BP-371F

 

LES SONDAGES D'OPINION AU CANADA

 

Rédaction  Claude Emery
Division des affaires politiques et sociales
Janvier 1994


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

L’EXACTITUDE DES SONDAGES D’OPINION

L’INCIDENCE DES SONDAGES SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL

   A. Incidence directe

   B. Incidence indirecte

SONDAGES ET RÉGLEMENTATION

   A. Historique

   B. La réglementation canadienne

   C. La réglementation appliquée dans d’autres pays

LES SONDAGES D’OPINION ET L’ÉLABORATION DES POLITIQUES

CONCLUSION

 


LES SONDAGES D'OPINION AU CANADA

 

INTRODUCTION

Les sondages d’opinion ont acquis une très grande importance au Canada dans les années 80; ils sont non seulement devenus une caractéristique familière et, semble-t-il, indispensable des campagnes électorales ? différentes salles de rédaction des médias et différents partis politiques ayant retenu les services de plusieurs sondeurs professionnels ? mais aussi un volet important du processus d’élaboration des politiques pour la gestion des affaires publiques(1). Aujourd’hui, les sondages sont pour les dirigeants politiques et les décideurs ce que la Bourse constitue pour les analystes financiers(2). Bien que les gouvernements disposent d’autres moyens pour tâter le pouls du public ? les militants du parti, les membres du caucus, les fonctionnaires et leurs nombreux groupes de clients, les débats à la Chambre des communes et dans les assemblées législatives, la presse écrite et les médias électroniques ? les sondages sont maintenant reconnus comme l’un des modes de communication les plus importants entre gouvernements et gouvernés(3).

Certains prétendent que Jean-Jacques Rousseau est le premier à avoir utilisé, en 1744, l’expression « opinion publique » dans son acceptation actuelle alors qu’il était secrétaire des Affaires étrangères de France. Lindsay Rogers, un politicologue américain, a pour la première fois utilisé le mot « pollster » (sondeur) en 1949 pour évoquer le mot « huckster » (colporteur). Bien que les quotidiens américains aient eu recours à des techniques de sondage depuis 1820, ce n’est que dans les années 40 que les sondages nationaux ont fait leur apparition au Canada. Le Parti libéral a entrepris le premier sondage pancanadien en 1942, lorsqu’il s’interrogeait sur les résultats probables du plébiscite sur la conscription. Le premier sondage électoral a été réalisé en 1945 par l’Institut canadien d’opinion publique. L’un des premiers sondages politiques ayant contribué à l’élaboration d’une stratégie électorale fut réalisé pour le compte du Parti libéral du Québec en 1959, à la veille de l’élection provinciale de 1960. Ce n’est toutefois que pendant l’élection fédérale de 1965 que les sondages ont vraiment pris leur essor dans la presse canadienne(4).

Les maisons de sondage les plus connues sont l’Institut canadien d’opinion publique (ICOP), filiale canadienne de la maison Gallup des États-Unis; Decima Research (qui appartient au groupe de pression Hill et Knowlton); Environics Research Group; Sorecom; Réalités canadiennes; CROP (Centre de recherche sur l’opinion publique); Angus Reid et Insight Canada. Plus de la moitié des principales maisons de sondage sont associées à un parti politique ou à des salles de rédaction des médias(5). Pour ce qui est de la commandite des médias, une chaîne de journaux ou un réseau de télévision commande un sondage ou ajoute des questions à un sondage commercial habituel. Les sondeurs travaillent souvent pour les médias, du fait que les résultats des sondages sont devenus des nouvelles en soi(6). Sur les 22 sondages qui ont été réalisés pendant les élections fédérales de 1988, 15 ont été commandités par la presse écrite; de plus, deux diffuseurs (CTV et CBC-Radio Canada) ont soit parrainé, soit réalisé des sondages pendant la campagne(7). Pour bon nombre d’entreprises canadiennes, cependant, les sondages électoraux sont moins lucratifs que les recherches effectuées pour le compte du secteur privé (consommateurs/produits) ou du secteur public (politique)(8).

