BP-369F

 

L'EXAMEN DES DÉPENSES GOUVERNEMENTALES

 

Rédaction  Michelle Salvail
Division de l'économie
Juillet 1993


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

   A. Les dépenses fédérales

   B. L'examen des dépenses gouvernementales

   C. Le contrôle des dépenses gouvernementales

      1. La Loi limitant les dépenses publiques

      2. Mesures particulières de compression des dépenses

      3. Expériences étrangères

CONCLUSION

ANNEXE 1

ANNEXE 2

 


L'EXAMEN DES DÉPENSES GOUVERNEMENTALES

 

INTRODUCTION

Le 26 avril 1993, le gouvernement fédéral a déposé son budget à la Chambre des Communes. Le ministre des Finances, M. Mazankowski, a alors annoncé que le déficit de 1992-1993 se chiffrait à 35,5 milliards de dollars, soit 1,1 milliard de plus que prévu en décembre 1992. En conséquence, la dette publique nette a grimpé à 458,9 milliards de dollars pour atteindre 66,7 p. 100 du produit intérieur brut.

L'annonce de ces chiffres n'a rien fait pour calmer la psychose au sujet de l'état des finances publiques. Au contraire, elle a répandu l'idée que le gouvernement pourrait avoir perdu le contrôle de sa situation financière. Les contribuables se font dire depuis des années qu'il est temps de se serrer la ceinture et de vivre selon leurs moyens. À leur tour, les contribuables souhaitent que le gouvernement cesse de piger dans leurs poches et agisse sur d'autres plans pour réduire le déficit.

Dans ce document, divisé en trois parties, nous nous proposons d'expliquer le rôle du gouvernement dans la gestion des dépenses publiques. Premièrement, nous examinons les dépenses du gouvernement fédéral au cours des dernières années. Il est important de savoir de quoi se composent les dépenses pour bien saisir l'impact qu'aura leur réduction. Deuxièmement, nous nous penchons sur le processus d'examen des dépenses au sein de l'appareil gouvernemental. Nous nous demandons qui participe à ce processus et en quoi il assure aux contribuables que les deniers publics sont bien dépensés. Finalement, nous traitons des efforts faits pour réduire les dépenses au Canada et dans d'autres pays.

   A. Les dépenses fédérales

Afin de limiter notre champ d'analyse, nous examinons les dépenses gouvernementales depuis 1982, soit pour une période de dix ans. Les tableaux 1, 2, 3 et 4 montrent respectivement les dépenses gouvernementales en termes réels, la variation annuelle des dépenses en termes réels, la part de chaque composante par rapport au PIB et la part de chacune par rapport au total des dépenses.

TABLEAU 1

DÉPENSES en millions de dollars constants de 1986 (pour l'année financière se terminant le 31 mars)

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Paiements de transferts aux particuliers

