BP-361F

 

RÔLE ET EFFICACITÉ DES COMITÉS DU SÉNAT

 

Rédaction :
Brian O'Neal
Division des affaires politiques et sociales
Juin 1994


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LE RÔLE DES COMITÉS DU SÉNAT

ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES COMITÉS DU SÉNAT

LES COMITÉS SPÉCIAUX DES ANNÉES 60 ET 70

   A. Comité spécial du Sénat sur la pauvreté (le Comité Croll)

      1. Contexte

      2. Audiences

      3. Rapport

      4. Coûts

      5. Influence

   B. Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse
        (le Comité Davey)

      1. Contexte et audiences

      2. Rapport

      3. Coûts

      4. Efficacité

   C. Comité sénatorial de la politique scientifique
        (le Comité Lamontagne)

      1. Contexte

      2. Déroulement des travaux

      3. Coûts

      4. Efficacité

COMITÉS DU SÉNAT APRÈS 1980

COMPARAISON DES COMITÉS DU SÉNAT ET DES COMMISSIONS ROYALES

   A. Commissions royales

      1. Rôle

      2. Efficacité

      3. Coûts

   B. Comités sénatoriaux et commissions royales :
       Avantages et inconvénients

CONCLUSIONS ET OBSERVATIONS

   A. Rôle du leader du gouvernement au Sénat

   B. Caractère approprié des sujets

   C. Dévouement des présidents

   D. Attitude favorable du gouvernement

   E. Appui des médias et du public

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


RÔLE ET EFFICACITÉ DES COMITÉS DU SÉNAT

Les débats du Sénat sont truffés de lamentations de sénateurs qui croient qu’on néglige leurs talents exceptionnels, mais leur désir d’assumer de lourdes tâches pour servir le public n’est guère convaincant. En effet, si certaines activités sont interdites au Sénat, il a le champ libre dans bien d’autres domaines. [...] Par exemple, il est loin d’avoir exploité au maximum ses pouvoirs d’enquête. La meilleure recommandation qu’il puisse avoir ne sera pas le panégyrique peu convaincant de ses membres, mais bien de l’exercice efficace des fonctions qui lui incombent(1).

Le Sénat qu’ils [ses détracteurs] ont condamné n’existe plus. Il a disparu depuis quelque dix ans, et la réforme a débuté discrètement à sa manière. Cette réforme s’accomplit de l’intérieur. À mon avis, le Sénat ne possède aucune imperfection qu’un surplus de travaux et de responsabilité ne pourrait éliminer. Nous n’avons encore jamais été mis à l’essai et nos virtualités n’ont encore jamais été éprouvées. Il est temps que nous cessions d’excuser le Sénat, surtout celui qui n’existe plus(2).

INTRODUCTION

Pour ce qui est de s’attirer les critiques et la dérision, le Sénat a fait preuve d’un talent virtuellement inégalé par les autres institutions gouvernementales du Canada. La Chambre haute a été qualifiée tour à tour d’assemblée non représentative du peuple canadien, de « groupe de lobbying » des élites du monde des affaires du pays(3), d’organisme n’ayant de compte à rendre à personne et d’institution antidémocratique. Et cette litanie négative, rarement interrompue par un défenseur, a suscité un mouvement croissant de réforme du Sénat qui vise à corriger les lacunes qui lui sont reprochées. À l’heure actuelle, après l’échec de deux importantes tentatives de renouvellement constitutionnel qui comprenaient notamment des propositions d’envergure en vue de réformer le Sénat, la voix de ceux qui réclament l’abolition pure et simple de l’institution est plus forte que jamais(4). Bien des Canadiens estiment que la Chambre haute n’a plus de rôle utile à jouer en ce qui a trait à l’administration du pays.

Cela dit, il est un aspect du Sénat, et de ses travaux, que la plupart des critiques oublient, et dont bien peu de Canadiens sont conscients. Si la chambre haute elle-même a vu son prestige décliner, ses comités ont par contre mérité, de la part d’observateurs qui suivent de près les activités de l’institution, des louanges pour leur contribution à la vie publique du pays. Comme C.E.S. Franks l’admet, les comités du Sénat ont une bien meilleure fiche qu’on ne le reconnaît généralement(5).

Ceux qui connaissent bien les travaux de ces comités n’ont pas été avares d’éloges à leur égard. On a félicité les sénateurs qui y siègent pour leur diligence et pour leur aptitude à mettre leurs connaissances et leur expérience à profit afin d’étudier des questions qui leur sont soumises. Les raisons d’une telle situation sautent aux yeux pour peu qu’on compare globalement les comités du Sénat à ceux de la Chambre des communes. À la Chambre haute, la composition des comités est stable, ce qui permet aux membres de ces derniers d’acquérir de la compétence et de l’expérience dans leurs domaines de responsabilité; de plus, comme ils ne sont pas accaparés par leurs devoirs envers leurs commettants, les sénateurs peuvent, plus que les députés, consacrer plus de temps à leur travail en comité(6). En outre, l’atmosphère est moins partisane dans les comités du Sénat que dans ceux de la Chambre des communes et les recommandations qu’ils font, et les actes qu’ils posent, sont moins menaçants pour le gouvernement. La combinaison de ces facteurs fait que les comités du Sénat sont en mesure d’apporter des éléments utiles pour surmonter les problèmes qui se posent à la société canadienne et proposer des solutions originales. Même certains des pires détracteurs du Sénat ne se font pas prier pour reconnaître l’utilité des comités sénatoriaux(7).

Compte tenu de ces observations, nous nous penchons de plus près, dans le présent document, sur les comités sénatoriaux afin de déterminer le ou les rôles qu’ils jouent et d’établir comment ils peuvent efficacement y parvenir. Il existe plusieurs types de comités sénatoriaux(8), mais nous nous concentrons sur les comités spéciaux, et plus particulièrement sur trois d’entre eux, qui ont oeuvré à la fin des années 60 et au début des années 70. Il y a deux raisons à notre choix, la première étant que la plupart des critiques favorables aux comités sénatoriaux font allusion à ces trois comités-là(9). Il est donc logique qu’une recherche sur le ou les rôles auxquels les comités du Sénat se prêtent le mieux se concentre sur les cas où ils ont été réputés avoir obtenu les meilleurs résultats. La deuxième raison de notre choix, c’est l’avis du Professeur Robert Jackson, selon lequel,

Le Sénat devrait concentrer son attention sur l’étude d’importants problèmes à long terme, en tenant des audiences et en mettant à profit ses services de recherche pour explorer davantage des perspectives d’avenir(10).

Les trois comités spéciaux sur lesquels nous nous penchons sont le Comité spécial du Sénat sur la pauvreté (le Comité Croll), le Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse (le Comité Davey) et le Comité sénatorial spécial de la politique scientifique (le Comité Lamontagne); nous verrons qu’ils se sont tous acquittés des fonctions préconisées par le Professeur Jackson.

Nous entreprenons notre étude en faisant un exposé général sur le rôle des comités du Sénat et sur les critères propres à évaluer leur efficacité, de façon à situer l’examen de chacun des trois comités spéciaux susmentionnés. Ensuite, après avoir fait un bref survol des enquêtes récemment menées à bien par des comités sénatoriaux, nous examinons la suggestion selon laquelle les comités du Sénat pourraient assumer des tâches actuellement confiées par le gouvernement à des commissions royales. Nous en arrivons enfin à des ébauches de conclusions à partir de cet examen du rôle et de l’efficacité des comités du Sénat.

LE RÔLE DES COMITÉS DU SÉNAT

Dans son ouvrage de 1965, qui fait autorité sur le Sénat, le Professeur F.A. Kunz a donné l’une des rares descriptions des tâches que les comités de la Chambre haute devraient accomplir. À son avis, les principaux rôles de ces comités sont au nombre de trois :

  • légiférer; selon Kunz, c’est peut-être leur rôle premier, et aussi le plus évident, car les comités ont pour tâche d’étudier les dispositions particulières d’un projet de loi de façon compétente, en prenant le temps voulu(11);

  • éplucher les comptes publics et les prévisions budgétaires des ministères; et

  • enquêter. Kunz souligne que ce rôle englobe des enquête non partisanes sur des problèmes d’intérêt commun. Selon lui, cette fonction peut être confiée aussi bien à des comités permanents qu’à des comités spéciaux(12).

Kunz a aussi reconnu que les comités du Sénat pourraient jouer plusieurs rôles secondaires, en servant notamment de tribunes où formuler des intérêts.

Le premier de ces rôles, soit l’étude des aspects particuliers des projets de loi, est resté important, mais il est moins essentiel qu’avant, puisque les talents de législateur du gouvernement se sont améliorés(13). L’épluchage des comptes publics et des prévisions budgétaires continue d’être un rôle important des comités sénatoriaux, mais moins crucial que le troisième, celui d’enquêter(14). Ce sont donc sur les rôles d’enquêteur et de tribune d’expression d’opinions sur des questions importantes que jouent les comités que nous nous attarderons dans ces pages.

Il convient de souligner que certains rejettent l’idée que les comités sénatoriaux se prêtent à des fonctions d’enquête. Le Sénateur Grattan O’Leary, un éloquent représentant de cette tendance, avait fait valoir l’argument suivant lors d’un débat à la Chambre haute :

Je me suis toujours opposé au leader du gouvernement quand je croyais qu’il cherchait à faire du Sénat un organisme enquêteur. Ce n’est pas non plus notre rôle. Nous avons peut-être des comités permanents, mais la création d’un comité spécial chargé de mener une enquête sur telle question n’entre pas du tout dans les fonctions du Sénat. Notre travail ici est d’étudier les mesures législatives. Voilà notre rôle et cela nous suffit. Nous n’avons aucune autre tâche aux termes de la constitution(15).

ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES COMITÉS DU SÉNAT

Les exposés généraux sur l’importance des travaux des comités sénatoriaux abondent, mais personne ne s’est encore attelé à la tâche bien plus exigeante d’en faire l’évaluation méticuleuse et détaillée nécessaire pour les évaluer à leur juste valeur. Cela s’explique peut-être en partie par le fait qu’il est difficile de savoir exactement comment définir et mesurer l’efficacité des comités. Le Comité de liaison de la Chambre des communes a d’ailleurs reconnu ce problème récemment, quant il a fait sa première évaluation de l’efficacité des comités de la Chambre(16) : il a dû commencer par établir les critères d’une telle évaluation. Globalement, il a conclu que l’efficacité d’un comité est fonction de son influence sur les actions ou le comportement du gouvernement(17). Cela dit, il n’est toujours pas facile d’évaluer l’efficacité des comités, comme le Comité de liaison lui-même l’a reconnu dans ses rapports que les normes d’efficacité varient selon l’observateur(18).

L’idée que l’efficacité des comités devrait être fonction de leur capacité d’influencer le gouvernement est plutôt limitative. Si l’évaluation devait se fonder sur ce seul critère, il est très probable qu’un constat d’échec serait le lot de nombreux comités. Là encore, Kunz éclaire la situation en soulignant que les comités jouent deux rôles importants qui peuvent servir à mesurer leur efficacité. Le premier consiste à faire des recommandations pour que le gouvernement prenne des mesures, et le second à sensibiliser l’opinion à une question en exposant une situation ou un problème et en publiant les résultats de enquêtes(19). À cet égard, le succès ou l’efficacité des comités peut, selon Kunz, « être mesuré par l’effet que leurs recommandations ont eu sur les gestes posés par la suite par le gouvernement »(20). Kunz fait toutefois une réserve en disant qu’il peut s’écouler plusieurs années avant que les recommandations d’un comité soient adoptées par le gouvernement; il conclut toutefois sur une note optimiste en déclarant que, si les recommandations sont valables et bien formulées, elles seront adoptées tôt ou tard(21).

Quand aux comités qui essaient d’atteindre le second objectif, Kunz estime que :

leur véritable intérêt est l’effet éducatif à long terme qu’ont les éléments qu’ils ont accumulés et l’information sur leurs travaux. Ils [les comités] ne sont pas des panacées, mais ils contribuent à l’étude du sujet et amorcent des discussions plus poussées au Parlement, dans les ministères intéressés et dans le grand public. Leur champ d’action optimal se situe dans les domaines où les problèmes sont encore trop peu définis, trop controversés ou trop difficiles à cerner pour que les solutions soient simples et directes(22).

Bref, en l’absence de mesures empiriques précises, les critères suivants peuvent servir à évaluer l’efficacité des comités :

  • degré d’influence sur les actions du gouvernement;

  • sensibilisation du public;

  • développement de la compréhension de questions complexes; et

  • création d’une tribune d’expression d’opinions.

LES COMITÉS SPÉCIAUX DES ANNÉES 60 ET 70

C’est particulièrement au cours des années 60 et 70 que le Sénat s’est imposé par ses enquêtes en profondeur sur des questions d’envergure qui avaient longtemps été négligées dans les grandes politiques gouvernementales. On entend surtout par ces enquêtes les études et les rapports des « comités spéciaux » du Sénat(23).

Les comités spéciaux auxquels Janet Marie McCauley fait illusion ont été créés à la fin des années 60 et au début des années 70 pour enquêter sur plusieurs grands problèmes avec lesquels le Canada était alors aux prises : la pauvreté, la puissance croissante des moyens de communication de masse et la nécessité, pour le pays, de se doter d’une politique scientifique nationale. Ces trois comités se sont tous distingués par la qualité de leurs recherches, par leur contribution à la sensibilisation des Canadiens et par leur influence sur la politique gouvernementale. Et comme nous l’avons déjà dit, ils ont reçu et continuent de recevoir des éloges de tout le monde pour leurs réalisations.

   A. Comité spécial du Sénat sur la pauvreté (le Comité Croll)

      1. Contexte

La création d’un comité spécial sur la pauvreté au Canada découle d’une recommandation figurant dans le Cinquième exposé annuel du Conseil économique du Canada (CEC), publié en 1968. Après avoir souligné qu’un enquête antérieure d’un comité du Sénat sur l’utilisation des terres avait mené à l’adoption de la Loi de 1961 sur la remise en valeur et l’aménagement des terres agricoles, le CEC a déclaré ce qui suit :

Il serait possible de trouver au Canada et à l’étranger de nombreux experts pour comparaître devant un comité du Sénat, dont les travaux pourraient être secondés par un petit groupe de chercheurs compétents. Un tel comité pourrait, par ses travaux, aider à définir et à élucider le problème de la pauvreté au Canada et à obtenir l’appui de la population en faveur d’un meilleur ensemble de mesures remédiatrices(24).

Cette recommandation du Conseil économique a été cruciale, car elle a virtuellement garanti non seulement qu’un comité sénatorial ferait enquête sur la pauvreté, mais aussi que les travaux et les recommandations du comité seraient pris au sérieux par le gouvernement de l’heure. Comme l’expert sur la pauvreté, Donald Bellamy, l’a fait remarquer à l’époque,

Les conclusions du Conseil et ses recommandations sur cette question ont semblé avoir un impact remarquable; elles émanaient d’un organisme prestigieux d’experts avec lequel le nouveau gouvernement du premier ministre Trudeau avait une affinité et pour lequel il ne pouvait qu’avoir de l’admiration(25).

La probabilité que le Sénat réagisse favorablement à la proposition du Conseil ? et que ses travaux dans ce domaine aient de l’influence ? était d’ailleurs renforcée par d’autres facteurs. Aux États-Unis, la « Guerre contre la pauvreté » menée par le Président Lyndon Johnson avait fait progresser l’idée que ce fléau pouvait être la cible d’une action gouvernementale, et, en 1965, le gouvernement du Canada avait déclaré avoir des intérêts analogues. Le Sénat s’est donc mis à l’oeuvre dans un contexte très favorable, car le pays était prêt pour une étude de ce genre. De plus, l’attention du public et des médias ? et par extension celle du gouvernement ? était un fait acquis.

Le 8 octobre 1968, le Sénateur David Croll a réagi directement aux recommandations du CEC en proposant la création d’un comité sénatorial spécial chargé d’enquêter sur le problème de la pauvreté; le 26 novembre, le Sénat lui a donné son aval.

Dans sa motion, le sénateur Croll a précisé que l’idée ne lui était pas venue du ciel, car il pensait déjà sérieusement à la pauvreté depuis longtemps et avait accumulé des renseignements sur la question, de sources tant gouvernementales que privées. Il a indiqué que malgré tous ses efforts , il avait été incapable d’aboutir à des conclusions et que le rapport et les recommandations du CEC l’avaient incité à agir(26). Il vaut la peine de citer un long extrait de son discours au Sénat. S’il pressait ses collègues de l’appuyer, c’était, disait-il :

pour une raison particulière bien propre à recueillir l’assentiment du pays : c’est que nous sommes les mieux qualifiés pour le faire. Si l’on nommait une commission royale, il faudrait lui constituer un personnel, une équipe, tout comme à nous. Cette équipe comprendrait sans doute deux ou trois personnes capables et averties, bien au courant des données de ce problème. Or nous avons déjà, dans cette Chambre, des hommes éclairés, expérimentés et compétents; de plus, nous pourrions faire participer à notre comité des représentants de toutes les provinces(27).

En disant qu’il y avait au Sénat des hommes éclairés, expérimentés et compétents, le Sénateur Croll pouvait s’inclure dans le groupe. Il avait en effet une grande compétence pour entamer une étude sur la pauvreté, un sujet qui l’intéressait personnellement. Il avait été maire de la ville de Windsor, en Ontario, pendant la Crise de 1929, soit à une époque où les municipalités du Canada avaient assumé la plus grande partie du fardeau de l’aide sociale. Par la suite, il avait déjà présidé deux comités spéciaux, et cette expérience lui avait permis d’élargir ses connaissances en matière de politique sociale et d’acquérir les aptitudes nécessaires pour mener une enquête sur la pauvreté. En effet, il avait présidé en 1961, le Comité spécial sur la main-d’oeuvre et l’emploi, au rapport et aux recommandations duquel on attribue le mérite de la création, en 1966, du ministère de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration(28). Il avait ensuite dirigé le Comité spécial du Sénat sur le vieillissement, dont le rapport et les recommandations, rendus publics en février 1966, avaient eu un effet sensible sur la politique gouvernementale à l’égard des Canadiens âgés(29). Et les membres du conseil des ministres de M. Trudeau respectaient le Sénateur Croll, de sorte que le gouvernement allait sûrement écouter ce qu’il aurait à dire sur une question aussi importante que la pauvreté. Bref, comme Colin Campbell l’a souligné, il avait une influence considérable au conseil des ministres et au Parti libéral(30).

En outre, la proposition du Sénateur Croll bénéficiait de l’appui de Paul Martin, leader du gouvernement au Sénat et ami personnel de longue date du proposeur (ils étaient tous deux de Windsor). La participation du Sénateur Martin au projet a été cruciale(31); il avait été ministre fédéral de la Santé et du Bien-être social pendant onze ans, et cette expérience l’avait renseigné, lui avait donné un point de vue unique sur la question de la pauvreté et lui faisait accueillir le projet de son collègue David Croll avec sympathie. De plus, comme membre du conseil des ministres de Pierre Elliot Trudeau, il avait suffisamment d’influence pour contribuer encore davantage à l’impact des recommandations du futur Comité Croll.

