BP-344F

 

LE RÉGIME DE CONTINGENTEMENT DANS LE
DOMAINE DE LA PÊCHE COMMERCIALE AU CANADA

 

Rédaction  Claude Emery
Division des affaires politiques et sociales
Septembre 1993


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

MÉTHODES DE RÉGLEMENTATION DE LA PÊCHE
COMMERCIALE AU CANADA

   A. Contexte

   B. Contrôle des intrants

   C. Contrôle des extrants

LA MISE EN OEUVRE DES QUOTAS AU CANADA

LE RÉGIME DE CONTINGENTS INDIVIDUELS APPLIQUÉ
EN NOUVELLE-ZÉLANDE

CONCLUSION

ANNEXE

RÉSUMÉ DE CERTAINS RAPPORTS

LA COMMISSION SUR LA POLITIQUE DES PÊCHES DU PACIFIQUE
[RAPPORT PEARSE], 1992

LE GROUPE D'ÉTUDE DES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE
[RAPPORT KIRBY], 1982

LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PÊCHE DU POISSON DE FOND
DE LA RÉGION DE SCOTIA-FUNDY [GROUPE HACHÉ], 1989

LE GROUPE D'EXAMEN DE LA MORUE DU NORD
[GROUPE HARRIS], 1990

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES POLITIQUES DE DÉLIVRANCE
DES PERMIS ET LES POLITIQUES CONNEXES DU MINISTÈRE
DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 


 

LE RÉGIME DE CONTINGENTEMENT DANS LE DOMAINE
DE LA PÊCHE COMMERCIALE AU CANADA

 

 

INTRODUCTION

Depuis quelques années, les responsables de la gestion des pêches du monde entier(1) s'intéressent de plus en plus à l'attribution de quotas individuels, c'est-à-dire à la répartition de parts du Total des prises admissibles (quota global) entre les pêcheurs(2), les bateaux de pêche et les entreprises de l'industrie. Le passage aux permis de pêche à quota individuel constitue non seulement un changement radical dans les méthodes habituelles de gestion, mais soulève aussi la question de la propriété publique, ou commune, par rapport à la privatisation de la ressource. Dans l'industrie de la pêche, peu de sujets suscitent un débat aussi émotif.

Les décideurs et les chercheurs expliquent habituellement le recours aux quotas individuels par ce que l'on a qualifié de « problème des pêcheurs » ou des « effets tragiques de la propriété commune » qu'attestent presque toutes les études et tous les rapports de groupes de travail portant sur la pêche commerciale classique (captures). La situation peut se résumer ainsi : dans un régime de quota global, le poisson ne devient bien privé qu'une fois qu'il est pris et retiré de l'eau; chaque pêcheur est donc incité à faire un maximum de prises avant que le quota ne soit atteint et la pêche se transforme par conséquent en une course effrénée pour réaliser un gain personnel maximal et immédiat. Cette course aboutit à une capacité excessive, à mesure que les pêcheurs achètent des bateaux plus gros et plus chers, de meilleurs engins et un matériel plus perfectionné afin d'accroître leurs prises. Toutefois, comme chaque pêcheur agit de même, il n'y a pas de gagnant. Outre qu'elle crée un climat instable, la situation menace la préservation des stocks; comme la ressource appartient à tous, on est peu incité à la ménager pour l'avenir (autrement dit, personne n'est responsable de la propriété commune). Les stocks s'épuisent, la capacité de pêche est excessive, ou encore il y a trop de bateaux ou de pêcheurs (au revenu trop bas) par rapport aux ressources existantes. À ce point de l'« équilibre bioéconomique », toute croissance de la pêche entraîne des pertes pécuniaires et oblige les travailleurs à quitter l'industrie(3).

Les débarquements de pointe seraient aussi une des conséquences de la propriété commune. La course au poisson amplifie le caractère saisonnier naturel de la pêche, exerce d'autres pressions sur le marché et se traduit par des volumes de poisson supérieurs à ce que peuvent absorber convenablement les navires et les usines de transformation, de sorte que la qualité du produit en souffre. Les usines de transformation du poisson, construites pour absorber la capacité de pointe de la pêche, sont inactives durant une grande partie de l'année, ce qui aboutit à une surcapacité et à une faible rentabilité.

Cette tendance dans l'exploitation des ressources porte à croire que le comportement humain de la collectivité nuit tant aux pêcheurs qu'à la ressource; elle rappelle le problème de surutilisation des communaux pour le bétail, en Europe médiévale.

[...] À cette époque-là, rien n'incitait les fermiers à limiter le nombre de bêtes qu'ils faisaient paître dans les prés communaux de l'Europe du moyen âge, même si l'excès de ce nombre entraînait la mort de tout le bétail. Tout le monde y perdait. On résolut le problème en donnant à chacun un droit de jouissance exclusif d'une fraction du pâturage. De cette façon, l'éleveur pouvait décider de la taille de son troupeau en fonction de la capacité de son pâturage, sans craindre que ses plans soient compromis par des concurrents(4).

Donc, pour être commercialement viable, la pêche de propriété commune doit être modifiée soit par réglementation externe (c'est-à-dire par l'État) afin que le nombre de prises soit limité (moyen souvent contesté parce que la pêche est considérée par un grand nombre comme un droit), soit transformée en propriété privée(5). Ces deux extrêmes - contrôle absolu de l'État et privatisation absolue - illustrent bien, pour certains, les vues classiques défendues dans le débat sur le meilleur moyen d'organiser les sociétés et les économies(6). La plupart des gestionnaires des pêches proposent des solutions intermédiaires, par exemple limiter la propriété commune en conférant divers genres de droit d'accès(7). Depuis au moins le milieu des années 70, la politique canadienne de gestion des pêches reprend l'optique des « effets tragiques de la propriété commune ». Ainsi, le gouvernement fédéral précisait, en 1976 :

Le problème fondamental de l'industrie de la pêche du poisson de fond [...] est principalement créé par le conflit entre les intérêts collectifs et les intérêts privés. [...] Dans le contexte de la libre entreprise, les pêcheurs concurrents tentent de prendre tout le poisson possible, quelles qu'en soient les conséquences. À moins que ne soient contrôlées leurs activités, il ne peut qu'en résulter un effondrement de l'industrie, c'est-à-dire l'extinction de la ressource sur le plan commercial, provoquant dans le contexte de la pêche une autre tragédie de la propriété commune(8).

MÉTHODES DE RÉGLEMENTATION DE LA PÊCHE
COMMERCIALE AU CANADA

  A. Contexte

Au Canada, la compétence fédérale en matière de « pêche côtière et de pêche intérieure » est établie dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, repris par la Loi constitutionnelle de 1982. Le mandat du ministère des Pêches et des Océans est énoncé dans la Loi de 1979 sur l'organisation du gouvernement. La Loi sur les pêches est la principale loi appliquée par le Ministère et elle renferme les dispositions législatives portant sur des points comme la répartition des prises et la délivrance des permis. Les dispositions législatives sont appliquées au moyen de règlements mis à jour périodiquement. Le pouvoir fédéral d'émettre des permis se limite à la pêche dans les eaux à marée. Dans les eaux sans marée, la pêche fait l'objet de droits de propriété, de sorte que la délivrance des permis relève des gouvernements provinciaux(9).

La délivrance de permis et les quotas sont un phénomène relativement nouveau dans l'industrie de la pêche, au Canada. Jusqu'au milieu des années 70, des permis de pêche à accès limité n'étaient délivrés que pour quelques pêches. Ces permis ont progressivement fait leur apparition par la suite dans presque toutes les pêches, et les ressources ont été de plus en plus partagées entre des secteurs précis de la flottille. En 1985, on pouvait lire dans le Rapport du Groupe d'étude au Groupe de travail chargé de l'examen des programmes que :

[...] il a fallu environ quinze ans pour que les pêches canadiennes, qui n'étaient presque pas réglementées, deviennent l'une des industries halieutiques les plus réglementées du monde. Le mandat du ministère des Pêches et des Océans (MPO) pendant ce temps s'est par conséquent élargi; c'est ainsi qu'aujourd'hui le ministère, outre qu'il s'occupe de la conservation de la ressource dans son milieu, s'intéresse de plus en plus à la gestion de tous les aspects socio-économiques des pêches(10).

