microorganismes fixateurs d’azote atmosphérique diminuait en raison du rayonnement ultraviolet B, il faudrait remplacer l’azote par des engrais artificiels, dans la production du riz, par exemple(18).   En outre, le rayonnement est employé couramment en laboratoire pour provoquer des mutations chez les microorganismes. Des concentrations naturelles plus élevées de rayonnement et ultraviolet B pourraient engendrer des mutations plus rapides et, par conséquent, une adaptation plus rapide au stress causé par ce rayonnement.

De nombreux changements dans l’atmosphère de la Terre pourraient également résulter d’une modification de la quantité de rayonnement ultraviolet B que reçoit la planète. Les auteurs du récent rapport de l’ONU sur les effets environnementaux de l’appauvrissement de la couche d’ozone soulignent plusieurs changements possibles dans la qualité de l’air de la troposphère.

La réactivité chimique dans la troposphère devrait augmenter en réponse à un accroissement du rayonnement ultraviolet B.

Les concentrations d’ozone troposphérique pourraient augmenter dans les régions modérément a fortement polluées, mais devraient diminuer dans les régions non polluées (présentant de faibles concentrations d’oxyde d’azote), comme le confirment des mesures récentes effectuées dans l’Antarctique.

Les concentrations d’autres substances pouvant être nuisibles (peroxyde d’hydrogène, acides et aérosols) devraient augmenter dans toutes les régions de la troposphère en raison de la réactivité chimique accrue(19).

Une concentration accrue de gaz carbonique dans l’atmosphère pourrait constituer un autre effet à long terme de l’accroissement du rayonnement ultraviolet B. Le rabougrissement généralisé de la végétation et la réduction du phytoplancton marin réduiraient la quantité de gaz carbonique éliminé de l’atmosphère et pourraient accélérer le réchauffement à l’échelle mondiale(20).

   C. Étendue des dommages

La destruction associée à l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique a été abondamment publicisée. Un grand nombre des données présentées au grand public reflètent des incidences possibles d’appauvrissement relativement important de la couche d’ozone. D’autres facteurs qui compensent en partie les concentrations réduites d’ozone sont rarement discutés. Dans l’ensemble, la situation actuelle est fréquemment présentée sous le pire éclairage possible alors qu’elle est en réalité moins menaçante.

Au début de 1992, les Canadiens ont été indûment alarmés par la diffusion, par la NASA, de résultats de mesures préliminaires des concentrations de chlore dans l’atmosphère au-dessus de l’Arctique. Ces résultats, basés sur des mesures effectuées lors du vol ER-2 de la NASA en date du 15 janvier 1992, indiquaient une concentration de chlore de 1,5 partie par milliard. Cette concentration élevée de chlore a donné naissance à une intense préoccupation quant à la possibilité qu’il se crée un premier « trou d’ozone » au-dessus du Canada, où l’appauvrissement serait de l’ordre de 30 à 40 p. 100, au printemps de 1992. Si tel avait été le cas dans l’hémisphère septentrional, l’appauvrissement aurait été de l’ordre des 50 p. 100 signalé pour le trou bien connu au-dessus de l’Antarctique. Les renseignements recueillis plus tard ont indiqué que la concentration de chlore n’était que de 0,5 partie par milliard, une concentration qui rend peu vraisemblable la formation d’un trou d’ozone au printemps de 1992. Des conditions météorologiques favorables peuvent avoir contribué à réduire l’incidence de l’appauvrissement en ozone, puisqu’un froid extrême peut accélérer le processus de destruction de cette substance. Les données concernant l’ozone lui-même, tirées de Info-ozone en date du 11 mars 1992, indiquaient pour l’Ouest canadien un appauvrissement de 15 p. 100 par rapport aux quantités enregistrées de 1960 à 1980, alors que pour le reste du pays cet appauvrissement était d’environ 5 p. 100(21).

Plusieurs facteurs peuvent compenser des concentrations accrues de chlore dans la stratosphère ou une concentration réduite d’ozone stratosphérique. Il est prévu que des concentrations accrues de CFC et de N20 dans l’atmosphère abaisseront la teneur en ozone dans une colonne, alors que des concentrations accrues de C02 et de CH3 l’accroîtront(22). L’ozone troposphérique et les aérosols peuvent masquer les conséquences de l’appauvrissement en ozone stratosphérique en filtrant le rayonnement ultraviolet B dans certaines régions industrialisées(23). On pense également que les nuages filtrent le rayonnement ultraviolet B, mais aucune estimation fiable de la direction ou de l’ordre de grandeur des effets sur le rayonnement ultraviolet B n’a été effectuée(24).