Prestations de sécurité de la vieillesse

Prestations d'assurange-chômage

Allocations familiales

Autres

Paiements de transferts aux autres paliers

Arrangements fiscaux

Assurance et services de soins médicaux

Régime d'assistance publique du Canada

Aide à l'éducation

Autres

Autres paiements de transfert

Dépenses des sociétés d'État

Autres dépenses de programmes

Défense nationale

Tous les autres départements et organismes

Frais de la dette publique

TOTAL

19 696

9 767

6 196

2 298

1 436

15 867

5 404

4 873

2 614

1 852

1 124

8 858

5 407

19 314

6 453

12 861

17 195

86 337

24 883

10 447

10 642

2 417

1 376

16 363

6 064

4 399

3 068

1 660

1 172

9 802

7 746

20 066

7 150

12 917

18 313

97 173

24 886

10 931

10 275

2 443

1 236

19 036

6 278

5 845

3 454

2 169

1 290

12 569

5 460

21 041

7 866

13 175

18 988

101 980

25 287

11 452

10 082

2 425

1 327

19 933

6 003

6 349

3 756

2 272

1 553

14 028

6 596

21 532

8 441

13 090

22 523

109 898

26 587

12 525

10 036

2 501

1 525

20 259

5 941

6 400

3 916

2 277

1 725

12 587

4 809

21 833

8 691

13 142

25 441

111 516

26 567

12 841

9 975

2 420

1 330

19 726

6 019

6 310

3 869

2 132

1 395

12 312

5 051

22 309

9 091

13 219

25 461

111 427

26 378

13 092

9 568

2 339

1 378

20 075

6 393

5 984

3 874

2 046

1 778

13 670

4 430

23 755

9 359

14 397

26 485

114 793

26 437

13 231

9 549

2 268

1 389

20 960

7 073

5 812

3 965

1 938

2 171

12 616

5 016

21 872

9 081

12 791

28 868

115 768

27 482

13 854

10 029

2 275

1 323

21 553

7 421

5 714

4 293

1 858

2 267

11 826

4 539

23 694

9 313

14 381

33 293

122 387

29 482

14 053

12 030

2 244

1 153

19 926

6 792

4 949

4 748

1 527

1 909

10 304

4 801

23 621

8 873

14 748

34 895

123 028

33 150

14 954

14 737

2 293

1 166

21 207

7 198

5 438

4 959

1 741

1 870

12 297

4 310

22 894

8 901

13 993

33 521

127 378

Source: Comptes publics, 1991-1992 et Service de Recherche, Bibliothèque du Parlement.

TABLEAU 2

VARIATION ANNUELLE RÉELLE
en pourcentage (pour l'année financière
se terminant le 31 mars)

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Paiements de transferts aux particuliers

Prestations de sécurité de la vieillesse

Prestations d'assurange-chômage

Allocations familiales

Autres

Paiements de transferts aux autres paliers

Arrangements fiscaux

Assurance et services de soins médicaux

Régime d'assistance publique du Canada

Aide à l'éducation

Autres

Autres paiements de transfert

Dépenses des sociétés d'État

Autres dépenses de programmes

Défense nationale

Tous les autres départements et organismes

Frais de la dette publique

TOTAL

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

26,3

7,0

71,8

5,2

-4,2

3,1

12,2

-9,7

17,4

-10,4

4,3

10,7

43,3

3,9

10,8

0,4

6,5

12,6

0,0

4,6

-3,5

1,1

-10,1

16,3

3,5

32,9

12,6

30,7

10,0

28,2

-29,5

4,9

10,0

2,0

3,7

4,9

1,6

4,8

-1,9

-0,7

7,3

4,7

-4,4

8,6

8,8

4,7

20,4

11,6

20,8

2,3

7,3

-0,6

18,6

7,8

5,1

9,4

-0,5

3,1

14,9

1,6

-1,0

0,8

4,3

0,2

11,1

-10,3

-27,1

1,4

3,0

0,4

13,0

1,5

-0,1

2,5

-0,6

-3,2

-12,8

-2,6

1,3

-1,4

-1,2

-6,4

-19,1

-2,2

5,0

2,2

4,6

0,6

0,1

-0,1

-0,7

2,0

-4,1

-3,3

3,6

1,8

6,2

-5,2

0,1

-4,0

27,4

11,0

-12,3

6,5

2,9

8,9

4,0

3,0

0,2

1,1

-0,2

-3,1

0,8

4,4

10,6

-2,9

2,4

-5,3

22,1

-7,7

13,2

-7,9

-3,0

-11,2

9,0

0,8

4,0

4,7

5,0

0,3

-4,7

2,8

4,9

-1,7

8,3

-4,2

4,4

-6,3

-9,5

8,3

2,6

12,4

15,3

5,7

7,3

1,4

20,0

-1,4

-12,8

-7,5

-8,5

-13,4

10,6

-17,8

-15,8

-12,9

5,8

-0,3

-4,7

2,6

4,8

0,5

12,4

6,4

22,5

2,2

1,1

6,4

6,0

9,9

4,4

14,0

-2,0

19,3

-10,2

-3,1

0,3

-5,1

-3,9

3,5

Source: Comptes publics, 1991-1992 et Service de Recherche, Bibliothèque du Parlement.

TABLEAU 3

Part (en pourcentage) des composantes des dépenses par rapport au PIB
(pour l'année financière se terminant
le 31 mars)

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Paiements de transferts aux particuliers

