BP-363F

 

LA TPS : UN SURVOL DE CERTAINES
DES SOLUTIONS DE RECHANGE

 

Rédaction :
Richard Domingue
Division de l'économie
Décembre 1993


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LA TPS ET L'ÉCONOMIE CLANDESTINE

LES COÛTS DE L'ADMINISTRATION DE LA TPS

QUELQUES SOLUTIONS DE RECHANGE

   A. Adopter une taxe sur les transactions commerciales

   B. Taxer la consommation

   C. Simplifier la TPS

   D. Imposer une taxe de vente fédérale au détail

   E. Abandonner la TPS au profit des provinces

   F. Augmenter l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers

CONCLUSION

 


LA TPS : UN SURVOL DE CERTAINES
DES SOLUTIONS DE RECHANGE

INTRODUCTION

Plusieurs experts sont d'avis que la TPS a favorisé l'économie clandestine et qu'elle impose un fardeau administratif trop lourd au gouvernement et aux entreprises. Le nouveau gouvernement a promis de remplacer la TPS par une nouvelle taxe qui produirait les mêmes recettes, qui serait plus juste à l'égard des consommateurs et des petites entreprises, qui ne serait pas un casse-tête pour les PME et qui encouragerait les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux à coopérer et à harmoniser leurs politiques fiscales. Dans ce document, après avoir examiné l'impact de la TPS sur l'économie clandestine et sur le fardeau administratif, nous dressons la liste des solutions de rechange possibles.

LA TPS ET L'ÉCONOMIE CLANDESTINE

Selon les évaluations habituelles, les revenus non divulgués par rapport à l'activité économique totale du Canada varient entre 5 et 20 p. 100, soit entre 35 et 140 milliards de dollars (le chiffre exact est probablement plus près de 5 que de 20 p. 100). Il est vraisemblable de croire que la TPS a incité plusieurs entrepreneurs à oeuvrer dans la clandestinité.

Une taxe est jugée efficace lorsqu'elle ne fausse pas les décisions et les comportements économiques des particuliers. Le gouvernement est d'avis qu'il faut adopter un régime fiscal efficace qui n'incite plus les entrepreneurs à mener leurs activités clandestinement.

Si plusieurs entrepreneurs ont décidé de travailler au noir c'est parce que la TPS leur impose un fardeau fiscal trop important et trop complexe à administrer. Quoi de plus simple en effet que de ne pas percevoir la TPS auprès des clients pour améliorer sa position relative face à des concurrents. Le ministère des Finances vient de terminer une évaluation de l'impact de la TPS sur l'économie clandestine, qu'il n'a toutefois par rendue publique. De nombreux observateurs ont soutenu que la TPS avait favorisé l'économie souterraine. À partir d'une analyse de la croissance des soldes liquides détenus par le public (un indicateur des transactions liquides) un an après l'entrée en vigueur de la TPS, Peter Spiro a indiqué que Statistique Canada sous-estime les dépenses des consommateurs de 5,7 milliards de dollars. Si cette analyse est juste, cela signifie que les gouvernements ont subi des pertes de recettes fiscales évaluées à 2,3 milliards de dollars en 1992.

LES COÛTS DE L'ADMINISTRATION DE LA TPS

Plusieurs observateurs pensent que la TPS est une charge administrative onéreuse pour l'État et les petites entreprises. En 1991-1992, l'administration de la TPS a coûté plus de 486 millions de dollars au gouvernement fédéral et nécessité l'emploi de plus de 4 400 équivalent-temps-plein. Pour chaque dollar net perçu, il en coûte six fois plus pour administrer la TPS que l'ancienne taxe de vente fédérale (3,2 cents par dollar comparativement à 0,5 cents). À cela, il faut ajouter le coût privé d'administration de la TPS. Le 17 décembre 1993, le ministère des Finances a publié un rapport dans lequel il évalue ce coût. Selon lui, les entreprises qui ont des revenus inférieurs à 100 000 dollars déboursent 17 cents pour chaque dollar perçu au nom du gouvernement fédéral, tandis que celles dont les revenus se situent entre 200 000 et 299 000 dollars en déboursent 6,6 et celles dont les revenus sont supérieurs à un million de dollars, 2,65. Le ministère exclut de son évaluation la valeur du temps que les entrepreneurs doivent consacrer à administrer la collecte des sommes, effectuée au nom du gouvernement fédéral. Les coûts estimés par le ministère des Finances sont donc inférieurs aux coûts réels d'administration. La Fédération canadienne des entreprises indépendantes a estimé à 5 158 dollars par inscrit les coûts de conformité pour administrer la TPS en 1991, sans compter les coûts uniques associés à la mise en oeuvre de la taxe. Selon la Fédération, les coûts totaux de conformité pour les entreprises canadiennes se sont établis à 6,642 milliards de dollars en 1991 et à 4,573 milliards de dollars en 1992. La Fédération a estimé à 20 cents par dollar perçu le coût privé d'administration de la TPS pour les petites entreprises.