Un grand nombre d’autres facteurs peuvent également influer sur la concentration d’ozone; ils vont du volcanisme, qui injecte gaz et aérosols dans l’atmosphère, à la production variable et cyclique d’énergie solaire. Les configurations météorologiques majeures peuvent aussi être extrêmement importantes puisqu’elles peuvent répartir plus uniformément l’ozone.

Afin de placer en perspective l’ampleur actuelle du problème, nous indiquons ci-après certains des faits les plus récemment connus.

Les plus importants appauvrissements globaux de l’ozone ont été observés en hiver, au printemps et en été aux latitudes élevées et moyennes (appauvrissement de 3,5 p. 100 en été par 45o N)(25). Pour l’Amérique du Nord, cela représente un appauvrissement estival d’environ 2,9 à 3,3 p. 100 aux latitudes comprises entre celles du Canada central et de la Floride(26).

La perte d’ozone au-dessus de l’Antarctique se poursuit. D’importants trous d’ozone antarctiques, qui se sont accentués en importance et en étendue se sont formé au cours des cinq dernières années(27).

L’incidence des aéronefs supersoniques a été réévaluée; de nouvelles indications suggèrent qu’elle est de beaucoup inférieure à ce qui avait antérieurement été envisagé(28).

Il a été confirmé que les navettes spatiales et les fusées n’ont aucune incidence importante sur la couche d’ozone(29).

Il a de fortes indications que la couche d’ozone s’est amincie deux fois plus rapidement qu’on ne l’avait estimé antérieurement(30).

Une réduction de 12 p. 100 de la production de phytoplancton a été enregistrée dans l’océan Antarctique pendant l’intervalle d’existence du trou d’ozone(31). Des recherches visant à évaluer l’effet annuel général sont en cours.

 

AGENTS ANTHROPIQUES

   A. Types d’agents

Nous ne pouvons guère arrêter l’activité d’un volcan ni modifier la météo, mais nous pouvons réduire la quantité de produits anthropiques qui contribuent à l’appauvrissement de la couche d’ozone.

C’est pendant les années 70 que, pour la première fois, l’être humain s’est inquiété de l’état de la couche d’ozone. Au milieu de cette décennie-là l’attention qui était portée aux avions perfectionnés comme cause principale de l’appauvrissement de la couche d’ozone s’est déplacée vers les bombes aérosol. À cette époque, on utilisait comme propulseur d’aérosol un groupe de produits chimiques désigné par le sigle CFC; des milliers de tonnes de CFC étaient alors rejetées directement dans la basse atmosphère, puis entreprenaient leur ascension graduelle vers les couches plus élevées où ils détruisaient l’ozone stratosphérique. Bien que la liste des produits qui détruisent l’ozone stratosphérique se soit beaucoup allongée depuis, ce sont toujours les CFC qui y occupent le premier rang.

Les CFC et les autres agents destructeurs d’ozone sont présents partout dans presque toutes les sociétés. On les utilise dans une grande gamme de produits que, bien souvent, l’on ne considère pas comme destructeurs de l’ozone. Vu le grand nombre de substances en jeu, on a adopté le terme « potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone » pour indiquer le potentiel destructeur d’ozone d’une substance, exprimé en masse par kilogramme, par rapport au chlorofluorocarbure-11 (CFC-11). Ce facteur dépend du temps de séjour de la substance dans l’atmosphère, de la masse moléculaire du brome et du chlore, de la mesure dans laquelle la substance peut être dissociée par photolyse, ainsi que d’autres facteurs constituant une mesure précise du potentiel relatif d’appauvrissement de la couche d’ozone.

Le lecteur trouvera au tableau 1 une liste des agents les plus destructeurs de l’ozone et leur potentiel d’appauvrissement, ainsi que certains nouveaux produits de remplacement des CFC. Les potentiels d’appauvrissement des hydrochlorofluorocarbures (HCFC) et des hydrofluorocarbures (HFC) sont respectivement faibles et nuls. Ces deux produits de remplacement des CFC sont des « gaz à effet de serre ». Ce tableau indique aussi les potentiels d’appauvrissement observés à différents moments au cours des recherches C’est le halon H-1301 qui accuse la variation la plus importante, avec un potentiel d’appauvrissement qui est passé de 10 à 16.