Prestations de sécurité de la vieillesse

Prestations d'assurange-chômage

Allocations familiales

Autres

Paiements de transferts aux autres paliers

Arrangements fiscaux

Assurance et services de soins médicaux

Régime d'assistance publique du Canada

Aide à l'éducation

Autres

Autres paiements de transfert

Dépenses des sociétés d'État

Autres dépenses de programmes

Défense nationale

Tous les autres départements et organismes

Frais de la dette publique

Total des dépenses

4,9

2,4

1,5

0,6

0,4

3,9

1,3

1,2

0,6

0,5

0,3

2,2

1,3

4,8

1,6

3,2

4,2

21,3

6,1

2,6

2,6

0,6

0,3

4,0

1,5

1,1

0,8

0,4

0,3

2,4

1,9

4,9

1,8

3,2

4,5

23,9

5,8

2,6

2,4

0,6

0,3

4,5

1,5

1,4

0,8

0,5

0,3

3,0

1,3

4,9

1,8

3,1

4,5

23,9

5,7

2,6

2,3

0,5

0,3

4,5

1,3

1,4

0,8

0,5

0,3

3,1

1,5

4,8

1,9

2,9

5,0

24,6

5,6

2,6

2,1

0,5

0,3

4,2

1,2

1,3

0,8

0,5

0,4

2,6

1,0

4,6

1,8

2,7

5,3

23,3

5,5

2,7

2,1

0,5

0,3

4,1

1,2

1,3

0,8

0,4

0,3

2,5

1,0

4,6

1,9

2,7

5,3

23,1

5,2

2,6

1,9

0,5

0,3

4,0

1,3

1,2

0,8

0,4

0,9

2,7

0,9

4,7

1,9

2,9

5,3

22,8

5,0

2,5

1,8

0,4

0,3

4,0

1,3

1,1

0,8

0,4

0,4

2,4

1,0

4,2

1,7

2,4

5,5

22,0

4,9

2,5

1,8

0,4

0,2

3,9

1,3

1,0

0,8

0,3

0,4

2,1

0,8

4,2

1,7

2,6

6,0

21,9

5,4

2,6

2,2

0,4

0,2

3,6

1,2

0,9

0,9

0,3

0,3

1,9

0,9

4,3

1,6

2,7

6,4

22,5

6,0

2,7

2,7

0,4

0,2

3,9

1,3

1,0

0,9

0,3

0,3

2,2

0,8

4,2

1,6

2,6

6,1

23,2

Source: Comptes publics, 1991-1992 et Service de Recherche, Bibliothèque du Parlement.

TABLEAU 4

Part (en pourcentage) des composantes des dépenses par rapport au total
(pour l'année financière se terminant
le 31 mars)

1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
Paiements de transferts aux particuliers

Prestations de sécurité de la vieillesse

Prestations d'assurange-chômage

Allocations familiales

Autres

Paiements de transferts aux autres paliers

Arrangements fiscaux

Assurance et services de soins médicaux

Régime d'assistance publique du Canada

Aide à l'éducation

Autres

Autres paiements de transfert

Dépenses des sociétés d'État

Autres dépenses de programmes

Défense nationale

Tous les autres départements et organismes

Frais de la dette publique

22,8

11,3

7,2

2,7

1,7

18,4

6,3

5,6

3,0

2,1

1,3

10,3

6,3

22,4

7,5

14,9

19,9

25,6

10,8

11,0

2,5

1,4

16,8

6,2

4,5

3,2

1,7

1,2

10,1

8,0

20,6

7,4

13,3

18,8

24,4

10,7

10,1

2,4

1,2

18,7

6,2

5,7

3,4

2,1

1,3

12,3

5,4

20,6

7,7

12,9

18,6

23,0

10,4

9,2

2,2

1,2

18,1

5,5

5,8

3,4

2,1

1,4

12,8

6,0

19,6

7,7

11,9

20,5

23,8

11,2

9,0

2,2

1,4

18,2

5,3

5,7

3,5

2,0

1,5

11,3

4,3

19,6

7,8

11,8

22,8

23,8

11,5

9,0

2,2

1,2

17,7

5,4

5,7

3,5

1,9

1,3

11,0

4,5

20,0

8,2

11,9

22,9

23,0

11,4

8,3

2,0

1,2

17,5

5,6

5,2

3,4

1,8

1,5

11,9

3,9

20,7

8,2

12,5

23,1

22,8

11,4

8,2

2,0

1,2

18,1

6,1

5,0

3,4

1,7

1,9

10,9

4,3

18,9

7,8

11,0

24,9

22,5

11,3

8,2

1,9

1,1

17,6

6,1

4,7

3,5

1,5

1,9

9,7

3,7

19,4

7,6

11,8

27,2

24,0

11,4

9,8

1,8

0,9

16,2

5,5

4,0

3,9

1,2

1,6

8,4

3,9

19,2

7,2

12,0

28,4

26,0

11,7

11,6

1,8

0,9

16,6

5,7

4,3

3,9

1,4

1,5

9,7

3,4

18,0

7,0

11,0

26,3

Source: Comptes publics, 1991-1992 et Service de Recherche, Bibliothèque du Parlement.

D'un simple coup d'oeil, on constate que la récession de 1982 a grandement affecté le niveau des dépenses. Entre 1982 et 1992, les dépenses se sont accrues de 48 p. 100 en termes réels. Seulement entre 1982 et 1984, elles ont grimpé de 18 p. 100.

