BP-312F
LA PROTECTION DES DÉPÔTS
AU CANADA :
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES
LES DÉPÔTS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES A. La mise sur pied de la SADC B. La coexistence de deux régimes dassurance-dépôts UNE PÉRIODE DE QUESTIONNEMENT ET DAJUSTEMENTS A. Réactions et mesures immédiates B. Un problème de risque moral Annexe
A : Tableau des paiements et/ou des coûts de redressement et des pertes
estimés
LA PROTECTION DES DÉPÔTS
AU CANADA :
Partout à travers le monde, il existe des systèmes de protection des dépôts. Ces systèmes sont tantôt privés, tantôt publics et tantôt mixtes. Au Canada, le système est public (tant au palier fédéral quau palier provincial) et obligatoire, et il vise les banques et les sociétés de fiducie et de prêt ainsi que les caisses populaires et les coopératives de crédit. Pourtant, dans son fonctionnement, le système tente de sapparenter à un cadre privé. Dans le présent texte, nous nous demandons pourquoi il en est ainsi et sil est possible daller plus loin en ce sens. Le bref aperçu que nous donnons du comportement des déposants nous permet dès le départ de souligner que pour que le système financier fonctionne, il faut que les gens aient confiance en lui et de déterminer sil est nécessaire davoir une protection des dépôts. La comparaison que nous établissons entre les institutions financières fédérales en ce qui a trait à la détention des dépôts, à lindemnisation et à la surveillance nous permet ensuite de préciser quels sont les outils prévus par la loi, selon le type dinstitution. Nous jetons enfin un regard sur lévolution de la SADC, depuis sa mise sur pied en 1967 jusquà aujourdhui, en suivant les modifications législatives quelle a subies. Cela nous permet dexaminer le problème de risque moral associé à lassurance-dépôts ainsi que certaines propositions encourageant la surveillance et la discipline de marché à légard des institutions de dépôt. LES DÉPÔTS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES Les institutions financières canadiennes mènent des activités dans les domaines bancaire et fiduciaire, dans celui de lassurance, et dans celui des transactions mobilières. Le domaine bancaire relève strictement du gouvernement fédéral, tandis que les domaines fiduciaire, de lépargne et de lassurance peuvent être de compétence fédérale ou provinciale; pour sa part, le secteur des activités mobilières relève exclusivement des provinces. Parmi ces institutions, seules les banques, les caisses dépargne, les compagnies de fiducie et les sociétés de prêt peuvent détenir des dépôts du public. La détention des dépôts constitue une activité particulière, puisque les dépôts sont en quelque sorte « prêtés » à linstitution. Les activités des institutions de dépôt sont donc conditionnelles à une promesse de remboursement et sont en ce sens planifiées tout à fait autrement que celles des institutions où lon vend un produit. Le domaine de lassurance et celui des valeurs mobilières sont pour leur part très différents et il existe des marchés privés pour la protection des clients en assurance ou pour le courtage. Dans le présent document, nous ne discutons que du système dassurance-dépôts, particulièrement du système fédéral qui couvre les banques et les compagnies de fiducie et sociétés de prêt qui en sont membres. La carte suivante montre la répartition des dépôts détenus par les diverses institutions de dépôt, dans chaque province canadienne. Lactif des institutions de dépôt compte pour environ la moitié de lactif total de lindustrie financière dans son ensemble, ce qui illustre bien la place quelles y occupent. Les dépôts sont principalement concentrés dans les banques et dans les provinces du centre. La carte indique que ce sont les banques qui détiennent la plus grande part des dépôts dans chaque province, avec 63,2 p. 100 de ceux-ci pour lensemble du Canada, en 1989.
La confiance quont les déposants dans le système qui détient leurs dépôts est un facteur central du fonctionnement de ce système. Les déposants déterminent leur confiance en fonction de linformation dont ils disposent sur les activités de ceux qui détiennent leurs dépôts. Avec le développement des télécommunications et de linformatique, les outils sont devenus plus nombreux, et linformation, plus abondante. Cependant, pour faire des choix éclairés, les déposants souhaitent davantage détenir une information qui soit exacte plutôt quabondante sur leurs dépôts et sur les facteurs susceptibles dinfluer sur létat de ces derniers. Linformation susceptible
dintéresser les déposants peut porter sur le comportement interne
de linstitution avec laquelle ils traitent, sur le comportement
extérieur à linstitution ou encore sur léconomie en général.
En principe, nous pouvons convenir que les forces du marché devraient
inciter les institutions à gagner la confiance de leurs déposants, car,
si elles ny parviennent pas, les déposants peuvent choisir de retirer
leurs dépôts, de déposer leur argent dans une autre institution ou de
demander une prime à titre de compensation. Une « ruée » sur
une seule institution peut être simplement la conséquence de mauvaises
décisions daffaires; il peut sagir dune démonstration
du degré de risque que prend une institution. Les inquiétudes des déposants
peuvent alors être alimentées par leur crainte de devoir supporter le
fardeau du risque engagé par leur institution et, à la limite, conduire
linstitution à arrêter ses activités. Dans une économie, quune
institution disparaisse nest pas une mauvaise chose en soi, puisque
tout marché efficace comporte des entrées et des sorties dagents.
Pourtant, les conséquences de larrêt des activités dune institution
peuvent soulever des questions dintérêt public, qui seront dautant
plus importantes que plusieurs institutions sont touchées en même temps.