Chacun des grands groupes d’agents possèdent des applications principales différentes. Du point de vue quantitatif, les CFC sont les principaux agents destructeurs d’ozone. On les utilise à diverses fins et plus particulièrement dans le domaine de la réfrigération, dans la fabrication de plastiques expansés, dans les aérosols et dans les solvants, car ils sont stables, non toxiques, ininflammables et non corrosifs.

Ce sont les halons qui constituent l’autre grand groupe d’agents destructeur de l’ozone. Les halons sont utilisés comme produits extincteurs pour diverses raisons, entre autres leur faible toxicité, leur transparence qui ne diminue pas la visibilité pendant l’emploi, les faibles quantités de résidus de corrosion ou d’abrasion qu’ils produisent et leur grande efficacité d’extinction par unité de masse. Comme les halons sont normalement utilisés dans des systèmes clos, ils sont surtout rejetés dans l’atmosphère au cours de démonstrations à des fins de formation et au cours d’essais réalisés dans le cadre de l’entretien des systèmes. Leurs utilisations font, dans l’ensemble, l’objet d’importantes restrictions.

Les autres agents destructeurs de l’ozone, comme le tétrachlorure de carbone (CC14), ont plusieurs utilisations; par exemple, ils servent de charge de départ dans la fabrication de CFC et ils entrent dans la préparation de pesticides et d’agents de nettoyage à sec.

Le Canada est responsable de moins de 2 p. 100 de l’appauvrissement global de la couche d’ozone, mais les quantités de ces produits utilisées au pays sont semblables à celles dans de nombreux pays industrialisés. Les schémas 1 et 2 indiquent les quantités de CFC utilisées au Canada, exprimées en pourcentage, en 1986 et en 1990, respectivement. Les quantités réellement utilisées étaient beaucoup plus faibles en 1990, soit 13 700 tonnes contre 20 700 tonnes, et cette tendance à la baisse se poursuit. Ces chiffres, lorsqu’on les compare, soulignent aussi l’importante augmentation, jusqu’à 50 p. 100 à partir des 33 p. 100 qu’elle était, de la proportion utilisée dans le domaine de la réfrigération. De plus, les machines frigorifiques et les appareils de climatisation renferment couramment de vastes quantités de CFC.

 

Tableau 1

 

Potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone

Espèces

Évaluation (1) de 1991

Évaluation de 1989

Protocole de Montréal

CFC

CFC-11

CFC-12

CFC-113

CFC-114

CFC-115

 

1,0

1,0

1,07

0,8

0,5

 

1,0

0,9 – 1,0

0,8 – 0,9

0,6 – 0,8

0,3 – 0,5

 

1,0

1,0

0,8

1,0

0,6

CC14

1,08

1,0 – 1,2

 

1,1,1-trichloréthane

0,12

 

 

HCFC et HFC

HCFC-22

HCFC-123

HCFC-124

HFC-125

HFC-134a

HCFC-141b

HCFC-142b

HFC-143a

HFC-152a

HCFC-225CA

HCFC-225CB

 

0,055

0,02

0,022

0,0

0,0

0,11

0,065

0,0

0,0

0,025

0,033

 

0,04 – 0,06

0,013 – 0,022

0,016 – 0,024

0,0

0,0

0,07 – 0,11

0,05 – 0,06

0,0

0,0

-

-

 

CH3Br

0,6

 

 

Halons (2)

H-1301

H-1211

H-1202

H-2402

H-1201

H-2401

H-2311

 

16,0

4,0

1,25

7,0

1,4

0,025

0,14

 

 

10,0

3,0

(1) Ces valeurs sont basées sur une nouvelle méthode semi-empirique fondée sur des observations permettant de calculer le potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone, qui quantifie mieux les processus polaires.

(2) L’incertitude sur ces valeurs est plus élevée que celle sur les données sur les produits chimiques chlorées.

Source : Données tirées de la Synthèse des rapports produits par le Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone, du Groupe d’évaluation des effets sur l’environnement, du Groupe d’évaluation des facteurs technologiques et économiques, préparée par les présidents des groupes d’évaluation des parties au Protocole de Montréal, novembre 1991, p. 4.

