BP-333F

 

L'EAU DANS LES MUNICIPALITÉS AU CANADA

 

Rédaction :
Stephanie Meakin
Division des sciences et de la technologie
Avril 1993


TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

L'EAU EN TANT QUE RESSOURCE

   A. Situation mondiale

   B. La situation au Canada

UTILISATION DE L'EAU

   A. Généralités

   B. L'eau potable

LE COÛT DE L'EAU SAINE

LES POLITIQUES RELATIVES À L'EAU

   A. Canada

   B. Autres pays

S'ATTAQUER AU PROBLÈME DE LA POLLUTION DES EAUX

   A. Le traitement des eaux usées

      1. Traitement primaire

      2. Traitement secondaire

         a. Systèmes biologiques

         b. Traitement à l'aide de boues activées

         c. Traitement par filtrage bactérien

         d. Traitement à l'aide de bassins de stabilisation des déchets

         e. Traitement anaérobie

      3. Traitement tertiaire

   B. Assainissement de l'eau potable

NOUVELLE GESTION DES EAUX

CONCLUSION


L'EAU DANS LES MUNICIPALITÉS AU CANADA

INTRODUCTION

Les Canadiens occupent le deuxième rang au monde pour ce qui est de la consommation d'eau par habitant(1), les ménages canadiens utilisant, en moyenne, 360 litres d'eau par jour(2). L'eau sert dans tous les secteurs de la société — industrie, agriculture, transports, énergie, loisirs — ainsi que dans les municipalités, et elle doit subir un certain traitement avant d'être utilisée, puis rejetée dans les cours d'eau. Dans le présent document, nous examinons les questions qui ont trait à l'utilisation de l'eau par les municipalités : consommation, traitement des eaux usées, prix et sécurité de l'approvisionnement.

Le Canada dispose d'environ 9 p. 100 de l'approvisionnement mondial annuel en eau douce renouvelable(3); cependant, plus de la moitié des eaux du Canada s'écoulent vers le nord, c'est-à-dire loin des centres démographiques et industriels, ce qui ne laisse que des approvisionnements restreints dans certaines régions du sud. Dans les régions développées, la pollution a sensiblement altéré la qualité naturelle de la ressource(4). En raison de l'urbanisation croissante et du caractère inadéquat des infrastructures de traitement des eaux, certains s'inquiètent de la qualité de l'eau que les Canadiens consomment et de la détérioration des eaux réceptrices en aval des installations de traitement municipales. Le coût de la collecte, de l'entreposage et de la distribution de l'eau est également en hausse. Environ 57 p. 100 des Canadiens, comparativement à 74 p. 100 des Américains, à 86,5 p. 100 des Allemands et à 99 p. 100 des Suédois sont desservis par des usines de traitement des eaux usées.

Les préoccupations au sujet de la qualité de l'eau destinée à la consommation et du déclin de la qualité des eaux réceptrices ont incité certains ministères à examiner la mesure dans laquelle les installations de traitement municipales se conforment à la Loi sur les pêches. L'utilisation et le traitement de l'eau par les municipalités est le thème principal du présent document.

L'EAU EN TANT QUE RESSOURCE

Parvenir à un équilibre en ce qui a trait à l'eau ne sera pas facile. Les politiques, les lois et les pratiques qui caractérisent l'utilisation de l'eau à l'heure actuelle concordent rarement avec les trois principes fondamentaux de l'utilisation durable des ressources : l'efficience, l'équité et l'intégrité écologique(5).

L'eau est une nécessité de la vie; elle est non seulement essentielle à la survie des êtres humains, mais elle contribue d'une infinité de façons à la qualité de leur vie. Elle est utilisée en agriculture, dans l'industrie et dans les transports, ainsi que pour la production d'énergie et dans la fabrication des biens; pour les municipalités, elle constitue à la fois un véhicule d'enlèvement des déchets et un élément de soutien de la vie. La façon dont les humains utilisent l'eau, la quantité qu'ils consomment et les méthodes de conservation qu'ils employent sont des éléments très importants dans l'optique de la durabilité de cette ressource. Contrairement à de nombreuses autres ressources vitales, l'eau n'a pas de substitut dans la plupart des activités et processus où elle est requise, que ce soit dans la société ou dans la nature. Pourtant, en dépit de son importance et de sa rareté croissante, l'eau est peu souvent considérée comme une ressource au même titre que les autres(6).

La totalité de l'eau douce que renferment les lacs, les ruisseaux et les rivières de la planète représente moins de 0,01 p. 100 des réserves totales en eau de la Terre(7). Certaines utilisations comportent le retrait de l'eau de son cycle naturel, tandis que d'autres altèrent la qualité de l'eau avant son rejet dans la nature(8). On estime que la quantité d'eau dont les humains disposent à des fins d'exploitation est de 9 000 km3, ce qui en principe devrait être suffisant pour soutenir 20 milliards de personnes(9). Le problème, c'est que l'eau disponible n'est pas répartie également, de sorte qu'il y a des pays où elle est rare et d'autres où elle abonde. Un citoyen des États-Unis utilise en moyenne 70 fois plus d'eau qu'un citoyen du Ghana. On ne pourra en arriver à assurer des réserves durables de cette ressource qu'en adoptant une stratégie de gestion et un cadre d'orientation pour la prise de décisions de gestion et de politique.

Figure 1 : Cycle des eaux à l'échelle planétaire

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Le cycle des eaux à l'échelle planétaire comprend trois grands processus : les précipitations, l'évaporation et le transport de la vapeur d'eau. L'eau vient de l'atmosphère sous forme de pluie ou de neige, dont la plus grande partie tombe dans les océans; elle retourne à l'atmosphère par évaporation. Une certaine partie s'écoule sur la terre vers la mer, sous forme d'eau de surface ou souterraine; inversement, l'eau est transportée par les courants atmosphériques de la mer vers la terre(10).

   A. Situation mondiale

Prendre conscience des limites qui caractérisent l'eau et apprendre à vivre en les respectant équivaut à une transformation en profondeur de nos rapports avec l'eau douce(11).

Bien que l'eau soit une ressource renouvelable, c'est aussi une ressource limitée. Le cycle de l'eau ne fournit qu'une certaine quantité d'eau annuellement à un endroit donné. Cela signifie que la quantité dont dispose chaque personne, qui est un indicateur approximatif de la sécurité des approvisionnements en eau, diminue à mesure que la population s'accroît(12).

Le rythme de la consommation d'eau dans le monde s'est accru si rapidement au cours des trente dernières années qu'à moins qu'il ne soit freiné, non seulement les pays où cette ressource est rare(13), mais même le Canada pourraient faire face à une pénurie d'eau.