La technique de sondage la plus courante et la plus connue consiste à choisir (au hasard) un échantillon représentatif de personnes, de leur poser des questions soigneusement formulées et de rendre de leurs réponses. Trois autres méthodes méritent également d’être signalées : l’« analyse », méthode qui consiste à téléphoner à des gens pendant une campagne électorale afin de déterminer l’incidence de certains facteurs (p. ex. : discours, annonces) sur un parti ou une campagne(9); le « groupe de réflexion », méthode dans laquelle un animateur encourage plusieurs personnes ? parfois observées derrière un miroir argus ? à exprimer leurs réactions à différents thèmes ou slogans; et les « sondages après-vote », qui sont réalisés à la sortie de l’isoloir et dans lesquels on cherche à savoir comment les répondants ont voté(10).

L’EXACTITUDE DES SONDAGES D’OPINION

L’expression « opinion publique » sert bien souvent à qualifier un point de vue unanime; il convient cependant de faire remarquer que le public peut avoir plusieurs opinions sur une question quelconque, et que chaque question n’intéresse en général qu’un certain segment de la population(11). Même au sein d’un groupe où les membres ont des vues bien arrêtées sur une question, ils ne les expriment pas tous avec la même intensité. Par ailleurs, au Canada, des zones d’opinion ont eu tendance à se former pour des considérations régionales; ainsi, il va sans dire que les questions qui touchent l’industrie forestière ou les pêches donnent naissance à des opinions beaucoup plus tranchées dans certaines régions du pays que dans d’autres. Chaque personne possède un bagage de connaissances très différent, mais les opinions peuvent également être contradictoires(12) sur le plan interne et certaines, notamment celles qui portent sur des questions d’ordre moral ou social (p. ex. : l’avortement, la peine capitale) peuvent être davantage suscitées par des réactions émotives que par des évaluations rationnelles(13).

Il est probable que les opinions soient plus éphémères et plus dynamiques que les attitudes et les valeurs. Au mieux, un sondage d’opinion est donc un instantané de plusieurs points de vue d’un segment de la population, à un moment donné. De fait, comme le précise un sondeur bien connu, « la façon dont on traite les informations recueillies à l’aide de sondages d’opinion doit tenir compte des limites des données que l’on évalue, et les activités du sondeur doivent toujours être perçues comme relevant à fois de la science et de l’art »(14).

Lorsque deux ou plusieurs sondeurs recherchent essentiellement les mêmes informations mais qu’ils obtiennent des résultats différents, on se pose naturellement des questions sur la méthodologie employée. L’échantillon ou les sous-échantillons retenus, la manière dont une question a été formulée, l’étendue des réponses possibles, l’ordre des questions posées, la longueur du sondage, la mesure dans laquelle les répondants disent la vérité, etc., peuvent justifier de telles différences(15), tout comme d’ailleurs la fidélité avec laquelle les enquêteurs effectuent leur tâche. Il ne faut pas non plus ignorer la possibilité que les enquêteurs maquillent à l’occasion leurs entrevues ou qu’ils remplacent les personnes de l’échantillon avec lesquelles ils étaient censés communiquer, mais qu’ils n’ont pu joindre, par des personnes qu’ils ont plus facilement pu contacter(16). Une considération de la plus haute importance est la façon dont on rend compte des « indécis » dans un sondage(17).

Dans de nombreux sondages, un pourcentage élevé de personnes répondent par « Je ne sais pas », ou encore sont « indécises » ou « ne veulent pas se prononcer ». Il n’est pas rare que 20, 30, voire 40 p. 100 des personnes qui constituent l’échantillon donnent ce genre de réponses. Gallup et la plupart des maisons de sondage arrondissent pourtant le total des chiffres publiés à 100 p. 100, comme si tout le monde avait fourni une réponse positive donnée. Elles peuvent signaler qu’il y avait un certain nombre d’indécis, mais quand elles donnent la ventilation des voix exprimées, dans un concours pré-électoral, par exemple, leurs chiffres donnent toujours… 100 p. 100(18).