Lorsque le comportement des institutions en général est inquiétant, il
existe un risque de ruée générale sur les institutions de dépôt dans leur
ensemble. Ce type de phénomène est difficilement contrôlable et peut avoir
de sérieuses répercussions sur lensemble du système financier et
sur léconomie en général. Nous avons vu limportance de la confiance pour ce qui est de la stabilité du système financier. Dans le cadre de la protection des dépôts et en cas de catastrophe, le sentiment dune protection implicite a réussi à en décourager la demande formelle. Ainsi, au Canada, labsence dune demande pour un système dassurance-dépôts privé explique quaucun système de ce type ne se soit jamais formé de lui-même. Or labsence de marché justifie parfois lintervention de lÉtat (sous diverses formes) surtout lorsquune telle absence entraîne dimportantes distorsions. Lintervention de lÉtat dans le cas qui nous occupe vise alors à contrer cette distorsion quest le phénomène de ruée sur les institutions de dépôt. Cest la raison pour laquelle lassurance-dépôts a pris forme. Dans lensemble et dun point de vue économique, lintervention de lÉtat à légard des institutions financières tend à protéger lensemble du système financier. De la même manière, un système dassurance-dépôts public doit palier aux problèmes occasionnés par un contexte général difficile. Toutefois, il doit veiller à maintenir les déposants éveillés afin quils puissent remplir le rôle actif qui leur revient dans une économie de marché comme la nôtre. Enfin, il demeure important de pouvoir conjuguer des outils tels que la surveillance et la réglementation par exemple, et de modifier la part relative assumée par le privé au sein du système dassurance-dépôts en place. Un examen du système dassurance-dépôts fédéral permettra dillustrer comment ces facteurs peuvent varier. Lorsquon étudie le secteur des dépôts au Canada, il faut bien sûr examiner le cadre législatif relatif aux institutions financières. La législation canadienne réformant les institutions financières à charte fédérale, qui a été sanctionnée le 1er juin 1992, prévoit entre autres les conditions de détention des dépôts, dindemnisation et de surveillance. Les banques et les sociétés de fiducie et de prêt, qui sont des institutions fédérales dites « de dépôt », peuvent détenir des dépôts si elles sont membres de la Société canadienne dassurance-dépôts du Canada (SADC). Les sociétés dassurances et les compagnies de secours mutuels ne peuvent accepter de dépôts, sauf sur autorisation du ministre. Enfin, les coopératives de crédit peuvent, avec lautorisation du ministre ou lorsque les dépôts proviennent de coopératives locales, détenir des dépôts. Au Canada, lensemble de la monnaie et des dépôts(2) se chiffrait à plus de 450 milliards de dollars en 1991. Un système de compensation national visant les institutions de dépôt est placé sous lautorité de lAssociation canadienne des paiements (ACP). Les banques à charte et la Banque du Canada en sont obligatoirement membres et les autres institutions de dépôt peuvent y adhérer si elles satisfont aux critères dadmissibilité. Dans tous les cas, les dépôts pour compensation sont autorisés uniquement sils sont faits auprès de membres dun groupe désigné par lACP. La loi fédérale portant création de lACP en 1980, fixait à cette dernière des objectifs détablissement et de mise en oeuvre dun système national de compensation et de règlement, ainsi que de planification de la mise sur pied dun système national de paiement. Au 31 décembre 1991, lACP couvrait 13 259 succursales, dont un peu plus de 11 000 étaient des adhérents directs. Les banques et les sociétés de fiducie et de prêt de responsabilité fédérale ont obligatoirement recours à la SADC pour lindemnisation. Pour les sociétés dassurances et les compagnies de secours mutuels, lindemnisation peut se faire par le biais dune Association dindemnisation désignée par arrêté du ministre. La partie XVII de la Loi sur les coopératives de crédit prévoit lintervention de la SADC au chapitre de lindemnisation même si ladhésion nest pas obligatoire. Avant 1980, la SADC nest venue en aide quà deux sociétés de fiducie, et dans les deux cas, les recouvrements ont été complets(3). Depuis 1980, plus dune vingtaine dinstitutions de dépôt ont fait lobjet de remboursements ou de coûts de redressement par la SADC. Signalons, entre autres, le cas de la Banque Commerciale du Canada et celui de la Norbanque, qui ont fait lobjet dune enquête au milieu des années 80. Les opérations de liquidation de la Norbanque nont été totalement conclues quà lautomne 1991. Du côté des plans dindemnisation privés(4), la situation sest avérée plus calme. Le cas de la firme Les Coopérants est le premier, et jusquici unique, cas où la Société dIndemnisation en Assurance de Personnes (SIAP) a dû intervenir. La société dindemnisation créée pour les assureurs en incendies accidents et risques divers (IARD) na pas eu à intervenir jusquà aujourdhui. Le système financier canadien dispose de plusieurs organismes chargés de surveiller les institutions financières, y compris les institutions de dépôt. Cest en 1923, par suite de faillite de la Home Bank, que le Canada sest doté dun inspecteur général des banques. Ce dernier, comme lindique son nom, est chargé de procéder à linspection des institutions bancaires. Quelque temps plus tard, soit en 1934, la Banque du Canada a été créée. Elle exerce des pressions sur les institutions de dépôt et sur lensemble de léconomie à laide des instruments dintervention dont elle dispose. Les institutions de dépôt doivent lui soumettre des réserves et en cas de manque de liquidités, elles peuvent lui emprunter de largent. Les institutions financières (dont les institutions de dépôt) sont aujourdhui assujetties aux pouvoirs du Surintendant des institutions financières, qui surveille leurs opérations et leur impose des règles de conduite précises. Le Bureau du Surintendant des institutions financières (BSIF), issu de la fusion de lInspecteur général des banques et du Bureau du Surintendant des assurances en 1987, juge de létat de santé des institutions et autorise ou recommande la poursuite, la réorganisation ou linterruption de leurs activités. Dans le cas des institutions membres de la SADC, le Surintendant procède « au moins une fois lan et aux moments fixés par la SADC »(5) à lexamen des affaires de chaque membre, et ce, au nom de cette dernière. Ce bref examen du cadre législatif fédéral permet dillustrer à quel point le contrôle des affaires des institutions de dépôt seffectue à plusieurs niveaux allant de lauto-surveillance (celle pratiquée par linstitution elle-même) à la surveillance publique. Le cadre législatif prévoit plusieurs outils et laisse une certaine flexibilité quant à leur utilisation. Sachant que le niveau de confiance envers le système ou envers certaines institutions financières particulières est lié à linformation dont le public dispose, on conviendra que linformation constitue une corde sensible quutilisent les institutions de dépôt pour dévoiler leur stabilité relative. Les outils de la politique gouvernementale utilisés pour répondre à une absence de marché privé pour lassurance-dépôts visent principalement la protection des déposants et du système dans son ensemble. Au moment où lassurance-dépôts a vu le jour au Canada, les institutions financières étaient beaucoup moins développées quelles ne le sont aujourdhui. Dans ce contexte, il est facile de concevoir que la confiance à légard des plus petites institutions pouvait être fragile (instable). Les temps ont changé et les habitudes des consommateurs aussi. Lutilisation de papier monnaie et de la monnaie électronique est de plus en plus courante et est généralement acceptée. La question de la confiance est toujours aussi cruciale pour la stabilité du système financier, sauf quen raison de lévolution des institutions, elle ne porte plus sur les mêmes attributs. En effet, la confiance porte maintenant davantage sur le comportement des institutions qui mènent des activités de dépôt que sur la monnaie composant les dépôts. Ainsi, le risque de voir une thésaurisation de la monnaie nest aucunement comparable à celui qui existait il y a à peine quelques décennies. De nos jours, les déposants semblent plus mobiles cest-à-dire quau lieu de garder leurs sommes chez eux, ils risquent de répondre en déplaçant leurs dépôts dune institution à une autre. Les signaux envoyés par les déposants visent maintenant davantage les institutions particulières que le système lui-même. A. La mise sur pied de la SADC Labsence dun marché privé pour lassurance-dépôts et la taille relative très variée des institutions de dépôt ont motivé une intervention de lÉtat visant à assurer un certain niveau de confiance envers les institutions. Cette intervention sest traduite au niveau fédéral par la création de la SADC. Le système dassurance-dépôts fédéral a été introduit au Canada en 1967, entre autres, pour « rassurer » les déposants qui craignaient pour leurs dépôts. Voici un aperçu des motifs justifiant le système canadien :
