BP-300F
LES SYSTÈMES DE SOINS DE
SANTÉ
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES
RÔLES
DU GOUVERNEMENT ET DU SECTEUR PRIVÉ DANS LE PROFIL DES RÉGIMES DE SOINS DE SANTÉ A. Accès aux services de santé B. Obstacles financiers aux soins A. Niveau et croissance des coûts des soins de santé B. Avantages du système à payeur unique RATIONNEMENT ET QUALITÉ DES SOINS
LES SYSTÈMES DE SOINS DE SANTÉ CANADIEN ET AMÉRICAIN
Les États-Unis sont en train détudier diverses propositions de réforme de leur système de soins de santé, et le système canadien leur apparaît souvent comme un modèle à envisager. Assez curieusement, le Canada cherche parfois du côté des États-Unis des solutions pour améliorer son propre système. Cette quête dun meilleur système de soins de santé a amené la publication dune documentation abondante mais discordante sur les mérites relatifs des deux systèmes, lun public, lautre privé. Si de nombreux observateurs soutiennent que le système public canadien est à la fois plus efficace et plus économique, dautres, tout aussi nombreux, font valoir que le système américain, qui obéit surtout aux lois du marché, garantit des services plus efficaces et de meilleure qualité. Dans la présente étude, nous comparons les régimes canadien et américain et nous examinons les documents les plus récents sur cette question. Dans la première partie, nous nous penchons brièvement sur les arguments pour ou contre lintervention du gouvernement dans le domaine de la santé, tandis que dans la deuxième, nous comparons les deux systèmes pour ce qui est de leur accessibilité, des obstacles financiers quils présentent, de leur administration et de létendue des services couverts. Dans la troisième partie, nous traitons de lendiguement des coûts et enfin, dans la quatrième, nous comparons la qualité des soins offerts par lun et lautre système. RÔLES
DU GOUVERNEMENT ET DU SECTEUR PRIVÉ Le Canada et les États-Unis consacrent tous les deux une proportion élevée de leur richesse nationale aux soins de santé. Des estimations pour 1990 indiquent que le Canada a dépensé plus de 9 p. 100 de son produit intérieur brut (PIB), soit 60 milliards de dollars, pour les soins de santé(1), pendant que les États-Unis consacraient 660 milliards ou 12 p. 100 de leur PIB à ces soins(2). Le régime de soins de santé au Canada est caractérisé par une forte intervention gouvernementale. Comme lindique le tableau 1, les dépenses de santé en 1990 y ont été payées à 72 p. 100 par les gouvernements fédéral et provinciaux ou les administrations locales. Les Canadiens ne payent de leur poche que les services qui ne sont pas couverts par le régime dassurance de leur province, ce qui représente 21 p. 100 de la facture totale. Pour sa part, le régime de santé aux États-Unis mise surtout sur le secteur privé; les citoyens américains et les compagnies dassurances privées ont payé plus de la moitié des dépenses de soins de santé, tandis que la part du gouvernement central, des États et des administrations locales représentait 43 p. 100 de celles-ci. TABLEAU 1 FINANCEMENT DES SOINS DE SANTÉ PAR SOURCE DE FONDS, 1990
Source: Comité permanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine, Le régime de soins de santé au Canada et son financement : des choix difficiles, Ottawa, juin 1991, p. 7; Julie Kosterlitz, « A Sick System », National Journal, 15 février 1992, p. 383. Lintervention du gouvernement dans le domaine des soins de santé est une source de controverse, les camps adverses faisant tous les deux valoir des arguments solides pour ou contre celle-ci. Au Canada, les soins de santé sont considérés comme un service public qui ne devrait pas être assujetti aux lois du marché ou au mécanisme des prix et des profits. Les Américains, eux, préfèrent que laide du gouvernement soit réservée aux personnes nécessiteuses et que le secteur privé prenne la part du lion du marché. Ils maintiennent que la dynamique du marché, qui est le moteur de léconomie classique, permet de contenir les coûts et dassurer efficacement des services de qualité grâce à la concurrence. Au Canada, on invoque habituellement les lacunes du marché pour justifier lintervention du gouvernement dans le domaine des soins de santé. Dans le secteur privé, cest la loi de loffre et de la demande qui régit la distribution des ressources. Léchelle des prix qui en résulte garantit une distribution optimale des ressources, pourvu que certaines conditions concernant loffre et la demande soient respectées. Or, ces conditions ne sont pas toujours présentes dans le domaine de la