Figure 2
Évaluation de l'utilisation mondiale annuelle d'eau, quantité totale par secteur, 1900-2000
(14)

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L'utilisation de l'eau dans le monde a plus que triplé depuis les années 50 et, selon les évaluations, elle a maintenant atteint le niveau de 4 340 km3 par année(15). Les spécialistes de la planification des eaux ont répondu à cette demande croissante en lançant des projets d'adduction d'eau, y compris des barrages et des ouvrages de détournement, et en puisant dans les ressources aquifères. Ces options sont en voie de disparaître ou comportent un prix économique, politique et écologique tel qu'elles deviennent moins attrayantes(16). Si l'on veut assurer les besoins de l'humanité, il importe d'élaborer une nouvelle stratégie de gestion des eaux. Trois orientations doivent être adoptées immédiatement, soit 1) traiter l'eau comme une ressource et en payer le coût réel; 2) élaborer des programmes de conservation de l'eau qui permettront de répondre plus facilement aux besoins croissants en eau sans puiser davantage dans les sources d'eau naturelles; et 3) s'intéresser aux interactions complexes entre la terre, la végétation et l'eau, y compris les répercussions des activités humaines qui réduisent le caractère durable des approvisionnements en eau. Certains de ces effets sont la salinisation, attribuable à l'irrigation excessive, l'érosion, l'inondation et l'envasement des régimes fluviaux en raison de la déforestation et du développement (de l'utilisation des sols), ainsi que la pollution provenant des eaux usées, industrielles et municipales.

   B. La situation au Canada

Les ressources en eau du Canada sont surutilisées; l'utilisation résidentielle de l'eau est de deux à trois fois celle de certains pays européens. Cette surutilisation coûte des milliards de dollars en infrastructures d'approvisionnement et de traitement des eaux usées. Quatre aspects soulèvent des préoccupations : premièrement, le Canada ne recycle qu'une quantité relativement restreinte d'eau comparativement à d'autres pays, alors que des sommes importantes provenant des fonds publics sont consacrées au développement des systèmes d'irrigation(17); deuxièmement, les spécialistes de la planification des eaux ont souvent tendance à considérer les volumes d'eau réclamés comme s'il s'agissait « d'exigences » devant être satisfaites plutôt que des « demandes » qui peuvent être gérées(18); troisièmement, les recherches menées sur les questions ayant trait à l'eau laissent entrevoir une tendance au sous-financement dans le secteur privé; quatrièmement, et ce qui est le plus important, on observe une détérioration de la qualité des approvisionnements en eau au Canada.

UTILISATION DE L'EAU

   A. Généralités

Les systèmes d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées sont essentiels au fonctionnement social et économique de la collectivité moderne, non seulement du point de vue de la santé, mais parce qu'ils servent un important secteur des activités commerciales et industrielles des Canadiens et permettent de protéger ces derniers contre le feu et les inondations(19).

L'utilisation de l'eau se divise en deux grandes catégories : l'utilisation à l'intérieur des cours d'eau et l'utilisation comportant un retrait. L'utilisation à l'intérieur des cours d'eau est toute utilisation de l'eau dans son contexte naturel, par exemple, pêche, nautisme, transport par eau et production d'énergie hydroélectrique. L'utilisation qui comporte un « retrait » est celle où il est nécessaire de retirer l'eau pour s'en servir sur la terre. L'eau est tirée d'un ruisseau, d'un lac, d'une rivière, d'une nappe souterraine ou de l'océan et amenée par des conduites ou canalisations ou encore transportée vers l'endroit où elle est utilisée. Après utilisation, l'eau est recueillie et rejetée dans le régime des eaux souterraines ou fluviales. À titre d'exemple, mentionnons l'utilisation des eaux à des fins ménagères, municipales et industrielles, la production d'énergie nucléaire et thermique, l'irrigation et la consommation par le bétail(20). Les deux types d'utilisation ont une incidence sur la qualité de l'eau provenant de la source utilisée. L'utilisation dans le cours d'eau même a plusieurs effets : le pétrole et le carburant qui s'échappent des navires altèrent la qualité de la ressource, tandis que les installations hydroélectriques modifient l'écoulement naturel des systèmes fluviaux et que les réservoirs engendrent de l'évaporation causent des inondations et entraînent des lixiviats d'éléments minéraux naturels. Dans l'utilisation par retrait, la quantité d'eau retournée est souvent inférieure à la quantité puisée(21) et l'eau rejetée est habituellement de moins bonne qualité que l'eau puisée. La plus grande utilisation liée à la consommation est celle de l'irrigation des récoltes; au deuxième rang, vient l'évaporation dans les grands réservoirs(22).

Figure 3 
Utilisation de l'eau au Canada, en 1986
(23)

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   B. L'eau potable

Les soins de santé primaires comprennent, à tout le moins, un approvisionnement adéquat en eau sécuritaire et des conditions élémentaires d'hygiène(24).

La qualité de l'eau souhaitée varie selon l'usage que l'on veut en faire. L'importance de la qualité de l'eau destinée à la consommation humaine n'est pas une découverte récente. Dans ses écrits sur la santé publique, Hippocrate (de 460 à 377 av. J.-C.) a insisté tout particulièrement sur le rôle essentiel de l'eau dans le maintien de la santé, recommandant même que l'eau de pluie soit filtrée et bouillie avant d'être consommée. Ce n'est qu'en 1854 que le médecin anglais John Snow, qui menait des études épidémiologiques sur le choléra, a établi hors de tout doute que l'eau pouvait transporter des agents infectieux. Il n'y a pas eu de mouvement important en faveur du traitement de l'eau au Canada jusqu'à l'épidémie de typhoïde qui a frappé le pays au tournant du siècle. Fredericton, au Nouveau-Brunswick, prétend être la première localité à avoir disposé d'une usine de filtration d'eau au Canada(25).

La qualité de l'eau que l'on boit et dans laquelle on se baigne est réglementée par des lignes directrices suffisamment rigoureuses pour protéger la santé humaine(26). L'absence de telles lignes directrices a causé un certain nombre de problèmes de santé. On estime que l'eau contaminée et les mauvaises conditions d'hygiène sont à l'origine de 30 000 décès dans le monde chaque jour(27). Des statistiques révèlent que de nombreux Canadiens, particulièrement les autochtones vivant dans de petites collectivités éloignées du Canada, affichent des niveaux de qualité de l'eau potable et d'hygiène sensiblement inférieurs à la moyenne nationale et, dans certains cas, inférieurs aux objectifs fixés par l'Organisation mondiale de la santé.