Il faut dire quà cette époque, on anticipait une percée des compagnies de fiducie et de prêt. Le projet de loi portant création de la Société dassurance-dépôts du Canada a reçu la sanction royale le 17 février 1967. La SADC a été mise sur pied comme mesure préventive contre certains « bouleversements » pouvant nuire au système financier canadien. Dun point de vue fonctionnel, la société dassurance-dépôts doit gérer, au moyen de primes, une caisse à la manière dune compagnie dassurance, sauf que des pouvoirs additionnels peuvent lui être confiés. À lorigine, les fonctions de la SADC se résumaient donc ainsi:
De plus, la SADC a pour fonction lélaboration de normes dactivités pour les compagnies de fiducie et de prêt dont la charte nest pas fédérale; cette mesure est appliquée de concert avec le Conseil du régime dassurance-dépôts du Québec pour améliorer les normes minimales financières et de gestion(9). Le nombre dinstitutions financières a augmenté beaucoup depuis linstauration de la SADC. Cependant, plusieurs dentre elles ont connu de graves difficultés quelques temps plus tard soit, dans les années 80 et ont dû avoir recours à la SADC(10). B. La coexistence de deux régimes dassurance-dépôts Cest lOntario qui a adopté la première loi sur lassurance-dépôts au Canada. Toutefois avec la formation de la SADC peu de temps après, la loi provinciale a été modifiée pour que les institutions provinciales puissent bénéficier de la couverture de la société fédérale. Dans toutes les provinces (sauf au Québec), les lois ont été modifiées pour éviter le dédoublement des services. Le Québec a créé son propre système dassurance-dépôts en 1968, la Régie de lassurance-dépôt du Québec (RADQ); toute institution qui sollicite et reçoit des dépôts au Québec doit sy inscrire à ce régime, sauf si elle est une banque. La Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada a été modifiée le 27 mars 1968 et une entente avec la RADQ a été signée en décembre. Ces modifications ont permis et permettent encore à la SADC :
Les activités de la RADQ ont débuté en 1970. Au 30 avril 1991, les dépôts assurés par la RADQ et par la SADC se chiffraient à 58 et 290 milliards de dollars respectivement. Selon le rapport annuel de 1991 de la RADQ, près de la moitié des dépôts garantis par la Régie sont placés dans des caisses dépargne et de crédit (51 p. 100). Viennent ensuite, mais dans une proportion moindre, les sociétés dépargne de compétence fédérale (27 p. 100) et les sociétés de fiducie constituées en vertu dune loi du Québec (17 p. 100). Par comparaison, indiquons que selon le rapport annuel de la SADC, les dépôts assurés se trouvent, en majeure partie, dans les institutions de compétence fédérale membres (92 p. 100), qui comprennent les banques et les compagnies de fiducie et de prêt. Le reste des dépôts assurés par la SADC se trouvent dans les compagnies de fiducie et de prêt constituées sous une loi provinciale. En 1981, la RADQ a eu recours au soutien de la SADC, comme le prévoit lentente de 1968. La SADC a avancé 55 millions à la RADQ pour lui permettre de satisfaire à ses besoins de liquidités de court terme. En juin 1982, la RADQ navait plus rien à rembourser. Comme nous lavons vu plus haut, la SADC a été créée par une loi adoptée en février 1967. Cet organisme dont le siège social se trouve à Ottawa, est géré par un Conseil dadministration composé dun président et de quatre membres. Conformément à la Loi, le premier président de ce Conseil, M. Antonio Rainville, a été désigné par le gouvernement. Le Gouverneur de la Banque du Canada, le sous-ministre des Finances, le Surintendant des Assurances et lInspecteur général des Banques faisaient aussi partie du Conseil. Parce quelle ne disposait que de peu de personnel au cours de sa première décennie dexistence (en effet, elle employait alors un personnel pouvant se compter sur les doigts dune main), la SADC pouvait faire appel aux services du ministère des Finances ainsi quà ceux du Bureau du Surintendant des Assurances(11). La SADC fonctionne fondamentalement comme une compagnie dassurance. Ce qui la différencie dune compagnie privée cest que lassurance quelle procure est obligatoire et quelle a le privilège davoir recours au Fonds du Trésor lorsquelle y est autorisée. De plus, elle nest pas surveillée par le BSIF(12) comme toute autre compagnie dassurance relevant du gouvernement fédéral. À lorigine, le gouvernement fédéral a souscrit 10 millions de dollars de capital aux coffres de la Société. En plus des primes quelle réclame à ses membres, la caisse dassurance-dépôts peut se renflouer en faisant des emprunts au gouvernement fédéral par la vente de titres de ce dernier. Le montant agrégé de ces emprunts ne devait cependant pas dépasser $500 millions à lorigine(13). Au 31 décembre 1967, la SADC avait pour membres les 11 banques et 18 compagnies de prêt et de fiducie de compétence fédérale ainsi que 41 institutions de compétence provinciale. Comme nous lavons vu, la première modification à la Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada a eu lieu en 1968, dans le cadre de lentente avec la RADQ. On a alors ajouté à la Loi une définition des dépôts qui, jusque là, ne figurait que dans les règlements administratifs de la Société. En 1977, la Loi a de nouveau été modifiée par le projet de loi C-3. La SADC a alors obtenu le droit de racheter les actions de son capital social pour une somme de 10 millions de dollars. Ce rachat na cependant en rien modifié les droits de propriété et le contrôle de la Société, qui demeure un mandataire de Sa Majesté. De plus, vu la bonne marche de ses activités et de celles de ses membres, la Société a obtenu la possibilité, avec ladoption du projet de loi C-3, doctroyer des rabais sur les primes exigées de ses membres. Cette modification à la Loi, qui a été vraisemblablement motivée par une situation budgétaire plus confortable, peut être vue comme un incitatif à légard des institutions membres. En effet, la prime que la SADC exige de ses membres est proportionnelle aux dépôts assurables quils détiennent. Les institutions peuvent donc anticiper le coût de la prime à payer; toutefois, le fait que la prime puisse être réduite dune somme déterminée en fonction dune bonne cote de conduite ou de la prise de mesures visant une meilleure santé financière incite les institutions qui tentent de réduire leurs coûts à mieux se conduire. En effet, lorsquil y a tarification fixe, cela signifie un coût non flexible pour les institutions membres. Par contre, il est possible quun coût (prime) variable selon le niveau de risque ou la cote de bonne gestion, par exemple, influe dans une certaine mesure sur les décisions des institutions, car il agit sur la trésorerie de ces dernières. Aux États-Unis, le système CAMEL(14) a été proposé pour établir le montant de la prime. Ce système prévoit en fait deux primes: lune à risque moyen, lautre à risque élevé. En Allemagne, les primes peuvent varier au besoin, et au Royaume-Uni aussi, lorsque les réserves sépuisent. La prime est un outil pouvant être utilisé à des fins de financement et/ou de surveillance particulièrement en ce qui concerne la qualité des actifs. Les graphiques qui suivent montrent comment la situation de la SADC a évolué au cours des années. Comme le montrent les graphiques, la situation de la SADC au cours de sa première décennie a été relativement confortable. Vers le début des années 80, plus dune centaine dinstitutions membres lui avaient versé des primes denviron vingt millions de dollars par année et sa Caisse dassurance-dépôts affichait un surplus cumulatif équivalent au décuple de ce montant environ. Les choses allaient donc effectivement bon train; il ne faut pas toutefois oublier que depuis sa création, la SADC navait dû remplir que rarement ses fonctions dassureur. Les années 80 se sont avérées plus difficiles à cet égard et ont soulevé certaines interrogations.