En bref, le ministère fédéral des Pêches et des Océans a pour objectif :

de mettre en oeuvre des politiques et des programmes visant à appuyer les intérêts économiques, écologiques et scientifiques du Canada dans ses eaux océaniques et intérieures, [d']assurer la conservation, la mise en valeur et l'utilisation économique et soutenue des ressources halieutiques dans les eaux marines et douces dans l'intérêt des personnes dont le mode de subsistance dépend de ces ressources ou de celles qui en tirent profit et [de] coordonner les politiques et les programmes du gouvernement canadien concernant les océans(11).

La répartition des prises et la délivrance des permis font maintenant partie d'un processus décisionnel et consultatif complexe. Comme le décrit un document de travail du gouvernement fédéral, en 1991 :

[Le Plan de gestion du poisson de fond de l'Atlantique] sert à gérer 40 stocks de poisson et 140 allocations réparties entre divers secteurs de pêche. Il ne s'agit pourtant que de l'un des dix plans annuels de gestion des pêches dans l'Atlantique, qui regroupent plus de 400 allocations. Et il faut tous les recommencer tous les ans...

En 1990, le ministre a dû traiter 590 appels soumis par l'Office des appels relatifs aux permis de pêche du Pacifique; il lui a également fallu se prononcer sur les divers plans annuels de gestion des pêches du Pacifique. Aux termes de la loi, le ministre doit prendre toutes les décisions qui s'imposent dans ces domaines.

Le ministre peut compter sur une multitude de comités consultatifs de gestion qui l'aideront à s'acquitter de ses responsabilités - on compte 108 comités dans la région de l'Atlantique. Lorsqu'il prend des décisions touchant les permis et les allocations, il doit tenir compte des consultations faites par ces comités consultatifs, mais il va sans dire qu'il est très difficile pour une seule personne de traiter toute l'information reçue(12).

Il convient de souligner qu'il n'existe pas de règle scientifique ou absolue pour répartir les ressources entre tous les groupes d'utilisateurs. Les représentants des pêches membres des divers comités consultatifs ont souvent des vues diamétralement opposées, particulièrement au sujet des prises auxquelles chacun a droit(13). Dans le cas du poisson de fond de l'Atlantique, on tient compte de certains principes ou facteurs, comme le « principe d'équité », la proximité de la ressource (des localités côtières), la dépendance relative des collectivités à l'égard d'une pêche particulière et la rentabilité et la mobilité des flottilles(14). Sur la côte du Pacifique, la répartition des stocks de saumon parmi les divers groupes de pêcheurs (c'est-à-dire la pêche commerciale à filets maillants, à la senne et à la cuiller, la pêche sportive et la pêche de subsistance) est une autre source constante de controverse. Les questions relatives à la délivrance des permis et à la répartition des stocks ont invariablement des effets sociaux; les décisions ont une incidence immédiate et radicale sur la vie et sur le gagne-pain de divers membres de l'industrie.

   B. Contrôle des intrants

Pour gérer une pêche, on peut en contrôler soit les intrants, soit les extrants(15). Par contrôle des intrants, on entend les règlements et les programmes de délivrance de permis qui limitent le nombre de prises que peuvent faire les pêcheurs. Ainsi, on peut limiter le nombre de pêcheurs qui peuvent faire des prises au sein d'une pêche particulière, imposer un règlement visant la conservation des stocks (par exemple, fixer un total des prises admissibles (TPA))(16), interdire des secteurs de pêche et limiter la saison, limiter les sorties, fixer une taille minimale des prises) et réglementer les engins de pêche (par exemple, le maillage et la dimension des hameçons, la taille des filets, le nombre de trappes), ainsi que la taille des bateaux. Au Canada, la pêche, autrefois libre, a été réglementée à tel point qu'il faut maintenant détenir un permis de pêche commerciale pour prendre du poisson, quelle qu'en soit l'espèce(17).

Le « permis de pêche » est un document qui autorise la personne ou l'entreprise nommée à pêcher. Aux termes du pouvoir conféré au ministre des Pêches et des Océans, ce permis ne représente pas un droit absolu ou permanent, mais bien un privilège restreint. Il peut d'ailleurs être assorti d'au moins une des conditions suivantes :

  • l'espèce de poisson et le nombre de prises autorisées;
  • la période durant laquelle les prises peuvent être faites;
  • le bateau qui peut être utilisé;
  • les personnes qui peuvent exploiter le bateau autorisé;
  • le genre et la quantité d'engins de pêche et d'équipement qui peuvent être utilisés;
  • l'endroit précis où ces engins peuvent être déployés; et
  • la forme et la manière de présenter des données sur les prises et d'autres renseignements.

Jusqu'à tout récemment, on cherchait surtout à régler les problèmes soulevés par la propriété commune en contrôlant les intrants. Cette approche ne fait cependant pas l'unanimité : on se plaint non seulement qu'elle exige trop de réglementation (et d'intervention) gouvernementale, mais qu'elle incite peu à éviter le surinvestissement. Ainsi, en ce qui concerne les restrictions touchant la longueur des bateaux, de nombreux critiques font valoir l'expérience vécue dans la région de l'Atlantique, où les pêcheurs ont invariablement trouvé des moyens de contourner les règles visant le remplacement des bateaux en construisant des bâtiments plus rapides, aux capacités de pêche et de stockage plus grandes et dotés du dernier cri en technologie (par exemple, des sonars repérant les bancs de poisson)(18). Sur la côte ouest, une commission d'enquête sur les pêches du Pacifique (la commission Pearce), qui a longuement étudié les restrictions relatives aux engins de pêche dans son rapport de 1982, faisait elle aussi remarquer que :

Les tentatives pour contrôler la croissance de la capacité de pêche en imposant des restrictions sur les engins, alors que les propriétaires de navires sont poussés à accroître au maximum cette capacité, engendrent des innovations ingénieuses propres à circonvenir les restrictions et à annuler leur effet. Aussi doit-on en imposer de nouvelles, ce qui ajoute au fardeau administratif et augmente considérablement les frais. Il est très peu probable que ces mesures restrictives soient plus efficaces à l'avenir qu'elles ne l'ont été par le passé(19).

Divers plans ont été proposés pour contrer le surinvestissement, c'est-à-dire pour taxer les gains excédentaires (par exemple, le versement de redevances sur les prises), afin d'empêcher les pêcheurs d'accroître leur capacité de pêche et de leur enlever les moyens financiers de le faire(20). Ces plans comportent, cependant, de nombreux inconvénients, y compris la complexité de leur administration et la possibilité de nuire à la santé financière des pêcheurs. Parmi les autres options visant à réduire la capacité, mentionnons des programmes de retrait ou de rachat des permis qui seraient subventionnés par l'industrie ou par le gouvernement. Le ministère des Pêches et des Océans a institué, à l'occasion, des règles relatives à la « participation » aux termes desquelles le permis était retiré au pêcheur s'il n'était pas utilisé dans un délai précis. Ces tentatives pour faire diminuer le nombre de permis en vigueur ont été impopulaires parmi les pêcheurs, qui soulignent qu'ils pourraient ainsi se voir obligés de pêcher même si ce n'est pas économique de le faire tout simplement pour conserver leur permis. De plus, l'obligation de pêcher pourrait accroître inutilement l'effort de pêche dans un secteur.

   C. Contrôle des extrants

La délivrance de permis a historiquement servi de moyen de contrôle des intrants de la pêche. Plus récemment, on a préféré conférer une certaine forme de propriété privée de la ressource au moyen de quotas individuels. L'établissement de tels quotas, ou la répartition, entre pêcheurs, bateaux et entreprises, du total des prises admissibles, donne le droit de prendre un nombre défini de poisson, soit un nombre fixe, soit un pourcentage du TPA, tout au long de l'année(21). Un contingent (ou quota) individuel (CI) est un nombre précis de poisson attribué chaque année soit à un pêcheur, soit à un bateau de pêche. Le contingent (ou quota) individuel transférable (CIT) est un contingent individuel qui peut être transféré - vendu ou échangé - à d'autres membres de l'industrie. L'allocation aux entreprises (AE) est, comme son nom l'indique, le nombre de prises que peut effectuer une entreprise ou société.