santé. Premièrement, il est difficile pour le marché dassurer un volume suffisant de services de santé étant donné que la nature même de ces services implique des coûts et des bénéfices dont léconomie de marché ne tient pas compte. Deuxièmement, les consommateurs ne peuvent pas faire de choix éclairés, parce quil y a trop dimpondérables en ce qui touche la maladie et létat de santé futur. Souvent, ils ne savent pas ce dont ils ont besoin et ils doivent déléguer cette décision à ceux-là mêmes qui dispensent les soins de santé. Lintervention du gouvernement dans le domaine de la santé se justifie aussi par des considérations de justice sociale et dinégalité économique. Dans un système de libre concurrence, les personnes à faible revenu doivent payer le même prix que les nantis pour se faire soigner, de sorte quils doivent consacrer une part relativement plus importante de leur revenu pour obtenir des soins de santé. Cest pour ces raisons quau Canada, le gouvernement fédéral et les provinces ont préféré adopter un système public dassurance-santé qui protège tous les résidents, indépendamment de leur capacité de payer. De son côté, le système de santé des États-Unis est fondé sur le choix plutôt que sur la capacité de payer. En reconnaissance du fait que certains groupes ont besoin de protection sociale, notamment les pauvres et les personnes âgées, le gouvernement a institué les régimes Medicare et Medicaid. Il compense ainsi certaines imperfections du marché. Le système américain prend pour appui que la vaste majorité des gens sont tout à fait capables de se prémunir contre les conséquences de la maladie et que la majeure partie de la population ne sera jamais privée de soins pour des raisons financières. Dans loptique de la libre concurrence, le consommateur est libre de choisir son niveau de protection. Certains choisissent une protection suffisante, dautres une protection partielle, dautres, enfin, pas de protection du tout. Lorsque les gens décident de prendre une assurance médicale, ils doivent se demander quelle valeur ils accordent aux services de santé comparativement à dautres biens, compte tenu de leurs revenus et de leur volonté de payer. Les Américains peuvent choisir le genre dassurance quils désirent obtenir, mais il reste que le recours aux services de santé exige des connaissances spécialisées; les médecins demeurent donc des sources de renseignements et de conseils à cet égard. Dans un régime de rémunération à lacte, les médecins peuvent être en conflit dintérêts. La plupart des Américains pensent, cependant, quune concurrence saine entre médecins et hôpitaux assure des soins de santé de qualité à des prix raisonnables. En résumé, on ne sentend pas sur les principes fondamentaux sur lesquels devrait se fonder le régime de soins de santé. Des considérations sociales peuvent être invoquées pour justifier lintervention du gouvernement, tandis que dautres facteurs comme la liberté de choix et lefficacité de linteraction entre loffre et la demande font pencher la balance du côté du secteur privé. Il résulte de ces différentes optiques un système relativement simple au Canada et un système très complexe aux États-Unis. PROFIL DES RÉGIMES DE SOINS DE SANTÉ Le Canada fournit une protection universelle à tous ses résidents par lentremise de régimes provinciaux dassurance-santé cofinancés par les autorités fédérales et les autorités provinciales ou territoriales. Des compagnies dassurance privées existent, mais elles ne peuvent pas couvrir des services fournis en vertu des régimes provinciaux. Dans chaque province, un seul organisme public a la responsabilité de rembourser les hôpitaux et les médecins. Les malades sont libres de consulter le médecin de leur choix, mais ils ne payent pas aux médecins ou aux hôpitaux les services de santé assurés. La majorité des médecins travaillent à leur compte et sont rémunérés à lacte. La plupart des hôpitaux sont des organismes privés à but non lucratif financés à même le budget global des gouvernements provinciaux. De même, les fournisseurs de soins aux États-Unis, notamment les médecins et les hôpitaux, travaillent pour la plupart en exercice privé. La majorité des patients reçoivent des soins rémunérés à lacte et, en général, ils sont libres de consulter le professionnel de leur choix. Il existe néanmoins différents régimes dassurance, certains publics, dautres privés, comprenant des programmes dispensés par lemployeur et dautres par lentreprise privée. Les employeurs américains peuvent offrir à leurs employés des régimes dauto-assurance ou encore des