BP-335F

 

LA MALADIE D'ALZHEIMER

 

Rédaction :
Daniel Brassard
Division des sciences et de la technologie
Mai 1993


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

QU'EST-CE QUE LA MALADIE D'ALZHEIMER?

   A. Description clinique

   B. Évolution de la maladie

   C. Diagnostic

L'AMPLEUR DE LA MALADIE

   A. Le nombre de victimes

   B. Les coûts directs

LES RÉPONSES

   A. Traitement et soins

   B. Aide à donner aux dispensateurs de soins

LES RECHERCHES EN COURS

   A. Causes de la maladie d'Alzheimer

   B. Diagnostic

   C. Traitement symptomatique

LES PROBLÈMES À RÉSOUDRE

DEMAIN L'ESPOIR

BIBLIOGRAPHIE


 

LA MALADIE D'ALZHEIMER

INTRODUCTION

Depuis que de nombreuses maladies ont été éliminées, surtout les maladies de l'enfance et de la jeunesse, les Canadiens vivent plus vieux. En 1900, seulement 4 p. 100 des Canadiens vivaient jusqu'à 65 ans et plus; aujourd'hui, c'est 12 p. 100 de la population qui atteint ou franchit le cap des 65 ans et on prévoit que d'ici 40 ans, c'est 23 p. 100 de la population qui devrait atteindre ou dépasser cet âge(1). Cette longévité accrue entraîne avec elle une forte augmentation du nombre de maladies et de troubles causant la démence(2). La principale cause de démence est la maladie d'Alzheimer, qui a été identifiée en 1906 par Alois Alzheimer(3),   un neuropathologiste allemand. Dans le présent document, nous décrivons certains des principaux aspects de cette terrible maladie et nous examinons les activités de recherche menées dans le monde entier en vue de déterminer la ou les causes de la maladie, de parvenir à des méthodes diagnostiques efficaces et de découvrir un remède.

QU'EST-CE QUE LA MALADIE D'ALZHEIMER?

   A. Description clinique

La maladie d'Alzheimer est une dégénérescence progressive du cortex cérébral qui entraîne la démence chez des personnes d'âge mûr ou avancé. On n'a pas encore trouvé la cause définitive de cette maladie, ni de traitement efficace. Sur le plan clinique, la maladie d'Alzheimer est le résultat d'une déplétion progressive des neurones dans le cortex et dans d'autres zones du cerveau. Le cerveau d'une personne décédée des suites de cette maladie présente deux caractéristiques: des plaques (amas de protéine amyloïde bêta à l'extérieur des cellules du cerveau, les neurones) et des enchevêtrements neurofibrillaires (fibres tordues, semblables à des ficelles, dans les neurones lésés). Les anomalies biochimiques qui accompagnent une lésion des neurones comprennent des dépôts de protéine amyloïde dans les vaisseaux sanguins du cerveau et la formation de plaques séniles; une perturbation du métabolisme phospholipidique de la membrane des cellules nerveuses; et une réduction des niveaux des neurotransmetteurs comme l'acétylcholine, la sérotonine, la norépinéphrine et la somatostatine. Sans biopsie, il est extrêmement difficile de diagnostiquer la maladie, étant donné que d'autres affections, dont bon nombre peuvent être traitées, peuvent présenter les mêmes symptômes au début. On connaît deux formes principales de la maladie: la forme précoce, qui atteint les sujets dans la quarantaine et la cinquantaine, qui ne touche qu'un pourcentage infime des victimes et dont il existe une sous-catégorie héréditaire appelée la maladie d'Alzheimer familiale, et la forme tardive, qui frappe après 65 ans et est de loin la plus répandue.

   B. Évolution de la maladie

La perte de mémoire est le premier symptôme important de la maladie d'Alzheimer. Vient ensuite une lente désintégration de la personnalité et de la maîtrise des fonctions physiques. Aux derniers stades de la maladie, le patient a besoin de soins infirmiers complets.