Les paiements de transferts en général ont connu une hausse marquée au début des années 80 pour ensuite croître à un taux moins élevé et parfois même négatif en termes réels. On constate que la part des paiements de transferts par rapport au PIB s'est légèrement accrue depuis ces derniers dix ans. Le changement le plus important est la hausse des prestations d'assurance-chômage, dont la part en fonction du PIB est passée de 1,5 p. 100 en 1982 à 2,7 p. 100 en 1992. La récente récession a aussi eu un impact direct sur les paiements de transferts. La plupart des composantes ont connu des hausses en 1991 et en 1992.

Les dépenses des sociétés d'État ont subi des variations autant à la hausse qu'à la baisse depuis 1982. Elles ont tout de même été réduites de 20 p. 100 en termes réels en 10 ans. Leur part dans le PIB est passée de 1,3 p. 100 en 1982 à 0,8 p. 100 en 1992. La privatisation de plusieurs sociétés d'État est la principale explication de cette baisse marquée dans les dépenses.

Pour leur part, les dépenses des autres programmes du gouvernement n'ont pas tout à fait suivi la même tendance que les paiements de transferts. En effet, les variations annuelles reflètent plutôt le désir du gouvernement conservateur de réduire la croissance des dépenses de ses programmes. Même si ces dépenses ont connu des hausses assez substantielles en 1988 et 1990, la part des dépenses de programmes par rapport au PIB a eu tendance à décroître depuis 1982. Dans l'ensemble, les dépenses effectuées par la Défense nationale se sont accrues mais à un taux décroissant et quelque fois même négatif au fil des ans.

Les frais de la dette publique constituent une part de plus en plus importante de l'ensemble des dépenses gouvernementales. En 1982, les frais de la dette comptaient pour un peu moins de 20 p. 100 des dépenses totales. En 1992, ils comptaient pour 26 p. 100. Ils ont donc pratiquement doublé en 10 ans. Seul point positif concernant les frais de la dette: l'exercice 1991-1992 a été le premier depuis les années 50 où ces frais ont diminué d'une année à l'autre.

À l'examen des chiffres, on constate rapidement qu'on est face à un univers financier considérable. Ces dépenses se font dans des dizaines de ministères et d'organismes et dans le cadre de milliers de programmes. L'examen de ces dépenses, et par le fait même de ces programmes, ne peut se faire en profondeur chaque année. Seule l'approbation des crédits accordés à chaque ministère fait l'objet d'un processus annuel d'examen par le Parlement. Dans la section qui suit, nous voyons qui sont les intervenants dans le processus d'examen des dépenses gouvernementales fédérales et quels sont leurs rôles respectifs.

   B. L'examen des dépenses gouvernementales

Le dépôt annuel du Budget des dépenses par le Président du Conseil du Trésor marque le premier pas de l'examen des dépenses gouvernementales(1). Le Budget se divise en trois parties. La Partie I contient les principaux éléments du Budget des dépenses. La Partie II comprend les besoins financiers de chaque ministère et organisme. Les Parties III (plus de 80) explicitent l'information contenue dans les Parties II tout en donnant de l'information descriptive sur les objectifs des programmes, les principales réalisations et les plans d'avenir des ministères et organismes.

Le Parlement doit approuver le Budget des dépenses pour chaque exercice (année financière) qui commence le 1er avril et se termine le 31 mars de l'année suivante. Avant de le faire, les Parties III sont renvoyés aux différents comités de la Chambre des Communes qui sont chargés d'en faire un examen approfondi. Cet examen vise à s'assurer que les ressources financières demandées sont justifiées. Les ministres et leurs hauts fonctionnaires viennent rendre des comptes devant les membres des divers comités.

L'annexe 1 indique le nombre de réunions que les comités ont tenues au cours des cinq dernières années financières pour examiner le Budget des dépenses. On peut constater que le nombre total de réunions a grandement varié dans le temps. Les comités se sont réunis comme suit: 134 fois pour le Budget des dépenses de 1989-1990, 92 fois pour celui de 1990-1991, 33 fois pour celui de 1991-1992, 64 fois pour celui de 1992-1993 et 45 fois pour celui de 1993-1994.

Bien que la plupart des comités tiennent au moins une réunion sur les Parties III, l'exercice semble loin d'être populaire. D'autre part, aucun changement majeur, comme par exemple une coupure dans le budget, n'est jamais survenu après l'examen d'une Partie III. Les crédits finissent toujours par être approuvés ne serait-ce que parce que la majorité des membres des comités sont membres du parti au pouvoir. D'autre part, les comités ont jusqu'au 31 mai pour faire rapport à la Chambre sur les Parties III. À cette date, celles qui n'ont fait l'objet d'aucun examen en comité ou de rapport à la Chambre sont considérées comme ayant été approuvées.