C’est dans ce contexte favorable que le Comité spécial sur la pauvreté a été créé par le Sénat, le 26 novembre 1968. Il était composé de 16 membres, y compris un président et un vice-président.

      2. Audiences

L’un des aspects les plus significatifs des travaux du Comité ? peut-être plus important encore que le rapport final et les recommandations de ce dernier ? demeure la série de 93 audiences publiques qu’il a tenues du 22 avril 1969 au 10 novembre 1970. Ces audiences se sont déroulées dans chacune des dix provinces, ainsi qu’au Yukon, et elles ont beaucoup attiré l’attention du public et des médias. Par suite de la publicité qu’elles ont générée, la réaction du public a été telle que le Sénateur Croll a dû souvent diviser le Comité en deux pour que tous ceux qui voulaient comparaître devant lui puissent le faire. À la fin, le Comité avait reçu 209 mémoires et entendu 810 témoins.

Les médias ont joué un rôle clé dans le succès du Comité Croll. Le ton global des reportages a été positif et n’a nullement laissé entendre que les sénateurs n’avaient peut-être pas la compétence nécessaire pour étudier la pauvreté et faire des recommandations sur les moyens de la combattre. Les journalistes ont informé le public non seulement au sujet de ce qui s’est passé au cours des audiences, mais aussi au sujet des autres activités des membres du Comité, comme leur visite des taudis d’Halifax et des cellules de la prison de Charlottetown. Le tableau ainsi brossé a montré des sénateurs profondément engagés, qui tenaient à résoudre le problème sur lequel ils enquêtaient. Par exemple, un journal a souligné que rien n’obligeait les sénateurs à consacrer du temps et des efforts à une enquête comme celle-là, en précisant qu’ils touchaient 15 000 $ par année, qu’ils travaillent ou pas. Et le même article citait ? sans donner son nom ? un sénateur qui avait dit siéger au Comité parce qu’il voulait faire quelque chose pour combattre la pauvreté(32).

Les médias ont déclaré que l’importance des audiences publiques résultait du fait qu’elles avaient servi de catalyseur au débat public sur la pauvreté en constituant une tribune extrêmement utile où les victimes de la pauvreté et leurs défenseurs avaient tous pu faire valoir leur point de vue. Le comité Croll a ainsi favorisé une meilleure compréhension du problème et focalisé les efforts faits par des Canadiens vivant dans la pauvreté en vue de s’organiser. Comme l’a précisé le Toronto Star :

Avant le début des travaux du Comité, les sources d’information valables sur les mesures de bien-être social prises au Canada étaient rares, et le peu d’information existante n’allait à peu près pas au-delà de celle provenant des travailleurs sociaux.

Maintenant, on distribue des transcriptions intégrales des témoignages et des mémoires soumis au Comité dans tout le Canada, à des centaines de personnes, et notamment à la plupart des organisations de pauvres(33).

Le Comité a favorisé une nouvelle réflexion sur le problème de la pauvreté, et il a attiré plusieurs propositions importantes, ce qui a incité un commentateur à déclarer qu’une grande partie de ce qu’on avait communiqué au Comité était d’excellente qualité et contenait de l’information introuvable dans tout autre source publique(34). Un autre journal a informé ses lecteurs que :

En sept mois d’existence, le Comité a atteint l’un de ses trois principaux objectifs, en faisant de la pauvreté un sujet de conversation courant dans les cocktails et les réunions politiques, dépassant ainsi les espoirs de certains de ses membres(35).

Cela dit, les commentaires n’ont pas tous été louangeurs. Par exemple, Murray Goldblatt a écrit dans le Globe and Mail de Toronto que le niveau des questions des membres du Comité s’était rarement élevé au-dessus de la médiocrité. Il s’est aussi interrogé sur l’opportunité des travaux du comité en soulignant que le gouvernement se préparait à rendre public un Livre blanc sur la sécurité sociale en juin 1970, soit bien avant la conclusion de l’enquête sénatoriale(36). À l’époque, certains universitaires ont aussi porté des jugements très durs. Par exemple, un professeur de travail social, Donald Bellamy, a commenté les audiences du Comité en disant que, bien que la tournée ait eu des moments de vive émotion et qu’il y ait eu parfois des révélations, elle avait quelquefois semblé superficielle et artificielle, et que, dans ses pires moments, elle avait exposé des gens vulnérables à l’oeil du public(37).

      3. Rapport

Le rapport du Comité Croll (La pauvreté au Canada) a été rendu public en 1971. Il contenait plusieurs recommandations importantes, y compris celle de l’établissement d’un Revenu annuel garanti (RAG) et celle de la création d’un Conseil de la recherche sociale appliquée.

Globalement, le rapport a été bien accueilli. La presse en a fait l’éloge parce qu’il avait attiré l’attention du public sur un sujet dont la plupart des Canadiens auraient préféré ne pas parler. On l’a qualifié de franc, de raisonnable et de plein de compassion. Le ton d’un éditorial est typique de la réaction de la presse de l’époque :

Le Rapport Croll pourrait aller plus loin qu’on ne l’a fait jusqu’à présent pour favoriser une perception réaliste du problème [de la pauvreté] et faciliter l’émergence d’un consensus qui permettra aux gouvernements d’agir(38).

Pour sa part, le Montreal Star a conclu que l’importance du rapport n’était pas due à ses révélations sur la pauvreté, mais plutôt au fait qu’il légitimait les constatations déjà faites par d’autres(39). Enfin, le Globe and Mail a conclu que le rapport était la première démarche honnête au Canada en matière de pauvreté(40).

Néanmoins, le rapport a eu des détracteurs. Pendant que celui-ci était à l’état d’ébauche, le Comité avait éprouvé des difficultés avec certains des principaux membres de son personnel de recherche, qui étaient en si complet désaccord avec les sénateurs qu’ils se sont crus obligés de démissionner et de publier leur propre ouvrage sur la pauvreté au Canada. Un autre critique a déclaré que le rapport du Comité sénatorial était un document terre-à-terre, qui apportait peu de chose à la compréhension de la pauvreté ou de la société canadienne(41). Néanmoins, plutôt que de saper le prestige du Comité et de réduire l’impact de son rapport, ces critiques n’ont fait qu’attirer plus d’attention sur celui-ci et sur ses recommandations. L’oeuvre des sénateurs est rapidement devenue un best-seller parmi les publications gouvernementales(42).

      4. Coûts

Le Comité Croll a engagé des dépenses substantielles. De la date de sa création (le 26 novembre 1968) à la fin de la deuxième session de la 28e Législature, il a dépensé 497 904,46 $ [dont 83 504,79 $ ont été consacrés à la recherche](43). Pour la troisième session de la 28e Législature, ses dépenses se sont élevées à 372 695,78 $ [29 955,99 $ pour la recherche](44). Enfin, les dépenses qu’il a engagées pour terminer ses travaux, pendant la quatrième session de la 28e Législature, se sont élevées à 16 315,10 $(45). Le coût total de l’enquête du Comité spécial sur la pauvreté a donc été de 886 916,34 $, dont 113 460,78 $, soit 12,79 p. 100, ont été consacrés à la recherche. Pour mettre ces sommes en perspective, disons que le total des dépenses du Comité Croll pour son étude de la pauvreté équivaut à 3 736 488 $, en dollars de 1993. À l’époque, ces dépenses n’avaient soulevé virtuellement aucun commentaire, soit parce que personne ne s’y intéressait, soit parce qu’on estimait, au moins tacitement, que les travaux du Comité en valaient la peine.

      5. Influence

De toute évidence, le Comité Croll a eu une grande influence. C’est le fait que les pauvres et les organisations qui les représentaient s’étaient servis du Comité pour arriver à participer au processus décisionnel qui semble avoir attiré le plus d’attention. Le gouvernement s’était rendu compte que les pauvres avaient besoin de possibilités accrues d’influer directement sur le contenu des politiques conçues à leur intention, et c’est ce qui l’a incité à prendre la décision suivante :

Pour répondre aux besoins d’expression régulière d’opinions de ce genre, le gouvernement a réorganisé le Conseil national du bien-être social, l’organisme consultatif chargé d’assister le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. Les fonctionnaires qui siégeaient au Conseil ont été remplacés de façon que les pauvres soient fortement représentés. Par conséquent, le Conseil a obtenu l’autorisation officielle de critiquer les politiques et les mesures des organismes fédéraux et provinciaux de bien-être social(46).

Toutefois, comme nous l’avons laissé entendre, l’importance réelle du Comité s’est moins manifestée dans l’accueil que le gouvernement a réservé à ses recommandations que dans son rôle de catalyseur de l’organisation des pauvres au Canada et de tribune capable d’attirer l’attention sur la pauvreté :

Le résultat final de ses délibérations n’était pas encore connu que déjà l’on constatait d’importantes retombées pendant la tournée nationale d’audiences du Comité Croll. Pour la première fois, les organisations des pauvres avaient l’occasion de faire connaître publiquement leur opinion sur la pauvreté et sur la solution de ce fléau, et la plupart étaient assurées de pouvoir se faire entendre. Dans certains cas, cela a semblé contribuer à en faire des groupes plus unis et plus efficaces(47).

Il est clair que le Comité Croll a exercé un influence importante, bien qu’indirecte. Ses principales recommandations n’ont pas été mises en oeuvre, mais il reste que ses actions ont favorisé une prise de conscience de la pauvreté et de la détresse des pauvres au Canada. Il a apporté un appui d’une valeur incalculable aux efforts de ces derniers pour s’organiser, et le gouvernement a été amené à repenser et à réviser ses programmes à leur intention. Compte tenu des critères que nous avons précisés au début, nous pouvons conclure que le Comité Croll a été très efficace.