Dans la plupart des régions du Canada, on dispose d'abondantes sources d'eau potable de bonne qualité. Les maladies attribuées à l'eau, telles que la fièvre typhoïde, le choléra, la dysenterie, la giardiase et l'hépatite sont presque inconnues au pays, alors que 80 p. 100 des maladies qui sévissent dans le tiers monde sont liées à l'eau. Une préoccupation sérieuse au Canada a trait aux produits chimiques toxiques qui entrent dans les réseaux fluviaux en provenance de nombreuses sources, y compris l'industrie, l'agriculture et le secteur résidentiel. Les connaissances au sujet des effets de ces substances sur la santé humaine sont très limitées; souvent, ces effets ne deviennent observables qu'après de nombreuses années et sont difficiles à distinguer des effets imputables à d'autres facteurs(28). Beaucoup de travail reste à faire en vue de contrôler à la source la pollution par les produits chimiques toxiques.

LE COÛT DE L'EAU SAINE

L'eau est gratuite; le coût que suppose l'eau est attribuable au traitement, au pompage, à la distribution, à la pressurisation et au traitement des déchets. Selon le ministre de l'Environnement, M. Jean Charest, les Canadiens devraient payer davantage pour l'eau qu'ils utilisent(29). Au Canada, le prix de l'eau varie considérablement d'une province à l'autre et même à l'intérieur de certaines provinces. Les barèmes de taux(30) au pays sont extrêmement variés, chaque municipalité ayant le sien propre. Dans les 470 municipalités visées par l'étude d'Environnement Canada de 1987(31), plus de 1 100 barèmes de taux distincts ont été relevés.

Tableau 1 : Catégories de barèmes de taux(32)

Catégorie

Description

Potentiel de
conservation

Taux uniformes

Le client paye un taux fixe par unité de temps pour un accès illimité au réseau public d'approvisionnement en eau.

Aucun; incite à une utilisation excessive.

Taux décroissants par tranche

L'utilisation de l'eau est divisée en deux tranches de volume ou plus. Les taux diminuent progressivement pour l'eau utilisée dans les tranches supérieures.

Diminue progressivement à mesure qu'augmente l'utilisation de l'eau.

Taux unitaires constants

Les montants exigés par unité d'utilisation de l'eau (p. ex., mètre cube) sont constants quel que soit le niveau d'utilisation.

De modéré à bon.

Taux croissants par tranche

Semblable à la structure de taux décroissants par tranche sauf que le taux augmente progressivement avec le niveau d'utilisation.

S'élève progressivement à mesure qu'augmente l'utilisation de l'eau.

Ils entrent dans quatre catégories : taux uniformes (le plus commun), taux unitaires constants, taux décroissants par tranche et taux croissants par tranche.

Presque tous les barèmes de taux offrent soit aucune incitation financière (p. ex., les taux uniformes) soit des éléments d'incitation décroissants (p. ex., taux décroissants par tranche) en vue de réduire l'utilisation de l'eau et les coûts des systèmes d'aqueduc et de traitement de l'eau. En conséquence, plus de 70 p. 100 de ces barèmes ne comportent aucun élément visant à décourager la demande excessive d'eau(33)(34).

L'eau est une ressource sous-évaluée. Les coûts des services d'approvisionnement en eau dans le secteur résidentiel varient de 0,50 à 0,60 cents par mètre cube(35). Au Canada, 33 p. 100 des approvisionnements publics en eau se font selon une structure de taux uniformes; en d'autres termes, l'utilisation excessive ne coûte rien au consommateur. Les frais applicables à l'approvisionnement en eau de l'industrie sont inférieurs à la moitié du coût d'approvisionnement. Les eaux d'irrigation sont subventionnées à 85 p. 100 du coût de la mise en place des systèmes(36). À toutes fins pratiques, la tarification de l'eau au Canada ne concourt pas à une utilisation et à un approvisionnement durables.

De nombreuses installations de traitement ont de plus en plus de difficulté à répondre à la demande : les conduites principales, les égouts et les usines d'épuration vieillissent et se détériorent progressivement, certains systèmes dans les villes plus anciennes ayant plus de 100 ans(37). On estime qu'il faudrait consacrer 10 milliards de dollars à l'amélioration des systèmes d'aqueducs et d'égouts municipaux au pays. L'une des raisons pour lesquelles ces fonds ne sont pas disponibles, c'est que les Canadiens ne payent pas le coût véritable de l'eau qu'ils utilisent.

L'argument mis de l'avant est que le barème de tarification de l'eau doit être révisé de manière à favoriser la conservation. Au Canada, 37 p. 100 des gens payent un taux uniforme, peu importe la quantité d'eau consommée, tandis que 34 p. 100 des municipalités ont adopté une structure de « taux décroissants par tranche » pour la tarification de l'eau, en vertu de laquelle les frais diminuent pour chaque unité additionnelle consommée. Afin de maintenir un approvisionnement durable en eau douce, il faut adopter une politique de prix plus réaliste qui encouragerait la conservation et réduirait la nécessité d'intervenir dans le cycle des systèmes naturels pour trouver d'autres sources d'eau. La sensibilisation à l'utilisation appropriée des systèmes d'égouts municipaux permet de réduire les quantités de toxines déposées et, ainsi, abaisse les coûts de traitement, de réparation et d'entretien. Dans sa Politique relative aux eaux de 1987, le gouvernement fédéral préconisait une structure de tarification réaliste de l'eau comme principale mesure visant à favoriser la conservation de l'eau, ainsi que l'adoption du principe du paiement par l'usager dans l'évaluation des ressources en eau. Il se prononçait en faveur d'une structure de prix qui traduirait les coûts véritables de l'approvisionnement et du traitement et qui engendrerait suffisamment de revenus pour maintenir et améliorer les infrastructures. Il préconisait l'adoption universelle de compteurs et de barèmes de tarification réalistes(38). Il revient aux décideurs des collectivités locales et d'ailleurs de déterminer de quelle façon la valeur de l'eau devrait se refléter dans les prix, les subventions, les services offerts gratuitement, etc.

LES POLITIQUES RELATIVES À L'EAU

La sensibilisation accrue aux questions environnementales a engendré beaucoup d'intérêt à l'égard de la protection des sources d'eau, tant de surface que souterraines. À cette fin, les pays ont adopté des lois plus rigoureuses visant à protéger cette ressource et même dans les ententes commerciales internationales passées avec d'autres pays, on a commencé à inscrire des restrictions au sujet des dommages qui pourraient être causés à l'environnement. Un important problème que soulève la législation visant à protéger l'eau est la difficulté que soulève son application hors frontières. En outre, les sources ou les lieux de contamination situés dans les autres pays sont difficiles à évaluer et à assujettir aux lois.

   A. Canada

Le Canada dispose d'un grand nombre de politiques et de lois, à tous les paliers de gouvernement, portant sur la qualité de l'eau. La législation et les politiques visant à protéger l'avoir liquide du Canada comprennent les Recommandations pour la qualité des eaux au Canada, établies par Santé et Bien-être Canada, la Politique fédérale relative aux eaux de 1987(39), la Stratégie 1987(40), la Stratégie nationale du Canada pour la gestion des ressources en eau, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1988), le Plan vert, et la Loi sur les pêches.