Cette façon de procéder ne suscite aucun intérêt puisque les députés ont l'impression que quel que soit l'intérêt qu'ils portent aux ressources demandées l'adoption des crédits ne sera pas touchée. Les députés (surtout ceux de l'opposition) profitent alors de la rare présence du ministre devant eux pour poser des questions sur tous les sujets sauf celui des ressources financières.

Certains pourront dire que même imparfaite, cette façon de faire est une occasion d'examiner publiquement les dépenses et de favoriser la transparence de la budgétisation. En fait, ce n'est qu'en de rares occasions que les fonctionnaires viennent rendre des comptes aux élus. Toutefois, le peu d'enthousiasme que ces séances semblent susciter montre que les députés ne sont peut-être pas convaincus de leur bien-fondé, du moins dans leur forme actuelle.

Face à cette situation, plusieurs ont proposé soit des changements au processus, soit l'adoption d'autres moyens pour que les députés puissent examiner les dépenses du gouvernement. Le vérificateur général du Canada, M. Desautels, a proposé la création d'un comité qui serait formé des meilleurs parlementaires et qui examinerait la question des finances publiques d'une manière non partisane(2). Plutôt que se concentrer sur une seule année financière, le Comité envisagerait les questions dans une perspective à long terme. D'autres proposent la création d'un super comité où siègeraient également des contribuables qui scruteraient les dépenses du gouvernement.

Le travail des députés en matière d'examen des dépenses ne se résume pas qu'à l'adoption des Parties III en Comité. Toutefois, mise à part sa participation aux débats, ses interventions se font souvent ex post, soit après que la dépense a été effectuée.

Le Rapport annuel du vérificateur général est un des outils dont se servent les députés pour examiner les programmes des différents ministères et organismes. Le vérificateur général (VG) cherche à savoir si les dépenses ont été effectuées avec le souci de l'économie et selon la volonté du Parlement. Toutefois, il peut s'écouler des mois avant que les députés puissent prendre connaissance des conclusions du VG puisqu'il ne dépose qu'un seul rapport par année. Afin que les députés puissent réagir plus rapidement aux observations du VG, il a déjà été proposé de permettre à celui-ci de publier ses rapports dès que la rédaction en est terminée ou qu'il le juge à propos.

Depuis quelque temps, les actions directes des députés (surtout ceux de l'opposition) en matière d'examen des dépenses se situent plutôt au niveau du contrôle des dépenses. On demande au gouvernement de faire quelque chose pour réduire les dépenses sans pour autant replonger le pays dans une récession. Dans la prochaine section, nous examinons les moyens que le gouvernement a pris pour contrôler les dépenses au cours des dernières années.

   C. Le contrôle des dépenses gouvernementales

Même s'il est vrai que le niveau des dépenses n'est pas significatif si on ne le compare pas aux revenus, il donne quand même une idée des choix que le gouvernement doit faire lorsqu'il décide de sabrer dans les dépenses. La volonté du gouvernement de comprimer ses dépenses n'est pas nouvelle. Toutefois, la population lui demande de changer sa façon de le faire.

D'abord, les gens entendent différents groupes dire que le gouvernement pourrait trouver des moyens moins draconiens pour réduire les dépenses. En fait, chacun y va de sa proposition. Ensuite, les gens ne sont pas certains que le gouvernement prend tous les moyens pour s'assurer que l'argent est bien dépensé. Au début de l'année, un sondage effectué par Gallup(3) demandait aux Canadiens quel pourcentage de leurs impôts et taxes le gouvernement fédéral gaspillait. Selon eux, 47 cents par dollar étaient gaspillés ! Dans ce contexte, il est important de connaître ce que fait le gouvernement pour ce qui est du contrôle et de la réduction des dépenses.

      1. La Loi limitant les dépenses publiques

Il y a maintenant plus d'un an (18 juin 1992) que la Loi limitant les dépenses publiques a reçu la sanction royale. Cette Loi a pour but de fixer des plafonds selon des critères établis sur les dépenses de programmes pour la période allant de 1991-1992 à 1995-1996. Ces plafonds ne pourraient être dépassés, sauf exception, par le ministre des Finances lors de la présentation de son budget.

Ce ne sont pas toutes les dépenses du gouvernement qui sont assujetties à la Loi. Les principaux programmes autofinancés (assurance-chômage, stabilisation des produits agricoles, Régime d'assurance du revenu brut et Caisse de réassurance des récoltes) ainsi que les frais de la dette échappent aux plafonds de contrôle des dépenses. D'autre part, la Loi permet un dépassement des dépenses s'il est compensé par une diminution dans les deux exercices qui suivent. Cette disposition est valable même pour la dernière année du programme.