   B. Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse
        (le Comité Davey)

      1. Contexte et audiences

Le Comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse a dû son existence essentiellement à l’intérêt personnel de son président, le Sénateur Keith Davey. Par rapport au Sénateur Croll, celui-ci était alors un néophyte à la Chambre haute (le premier ministre Pearson l’avait nommé au Sénat en 1966 seulement) et, exception faite de son expérience comme vendeur de publicité pour une station de radio de Toronto, on ne pouvait pas dire qu’il connaissait aussi bien son sujet que le Sénateur Croll. La puissance des médias et leur concentration dans les mains d’une poignée de barons de la presse faisaient assurément l’objet d’une certaine inquiétude dans l’esprit du public, mais le Sénateur Davey ne bénéficiait pas d’un contexte aussi favorable que le Sénateur Croll. En fait, la qualité de la couverture dont le Comité Davey a bénéficié dans la presse a peut-être été largement due à l’importance de son sujet pour celle-ci ainsi qu’aux témoins en vue qu’il a attirés plutôt qu’aux qualités et aux antécédents de son président ou à l’opinion dominante à l’époque.

Le comité Davey a consacré 22 mois (dont cinq pour ses audiences publiques, du 9 décembre 1969 au 24 avril 1970) à son enquête sur le contrôle de l’influence des moyens de communication de masse du Canada. Pendant cette période, il a reçu des propositions d’environ 500 personnes et organismes et entendu 125 témoins, dont plusieurs Canadiens en vue, qui ont suscité beaucoup d’intérêt pour les audiences par leur témoignages. En effet, Robert Stanfield, Pierre Berton, Charles Templeton, Marshall McLuhan et les anciens premiers ministres Lester Peason et John Diefenbaker ont tous comparu devant le Comité. À l’époque, le chroniqueur Charles Lynch avait dit que, si cette brochette de témoins si connus ne mettait pas le Sénat sur la carte et ne faisait pas parler de lui dans la presse, rien d’autre ne pourrait y parvenir(48). D’après le Vancouver Sun, les audiences du comité étaient peut-être le spectacle public le plus intéressant au Canada(49).

Compte non tenu du coût des audiences publiques et du traitement des mémoires soumis, le Comité disposait au départ d’un budget de recherche d’environ 150 000 $. Cet argent a été consacré à des études sur la production d’émissions télévisées, sur les lois de la diffamation, notamment verbale, et sur la propriété, ainsi qu’à des analyses du contenu et la propriété des médias(50).

Comme il fallait s’y attendre, le Comité Davey a beaucoup retenu l’attention des médias. La couverture a été très favorable, du moins au début. L’extrait suivant d’un éditorial du Telegram de Toronto est typique de la réaction de la presse :

Lui [le Sénateur Davey] et le Sénat méritent des félicitations pour avoir trouvé cette occasion d’étudier un secteur qui touche tous les Canadiens(51).

Le Vancouver Sun a lui aussi publié des jugements favorables, bien qu’avec moins d’enthousiasme, en disant que la décision du gouvernement de créer le Comité spécial semblait susceptible de se révéler utile(52).

      2. Rapport

Après avoir mené son enquête à bien, le Comité Davey a déposé son rapport à la fin de 1970. Il a recommandé notamment que le gouvernement crée un conseil d’examen de la propriété de la presse pour freiner sa concentration dans le secteur et mette sur pied un fonds de prêts de développement pour les publications, à l’intention de ceux qui souhaiteraient se lancer dans le domaine. Le Comité a en outre avancé l’idée que les propriétaires créent un Conseil de la presse qui répondrait aux plaintes du public.

Dans l’ensemble, les critiques de l’extérieur des médias ont été favorables au rapport, quoique nuancées. Par exemple, l’économiste Robert R. Kerton a déclaré que le rapport était une étude qui donnait à penser(53), et qu’il contenait de nombreux éléments valables et peut-être essentiels pour l’avenir du Canada(54), ce qui ne l’a pas empêché de conclure que :

la nature modeste des recommandations du Comité est désarmante; et pourtant, son style léger et admirablement vivant rappelle les essais de Néron à la lyre(55).

Dans les journaux, toutefois, la plupart des commentaires ont été très défavorables. Des éditoriaux de journaux de tout le Canada ont qualifié le rapport de trompeur, d’inexact et de superficiel.

      3. Coûts

Le 30 juin 1971, le Sénateur Davey a déposé un état final des frais spéciaux de son Comité. Sur des dépenses totales de 621 834,58 $, le poste le plus important était celui de la recherche, qui totalisait 244 993,73 $(56). En dollars d’août 1993, les dépenses du Comité se sont élevées à 2 619 729 $.

Le coût des travaux du Comité ne semble pas avoir fait l’objet d’une grande controverse. Mis à part quelques petits reproches dans la presse, le seul commentaire formulé lors du débat qui a eu lieu à la Chambre haute sur le rapport du Comité l’a été par le Sénateur Desruisseaux, qui a déclaré à ses collègues que le jour viendrait peut-être où l’on en critiquerait le coût élevé. Pour sa part, le Sénateur Davey soutient que les travaux de son Comité ont constitué une véritable aubaine pour les Canadiens, surtout lorsqu’on compare leur coût à celui des commissions royales d’enquête(57).

      4. Efficacité

Le Sénateur Davey aurait dit que, puisque le gouvernement n’avait pas demandé qu’un comité du Sénat fasse enquête sur les médias, rien ne l’obligeait à donner suite aux recommandations dudit comité(58). Il semble que le gouvernement ait été du même avis. La principale recommandation du Comité portait sur la création d’un conseil d’examen de la propriété de la presse, comme nous l’avons vu; ce conseil n’a jamais été créé. Toutefois, les médias ont réagi plus favorablement au rapport que le gouvernement. Dans trois provinces, les éditeurs de journaux ont créé des conseils de la presse chargés des plaintes portées contre celle-ci, répondant ainsi à l’une des préoccupations majeures du Comité Davey, à savoir que la presse devait se montrer plus réceptive aux griefs du public(59). Enfin, en 1976, la décision du Parlement d’abolir les exemptions de la taxe sur la publicité dans les magazines étrangers dont bénéficiaient les annonceurs des éditions canadiennes de Time et de Reader’s Digest aurait aussi résulté des recommandations du Comité(60).

Cela dit, une grande partie de l’influence du Comité Davey a été indirecte, à l’instar de celle du Comité Croll. On a attribué au Comité le mérite d’avoir fait oeuvre de pionnier en produisant des recherches utiles dans le domaine jusqu’alors mal connu de la propriété et de la concentration des médias(61). Dans cette mesure, il a réussi à sensibiliser davantage la population canadienne à l’objet de ses travaux.

Dix ans plus tard, en réaction aux préoccupations croissantes qu’avait soulevées une augmentation soudaine de la concentration de la propriété des journaux, le gouvernement a chargé une commission royale de refaire une grande partie du chemin déjà couvert par le Comité Davey, dont les travaux ont servi de point de départ à l’enquête menée par la Commission Kent, qui a reconnu dans son rapport sa dette envers son prédécesseur :

La principale recommandation du Comité, qui était d’enrayer la concentration dans la presse, n’a pas été retenue, mais ses propositions, cette dernière y compris, ont fortement influencé les groupes et les particuliers que la question intéressait. Le rapport Davey a servi de point de départ non seulement aux travaux de la Commission elle-même, mais encore à la plupart des personnes qui ont présenté des mémoires et comparu aux audiences publiques(62).

La Commission a poursuivi en disant que le Comité Davey lui avait légué « une appréciation éloquente du journalisme au sein de la société »(63). L’influence de ce Comité du Sénat a donc été durable et d’une valeur dont on ne se rendait peut-être pas vraiment compte à l’époque.

   C. Comité sénatorial de la politique scientifique
        (le Comité Lamontagne)

      1. Contexte

Le 8 novembre 1967, le gouvernement décidait de créer un Comité sénatorial spécial de la politique scientifique pour répondre aux besoins d’évaluation de la position du Canada dans ce secteur, compte tenu de l’évolution rapide du développement technologique à l’échelle planétaire. Ce Comité, présidé par le Sénateur Maurice Lamontagne, savait fort bien que les décideurs politiques et la collectivité scientifique du pays avaient besoin d’un organisme d’examen public des programmes scientifiques gouvernementaux(64). Par conséquent, les activités du Comité allaient devenir un élément central des efforts d’envergure déployés par le gouvernement pour faire mieux connaître et mieux comprendre une grande partie des graves problèmes avec lesquels ils fallait compter au Canada dans le domaine des sciences et de la technologie(65).

Le Sénateur qui avait proposé la création d’un comité de la politique scientifique en a été nommé président, comme c’est souvent le cas. En raison de son expérience, le Sénateur Lamontagne se prêtait merveilleusement à cette tâche. Économiste de profession, il avait été, en 1943, l’un des fondateurs de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, une pionnière dans le domaine, et il avait aussi été sous-ministre adjoint au ministère des Affaires du Nord et des Ressources naturelles, en 1954. Par la suite, de 1955 à 1957, il avait été conseiller économique du Conseil privé. Il avait ensuite été élu à la Chambre des communes, en 1963, avant d’être nommé sénateur en avril 1967. À titre de président du Comité, il pouvait mettre à profit sa compréhension profonde des aspects administratifs du gouvernement et du monde universitaire dans l’étude de la politique scientifique dont son Comité était chargé.