Figure 4
Prix types de l'eau fournie par les municipalités
(41)
($ / 1000 litres*)

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La législation traitant des eaux et de sa contamination subséquente en raison de l'utilisation humaine soulève une question de compétence complexe. Le ministère fédéral des Pêches et des Océans a la responsabilité première de l'administration des dispositions de la Loi sur les pêches(42), qui traite de la protection et de la conservation du poisson et du milieu dans lequel il évolue. Environnement Canada s'est vu confier la responsabilité de l'application et de l'administration des dispositions de la Loi sur les pêches traitant du dépôt de substances délétères (paragraphe 36(3)) dans les eaux fréquentées par le poisson(43). Les provinces et les territoires ont aussi des pouvoirs en la matière. Le gouvernement fédéral cherche à adopter une approche conjointe et coopérative avec les provinces en matière de gestion étant donné que, en vertu de la Constitution, les provinces exercent un contrôle direct sur de nombreux aspects de la gestion des eaux. Dans le cadre actuel des compétences exercées par les gouvernements au Canada, la responsabilité du traitement des eaux municipales sur le territoire d'une province relève principalement des gouvernements provinciaux, qui exercent ce pouvoir rigoureusement(44). Dans le domaine municipal, le rôle du gouvernement fédéral varie :

  • dans certains secteurs, le gouvernement fédéral a une compétence : réserves autochtones, parcs nationaux, etc.;

  • dans les domaines qui sont principalement de compétence provinciale, le gouvernement fédéral a la responsabilité de s'assurer que ses propres installations répondent aux normes provinciales reconnues;

  • dans les secteurs où la compétence est partagée (eaux internationales et interprovinciales), le gouvernement fédéral joue un rôle restreint, selon la teneur des ententes fédérales-provinciales(45).

   B. Autres pays

La sécurité nationale de l'Égypte est entre les mains des huit autres pays africains du bassin du Nil(46).

Près de la moitié des terres de la planète sont alimentées par des bassins hydrologiques qui chevauchent des frontières nationales et plus de 200 pays partagent des rivières et des lacs importants(47). L'eau est devenue un élément stratégique dans les pays qui dépendent de cette ressource. Près de 40 p. 100 de la population mondiale vit dans des bassins hydrologiques partagés par plus d'un pays. L'Inde et le Bangladesh bordent le fleuve Gange; le Mexique et les États-Unis sont situés de part et d'autre du fleuve Colorado; la Tchécoslovaquie et la Hongrie se partagent le Danube; la Thaïlande et le Viêt-nam se partagent le Mékong(48). En Afrique, 57 bassins de rivières et de lacs sont partagés par au moins deux nations. Au Moyen-Orient, cependant, la carte politique ainsi que l'avenir économique est façonné par les pénuries d'eau(49).

Tout considéré, les politiques relatives à l'eau font voir plus de friction et de tension que d'harmonie et de collaboration(50).

La stabilité économique et sociale dépend d'un approvisionnement sûr en eau, et un plus grand nombre de nations commencent à percevoir que l'eau est une question intimement liée à la sécurité nationale.

S'ATTAQUER AU PROBLÈME DE LA POLLUTION DES EAUX

Une part substantielle des déchets qui entrent dans notre eau viennent de sources ponctuelles telles que des conduites de vidange industrielles et des canalisations d'égouts municipaux(51) ou, indirectement, par le biais des lixiviats et des polluants transportés dans l'atmosphère. Les eaux usées d'origine industrielle doivent se conformer aux lignes directrices énoncées dans les lois provinciales et fédérales, mais on a rapporté que jusqu'à 54 p. 100 des 170 déverseurs directs en Ontario excédaient ces limites de pollution mensuellement(52). De nombreuses industries se servent des égouts et des installations de traitement municipaux comme méthode primaire (ou unique) d'évacuation des eaux usées et, souvent, cela entraîne un débordement de la capacité des installations de traitement municipales. C'est là l'un des plus sérieux problèmes auxquels fait face le secteur des eaux dans les municipalités(53). Les règlements municipaux peuvent limiter les substances que les industries sont autorisées à déverser dans le système d'égout, mais ils visent habituellement à protéger le système d'égout plutôt qu'à contrôler le rejet dans l'environnement de matières dangereuses(54). Ces rejets constituent une menace grave, même lorsqu'il y a un degré élevé de traitement des eaux d'égout municipales. Les installations municipales peuvent ne pas traiter les contaminants industriels toxiques et il est à peu près impossible d'exercer une surveillance sur les eaux d'égout rejetées.

Les approvisionnements en eau des municipalités sont également pollués par le ruissellement agricole, qui renferme notamment des pesticides et des engrais, les produits chimiques utilisés dans l'environnement urbain, les lixiviats provenant des lieux d'enfouissement, les fuites fortuites et les versements illégaux de sources industrielles ainsi que les débordements des réseaux d'égout. Les principaux polluants qui ont des répercussions sur la qualité de l'eau sont les solides en suspension (matières en suspension — MES)(55), les matières organiques (demande biochimique en oxygène — DBO)(56), les contaminants toxiques(57) et les éléments nutritifs(58). Les polluants les plus importants provenant des installations municipales de traitement des eaux d'égout sont ceux qui accroissent la DBO des eaux réceptrices.

Graphique 5
Bassins hydrologiques du Moyen-Orient

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Le déversement des eaux usées sanitaires et industrielles dans un cours d'eau a une incidence sur le système récepteur, qui se manifeste de nombreuses façons. La pollution provenant des eaux des municipalités diminue la valeur esthétique d'un plan d'eau et le plaisir qu'on peut en tirer, outre qu'elle comporte de nombreux risques pour la santé, par le biais des infections et de la transmission de maladies. Elle a aussi un effet sur l'environnement et l'écologie des eaux réceptrices; le déversement d'eaux usées à fort contenu organique réduit la quantité d'oxygène disponible, ce qui rend l'eau inhabitable pour le poisson. Cet effet est mesuré par la demande biochimique en oxygène. Les usines de traitement des eaux usées (usines de traitement des eaux d'égout) contribuent à réduire l'incidence négative sur l'environnement des eaux usées sanitaires et domestiques et de la plupart des effluents industriels.

   A. Le traitement des eaux usées

Le coût croissant de l'amélioration, du maintien et de l'exploitation de l'infrastructure actuelle de traitement des eaux usées municipales, de l'extension de cette infrastructure pour soutenir la croissance résidentielle et industrielle et de la mise en place de nouvelles infrastructures là où il n'y en avait pas auparavant, engendre un sérieux problème pour les municipalités canadiennes(59).