Les dépenses assujetties à la Loi comptent pour 62,5 p. 100 des projections des dépenses totales. Elles représentent des dépenses jugées contrôlables (par rapport aux dépenses d'assurance-chômage tributaires de l'état de l'économie). Jusqu'à présent, les plafonds imposés ont été respectés. Suite à des modifications dans la structure des dépenses (restructuration du régime de prestations pour enfants et provisionnement intégral des pensions), le gouvernement se propose de réviser à la baisse les plafonds des dépenses à partir de l'exercice 1992-1993 et de les prolonger jusqu'en 1997-1998.

Certains jugent que la Loi limitant les dépenses publiques ne s'attaque pas assez directement au déficit. Ils proposent que le gouvernement passe une loi pour s'interdire de faire des déficits. Pour sa part, le vérificateur général proposait dans son Rapport annuel de 1991 une carte de pointage où les résultats du déficit et de la dette seraient comparés aux prévisions budgétaires et les écarts importants expliqués dans un style clair et facile à lire. Les paramètres (taux de chômage, d'inflation et d'intérêt) sous-jacents à ces prévisions devraient également faire l'objet d'une comparaison(4).

      2. Mesures particulières de compression des dépenses

Plusieurs facteurs influent sur les dépenses du gouvernement. Premièrement, ces dépenses dépendent en partie de l'état de l'économie. En temps de récession, le nombre de chômeurs et d'assistés sociaux augmente et influe directement sur les dépenses. Deuxièmement, la croissance da la population a un impact sur les dépenses. En général, les services requis pour satisfaire la population augmentent de façon proportionnelle à cette croissance. Troisièmement, la structure même des programmes a un impact certain sur les dépenses. Un programme très généreux coûtera nécessairement plus cher au gouvernement.

La part grandissante des dépenses consacrée aux paiements de transferts aux particuliers et au Régime d'assistance publique depuis le début de la récession en 1989-1990 a fait surgir de nombreux problèmes. S'il ne voulait pas financer ces nouvelles dépenses par des hausses d'impôt et en même temps maintenir le déficit à un niveau raisonnable, le gouvernement se devait de couper dans d'autres types de dépenses ou de revoir la structure des composantes des paiements de transferts.

Dans le budget de 1990, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un Plan de contrôle des dépenses. Les budgets suivants ont aussi donné lieu à d'importantes réductions des dépenses. Nous énumérons ici les plus importantes(5).

1990

  • La croissance des paiements versés dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada est limitée à 5 p. 100 (ce qu'on a appelé «cap on CAP») au cours des deux prochaines années pour l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ce gel a été par la suite prolongé pour une troisième année.

  • Gel de deux ans des transferts par habitant versés dans le cadre du Financement des programmes établis.

  • Diminution des montants affectés au logement social.

  • Mise en application de la disposition de récupération en vertu de laquelle les personnes à revenu élevé doivent rembourser une partie ou la totalité de leurs allocations familiales ou de sécurité de vieillesse, selon le cas.

1991

  • Limitation des hausses de salaires des fonctionnaires fédéraux.

  • Loi limitant les dépenses publiques.

1992

  • Réduction de 10 p. 100 de la plupart des subventions et contributions au cours de chacune des deux prochaines années.

  • Gel de deux ans des salaires des fonctionnaires et des députés fédéraux.

  • Dissolution ou regroupement de plusieurs organismes gouvernementaux.

  • Le taux des prestations de l'assurance-chômage passe de 60 à 57 p. 100 des gains assurables.

  • Aucune prestation d'assurance-chômage pour les travailleurs qui quittent leur emploi sans raison valable.

1993

  • Prolongation des réductions des programmes de développement régional et non-renouvellement de certains accords fédéraux-provinciaux de développement.

  • Gel des crédits affectés à la SCHL pour le logement social.

  • Compression de 300 millions de dollars des budgets de fonctionnement au cours des deux prochaines années.

Cette énumération des mesures montre à quel point elles touchent toutes les composantes des dépenses. Même si ces mesures ont permis jusqu'à un certain point de freiner la croissance de dépenses, celles-ci sont passées de 122,4 milliards de dollars en 1989-1990 à 127,4 milliards de dollars en 1991-1992 en termes réels.

L'impact de plusieurs des mesures de compression des dépenses annoncées dans les derniers budgets ne se fera pleinement sentir que dans les prochaines années. Si elles se combinent à une reprise de l'économie, ces mesures auront certainement une influence majeure sur les dépenses gouvernementales.