      2. Déroulement des travaux

Le Comité Lamontagne a divisé ses travaux en quatre phases. Durant la première, il a entendu les témoignages de divers spécialistes sur les questions complexes que suppose la formulation d’un politique scientifique. La deuxième phase a été consacrée à l’étude des principales activités de recherche et de développement des ministères et organismes fédéraux, tandis que la troisième a été réservée aux audiences publiques, qui ont eu lieu en mai et en juin 1969. Lors de cette troisième phase, le comité a entendu les témoignages de représentants des universités, des sociétés savantes, de l’entreprise privée et des associations professionnelles, ainsi que de membres intéressés du grand public. Pendant la quatrième et dernière phase de ses travaux, le Comité a voyagé à l’étranger, pour se donner un point de vue international. Il a tenu en tout 102 séances publiques de novembre 1969 à février 1970, et 325 personnes et groupes lui ont communiqué leurs vues. Le Sénateur Lamontagne et les autres membres du bureau de direction du Comité ont aussi pris la parole dans une trentaine de réunions tenues par diverses associations un peu partout au Canada, pour parler de la politique scientifique. Les trois volumes du rapport du Comité ont été rendus publics en 1970, 1972 et 1973.

      3. Coûts

De la date de sa création, le 8 novembre 1967, jusqu’à la fin de la deuxième session de la 28e Législature, le Comité Lamontagne a engagé des dépenses de 405 157,49 $, dont 116 407,38 $ ont été consacrés à la recherche(66). Pour la troisième session de la 28e Législature, ses dépenses se sont élevées à 164 324,35 $ [dont 69 411,52 $ pour la recherche](67); pour la quatrième session, elles ont été de 87 448,93 $ [27 363,93 $ pour la recherche] et, pour la première session de la 29e Législature, elles ont totalisé 126 852,62 $ [40 020,98 $ pour la rechercher](68). Quand le troisième et dernier volume de son rapport sur la politique scientifique a été rendu public, le Comité avait donc engagé des dépenses totalisant 783 783,39 $, ce qui équivaut à 3 302,004 $ en dollars d’août 1993.

      4. Efficacité

Comme les deux autres comités spéciaux dont nous venons de parler, le Comité sénatorial spécial de la politique scientifique a été très louangé. Après la publication du premier volume de son rapport, le politologue G. Bruce Doern a écrit que les travaux du Comité Lamontagne avaient compris l’évaluation la plus exhaustive et, ce qui était le plus important, la plus publique et la plus transparente de ce domaine complexe de la politique gouvernementale(69). Et Doern a poursuivi en exprimant son

admiration globale pour les travaux du Comité et de son personnel. Ces gens nous ont donné une occasion sans précédent de discuter publiquement sur cette question d’importance. Les travaux du Comité ont déjà entraîné la réorganisation de la relation entre le Conseil des sciences et le Secrétariat des sciences, ainsi que la création d’une association scientifique et technologique générale, la SCITEC. [...] [P]resque immédiatement après que le rapport a été rendu public, l’administration Trudeau a laissé entendre aussi clairement qu’il est possible de le faire qu’elle allait nommer un ministre de la Politique scientifique(70).

D’autres personnes ont reconnu elles aussi que les aussi que les audiences du Comité avaient contribué à lancer le débat public sur la politique scientifique nationale(71). Le rapport du Comité est considéré comme une importante réalisation en soi, et il est souvent cité par les universitaires. Comme le représentant au Congrès des États-Unis Charles A. Mosher l’a déclaré à l’époque, l’examen de la politique scientifique réalisé par le Comité Lamontagne était l’étude la plus approfondie au monde(72).

Selon Colin Campbell, le Comité Lamontagne a réussi parce que le Sénateur Lamontagne avait choisi d’étudier un domaine de politique gouvernementale qu’il connaissait bien et qu’il s’était ménagé l’appui du public et des groupes intéressés pour obtenir celui de ses collègues sénateurs. Ensuite, après avoir mené l’enquête à bien, M. Lamontagne n’a pas ménagé ses efforts pour que le public continue à réclamer une politique scientifique nationale. Il avait aussi tablé sur sa réputation chez les membres du caucus libéral et du conseil des ministres pour faire en sorte que les propositions de son Comité puissent être mises en oeuvre. Et Campbell conclut que, pour que leurs travaux soient couronnés de succès, les comités chargés d’enquêter sur la politique sociale se doivent d’obtenir et de conserver l’appui d’une clientèle nationale capable de transcender les divisions sectorielles(73). Ces observations peuvent s’appliquer tout aussi bien aux deux autres comités spéciaux dont nous avons parlé, soit ceux du Sénateur Croll et du Sénateur Davey.

COMITÉS DU SÉNAT APRÈS 1980

Les comités spéciaux des dernières années n’ont pas égalé les réalisations de leurs prédécesseurs des années 70, bien que plusieurs comités du Sénat aient produit des études de valeur. C’est le cas, par exemple, des travaux du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, avec son rapport intitulé La pauvreté dans l’enfance, vers un avenir meilleur. Les recherches commandées par ce Comité et annexées à son rapport contiennent de l’information utile pour les groupes représentant des intérêts particuliers et pour les spécialistes oeuvrant dans le domaine de la pauvreté des enfants, ainsi que pour les universitaires. Néanmoins, à l’instar d’autres rapports sénatoriaux rendus publics ces dernières années, ce rapport-là semble n’avoir pas eu l’impact de ses prédécesseurs. Un observateur a dit qu’il en était ainsi parce que les comités des années 70 avaient trop durement critiqué la politique gouvernementale, et que, par conséquent

depuis quelques années, les leaders du gouvernement au Sénat ont eu tendance à confier la tâche d’enquêter à des comités permanents, qui sont plus faciles à contrôler(74).

De plus, le fait que le parti au pouvoir à la Chambre des communes ne dispose que depuis peu de la majorité des sièges au Sénat a réduit les possibilités que des comités sénatoriaux présidés et largement noyautés par des adversaires politiques de ce parti puissent arriver à influer sur les mesures gouvernementales. Enfin, on a apporté au milieu de travail du Sénat d’autres modifications, qui contribuent à expliquer cette baisse d’efficacité de ses comités :

Les participants ont été unanimes à dire que la réalisation d’études à long terme est l’une des fonctions les plus utiles des comités sénatoriaux. Néanmoins, l’aptitude d’un comité à entreprendre de tels travaux dépendra de sa charge de travail sur le plan législatif, de même que de l’intérêt de son président et de ses membres. Les comités sénatoriaux semblent s’être détournés des études approfondies à long terme, en partie à cause des changements apportés au calendrier législatif, qui font que des projets de loi leur sont renvoyés tout au long de l’année(75).

COMPARAISON DES COMITÉS DU SÉNAT ET DES COMMISSIONS ROYALES

On dit habituellement que [...] les comités sénatoriaux pourraient se charger d’une grande partie du travail des commissions royales. C’est partir du principe qu’un comité de sénateurs disposant des ressources nécessaires pour ses recherches est capable de mener des enquêtes plus détaillées, de façon plus compétente et en prenant le temps de bien faire, qu’un comité comparable de la Chambre des communes, tout en étant un organisme d’enquête et d’information du public moins lourd qu’une commission royale(76).

Le Professeur Kunz résume ainsi l’argument selon lequel les comités du Sénat pourraient assumer une grande partie des tâches actuellement confiées à des commissions royales, et ce, à moindre coût pour les contribuables. Pour en juger, il faut être conscient des ressemblances, des différences et des avantages et inconvénients relatifs des deux formes d’organisation.

   A. Commissions royales

Les commissions royales sont créées par le premier ministre, conformément à la Loi sur les enquêtes (Chapitre I-11, L.R.C.). Il en existe deux types : les commissions royales à vocation politique, généralement dirigées par trois commissaires, et les commissions royales d’enquête, habituellement présidées par un seul commissaire. La nomination du ou des commissaires et le mandat autorisant la commission à prendre certaines mesures font l’objet d’un décret. Il n’existe pas de politique régissant la procédure que les commissions royales doivent suivre, bien qu’on leur impose souvent des délais à respecter. Les commissions royales ont leur propre budget et doivent prendre elles-mêmes les dispositions nécessaires pour leurs déplacements et leurs audiences. Les commissaires ne sont pas tenus de renoncer à leurs activités normales; ils peuvent poursuivre leur carrière tout en siégeant à une commission.

      1. Rôle

En plus d’amasser de l’information et de formuler des recommandations, les commissions royales ont les fonctions suivantes :

informer le public ou la législature afin d’exercer des pressions en vue de l’adoption des lois envisagées; faire des sondages d’opinion publique; mener des enquêtes précises sur les autres branches du gouvernement; faire en sorte que les griefs soient entendus; et permettre au gouvernement de retarder la prise de mesures sur des questions pour lesquelles on ne sait pas encore clairement s’il est impérieux d’agir(77).

      2. Efficacité

En général, le public a l’impression que les gouvernements créent des commissions royales moins pour résoudre des problèmes que pour éviter d’y faire face dans l’immédiat. Le public a l’impression que, une fois rendus publics, les rapports des commission royales sont des ramasse-poussière, et qu’on n’entend plus jamais parler de leurs recommandations.

Cela dit, il est difficile d’évaluer plus sérieusement l’efficacité des commissions royales. En effet, le professeur de droit Wayne Mackay a écrit que, pour déterminer leur efficacité, il a toujours fallu

faire des conjectures. Il existe bien peu de recherches empiriques sur leurs façons d’enquêter, et il n’y a rien qui ressemble à une analyse coûts-avantages de leur rendement(78).