Les quotas confèrent essentiellement aux pêcheurs et aux entreprises un quasi-droit de propriété sur une quantité donnée de la ressource de propriété commune, en quelque sorte sur le bien nageant. Le régime privatise donc, dans une certaine mesure, un bien qui était de propriété commune. Comme on le soulignait dans un rapport fédéral :

Dans le cadre de ce [régime], [le ministère des Pêches et des Océans] n'a plus à surréglementer les intrants de la pêche pour limiter le nombre de prises. Grâce aux contingents individuels, plutôt que de se livrer à une course effrénée pour prendre le plus de poisson possible dans un jeu risqué et coûteux, le pêcheur est incité à pêcher d'une manière efficace, rentable et axée sur le marché de sorte à maximiser son profit(22).

En théorie, le régime des contingents individuels vise aussi une gestion et une exploitation intégrées des ressources, de sorte que ceux qui prennent le poisson tiennent aussi un plus grand rôle dans sa conservation. La technique, semble-t-il, s'apparente à celle qui sert à réglementer l'utilisation d'autres ressources naturelles renouvelables dont la Couronne est propriétaire, comme le bois d'oeuvre, l'eau et les droits de pacage; le gouvernement autorise l'exploitation de certaines quantités de la ressource, la quantité totale étant fonction de la production totale récupérable de la ressource. La notion des contingents individuels est parfois assimilée à celle des quotas de production d'oeufs et de lait, en agriculture; toutefois, les quotas agricoles et les offices de commercialisation ont pour objectif, fort différent, de limiter la production afin de maintenir les prix du producteur à un certain niveau.

LA MISE EN OEUVRE DES QUOTAS AU CANADA

Un programme d'allocation aux entreprises, a, pour la première fois, été appliqué à la flottille de pêche du poisson de fond de l'Atlantique en 1982. Depuis lors, divers types de mesure de contingentement ont graduellement été introduits dans la pêche du hareng avec de grandes sennes coulissantes, dans la pêche hauturière du homard, du pétoncle, de la palourde et de la crevette nordique, ainsi que dans certains secteurs de la pêche côtière (petits bateaux) de poisson de fond (le secteur mobile). Sur la côte du Pacifique, les quotas ont été appliqués aux oeufs sur varech, aux aliments et aux appâts du hareng, au panopéa du Pacifique, à la morue charbonnière, au flétan et à l'haliotide. Au Canada, le thème des contingents donne naissance à l'expression de toute une gamme d'opinions. Un comité sénatorial a récemment recommandé que le ministère des Pêches et des Océans du Canada examine de façon plus approfondie leurs effets sociaux, économiques et biologiques à court terme et qu'il étudie et évalue l'efficacité de sa réglementation visant à restreindre la propriété de certaines personnes à des limites établies(23).

Les raisons le plus souvent invoquées en faveur des quotas sont une plus grande souplesse d'exploitation et une meilleure coordination de l'offre et de la demande; la possibilité de mieux planifier à long terme l'investissement de capitaux et les programmes d'accroissement des marchés; plus de possibilités, pour les pêcheurs, de fairer eux-mêmes la commercialisation de leurs prises; de meilleures valeurs, au débarquement, et une plus grande rentabilité; l'élimination de la « course effrénée » au poisson; une plus faible nécessité de réglementer les bateaux, les engins et la durée de la pêche (un régime de contingentement est généralement considéré comme s'autoréglementant); et une meilleure sécurité puisque, une fois éliminé le caractère concurrentiel de l'activité, les pêcheurs ne se sentent plus obligés de pêcher même par mauvais temps.

Les quotas transférables sont également réputés efficaces pour décourager le surinvestissement dans le secteur de la pêche, tout en ne coûtant rien au gouvernement, qui n'a pas à retirer les permis ou à les racheter. En effet, les quotas individuels se concentrent dans les mains de quelques-uns, à mesure que les pêcheurs marginaux vendent les leurs.

D'après les faits, un des principaux inconvénients des quotas réside dans le fait qu'ils favorisent l'établissement de faux rapports (sous-déclaration des prises) et un relèvement de la qualité des prises (rejet du poisson de qualité moindre), ce qui impose un plus lourd fardeau de surveillance et d'exécution aux gestionnaires des pêches chargés de voir au respect des quotas individuels(24). La surveillance de ces allocations coûte donc plus cher que celle de la pêche classique (concurrentielle)(25). Lors d'un examen des mesures de gestion appliquées à la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy, effectué en 1992, on a par exemple conclu qu'en raison du déclin des stocks, le rejet en mer des espèces non désirées et des poissons de moins bonne qualité pourrait être beaucoup plus fréquent dans le cadre du régime des quotas individuels que dans l'ancien, fondé sur la concurrence. Un autre problème cité est le transbordement du poisson entre bateaux détenteurs d'un permis et entre navires concurrents(26).

Certains ont prétendu que la ressource halieutique appartient à tous les Canadiens et qu'elle ne devrait donc pas être transformée en propriété privée. Plus particulièrement, on argue qu'en conférant une valeur pécuniaire au permis de pêche, par sa valeur marchande, on permet la réalisation d'un « gain imprévisible » sur un « privilège » de pêche consenti par la Couronne(27). D'aucuns encore soutiennent que les quotas soulèvent aussi une importante question de compétence : le gouvernement du Canada a-t-il, légalement, le droit de réglementer une pêche lorsque l'accès y a été transféré, de propriété commune à des allocations individuelles, et un tel droit individuel ne relève-t-il pas, alors, du droit provincial s'appliquant aux droits de la propriété et aux droits civils(28).

On craint aussi, souvent, que les contingents transférables puissent aboutir à une concentration des permis et, de la sorte, créer un oligopole. Une telle concentration pourrait, en plus de nuire aux petits exploitants ou aux indépendants des localités isolées qui vivent de la pêche(29), rendre difficile, voire impossible, l'entrée de nouveaux pêcheurs ou de pêcheurs plus jeunes dans l'industrie(30). On soutient de plus que l'accumulation ou la concentration des permis entre quelques-uns ne réduit pas la surcapacité du secteur de la récolte mais, en réalité, fait augmenter le surinvestissement car de tels permis ont tendance à s'apprécier(31).

Les autres inconvénients des contingents comprendraient l'impossibilité de les mettre en oeuvre dans certaines pêches et pour certains bâtiments moins longs que le seuil fixé. Ainsi, des droits quantitatifs conviendraient davantage aux pêches qui n'exigent pas de modifications fréquentes des prises admissibles durant la saison. Certains craignent que les quotas aient l'effet indésiré d'accroître l'effort de pêche dans les pêches classiques, c'est-à-dire celles qui ne sont pas assujetties à des quotas individuels.

La méthode utilisée pour fixer les allocations initiales suscite habituellement la controverse(32). Les quotas établis d'après les données historiques sur les prises n'autorisent pas de croissance et, contrairement aux pêches classiques, ne récompensent pas les bons pêcheurs qui font de bonnes prises. Certains accusent les régimes de contingentement de donner aux détenteurs de permis un accès privilégié à la ressource. Sur la côte ouest, le nouveau régime de quotas individuels serait perçu comme étant, en grande partie, imposé à l'industrie, même si on l'annonce comme la réaction aux exigences faites par la majorité des pêcheurs(33). Dans l'industrie de la pêche de l'Atlantique, le ministère fédéral des Pêches et des Océans du Canada a fait l'objet de critiques selon lesquelles il verrait les quotas comme la panacée aux nombreux problèmes qui sévissent dans l'industrie(34). D'autres, toutefois, affirment que les quotas sont ce qu'il y a de mieux, actuellement, et que de tels régimes ont fait leurs preuves au Canada et ailleurs, par exemple, en Islande, en Australie et, surtout, en Nouvelle-Zélande.