      3. Expériences étrangères (6)

La compression des dépenses gouvernementales n'est pas un phénomène propre au Canada. Plusieurs pays ont entrepris depuis quelques années d'effectuer des réductions semblables. L'annexe 2 montre les plus récentes mesures prises par quelques pays de l'OCDE. Même les pays les plus socialistes ont effectué des compressions dans leurs programmes sociaux. La plupart ont entrepris de réduire la taille de leur fonction publique. Tous les pays ont réduit leurs dépenses dans au moins un de leurs programmes sociaux. La Nouvelle-Zélande a même aboli l'universalité des programmes sociaux et de santé. Des coupures dans le secteur de la défense ont eu lieu dans la moitié des pays.

La nature des réductions dans les dépenses dépend en grande partie de la réaction de la population à ces annonces. Le gouvernement a quelquefois les mains liés en ce sens qu'il ne peut toucher à des programmes auxquels la population tient vraiment. Par exemple, le Canada est très attaché au concept de l'universalité des programmes de santé. Il n'est pas évident qu'un gouvernement aurait le courage d'abolir l'universalité même si cela peut représenter des économies non négligeables.

CONCLUSION

La population canadienne est consciente des contraintes auxquelles le gouvernement doit faire face en ce qui concerne les finances publiques. Dans un même temps, elle veut que le gouvernement s'occupe de mettre un frein au chômage et à la récession. Dans un sondage effectué par Decima Research en novembre 1992(7), 57 p. 100 des gens interrogés ont répondu qu'il était plus important d'investir dans les ressources humaines même si cela devait se traduire par une augmentation du déficit contre 41 p. 100 qui disaient que le gouvernement devrait réduire le déficit même si cela devait se répercuter sur les services offerts.

Les citoyens s'attendent donc à ce que le gouvernement fasse ses devoirs. Si celui-ci veut mener à bien son plan de réduction des dépenses, il faudra qu'il explique aux citoyens l'impact de ses actions. Avant tout, il faut que le gouvernement fasse la preuve que l'argent de ses taxes est utilisé à bon escient.

La participation des citoyens au processus d'examen des dépenses pourrait alors s'avérer rentable pour le gouvernement. Le problème du déficit n'est pas seulement celui du gouvernement au pouvoir mais celui de toute la population. Une plus grande transparence des comptes du gouvernement est la première étape menant à la compréhension des choix offerts. En se montrant plus transparent, le gouvernement deviendrait plus responsable de ses actes. Les parlementaires eux-mêmes en profiteraient parce qu'ils pourraient mieux expliquer la situation à leurs commettants.

Dans le sondage mentionné plus haut, Decima Research a voulu savoir quel serait la meilleure approche pour prendre une décision sur un sujet affectant l'orientation du pays; les trois-quarts des répondants ont répondu qu'ils voudraient être consultés par sondage d'opinion ou par référendum ou pouvoir exprimer leur opinion au moyen d'une ligne 1-800. Seulement 12 p. 100 ont répondu que leur option préférée était un vote au Parlement. Quel que soit le moyen choisi pour ce faire, il est clair que les citoyens veulent désormais être consultés. Dans un contexte où les institutions gouvernementales deviennent de plus en plus impopulaires, le gouvernement devrait montrer qu'il n'est pas le seul à tenir le gouvernail du bateau de l'État. La population prendrait peut-être alors conscience des moyens qu'elle pourrait prendre pour contribuer à maintenir ce dernier à flots.

 


ANNEXE 1
NOMBRE DE RÉUNIONS TENUES PAR LES COMITÉS POUR L'EXAMEN DU BUDGET
DES DÉPENSES PRINCIPAL, PAR COMITÉ ET PAR EXERCICE

Comités permanents

1989-1990

1990-1991 1991-1992 1992-1993 1993-1994
Affaires autochtones

1

2

--

--

3

Affaires étrangères et commerce extérieur

7

2

3

6

5

Agriculture

13

6

--

3

3

Communications et culture

10

8

1

5

--

Comptes publics

3

2

1

3

2

Consommation, affaires commerciales et administration gouvernementale

14

9

2

3

1

Défense nationale et affaires des anciens combattants

4

5

4

3

1

Droits de la personne et condition des personnes handicapées

3

2

1

1

2

Élections, privilèges, procédure et affaires émanant des députés

2

4

--

--

--

Énergie, mines et ressources

5

5

1

2

1

Environnement

7

4

1

4

3

Finances

9

1

--

1

--

Forêts et pêches

10

--

--

2

2

Gestion de la Chambre

--

--

2

7

3

Industrie, science et technologie, développement

régional et du Nord

12

7

8

6

6

Justice et Solliciteur général

11

11

3

6

2

Langues officielles

--

1

--

1

1

Multiculturalisme et citoyenneté

--

1

--

1

--

Santé et bien-être social, affaires sociales, troisième âge et condition féminine

9

6

--

2

1

Transports

4

2

--

--

--

Travail, emploi et immigration

10

10

5

4

5

Sous-Comités          
Condition féminine

--

--

--

1

1

Condition physique et sport amateur

--

--

--

1

--

Forêts

--

4

1

--

--

Institutions financières

--

--

--

1

1

Sécurité nationale

--

--

--

1

2

Source: Direction des comités, Chambre des communes, juin 1993.