Une grande partie de ce que l’ancien sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, Frank Iacobucci, a écrit sur l’efficacité des commissions royales peut aussi s’appliquer aux comités sénatoriaux. M. Iacobucci estime que, pour évaluer l’efficacité d’une commission royale, il faut tenir compte de sa fonction et de ses objectifs. Selon lui, il est possible que la commission ait pour rôle de définir un problème plutôt que de le résoudre. Il peut aussi arriver, à son avis, que le problème à l’étude soit insoluble. Enfin, l’efficacité des commissions royales doit être évaluée d’après des critères d’efficience, d’économie et d’efficacité :

La question de l’efficience soulève des questions secondaires, à savoir si les activités de la commission étaient nécessaires, et si elles ont effectivement contribué au règlement efficace des problèmes qu’elle devait surmonter. Là encore, la réponse peut dépendre du rôle et de la fonction de la commission. Si elle cherchait seulement à définir des questions pour établir des faits, elle s’est peut-être acquittée de son mandat en ne faisant que cela. Et si elle a aussi donné des conseils, ceux-ci pourraient eux-mêmes être évalués(79).

M. Iacobucci conclut qu’il est inévitable que l’efficacité d’une commission soit évaluée en fonction du degré d’acceptation de ses activités et de ses recommandations par le gouvernement et par le public. Il fait toutefois une réserve contre le recours exclusif à ce critère. Ses observations à cet égard peuvent aussi s’appliquer aux comités sénatoriaux. Il écrit en effet qu’il faudra éviter

d’évaluer les enquêtes en fonction de la mesure dans laquelle elles ont abouti à l’application d’une politique. D’autres institutions gouvernementales sont conçues pour mettre les politiques en oeuvre. Si les enquêtes étaient censées servir à cette fin, elles perdraient la plupart de leurs avantages uniques, tels leur indépendance par rapport à l’arène politique et bureaucratique, leur souplesse et leur capacité d’autodétermination, dans les limites de leur mandat(80).

      3. Coûts

On parle souvent du coût élevé des commissions royales. Il convient toutefois de préciser qu’elles font l’objet de certaines mesures radicales de contrôle, en matière de budgétisations et de financement.

Les dépenses des commissions royales sont imputées soit sur les recettes générales, soit sur le budget du ministère dont le ministre parraine l’enquête (le plus souvent le Conseil privé). Une fois la commission royale créée par décret, il y a généralement une rencontre préliminaire entre un haut fonctionnaire du ministère dont le ministre a recommandé l’enquête et le ou les commissaires. Après cette rencontre, on demande qu’il soit pris d’autres décrets prévoyant diverses dispositions pour le financement des travaux de la commission :

  • la commission sera désignée « ministère » aux fins de l’application de la Loi sur l’administration financière [l’ancien nom de la Loi sur la gestion des finances publiques], un ministre de la Couronne sera désigné « ministre compétent », au titre de la commission, et le nom de la commission sera précisé, si le décret constitutif ne le fait pas;

  • l’autorisation sera donnée (sur recommandation du Conseil du Trésor) de rémunérer chaque commissaire au taux convenu, de lui verser des allocations de déplacement et une indemnité de vie chère journalière qu’il utilisera à sa discrétion lorsque, dans l’exercice de ses fonctions, il s’absentera de son domicile ordinaire; et

  • le ou les commissaires seront autorisés à prendre des mesures spéciales non mentionnées dans le décret constitutif, mais jugées nécessaires aux fins de l’enquête(81).

Le président de la commission royale est réputé être un sous-ministre aux fins de l’application de la Loi sur la gestion des finances publiques, et il rend compte de ses activités au ministre qui a recommandé l’enquête (presque toujours le premier ministre). Les commissaires ne sont pas rémunérés, exception faite de l’indemnité journalière qui leur est versée (le maximum actuel est de 175 $), et qui est souvent nettement inférieure à ce qu’ils gagnent dans le secteur privé. Elles doivent embaucher leur propre personnel (en vertu des pouvoirs délégués en application de la Loi sur les enquêtes), mais leur mandat précise toujours que le taux de rémunération de leur personnel doit être approuvé par le Conseil du Trésor. Les locaux et le matériel de bureau leur sont fournis par les Travaux publics. Les prévisions budgétaires qu’elles soumettent au Conseil du Trésor sont incorporées dans le budget des dépenses supplémentaires, puis déposées à la Chambre.

Les dépenses des commissions royales sont soumises à l’autorité du Parlement, mais le contrôle exercé est très limité(82). En effet, les lignes directrices contenues dans les décrets pertinents mises à part, le gouvernement exerce le peu de contrôle dont il dispose à l’endroit des commissions royales via la budgétisations(83). En outre, étant donné que les décrets secondaires font des commissions des ministères aux fins de l’application de la Loi sur la gestion des finances publiques, celles-ci relèvent de l’autorité du Conseil du Trésor, conformément à ladite Loi. Il s’ensuit que l’administration des commissions est soumise aux freins et contrepoids habituels de la fonctions publique(84).

Les commissions royales tendent à être coûteuses, en dépit de la gamme de mesures de contrôle financier qui leur sont imposées. C’est ainsi que la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis [la Commission Lortie] a dépensé en tout 19 546 242 $(85).

L’importance de ces dépenses a incité le Professeur Mackay à se demander, comme d’autres observateurs d’ailleurs, s’il ne conviendrait pas d’avoir recours à un autre mécanisme que celui des commissions royales, particulièrement en raison de l’escalade des coûts de ces dernières(86).

   B. Comités sénatoriaux et commissions royales :
        Avantages et inconvénients

Tout succinct qu’il soit, l’exposé sur les commissions royales qui précède laisse entrevoir plusieurs de leurs avantages et inconvénients par rapport aux comités sénatoriaux.

Dans ce contexte, il faut notamment tenir compte du degré de contrôle exercé par le gouvernement. Celui-ci n’a virtuellement aucun moyen réel de contrôler la nature des enquête des comités spéciaux du Sénat, ni leur fonctionnement, leurs conclusions ou leurs recommandations de ces comités. Bref, comme Kunz le laisse entendre, le Parlement et le gouvernement disposent d’une plus grande marge de manoeuvre face au rapport d’un comité du Sénat qu’à celui d’une commission royale(87).

Il est important de se rappeler que le gouvernement crée des commissions royales de sa propre initiative, de sorte qu’il a une certaine obligation de réagir à leurs constatations et à leurs recommandations. Ce facteur pourrait d’ailleurs rendre les comités sénatoriaux plus intéressants pour lui :

Pour le gouvernement, l’un des avantages d’une enquête sénatoriale plutôt que d’une enquête réalisée par une commission royale résulte de son degré d’engagement vis-à-vis des résultats de l’enquête. Le gouvernement peut difficilement faire fi des recommandations d’une commission royale qu’il a lui-même décidé de créer. Les partis de l’opposition accusent vite de « gaspillage » le gouvernement qui a fait mener les travaux d’une commission royale jusqu’à l’étape des recommandations, pour ensuite ne tenir aucun compte de ses propositions finales(88).

En outre, puisque le Sénat est déjà bien établi, ses comités peuvent éviter les frais supplémentaires nécessaires à la constitution d’une commission royale(89).

Ces avantages des comités sénatoriaux (du point de vue du gouvernement) sont compensés par l’autorité plus grande dont celui-ci dispose, toutes proportions gardées, sur les commissions royales dont il limite la portée, nomme les commissaires et contrôle la budgétisation, en plus d’avoir une certaine latitude pour décider si le rapport final sera rendu public ou pas.

Il s’ensuit que l’avantage qu’un comité sénatorial spécial détient sur une commission royale, à titre d’organisme enquêteur, est largement fonction du point de vue retenu. Dans l’esprit de ceux pour qui les enquêtes sur des questions de politique publique d’envergure devraient échapper à l’influence gouvernementale, les comités spéciaux du Sénat présentent un certain intérêt. Leur principal inconvénient demeure l’absence de toute obligation réelle d’y réagir, pour le gouvernement.

Cela dit, sous un important aspect, les comités sénatoriaux et les commissions royales exercent peut-être un même attrait. En effet, étant donné que ni les uns ni les autres n’ont d’influence inhérente, il est possible d’encourager les premiers aussi bien que les secondes à aborder les questions de politique de façon originale. À cet égard, V. Seymour Wilson souligne que :

Le soi-disant point faible des commissions royales, en ce qui concerne la mise en oeuvre de leurs recommandations, pourrait être le facteur même qui leur permet d’être innovatrices. [...] On ne saurait nier que l’innovation et l’imagination sont favorisées par l’esprit d’indépendance qui résulte de l’absence de responsabilités précises(90).

Les comités sénatoriaux ont toutefois un grand avantage par rapport aux commission royales : leur nature relativement permanente. Selon le Professeur Mallory, alors que les commissions royales sont dissoutes une fois leurs travaux terminés, les membres des comités du Sénat restent à leur poste et sont donc en mesure de surveiller la réaction du gouvernement aux constatations et aux recommandations de leurs rapports(91). Il reste que, là encore, ce facteur peut être considéré comme un inconvénient, du point de vue gouvernemental.