QUELQUES SOLUTIONS DE RECHANGE

Dès la première session de la nouvelle législature, le nouveau gouvernement confiera au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le mandat de mener des consultations, qui devraient durer 12 mois. Ce Comité devrait rencontrer des représentants de la population et des pouvoirs publics provinciaux afin de trouver un moyen de rendre la fiscalité plus équitable, de la simplifier et de l'harmoniser.

Les solutions de rechange à la TPS sont essentiellement les suivantes: 1. adopter une taxe sur les transactions commerciales; 2. taxer la consommation (où la consommation est définie comme le revenu moins l'épargne); 3. simplifier la TPS (éliminer certaines exonérations, accroître le seuil de revenu à partir duquel les entreprises doivent s'inscrire) tout en l'harmonisant aux taxes de vente provinciales; 4. remplacer la TPS par une taxe de vente fédérale au détail ayant une assiette plus large; 5. abandonner la TPS au profit des provinces en échange d'une plus grande marge de taxation des sociétés (comme l'a suggéré la Commission Carter sur la fiscalité en 1966) ou d'une réduction de certains paiements de transfert versés aux provinces; et 6. abandonner la TPS et augmenter l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers.

   A. Adopter une taxe sur les transactions commerciales

Le gouvernement peut remplacer la TPS par une taxe sur les transactions commerciales. Les entreprises calculent le montant de la taxe qu'elles doivent payer en appliquant un taux de taxation à la différence entre la somme qu'ils perçoivent de leurs ventes et le coût de leurs achats. Une telle taxe est beaucoup plus simple à administrer que la TPS puisqu'elle ne touche pas chaque transaction, comme c'est le cas de celle-ci. C'est pour cette raison qu'il est très difficile, dans le cas d'une taxe sur les transactions commerciales, d'exonérer ou de détaxer certains biens et services. Si une telle solution était retenue, il faudrait nécessairement élargir l'assiette fiscale et, par conséquent, revoir la liste des biens et services détaxés et exonérés. Le gouvernement pourrait bien être forcé de taxer les médicaments sur ordonnance ou les aliments, par exemple. Les opposants diront qu'une telle taxe est camouflée dans le prix de vente. Une telle situation ne différerait en rien de celle qui existait à l'époque de la taxe de vente fédérale.

   B. Taxer la consommation

En théorie, la solution la plus simple pour le gouvernement, les contribuables et les entreprises serait de taxer la consommation et non les dépenses individuelles. Si les individus ne consommaient que des biens non-durables, la consommation serait définie comme la différence entre les revenus et la variation de la richesse accumulée. Toutefois, pour évaluer correctement la consommation d'un contribuable qui achète des biens durables, il faut évaluer la valeur des services rendus par ces biens. Il faut donc ajouter aux revenus d'un particulier la valeur des services rendus par les biens durables et exclure de la consommation le prix d'achat de ces biens. Ainsi, par exemple, il faudrait ajouter aux revenus des propriétaires-occupants les rentes imputées appartenant à ces personnes, c'est-à-dire la valeur des services rendus par la propriété qui sont égaux aux loyers exigés mais versés aux propriétaires occupant eux-mêmes ces logements. Parce qu'il est très complexe d'évaluer les rentes provenant de la consommation de biens durables, il faut exclure ces rentes du revenu et taxer la valeur de ces biens au moment de leur acquisition.

Pour taxer la consommation, il faut évaluer les revenus et l'épargne selon la comptabilité de caisse, dans laquelle ces éléments sont comptabilisés pendant l'exercice financier au cours duquel les transactions ont lieu, et non selon la comptabilité d'exercice, dans laquelle les dépenses et revenus payés d'avance sont comptabilisés. Ainsi, par exemple, les gains en capital réalisés mais non encaissés (comme des actions bousières dont la valeur augmente mais que ne sont pas vendues) sont alors exclus de la définition des revenus, tandis que les héritages et cadeaux reçus sont inclus.