Signalons qu’il est plus facile de traduire des intentions de vote en sièges éventuels dans un système bipartite que dans un système où il existe plusieurs partis. L’exactitude des sondages électoraux dépend également de la participation au scrutin; les résultats des sondages pré-électoraux peuvent parfois être dépassés lorsqu’ils sont publiés. Au Canada, la situation se complique du fait que les sondages pancanadiens doivent être rédigés en anglais et en français, et que les questions posées doivent être identiques dans les deux langues officielles. Enfin, les sondages peuvent être délibérément mal interprétés ou réalisés de connivence avec ceux qui en publient les résultats; on a cité de nombreux exemples de l’emploi de cette pratique par les partis politiques(19). Les groupes d’intervention qui cherchent à influer sur l’ordre des priorités peuvent également commander des sondages à l’intention du grand public et rédiger des questions dans le but d’étayer leur arguments ou de faire valoir leurs points de vue. Bref, les sondages d’opinion sont des outils de prévision émoussés, susceptibles d’être truffés de nombreuses erreurs(20).

Les détracteurs des sondages politiques signalent certains échecs notoires, notamment la victoire anticipée de Landon sur Roosevelt en 1936, celle de Dewey sur Truman en 1948 et celle de Wilson sur Heath, en Grande-Bretagne, en 1970. Selon la plupart des sondeurs, les résultats de l’élection présidentielle de 1980 aux États-Unis étaient trop serrés pour qu’ils puissent en prédire l’issue, et pourtant, Ronald Reagan a remporté une victoire écrasante. Un autre exemple semblable est la victoire inattendue des conservateurs sur les travaillistes en Grande-Bretagne, en 1992. Au Canada, cependant, on estime que le nombre d’inexactitudes grossières dans l’évaluation du pouls de l’opinion publique a été relativement faible(21).

L’INCIDENCE DES SONDAGES SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL

   A. Incidence directe

Comme les sondages sont généralement perçus comme étant précis et scientifiques, le débat sur ces derniers porte en grande partie sur la question de savoir s’ils minent le processus démocratique en influant sur le comportement des électeurs et sur les résultats du scrutin. Certains stratèges et observateurs politiques estiment que la publication des sondages procure un avantage injuste aux partis ou candidats dont les changes semblent s’améliorer. Le soi-disant « effet d’entraînement » suppose que l’existence d’une « vague populaire » modifiera sans doute les intentions de vote en faveur du candidat qui est en tête, que de nombreux électeurs préfèrent appuyer un choix populaire et que les gens acceptent la sagesse collective perçue des autres comme une raison suffisante de voter pour un candidat(22).

Ceux qui prétendent que l’électorat ne prête de toute façon guère d’attention aux résultats des sondages, que ce n’est pas tout le monde qui croit ces derniers et qu’il n’est pas important pour tout le monde d’être du côté du gagnant jugent que l’effet d’entraînement n’existe pas(23). Ils soutiennent de plus que bien que certains électeurs veulent se trouver du côté des vainqueurs, quelques-uns se regrouperont autour du perdant probable, par sympathie ? ce que l’on appelle l’effet du « perdant » ? ce qui, selon eux, supprimera ou annulera tout écart dans les préférences(24).

Bien que les universitaires aux États-Unis aient été longtemps d’avis partagés quant à l’incidence de la publication des sondages sur les résultats du scrutin, des recherches récentes prouvent que cette publication peut influer sur un scrutin serré, l’incidence la plus marquée se faisant sentir vers la fin de la campagne(25). Selon des études récentes faites au Canada, les sondages publiés pendant les campagnes électorales peuvent créer les conditions d’un « jeu des attentes », qui stimule l’« effet d’entraînement » et favorise le « vote stratégique », dans lequel les électeurs sont influencés par les chances de déposer un vote gagnant. Ainsi, des électeurs peuvent être amenés à voter pour un candidat ou une candidate qui vient au deuxième rang de leurs préférences parce que celui ou celle dont ils avaient fait leur premier choix n’a guère de chance de l’emporter ou parce que celui ou celle qui est deuxième est plus susceptible de battre un candidat ou un parti dont ils souhaitent la défaite. Il semblerait que le vote stratégique devienne de plus en plus courant au Canada, les compétitions à trois étant plus fréquentes(26). D’où, selon certains, la nécessité, pour les électeurs qui font des choix stratégiques, d’avoir droit à des sondages scientifiquement valables(27).