En conclusion, il vaut la peine de parler d’un cas d’importance majeure, dans lequel les travaux d’un comité sénatorial spécial ont été dans une certaine mesure dédoublés par ceux d’une commission royale. En effet, la Commission royale sur les journaux (Commission Kent), créée en 1980 en réaction à la concentration croissante de la propriété des journaux au Canada, a mené une étude de dix mois qui a coûté plus de trois millions de dollars pour produire un rapport de 296 pages étayé par huit volumes de rapports de recherches. Cette commission royale s’est-elle acquittée de sa tâche plus efficacement que le comité sénatorial qui l’avait précédée, le Comité Davey? Une question aussi vaste nécessite un examen plus détaillé, mais la première réponse qui vient à l’esprit est manifestement non. D’après deux universitaires qui ont étudié la question :

La Commission Kent a mis à jour les travaux du Comité Davey de 1970, mais elle n’a guère fait progresser le débat(92).

CONCLUSIONS ET OBSERVATIONS

Dans un article sur les comités dans le contexte australien, Peter O’Keefe a formulé ce qui devrait être un truisme, en disant que les comités sont des instruments, et qu’en fait, chaque comité sénatorial est une ressource ou un instrument unique(93).

Quels sont les éléments qui ont contribué à faire des comités sénatoriaux spéciaux des ressources d’une telle valeur dans les années 70? Les exemples que nous avons étudiés laissent entendre qu’il y en a plusieurs.

   A. Rôle du leader du gouvernement au Sénat

Un important facteur de l’influence éventuelle des travaux et des recommandations des comités sénatoriaux spéciaux est le rôle du leader du gouvernement au Sénat, dont le gouvernement a officiellement reconnu le statut en 1969, en lui accordant un poste au conseil des ministres. McCauley souligne l’importance de ce rôle dans l’obtention de l’appui du gouvernement pour les travaux des comités spéciaux. C’est à son avis :

une étape nécessaire, étant donné que les comités sénatoriaux spéciaux chargés d’une enquête ont besoin de l’aide financière du gouvernement pour couvrir leurs dépenses au titre du personnel, des déplacements et des autres frais qu’ils vont engager pour leurs travaux d’étude(94).

J.R. Mallory attribue une grande partie du succès des enquêtes sur la politique publique menées par les comités sénatoriaux spéciaux des années 70 à Paul Martin, alors leader du gouvernement au Sénat, ministre énergique, d’une expérience inégalée et ayant une grande influence au conseil des ministres(95). Il est probable que le Sénateur Martin se soit servi de son poste pour presser le gouvernement de donner une réponse favorable à une grande partie des recommandations des comités sénatoriaux. En outre, à titre de leader du gouvernement, il tenait à ce que le potentiel de la Chambre haute soit exploité au maximum. Dans ses mémoires, il a déclaré que rien n’empêche le Sénat de décider de ses orientations. Selon lui, le Sénat peut être utile comme organisme d’examen et d’enquête(96). C’est précisément ce qu’il l’a encouragé à faire, comme en témoignent les travaux des comités sénatoriaux spéciaux de son époque.

   B. Caractère approprié des sujets

Les comités sénatoriaux spéciaux des années 70 se sont tous penchés sur des questions d’importance majeure, qui intéressaient tous les Canadiens : la pauvreté, le rôle des médias et la politique scientifique nationale. Après avoir mené leur enquête à bien, ils ont su recommander des solutions originales, dont beaucoup ont été mises en oeuvre par le gouvernement. Ils ont donc répondu aux attentes du Professeur Jackson, en faisant enquête sur d’importants problèmes à long terme et en explorant des perspectives d’avenir. Bref, s’ils veulent jouer un rôle utile et avoir de l’influence, les comités du Sénat pourraient envisager d’enquêter sur les grandes questions d’envergure que les Canadiens jugent importantes. Et comme le sénateur Davey l’a fait remarquer, certains des problèmes déjà étudiés par d’autres comités spéciaux pourraient justifier un nouvel examen(97).

   C. Dévouement des présidents

Tous les présidents des comités spéciaux mentionnés dans ces pages ? les Sénateurs Croll, Davey et Lamontagne ? étaient particulièrement bien préparés pour enquêter sur les problèmes étudiés par leur comité respectif. La combinaison de connaissances personnelles, d’intérêt, de détermination et d’aptitudes pertinentes de chacun d’entre eux a largement contribué aux succès que chaque comité a remportés.

   D. Attitude favorable du gouvernement

L’ouverture d’esprit du gouvernement a été un facteur manifeste du succès des comités sénatoriaux spéciaux dont nous avons parlé. Si le gouvernement n’avait pas été disposé à prendre au sérieux les travaux, les constatations et les recommandations de ces derniers, leur influence aurait été réduite de beaucoup. Ce facteur est partiellement lié au degré d’influence que détient au conseil des ministres le leader du gouvernement au Sénat. S’il n’a pas d’influence, ou si le gouvernement ne respecte pas le Sénat, il est très peu probable que les travaux de ses comités puissent contribuer d’une façon quelconque au processus de formulation des politiques. Comme McCauley l’a souligné, les réalisations des comités sénatoriaux des années 70 n’auraient pas été possibles

sans beaucoup d’appui du gouvernement. Son accord au moins tacite et son aide financière sont indispensables pour une enquête d’envergure(98).

   E. Appui des médias et du public

L’aptitude à sensibiliser l’opinion à un problème ainsi qu’à contribuer à canaliser cette sensibilité en un consensus sur les mesures à prendre est à la fois un rôle et un grand potentiel des comités sénatoriaux. Si le comité réussit à obtenir l’appui du public pour les mesures qu’il propose, il est plus difficile pour le gouvernement de ne pas en tenir compte. Toutefois, cette aptitude est fonction de deux éléments cruciaux : les médias nationaux doivent être disposés à faire des comptes rendus exacts et favorables sur les activités des comités sénatoriaux, et le public canadien doit y réagir. Dans le cas des comités sénatoriaux dont nous avons parlé, les médias ont joué un rôle important en prenant leurs travaux au sérieux, en parlant beaucoup et intelligemment de leurs activités et en les aidant à obtenir des appuis pour leur propositions. Il a donc été difficile pour le gouvernement de ne pas tenir compte des travaux de ces comités.

Tout tourne autour du degré de respect que les Canadiens ont pour le Sénat et pour les sénateurs. Les voix respectées sont écoutées et prises au sérieux. Sans ce respect, les possibilités pour les comités sénatoriaux d’être efficaces sont considérablement réduites. Dans un essai sur les fonctions des secondes chambres, un spécialiste a écrit que le Sénat du Canada

tient à l’occasion des débats et mène des enquêtes sur de vastes questions d’intérêt public. Il pourrait indéniablement jouer un rôle plus actif dans ces domaines, mais il ne commande pas le respect du public qui injecterait dans ses débats et dans ses rapports, ainsi que dans ses modifications ou ses rejets des projets de loi, l’autorité morale essentielle à l’exercice d’un rôle influent dans une démocratie(99).

Les sondages révèlent que du nombre de Canadiens qui estiment que la Chambre haute devrait être abolie s’accroît constamment(100). Le 22 juillet 1993, Gallup Canada a rendu publics des résultats montrant que 54 p. 100 des Canadiens étaient favorables à l’abolition du Sénat; c’est le plus haut pourcentage que Gallup ait jamais constaté à cet égard, et les résultats reflètent à son avis l’attitude des citoyens à l’endroit d’une institution qui, pour beaucoup d’entre eux, n’a plus d’utilité(101).

Compte tenu des niveaux jamais vus de non-respect du Sénat dans les sondages d’opinion récents, ses comités ont d’énormes défis à relever s’ils veulent être efficaces. Il leur faudra tous les éléments que nous avons mentionnés, à savoir des présidents et des membres des comités compétents et dévoués, un leader du gouvernement au Sénat disposé à se servir de son poste afin de ménager des appuis au conseil des ministres pour les objectifs, les activités et les recommandations des comités, un gouvernement ouvert et favorable à leurs travaux, des médias attentifs et un public canadien intéressé à écouter ce que les sénateurs ont à dire, pour pouvoir influer nettement sur les orientations de la politique publique au palier national.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Campbell, Colin. The Canadian Senate: A Lobby from Within. Toronto, Macmillan, 1978.

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White, Randall. Voice of Region: The Long Journey to Senate Reform in Canada. Toronto, Dundurn Press, 1990.

 


(1) R. MacGregor Dawson, The Government of Canada, révisé par Norman Ward, Toronto, Universtiy of Toronto Press, 1963, p. 325 (traduction).

(2) Intervention du Sénateur David Croll, réclamant la création d’un Comité spécial du Sénat chargé d’enquêter sur la pauvreté, Débats du Sénat, 1968-1969, 8 octobre 1968, p. 210.

(3) Colin Campbell, The Canadian Senate: A Lobby from Within, Toronto, Macmillan, 1978.

(4) Le 22 juillet 1993, Gallup Canada a rendu public un sondage selon lequel 54 p. 100 des Canadiens étaient favorables à l’abolition du Sénat. C’est le plus fort pourcentage jamais relevé par Gallup à cet égard. Institut canadien d’opinion publique (Gallup Canada), Rapport Gallup, 22 juillet 1993.

(5) C.E.S. Franks, The Parliament of Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1987, p. 225.

(6) Remarque de l’ex-sénatrice Lorna Marsden, dans le Hill Times, 12 novembre 1992.

(7) À la page 19 de son ouvrage de 1978, Campbell déclare ce qui suit : « Ceux qui se sont penchés sur le Sénat qualifient souvent les enquêtes sociales de « travail factice » pour des législateurs à temps partiel peu occupés. Pourtant, à la fin des années 60 et au début des années 70, ces enquêtes sont devenues partie intégrante de la formulation définitive de politique originales. À cette époque-là, les sénateurs se sont servis des travaux des comités pour favoriser l’acceptation de nouvelles politiques sociales, et ils l’ont fait en favorisant l’émergence d’un consensus national sur les questions clés » (traduction).