Cette solution crée un problème important. Parce que, par rapport au niveau de leurs revenus, les particuliers consomment davantage au début qu'à la fin de leur cycle de vie et parce qu'ils épargnent davantage au milieu de ce cycle et que leurs revenus s'amenuisent vers la fin de celui-ci, taxer la consommation relative impose un plus grand fardeau fiscal aux jeunes contribuables. Les emprunts servant à la consommation sont alors indirectement taxés. Pour taxer la consommation sans imposer un fardeau fiscal démesuré aux jeunes contribuables déjà endettés, il faudrait mettre en place des mécanismes permettant de reporter la consommation de biens durables. Si l'on adoptait cette solution, il faudrait peut-être, par exemple, considérer l'achat d'une résidence comme une forme d'épargne et déduire de la consommation les dépenses afférentes à la propriété. Le gain en capital serait imposable au moment de la vente de la propriété, vraisemblablement vers la fin du cycle de vie alors que les contribuables consomment moins. Toutefois, comme la réalité est parfois très différente de la théorie, cette solution pourrait s'avérer difficile à administrer.

   C. Simplifier la TPS

Le gouvernement peut simplifier la TPS en élargissant l'assiette fiscale. Par exemple, en révisant la liste des biens et services exonérés (comme les services financiers ou les résidences déjà occupées) et détaxés (comme les médicaments sur ordonnance, les aliments ou les frais de scolarité), le gouvernement pourrait abaisser le taux de taxation et simplifier substantiellement l'administration de la taxe pour les commerçants. Toutefois, élargir l'assiette pourrait signifier une augmentation du nombre d'inscrits.

Le gouvernement pourrait aussi élever le seuil de revenus annuels à partir duquel les entreprises sont tenues de s'inscrire. Il pourrait, par exemple, le faire passer de 30 000 à 500 000 dollars. En théorie, le gouvernement pourrait ainsi réduire le nombre de déclarations. En 1992, 1,6 million d'inscrits avaient des ventes annuelles taxables de 500 000 dollars ou moins. Un tel ajustement à la hausse du seuil signifierait peut-être moins de déclarations et inciterait peut-être un certain nombre de personnes à ne pas travailler clandestinement puisque les petites et moyennes entreprises n'auraient plus à administrer la TPS et à taxer les biens et services qu'elles vendent. Toutefois, parce que ces biens et services seraient exonérés de la taxe, les entreprises non-inscrites n'auraient pas droit au crédit de taxe sur intrants et leurs clients ne pourraient pas déduire la TPS comme un crédit de taxe sur intrants. (Bon nombre d'entreprises trouvent qu'il est avantageux d'être inscrites; elles peuvent ainsi percevoir la taxe et leurs clients peuvent déduire celle-ci comme crédit de taxe sur intrants.) Il est donc vraisemblable de croire que, même si le seuil était porté à 500 000 dollars, plusieurs firmes continueraient de s'inscrire. D'ailleurs le vérificateur général a indiqué dans son rapport de 1992 que pour 400 000 des 1,7 million d'entreprises inscrites, les ventes taxables n'atteignaient pas 30 000 dollars; ces entreprises avaient cependant choisi de s'inscrire, même si la loi ne les y obligeait pas. Selon lui, si la moitié des inscrits admissibles avaient choisi de ne produire qu'une déclaration par année, quelque 2,4 millions de déclarations n'auraient pas eu à être traitées et un grand nombre d'opérations connexes à être effectuées. D'après les dossiers du ministère, 7,1 millions de déclarations ont été produites en 1991. Compte tenu des observations que nous venons de faire, nous pouvons affirmer que même si on portait le seuil de revenus à 500 000 dollars, il est tout à fait possible que le nombre d'inscrits et la fréquence des déclarations ne changeraient pas, sauf si les entreprises n'atteignant pas le seuil étaient forcées de ne pas s'inscrire ou de ne remplir qu'une déclaration par année.

D'autre part, le gouvernement peut chercher à mieux harmoniser les taxes de vente provinciales à la TPS. Jusqu'à présent, seul le Québec a accepté «d'harmoniser» sa taxe de vente à la TPS. La Saskatchewan a abandonné son projet en ce sens. L'assiette fiscale du Manitoba et celle du Nouveau-Brunswick ont récemment été partiellement harmonisées à celle de la TPS. Le gouvernement fédéral se retrouve dans une situation très différente de celle qui avait été prévue lors de la publication du Livre blanc sur la réforme fiscale en 1987. Le 24 avril 1989, les négociations entre Ottawa et les provinces à propos de l'harmonisation des taxes de vente provinciales et de la TPS ont été rompues. Avec le changement de gouvernement qui vient de se produire, il y a peut-être actuellement une nouvelle dynamique. Il est possible que certaines provinces modifient leur position et qu'elles acceptent maintenant de négocier l'harmonisation, ce qu'elles ont jusqu'ici refusé de faire. D'ailleurs à la conférence des premiers ministres du 21 décembre 1993, il était évident qu'il y aura un climat de collaboration au cours des prochains mois.