Schéma 1
Utilisation en pourcentage des CFC au Canada en 1986

 

 

(1) Incluant les aérosols
Source : Environnement Canada

 

Schéma 2
Utilisation en pourcentage des CFC au Canada en 1990

(1) Incluant les aérosols
Source : Environnement Canada

 

   B. Options technologiques de remplacement

La nécessité de réduire l’utilisation d’agents qui détruisent l’ozone a mené à la réalisation de nombreuses innovations technologiques et à l’utilisation de substances de remplacement pour chaque application importante. Les modifications de plus grande envergure et de plus grande complexité se sont produites dans le domaine de la réfrigération et de la climatisation. Dans ce domaine et dans le domaine de la protection contre les incendies, où on utilise les halons, le besoin urgent de changement a rendu la récupération, la réduction des émissions et le recyclage indispensables.

Outre les améliorations importantes réalisées dans les domaines du recyclage et de la réduction des émissions, la plupart des travaux en matière de réfrigération et de climatisation visaient à trouver des substances de remplacement du CFC utilisé comme frigorigène. À ce jour, bon nombre de ces substances sont à base de HCFC et, dans une certaine mesure, de HFC. Le HFC-134a a été utilisé pour la première fois dans des climatiseurs pour automobiles en 1991, mais son utilisation s’étend rapidement. L’un des problèmes associés à l’utilisation des HCFC et des HFC est le fait qu’ils réduisent le rendement énergétique.

La nouveauté la plus intéressante en vue de résoudre les problèmes que posent la réfrigération et la climatisation est la mise au point du réfrigérateur thermo-acoustique, qui ne comprend aucune pièce mobile et utilise des gaz peu nocifs pour l’environnement. Le principe de fonctionnement de l’appareil est simple, mais son modèle réel est complexe. Un haut-parleur placé à l’extrémité d’un tube produit une note extrêmement forte qui résonne à l’intérieur d’un tube rempli de gaz. Ce son crée une « onde stationnaire » qui transmet efficacement la chaleur de la partie mince vers la partie renflée épaisse, appelée ventre(32). D’autres techniques sont également mises à l’essai.

La production de mousses, pour des applications allant de la fabrication d’isolants à la fabrication de tasses, demeure l’un des principaux domaines de consommation des CFC. Les principales solutions adoptées à ce jour ont été la réduction de la quantité de CFC requise ou le remplacement des CFC par des HCFC, qui sont moins nocifs. Une technique innovatrice, dans laquelle on utilise de l’oxygène et du gaz carbonique comme gonflant pour mousse, a été mise au point par la Lily Cup Inc., de Toronto, après de nombreuses années de recherche(33).

Pour remplacer les CFC dans les aérosols, on a généralement utilisé des hydrocarbures. Pour des applications médicales particulières, on a mis au point un nouveau distributeur sans pulvérisation. Ce nouveau distributeur a été mis au point à l’intention des asthmatiques par la société Astra Pharma Inc., de Mississauga(34).

L’un des principaux utilisateurs de solvants à base de CFC était l’industrie de l’électronique. Pour la plupart des applications, on a mis au point de nouveaux solvants qui ne contiennent pas de CFC. L’un de ces solvants est un produit de nettoyage à base d’eau contenant de l’acide citrique ordinaire. En 1991, la Northern Telecom a mis au point et mis en application une technique de rechange pour le soudage des plaquettes de circuits électroniques sans utilisation de solvant(35).

Plusieurs méthodes de rechange visant à remplacer le halon dans le domaine de la protection contre les incendies sont actuellement à l’étude. Jusqu’à ce que des découvertes importantes soient faites, la gestion efficace du halon permettra de satisfaire aux demandes de ce produit pendant des décennies.

MESURES PRISES POUR RÉDUIRE LES AGENTS DESTRUCTEURS

   A. Mesures prises à l’échelle internationale

La communauté internationale a relevé le défi de remédier à la destruction de la couche d’ozone stratosphérique. Cette détermination ferme a été l’une des principales raisons des progrès technologiques rapides dans le domaine des substances de remplacement des CFC. Le Canada, qui participe très activement aux discussions internationales, a pris des mesures à cet effet. En mars 1980, il a interdit l’utilisation des CFC dans la plupart des aérosols de consommation ordinaires, comme les laques, les désodorisants et les antisudorifiques. Le Canada a été le premier, parmi 22 pays, à ratifier la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone en juin 1986. Depuis cette première entente internationale importante, des mesures plus élaborées visant à préserver la couche d’ozone stratosphérique ont été acceptées.