Le patient commence par 1) être moins capable de s'adonner à un travail complexe, puis 2) il a plus de difficulté à s'occuper de tâches courantes plus complexes, comme 3) la gestion de ses finances, 4) la préparation de repas élaborés et 5) la prise de décisions d'achat complexes. Ensuite, 6) il n'est plus capable de choisir ses vêtements, 7) de se vêtir correctement et 8) de faire sa toilette. Par la suite, 9) il devient graduellement incontinent, 10) a de la difficulté à se garder propre, 11) s'exprime plus difficilement et 12) a de la difficulté à prononcer plus d'un mot à la fois. Survient alors 13) la perte ambulatoire. Les dernières fonctions à disparaître sont 14) la capacité de s'asseoir, 15) de sourire et 16) de redresser la tête(4).

Au cours de l'évolution de la maladie, de 10 à 15 p. 100 des patients souffriront d'hallucinations et de délire, 10 p. 100 auront des convulsions et 10 p. 100 deviendront violents(5). La transformation de la personnalité et de l'humeur peut être rapide. La progression de la maladie varie d'un patient à l'autre, et il s'écoule en moyenne huit ans entre le diagnostic et le décès du malade. La famille passe en moyenne quatre ans à soigner le patient à la maison(6).

   C. Diagnostic

On confond souvent cette maladie avec d'autres affections. Elle reste difficile à diagnostiquer car il n'existe pas encore de test clinique simple. L'équipe médicale complète participe à l'évaluation, qui commence par l'élimination des autres causes possibles de symptômes comme une perturbation des fonctions intellectuelles, une perte de mémoire, une difficulté à reconnaître ou à nommer des objets, et une difficulté à distinguer l'interrelation entre les objets. L'évaluation comprend des examens médicaux, neurologiques et psychiatriques, la notation des antécédents détaillés du patient (y compris la liste complète des médicaments qu'il prend) et différents tests. Une fois que la maladie d'Alzheimer est diagnostiquée, tout changement dans l'état du patient doit être signalé au médecin traitant.

L'AMPLEUR DE LA MALADIE

   A. Le nombre de victimes

Les nombreuses études sur l'incidence de la maladie indiquent toutes une forte augmentation dans les groupes plus âgés. L'incidence la plus élevée a été signalée dans une étude américaine menée à East Boston par l'École de médecine de Harvard. L'étude a révélé une incidence de 3 p. 100 de la maladie chez les personnes de 65 à 74 ans, de 18,7 p. 100 chez les personnes de 75 à 84 ans et de 47,2 p. 100 chez les personnes de plus de 84 ans(7). D'autres études révèlent des tendances semblables (voir le graphique ci-dessous) mais, dans certains cas, une incidence globale beaucoup moins élevée. Bien que la maladie n'ait pas atteint des proportions épidémiques, on estime que le nombre de Canadiens souffrant d'Alzheimer est de 300 000(8) à 400 000(9).  Comme le pourcentage de Canadiens de plus de 65 ans augmente constamment, ce chiffre pourrait facilement atteindre 700 000 d'ici l'an 2020.

 

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 Source :  M. Breteler et al., « Epidemiology of Alzheimer's Disease », Epidemiologic Reviews, vol. 14, 1992.


   B. Les coûts directs

Cette maladie entraîne des coûts énormes sur les plans humain et financier. Le processus de détérioration s'étend sur plusieurs années et, au début, il est fréquent que le malade soit pris en charge par la famille. Souvent, le dispensateur de soins prendra une retraite anticipée pour prodiguer les soins nécessaires au malade dont l'état se dégrade. Même lorsque le malade est soigné à la maison, son état nécessitera souvent des soins médicaux et d'autres soins qui sont coûteux. Les proches, particulièrement les dispensateurs de soins, ont besoin d'aide pour traverser ces journées «de 36 heures».

La douleur liée à la maladie d'Alzheimer est terrible, autant pour ceux qui assistent à la lente déchéance d'un être cher que pour la victime qui sait ce qui l'attend. Comme la progression de la maladie varie d'un sujet à l'autre, les victimes ne perdent pas toutes leurs capacités au même rythme. La perte de mémoire n'empêche pas la victime et ses proches de garder le contact jusqu'à un certain point, car les sentiments et les émotions restent vivants, mais, à la longue, la victime devient comme une «coquille vide». La famille continue de souffrir, cependant, ce que la société et les amis ne comprennent pas toujours(10).

Une estimation même très prudente du nombre moyen d'années passées dans une institution (habituellement de trois à quatre ans) et du nombre de Canadiens atteints montre que les coûts sont énormes pour le système de santé.