Les sondages peuvent avoir un effet « démotivant » (lorsque des électeurs s’abstiennent de voter parce qu’ils sont certains que leur candidat ou leur parti l’emportera), un effet « motivant » (lorsque des personnes qui n’avaient pas l’intention de voter sont convaincues de se rendre aux urnes) et un effet de « libre arbitre » (lorsque des électeurs votent pour prouver que les sondages ont tort)(28). Enfin, les sondages ont une incidence directe sur la date d’élection car les gouvernements parlementaires s’en servent souvent des sondages pour choisir le jour du scrutin.

   B. Incidence indirecte

L’incidence indirecte des sondages en période électorale peut être aussi importante que l’incidence directe(29). Étant donné la multiciplicité des sondages d’opinion publiés et la place qu’ils occupent dans les médias, certains prétendent que les sondages détournent le débat des questions essentielles. En effet, nombreux sont ceux qui assimilent la couverture médiatique des élections canadiennes à une rencontre sportive ou à une course de chevaux, dans laquelle il y a une absence quasi total d’analyses sérieuses ou approfondies des questions qui préoccupent le plus les électeurs(30). De plus, le fait que les médias mettent surtout l’accent sur les gagnants et les perdants (et sur le « style » des campagnes des chefs et de leur parti) peut également être un facteur dans ce qu’on appelle la « fixation sur le chef ». Un éminent universitaire explique ainsi ce phénomène :

Les sondages d’opinion réalisés pendant la campagne […] mettent l’accent sur le leadership en vue de prédire les résultats des élections et de les expliquer en fonction de l’attirance du public pour chaque chef de parti. Ainsi on fait passer ces sondages pour des mesures du succès de chacune des campagnes. Dans ce sens-là, la couverture médiatique dans ce domaine dénature le système politique, réduit l’envergure du débat public et jette le discrédit sur les dirigeants et les institutions politiques(31).

La publication des sondages d’opinion peut avoir une incidence positive ou négative sur le moral des militants bénévoles et des donateurs, ainsi que sur l’évolution d’une campagne. Les stratèges des partis déplorent qu’il soit difficile de regagner du terrain quand les médias ont décidé, sur la foi des sondages, qu’un parti n’est plus dans la course. Certains commentateurs voudraient voir interdire toute publication de sondages d’opinion pendant les campagnes politiques.

SONDAGES ET RÉGLEMENTATION

   A. Historique

Les défenseurs de la réglementation des sondages d’opinion soutiennent que ces derniers, en raison de leur caractère d’autorité, influent indûment sur les élections; qu’ils peuvent être erronés ou trompeurs, et même être manipulés; qu’ils sont souvent présentés sans les paramètres (par ex., la manière de mener les interviews et le moment où ceux-ci ont été faits, la taille de l’échantillon, les commanditaires, etc.) qui permettraient de faire une évaluation rationnelle de leur valeur; et qu’ils transforment la démocratie parlementaire (représentative) en une sorte de « démocratie directe ». Certains ont également fait remarquer que, alors que les journalistes n’ont pas, pour des raisons évidentes, le droit de travailler pour les partis politiques, les instituts de sondage ne font l’objet d’aucune restriction de ce genre(32). L’inquiétude de certains au sujet de la publication des résultats de sondages après-vote effectués à la sortie des bureaux de scrutin pendant les heures de scrutin, tient au fait que ceux-ci pourraient avoir sur les électeurs un effet d’entraînement ou un effet démobilisateur. D’autres s’opposent à l’utilisation de ce genre d’information parce que, selon eux, les données présentées ne répondent pas aux normes d’une étude scientifique(33).