Ces ententes internationales se traduisent ensuite en des objectifs nationaux. Au Canada, le gouvernement fédéral a travaillé en très étroite collaboration avec les provinces pour la mise en application des modifications nécessaires. L’industrie a aussi joué un rôle grandissant. En général, les objectifs visés étaient le recyclage, le remplacement et la réduction/destruction des principaux agents destructeurs d’ozone.

Dans une démonstration de collaboration planétaire jamais égalée auparavant, les pays du monde se sont engagés en 1987 à prendre des mesures sévères pour protéger la couche d’ozone. Leur principal accord, connu sous le nom de Protocole de Montréal, visait à réduire et, en fin de compte, à éliminer l’utilisation des CFC. Il a été signé le 16 septembre 1987 et est entré en vigueur le 1er janvier 1989.

Au moment où le Protocole de Montréal a été signé, les divers pays reconnaissaient déjà qu’il fallait lui apporter des améliorations importantes, ce qui a été fait à la conférence tenue à Londres en 1990. La liste des substances devant faire l’objet d’un contrôle en vertu du protocole a été élargie de façon à comprendre le méthychloroforme et le tétrachlorure de carbone. La modification comprenait la création d’un fonds destiné à aider les pays en développement. À l’occasion de cette conférence, 13 pays, dont le Canada, se sont engagés à éliminer les CFC d’ici 1997, soit trois ans avant la date fixée à l’échelle internationale.

Le fonds de 240 millions de dollars destiné à aider les pays en développement est administré au Canada. Il aidera ces pays à se convertir à des substances et des techniques présentant moins de danger pour la couche d’ozone en leur apportant une aide financière et en leur fournissant de la formation et des informations technologiques. Certains des pays, dont le Canada, qui s’est engagé à fournir 15 millions de dollars sur une période de trois ans, ont versé leur montant prévu au fonds. En mars 1992, de nombreux pays, dont la France et le Royaume-Uni, n’avaient pas encore respecté leur engagement.

Le protocole semble donner les résultats escomptés. La consommation mondiale actuelle de CFC est de 40 p. 100 moins élevée qu’en 1986. À ce rythme, la réduction visée de 50 p. 100 sera atteinte en 1992, soit trois ans avant la date fixée dans le protocole modifié(36).

Depuis la signature de la modification de Londres du Protocole de Montréal en 1990, plusieurs grands pays industriels et quelques-unes des principales industries liées aux CFC ont annoncé de nombreuses nouvelles mesures pour accélérer l’élimination des CFC.

Les États-Unis ont indiqué qu’ils élimineront la production de CFC et de la plupart des substances responsables de l’appauvrissement de la couche d’ozone d’ici le 31 décembre 1995 plutôt qu’avant l’an 2000. Le Japon travaille actuellement à un projet pour accélérer l’élimination des CFC. L’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas se sont engagés à éliminer les CFC d’ici à janvier 1995 et les autres pays de la Communauté économique européenne (CEE) étudieront la possibilité de prendre des mesures semblables.

Le Canada a annoncé qu’il éliminera la production de CFC d’ici le 31 décembre 1995 plutôt qu’avant 1997, comme il l’avait indiqué antérieurement. Les HCFC non récupérables seront éliminés d’ici à 2010 et ils auront cessé d’être produits et importés avant 2020.

L’industrie répond également à cette nécessité de changement. La DuPont, le plus grand producteur de CFC au monde, interrompra la production de cette substance d’ici à 1997, soit trois ans plus tôt que prévu. Les grands fabricants d’appareils électroniques, tels Matsushita, NEC et Sony, ont tous élaboré des programmes prévoyant l’élimination de l’utilisation des CFC avant 1995. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la Northern Telecom a mis au point une technique de soudage ne nécessitant aucun solvant de nettoyage.

   B. Mesures fédérales-provinciales prises au Canada

Pour que le Canada puisse s’engager sur le plan international, les différents ordres de gouvernement devront collaborer pour que les modifications nécessaires soient apportées à la réduction et à l’élimination des agents ayant pour effet d’appauvrir la couche d’ozone. En avril 1989, le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME) a chargé le comité d’action fédéral-provincial de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de coordonner l’élaboration de mesures d’élimination dans toutes les provinces et territoires. Le CCME a pris les devants pour organiser une participation multi-juridictionnelle afin de réduire, de récupérer et de recycler les CFC. Le 21 août 1990, le CCME a mis sur pied un groupe de travail chargé d’élaborer un plan d’action national en matière de réduction, de récupération et de recyclage.