À 33 000 $ (dollars canadiens de 1989) par patient par année dans une institution, pour un séjour moyen de trois ans jusqu'à la mort, les coûts de la maladie d'Alzheimer atteindront les 3 milliards de dollars dans les trois prochaines années; si les conditions actuelles se maintiennent, il en coûtera donc aux contribuables canadiens, par la suite, un milliard de dollars par année(11).

Il faut ajouter à ce coût d'autres dépenses importantes, payées surtout par le système public de soins de santé et les programmes sociaux: l'aide donnée aux dispensateurs de soins, les honoraires de l'équipe médicale, les coûteux médicaments d'ordonnance et les modifications apportées au logement. Les coûts augmentent encore si un membre de la famille doit prendre sa retraite prématurément pour prendre soin du malade.

LES RÉPONSES

   A. Traitement et soins

Une fois posé le diagnostic d'Alzheimer, on fait une évaluation de la progression de la maladie et des forces et faiblesses de la victime et de ses proches. Il existe plusieurs systèmes d'évaluation et de notation du niveau de dysfonction dans plusieurs domaines. À partir de cette évaluation, l'équipe soignante, qui comprend un membre de la famille, l'intervenant rémunéré qui est le premier responsable des soins directs, les autres fournisseurs de soins et le médecin traitant, établit un plan de soins détaillé. À mesure que la maladie progresse, le malade peut avoir besoin de tout un arsenal de médicaments coûteux, comme des médicaments psychotropes pour lutter contre la dépression et des calmants pour maîtriser la violence.

Malheureusement, la plupart des nombreux traitements mis à l'essai se sont révélés inefficaces. À l'heure actuelle, les soins ne sont que palliatifs. Durant les premières phases de la maladie, le patient peut souvent être soigné à la maison par un proche ou un professionnel et recevoir certains services sociaux et médicaux.

De simples transformations du logement peuvent simplifier la vie du malade et l'aider à maintenir son estime de soi et un certain degré d'autonomie et à profiter le plus longtemps possible de l'entourage familial. Voici quelques exemples de transformations peu coûteuses: réduire les niveaux sonores dans la maison (volume de la télévision, de la radio et du téléphone et ton de la voix); éviter les tapis, rideaux et revêtements bigarrés ou rayés; installer les verrous plus haut ou plus bas sur les portes donnant à l'extérieur et poser des sonnettes simples sur le bouton de la porte; retirer les petits tapis et désencombrer les entrées; ramener à l'essentiel le contenu des garde-robes pour simplifier le choix du malade. Ces frais sont payés par la famille. Nombre de modifications semblables et d'autres transformations plus coûteuses commencent à voir le jour dans des établissements de soins chroniques. On tente ainsi de répondre aux besoins de sécurité des malades, de réduire le risque de confusion et de contribuer au fonctionnement efficace des malades et des dispensateurs de soins.

L'état du malade et la situation de la famille sont évalués tous les six mois. Les soins sont alors modifiés pour tenir compte de l'évolution des besoins, normalement après consultation avec la famille. D'autres points à envisager sont l'évaluation de la compétence de la victime, la désignation d'un fondé de pouvoir et la prévention de mauvais traitements à l'endroit de la victime et du dispensateur de soins. L'état du malade finit par se dégrader au point où il n'est plus possible d'en prendre soin à la maison. Le placement en établissement de soins à long terme devient alors inévitable.

   B. Aide à donner aux dispensateurs de soins

Tant que l'on n'aura pas trouvé de remède pour guérir la maladie d'Alzheimer, celle-ci constituera un problème important pour la société canadienne. Les soins, le soutien et l'information destinés aux victimes de la maladie d'Alzheimer et à leurs proches viennent surtout du système de soins de santé et de la Société Alzheimer qui, au Canada, a des bureaux à l'échelon national et provincial et, bien souvent, au niveau municipal. Cet organisme fournit des renseignements et un appui d'une importance vitale, particulièrement pour les dispensateurs de soins.