régimes dassurance administrés par un tiers. Les employeurs auto-assurés appliquent et gèrent habituellement leur propre programme de santé; certains dentre eux ont même leurs propres établissements de santé. Outre les régimes commerciaux, on trouve des fournisseurs de soins indépendants comme les HMO (Health Maintenance Organizations), qui assurent et dispensent des services de santé, et des PPO (Preferred Provider Organizations), qui offrent un régime dassurance médicale mais permettent aux clients de choisir parmi un groupe désigné de professionnels de la santé. Il est reconnu que les HMO, les PPO et les régimes fournis par lemployeur restreignent jusquà un certain point la liberté de choix des patients(3). Les personnes qui ne sont pas couvertes par un régime offert par lemployeur peuvent acheter une assurance directement chez un assureur commercial ou une HMO. Chez les groupes particulièrement démunis, laccès aux soins de santé est assuré par des programmes publics. Medicare, le programme national administré par le gouvernement central et destiné aux personnes âgées et aux personnes handicapées, est appliqué selon des normes dadmissibilité et de protection uniformes. Il couvre les services hospitaliers et les services des médecins et est financé par un ensemble de primes enregistrées et de recettes générales. Des frais dusager sont perçus, sous forme de franchises et de frais de coassurance. Medicaid est un programme daide médicale à lintention des groupes à faible revenu. Le gouvernement fédéral américain partage à parts égales le coût de ce programme avec les États, qui le gèrent et lappliquent conformément aux lignes directrices fédérales, bien que les conditions dadmissibilité, les niveaux de protection et les modalités de remboursement des fournisseurs de soins varient énormément dun État à lautre. Dautres programmes fédéraux et locaux sont destinés à des sous-groupes bien précis, comme les femmes enceintes, les autochtones et les malades souffrant de maladie du rein ou de cancer. A. Accès aux services de santé Au Canada, le régime de soins de santé est caractérisé par luniversalité daccès. Chaque citoyen dune province a le droit de recevoir les services de santé assurés prévus par le régime dassurance-santé public, et ce, à des conditions identiques pour tous. En outre, les soins de santé fournis aux personnes en visite dans une autre province sont remboursés par le régime dassurance de la province de résidence. Les Canadiens qui déménagent dans une autre province continuent dêtre couverts par leur province dorigine durant toute période dattente (maximum de trois mois) imposée par la nouvelle province. À linverse, il nexiste pas de régime public dassurance-santé universelle aux États-Unis, où laccès est déterminé surtout par la nature et létendue de la protection. Comme le montre le tableau 2, les Américains sont assurés à différents degrés, allant dune assurance complète à labsence totale dassurance. En 1991, près de 62 p. 100 des Américains étaient protégés par un régime privé dassurance-maladie, 25 p. 100 par un régime public, et 14 p. 100 nétaient pas assurés du tout.
TABLEAU 2 ASSURANCE MÉDICALE AUX ÉTATS-UNIS, 1991
B. Obstacles financiers aux soins Au Canada, il ny a pas dobstacles financiers aux soins de santé. Tous les Canadiens ont accès aux services hospitaliers et médicaux dont ils ont besoin en vertu du régime dassurance-santé de leur province. En vertu de la Loi canadienne sur la santé, les provinces ne doivent pas autoriser la perception de frais dutilisation des services assurés par le régime public, à lexception des soins prolongés prodigués aux malades chroniques dans un hôpital, un foyer de soins ou un établissement semblable. Les provinces qui autorisent ces frais se voient déduire un montant équivalent des contributions fédérales en espèces qui leur sont versées en vertu du Régime de financement des programmes établis (FPÉ) ou de tout autre transfert fédéral en espèces. Tous les Canadiens sont donc assurés de ne pas se voir refuser les soins requis pour une question dargent. Les Canadiens ne payent de leur poche, ou par lentremise de polices dassurance privées quils ont contractées pour couvrir ces frais, que les services qui ne sont pas payés par le régime provincial, par exemple les soins dentaires, la chirurgie esthétique ou les dépenses auxiliaires à lhôpital. Aux États-Unis, laccès aux soins de santé est souvent limité par des obstacles financiers, notamment les coûts élevés de lassurance privée, les lacunes des programmes publics et la perception de frais