LE RÉGIME DE CONTINGENTS INDIVIDUELS APPLIQUÉ
EN NOUVELLE-ZÉLANDE

Durant les années 80, la majorité des pêches pratiquées en Nouvelle-Zélande ont été frappées de contingents individuels transférables (CIT), ce qui a bouleversé l'industrie et l'organisme chargé de la gestion des pêches. Une étude menée par le ministère des Pêches et des Océans, en 1990, a révélé que, dans l'ensemble, les Néo-Zélandais appuyaient fermement le principe des contingents individuels transférables et estimaient qu'un tel régime offrait plus d'avantages que d'inconvénients(35). Dans son rapport, le ministère soulignait que cette opinion était partagée à la fois par le gouvernement et par l'industrie et que l'expérience vécue en Nouvelle-Zélande permettait de tirer plusieurs leçons utiles pour des pays [comme le Canada] qui s'intéressent à cette méthode de gestion(36). L'année suivante, cependant, une Commission d'enquête (la Commission Cruickshank) lancée par des organismes de pêche sur la côte canadienne du Pacifique a constaté que les participants néo-zélandais au régime des CIT avaient des opinions partagées quant au régime(37). Les problèmes le plus souvent invoqués étaient l'accroissement de la valeur des prises et le rejet en mer des prises accessoires qui, selon bon nombre d'entre eux, sont à l'origine de l'épuisement sont des stocks(38). En 1989, une étude du régime des CIT appliqué à la pêche côtière, en Nouvelle-Zélande, menée six mois après l'entrée en vigueur de celui-ci, a conclu que, bien qu'il réduise la concurrence que se livrent les pêcheurs et qu'il assure plus de certitude dans la planification, le régime crée des problèmes en ce qui concerne le rejet des prises accessoires de peu de valeur, le respect des restrictions imposées par contingentement et la capacité des jeunes de pénétrer l'industrie(39).

Les adversaires de ce régime néo-zélandais font aussi ressortir l'ampleur de la rationalisation (c'est-à-dire de la concentration) qui a sévi dans l'industrie de la pêche depuis le milieu des années 80(40). Il conviendrait de faire remarquer que, lorsque les CIT ont fait leur apparition, le gouvernement a reconnu que les titulaires de quotas bénéficieraient d'un accès privilégié à une ressource « publique » dont ils pourraient tirer un profit économique, de sorte qu'il estimait convenable d'exiger d'eux un « loyer » (un versement annuel fait aux « propriétaires » initiaux de la ressource)(41).

CONCLUSION

Étant donné le grand nombre de pêches commerciales actuellement en régression partout dans le monde, le régime des quotas continuera probablement d'intéresser, pendant de nombreuses années encore, les pays qui pratiquent la pêche comme moyen d'éliminer la capacité excédentaire dans le secteur de la récolte(42). Jusqu'à tout récemment, les tentatives déployées au Canada pour régler le problème des effets de la propriété commune ont consisté à contrôler les intrants, c'est-à-dire à édicter des règlements et à mettre sur pied des programmes gouvernementaux visant à limiter la capacité de pêche. On cherche maintenant à y parvenir à une solution en contrôlant les extrants, c'est-à-dire en fixant des quotas qui confèrent aux pêcheurs et aux exploitants de pêcheries une certaine forme de propriété privée sur la ressource.

Dans l'annexe, on trouvera le résumé de cinq rapports sur les pêches maritimes commerciales du Canada qui traitent de la notion de la propriété commune et des quotas de pêche.


(1) John Lanfersieck et Dale Squires, « Planning Models for Individual Transferable Quota Programs », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, vol. 49. n 11, novembre 1992, p. 2313.

(2) Dans le présent document, l'expression « pêcheur » désigne les hommes et les femmes qui pratiquent la pêche.

(3) Le phénomène a été décrit pour la première fois dans une analyse générale de Garrett Hardin (« The Tragedy of the Commons », Science, vol. 162, 1968, p. 1243-1248) et dans une analyse économique de Scott Gordon (« The Economic Theory of a Common Property Resource: the Fishery », Journal of Political Economy, vol. 62, 1954, p. 124-142). Voir aussi Ralphs Matthews et John Phyne, « Regulating the Newfoundland Inshore Fishery: Traditional Values Versus State Control in the Regulation of a Common Property Resource », Journal of Canadian Studies, vol. 23, nos 1 et 2, printemps/été 1988, p. 159-160.

(4) Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique, Naviguer dans la tourmente : Une nouvelle politique pour les pêches de l'Atlantique, décembre 1982, p. 228. Voir aussi « Introduction: `The Tragedy of the Commons' or the Common Tragedies of Capital? » in People, Resources, and Power, Gary Burril et Ian McKay (éds.), publié pour le Gorsebrook Research Institute of Atlantic Canada Studies par Acadiensis Press, Fredericton (N.-B.), 1987, p. i.

(5) Voir H. Demsetz, « Toward a Theory of Property Rights », American Economic Review, vol. 62, 1967, p. 347-359; E.H. Furubotn et S. Pejovich, « Property Rights and Economic Theory: Survey of Recent Literature », Journal of Economic Literature, vol. 10, 1972, p. 1137-1162.

(6) On entend souvent dire que la question est un conflit entre les droits individuels et les droits collectifs et que ce courant de pensée repose sur la théorie de Thomas Hobbes, du XVIIe siècle, selon lequel, sans moyens légaux et contraignants mis en place par l'État, la collision de droits individuels aboutirait à l'irrationnalité collective de « la guerre de tous contre tous ». Pour éviter de telles situations, Hobbes prétendait que les personnes dans cet « état de nature » exerçaient leur liberté d'établir un contrat social dans le cadre duquel un pouvoir étatique centralisé déterminait les fondements légaux des relations des êtres humains entre eux. D'après certains analystes, les conséquences de la propriété commune des ressources halieutiques sont tout aussi évidentes à l'échelle internationale que nationale; la position actuelle de la Communauté européenne (l'Espagne et le Portugal), par exemple, à l'égard du poisson de fond se trouvant dans le Nez et la Queue du Grand Banc du Canada (donc, en haute mer) présente des analogies évidentes. Voir Groupe d'examen de la morue du Nord, Étude indépendante sur l'état des stocks de morue du Nord : Rapport final, février 1990, p.48.

(7) James R. Goodwin, Crisis In the World's Fisheries: People, Problems and Policies, Stanford (Californie), Stanford University Press, 1990, p. 91.

(8) Ministère des Pêches et de l'Environnement, Politique canadienne pour la pêche commerciale, Approvisionnements et Services, 1976, p. 45 et 46.

(9) Comité sénatorial permanent des pêches, La commercialisation du poisson au Canada : Rapport sur les pêches de la côte est, décembre 1989, p. 9-10. Voir aussi Pêches et Océans Canada, Budget des dépenses 1992-1993, Partie III, Plan de dépenses, p. 136; Pêches et Océans Canada, « Délivrance de permis », Fiche d'information, septembre 1988, p. 1.

(10) Groupe d'étude, « Programmes touchant les ressources naturelles : De la crise à la prospérité », Rapport au Groupe de travail chargé de l'examen des programmes, Approvisionnements et Services Canada, septembre 1985, p. 53.

(11) Ministère des Pêches et des Océans, Rapport annuel 1989-1990, Approvisionnements et Services Canada, 1991, p. 11.

(12) Ministère des Pêches et des Océans, Gestion des pêches : Proposition de réforme des systèmes de délivrance des permis et d'allocation, Approvisionnements et Services Canada, 1991, p. 3-4.

(13) Ministère des Pêches et des Océans, « Délivrance de permis », Fiche d'information, 1988, p. 2.

(14) Ministère des Pêches et des Océans, Plan de gestion du poisson de fond de l'Atlantique 1992, décembre 1991, p. 3. La répartition des stocks parmi les secteurs de pêche est habituellement le reflet de la ventilation historique des prises. Voir ministère des Pêches et des Océans, Politique d'émission des permis pour la pêche commerciale dans l'est du Canada, janvier 1989.

(15) Ministère des Pêches et des Océans, Pacific Coast Commercial Fishing Licensing Policy: Discussion Paper, septembre 1990, p. 64.

(16) La plupart des stocks commerciaux de poisson sont exploités en fonction d'un TPA, c'est-à-dire du volume maximal de prises admissibles ou du « quota global » fixé pour une espèce particulière durant une saison de pêche. Une fois fixé, le TPA est partagé entre les divers groupes de pêcheurs. L'exception notable est le saumon, pour lequel on établit une cible d'échappée optimale (soit une partie des stocks à laquelle on permet d'échapper à la capture et de frayer).

(17) Voir C.R. Levelton, Pour un système de délivrance des permis de pêche commerciale sur la côte atlantique, Rapport préparé pour le ministère des Pêches et des Océans, Gouvernement du Canada, Ottawa, avril 1979, p. 34. La première pêche dont l'accès a été restreint, au Canada, a été celle du homard, en 1967. Peu après, des restrictions frappaient la pêche du saumon en Colombie-Britannique (1968) et la pêche du hareng de l'Atlantique au moyen de grandes sennes coulissantes.