Les personnes qui prennent soin d'un malade ont besoin de renseignements sur la maladie, notamment sur les formes de démence et sur les soins appropriés. La victime peut devenir agitée ou soupçonneuse, faire des fugues ou avoir un sommeil perturbé. Ces comportements sont un facteur de stress additionnel pour le dispensateur de soins. Des études ont montré que la dépression chez les dispensateurs de soins et un logement qui ne convient pas étaient les facteurs les plus souvent associés à la violence à l'endroit des personnes atteintes d'Alzheimer(12). Les dispensateurs de soins eux-mêmes souffrent souvent de dépression ou d'épuisement émotif et leur santé peut se dégrader. Souvent, des conflits éclatent au sujet de l'attitude et des gestes des autres membres de la famille, ce qui expose encore plus les dispensateurs de soins au risque de dépression. Les groupes de soutien Alzheimer offrent aux familles l'aide émotionnelle, spirituelle et pratique dont elles ont besoin pour composer avec la maladie. Le dispensateur de soins a beaucoup de besoins, notamment celui de disposer de périodes de répit régulières et de plus en plus longues. Plus il sera soutenu, plus longtemps il pourra rester au chevet du malade.

LES RECHERCHES EN COURS

   A. Causes de la maladie d'Alzheimer

La ou les causes de la maladie d'Alzheimer restent inconnues, bien que les théories abondent. Bon nombre des théories et, partant, des recherches portent sur la protéine amyloïde bêta, qui s'accumule et forme des plaques dans le cerveau des personnes atteintes d'Alzheimer. Même le rôle et la toxicité de cette protéine sont controversés, cependant, et on ignore comment celle-ci est fabriquée et libérée dans le cerveau. L'une des dernières théories sur l'origine de la protéine amyloïde bêta vient d'être rapportée dans le périodique Science(13).  Selon cette théorie, l'amyloïde bêta est produite dans des neurones sains et c'est la surproduction qui est pathogène.

Différentes hypothèses continuent d'être examinées, et de nouvelles observations sont constamment signalées. Voici certaines causes proposées:

Aluminium: Au cours des dernières années, on a avancé que l'aluminium était un facteur déclencheur de la maladie. Certaines données indiquent en effet un lien entre la quantité d'aluminium ingérée et l'incidence de la maladie. D'après ces données, il y a accumulation d'aluminium dans au moins quatre zones dans le tissu cérébral lésé par la maladie d'Alzheimer, à des concentrations capables de provoquer plusieurs réactions biochimiques; il existe un lien entre la maladie et l'exposition à l'aluminium dans l'eau potable et les antisudorifiques; et le traitement à base d'un agent trivalent de fixation des ions métalliques ralentit de moitié la progression clinique de la maladie d'Alzheimer, sans toutefois la freiner(14). Dans une étude récente, cependant, des chercheurs de l'infirmerie Radcliffe de l'Université Oxford, utilisant un microscope nucléaire pour examiner les plaques dans le cerveau des victimes de la maladie d'Alzheimer, n'ont trouvé aucune trace d'aluminium(15). Cette méthode n'utilise aucun colorant et des chercheurs ont émis l'hypothèse que l'aluminium trouvé dans d'autres études est peut-être une simple contamination de fond ou qu'il pourrait provenir du réactif utilisé dans les colorants(16). La controverse entourant le lien entre la maladie d'Alzheimer et l'aluminium reste donc entière(17).

Infection virale: L'une des théories les plus difficiles à infirmer est celle qui veut que la maladie d'Alzheimer soit causée par un virus à action lente qui pourrait être présent à la naissance.

Blessures à la tête: Des études récentes ont montré que, dans les heures ou les jours qui suivent une blessure à la tête, on trouve des plaques de protéine amyloïde bêta identiques à celles qui se forment chez les personnes souffrant d'Alzheimer. On a avancé que des traumatismes crâniens pourraient être un déclencheur environnemental de la maladie d'Alzheimer(18). On tente maintenant de déterminer comment un traumatisme à la tête peut déclencher la production d'amyloïdes.

Génétique/hérédité: Des recherches montrent que la moitié des membres de chaque génération dans certaines familles décèdent de la forme précoce de la maladie, qui frappe un pourcentage infime des victimes d'Alzheimer(19). Le mécanisme déclencheur est une mutation sur le chromosome 21 du gène de l'encodage de la protéine précurseur amyloïde(20). Les personnes atteintes du syndrome de Down présentent presque toujours des lésions cérébrales semblables à celles de l'Alzheimer; or, ce syndrome est attribuable à la présence d'un troisième chromosome à la 21e paire au lieu de deux. La paire de chromosomes 14 a aussi été associée à certaines formes familiales de la maladie d'Alzheimer(21). D'autres recherches montrent qu'un «gène de nettoyage» situé sur le chromosome 19 pourrait être une cause génétique de la forme tardive de la maladie d'Alzheimer.