Les eaux usées domestiques contiennent des quantités élevées d'azote, de phosphore et de potassium, qui sont des composés traditionnellement employés dans les engrais. On a affirmé que pour remplacer par des engrais produits à partir de combustibles fossiles la quantité d'éléments nutritifs rejetés annuellement dans les réseaux d'égouts des États-Unis, il faudrait l'équivalent de 53 millions de barils de pétrole, d'une valeur dépassant un milliard de dollars US(60). Le recyclage ou la réutilisation des eaux usées des municipalités permettrait de récupérer une précieuse quantité d'engrais. Cela constitue un défi dans l'optique de la méthode linéaire traditionnelle de gestion des eaux usées : utilisation, collecte, traitement en profondeur et recyclage. Les avantages de la solution de rechange (utilisation, collecte, traitement partiel et réutilisation) demeurent non réalisés(61).

La plupart des eaux usées municipales sont traitées à des degrés divers dans une usine d'épuration avant d'être rejetées. La qualité des eaux rejetées dépend du niveau de traitement appliqué. Le traitement primaire suppose l'enlèvement des solides par des moyens mécaniques (physiques), c'est-à-dire par des méthodes comme le dégrillage et la décantation; le traitement secondaire comporte le retrait biologique des matières organiques dissoutes en au moyen, par exemple, de filtres bactériens, de boues activées et de bassins d'oxydation; le traitement tertiaire comprend un traitement chimique visant à supprimer les contaminants supplémentaires tels que les éléments nutritifs, les métaux lourds et les solides inorganiques dissous, grâce à des méthodes telles que la précipitation, l'oxydation, le microdégrillage, l'osmose inverse et la coagulation-sédimentation. L'incidence sur les eaux réceptrices dépend de l'installation de traitement municipal. En 1989, environ 30 p. 100 des Canadiens n'étaient pas desservis par une usine de traitement des eaux usées, tandis que seulement 28 p. 100 des eaux d'égout canadiennes faisaient l'objet d'un traitement tertiaire. Les composés organiques rejetés dans les eaux usées sont consommés par des bactéries dans les eaux réceptrices. Cela provoque une diminution de l'oxygène dissous, lequel est essentiel à la plupart des formes de vie aquatique; le terme utilisé pour quantifier la concentration organique des eaux usées est la demande biochimique d'oxygène (DBO). Plus le niveau de traitement est élevé, plus est faible le niveau de DBO dans les eaux réceptrices. Lorsqu'on applique uniquement un traitement primaire, la possibilité de contamination par des bactéries porteuses de maladies augmente. Peu importe le traitement, une grande quantité de chlore et d'ammoniaque passe dans les eaux réceptrices.

      1. Traitement primaire

Le traitement primaire, habituellement mécanique, permet d'enlever les particules les plus lourdes, l'écume et la graisse des eaux usées. La qualité des effluents(62) dépend du degré et de la nature des contaminants qu'ils transportent. Le traitement primaire produit habituellement des effluents de moindre qualité que ceux qui sont obtenus après un traitement complet(63). Le traitement primaire peut permettre de retirer entre 40 et 60 p. 100 des solides.

Figure 6 : Traitement des eaux usées au Canada

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Source : Environnement Canada, Base de données sur l'utilisation de l'eau par les municipalités et Inventaire national des ouvrages municipaux d'approvisonnement en eau potable et d'évacuation des eaux usées au Canada, tiré de L'état de l'environnement au Canada, Gouvernement du Canada, p. 13-14, 1991.

      2. Traitement secondaire

         a. Systèmes biologiques

Le traitement biologique est la façon la plus efficiente d'enlever les matières organiques des eaux usées des municipalités(64). Ces systèmes font appel à une combinaison de cultures microbiennes qui servent à décomposer et à enlever les substances organiques colloïdales et dissoutes des solutions. La cloche de traitement dans laquelle se trouvent les micro-organismes permet d'avoir un milieu contrôlé, tandis que les eaux usées fournissent les aliments biologiques, les éléments nutritifs de croissance et l'inoculat des micro-organismes.

         b. Traitement à l'aide de boues activées

Le traitement à l'aide de boues activées, appliqué généralement après le traitement primaire, est un processus biologique qui produit des effluents de haute qualité. Il permet de retirer les solides finement désagrégés en suspension ainsi que les matières dissoutes qui demeurent dans les eaux usées. Le contenu organique élevé des eaux usées des municipalités est oxydé par des micro-organismes se trouvant dans la boue activée. La matière organique est métabolisée en éléments de CO2 et H2O. Les peuplements biologiques de micro-organismes sont reproduits et conservés dans des réservoirs aérés et reçoivent de l'oxygène. La quantité de solides retirée varie de 90 à 95 p. 100.

         c. Traitement par filtrage bactérien

Le processus de filtrage bactérien est appliqué après le traitement primaire afin de retirer les solides en suspension finement désagrégés et les matières dissoutes. Le filtre est construit sur un lit de pierres concassées ou un autre matériau de soutien qui offre une grande surface propice à la prolifération et la croissance de colonies de micro-organismes. Les bactéries aérobies se fixent sur le média de soutien et oxydent la matière organique contenue dans les eaux usées à mesure que celles-ci passent dans le filtre. Un système de canalisations de drainage spécialement construit sert à la fois à soutenir le matériau de filtration et à évacuer les effluents. Les filtres bactériens à débit élevé sont utilisés dans le traitement de certains types de déchets industriels. La recirculation permet d'améliorer le traitement biologique.

         d. Traitement à l'aide de bassins de stabilisation des déchets

Les bassins de stabilisation des déchets utilisent un processus de purification naturel faisant appel à des micro-organismes se trouvant dans le sol et l'eau. À mesure que l'on acquiert des connaissances plus poussées au sujet des avantages et de l'efficience de ces systèmes naturels en vue de réduire l'incidence des déchets sur l'environnement, ces processus font l'objet de nombreuses études. Cette méthode s'appelle la biorestauration(65). Dans un bassin de stabilisation, la charge, la profondeur, les conditions du sol et les pertes de liquide sont tous des éléments contrôlés, outre l'action du vent, du soleil, de la croissance des algues et de l'oxygène. Ces facteurs fournissent le milieu nécessaire au déclenchement de l'activité bactérienne aérobie et de l'oxydation photosynthétique requise pour stabiliser les déchets. Dans ce processus, les micro-organismes convertissent une bonne partie du contenu en bioxyde de carbone qui, en présence des éléments nutritifs dissous et de la lumière solaire, fournit les conditions propices à la croissance des algues, lesquelles constituent à leur tour une source abondante d'oxygène pour les micro-organismes.

         e. Traitement anaérobie

L'intérêt accordé à la biotechnologie anaérobie pour le traitement des eaux usées industrielles s'est accru considérablement au cours de la dernière décennie. De nos jours, les processus anaérobies sont reconnus comme des méthodes de traitement réalisables pour bon nombre des effluents industriels à teneur élevée(66). La digestion anaérobie comprend deux processus successifs qui se déroulent simultanément dans la boue de digestion. La première étape consiste en la dégradation des gros composés organiques qui sont convertis en acides organiques et en sous-produits gazeux tels que le dioxyde de carbone, le méthane et des quantités résiduelles d'hydrogène sulfuré. Des bactéries anaérobies facultatives assurent cette fonction dans un milieu anaérobie en produisant des concentrations élevées d'acide qui permettent la digestion. La deuxième étape, celle de la gazification, convertit les acides organiques en méthane et en gaz carbonique.