(8) Outre le comité plénier, les autres sont les comités permanents, les comités législatifs et les comités mixtes, composés à la fois de sénateurs et de députés.

(9) Voir par exemple Franks (1987), p. 189; Janet Marie McCauley, The Senate of Canada: Maintenance of a Second Chamber Through Functionale Adaptability, thèse de doctorat inédite, Pennsylvania State University, 1983, p. 98; et Randall White, Voice of Region: The Long Journey to Senate Reform in Canada, Toronto, Dundurn Press, 1990, p. 220.

(10) Robert Jackson, Sénat du Canada, Direction des comités et de la législation privée, Les comités du Sénat dans le Parlement postréférendaire, Ottawa, 1993, p. 6.

(11) F.A. Kunz, The Modern Senate of Canada: A Re-appraisal, 1925-1963, Toronto, Macmillan, 1965, p. 57.

(12) Ibid., p. 261.

(13) Franks (1987), p. 190.

(14) Ibid., p. 189.

(15) Débats du Sénat, 11 janvier 1974, p. 1473.

(16) Le gouvernement parlementaire, no 43, juin 1993.

(17) Ibid., p. 6.

(18) Ibid., p. 6; voir aussi Paul Thomas, « Efficacité des comités parlementaires », Le gouvernement parlementaire, no 44, août 1993, p. 10.

(19) Kunz (1965), p. 263.

(20) Ibid., p. 264 (traduction).

(21) Ibid., p. 265.

(22) Ibid., p. 265-266 (traduction).

(23) McCauley (1983), p. 98 (traduction).

(24) Conseil économique du Canada, Cinquième exposé annuel, Défi posé par la croissance et le changement, Ottawa, septembre 1968, p. 148-149.

(25) Donald Bellamy, « Poverty », John Saywell et Donal Foster (éd.), Toronto, Canadian Annual Review for 1968, University of Toronto Press, 1969, p. 386 (traduction).

(26) Débats du Sénat, 1968-1969, p. 208.

(27) Ibid., p. 210.

(28) Campbell (1978), p. 19; E. Russell Hopkins, « The Canadian Senate Today : An Examination of the Functioning of the Modern Stenate of Canada », manuscrit inédit, version modifiée, 1972, p. 25.

(29) Campbell (1987), p. 20; l’auteur signale que 25 des 92 recommandations du Comité ont été intégralement adoptées, et que 52 autres l’ont été partiellement.

(30) Ibid., p. 19-20.

(31) L’importance du rôle du leader du gouvernement au Sénat pour le succès des comités permanents fera l’objet d’un examen plus poussé dans la conclusion.

(32) « Senate Poverty Committee Comes to Toronto Richer in Knowledge », Toronto Star, 7 mars 1970.

(33) Ibid. (traduction).

(34) Donald Bellamy, « Poverty », John Saywell et Donald Foster (éd.), Canadian Annual Review for 1970, Toronto, University of Toronto Press, 1971, p. 468.

(35) « Everybody’s Discussing Canada’s War on Poverty », Ottawa Citizen, 22 octobre 1969 (traduction).

(36) Globe and Mail (Toronto), 25 mars 1970.

(37) Donald Bellamy, « Poverty », John Saywell et Donald Foster (éd.), Canadian Annual Review for 1969, Toronto, University of Toronto Press, 1970, p. 382.

(38) The Gazette (Montréal), 13 novembre 1971 (traduction).

(39) The Montreal Star, 11 novembre 1971.

(40) Globe and Mail (Toronto), 11 novembre 1971.

(41) Errol Black, « One Too Many Reports on Poverty in Canada », Revue canadienne de science politique, no 3, septembre 1972, p. 443.

(42) Campbell (1978), p. 20.

(43) Journaux du Sénat, 22 octobre 1970.

(44) Ibid., 24 février 1972, p. 20.

(45) Ibid., 23 janvier 1973, p. 36.

(46) Bellamy (1971), p. 469 (traduction).

(47) Ibid. (traduction).

(48) Ottawa Citizen, 17 octobre 1969.

(49) Vancouver Sun, 3 février 1970.

(50) Les recherches menées pour le compte du Comité ont fait l’objet d’une certaine controverse, puisque le chef de l’opposition, M. Robert Stanfield, a déclaré à la Chambre des communes que le Comité s’était servi de ses subventions de recherche pour embaucher des membres en vue du Parti libéral (Source : Globe and Mail (Toronto), 5 juillet 1970).

(51) Telegram (Toronto), 20 mars 1969 (traduction).

(52) Vancouver Sun, 21 mars 1969.

(53) Robert R. Kerton, « Mass Media: Report of the Special Senate Committee » [critique de livre], Administration publique du Canada, vol. 14, no 3, automne 1971, p. 466.

(54) Commentator, mars 1971, p. 8.

(55) Ibid., p. 466 (traduction).

(56) Journaux du Sénat, 30 juin 1971, p. 370.

(57) Sénateur Keith Davey, The Rainmaker: A Passion for Politics, Toronto, Stoddart Publishing, 1986, p. 143.

(58) The Financial Post, le 19 décembre 1970.

(59) Campbell (1978), p. 23.

(60) Ibid., p. 23.

(61) Earle Beattie, Canadian Annual Revue for 1970, John Saywell et Donald Foster (éd.), Toronto, University of Toronto Press, 1971, p. 515.

(62) Commission royale sur les quotidiens, Rapport, Ottawa, 1980, p. 19.

(63) Ibid.

(64) Comité sénatorial de la politique scientifique, Une politique scientifique canadienne, vol. I, Ottawa, 1970, p. 2.

(65) Peter Aucoin et Richard French, « The Ministry of State for Science and Technology », Administration publique du Canada, vol. 17, no 4, automne 1974, p. 464.

(66) Journaux du Sénat, 28 octobre 1970, p. 36.

(67) Ibid., 29 février 1972, p. 24.

(68) Ibid., 13 mars 1974, p. 24.

(69) G. Bruce Doern, « The Senate Report on Science Policy: A Political Assessment », Revue d’études canadiennes, 6 mai 1971, p. 42.

(70) Ibid., p. 43 (traduction).

(71) Comité sénatorial de la politique scientifique (1970), p. 13.

(72) Cité par Joan Powers Rikerd, « Science », John Saywell et Donald Foster (éd.), Canadian Annual Review for 1970, Toronto, 1971, p. 477.

(73) Campbell (1978), p. 21-22.

(74) Robert J. Jackson et Doreen Jackson, Politics in Canada: Culture, Institutions, Behaviour and Public Policy, deuxième édition, Scarborough (Ontario), Prentice-Hall Publishing, 1990, p.. 370 (traduction).

(75) Sénat du Canada, Direction des comités et de la législation privée, Les comités du Sénat dans le Parlement postréférendaire, Ottawa, 1993, p. 18.

(76) Kunz (1965), p. 263 (traduction).

(77) Frank Iacobucci, « Commissions of Inquiry and Public Policy in Canada », A. Paul Pross, Innis Christie et John A. Yugies (éd.), Commissions of Inquiry, Toronto, Carswell Publishing, 1990, p. 26 (traduction).

(78) A. Wayne Mackay, « Mandates, Legal foundations, Powers and Conduct of Commissions of Inquiry », Pross, Christie et Yugis (éd.), Ibid., p. 46 (traduction).

(79) Iacobucci (1990), p. 27 (traduction).

(80) Ibid., p. 28 (traduction).

(81) Harry A. Wilson, Guide à l’usage des commissions d’enquête, Ottawa, Gouvernement du Canada, Bureau du Conseil privé, 1982, p. 13.

(82) K.B. Callard, Commissions of Inquiry in Canada, 1867-1949, miméographie, Ottawa, 1950, p. 30.

(83) Wilson (1982), p. 17.

(84) Ibid., p. 25.

(85) Gouvernement du Canada, Comptes publics, 1989-1990, 1990-1991 et 1991-1992.

(86) Kunz (1965), p. 46.

(87) Ibid., p. 263.

(88) McCauley (1983), p. 121 (traduction).

(89) Ibid., p. 121.

(90) V. Seymour Wilson, « The Role of Royal Commissions and Task Forces », G. Bruce Doern et Peter Aucoin (éd.), The Structures of Policy Making in Canada, Toronto, Macmillan of Canada, 1971, p. 119 (traduction).

(91) Mallory, The Structure of Canadian Government, édition révisée, Agincourt (Ontario), Gage Publishing, 1984, p. 262.

(92) Frederick J. Fletcher et Daphne Gottlieb Taras, « The Mass Media and Politics: An Overview », Michael S. Whittington et Glen Williams (éd.), Canadian Politics in the 1980s, deuxième édition, Toronto, Methuen Publications, 1984, p. 212 (traduction).

(93) Peter O’Keefe, « The Scope and Function of Parliamentary Committees », The Parliamentarian, vol. LXXIII, no 4, octobre 1992, p. 270.

(94) McCauley (1983), p. 120 (traduction).

(95) Mallory (1984), p. 262.

(96) Paul Martin, A Very Public Life, vol. 2, So Many Worlds, Toronto, Deneau Publishers, 1985, p. 639.

(97) Sénateur Keith Davey (1986), p. 156.

(98) McCauley (1983), p. 120 (traduction).

(99) Robert A. MacKay, The Unreformed Senate of Canada, édition révisée, Toronto, McClelland and Stewart, 1963, p. 166 (traduction).

(100) Voir par exemple Institut canadien d’opinion publique (Gallup Canada), Rapport Gallup, 22 janvier et 2 décembre 1990.

(101) Institut canadien d’opinion publique (Gallup Canada), Rapport Gallup, 22 juillet 1993.