modérateurs. En général, les Américains qui en ont les moyens peuvent acheter des soins médicaux qui sont de meilleure qualité ou plus facilement accessibles que les soins offerts aux moins nantis. Bien que le gouvernement central et les États américains aident les moins nantis au moyen de programmes comme Medicaid, Medicare et dautres régimes, des millions dAméricains ne sont protégés ni par une assurance publique, ni par une assurance privée. En fait, beaucoup dAméricains nont pas accès à Medicare et à Medicaid et ils doivent payer de leur poche les soins requis ou miser sur les hôpitaux publics ou les infirmeries qui offrent des soins gratuits ou subventionnés. Depuis quelques années, le nombre important de malades sans aucune assurance a beaucoup fait augmenter le nombre des actes non rémunérés(4). Selon le principe de luniversalité sur lequel se fonde la Loi canadienne sur la santé, les régimes provinciaux dassurance-santé doivent payer tous les services hospitaliers nécessaires sur le plan médical, les services des médecins et certaines interventions de chirurgie dentaire. Les gouvernements provinciaux ont une grande latitude pour ce qui est de léventail des services quils assurent. Ils peuvent ajouter dautres services (et ils le font) qui ne sont pas requis par les lignes directrices fédérales, par exemple la gratuité des médicaments prescrits aux pauvres et aux personnes âgées. Il ny a pas de plafond quant à la quantité de soins médicaux « nécessaires » quune personne peut recevoir. Des polices dassurance-maladie privées couvrent les services non assurés. Létendue des services aux États-Unis varie beaucoup dun assureur à lautre. La plupart des programmes dassurance vendus par les entreprises privées sont réglementés par lÉtat et doivent par conséquent garantir des services minimums prescrits par celui-ci. Les régimes dauto-assurance des employeurs, qui ne tombent pas sous la gouverne des lois des États sur les assurances, sappliquent à environ la moitié des travailleurs assurés. Toutefois, le fait davoir un emploi ne signifie pas nécessairement quon est protégé. En réalité, parmi les 35 millions dAméricains qui nont pas dassurance, 25 millions appartiennent à une famille où au moins une personne travaille à temps plein(5). Certaines entreprises, surtout les petites, noffrent pas dassurance-maladie à leurs employés, ce qui peut constituer un obstacle important à la mobilité professionnelle. Cette situation nexiste pas au Canada. De plus, au moment de leur retraite, les gens perdent lassurance-maladie fournie par lemployeur, et se retrouvent souvent sans assurance puisque, comme nous lavons vu, Medicare ne fournit des services minimums quà certains Américains. Au Canada, le régime dassurance-santé est administré dans chaque province par un organisme public à but non lucratif qui rend compte de son activité au gouvernement provincial. Les gouvernements provinciaux déterminent les augmentations des budgets des hôpitaux et des honoraires des médecins, comme ils réglementent lacquisition des gros équipements. La plupart des médecins en exercice privé sont rémunérés à lacte, et la plupart des médecins travaillant en milieu hospitalier sont des médecins salariés de lhôpital. La majorité des hôpitaux reçoivent leurs fonds en vertu dun système budgétaire global négocié avec le gouvernement de la province. Dans lensemble, le gouvernement est lunique payeur de tous les services de santé assurés. Aux États-Unis, la responsabilité de ladministration et du contrôle du système de santé est partagée entre les assureurs privés, les employeurs, le gouvernement fédéral, les États et les administrations locales. La diversité des systèmes de remboursement est telle que les fournisseurs de soins reçoivent souvent des honoraires différents pour le même service, selon la compagnie dassurance avec laquelle le client fait affaire. De plus, les co-paiements et les franchises sont fréquents, et il nest pas rare que les fournisseurs de soins de santé réclament au client des frais en sus du barème fixé par lassurance. Aucune autorité nest chargée de veiller au fonctionnement global du système. La comparaison des dépenses de santé au Canada et aux États-Unis fait naître des questions sur deux plans: premièrement, le niveau et le rythme daugmentation des coûts des soins de santé; deuxièmement, la capacité du gouvernement de contenir ses dépenses de santé. A. Niveau et croissance des coûts des soins de santé Les dépenses pour les soins de santé exprimées en tant que pourcentage du PNB ou en coût par habitant tiennent