      3. Traitement tertiaire

Le traitement tertiaire sert à enlever le contenu en carbone restant et à extraire les composés plus récalcitrants que l'on retrouve dans certains effluents.

   B. Assainissement de l'eau potable

Outre le traitement des eaux usées, les municipalités doivent aussi traiter l'eau tirée des principales sources d'eau potable. L'assainissement traditionnel de l'eau comprend la chloration, la coagulation, la floculation, la sédimentation et les étapes de filtration des déchets. Initialement, ces méthodes étaient considérées adéquates; mais aujourd'hui on se demande si les concentrations #1accrues de toxines dans les sources d'eau reçoivent l'attention qu'elles requièrent et si ces méthodes sont efficaces contre les virus et les protozoaires. L'exposition à long terme au chlore et au fluor fait aussi l'objet d'un examen. Les études révèlent la formation de trihalométhanes après l'ajout de chlore à l'eau, ce qui laisse entrevoir la possibilité que les processus d'assainissement de l'eau puissent avoir des effets dangereux. D'autres spécialistes de la désinfection de l'eau continuent de prétendre que, dans l'état actuel de nos connaissances, le chlore demeure un désinfectant sécuritaire pour la santé(67).

NOUVELLE GESTION DES EAUX

Historiquement, nous avons envisagé les systèmes hydrographiques naturels avec un esprit pionnier, manipulant le cycle de l'eau jusqu'à la limite permise par les connaissances en génie. De nos jours, plutôt que de continuer à chercher toujours plus loin, nous devons commencer à regarder vers l'intérieur — dans nos régions, nos collectivités, nos maisons, nous-mêmes — pour trouver des façons de répondre à nos besoins tout en respectant les fonctions de soutien de la vie assurées par l'eau(68).

Tous les signaux pointent en direction d'une dégradation de la qualité de l'eau douce et de l'eau des mers si d'ambitieux programmes de gestion ne sont pas mis en place. La croissance continue de la population mondiale et les changements socio-économiques exerceront une pression accrue sur les décideurs et le public pour que l'on trouve des stratégies viables et réalistes d'approvisionnement en eau, en relevant les défis suivant :

  • sauvegarder l'eau pour répondre aux besoins essentiels de l'humanité;

  • réduire le plus possible les pertes d'eau;

  • répartir les ressources rares en eau aux fins du développement économique souhaité; et

  • protéger l'environnement contre la dégradation et la diminution de sa capacité productive(69).

Les principes de gestion des eaux ont évolué et ont fait l'objet de nombreuses recherches; de nos jours, la nécessité d'une approche intégrée est manifeste. Une telle approche exige la collaboration de tous les paliers de gouvernement et de tous les intérêts non gouvernementaux. Les sources d'approvisionnement en eau et l'assainissement de l'eau doivent être administrés dans le cadre d'un régime global de gestion des eaux orienté vers la conservation et l'accroissement de l'efficience de la consommation de l'eau plutôt que sur l'accroissement des sources d'approvisionnement en eau.

La gestion des eaux doit viser à modifier la demande et non l'offre. Cette approche s'impose étant donné que les sources non exploitées d'eau deviennent plus rares et que l'épuisement et la contamination des sources souterraines contribuent à limiter encore davantage les réserves. Les préoccupations en matière d'environnement au sujet de l'utilisation accrue de l'eau se sont intensifiées au cours des deux dernières décennies, au point où la mise en valeur de nouvelles sources d'approvisionnement est politiquement non faisable et où les perspectives de financement des projets de construction de grande envergure sont décourageantes(70). Le recours à des solutions axées sur la gestion de la demande représente un virage important dans la planification des sources d'approvisionnement en eau. Les programmes de réduction de la demande peuvent contribuer à mieux équilibrer l'offre et la demande futures à un coût inférieur aux coûts économiques, sociaux et environnementaux de la mise en valeur de nouvelles sources d'approvisionnement(71).

La plupart des provinces ont adopté des stratégies de conservation de l'eau et d'efficience en matière de gestion des eaux.

Faire davantage avec moins et la première est la plus facile des mesures à prendre sur la voie de la sécurité des approvisionnements en eau. En utilisant l'eau de façon plus efficiente, nous créons, de fait, une nouvelle source d'approvisionnement(72).

Tableau 2
Avantages et désavantages possibles des processus employés
dans l'assainissement de l'eau potable

PROCESSUS

AVANTAGES

DÉSAVANTAGES

Oxydation au chlore (Cl2)

Désinfection efficace. Présence de chlore résiduel dans les systèmes de distribution d'eau. Oxydation de l'ammonium NH4+ (toxique) en azote (N2).

Formation d'haloformes et d'autres composés organochlorés. Cause des difficultés dans le traitement biologique.

Oxydation à l'ozone (O3)

Grand pouvoir oxydant. Rend les virus inactifs. Améliore la floculation et le traitement biologique.

Ne laisse aucun résidu pour freiner la croissance de bactéries dans le systèmes de distribution de l'eau.

Floculation

Supprime les solides colloïdaux de l'eau.

Accentue les problèmes de corrosion attribuables à la suppression des substances inhibitrices et à l'augmentation des sels.

Adsorption

Améliore le goût et l'odeur et supprime les produits organiques dangereux.

Supprime les produits qui contribuent à retarder la corrosion.

Filtration lente sur lit de sable

Procédé très efficace pour supprimer les virus, les bactéries et les produits organiques.

Accroît les concentrations de fer et de manganèse.

Source : W. Kühn et H. Sontheirmer, « Treatment : Improvement or Deterioration of Water Quality », The Science of the Total Environment, vol. 18, avril 1981, p. 219-220.

CONCLUSION

Selon les estimations, d'ici l'an 2011, l'utilisation de l'eau dans les municipalités canadiennes aura doublé par rapport au niveau actuel si les tendances de la croissance et de la consommation demeurent inchangées. En termes purement économiques, l'argument en faveur de la conservation des eaux municipales est convaincant. Traditionnellement, les municipalités ont abordé la demande croissante d'eau saine en mettant l'accent sur la gestion de l'offre; une telle approche est coûteuse. À mesure que les ressources limitées, l'eau notamment, diminuent, il faut apprendre à les traiter avec beaucoup de respect. Il faut aussi apprendre à envisager l'eau comme un cycle; moins on en utilise, moins il faut en traiter dans des installations de traitement des eaux usées et, en conséquence, moins élevé est le coût à assumer. Cette question doit être abordée à tous les paliers de gouvernement en vue de réduire la demande et d'atténuer la pression qui s'exerce en vue d'accroître les sources d'approvisionnement. Des normes nationales s'imposent et doivent être appliquées au niveau provincial, selon une formule de paiement par l'usager et de pleine récupération des coûts.