 


ANNEXE 2

Pays

Postes, salaires et ministères

Programmes sociaux

Autres

Belgique

Réduction des dépenses des ministères (1990)

· Non-indexation des pensions de vieillesse (1990)

· Réduction des dépenses de santé et d'indemnisation du chômage (1991)

Instauration du principe du «budget base zéro» (1991)

Réduction des dépenses militaires (1991)

Danemark

· Limitation de la croissance de l'emploi dans le secteur public (1990)

· Coupure de 6300 postes à t.-p. dont 4100 «privatisés» (1991)

· Réduction des dépenses consacrées à l'indemnisation du chômage (1991)

· Les jeunes doivent présenter des justifications de l'exercice d'un emploi antérieur avant d'avoir droit aux prestations d'aide sociale (1991)

 

Finlande

· Plan de réduction de 1,3% du nombre de postes dans les administrations publiques (1989)

· Nouveau gouvernement annonce une réduction du nombre de salariés de l'administration centrale (1991)

· Coupures des transferts sociaux et des transferts dans le secteur de l'administration (1993)

· Réforme du système de transfert entre l'administration centrale et les administrations locales (1993)

· Élaboration d'un nouveau cadre budgé-taire pour 1993-1995 prévoyant que les dépenses seront ramenées au niveau de 1991 en 1995 (1991)

Norvège

 

· Restriction de la croissance des transferts au secteur privé et aux collectivités locales (1992)

· Diminution des paiements au titre des congés de maladie (1992)

 

Nouvelle-Zélande

 

· Abolition de l'universalité des programmes sociaux et de santé, sauf dans le cas du programme de pension de vieillesse (1992)

· Réforme des régimes publics de santé et d'éducation: Les personnes à revenus élevés doivent payer la visite chez le médecin et une partie des frais d'hospitalisation (1992)

Les individus à faibles revenus ont droit aux soins de santé gratuits et à l'éducation universitaire gratuite (1992)

· Diminution des dépenses au titre de la défense (1990)

 

 

 

 

Pays-Bas

· Indexation maximale des traitements fixée à 2,5% (1990)

· Accroissement de la productivité dans le secteur public par une réduction des effectifs (25000) d'ici 1994 (1991)

· Gel des prestations de sécurité sociale (1989)

· Réduction du nombre de personnes admissibles aux indemnités d'invalidité de maladie (1991)

· Compression des dépenses militaires, de l'aide aux développement et du secours aux réfugiés (1991)

Royaume-Uni

· Les agences peuvent établir leur propre système de rémunération et de classification du personnel (1991)

· Resserrement des critères d'admissibilité au programme d'assurance-chômage (1989)

· Abolition du règlement permettant aux personnes âgées de 65 ans et plus de toucher leur pension tout en continuant à travailler (1989)

· Réduction des niveaux de la construction de routes et dans le secteur de la défense (1992)

Suède

· Réduction de 10% de la taille de l'administration centrale en 3 ans par le biais de la décentralisation et da la déréglementation (1990)

· Passage de 65 à 66 ans de l'âge d'admissibilité au régime de pensions de vieillesse et gel du niveau des pensions (1992)

· Report de l'augmentation des transferts sociaux (1990)

· Réduction des indemnités de congé de maladie (1991)

· Réduction des subventions aux organisations non gouvernementales et aux entreprises (1992)

· Réduction du soutien accordé au logement (1992)

Source: Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens, Gouvernement du Québec, Ministère des Finances, janvier 1993.

 


(1) Pour une information plus détaillée sur le cycle financier, voir La gestion des finances publiques au Canada, BP-297F, Bibliothèque du Parlement, Service de recherche, 1992.

(2) Discours prononcé devant la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, le 19 janvier 1993.

(3) Ibid.

(4) Vérificateur général, Rapport 1991, chapitre 1.

(5) Cette partie du document s'inspire du document intitulé Les dépenses fédérales: nouvelles tendances, 87-2F, Bibliothèque du Parlement, Service de recherche, 1993.

(6) Les données de cette section sont tirées de Les finances publiques au Québec: vivre selon nos moyens, Gouvernement du Québec, Ministère des Finances, janvier 1993.

(7) Mclean's, janvier 1993.