Mauvais fonctionnement du système immunitaire: Certains chercheurs estiment que la maladie d'Alzheimer est le résultat d'un mauvais fonctionnement du système immunitaire et qu'elle constituerait donc un trouble immunitaire. Ils en sont venus à cette conclusion à cause des ressemblances qui existent entre la protéine amyloïde bêta présente chez les malades atteints d'Alzheimer et les dépôts amyloïdes dans les tissus des personnes atteintes de divers troubles du système immunitaire(22).

Déséquilibre chimique: On revient à une ancienne théorie selon laquelle la maladie d'Alzheimer serait attribuable à un déséquilibre chimique. On sait depuis le milieu des années 70 que la maladie est liée à une déficience d'acétylcholine, un neurotransmetteur particulièrement important dans les régions du cerveau servant à la mémoire. Cette fois, c'est la choline, substance dont est dérivée l'acétylcholine, qui est mise en cause; on a constaté récemment que le cerveau des personnes atteintes d'Alzheimer contenait de 40 à 50 p. 100 moins de choline que le tissu cérébral normal. On suppose donc que des faiblesses dans le processus de traitement de la choline et des molécules connexes entraînent la détérioration de la membrane des neurones(23).

Mauvais fonctionnement du mécanisme de régénération: D'après les résultats de recherche publiés dans le numéro de janvier 1993 de Neuroreport, la maladie d'Alzheimer serait causée par un mécanisme naturel de lutte contre le vieillissement(24). Il semblerait, à mesure que les humains vieillissent, que le nombre de neurones diminue et que les neurones qui restent se prolongent afin de combler les vides laissés par les neurones nécrosés. Ce processus de régénération est favorisé par la production de protéine précurseur amyloïde bêta, dont une production excessive serait pathogène.

On n'a pas encore trouvé la cause définitive de la maladie d'Alzheimer, mais il se peut que la totalité ou une partie des facteurs susmentionnés soit en cause. On découvrira peut-être que la maladie d'Alzheimer est un trouble hétérogène où différents facteurs peuvent amener la protéine précurseur amyloïde et ses dérivés à se comporter de manière aberrante, de sorte que la protéine amyloïde bêta est libérée et déposée sous forme d'amyloïdes, ce qui met alors en route le procédé pathologique(25).

   B. Diagnostic

On est en train de mettre au point plusieurs outils prometteurs pour faciliter le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer. D'ici à ce qu'une cure soit découverte, cependant, un diagnostic précoce n'a pas que des avantages étant donné que l'information, pour utile qu'elle soit, est dévastatrice. Depuis un an, plusieurs méthodes potentielles faisant appel à des analyses biologiques avancées ou à des appareils sophistiqués ont été proposées. Toutes ces méthodes devront cependant être éprouvées à fond avant d'être mises sur le marché.

Un examen au moyen du prélèvement et de l'analyse d'un échantillon de liquide cérébro-spinal, qui servirait au dépistage de la maladie d'Alzheimer à un stade précoce, a été annoncé au mois d'août 1992; sa mise à l'essai se poursuit. L'examen est basé sur les niveaux de protéine amyloïde bêta qui, chez les victimes d'Alzheimer, peuvent être trois fois et demie moins élevés que la normale(26); moins le niveau de protéine amyloïde bêta est élevé, plus la maladie semble progresser rapidement. Le test semble différencier la maladie d'Alzheimer d'autres formes de démence et il est à souhaiter qu'elle permette aux chercheurs de vérifier l'efficacité d'un traitement de la maladie. L'été dernier, SIBIA, une filiale du Salk Institute of Biotechnology de La Jolla (Californie), qui a mis au point le test, a indiqué qu'elle comptait mettre une version commerciale sur le marché d'ici la fin de 1993. On ne connaît pas encore les détails ni le coût du test, mais celui-ci serait effectué en milieu hospitalier.

La tomographie par émission de positrons(27) révèle chez les victimes d'Alzheimer une activité cérébrale réduite particulièrement marquée dans la région pariéto-temporale(28) du cortex. Malheureusement, seulement quelques hôpitaux spécialisés ont l'équipement voulu pour exploiter cette découverte.