UNE PÉRIODE DE QUESTIONNEMENT ET DAJUSTEMENTS Comme nous avons pu le noter plus haut, la SADC a été formée pour assurer la sûreté des dépôts des individus qui font affaire avec les institutions financières de compétence fédérale et pour stimuler la confiance envers les institutions de dépôt, à la veille dune évolution de ces institutions et du secteur financier en général. Or, le contexte financier a bien changé avec le temps. Le poids relatif des institutions financières nest plus le même quautrefois et le champ dactivité de ces dernières sest généralement élargi. De plus, lapparition de moyens technologiques qui facilitent les transactions et louverture accrue des activités sur le plan international sont le signe de changements significatifs sur le plan de la concurrence. Dans ce contexte, on peut se demander ce quil advient de la protection des dépôts. A. Réactions et mesures immédiates Léquilibre relatif de la Caisse de la SADC a été ébranlé par le piètre état de plusieurs institutions financières, particulièrement au cours des années 80. Afin de donner à la SADC une plus grande marge de manoeuvre, les gouvernements Trudeau et Mulroney ont fait adopter chacun un projet de loi, en 1983 et 1986 respectivement. Depuis 1967, les « petits » déposants bénéficiaient dune couverture de 20 000$. Les coffres de la Société se sont donc en grande partie renfloués sur cette base. Lorsquen 1983, la Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada a été modifiée de façon à ce que la couverture des dépôts soit portée à 60 000$, il est devenu évident quil fallait donner une plus grande marge demprunt à la Société. La possibilité demprunt au Trésor est donc passé de 500 millions à 1,5 milliards de dollars. Toutefois, on ne sen est pas tenu à cette mesure, puisque, en 1986, avec ladoption du projet de loi C-86, on a autorisé un plus grand financement au moyen des primes. Ce projet de loi a permis à la Société dajouter quatre administrateurs provenant du privé à son Conseil dadministration. De plus, les primes exigées des membres sont passées de un trentième de 1 p. 100 à un dixième de 1 p. 100 des dépôts assurés. Cela a permis que les coffres soient un peu mieux renfloués et a donné loccasion à des membres du secteur privé dinfluencer directement les décisions de gestion de la SADC. Des institutions financières ébranlées qui ont reçu de laide de la SADC(15), seulement deux avaient dû y avoir recours avant 1980. Malgré les modifications apportées à la Loi (hausse de la couverture, de la marge demprunt au Trésor et du taux de la prime), la SADC sest retrouvée en déficit. Elle a dû emprunter au Trésor et étaler ses remboursements sur plusieurs années. Les institutions membres auxquelles la SADC accorde des prêts sont soit en liquidation, soit visées par un accord de représentation et dexploitation, soit en difficultés financières. La Société entreprend ses activités de son propre chef ou lorsque le Surintendant des assurances len avise. Le règlement des cas présentés à la SADC a généralement été réparti sur plusieurs années. Il aura, par exemple, fallu plus de 7 ans pour conclure la liquidation totale de la Norbanque. En pratique, la SADC a compensé la totalité des dépôts, quils soient assurés ou non. Si la décision de compensation complète de la SADC sexplique par la poursuite dun objectif de minimisation des coûts et du risque(16), les effets indirects dune telle mesure peuvent cependant soulever certains problèmes. Certains soutiennent, par exemple, que limportance accordée au rôle dun coût politique est un facteur à ne pas omettre(17) pour interpréter les résultats dune politique à légard des institutions de dépôt en difficulté. B. Un problème de risque moral Ces événements ont provoqué une remise en cause générale du rôle attribué au système dassurance-dépôts. On a pu, entre autres, constater que le fait que les déposants soient assurés dêtre totalement remboursés peut nuire à la discipline de marché car, ces derniers, confiants dêtre indemnisés (même lorsque par définition leurs dépôts ne sont pas assurés), ont moins tendance à surveiller leurs dépôts. Il sagit du problème de risque moral. Ce terme est employé par les économistes pour désigner un problème dasymétrie dinformation(18) que lon retrouve souvent en assurance, par exemple. Pour reprendre les termes de J.E. Pesando:
Le désintérêt des déposants à légard de leurs dépôts assurés et non assurés procure une plus grande liberté daction aux institutions en ce qui a trait aux fonds dont elles disposent. Plusieurs études montrent comment la prise de risque peut parfois être relativement excessive. Dans une étude, publiée en 1983 et intitulée The Wyman Report: An Economists Perspective, J.E. Pesando mentionne quelques facteurs pouvant contribuer à ladoption dune gestion risquée. Il soulève en premier lieu la présence dune asymétrie entre le risque couru par les actionnaires(20) et celui que courent les autres créanciers (déposants), dans le cas des institutions examinées en 1983. Cette asymétrie se traduit par une incitation au risque de la part des actionnaires administrant la compagnie, qui saccroît sils se sentent moins surveillés. Selon Pesando, il se peut quune institution membre estime que sa gestion na pas à tenir compte des réactions des déposants. De plus, il peut arriver quune institution réponde par automatisme à la réglementation; il peut résulter dun tel comportement un choix se fixant systématiquement aux limites permises. Pesando souligne quen labsence dassurance, il est possible que ladministrateur accorde moins dimportance à la diversification du portefeuille. Il constate que lassurance-dépôts assure contre les banqueroutes mais que, ce faisant, elle multiplie les possibilités quune banqueroute se produise. Parmi les moyens que suggère Pesando pour éliminer la prise de risque excessive observée chez les institutions membres, on retrouve:
Selon une étude effectuée par le Conseil Économique du Canada(21) même si les facteurs extérieurs (conjoncture économique) ont contribué aux faillites canadiennes, ce sont néanmoins les facteurs intérieurs (gestion interne des risques: qualité des prêts, degré de diversification, grandeur du capital de base et équilibre entre lactif et le passif) qui en sont principalement responsables. Plusieurs solutions soffrent donc pour résoudre le problème du risque moral relié à lassurance-dépôts. De plus, la possibilité de combiner ces solutions accroît encore plus leur flexibilité. De façon générale, il sagit dutiliser des moyens qui affectent les critères de décision des institutions de dépôt. Ces moyens peuvent être plus ou moins directs, cest-à-dire quils peuvent être purement réglementaires et ainsi imposer une contrainte directe sur les institutions. Ils peuvent aussi être indirects et, par conséquent, se définir davantage en tant quincitatifs. À titre dexemple, indiquons que ladoption dune tarification basée sur le risque peut constituer un moyen de sensibiliser une institution à la prudence. Des incitatifs visant à éveiller lattention du déposant aux gestes de son institution peuvent être une autre façon de faire. Il sagit donc dappliquer un pouvoir de réglementation direct et indirect selon le but visé. Lidentification des rôles attribués dune part à la SADC et dautre part aux autres organismes de surveillance publics simpose pour éviter les chevauchements et les mesures contradictoires. Dans la mesure où labsence dun marché privé est remplacée par un système dassurance-dépôts public, il est possible, par exemple, denvisager un cadre de responsabilité et de surveillance, pour le système