Le Plan d’action national provisoire doit être présenté officiellement au CCME en mai 1992. L’élaboration rapide d’un plan aussi important témoigne de l’excellente collaboration qui existe entre les différents gouvernements sur cette importante question environnementale. ce plan prévoit six tâches principales :

1. Ordonner, conformément aux règlements provinciaux, la récupération, le recyclage et la réutilisation des CFC et des HCFC produits par les appareils de réfrigération et de conditionnement de l’air. Cela comprend l’interdiction d’émettre délibérément des CFC et des HCFC dans l’atmosphère.

2. Élaborer, en collaboration avec les associations de l’industrie, des programmes de formation sur la récupération et le recyclage dans le secteur des services. La formation comprendrait une présentation du Code fédéral de pratiques visant la réduction des émissions de CFC ainsi que des stages pratiques d’utilisation des équipements.

3. Caractériser la banque actuelle des CFC au Canada. Cette tâche sera nécessaire pour mesurer l’efficacité des activités de récupération/recyclage et pour prévoir des scénarios de destruction ultime.

4. Élaborer, avec la participation de l’industrie et les associations de normalisation, des normes appropriées sur la qualité des réfrigérants recyclés et sur le rendement des équipements de récupération.

5. S’assurer que le grand public est informé du problème et des solutions. La réaction et la participation du public font partie intégrante de la solution du problème.

6. Réviser les normes gouvernementales en matière d’achat et d’approvisionnement, y compris les marchés de services, pour s’assurer que les CFC, les HCFC et les halons sont récupérés et recyclés.

Certains gouvernements ont déjà commencé à mettre en oeuvre certains aspects du Plan d’action national provisoire. En Nouvelle-Écosse et en Ontario, il est obligatoire de récupérer et de recycler les CFC utilisés pour le conditionnement de l’air pendant la période d’entretien courant ou avant la mise au rebut des véhicules. On prévoit que des mesures semblables auront été mises en place dans toutes les provinces d’ici à la fin de 1992.

   C. Mesures prises par le gouvernement fédéral

En plus des travaux accomplis directement en collaboration avec les provinces, le gouvernement fédéral participe à d’autres projets.

Le 25 août 1991, le ministre de l’Environnement a annoncé que 25 millions de dollars des fonds consacrés au Plan vert seraient utilisés pour renforcer la lutte entreprise par le Canada contre l’appauvrissement de la couche d’ozone. De ces fonds, 9,2 millions de dollars seront consacrés à l’élimination accrue des substances contribuant à l’appauvrissement de la couche d’ozone (appui aux mesures d’élimination, à la réglementation, au recyclage et à la récupération). Le reste de la somme (15,8 millions de dollars) doit être administré par le Service de l’environnement atmosphérique pour la recherche, la surveillance, la prévision des répercussions sur la couche d’ozone et l’exploitation d’un système d’avertissement sur les UV-B.

Pour permettre aux Canadiens de se protéger de façon appropriée contre les UV-B qui sont plus intenses que jamais, Environnement Canada a annoncé la mise sur pied d’un service de consultation peu de temps après que la NASA eut confirmé la forte possibilité que la couche d’ozone au-dessus d’une grande partie du Canada soit fortement appauvrie. Ce service fonctionne depuis le 13 mars 1992, donc beaucoup plus tôt que prévu à l’origine, et il fournit des informations quotidiennes sur la période de la journée la moins nocive relativement à une exposition aux UV-B. Un service semblable est offert en Australie depuis plusieurs années.

   D. Mesures qu’il reste à prendre

Les pays développés se sont donné pour objectif de réduire leurs sources de produits qui endommagent la couche d’ozone. Il reste encore à surmonter d’importants problèmes matériels, en ce qui a trait aux vastes dépôts d’équipements et de matériaux contenant des CFC et aux aspirations des pays ne voie de développement.