Une méthode diagnostique prometteuse, qui normalement prend moins de dix minutes, utilise une seule mesure d'une scanographie du lobe médio-temporal du cerveau. Une étude à long terme a révélé que la mesure du lobe à son point le plus mince donnait des résultats inférieurs chez les victimes d'Alzheimer et qu'il y avait peu de chevauchement entre ceux-ci et le groupe témoin. Le test pourrait dépister 79 p. 100 des cas et réduire le nombre de faux positifs à 1 p. 100, mais un autre test serait aussi nécessaire pour permettre l'identification de toutes les victimes d'Alzheimer. Un autre avantage du test est sa capacité de distinguer entre les patients souffrant d'Alzheimer et ceux qui présentent une autre forme de démence(29). Cette approche continue de faire l'objet d'évaluations.

On étudie également une méthode diagnostique potentielle qui utilise les résultats d'études postmortem indiquant qu'un ratio accru de la choline à la N-acétylasparte (NAA) est caractéristique de la maladie d'Alzheimer. La méthode que l'on met au point fait appel à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) pour «visualiser» les changements biochimiques dans le cerveau. Les tests conduits jusqu'à maintenant, qui comparent les images du cerveau par IRM chez des personnes âgées en bonne santé et chez des jeunes, éliminent le risque que l'écart dans le ratio NAA soit fonction de l'âge. Des comparaisons entre des personnes âgées en bonne santé et des personnes souffrant d'Alzheimer ont révélé des différences mesurables(30).

Une fois que la ou les cause(s) véritable(s) de la maladie seront connues, il est à souhaiter qu'une épreuve simple, peut-être basée sur les niveaux de certaines protéines essentielles, sera mise sur le marché.

   C. Traitement symptomatique

D'ici à ce que la cause définitive de la maladie d'Alzheimer et les mécanismes sous-jacents soient découverts, il est impossible de traiter la maladie elle-même. En ce moment, le traitement consiste principalement à donner des soins palliatifs au malade et à le soutenir. Plusieurs percées pour le traitement des symptômes ont été annoncées, mais il reste encore à les mettre à l'essai et à les évaluer.

La stratégie la plus répandue pour traiter les symptômes de la maladie est le remplacement des neurotransmetteurs, bien que peu d'essais aient été fructueux. Les résultats d'un essai important, mené chez 468 malades souffrant d'Alzheimer dans 23 centres de traitement en 1990 et 1991, ont été publiés en novembre 1992; ces résultats confirment qu'un traitement de 12 semaines à base de chlorhydrate de tacrine amené une amélioration des facultés cognitives(31). D'après la composante cognitive de l'échelle d'évaluation de la maladie d'Alzheimer, il semble que le résultat moyen du traitement de 12 semaines renverserait en général six mois de la progression de la maladie. L'essai a aussi indiqué que le principal effet indésirable du médicament, soit la toxicité pour le foie, était réversible. Le tacrine, et d'autres médicaments semblables, agissent en inhibant une enzyme qui décompose l'acétylcholine, une substance présente dans les parties du cerveau servant à la mémoire et déjà mentionnée dans la théorie portant sur un déséquilibre chimique.

Plusieurs études indiquent qu'un traitement de courte durée à base de sélégine, élaboré pour le traitement de la maladie de Parkinson et appelé communément L-deprenyl, a permis d'améliorer la mémoire et la concentration des malades atteints d'Alzheimer(32). Ce neurotransmetteur inhibe la production de l'enzyme monoamine-oxydase B, qui a un rôle à jouer dans la dégradation de la dopamine (la principale déficience dans la maladie de Parkinson), et on pense qu'il pourrait perturber le système catécholaminergique qui provoque des troubles cognitifs comme la perte de mémoire(33). De nouvelles observations du Centre for Research in Neurodegenerative Diseases de l'Université de Toronto donnent à penser que le médicament aurait des qualités encore inconnues qui compensent la perte de facteurs nutritifs et les autres effets indésirables(34).

Les essais cliniques de ces médicaments et d'autres médicaments se poursuivent. Les chercheurs s'entendent pour dire qu'il est préférable de créer des médicaments qui préviennent les dommages au lieu de seulement stimuler l'efficacité d'un neurotransmetteur en particulier.