compte des différences entre léconomie canadienne et léconomie américaine. Comme le montre le tableau 3, depuis le début des années 70, le Canada consacre aux soins de santé une plus petite fraction de son produit économique total que les États-Unis; les dépenses du Canada par habitant sont aussi moins élevées. De plus, le rythme daugmentation des dépenses de santé exprimées en tant que pourcentage du PNB a été plus lent au Canada quaux États-Unis. Cest pourquoi de nombreuses études concluent quavec son système de santé public, le Canada réussit mieux que les États-Unis: il protège tous les Canadiens, il dépense moins pour les soins de santé, et il contient les coûts plus efficacement. Par exemple, le Bureau de comptabilité générale des États-Unis (GAO) fait remarquer :
Dautres analystes avancent que ces comparaisons entre le Canada et les États-Unis sont simplistes et trompeuses. Ils soutiennent que le fait de comparer les dépenses de santé des deux pays en tant que pourcentage du PNB exagère la capacité du Canada de contenir ses coûts. Ils postulent que la part du PNB consacrée à la santé est moins élevée au Canada, non parce que le Canada dépense moins pour les soins de santé mais parce que le PNB a connu une croissance plus rapide(7). Ils indiquent aussi que lorsquon compare les pourcentages véritables daugmentation des dépenses par habitant, le taux moyen de croissance sur vingt ans est légèrement plus faible aux États-Unis. Dans cette perspective, Edward Neuschler conclut : « Étant donné des pourcentages très semblables daugmentation des dépenses de santé par habitant, le pays qui réussit une expansion plus rapide de ses extrants économiques dépensera une partie moins grande de ces extrants pour les soins de santé »(8). Toutefois, une autre étude montre quune croissance plus rapide du PNB aux États-Unis aurait engendré un niveau encore plus élevé de dépenses pour les soins de santé : « Si les recettes des États-Unis avaient augmenté aussi rapidement que celles du Canada, les dépenses de santé auraient augmenté dautant et les dépenses par habitant seraient encore plus élevées quà lheure actuelle »(9).
TABLEAU 3 DÉPENSES DE SANTÉ TOTALES
Source: Santé et Bien-être social Canada, Les dépenses nationales de santé au Canada, 1975-1987, Ottawa, 1990, p. 27 et 137. Les données préliminaires pour 1990 ont été fournies par le Ministère en mai 1992. Un autre indice utilisé dans les analyses pour mesurer lefficacité des moyens de contrôle des coûts de santé est le rapport des dépenses par habitant entre le Canada et les États-Unis. Dans son étude, Neuschler indique que ce pourcentage (environ 75 p. 100) a très peu fluctué depuis trente ans. Il conclut que le Canada ne réussit pas vraiment mieux que les États-Unis à contenir ses dépenses de santé et, partant, que « les facteurs expliquant les différents niveaux de dépenses dans les deux pays doivent, par conséquent, être plus fondamentaux que les différences de modalités de financement entre les deux pays »(10). Dans lensemble, il ressort des études comparatives que les coûts pour les soins de santé sont moins élevés au Canada quaux États-Unis, mais on ne sentend pas à savoir si le Canada réussit mieux à contenir ses coûts(11). Les deux pays subissent des pressions financières, mais ces pressions sont exercées différemment de part et dautre. Comme le souligne létude du GAO:
En résumé, le poids des dépenses de santé est supporté par la collectivité au Canada, et par lindividu aux États-Unis. Au Canada, les soins sont payés indirectement mais équitablement par le régime fiscal, tandis quaux États-Unis, la plupart des soins sont payés directement par les consommateurs. Dans lensemble, cependant, les systèmes sont semblables en ce sens quen dernière analyse, ce sont les individus qui les payent; on peut donc conclure que le fardeau des soins de santé est moins lourd pour les Canadiens que pour les Américains. B. Avantages du système à payeur unique Bien quil ny ait pas dunanimité sur leffet de lintervention du gouvernement sur les soins de santé, certaines études indiquent que le système canadien, en confiant la responsabilité financière à un seul payeur, permet une administration plus efficace et un meilleur contrôle des dépenses liées à la santé. Le tableau 4 montre que, en 1987, les soins de santé pour chaque Canadien ont coûté 450 $ de moins quaux États-Unis. Létude du GAO indique que lécart entre les États-Unis et le Canada pour les dépenses de santé par habitant tient surtout aux coûts administratifs et aux services des médecins et des hôpitaux.