substitué, qui soit similaire à celui qui prévaudrait dans un contexte privé. En pratique, la Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada a été modifiée à deux reprises, la première fois en 1987 par le projet de loi C-42 et tout dernièrement, en 1991, par le projet de loi C-48. Ces modifications sinscrivent dans le cadre de la réforme des institutions financières du gouvernement fédéral. En fait, comme la indiqué M. Hockin, le projet de loi C-42 a marqué les premiers pas dune démarche concrète visant la mondialisation des marchés financiers. En 1987, le projet de loi C-42(22) a modifié certaines fonctions de la SADC et comportait des mesures tendant à rehausser la discipline de marché et la surveillance. Le projet de loi a permis la fusion du Bureau du Surintendant des assurances et du Bureau de lInspecteur des Banques en une nouvelle entité, le Bureau du surintendant des institutions financières. Pour la SADC, ce projet de loi a entraîné plusieurs modifications: changement de la composition de son Conseil dadministration, possibilité dexiger des primes pouvant atteindre un sixième de 1 p. 100 des dépôts assurés, rôle à légard de lélaboration de pratiques financières saines, responsabilité de sensibilisation du public au phénomène de lassurance-dépôts, ainsi que possibilité accrue demprunt au Trésor (qui est passée de 1,5 à 3 milliards de dollars). Ces changements sont le signe dune surveillance plus centralisée des institutions financières au niveau fédéral. Pour une institution assurée par la SADC, la possibilité de devoir payer une prime additionnelle si elle ne respectait pas les pratiques de saines gestion pouvaient constituer un incitatif à la prudence. En pratique cependant, la SADC na jamais exercé ce pouvoir. De plus, la menace dune hausse du taux de la prime dont il a été question récemment lors du dernier budget de la Société était motivée par un besoin de fonds supplémentaires visant à permettre à cette dernière deffacer le déficit prévu, plutôt que par un besoin, visant à modifier le comportement des institutions membres. Il semble donc que cette disposition se soit avérée strictement budgétaire. La publicité visant à sensibiliser le public peut constituer un facteur important de lévaluation de lattitude potentielle des déposants face à leurs institutions. Elle peut, entre autres, permettre daffirmer que tous les déposants, petits et grands, ont été avisés que certains de leurs dépôts sont assurés; cependant, son effet réel est difficilement vérifiable. Toutefois, si les institutions estiment que leurs clients (déposants) sont davantage en mesure de surveiller leurs dépôts (ou davantage intéressés à le faire), elles devraient en tenir compte dans leurs prises de décisions. Les dispositions susmentionnées semblent viser davantage les institutions et les déposants que la Société elle-même. La SADC est autorisée à intervenir auprès de ses membres après consultation du BSIF. Ce dernier est chargé de surveiller et dexaminer les institutions financières de compétence fédérale. Lorsque les pourparlers, parfois longs et pénibles, entre les organismes de réglementation et les dirigeants des institutions sont terminés, la SADC entre en jeu, et les jeux sont pour ainsi dire déjà faits. Ainsi, dans le cas où il y a fusion ou cession des activités dune institution à une autre et que les autorisations nécessaires des actionnaires et créanciers sont difficiles à obtenir, ladoption de lois spéciales devient parfois nécessaire. Par exemple, pour résoudre les difficultés survenues au moment de la cession des activités de la Banque de la Colombie-Britannique à la Banque Hong-Kong du Canada en 1986, une loi spéciale a été adoptée, et la SADC a été chargée de veiller à la bonne marche du transfert dactivités. Dès lors, la SADC a commencé à encourager le fait quun tel procédé puisse seffectuer de façon systématique et non sur une base « cas par cas ». Le moment à partir duquel celle-ci doit intervenir est au centre du projet de loi C-48, qui modifie la Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada et qui a été adopté en 1992. Le projet de loi C-48 a donc consisté principalement à mettre sur pied un Programme de restructuration des institutions financières (PRIF) et à donner à la Société de nouveaux moyens de se charger des institutions financières de compétence fédérale dont la viabilité est mise en doute par les organismes de réglementation. Selon ces nouvelles dispositions, une institution ayant fait lobjet dune ordonnance de restructuration peut donc être vendue ou fusionnée sans avoir à obtenir lautorisation de ses actionnaires ni de ses créanciers. Enfin, avec ce projet de loi, la limite demprunt au Trésor accordée à la Société est passée de 3 à 6 millions de dollars. De même, des modifications quant à la publicité relative à lassurance-dépôts ont été adoptées; elles permettront de regrouper lensemble des dispositions dans les règlements administratifs. Dans lensemble, par conséquent, les mesures adoptées à légard de lassurance-dépôts suite aux nombreux cas de faillites et dinsolvabilité survenus au cours des années 80 ont été concentrées sur la stabilité des coffres et sur la modification des pouvoirs de la Société. Dans son dernier plan directeur, la SADC sest donnée le mandat suivant:
On peut donc constater que la SADC envisage son rôle dans une perspective beaucoup plus globale quà ses débuts. Son effectif a beaucoup augmenté et parmi les intentions qui figurent dans son dernier rapport annuel, on trouve un souci daccroissement de son rôle encore plus évident. Selon la théorie économique, certaines imperfections de marché peuvent justifier lintervention gouvernementale. Dans le cas qui nous préoccupe, il sagit dune imperfection résultant dune absence de marché, celui de lassurance-dépôts. Or, dans les sphères du risque et de lincertitude bien communes au domaine de lassurance, les imperfections de marché sexpliquent souvent par la présence dasymétrie dinformation causée par un problème de risque moral ou de sélection adverse. La plupart des économistes saccordent pour dire que le risque de faillite dun système dassurance-dépôts volontaire est plus élevé que lorsque le système est obligatoire, car la propension des institutions en moins bonne condition à adhérer à un système dassurance-dépôts est plus élevée que celle dune institution en bonne santé. Avec un système obligatoire comme celui qui existe au Canada, le problème de sélection adverse ne sapplique pas, même si les institutions membres comportent des degrés de risque variés. La divergence des institutions membres de la SADC en ce qui à trait à leur taille porte à croire quun système volontaire recueillerait en grande partie les plus petites institutions et les plus fragiles. Les événements qui ont marqué lhistoire de lassurance-dépôts au Canada nont pas remis en question sa nature obligatoire. Il reste néanmoins un problème de risque moral dont il a dailleurs été question plus tôt. Les moyens suggérés par Pesando en 1985 ont été repris dans une autre étude effectuée par Lang cinq ans plus tard, soit après ladoption du projet de loi C-42 en 1987. Cette étude permet de dégager certains aspects qui restent à résoudre. À la lumière de plusieurs rapports présentés et de plusieurs études effectuées depuis une dizaine dannées pour examiner diverses propositions de réforme(23), Lang compare dans son étude divers scénarios dont lessentiel se résume en deux approches complémentaires : la surveillance active et la discipline de marché. La première approche vise la détection et la correction des pratiques illégales ou imprudentes