(1) Les États-Unis viennent au premier rang dans le monde pour ce qui est de la consommation d'eau par habitant.

(2) Environnement Canada, Rapport sur l'état de l'environnement, Ottawa, page 3:1, 1991.

(3) Environ 97 p. 100 de la quantité totale d'eau qui, selon les estimations, se trouve sur Terre, soit 1,5 x 109km3, est de l'eau salée liquide que renferment les mers et les océans. Environ 75 p. 100 des 3 p. 100 d'eau douce se trouve sous forme solide dans les calottes glacières des pôles et dans les glaciers. Au moins 90 p. 100 des 25 p. 100 restants, soit moins de 1 p. 100 de l'eau douce du globe, est constitué d'eaux souterraines, tandis que le reliquat est l'eau de surface, qui se trouve principalement dans les lacs et les rivières.

(4) Peter Pearse et Donald Tate, « Economic Instruments for Sustainable Development of Water Resources », Perspectives on Sustainable Development in Water Management : Towards Agreement in the Fraser River Basin, Anthony Dorcey (éd.), Westwater Research Centre, 1991, p. 431.

(5) Postel Sandra, Last Oasis, ouvrage publié dans la série dirigée par Linda Starke, New York, W.W. Norton and Co., 1992, p. 22 (traduction).

(6) Jan Lundqvist, « Water Scarcity in Abundance : Management and Policy Challenges », Écodecision, septembre 1992, p. 41-43.

(7) J. W. Maurits la Riviere, « Threats to the World's Water », Scientific American, septembre 1989, p. 80-84.

(8) Ibid., p. 82.

(9) Environnement Canada, Conservation et protection, Fiche d'information n°  4, L'eau travaille pour nous, 1990.

(10) Maurits la Riviere (1989), p. 80-84.

(11) Postel, Last Oasis (1992), p. 23 (traduction).

(12) Ibid., p. 28 (traduction).

(13) Les spécialistes en hydrologie estiment que les pays où l'approvisionnement annuel en eau est inférieur à 1 000 m3 par personne sont aux prises avec un problème de rareté d'eau; de nos jours, 26 pays (comptant 232 millions de personnes) sont dans cette catégorie.

(14) Postel, Last Oasis (1992), p. 40.

(15) Sandra Postel, Water Scarcity, Environment, Science and Technology, vol. 26, n°  12, 1992, p. 2332.

(16) Il y a, dans le monde, 36 000 barrages importants qui servent à contrôler les inondations, à produire de l'énergie hydroélectrique, à irriguer des terres, ainsi qu'à assurer les besoins de l'industrie, des municipalités et de la consommation.

(17) Donald M. Tate, Technological Change and the Water Industry : Some Observations, 1991, Rencontre de l'Association canadienne des ressources hydriques.

(18) Ibid.

(19) J. W. MacLaren, Municipal Waterworks and Wastewater Systems, Enquête sur la politique fédérale dans le domaine des eaux, janvier 1985.

(20) Ibid.

(21) La consommation d'eau est la différence entre la quantité puisée en vue d'être utilisée et la quantité retournée dans la nature.

(22) Environnement Canada, Conservation et protection, Fiche d'information n° 4, L'eau travaille pour nous, 1990.

(23) Environnement Canada, Conservation et protection, Fiche d'information n° 4, L'eau travaille pour nous, 1990.

(24) La déclaration d'Alma-Alta (1978) découle des efforts faits à la Conférence de 1978 sur les soins de santé primaires, tenue à Alma-Alta, en URSS, dans le but d'assurer des soins de santé primaires à tous.

(25) Steve Bonk, « Emerging Considerations for Safe Drinking Water in Canada », Société canadienne de génie civil, Division du génie de l'environnement, 1992.

(26) En 1968, Santé et Bien-être Canada a assumé la responsabilité première de la production du premier document national sur la qualité des eaux au Canada. En 1986, un sous-comité fédéral-provincial sur l'eau potable a été créé dans le but de faire une révision et une mise à jour du document, qui s'intitule maintenant Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Ces lignes directives ont été mises à jour et révisées en 1989.

(27) Environnement Canada, Conservation et protection, Fiche d'information n°  3 : L'eau propre — la vie en dépend!, 1990.

(28) La qualité de l'eau peut être analysée à l'aide d'un matériel de laboratoire complexe, capable de détecter des contaminants au niveau de quelques parties par milliard.

(29) Ruth Teichroeb, « Raise Water Prices to Float Repairs, Charest Says », Winnipeg Free Press, 7 février 1993.

(30) Les barèmes de taux de l'eau englobent l'utilisation de l'eau et les frais exigés pour les services d'égoût.

(31) D. M. Tate, La tarification de l'eau dans les municipalités canadiennes en 1986 — méthodes et prix actuels, Série des sciences sociales no 21, Direction générale des eaux intérieures, Direction de la planification et de la gestion des eaux, Ottawa (Ontario), 1989, p. v.

(32) D. M. Tate, « Water Demand Management and Sustainable Development », Société canadienne des biologistes de l'environnement, Newsletter/Bulletin, vol. 48, no 3, 1991, p. 15.

(33) D.M. Tate, Municipal Water Rates in Canada, 1986 — Current Practices and Prices (1989).

(34) Une approche plus détaillée de l'établissement des taux figure dans « A New Approach to Rate Setting : Municipal Water and Wastewater Rate Manual », Association canadienne des eaux potables et usées et Académie Rawson des sciences de l'eau, en collaboration avec Environnement Canada, janvier 1993.

(35) Tate (1991), p. 4.

(36) L'agriculture emploie les deux tiers de l'eau utilisée au Canada.

(37) Gouvernement du Canada, L'état de l'environnement au Canada, 1991, p. 13-14.

(38) « The Conservation Retrofit Will Save Taxpayers $400,000 at a Cost of $250,000 », Government Business, décembre 1992, p. 25.

(39) La politique fédérale relative aux eaux est un énoncé des principes et buts du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux ressources en eau douce du pays et des mesures proposées pour les atteindre. La politique reconnaît que l'eau est la ressource naturelle la plus sous-évaluée et négligée au Canada. Dans aucune partie du Canada, l'eau douce est présente en qualité et en quantité suffisantes pour que l'on puisse se permettre de continuer à la surutiliser et à la gaspiller. La philosophie sous-jacente à la politique est que les Canadiens doivent commencer à considérer l'eau à la fois comme un élément clé de la qualité de leur environnement et une ressource rare ayant une valeur réelle, qui doit être gérée en conséquence.