Voici d'autres domaines d'intervention, de recherche et de traitement:

Métabolisme de l'amyloïde: On examine actuellement, en tant que stratégie thérapeutique potentielle, l'inhibition d'un dépôt anormal de protéines dans le cerveau des victimes d'Alzheimer(35). Le mécanisme détaillé de formation de la protéine amyloïde bêta fait encore l'objet d'études. Une fois que le mécanisme sera connu, il sera peut-être possible d'arrêter cette accumulation.

Facteurs de croissance: Certaines études indiquent que le facteur de croissance nerveuse (NGF) aide à nourrir les neurones et que la prompte administration de ce facteur pourrait réduire ou prévenir la destruction des neurones(36).   D'après les recherches, le NGF serait particulièrement favorable aux neurones cholinergiques situés dans la partie basale du cerveau antérieur, une région étroitement liée à la mémoire et durement touchée par la maladie d'Alzheimer. On réalise en ce moment des projets de recherche innovateurs touchant la thérapie génique(37) comme moyen de favoriser la production du NGF(38).

Les recherches touchant la question plus vaste de la nécrose cellulaire permettront peut-être un jour d'aider les victimes de l'Alzheimer. Des découvertes très récentes indiquent que le gène bcl-2 sert d'agent bloquant contre la nécrose cellulaire sans effet cancérigène(39). D'autres recherches laissent entrevoir la possibilité que le gène bcl-2 pourrait servir à combattre la nécrose des neurones(40).

LES PROBLÈMES À RÉSOUDRE

La maladie d'Alzheimer engendre des problèmes énormes sur les plans social et économique. Comme la population vieillit, le nombre de victimes augmentera progressivement, ce qui pèsera lourdement sur le système de soins de santé. Tant que on n'aura pas trouvé de remède ou de traitement pour guérir la maladie d'Alzheimer, celle-ci continuera de poser des défis sociaux, juridiques et médicaux, et de soulever des interrogations ayant trait à la politique scientifique et à la distribution des ressources.

Au niveau social, on cherche à assurer un niveau uniforme d'aide additionnelle aux dispensateurs de soins et à optimiser le partage des ressources entre les soins à domicile, plus largement utilisés, et les soins en établissement. Les enjeux juridiques ont trait à la désignation de fondés de pouvoir et à l'euthanasie volontaire. Au niveau médical, il faudra trouver des solutions à la pénurie d'établissements de soins prolongés, et plus particulièrement d'unités spécialisées pour les personnes souffrant d'Alzheimer, et la nécessité d'éduquer et de sensibiliser la communauté médicale.

Il faut aussi déplorer les maigres subventions dont bénéficie la recherche sur la maladie d'Alzheimer au Canada. Le Conseil de recherches médicales subventionne 80 p. 100 des recherches en sciences neurologiques; il a accordé environ 26,5 millions de dollars durant l'année 1992-1993 pour la totalité des recherches en sciences neurologiques, y compris les recherches sur la maladie d'Alzheimer(41). Ce montant est minuscule lorsqu'on le compare aux milliards de dollars payés par les contribuables canadiens pour supporter les conséquences de la maladie d'Alzheimer.

DEMAIN L'ESPOIR

La cause de la maladie d'Alzheimer reste mystérieuse. Beaucoup de chercheurs sont confiants, cependant, que les efforts du gouvernement et du secteur privé pour trouver la cause de la maladie et trouver un remède devraient aboutir à des traitements plus efficaces d'ici la fin du siècle.

BIBLIOGRAPHIE

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(1) Conseil de recherches médicales du Canada, Rapport du président, 1989-1990, p. 13.

(2) Démence: détérioration des facultés intellectuelles, émotives et cognitives qui empêche un fonctionnement normal.

(3) Richard L. Worsnop, «Alzheimer's Disease», CQ Researcher, Congressional Quarterly Inc., volume 2, no 27, 24 juillet 1992, p. 619-639.

(4) Ibid., p. 628 (traduction).

(5) «Alzheimer's: Is There Hope?» U.S. News and World Report, 12 août 1991, p. 44.

(6) Ibid., p. 45.

(7) Denis A. Evans et al., «Prevalence of Alzheimer's Disease in a Community Population of Older Persons», Journal of American Medical Association, 10 novembre 1989.