qui, résumée en quelques mots, vise à accroître la protection du consommateur. La deuxième approche incite les institutions à internaliser le coût de leurs pratiques. Autrement dit, les activités dites risquées sont poursuivies seulement si un prix du marché y est associé; voilà pourquoi on parle de discipline de marché. Au chapitre de la supervision active, lauteur examine la possibilité de fusion de la SADC avec dautres organismes de réglementation et la possibilité de lui octroyer des pouvoirs additionnels. Divers scénarios de fusion ont été basés sur lidée que la surveillance effectuée par le BSIF et le manque déquipement de la SADC pour procéder aux inspections pouvaient savérer complémentaires (en effet, la SADC utilise les données du BSIF ou des institutions membres). Le regroupement des activités du BSIF et de celles de la SADC pour créer une « Agence nationale dadministration financière » est une proposition issue du Comité des Communes présidé par M. Blenkarn. Dans le rapport Estey, on a aussi admis la possibilité dune fusion de la SADC avec le secteur supervisé des banques (et non avec le BSIF en entier, qui à cette époque nétait pas encore créé) relevant de lInspecteur général des banques. La proposition de fusion a finalement été rejetée par le gouvernement, vraisemblablement inquiet du fait que la surveillance et lassurance-dépôts sont des activités différentes et que des problèmes de compétence fédérale-provinciale pourraient survenir(24). Lattribution de pouvoirs additionnels plutôt quune fusion fait partie des recommandations du rapport Wyman. Comme lindique Lang, les pouvoirs peuvent aller de la surveillance, à lexamen et à la liquidation. Cependant, lors de la détermination des pouvoirs il faut garder à lesprit la condition defficacité suivante: plus le coût dadhésion aux directives de la SADC est élevé, plus les institutions financières tendent à innover dans les domaines non réglementés où la SADC ne peut intervenir. Il sagit donc dadopter des mesures qui encouragent dautres ouvertures plutôt que de limiter les institutions à un cadre restreint. Les auteurs détudes américaines soutiennent la même idée. Par exemple, aux États-Unis, les politiciens ont parfois été tentés dattribuer les problèmes à une attitude frauduleuse ou pour le moins douteuse de la part des institutions. Certains chiffres tendent pourtant à démontrer que les pertes estimées des associations de crédit (S&L) américaines ont été principalement (pour les deux tiers) dues à des engagements pris avant la déréglementation ou placés dans des prêts immobiliers conventionnels. En réalité, seule une faible part des pertes sexpliquerait par des investissements frauduleux ou des titres de pacotilles ou serait attribuable à dautres placements non immobiliers(25). Les Américains se sont récemment engagés dans une réforme de leur système dassurance-dépôts. Certains expliquent que les divers systèmes dassurance-dépôts nont jamais été fonctionnels sur une longue période parce quen fait ils ne sont pas nécessaires pour protéger le public ou pour maintenir la solidité du système financier(26). À cet égard, il semble important que les structures mises de lavant soient ouvertes aux changements et puissent sadapter suivant lévolution dun pays. La Federal Deposit Insurance Corporation Improvement Act (FDICIA) proposée en 1991 aux États-Unis, est un plan de réforme qui repose sur le fait que le risque de faillite de la FDIC est réel et quun besoin de recourir aux subsides des contribuables pourrait en découler. La réforme permettrait: La réforme permettrait :
Les auteurs de certaines études estiment que le transfert du risque de faillite dune banque du fonds dassurance-dépôts aux déposants eux-mêmes, que prévoit le plan de réforme constitue un point litigieux et que la promotion de la discipline de marché des déposants par le Trésor et la FDICIA devrait être encouragée(28). Comme certains laffirment, la surveillance réglementaire est un piètre substitut pour la discipline de marché dans le marché financier actuel(29). Pour le Canada, au chapitre de la discipline de marché, les cinq propositions dont Lang discute dans son texte sont la coassurance, les primes basées sur le risque, les exigences de capital, la dette subordonnée et la divulgation de linformation(30). La comparaison de ces propositions mène lauteur à privilégier, entre autres, une évaluation du montant de la prime basée sur la notion de risque, une augmentation des réserves et lutilisation de débentures subordonnées afin de permettre à la SADC dêtre plus efficace dans lexécution de ses fonctions. Lauteur met de plus un certain accent sur linformation à divulguer. Il estime quil faudrait procéder à un examen de lintégration de la SADC avec les provinces et les fonds de lindustrie. Certes, ces propositions peuvent impliquer une part de surveillance réglementaire. Pourtant, ces méthodes, qui visent la discipline de marché offrent une flexibilité plus grande aux parties et leur permet de mieux sajuster à leurs besoins en temps voulu. Un consensus semble se dégager des documents portant sur la discipline de marché en faveur de lusage de débentures subalternes(31). Cette idée avancée par, entre autres Pesando, consiste à contraindre les institutions à émettre des débentures subordonnées (non assurées et à taux fixe) liées à leurs dépôts non assurés. Le risque est relié à la situation de linstitution elle-même plus quau groupe dinstitutions auquel elle appartient, ce qui contribue à prévenir des ruées systématiques à lendroit dun groupe dinstitutions jugé plus risqué, comme cela risque de se produire avec un système de coassurance, par exemple. De plus, la mise en oeuvre dune telle approche aurait lavantage dêtre relativement plus pratique quun système basé sur le risque comme le système CAMEL avancé aux États-Unis, dont limplantation dans le contexte canadien a été qualifiée de difficile par plusieurs. Lutilisation de débentures subordonnées pourrait sensibiliser linstitution au degré de risque associé aux dépôts qui par la pratique ont toujours été assurés, même sils ne le sont pas en principe. À léchelle internationale, les règles sur la suffisance de capital développées par le Comité Basle, de la Banque des règlements internationaux (BRI), en 1988 ne peuvent être passées sous silence. Cette initiative voulait que le système bancaire mondial soit réglementé par un même organisme national; on croyait que de cette façon une institution tombant sous les règles de la BRI serait considérée moins risquée quune institution non réglementée. Aujourdhui, certains doutent de lefficacité dun tel système. Il est difficile de nos jours de veiller à limplantation de règles uniformes. La flexibilité et la capacité dadapter des règles à des questions locales sont des facteurs importants. Le Canada sest muni dun cadre au sujet des exigences de capital avec sa nouvelle réforme des institutions financières. En effet, la notion du capital réglementaire est définie par règlement(32) pour chaque type dinstitution et sapplique particulièrement pour les institutions de dépôt aux placements immobiliers, aux capitaux propres et à la limite globale qui vise certaines opérations telles que les acquisitions et lamélioration des effectifs. Enfin, il y a limportante question de linformation. Les auteurs dune autre étude(33) portant sur le problème dont a souffert la SADC, c.