(40) Environnement Canada, Conservation et protection, Fiche de renseignement n°  4 : L'eau travaille pour nous, 1990.

(41) La politique fédérale relative aux eaux est un énoncé des principes et buts du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux ressources en eau douce du pays et des mesures proposées pour les atteindre. La politique reconnaît que l'eau est la ressource naturelle la plus sous-évaluée et négligée au Canada. Dans aucune partie du Canada, l'eau douce est présente en qualité et en quantité suffisantes pour que l'on puisse se permettre de continuer à la surutiliser et à la gaspiller. La philosophie sous-jacente à la politique est que les Canadiens doivent commencer à considérer l'eau à la fois comme un élément clé de la qualité de leur environnement et une ressource rare ayant une valeur réelle, qui doit être gérée en conséquence.

(42) En vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral a le pouvoir législatif exclusif de gérer et de réglementer les pêches dans les eaux côtières et intérieures du Canada. La Loi sur les pêches, d'abord adoptée par le Parlement en 1886, est la loi fédérale qui a été promulguée conformément à ce pouvoir constitutionnel. À ce sujet, voir ministère des Pêches et Océans, « Fisheries Act Habitat Protection and Pollution Prevention Provisions Compliance Policy », ébauche, avril 1992.

(43) Les eaux municipales insuffisamment traitées sembleraient violer la Loi sur les pêches fédérale. Depuis que le ministère de l'Environnement a obtenu la responsabilité administrative de l'article 33 de la Loi (interdiction de rejet de substances délétères), les agents chargés de l'application de la loi peuvent poursuivre les municipalités qui contreviennent aux dispositions. D. Tate, The Federal Policy with Regard to Municipal Infrastructure and Effluent : Notes Towards an Updated Strategy (III), ébauche, 1992.

(44) Ibid.

(45) Ibid.

(46) Boutros Boutros-Gali, exposé présenté devant le Congrès uni, 1989.

(47) Bronwen Maddox, « World's Fresh Water Tap in Peril », The Financial Post, 19 mars 1993.

(48) Postel, Last Oasis (1992), p. 74.

(49) Ibid.

(50) Ibid.

(51) Gouvernement du Canada, L'état de l'environnement au Canada, p. 14-9, 1991.

(52) Ibid.

(53) Tate (1992), p. 1.

(54) Ibid.

(55) Matières en suspension (MES) : cette mesure indique la quantité de « matières particulaires » se trouvant dans l'eau. Les matières particulaires sont produites par les usines de transformation des aliments, les usines de pâtes et papiers, les industries de traitement des minérais, les égoûts domestiques, les avases et les sols provenant de l'érosion et les particules aéroportés. Ces matières sont suffisamment fines pour être transportées dans l'eau et peuvent se déposer dans les rivières, les lacs ou le lit des ruisseaux et, ainsi, perturber les habitats aquatiques. Les composés toxiques peuvent également adhérer aux matières particulaires.

(56) La demande biochimique en oxygène (DBO) : les affluents contenant des niveaux élevés de déchets organiques se retrouvent communément dans les installations de traitement des eaux d'égoût, les usines de pâtes et papiers et les usines de traitement des aliments. La DBO est une mesure courante du potentiel de consommation de l'oxygène de ces contaminants organiques. Ce chiffre signifie la quantité d'oxygène qui est utilisé par les microorganismes dans le processus de désagrégation des contaminants organiques; plus le contenu organique de l'effluent est élevé, plus grande sera la quantité d'oxygène utilisée. Lorsque le taux de consommation est excessif, l'oxygène disponible dans le réseau hydraulique est réduite et a une incidence sur les poissons et les autres formes de vie aquatique. La demande chimique en oxygène (DCO) est une mesure connexe qui a trait à la quantité d'oxygène utilisée par certains composés inorganiques durant le même processus.

(57) Contaminants toxiques : il y a deux types de composés toxiques, les matières non persistantes et les matières persistantes. Les matières non persistantes sont celles qui se désagrègent rapidement en éléments moins dangereux (huile, graisse, ammoniaque, composés de soufre). Les matières persistantes sont hautement résistantes et facilement absorbées dans les tissus vivants (bioaccumulation et bioconcentration). Ces substances se composent de métaux lourds, de composés organiques chlorés tels que les BPC, les dioxines et les furanes, ainsi que d'hydrocarbures tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

(58) Éléments nutritifs : les éléments nutritifs telles que le phosphore et le potassium sont nécessaires aux systèmes aquatiques. Des quantités excessives de matières nutritives provenant des eaux d'égoût municipales et du ruissellement agricole stimulent la croissance des plantes aquatiques; ce processus est appelé l'eutrophisation. L'eutrophisation stimule la croissance des algues, lesquelles meurent et réduisent le contenu en oxygène de l'eau lorsqu'elles se décomposent, provoquant ainsi la mort des poissons et des autres formes de vie aquatique.

(59) B. E. Jank, What's New in Wastewater Technology, Introduction, Association canadienne des eaux potables et usées, 1988, p. 1 (traduction).

(60) Postel, Last Oasis (1992), p. 127.

(61) Ibid., p. 128.

(62) Les effluents sont les eaux rejetées dans un milieu récepteur.

(63) Ministère de l'Environnement de l'Ontario, Introduction to Popular Treatment Methods for Municipal Waste and Water Supplies, Process Descriptions and Flow Diagrams, Toronto (Ontario), 1975.

(64) Mark J. Hammer, Water and Wastewater Technology, deuxième édition, New York, John Wiley and Sons, 1986, p. 89.

(65) La biorestauration est l'utilisation d'un système naturel ou d'organismes vivants pour retirer des composés polluants des effluents. Elle est utilisée dans le traitement des eaux usées municipales et industrielles afin d'enlever les matières organiques et d'autres composés dissous. Elle est largement employée dans le traitement des sols contaminés. Elle a une efficience élevée et permet de réduire les coûts de la lutte à la pollution.

(66) Daniel Zitomer et Richard Speece, « Sequential Environments for Enhanced Biotransformation of Aqueous Contaminants », Environment, Science and Technology Review, vol. 27, no 2, 1993, p. 227.

(67) En juillet 1992, la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton a commencé à utiliser des chloramines plutôt que du chlore dans ses usines d'assainissement de l'eau. Ces chloramines sont une combinaison de chlore et d'une petite quantité d'ammoniaque.

(68) Postel, Last Oasis (1992), p. 23 (traduction).

(69) Lundqvist (1992), p. 41.

(70) Benedykt Dziegielewski et Duane D. Baumann, « The Benefits of Managing Urban Water Demands », Environment, vol. 34, no 9, novembre 1992, p. 7.

(71) Ibid.

(72) Ibid., p. 23 (traduction).