(18) Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. 240; Groupe de travail sur la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy, Rapport, Approvisionnements et Services Canada, décembre 1989, p. 57; Comité sénatorial permanent des pêches, La commercialisation du poisson au Canada, décembre 1989, p. 60.

(19) Extrait du rapport du Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique, (1982), p. 235.

(20) Voir Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. 234; Groupe de travail sur la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy (1989), p. 58; Scotia-Fundy Groundfish Industry Advisory Committee, A Report Commissioned by the Minister of Fisheries and Oceans in April 1987, novembre 1988, p. 5.

(21) Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes du ministère des Pêches et des Océans, The Fisherman's Report, novembre 1991, p. 17 et 27. Une sous-stratégie moins débattue pour conférer des droits de propriété consiste à conférer à des collectivités de pêche le « droit territorial d'utilisation des pêches » (en anglais, TURFS pour « territorial use rights in fisheries »). En vertu de ce régime qui, paraît-il, retient de plus en plus l'attention, l'administration se fait plus localement. Les TURFS sont réputés convenir particulièrement à la gestion de pêches sédentaires et semi-sédentaires et des espèces migratrices dont les mouvements sont prévisibles. Ils se prêtent aussi aux situations où les engins utilisés sont relativement passifs ou immobiles. Voir J.R. McGoodwin (1990), p. 178-180. Quant aux quotas de développement communautaire (en anglais, CDQ pour « Community Development Quotas ») utilisés en Alaska, voir Joel Gay, « What's This New [Community Development Quota or] CDQ? », Pacific Fishing, février 1993, p. 45.

(22) Pacific Coast Commercial Fishing Licensing Policy ... (1990), p. 64 (traduction).

(23) Comité sénatorial permanent des pêches, Rapport sur les pêches côtières de l'Atlantique, juin 1993, p. v.

(24) On peut y arriver en plaçant des observateurs à bord des bateaux de pêche, en comparant le tableau de la taille des prises d'un bateau avec les débarquements globaux d'une flottille ou en réglementant les engins de pêche (par exemple, le maillage) de sorte que la pêche soit plus sélective. Voir le Comité sénatorial permanent des pêches, Rapport sur les pêches côtières de l'Atlantique, juin 1993, p. 30-36.

(25) Voir ministère des Pêches et des Océans, Budget des dépenses principal 1993-1994, Partie III, Plan de dépenses, Approvisionnements et Services Canada, 1993, p. 130.

(26) Canadian Atlantic Fisheries Scientific Advisory Committee, Document de recherche 92/103, p. 14.

(27) Un groupe fédéral d'étude de la pêche sur la côte est a fait remarquer, à cet égard, en 1982, que « Le permis délivré confère un droit perpétuel, pour la raison que son renouvellement annuel se fait automatiquement tant qu'il est utilisé et que son détenteur respecte les règles qui régissent cette utilisation. [...] En théorie, le permis d'un pêcheur qui cesse de s'adonner à la pêche revient à la Couronne, mais dans les faits, lorsqu'il s'agit d'un type de pêche où les permis peuvent être transférés, le gouvernement accepte de délivrer le permis au pêcheur qui achète l'équipement, ce qui revient à dire que le pêcheur « achète » aussi le permis ». Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. 230-231.

(28) Dans un rapport rendu public récemment, on estime que les contingents individuels violent le principe de la ressource de propriété commune et on recommande que cesse l'attribution de ces contingents et que les permis en vigueur ne soient prolongés que d'année en année, en attendant qu'ait lieu un examen complet de la question; voir A Commission of Inquiry Into Licensing and Related Policies ... (1991), p. 35-36, 111.

(29) « At Issue: Should Fishermen Be Allocated Individual Quotas to Help Control Overfishing? », Congressional Quaterly Researcher, vol. 2, n 32, 28 août 1992, p. 753-754.

(30) Le régime actuel de limitation constitue déjà, cependant, une barrière administrative pour l'accès aux pêches. Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. 238, 244-245.

(31) Voir Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes (1991), p. 29.

(32) Voir Tim Doherty, « New Zealand's Experience With ITQs » Pacific Fishing, août 1990, p. 29; Stephanie Brown, « Scarth Defends Transferable Quota System », The Saint Croix Courier, 27 juillet 1993; « One Man's Qota, Another Man's Poison », The Halifax Chronicle-Herald, 8 mai 1992; Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. 235-240, 246; Commission sur la politique des pêches du Pacifique, Pour remonter le courant : Une nouvelle politique des pêches canadiennes du Pacifique, Approvisionnements et Services Canada, septembre 1982, p. 96; Groupe de travail sur la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy (1989), p. 60-64; Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes ... (1991), p. 28.

(33) Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes ... (1991), p. 28-29, 33.

(34) Comité sénatorial permanent des pêches, Rapport sur les pêches côtières de l'Atlantique, juin 1993, p. 33.

(35) Ministère des Pêches et des Océans, Assessment of New Zealand's Individual Tranferable Quota Fisheries Management, Economic and Commercial Analysis Report n 75, août 1990, p. iv. Voir aussi Mike Radon, « CA Abalone ITQ » (Lettre à la rédaction), Pacific Fishing, juin 1993, p. 8.

(36) Assessment of New Zealand's Individual Transferable Quota Fisheries Management (1990), p. iv, 1, 18.

(37) Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes ... (1991), p. 34.

(38) Ibid.; Ministère des Pêches et des Océans, Assessement of New Zealand's Individual Transferable Quota Fisheries Management (1990), p. 34; David W. MacInnes, « Quotas Jeopardize Small-Boat Fishery », The Guardian, 24 juillet 1990. Voir aussi Comité sénatorial permanent des pêches, Délibérations, fascicule n 5, 15 décembre 1992, p. 20; fascicule n 8, 23 mars 1993, p. 21; fascicule n 11, 11 mai 1993, p. 8, 16 et 21.

(39) Owen Myuers, « The Tragedy of the Trawlers: An Analysis of the December 1989 Report of the Scotia-Fundy Groundfish Taskforce », Dalhousie Law School, mars 1990, p. 33-34. L'auteur renvoie à une étude effectuée par Christopher M. Dewees (« Assessment of the Implementation of Individual Transferable Quotas in New Zealand's Inshore Fishery », North American Journal of Fisheries Management, vol. 9, n 2, printemps 1989, p. 131-139).

(40) Voir Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes ... (1991), p. 35; T. Doherty (1990), p. 29; « At Issue ... », Congressional Quaterly Researcher, 28 août 1992, p. 754.

(41) Ministère des Pêches et des Océans, Assessment of New Zealand's Individual Transferable Quota Fisheries Management (1990), p. 6, 10, 12 et 17.

(42) Pour mieux connaître les faits nouveaux survenus dans l'industrie de la pêche dans le nord du Pacifique, voir Peter Passell, « Privatization of U.S. Fisheries to Net Billions », The Times Colonist, 5 mai 1991; Scott Simpson, « Proposed Quota System for Fishery Called Formula for Ruin », The Vancouver Sun, 14 mai 1991; Laine Welch, « AK Onshore and Offshore Interests Look to ITQs », Pacific Fishing, octobre 1992, p. 29-31; John Bragg, « Up with IQs, Down with Factory Trawlers » Pacific Fishing, janvier 1993, p. 21 et 71; Laine Welch, « Alaska Groundfish Grind », Pacific Fishing, février 1993, p. 43-46.

 


 

ANNEXE

RÉSUMÉ DE CERTAINS RAPPORTS

 

 LA COMMISSION SUR LA POLITIQUE DES PÊCHES DU PACIFIQUE
[RAPPORT PEARSE], 1992

Au fil des ans, de nombreuses commissions et de nombreux groupes d'étude ont produit des rapports sur l'industrie canadienne de la pêche. La plus complète de ces études sur la pêche pratiquée sur la côte ouest a peut-être été celle de Peter H. Pearse, qui dirigeait la Commission sur la politique des pêches du Pacifique en 1982(1). Le rapport de la Commission (le « rapport Pearse ») disposait qu'un des problèmes fondamentaux de l'industrie de la pêche du Pacifique était la capacité excédentaire; les commissaires critiquaient essentiellement le manque de politiques globales ou de plans d'ensemble qui pourraient servir à orienter la gestion des pêches dans la région. À cet égard, le vérificateur général a fait remarquer, en 1986 :

Dans d'autres études et rapports, on trouve quelques-uns des problèmes décelés par M. Pearse. [...] Les auteurs de ces rapports ont tous indiqué la nécessité de résoudre quatre problèmes graves dans le domaine des pêches dans le Pacifique :

- la surcapacité d'exploitation;

- la surpêche et la nécessité de remise en état des stocks;

- l'inefficience de la réglementation et de la structure de gestion;

- les problèmes financiers cycliques, notamment les surinvestissements, des revenus incertains et des dettes importantes(2).