-à-d. limpossibilité dempêcher les institutions membres de courir des risques excessifs, prônent eux aussi le renforcement de la discipline de marché et la réglementation. De plus, ils assument dans leur étude que la solution au problème de la SADC dépend du degré defficacité de la mise en place des procédures qui améliorent la disponibilité de linformation. Le plus récent projet de loi modifiant la Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada a été adoptée en 1992(34). Les principales mesures quon y trouve ont pour but de faciliter le transfert des activités dune institution lorsque la collaboration des actionnaires est cahoteuse. Il devrait sagir cependant dun outil de dernier ressort puisque la plupart du temps, il semble que les ententes qui se concluent impliquent des parties agissant de bonne foi. Cependant, cela ne change rien à la détection des problèmes auxquels sont parfois confrontées les institutions. La détection exercée par les organismes responsables est une question épineuse, certes, mais probablement porteuse de solutions. Lexistence dun écart entre le moment où une institution comprend quelle est en difficulté et celui où les organismes de réglementation le confirment peut être un signe important. Ainsi, le problème du risque moral examiné dans le cadre du système dassurance-dépôts canadien a soulevé plusieurs questions. Si les auteurs de certaines études américaines mettent en doute le degré de justification de lassurance-dépôts, il ne faut pas nécessairement en arriver à la même conclusion au Canada. Les institutions canadiennes acceptant les dépôts sont de taille relativement plus petite que leurs voisines américaines et sont aussi beaucoup moins nombreuses. La répartition des risques au Canada est par conséquent relativement limitée. Le système dassurance-dépôts canadien a pu répondre à lorigine à un besoin de rassurer les déposants quant à leurs dépôts, mais les temps ont changé. Les chèques, la monnaie électronique, les dépôts automatiques et une foule dautres instruments font maintenant partie du quotidien. Linformatisation bancaire sest réalisée et les guichets automatiques se sont multipliés. Ainsi en 1986, le plus important réseau de guichets automatiques au Canada, Interac, a été mis sur pied. Plus de 11 300 guichets automatiques donnent aux titulaires de cartes un accès à leurs comptes(35) partout au pays. On estimait récemment à 2,3 le nombre de cartes de crédit en circulation au Canada pour chaque adulte de plus de 18 ans(36). De plus en plus, les gens utilisent des cartes de débit pour faire des achats en débitant directement leur compte bancaire. Les chèques et la monnaie sont toujours utilisés mais les nouvelles méthodes de paiement se répandent. Sil y a quelques décennies, la confiance du déposant était déterminée par son inquiétude de pouvoir récupérer un dû tangible, aujourdhui il ne sagit plus de tangibilité. Certes le problème de risque moral a pu sinstaller de façon progressive par suite de linstauration dun système dassurance-dépôts, mais, lintangibilité des moyens de transfert de la monnaie a pu elle aussi accentuer ce phénomène. Les gens se soucient moins de lendroit où leurs dépôts se trouvent physiquement et fonctionnent allègrement avec des billets promissoires. Et cest bien ainsi car les coûts de transaction sont très certainement plus avantageux. Cependant si laspect intangible des dépôts qui existe aujourdhui explique en partie le manque de surveillance des déposants à légard de leurs institutions, il va sen dire quune information adéquate devrait corriger cette situation. Finalement, le risque de thésaurisation des déposants qui existait avant lère de linformatisation et de lautomatisation est probablement très réduit. En effet, un manque de confiance des déposants à légard de leur institution devrait les amener a déposer dans une autre institution en meilleure posture. Il sagit là dune part de surveillance que peut assumer le déposant lorsquil dispose de linformation nécessaire à cette fin. Pour ce qui est de la confiance envers le système en général, il incombe aux responsables dévaluer dans quelle mesure le coût doit être assumé par lensemble des contribuables, par le biais de la fiscalité ou par celui plus direct des coûts quexigerait le secteur privé qui se protégerait lui-même. Labsence de marché privé pour lassurance-dépôts au Canada était attribuable à une assurance implicite dindemnisation. Pourquoi cette assurance implicite devrait-elle exister? Dans une première étape, les déposants ayant de bonnes informations devraient être en mesure de bien identifier les institutions aux prises avec de mauvaises décisions gestionnelles. A cet égard, les autorités publiques pourraient, entre autres, se pencher sur lexactitude de linformation diffusée au public. Il sagit par conséquent de surveillance de linformation, ainsi que de degré de diffusion. À lheure actuelle, linformation divulguée par la SADC se compose des éléments suivants(37) : i) informer le public que les investissements futurs ne sont plus assurés lorsque la SADC annule ou met fin au membership dune institution; ii) lorsquune prime additionnelle est imposée, le vérificateur de linstitution PEUT le divulguer dans son rapport; iii) la SADC doit renforcer les exigences de divulgation à un consommateur lorsquun dépôt nest pas assuré. Le reste de linformation divulguée repose sur des directives du conseil de la SADC et sont variables. Le système dassurance-dépôts ne doit donc plus répondre à un risque de ruées bancaires tel quil pouvait se manifester lors de sa mise en oeuvre. Des outils réglementaires doivent certes être utilisés surtout lorsque lon sait que la propension des institutions à divulguer de linformation sur elles-mêmes peut être faible. Cependant, la reconnaissance du fait que la surveillance réglementaire est un piètre substitut pour la discipline de marché dans le marché financier actuel devrait demeurer présente à lesprit des législateurs. Association des banquiers canadiens. Activités bancaires. 1991. Binhammer, H.H. et J.D.C. Boulakia. « Deposit Insurance in Canada ». The Canadian Banker, printemps 1968, p. 38-45. Cargill, T.F. et T. Mayer. « U.S. Deposit Insurance Reform ». Contemporary Policy Issues, vol. X, juillet 1992, p. 95-103. Carr, J. et F. Mathewson. « The Effect of Deposit Insurance on Financial Institutions ». Dept. of Economics and Institute for Policy Analysis, University of Toronto, WP 8903, mars 1989. Canada. Comité de la Chambre des communes sur le projet de loi C-42. Délibérations. Canada. Débats du Sénat. 1967. Consommation et Affaires commerciales Canada, Information. « Coûts dutilisation des cartes de crédit », juillet 1992. Conseil économique du Canada. Lencadrement du système financier. Document EC22-137, 1987. Kaufman, G.C. « The Truth About Bank Runs ». C. England et T. Huertas, The Financial Services Revolution : Policy Directions for the Future. Boston Kluwer Academic Publishers, 1988, p. 9-40. Lang, D. « Reform of the Canada Deposit Insurance Corporation ». Banking and Finance Law Review, vol. 5, février 1990, p. 167-95. Mantripragada, K.G. « Depositors as a Source of Market Discipline ». The Yale Journal on Regulation, vol. 9, p. 543-574. Meigs, A.J. et J.C. Goodman. Federal Deposit Insurance : The Case for Radical Reform. National Center for Policy Analysis, Policy Report no 155, décembre 1990. Pesando, J.E. « The Wyman Report: An Economists Perspective ». Revue canadienne du droit de commerce, vol. 11, n° 2, p. 105-120, février 1986. SADC. Codification administrative, Loi sur la Société canadienne dassurance-dépôts, L.R. (1985), c. C-3, mai 1989. SADC. Rapports annuels, 1967-1991. Smith, B. et R.W. White « The Deposit Insurance System in Canada : Problems and Proposals for Change ». Analyse de politiques, vol. XIV, n° 4, Déc. 1988, p. 331-346.