TABLEAU 4 DÉPENSES
DE SANTÉ PAR HABITANT ET PAR SECTEUR, 1987
Source: Bureau de comptabilité générale, Canadian Health Insurance : Lessons for the United States, Rapport au président, Comité des opérations gouvernementales, Chambre des représentants, juin 1991, p. 29. En 1987, les dépenses du Canada par habitant pour ladministration du régime dassurance atteignaient à peine un cinquième de celles des États-Unis. Le GAO conclut donc quavec son système public à payeur unique, le Canada élimine les coûts liés à la commercialisation de polices dassurance concurrentielles, à la facturation et à la collecte des primes, et à lévaluation des risques(13). Patricia Danzon estime cependant que les frais généraux au Canada auraient tendance à être plus élevés que les coûts comparables aux États-Unis si lon devait tenir compte des coûts cachés. Elle soutient que les assureurs publics sont moins portés que les assureurs privés à prendre en considération tous les coûts nécessités par les clients et les fournisseurs de soins(14). Le Canada enregistre aussi des coûts médicaux et hospitaliers moins élevés que les États-Unis. Le GAO soutient quétant donné que les gouvernements des provinces sont les seuls payeurs des services assurés, ils sont en position de force pour négocier les barèmes dhonoraires des médecins et les budgets des hôpitaux. Dans le système américain, les hôpitaux et les médecins sont rémunérés par une multitude de payeurs utilisant des méthodes et des critères très différents. Daprès le GAO, comme il nexiste pas dentité unique pour gérer le système aux États-Unis, les mesures de contrôle des coûts ne sintègrent pas dans un tout(15). Dautres spécialistes du domaine pensent aussi que la réglementation exercée par le Canada ne réduit pas nécessairement la qualité ou la quantité des services de santé. Par exemple, David Conklin reconnaît que la réglementation des honoraires des médecins a empêché les revenus des médecins datteindre les niveaux quils auraient atteint autrement, mais il estime que ce résultat na pas atténué la qualité des soins de santé au Canada. Il maintient quun niveau plus élevé de dépenses aux États-Unis ne correspond pas nécessairement à un nombre plus élevé de soins de santé, mais plutôt à des revenus plus élevés pour les professionnels de la santé(16). Il pense aussi que les restrictions budgétaires imposées par les gouvernements provinciaux aux hôpitaux sont rentables. Par exemple, les hôpitaux doivent se faire concurrence pour gagner le droit dadopter une nouvelle technologie et ils le font en présentant des arguments fouillés au gouvernement provincial. La liberté quont les hôpitaux daffecter leurs ressources budgétaires encourage la réduction maximale des coûts(17). Les contrôles gouvernementaux peuvent amener une réduction des coûts, mais le GAO pense quils peuvent aussi nuire à la capacité de les gérer. « Par exemple, les systèmes dinformation des hôpitaux canadiens ne sont pas, daprès les médecins, développés à leur pleine capacité. Contrairement au système de remboursement américain, lapproche budgétaire globale nincite pas les hôpitaux à scruter attentivement les coûts de la journée dhospitalisation ou les coûts par cas »(18). De plus, certains pensent que le Canada a les mains liées pour ce qui est dadopter des solutions novatrices (des HMO, par exemple) dans le domaine du financement et de ladministration des soins de santé(19). Enfin, on a avancé que les contrôles gouvernementaux dans le domaine de la santé au Canada avaient abouti au rationnement des soins et à une diminution de leur qualité(20). RATIONNEMENT ET QUALITÉ DES SOINS Différentes faiblesses ont été observées pour ce qui est de la gestion des systèmes de santé canadien et américain. Un problème commun a trait au rationnement des soins de santé, que lon définit comme une restriction à laccessibilité dinterventions salutaires, qui prive certaines personnes en permanence ou temporairement de services utiles(21). Le Canada vise à fournir des soins normalisés à toute la population daprès des besoins médicaux relatifs. Il ny a pas de rationnement monétaire basé sur la capacité de payer. Cependant, un rationnement non monétaire existe, créant des listes dattente pour certaines interventions chirurgicales et diagnostiques. Certaines personnes malades doivent donc attendre avant dêtre soignées et risquent de voir leur état se détériorer. On a même vu des malades canadiens en attente de services médicaux spécialisés traverser la frontière pour se faire soigner aux États-Unis(22). À lopposé, aux États-Unis, le rationnement est basé sur la capacité de payer. Ce rationnement pour des raisons financières existe parce que certaines