M. Pearse décrivait comme suit les arguments idéologiques utilisés pour défendre la notion de « propriété commune » :

[...] un certain nombre de pêcheurs affirment que le Gouvernement devrait strictement se limiter à fixer les prises totales et laisser aux « forces du marché libre » le soin de déterminer les pêcheurs efficaces et inefficaces. Selon ce point de vue, si l'on tentait d'en faire davantage, il s'agirait d'une ingérence dans le système de la libre entreprise tel qu'il s'applique aux pêches.

Cette position engendre un malentendu fondamental. Le système de la libre entreprise dépend d'une personne qui doit s'assurer du contrôle de tous les facteurs de production, y compris les ressources naturelles, et de leur utilisation la plus rentable possible. La notion des ressources qui appartiennent à tout le monde, ne peut trouver place dans une économie de marché libre; en fait, la propriété commune est incompatible avec les principes de cette économie et ceux qui évoquent les vertus de la libre entreprise devraient être les moins satisfaits de ce laisser-aller des pêches libres. [...] Quant à cela, la propriété commune n'entre pas dans le cadre du socialisme classique qui sous-entend un droit de propriété et un contrôle central de l'État et aucune exploitation concurrentielle de la part des pêcheurs indépendants. En ce qui concerne la propriété commune, rien ne peut être dit sur le plan politique qui n'a pas été dit déjà dans des propos sur l'économie et la protection des ressources(3).

Une proposition centrale engageait le gouvernement à mettre sur pied un nouveau régime de permis transférable émis pour une période déterminée, ainsi qu'un système d'appel d'offres pour obtenir les privilèges de pêche. La Commission a recommandé qu'un régime de quotas soit adopté ou amélioré dans toutes les pêches commerciales développées, mis à part le saumon et le hareng rogué(4), et a conclu que :

[...] comme moyen de réglementer les prises et de favoriser la rationalisation de la flottille de pêche, l'émission de permis accordant un contingent à chaque pêcheur semble la plus prometteuse de toutes les formules [...]. Partout où elle a été mise en application, même si elle a donné lieu à certains problèmes d'adaptation, elle a considérablement simplifié le problème de la gestion des ressources et renversé toute tendance à la surcapitalisation(5).

Selon M. Pearse, l'avantage premier des quotas individuels tient à ce qu'ils éliminent la cause fondamentale de la surcapacité de pêche en cessant d'encourager chaque pêcheur à protéger et à accroître sa part des prises. Au contraire, ces quotas individuels encouragent le pêcheur à adapter son bateau et ses méthodes de pêche de manière à faire les prises autorisées au coût le plus faible. Le commissaire énumère d'autres avantages :

- [Cette formule] fournit un moyen direct de contrôler l'ensemble des prises et d'assurer que l'on n'excédera pas la récolte admissible pour chacun des stocks.

- Elle simplifie énormément la tâche des autorités chargées de l'application des règlements de la pêche. Certains contrôles continueraient à s'imposer dans le domaine de la pêche, pour fins de recherches biologiques, comme on l'a vu plus avant. Mais la prise totale étant limitée par l'émission des permis, on pourrait dorénavant éliminer la plupart des restrictions qui sont maintenant en vigueur sur les bateaux, les engins et les saisons de pêche et auxquelles on a recours pour prévenir les pêches excessives.

- Elle donne plus de sécurité aux pêcheurs et, dans une large mesure, élimine l'incertitude où ils se trouvent par rapport à leurs prises.

- Elle peut s'adapter aux conditions économiques sans causer de perturbations; si, par exemple, le prix du poisson augmente ou si, pour d'autres raisons, la pêche devient plus profitable, les pêcheurs profiteront de revenus accrus mais sans se sentir obligés d'augmenter leur capacité de prises.

- Elle se prête à une variété de méthodes pour augmenter les revenus : vente des permis et redevances exigées sur les débarquements.

- Elle est facile à administrer, au moins en principe. Elle fixe, dès le départ, les prises admissibles. Une fois les permis accordés, les autorités chargées de la réglementation des pêches peuvent faire porter le gros de leurs efforts sur la gestion des ressources plutôt que sur la supervision des activités de pêche de la flottille(6).

Le rapport Pearse énumère aussi les désavantages ou lacunes des quotas individuels :

- pour s'assurer que les contingents sont respectés, il faudrait obtenir des données précises sur les débarquements[;]

- [d]ans le cas d'une pêche exploitant divers stocks dont chacun doit faire l'objet d'une gestion distincte, il y aurait lieu d'établir des contingents distincts pour chacun[;] [...]

- il pourrait être difficile d'établir des contingents pour les pêches dont les stocks sont sujets à des fluctuations importantes et imprévisibles(7).

LE GROUPE D'ÉTUDE DES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE [RAPPORT KIRBY], 1982

La déclaration, par le Canada, d'une zone de pêche de 200 milles au large de ses côtes, en 1977, s'est accompagnée d'une vague d'optimisme et d'investissement à fort effet de levier tant dans les bateaux de pêche que dans les usines de transformation. Dès 1981, cependant, l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique se trouvait en graves difficultés financières, en raison du recul des marchés aux États-Unis, d'une concurrence accrue de la part des pays exportateurs de poisson comme l'Islande et la Norvège, des nouvelles espèces, d'une concurrence de prix entre différentes sources de protéines et du coût plus élevé de l'énergie et du loyer de l'argent. En novembre 1981, un examen de la politique des pêches de l'Atlantique (examen de planification interministériel) a été lancé, mais les ministères n'arrivaient pas à dégager un consensus quant au financement d'un programme d'aide. En janvier 1982, le gouvernement fédéral a nommé M. Michael Kirby à la tête d'un groupe d'étude des pêches de l'Atlantique. Le groupe avait pour mandat d'élaborer des mesures qui assureraient la santé à long terme de l'industrie et de répondre aux besoins particuliers des entreprises de pêche hauturière en jeu. Le rapport du groupe d'étude (rapport Kirby) a été rendu public l'année suivante.

Bien qu'il soit impossible de résumer simplement les 57 recommandations que comporte le rapport Kirby, il se dégage tout de même une orientation générale des objectifs, énoncés par ordre de priorité, de la politique des pêches de la côte est :

1. L'industrie des pêches de l'Atlantique doit avoir une viabilité économique constante, si par viabilité on entend une aptitude à surmonter des périodes de ralentissement des affaires avec un taux de faillite normal et sans aide du gouvernement.

2. L'emploi dans l'industrie des pêches de l'Atlantique doit être maximisé, avec comme contrainte d'assurer que les personnes occupées perçoivent un revenu raisonnable de leurs occupations dans le secteur de la pêche, comprenant les transferts de revenus rattachés à ce secteur.

3. La pêche et la transformation du poisson, à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles, doivent être effectuées par des Canadiens pour des entreprises de propriété canadienne partout où cela est conforme aux objectifs nos 1 et 2 et aux obligations des traités internationaux ratifiés par le Canada(8).

Pour ce qui est de la délivrance de permis, c'est-à-dire de la façon d'aborder la propriété commune, le groupe d'étude estimait qu'il était légitime d'établir une distinction entre les pêcheurs « à temps partiel » et « à temps plein » dans la politique et dans les programmes relatifs aux pêches, y compris dans d'éventuels nouveaux programmes d'aide financière. À son avis, la seule façon de régler les problèmes découlant de la nature commune des ressources halieutiques serait de conférer à chaque pêcheur une forme quelconque de droit de propriété sur une certaine quantité de poisson. Le groupe a aussi recommandé la création d'un organe quasi judiciaire, indépendant du ministère des Pêches et des Océans, afin de surveiller le processus de délivrance des permis, d'agir comme arbitre dans le cadre des lignes directrices établies par le ministère et de décider qui doit recevoir des permis, dans le cas de nouvelles pêches ou de pêches élargies(9).