   D. Imposer une taxe de vente fédérale au détail

En 1966, la Commission royale d'enquête sur la fiscalité (Commission Carter) avait recommandé que le gouvernement fédéral impose une taxe de vente au détail conjointement avec les provinces (donc, une forme de taxe de vente nationale), dans le but de remplacer la taxe de vente fédérale imposée aux fabricants. La Commission était d'avis qu'il y aurait du bon à ce que les provinces assument la responsabilité presque entière d'une des principales sources de recettes fiscales et recommandait que le gouvernement fédéral cherche à s'entendre avec elles afin qu'elles cèdent plus de terrain dans le domaine de l'imposition directe (l'impôt des particuliers et des sociétés) en échange d'une place plus grande dans le domaine de l'imposition indirecte (taxe de vente et taxes d'accise). Les provinces auraient été responsables de la perception de cette taxe de vente nationale. Une taxe de vente nationale offre l'avantage d'intégrer les régimes de taxe de vente en un seul régime à l'échelle du pays. Parce qu'elle aurait une assiette commune, un taux fédéral uniforme et des taux provinciaux variables, une telle taxe serait simple à administrer et les coûts d'observation seraient faibles. Il n'est toutefois pas certain que le gouvernement fédéral réussirait à négocier l'adoption d'une taxe de vente nationale. S'il échouait dans ses négociations, il pourrait agir seul et imposer sa propre taxe de vente au détail.

Une taxe de vente fédérale au détail serait plus simple à administrer que la TPS étant donné qu'elle ne s'appliquerait qu'aux ventes au détail et non à la valeur ajoutée. Si l'assiette fiscale était la même, les revenus qu'une taxe de vente rapporteraient au gouvernement seraient identiques à ceux d'une taxe sur valeur ajoutée. Il y aurait beaucoup moins d'inscrits que dans le régime actuel, où il y en a 1,7 million. Les coûts d'administration pour le gouvernement fédéral seraient inférieurs à ce qu'ils sont actuellement et les coûts d'observation pour les entreprises seraient aussi réduits puisque celles-ci n'aurait à calculer que les taxes sur les ventes finales et ne seraient pas aux prises avec des problèmes de liquidité comme c'est le cas maintenant lorsqu'elles attendent de recevoir le crédit de taxe sur intrants.

Toutefois, exonérer les intrants des producteurs serait plus difficile. En effet, grâce au crédit de taxe sur intrants, les biens et services nécessaires à la production sont actuellement exonérés de la TPS. Si le gouvernement mettait en place une taxe de vente fédérale au détail, il faudrait exonérer toutes les entreprises, ce qui créerait des problèmes lorsque les entreprises utilisent des biens et services qui sont employés tant par les consommateurs que par les producteurs, ou encore mettre en place des certificats d'exonération. L'évasion fiscale serait alors plus facile.

   E. Abandonner la TPS au profit des provinces

Le gouvernement fédéral pourrait renoncer complètement à sa compétence en matière de taxe de vente et de taxes d'accise au profit des provinces en échange d'une plus grande part de l'impôt des particuliers et du contrôle exclusif de l'impôt des sociétés.

À défaut de pouvoir s'entendre avec les provinces, le gouvernement fédéral pourrait aussi réduire ou tout simplement éliminer certains paiements de transfert qu'il verse à celles-ci. En d'autres mots, le gouvernement pourrait réduire de 16 milliards les virements de fonds, la péréquation et les transferts de l'impôt pour compenser le manque à gagner résultant de l'abandon de la TPS. Les provinces pourraient récupérer le manque à gagner en occupant le champ de taxation abandonné par le gouvernement fédéral, c.-à-d. en augmentant chacune leur taxe de vente au détail. Il faut ici souligner qu'une telle mesure constituerait un problème pour l'Alberta, qui n'a pas de taxe de vente au détail, et pour les provinces moins nanties, comme celles de l'Atlantique, pour qui l'assiette fiscale des ventes au détail est probablement insuffisante pour compenser la réduction des transferts fédéraux.

À la sortie de la conférence des premiers ministres du 21 décembre 1993, plusieurs participants ont dit avoir discuté d'un nouveau partage des champs de taxation qui irait bien au-delà de l'harmonisation des taxes de vente provinciales et de la TPS. Les premiers ministres se sont entendus pour poursuivre les discussions à propos de l'élimination des chevauchements fédéraux-provinciaux en matière de taxation. Il se pourrait bien qu'un jour le fédéral abandonne la TPS au profit des provinces et que l'on assiste à un réaménagement complet des pouvoirs de taxation et des transferts.