personnes ne sont pas suffisamment protégées ou parce que des frais modérateurs les empêchent de se procurer le service nécessaire. Par conséquent, laccessibilité et la qualité des soins varient énormément dans la population américaine; les pauvres et ceux qui ne possèdent pas assez dassurance doivent se résigner à de longues périodes dattente et à des établissements ne répondent pas aux normes, lorsquils parviennent à obtenir des soins. Certains aspects des soins médicaux aux États-Unis, par exemple la vaccination limitée, le nombre de femmes enceintes qui ne sont pas suivies régulièrement par un médecin, et le risque de faire faillite après une maladie, découlent directement du rationnement des services pour des raisons financières et seraient probablement considérés comme inacceptables au Canada. De plus, le rationnement non financier existe même dans les programmes fédéraux et ceux des États. Bien que les pauvres, les personnes âgées et les handicapés naient pas à payer le traitement de la majorité des maladies graves ou le coût de nombreux examens de routine, laccès à des soins de haute qualité est limité par lescalade des coûts de Medicaid et de Medicare. Ceux qui attaquent le système canadien de santé disent que les restrictions imposées par le gouvernement quant aux budgets des hôpitaux et au nombre détablissements pouvant assurer des services de haute technologie ont pour effet de rationner les services. Il est vrai que le Canada na pas autant déquipement technologique par habitant que les États-Unis (tableau 5), et quil ne dispose pas dune aussi grande quantité de certains équipements coûteux. Pour beaucoup de détracteurs du système canadien, la diffusion plus lente et lutilisation restreinte de certaines techniques de pointe sont un signe dune dégradation de la qualité. Si lon définit la qualité comme étant une accumulation de services hautement technologiques indépendamment de leur efficacité, alors les États-Unis offrent effectivement des soins médicaux de grande qualité. Si, par contre, on définit la qualité en fonction des résultats médicaux obtenus, il ny a pas lieu alors de parler de désavantage canadien. Plus précisément, Theodore Marmor maintient que si lespérance de vie et la mortalité infantile mesurent la qualité dun système de soins, alors le Canada est assurément favorisé(23). Comme lindique le tableau 6, les indicateurs de la santé des populations sont meilleurs au Canada quaux États-Unis. Néanmoins, certains affirment quil ny a pas de lien absolu entre les résultats médicaux et le fonctionnement du système de santé(24).
TABLEAU 5 ACCÈS À DES TECHNIQUES MÉDICALES
CHOISIES
Source: Beth C. Fuchs et Joan Sokolovsky, « The Canadian Health System », CRS Report for Congress, Service de recherche du Congrès, Bibliothèque du Congrès, 20 février 1990, p. 9.
TABLEAU 6 INDICATEURS DE SANTÉ
Source: Beth C. Fuchs et Joan Sokolovsky, « The Canadian Health System », CRS Report for Congress, Service de recherche du Congrès, Bibliothèque du Congrès, 20 février 1990, p. 13.
Un survol des documents les plus récents révèle que les systèmes de santé au Canada et aux États-Unis présentent tous deux des failles et des limites. Qui plus est, une bonne partie du débat à leur sujet traduit une différence de mentalité vis-à-vis de lintervention du gouvernement dans les soins de santé; il sera toujours difficile de réconcilier une mentalité de libre concurrence avec le principe selon lequel les soins de santé doivent être fournis en fonction de la nécessité et non de la capacité de payer. La comparaison des systèmes de santé canadien et américain devrait toutefois faire ressortir les points forts et les points faibles de chacun et aider à trouver des solutions adaptées à chacun. Dans lensemble, il faut reconnaître que le Canada a atteint un équilibre entre les coûts, la qualité et laccessibilité. Il lui faut maintenant capitaliser sur ses acquis et rendre le système plus rentable. Il reste encore aux États-Unis à rendre son système plus efficace, moins coûteux et moins sectaire. Deber résume les défis qui attendent les deux pays:
En général, lamélioration du système de santé au Canada ne passe peut-être pas par une plus grande dépendance à légard du secteur privé. De même, il nest peut-être pas faisable pour le système américain de donner plus de place à lintervention du gouvernement. Chaque pays aurait peut-être avantage à développer les bons côtés de son système en adoptant, lorsquil y a lieu, des caractéristiques du pays voisin. Bureau du comptabilité générale des États-Unis. Canadian Health Insurance: Lessons for the United States. Rapport au président. Comité des opérations gouvernementales, Chambre des représentants, juin 1991, 85 p. Butler, Stuart. « Freeing Health Care ». National Review, 22 décembre 1989, p. 34-36. Conklin, David W. « Why Canadas System is Better and Cheaper ». Options politiques, mai 1990, p. 15-18. Conklin, David W. « Health Care : What Can the United States and Canada Learn From Each Other? » Canada-U.S. Outlook. National Planning Association, vol. 2, no 4, septembre 1991, p. 3-19. 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(1) Chambre des communes, Comité permanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine, Le régime de soins de santé au Canada et son financement : des choix difficiles, Ottawa, juin 1991, p. 2. (2) Julie Kosterlitz, « A Sick System », National Journal, 15 février 1992, p. 383. (3) David W. Conklin, « Why Canadas System is Better and Cheaper », Options politiques, mai 1990, p. 18. (4) Par actes non rémunérés, on entend des services pour lesquels lhôpital ou le médecin nest rémunéré que partiellement ou pas du tout. Voir le Service de recherche du Congrès, Health Insurance and the Uninsured: Background Data and Analysis, Bibliothèque du Congrès, mai 1988, p. 148-150. (5) William Lowther, « Medicare to the Rescue », Macleans, vol. 105, 13 janvier 1992, p. 34. (6) Bureau de comptabilité générale des États-Unis, Canadian Health Insurance: Lessons for the United States, Rapport au président, Comité des opérations gouvernementales, Chambre des représentants, juin 1991, p. 13 (traduction). (7) Edward Neuschler, « Is Canadian-Style Government Health Insurance the Answer for the United States Health Care Cost and Access Woes? » Canada-U.S. Outlook, National Planning Association, vol. 2, n° 4, septembre 1991, p. 49. Un argument semblable est avancé par Edmund F. Haislmaier dans « Northern Discomfort : The Ills of the Canadian Health System », Policy Review, automne 1991, p. 34. (8) Neuschler (1991), p. 55 (traduction). (9) Bureau de comptabilité générale des États-Unis (1991), p. 16 (traduction). (10) Neuschler (1991), p. 53 (traduction). (11) Manifestement, les études empiriques menées sur leffet de lintervention du gouvernement dans le domaine des soins de santé narrivent pas aux mêmes conclusions. Par exemple, dans une étude poussée sur les différences entre les pays de lOCDE relativement aux dépenses de santé, Pfaff montre que les régimes où le gouvernement exerce une forme de contrôle sur les dépenses de santé affichent en général des coûts moins élevés que ceux qui misent sur les lois du marché. Toutefois, une étude de Santerre et al., dans laquelle les auteurs utilisent aussi les données de lOCDE, conclut le contraire. Plus précisément, cette analyse par régression montre que lintervention du gouvernement ne fait pas baisser automatiquement les coûts. Pour plus de détails, voir larticle de Martin Pfaff, « Differences in Health Care Spending Across Countries: Statistical Evidence », Journal of Health Politics, Policy and Law, vol. 15, no 1, printemps 1990, p. 20-21, et larticle de Rexford E. Santerre, Stephen G. Grubaugh et Andrew J. Stollar, « Governement Intervention in Health Care Markets and Health Care Outcomes: Some International Evidence », The Cato Journal, vol. 11, no 1, printemps/été 1991, p. 1-12. (12) Bureau de comptabilité générale des États-Unis (1991), p. 21 (traduction). (13) Ibid., p. 29. (14) Patricia M. Danzon, « Other Models and Hidden Costs », The American Enterprise, vol. 3, no 1, janvier-février 1992, p. 71. (15) Bureau de comptabilité générale des États-Unis (1991), p. 27. (16) David W. Conklin, « Health Care: What Can the United States and Canada Learn From Each Other? » Canada-U.S. Outlook, National Planning Association, vol. 2, n° 4, septembre 1991, p. 8. (17) Ibid., p. 6. (18) Bureau de comptabilité générale des États-Unis (1991), p. 33. (19) Stuart Butler, « Freeing Health Care », National Review, 22 décembre 1989, p. 35. (20) Neuschler (1991), p. 65-66; Beth C. Fuchs et Joan Sokolovsky, « The Canadian Health Care System », CRS Report for Congress, Service de recherche du Congrès, Bibliothèque du Congrès, 20 février 1990, p. 11. (21) David Naylor, The Canadian Health Care System: an Overview and Some Comparisons with America, Université de Toronto, Faculté de médecine, 1991, p. 14-16. (22) Douglas J. McCready, « Dont Copy Canadas Health Care System », Options politiques, octobre 1991, p. 9-10. (23) Theodore R. Marmor, « National Health Care: Is Canada the Model System? » Current, n° 341, mars-avril 1992, p. 13. (24) Conklin (1991), p. 7. (25) Raisa B. Deber, « Philosophical Underpinnings of Canadas Health Care System », Canada-U.S. Outlook, National Planning Association, vol. 2, n° 4, septembre 1991, p. 42 (traduction). |