Pour ce qui est de la réduction de la flottille de senneurs à hareng surcapitalisée de l'Atlantique, le groupe d'étude jugeait qu'un programme de rachat des permis subventionné par l'État n'était pas justifié. Il recommandait, comme unique solution, l'attribution aux bateaux de pêche de quotas transférables (régime dans le cadre duquel les quotas individuels des bateaux pourraient être cédés, achetés et vendus de sorte que les exploitants les plus productifs pourraient acheter les quotas des exploitations marginales)(10).

Le groupe d'étude a proposé qu'un régime d'émission de permis à contingents ou de droit de quasi-propriété se fonde sur trois principes : le permis doit être lié au pêcheur, comme un titre de quasi-propriété, plutôt qu'au navire; il doit indiquer une limite de prises ou, si ce n'est pas possible, comporter une limitation de la capacité du bateau et des engins de pêche; les quotas de poisson ou la capacité de pêche autorisée par le permis doivent être divisibles et transférables (par vente ou échange), sous réserve de certaines conditions, et assujettis à un contrôle quasi judiciaire. En faveur de ce concept, le rapport énumère les avantages suivants :

- Cette solution donne aux pêcheurs ou aux entreprises une idée précise du volume de poisson qu'ils ont le droit de pêcher et leur permet de prendre des décisions d'investissement à long terme susceptibles de diminuer leurs frais d'exploitation, ce qui réduit la surcapacité en éliminant la tendance au surinvestissement.

- Elle permet à un pêcheur qui désire augmenter le volume de ses prises d'acheter une partie ou la totalité du permis d'un autre pêcheur; le transfert des permis et le remplacement des navires se feraient automatiquement, et l'excès de capacité se résorberait progressivement.

- Elle entrave moins l'emploi de nouvelles techniques puisque le gouvernement n'aurait pas à réglementer l'accès à la « propriété commune ». Elle inciterait les pêcheurs à employer les méthodes de pêche les plus rentables au lieu de celles qui leur assurent un maximum de prises.

- Elle permet à celui qui a des intérêts dans l'industrie de transmettre ceux-ci à un héritier ou de réaliser un profit sur la vente de son permis lorsqu'il prendra sa retraite.

- Elle encourage l'exploitation rationnelle des ressources en éliminant la concurrence effrénée pour le partage d'un contingent commun.

- Elle matérialise le principe du permis unique. Le pêcheur pourrait acquérir des contingents pour diverses espèces et divers types de pêches — pourvu qu'il trouve quelqu'un qui lui vende, lui échange ou lui loue son permis —, ce qui lui permettrait de diversifier la nature de ses prises lorsque c'est nécessaire.

- Elle élimine la nécessité des clauses de participation imposées actuellement dans nombre de pêches. Si la demande de certaines espèces était forte, aucun pêcheur ne laisserait son quota sous-exploité alors qu'il peut en louer ou en vendre la totalité ou une partie(11).

Pour en revenir aux quotas individuels, voici, en résumé, les avantages que, selon le rapport, ils présentent :

- Coût de récolte minimum, d'où revenus plus élevés et meilleure position concurrentielle de l'industrie de la pêche à l'échelle internationale.

- Exploitation plus ordonnée des ressources (la tendance à maximiser les prises disparaissant, les quantités pêchées correspondront mieux aux capacités de traitement des usines et à la demande du marché). Bien sûr, les pêcheurs continueraient de pêcher aux époques où les prises sont le plus abondantes, de sorte que certaines pêches connaîtraient toujours des périodes de pointe (la pêche de la morue à la trappe, à Terre-Neuve, par exemple).

- Forte réduction des règlements en matière d'équipement : les pêcheurs seraient libres d'employer les moyens qu'ils jugent les meilleurs pour pêcher leur quota.

- Contrôle automatique du nombre de pêcheurs, grâce à l'achat ou à l'échange des contingents individuels, selon les limites que le gouvernement déciderait, après consultation, d'imposer. À l'heure actuelle, pour limiter le nombre des pêcheurs, on interdit, par exemple, la délivrance de nouveaux permis(12).

Les quotas individuels ont aussi leurs inconvénients, comme les décrit le Groupe d'étude :

- Cette solution n'a jamais été mise à exécution; elle peut avoir des effets néfastes imprévus. On peut réduire ce risque en tentant des essais et en prenant avis.

- Elle est peut-être impraticable dans certains types de pêches et pour les navires en deçà d'une certaine taille.

- Elle pose le problème très difficile de la répartition initiale des permis à contingents individuels.

- Elle attribue explicitement au permis une valeur monétaire correspondant à son prix de vente. Cela peut limiter en partie l'accès à la pêche, mais le système actuel basé sur la limitation du nombre de permis peut constituer un obstacle tout aussi grand et arbitraire.

- Elle tend à réduire graduellement le nombre de pêcheurs, au fur et à mesure que ces derniers décident de vendre leurs permis à contingents individuels. Cela peut éliminer des pêcheurs dans des régions où les autres possibilités d'emploi sont limitées; par contre, c'est le pêcheur qui prend lui-même la décision et, dans la majorité des cas, les pêcheurs qui restent verront leur revenu augmenter(13).

D'autres préoccupations que soulèvent les quotas seraient, en réalité, des « malentendus » au sujet du principe, plutôt que des lacunes.

LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA PÊCHE DU POISSON DE FOND
DE LA RÉGION DE SCOTIA-FUNDY [GROUPE HACHÉ], 1989

Le Groupe de travail sur la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy (également appelé le Groupe de travail Haché) a été créé par le ministre des Pêches et des Océans, en juillet 1989. Son rapport, qui a été rendu public en décembre 1989, comporte 31 recommandations visant à changer la manière dont est gérée la pêche du poisson de fond de l'Atlantique dans la région de Scotia-Fundy(14). La région présentait, semble-t-il, deux problèmes de fond : un déclin des stocks et une capacité croissante de pêche. Le Groupe a fait remarquer que les règles visant le remplacement des navires n'avaient pas réussi à limiter la capacité globale de pêche et conclu que, bien que ces règles aient été modifiées peu auparavant, les pêcheurs s'adonnant à une pêche compétitive orienteraient toujours leurs investissements dans les secteurs non réglementés (par exemple des moteurs plus puissants et de meilleurs engins) pour accroître leurs prises(15). Le Groupe de travail a conclu qu'il faudrait mettre en place, afin de prévenir tout autre surinvestissement, un système qui permette un ajustement continu. Les navires de moins de 65 pieds de longueur autorisés à utiliser des engins mobiles ont été jugés comme la source la plus névralgique de surcapacité au sein de la flottille de pêche côtière(16). Parmi les solutions que le Groupe a avancées pour cette catégorie de navires, mentionnons un contingentement par bateau assorti de dispositions de mise en commun ou d'association, des contingents individuels transférables et des dispositions permanentes pour un système autofinancé de retrait des permis(17).

En résumé, le Groupe de travail favorisait l'établissement de quotas individuels et faisait la remarque suivante :

Alors que les contingents individuels (CI) ou les contingents individuels transférables (CIT) seraient nouveaux pour la flottille côtière de pêche au poisson de fond de Scotia-Fundy, ils n'en ont pas moins été mis à l'essai. Le régime d'allocation à l'entreprise (AE) pour la pêche hauturière, mis en oeuvre avec succès dans les pêcheries de l'Atlantique depuis 1982, est un exemple de cette stratégie qui donne le permis de récolter un volume précis de poisson par année. On retrouve des ententes similaires aux pêcheries côtières de poisson de fond de la côte ouest de Terre-Neuve, aux pêcheries du lac Érié, à la pêche hauturière à la pétoncle de Scotia-Fundy et à la pêche du hareng à la seine de la baie de Fundy. Il a été prouvé que ces arrangements ont une influence sur le problème fondamental que constitue le surinvestissement dans le cadre de la « course au poisson ».

Des stratégies similaires fondées sur les CI et sur les CIT et tentant d'apporter des solutions aux mêmes problèmes de fond, remportent le même succès dans d'autres parties du monde, notamment en Islande, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Actuellement, le ministère [des Pêches et des Océans] est en train de mettre en oeuvre d'autres études sur l'applicabilité, aux autres pêcheries canadiennes, des méthodes fondées sur les contingents individuels(18).