Les pays développés utilisent des CFC depuis l’invention de ces produits il y a plus de 50 ans. Une grande partie des plastiques alvéolaires et des matières isolantes contenant des CFC se trouvent maintenant dans des dépotoirs et l’on sait peu de chose relativement à la libération des CFC qu’ils contiennent. En outre, il existe dans le monde plus d’un milliard de réfrigérateurs et d’appareils de climatisation dont un grand nombre sont mal entretenus ou laissent échapper des CFC, ou qui, s’ils ne sont plus utilisables, sont tout simplement rejetés dans des parcs à ferraille, où ils finissent par libérer des CFC. Il n’a été conclu aucune entente internationale qui garantisse que ces vastes quantités de CFC n’aboutiront pas dans l’atmosphère. À plus longue échéance, comme il n’y aura plus aucune demande de CFC recyclés, il faudra trouver de nouveaux procédés pour détruire les CFC efficacement et économiquement.

Les pays d’Europe de l’Est et les grands pays d’Asie tels que la Chine et l’Inde ont des difficultés à aborder les problèmes liés à l’appauvrissement de la couche d’ozone, d’autant plus qu’il leur est relativement peu aisé d’adopter des technologies plus raffinées. À l’échelle mondiale, l’Inde et la Chine ne fabriquent actuellement que 3 p. 100 des produits chimiques qui affaiblissent la couche d’ozone, mais leur potentiel productif peut considérablement augmenter. La Chine, à elle seule, produit plus de huit millions de réfrigérateurs annuellement.

Le fonds de 240 millions de dollars établi pour venir en aide aux pays en voie de développement ne représente qu’une assistance minime, compte tenu de l‘envergure du problème. Le Canada et les autres pays développés doivent pouvoir faire une offre tangible aux pays en voie de développement, c’est-à-dire surtout leur présenter des mécanismes reconnus de récupération et de recyclage, ainsi que des produits de substitution des CFC qui soient peu coûteux. Ensuite, il sera essentiel de procéder à la négociation « d’ententes mondiales », pour garantir la découverte d’une solution réellement d’envergure mondiale. Avant de conclure des « ententes mondiales », les pays développés pourraient envisager de lier les programmes d’expansion commerciale et les politiques d’aide étrangère à la réduction progressive de l’emploi des CFC.

Bien que tous les pays prennent actuellement des mesures de réduction et de modification de la production des CFC, les concentrations de l’ozone dans la couche d’ozone ne pourront revenir à la normale avant un siècle. Même si l’on décidait d’appliquer dans leur totalité les mesures de réduction contenues dans le Protocole de Montréal modifié, la concentration du chlore dans la stratosphère atteindrait une pointe d’environ 4,1 parties par million d’ici à l’an 2000, ce qui causerait une réduction de 10 p. 100 de l’ozone en hiver, et de 5 à 10 p. 100 en été(37).

Compte tenu de cette probable réduction à long terme de la concentration de l’ozone stratosphérique, l’humanité devra s’adapter aux conditions changeantes. Il y a de nombreuses façons de réduire les risques pour la santé. On peut par exemple appliquer sur l’épiderme une crème solaire ayant un facteur de protection d’au moins 15 et modifier certains détails de son mode de vie pour protéger son épiderme. En Nouvelle-Zélande, on oblige les écoliers à porter un chapeau et à déjeuner à l’ombre. En portant des lunettes de soleil de haute qualité, traitées de façon à absorber le rayonnement ultraviolet lorsqu’on se trouve à l’extérieur dans des conditions de fort ensoleillement, on peut efficacement protéger ses yeux. En prenant des précautions appropriées, on peut réduire les dangers pour la santé, qui résultent de l’appauvrissement de la couche d’ozone.

RÉSUMÉ ET CONCLUSION

La vie sur la planète demeure le résultat d’un équilibre précaire entre de nombreux éléments différents. En employant les CFC, l’homme a sérieusement réduit la couche d’ozone, laquelle à de nombreux égards se comporte comme l’écran solaire de la planète. Cette diminution des concentrations de l’ozone stratosphérique a intensifié les effets délétères du rayonnement UV-B, de sorte que la destruction liée aux effets de ce rayonnement augmentera probablement au moins jusqu’en l’an 2000.