Liste partielle des rapports
et études liés
Canada. Rapport denquête sur la faillite la Banque commerciale du Canada et de la Norbanque. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, août 1986 (Rapport Estey). Canada. Rapport final du Comité détude sur la Société dassurance-dépôts du Canada (SADC). Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, avril 1985 (Rapport Wyman). Canada. Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques. Le onzième rapport à la chambre. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, novembre 1985 (Rapport Blenkarn). Canada. Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Dixième rapport du Comité. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 11 décembre 1985. Canada. Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Seizième rapport du Comité. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1er mai 1986. Canada. Ministre dÉtat (Finances). Le secteur financier: nouvelles directions. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 18 décembre 1986 (Livre Bleu). Canada. Ministère des Finances. La réglementation des institutions financières du Canada: propositions à considérer. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Service Canada, avril 1985 (Livre Vert). Conseil économique du Canada. Concurrence et stabilité - Lencadrement du système financier. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1986. Ontario. Groupe détude sur les institutions financières. Rapport final du Groupe détude sur les institutions financières de lOntario. Toronto, Imprimeur de la Reine, décembre 1985.
« À quoi sont dues les pertes »
The Economic analysis of the savings and loan crisis places the blame on Washington. Washington seeks villains elsewhere. Some favorites among politicians are : fraud, investments in junk bonds and the financial deregulation which permitted S&Ls to make nontraditional loans. Yet these explanationas are not consistent with the facts. Table IV presents one highly regarded estimate of the various causes of S&L losses. As the table shows :
Other estimates may produce slightly different numbers, but the overall conclusion is unlikely to change. The evidence is consistent with the economists explanation. It is inconsistent with the politicians search for scapegoats.
Source : Tableau construit à partir du texte de D. Lang, « Reform of the Canada Deposit Insurance Corporation », Banking and Finance Law Review, vol. 5, février 1990, p. 167-195.
(1) Dans « The Thruth About Banks Runs », G.C. Kaufman examine dans quelle mesure les motifs dune ruée sont fondés. Il souligne que le public confond souvent ruée sur une institution bancaire et ruée générale sur lensemble du système. Il souligne aussi que la politique gouvernementale devrait porter davantage sur la stabilité du système dans son ensemble, que sur la stabilité dune institution particulière. (2) Il sagit de lagrégat monétaire (M2+) dont il est question dans le numéro de septembre 1992 de la Revue de la Banque du Canada. (3) Le lecteur trouvera en annexe A une liste des institutions ayant fait lobjet de paiements ou de redressements, ou des deux, ainsi que le montant des pertes estimées. (4) Du côté provincial, dans le domaine des valeurs mobilières, il y a eu par exemple le cas OSLER, pour lequel le Canadian Investor Protection Fund (CIPF) est intervenu. (5) Codification administrative, Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada, « Inspection des Institutions Membres », article 27. (6) Débats du Sénat, 16 février 1967, 1ère session, 27e législature, p. 1447, deuxième lecture du projet de loi C-261 visant à établir la SADC. (7) Loi sur la Société dassurance-dépôts du Canada, article 11. Tiré du Rapport annuel de la SADC pour 1967. (8) H.H. Binhammer et J.D.C. Boulakia, « Deposit Insurance in Canada », The Canadian Banker, vol. 75, n° 1, printemps 1968. (9) Ibid. (10) Certains graphiques illustrant la situation sont présentés un peu plus loin dans le texte. (11) Les activités de la SADC sétant intensifiées, leffectif en ressources humaines sest aussi accru. De 1981 à 1989, le nombre demployés est passé de 6 à 63 et, en 1991, il était passé à 92. En dautres termes, il y avait en 1981 près de 39 millions de dollars dactif total et environ 1 million de dollars de passif par employé comparativement à un peu plus de 9 millions et 23 millions respectivement, en 1989, par employé. Le nombre dinstitutions membres par employé de la SADC était de 24 et de 2 en 1981 et 1989 respectivement, et, en 1991, ce nombre tendait vers lunité. (12) Le BSIF effectue cependant la surveillance des institutions membres de la SADC et lui signale la présence de problèmes lorsquil y a lieu. (13) SADC, Rapport annuel, 1967. (14) CAMEL signifie Capital adequacy, Asset quality, Management ability, Earning quality and Liquidity. (15) Le lecteur trouvera, en annexe A, lapport fourni par la SADC à ses membres. (16) Rapports annuels de la SADC, diverses années. (17) Dans son article « Reform of the Canada Deposit Insurance Corporation », publié en 1990, D. Lang souligne que des pressions politiques peuvent exister. (18) Un autre type de problème dasymétrie de linformation que lon retrouve souvent en assurance est celui de la sélection adverse. (19) Cité dans Lang (1990) (traduction). (20) Il indique que, en 1983, léquité des actionnaires se chiffrait à 3,82 p. 100 du passif total des banques à charte contre 5,07 p. 100 pour les sociétés de fiducie et de prêt. (21) Conseil économique du Canada, Lencadrement du système financier, 1987. (22) Loi sur les institutions financières et modifiant le système dassurance-dépôts. (23) Voir, en annexe B, la liste des rapports examinés par Lang dans son étude. (24) Lang, (1990), p. 182. (25) Le lecteur trouvera, en annexe C, une copie du tableau présentant ces estimés. (26) A.J. Meigs et J.C. Goodman, Federal Deposit Insurance: The Case for Radical Reform, Centre for Policy Analysis, Policy Report n° 155, décembre 1990. (27) T.F. Cargill et T. Mayer,« U.S. Deposit Insurance Reform », Contemporary Policy Issues, vol. X, juillet 1992. (28) K.G. Mantipragada, « Depositors as a Source of Market Discipline », The Yale Journal on Regulation, février 1990. (29) Cargill et Mayer (1992). (30) Lannexe D présente les propositions telles que lauteur les compare. (31) S. Handfield-Jones, Safeguarding Depositors and Investors: The role of Deposit Insurance and Enhanced Supervision, Conference Board of Canada, rapport 56-90-DF. (32) Ce règlement est entré en vigueur le 31 août 1992. (33) Smith, B. and R.W. White « The Deposit Insurance System in Canada: Problems and Proposals for Change », 1988. (34) Projet de loi C-48. (35) Association des Banquiers canadiens. (36) Consommation et Affaires commerciales Canada, « Coûts dutilisation des cartes de crédit », juillet 1992. (37) Lang (1990). |