Si le gouvernement fédéral veut proposer ce nouveau partage, il lui faudra vraisemblablement l'intégrer au cadre de négociation des ententes financières qu'il conclut avec les provinces et qui viennent à échéance en 1994. D'autre part, il faut noter que c'est grâce au virement en espèces que le gouvernement fédéral peut imposer des normes nationales. Par conséquent, l'élimination des transferts comptants risquerait de mettre en péril l'idée de normes nationales.

   F. Augmenter l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers

Le gouvernement pourrait supprimer la TPS et accroître l'impôt fédéral sur le revenu des particuliers. Pour que cette solution de rechange soit neutre sur le plan des recettes, le gouvernement devrait faire passer les recettes qu'il tire de l'impôt de 60 à presque 76 milliards. En ce qui concerne la progressivité du fardeau fiscal le gouvernement pourrait maintenir le statu quo ou accroître celui des mieux nantis.

Il est certain que plusieurs opposants à la TPS plaideront en faveur de cette solution de rechange parce qu'elle permettrait de rendre le régime fiscal moins régressif en taxant davantage les riches. Ils diront que la capacité de payer des impôts est fondée sur les revenus et non sur ce qui est consommé par les individus puisque la consommation en pourcentage du revenu disponible diminue à mesure que les revenus augmentent. Toutefois, en vertu de la théorie économique généralement admise, les taxes à la consommation sont perçues comme étant neutres et plus efficaces que les impôts sur les revenus parce qu'elles ne biaisent pas les comportements des agents économiques. Taxer davantage les revenus des particuliers est inefficace parce qu'on nuit à la formation de capital. En effet, les contribuables qui ont une plus grande propension à épargner sont davantage taxés que ceux qui ont une propension plus faible à ce faire (donc qui consomment davantage) puisque l'épargne est taxée deux fois (le revenu brut et le rendement de l'épargne qui en découle sont taxés). Cette double taxation réduit le rendement net de l'épargne et favorise la consommation au détriment de l'épargne. Pour neutraliser les effets pervers sur l'épargne d'une augmentation de l'impôt sur le revenu, le gouvernement devrait mettre en place des incitatifs à l'épargne comme la déduction des intérêts ou un régime d'épargne-retraite plus généreux. Sinon, à moins que le contribuable adopte un nouveau comportement, celui qui préfère épargner supporterait un fardeau fiscal plus important que celui qui consomme davantage. Les taxes à la consommation sont plus efficaces parce qu'elles sont neutres et n'influent pas sur les comportements économiques.

D'autre part, le bien-être des consommateurs résulte de leurs dépenses plutôt que de leurs revenus. Comme l'économiste Nicholas Kaldor le suggérait en 1955, les contribuables doivent être taxés en fonction de ce qu'ils prennent de la «cagnote sociale», c.-à-d. de leur consommation et non ce qu'ils y mettent, c.-à-d. de leurs revenus. Par conséquent, d'un point de vue économique, les taxes à la consommation sont plus équitables que l'impôt sur le revenu. Le gouvernement devra être très prudent avant de choisir cette solution qui tient peu compte de l'efficacité économique et de l'équité.

CONCLUSION

Nous avons donné un bref aperçu de certaines des solutions de rechange à la TPS qui s'offrent au gouvernement. Pour l'instant, c'est la troisième de ces solutions (simplifier la TPS) qui est nettement favorisée. Le nouveau gouvernement se rendra compte que d'importantes économies, tant pour les entreprises que pour lui, sont à prévoir si l'assiette fiscale de la TPS est élargie et si les entreprises soumettent moins de déclarations. D'autre part, compte tenu de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement et des déséquilibres budgétaires que connaissent tous les gouvernements provinciaux, il se peut que les provinces reconnaissent enfin les avantages économiques de l'harmonisation des taxes à la consommation.

Puisque les premiers ministres se sont entendus pour éliminer les chevauchements en matière de taxation, il se pourrait bien que le cinquième scénario (l'abandon de la TPS) devienne le favori d'ici quelques mois.

Chose certaine, réformer le régime fiscal actuel ne sera pas une tâche facile. Il faudra aller plus loin que simplement rebaptiser la TPS. Le résultat final de cette nouvelle réforme fiscale pourrait s'avérer aussi coûteux sur le plan politique pour le nouveau gouvernement que ne l'ont été pour le gouvernement précédent les changements que celui-ci a apportés au régime.