La communauté internationale a coopéré plus que jamais pour remédier à cette situation. La réduction des quantités d’agents destructeurs de la couche d’ozone, leur recyclage et leur remplacement par d’autres produits progressent. On élabore actuellement de nouvelles technologies et des produits capables de remplacer les agents destructeurs de l’ozone. Depuis 1986, on a réduit l’usage global des CFC de plus de 40 p. 100. Les projections actuelles indiquent que, selon le scénario de plus optimiste, la couche d’ozone atteindra son plus fort taux d’appauvrissement vers l’an 2000 et qu’il lui faudra de nombreuses années pour revenir à son état antérieur. Les populations devront apporter quelques modifications à leur mode de vie pour s’adapter à l’intensification du rayonnement UV-B et ainsi réduire autant que possible les effets nocifs de ce rayonnement pour la santé. Espérons que les autres formes de vie de la planète pourront également s’adapter avec succès à l’intensification du rayonnement UV-B.

Même avec une entière coopération internationale, il reste quelques problèmes importants à résoudre. Comment peut-on contrôler de façon adéquate les stocks existants de CFC? Comment les pays en voie de développement, qui ont tant d’exigences contradictoires, pourront-ils se convertir en protecteurs de la couche d’ozone? Tant que tous ces problèmes n’auront pas été résolus, il sera impossible de garantir le succès à long terme des mesures de reconstitution de la couche d’ozone.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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Synthèse des rapports produits par le Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone, du Groupe d’évaluation des effets sur l’environnement, du Groupe d’évaluation des effets sur l’environnement, du Groupe d’évaluation des facteurs technologiques et économiques, préparée par les présidents des groupes d’évaluation à l’intention des parties du Protocole de Montréal, novembre 1991.

« Volcanic Dust Threatens the Ozone Layer ». New Scientist, 7 septembre 1991.

Watson, Robert. Present State of Knowledge of the Ozone Layer. NASA, juin 1988.

 


(1) Environnement Canada, Protection de la couche d’ozone, mars 1988, p. 5.

(2) Robert Watson, Present State of Knowledge of the Ozone Layer, NASA, juin 1988, p. 3

(3) Une réaction « hétérogène » est une réaction qui fait intervenir des particules gazeuses et des particules solides.

(4) « Volcanic Dust Threatens the Ozone Layer », New Scientist, 7 septembre 1991, p. 27.

(5) Environmental Effects of Ozone Depletion : 1991 Update, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), novembre 1991.

(6) Ibid. (traduction).

(7) Ibid. (traduction).

(8) Dr Howard Koh, New England Journal of Medicine, vol.325, no 3, 18 juillet 1991, p. 171.

(9) Ibid.

(10) Fiche documentaire d’Environnement Canada, p. 1.

(11) Environmental Effects of Ozone Depletion (1991), p. iii.

(12) Ibid., p. iv.

(13) Ibid.

(14) Stephen O. Anderson, « Halons and the Stratospheric Ozone Issue », Fire Journal, vol. 8, no 3, mai-juin 1987.

(15) Environmental Effects of Ozone Depletion (1991), p. iv.

(16) Synthèse des rapports produits par le Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone, du Groupe d’évaluation des effets sur l’environnement, du Groupe d’évaluation des facteurs écologiques et économiques, préparée par les présidents des groupes d’évaluation des parties au Protocole de Montréal, novembre 1991, p. 6.

(17) Environmental Effects of Ozone Depletion (1991), p. iii (traduction).

(18) Ibid., p. iv.

(19) Ibid. (traduction).

(20) Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone (1991), p. 6.

(21) Environnement Canada, Info-ozone, 11 mars 1992.

(22) Robert Watson, Present State of Knowledge of the Ozone Layer, NASA, juin 1988, p. 3.

(23) Environmental Effects of Ozone Depletion (1991), p. iii.

(24) Ibid.

(25) Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone (1991), p. 3.

(26) « The Stratospheric Ozone Layer Over the U.S. Has Been Found Thinner in Summer », Environmental Science Technology, vol. 26, no 1, 1992, (traduction).

(27) Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone (1991), p. 3.

(28) Ibid.

(29) Ibid.

(30) « The Stratospheric Ozone Layer… », (1992) (traduction).

(31) Ibid. (traduction).

(32) « Cooling with Sound : An Effort to Save Ozone Shield », New York Times, 25 février 1992.

(33) William Murray, « Percées technologiques découlant de l’élimination graduelle des CFC », Document produit pour le comité permanent de la Chambre des communes chargé de l’environnement, Bibliothèque du Parlement, 1er avril 1992, p. 2.

(34) Ibid.

(35) « No More Ozone-Depleting Solvents », Toronto Star, 16 décembre 1991.

(36) Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone (1991), p. 7.

(37) Groupe d’évaluation scientifique de la couche d’ozone (1991), p. 5.