(8) «C'est maintenant qu'il faut agir», Compte rendu de l'atelier sur le vieillissement et la santé mentale, décembre 1989, p. 21.

(9) Conseil de recherches médicales du Canada, p. 13.

(10) Dr William Eaton, «Unresolved Grief of Family Members of Alzheimer Victims», OANHSS Quarterly, avril 1989, pp. 5-8.

(11) «C'est maintenant qu'il faut agir», Compte rendu de l'atelier sur le vieillissement et la santé mentale, décembre 1989, p. 21.

(12) Paveza et al., «Severe Family Violence and Alzheimer's Disease», Gerontologist, août 1992, p. 494-497.

(13) «Alzheimer's Pathology Begins to Yield Its Secrets», Science, vol. 259, 22 janvier 1993, p. 457.

(14) «Would Decreased Aluminium Ingestion Reduce the Incidence of Alzheimer's Disease?» Journal de l'Association médicale canadienne, 1er octobre 1991, p. 800.

(15) Susan Weber, «Link between Alzheimer's, Aluminium Questioned», The Medical Post, 24 novembre 1992, p. 21.

(16) Phyllida Brown, «Alzheimer's May Not Be Linked to Aluminium», New Scientist, 7 novembre 1992, p. 16.

(17) Monique M.B. Breteler et al., «Epidemiology of Alzheimer's Disease», Epidemiologic Reviews, vol. 14, 1992, p. 72.

(18) Worsnop (1992), p. 619-639.

(19) Ibid.

(20) Chaque cellule humaine comprend normalement 23 paires de chromosomes constituées d'ADN (acide désoxyribonucléique) enroulée en hélice, qui porte le matériel génétique.

(21) Gerard D. Schellengber et al., «Genetic Linkage Evidence for a Familial Alzheimer's Disease Locus on Chromosome 14», Science, vol. 25, 23 octobre 1992, p. 668.

(22) Worsnop (1992), p. 619-639.

(23) Ibid.

(24) Garth W. Roberts et al., «On the Origin of Alzheimer's Disease: A Hypothesis», Neuroreport, vol. 4, no 1, janvier 1993.

(25) Terry Murray, «Protein in Alzheimer's Found in Healthy People», The Medical Post, 6 octobre 1992, p. 4.

(26) «Doomsday Diagnostic?», Scientific American, août 1992.

(27) La tomographie par émission de positrons (TEP) est un instrument de recherche qui, grâce à la fixation de traces infimes de radio-isotopes, mesure le flux sanguin, le taux de glucose et le méta-bolisme de l'oxygène dans le cerveau vivant. Les équipements étant coûteux et peu nombreux, la méthode est rarement utilisée pour poser un diagnostic clinique. The Merck Manual, 15e édition, 1987, Merck, Sharp and Dohme Research Laboratories, p. 1323.

(28) Phyllida Brown, «Rescuing Minds from Disease and Decay,» New Scientist Supplement, 14 novembre 1992, p. 6.

(29) Jeremy Webb, «Brain Scan Gives Fresh Angle on Alzheimer», New Scientist, 28 novembre 1992, p. 19.

(30) Anna Davies, «Capturing Images of Alzheimer's», New Scientist, 17 avril 1993, p. 18.

(31) Fallow, Marin et al., «A Controlled Trial of Tacrine in Alzheimer's Disease», The Journal of American Medical Association, vol. 268, no 18, 11 novembre 1992.

(32) Breteler (1992), p. 59-81.

(33) Susan Weber, «Parkinson's Drug May Benefit Alzheimer's Patients», The Medical Post, 8 septembre 1992, p. 24.

(34) Ibid.

(35) Ibid., p. 75.

(36) Ibid.

(37) La thérapie génique est l'introduction dans un organisme, au moyen de différents vecteurs dont les rétrovirus, d'un gène modifié afin de produire un résultat désiré.

(38) Phyllida Brown, «Secret Life of the Brain», New Scientist Supplement, 14 novembre 1992, p. 14.

(39) «Cell Death Studies Yield Cancer Clues», Science, vol. 259, 5 février 1993, p. 760.

(40) «Death Gives Birth to the Nervous System. But How?», Science, 5 février 1993, p. 763.

(41) Entretien avec N. Morris, Conseil de recherches médicales, mars 1993.