LE GROUPE D'EXAMEN DE LA MORUE DU NORD [GROUPE HARRIS], 1990

En février 1989, le gouvernement fédéral a établi un Groupe d'examen de la morue du Nord composé de sept membres afin d'étudier d'éventuels facteurs susceptibles d'affecter les stocks, les calculs à la base des conseils scientifiques fournis par le Comité scientifique consultatif des pêches canadiennes dans l'Atlantique (CSCPCA) pour 1989, ainsi que les données et les méthodes utilisées pour évaluer et prévoir les prises depuis 1977, pour faire en sorte que les décideurs disposent de conseils scientifiques fiables pour gérer la pêche en 1990 et au-delà. Un rapport provisoire a été rendu public en mai 1989. Lorsqu'il a rendu public le rapport final du Groupe d'examen (le groupe Harris), en mars 1990, le ministre des Pêches et des Océans en a accepté les principes fondamentaux, ainsi que la plupart de ses 29 recommandations(19).

Bien que le Groupe ait été convaincu que la méthode des allocations aux entreprises, si elle était menée jusqu'au bout (c'est-à-dire si une allocation était attribuée à chaque pêcheur), aboutirait à ce qu'il qualifiait de cauchemar sur le plan de l'administration et de la gestion, il a affirmé qu'appliquée dans un cadre plus limité, cette méthode permettrait de faire une récolte plus ordonnée, c'est-à-dire de pratiquer une pêche cadrant mieux avec les conditions du marché. Les autres avantages inclueraient la réglementation indirecte de l'investissement dans des navires, des engins et de l'équipement de transformation, de sorte que cet investissement serait directement fonction de la disponibilité de la ressource(20). M. Harris prévenait toutefois le ministre que le contingentement « encouragerait la sous-déclaration des prises, un bon triage et d'autres pratiques et, par conséquent, exigerait une surveillance nettement accrue et une application plus stricte des règlements »(21).

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES POLITIQUES
DE DÉLIVRANCE DES PERMIS ET LES POLITIQUES CONNEXES
DU MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

Cette dernière commission a été mise sur pied par des organismes de l'industrie de la pêche de la côte ouest en raison du « malaise » que suscite chez eux un document régional interne de travail du ministère des Pêches et des Océans, intitulé Vision 2000. Lors d'audiences tenues en bonne et due forme dans plus de 20 localités, les membres de l'industrie ont été priés de présenter des solutions de rechange aux propositions faites dans Vision 2000 à l'égard des programmes existants de délivrance de permis(22). Les recommandations faites par la suite dans un document intitulé The Fisherman's Report (le « rapport Cruickshank ») témoigneraient des vues des pêcheurs(23). Le rapport était commandité par huit organismes industriels dans un climat qui a été dit « d'indépendance la plus totale ».

Le rapport a pour prémisse fondamentale que tout va bien pour la ressource de propriété commune et qu'elle présente d'excellentes possibilités pour favoriser la croissance de l'emploi, de la valeur commerciale et des avantages sociaux. Les propositions sont faites dans un seul but : protéger et mettre en valeur la pêche. Un point important de discorde avec le document Vision 2000 est l'affirmation, dans ce dernier, que les quotas individuels et les allocations aux entreprises sont deux solutions à faible coût, voire sans coût, prometteuses pour éliminer la surcapacité de pêche(24). The Fisherman's Report brosse un tableau fort différent de la pêche du Pacifique et demande que l'on mette fin au régime des permis de location et à l'acquisition de permis par des entreprises. Les permis de location violeraient un principe légal, tandis que la propriété des permis par des entreprises concentrerait l'industrie dans quelques centres urbains. Les auteurs du rapport préconisent un programme de délivrance des permis qui obligerait l'industrie, sur une période de dix ans, à faire la transition vers le pêcheur exploitant, recommande un remaniement complet des frais de délivrance de permis et, en règle générale, s'oppose aux quotas individuels. De plus, ils conseillent la création d'un nouvel organe consultatif représentant les pêcheurs, les propriétaires, les titulaires de permis et les transformateurs afin de mettre fin au manque de consultation qui, au départ, a donné naissance au rapport.

 


(1) La Commission Pearse, nommée par le gouverneur général en conseil le 12 janvier 1981, avait pour mandat de trouver des moyens d’améliorer la conjoncture des pêches canadiennes dans le Pacifique. La Commission a publié, en novembre 1981, un rapport préliminaire, intitulé Le POUR et le CONTRE : Vers une politique nouvelle sur les pêches canadiennes du Pacifique. Enfin, en septembre 1982, elle publiait son rapport final, intitulé Pour remonter le courant : Une nouvelle politique des pêches canadiennes du Pacifique.

(2) Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, exercice financier clos le 31 mars 1986, Approvisionnements et Services Canada, 1986, paragraphes 10.20 et 10.21.

(3) Commission sur la politique des pêches du Pacifique (1982), p. 88.

(4) Ibid., p. 137-166.

(5) Ibid., p. 96.

(6) Ibid.

(7) Ibid.

(8) Groupe d'étude des pêches de l'Atlantique (1982), p. vii.

(9) Ibid., p. 239-246.

(10) Ibid., p. 257-364.

(11) Ibid., p. 237.

(12) Ibid., p. 243.

(13) Ibid., p. 237-238.

(14) Groupe de travail sur la pêche du poisson de fond de la région de Scotia-Fundy, Rapport, Approvisionnements et Services Canada, décembre 1989, p. 78. Sur instruction du ministre des Pêches, un comité consultatif sur la capacité de la région de Scotia-Fundy a été établi en juin 1987 comme condition préalable à la levée d'un moratoire sur les permis de pêche de poisson de fond inutilisés dans cette région. Dans son rapport du 10 novembre 1988, le comité a jugé que la capacité de pêche pouvait avoir pour effet de quadrupler l'effort de pêche requis pour récolter les prises autorisées.

(15) Ibid., p. 57.

(16) Ibid., p. 59.

(17) Ibid., p. 62. Des quotas individuels ont par la suite été mis en application.

(18) Ibid., p. 6.

(19) L. Harris et al., Étude indépendante sur l'état des stocks de morue du Nord : Rapport final, février 1990. Trois des recommandations ne pouvaient être appliquées d'emblée; il s'agissait d'une réduction supplémentaire du TPA de 1990, de la création d'un nouvel office ou d'une nouvelle commission de gestion des pêches et de la décision unilatérale, par le Canada, d'acquérir des droits de gestion des stocks qui chevauchent la limite de 200 milles.

(20) Ibid., p. 116.

(21) Ibid.

(22) Vision 2000 devait être remanié à des fins de consultations régionales. Le document décrit ce que sera la pêche du Pacifique au début du XXIe siècle; il envisage un avenir qui, selon l'auteur, cadre entièrement avec les réformes de la réglementation recommandées par le Groupe de travail Nielsen, en 1984, par la Commission sur la politique des pêches du Pacifique, en 1982, et par le Conseil économique du Canada, dans son rapport de 1981 (p. 4). La notion de droit de propriété dont seraient assorties toutes les pêches représente la stratégie à long terme requise pour soutenir une industrie de la pêche rentable et autofinancée sur la côte ouest. Pour réaliser cet objectif, l'une des mesures à brève échéance citées est la mise en oeuvre d'un contingentement des bateaux dans toutes les pêches, exception faite du saumon (p. 28). Ministère des Pêches et des Océans, Direction de la planification des programmes et de l'économie, Pacific Region Strategic Outlook. Vision 2000: A Vision of Pacific Fisheries at the Beginning of the 21st Century, Avant-projet à des fins de discussion, juin 1989.

(23) Commission d'enquête sur les politiques de délivrance des permis et les politiques connexes du ministère des Pêches et des Océans, The Fisherman's Report, Victoria (C.-B.), Fleming Printing Ltd., novembre 1991, p. 7. L'ébauche interne a fait l'objet d'une fuite. Selon Don Cruickshank, le seul commissaire de cette commission, peu de pêcheurs croient que le document Vision 2000 devait servir uniquement de document de travail. Il est plutôt perçu comme un énoncé de politique et, en fait, comme une politique qui en est déjà à divers stades de mise en oeuvre (p. 6). Les pêcheurs auraient jugé le document [du ministère] vague et incomplet, élaboré sans consultation de l'industrie et principalement axé sur la recherche de programmes de réduction des coûts du ministère plutôt que sur l'aide à l'industrie. Voir T.J. Doherty, « Industry's Man Tackles B.C. Licence Issues », Pacific Fishing, mars 1992, p. 26.

(24) Ibid., p. 8-9.