Bon nombre de ceux qui s’opposent à la réglementation invoquent la liberté d’expression. Ils prétendent aussi que rien ne prouve que les sondages d’opinion influent sur le vote de façon importante ou excessive, que les sondages sont relativement fiables et qu’ils constituent un mécanisme d’évaluation plus systématique de l’opinion publique que les méthodes traditionnellement employées par les journalistes, qu’ils permettent au public de mieux comprendre la dynamique d’une campagne, qu’ils présentent des renseignements intéressants (même s’ils ne sont pas toujours utiles), et que la publication de nombreux sondages d’opinion suffit pour garantir que l’information présentée reflète bien l’opinion publique (du moins jusqu’au moment où les résultats des élections sont connus)(34). Dans un même ordre d’idées, il est dit que le fait d’interdire la publication des résultats de sondages n’empêcherait pas les gouvernements, les partis, les candidats et d’autres de mener leurs propres sondages; ainsi, une interdiction de ce genre présenterait un avantage considérable pour tous ceux qui ont les moyens de financer leurs propres sondages d’opinion(35). D’autres estiment que les sondages d’opinion servent de contrepoids légitime aux pressions exercées sur le gouvernement par les groupes d’intérêt ou de pression particuliers.

Bref, il y a de nombreuses façons de réglementer la pratique des sondages durant et hors des périodes électorales.

D’abord, l’autodiscipline qui laisse entièrement aux intervenants du secteur, en particulier les instituts de sondage et les médias, le soin de réglementer leur profession tout en assurant le respect de certaines règles minimales d’éthique. La responsabilité première revient aux sondeurs et aux journalistes. Les premiers doivent établir leur propre code déontologique, tandis qu’incombe aux seconds de veiller à ce que le public soit adéquatement informé en présentant et en commentant les résultats de sondages de manière appropriée et responsable. Dans une situation de libre concurrence ou de laisser-faire, la compétition entre les instituts de sondage contraint ces instituts à produire des sondages de meilleure qualité tout en les obligeant à s’autodiscipliner. Dans une telle situation, les pseudo-instituts auront tôt fait d’être démasqués.

La réglementation gouvernementale demeure une avenue que certains qualifient d’élitiste, surtout si elle s’appuie sur l’idée que les sondages d’opinion influencent les citoyens et citoyennes et qu’il faut alors trouver une façon de limiter leur emprise. On voit également dans la réglementation gouvernementale un premier pas vers l’arbitraire du politique; elle peut représenter un danger pour la démocratie si on laisse aux décideurs la responsabilité de définir ce qui doit ou non être publié(36).

L’une des possibilités serait de combiner plusieurs éléments, c’est-à-dire que l’État pourrait imposer certaines restrictions tout en laissant aux organisations intéressées le soin de définir les normes de présentation des résultats de sondages(37).

   B. La réglementation canadienne

Plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire ont été déposés au fil des ans en vue de réglementer ou d’interdire la publication de sondages d’opinion pendant les élections fédérales; aucun n’a cependant été adopté par la Chambre des communes(38). Au niveau provincial, seule la Colombie-Britannique disposait d’une loi d’interdiction : en 1939, la Elections Act de cette province avait en effet été modifiée pour rendre illicite tout « vote de paille » pris à la suite de la délivrance du bref d’élection. Cette disposition a été abrogée en 1982(39).

Au Québec, depuis plus de 10 ans, le Comité des sondages du Regroupement québécois des sciences sociales ? un groupe d’universitaires se spécialisant dans les sondages d’opinion ? essaie de convaincre les journalistes et les médias de la nécessité d’expliquer la méthodologie du sondage au moment de présenter les résultats de celui-ci. En 1979, le Comité a recommandé que cette information (présentée sous la forme d’une fiche signalétique exposant les détails techniques liés au sondage) soit communiquée au public au moment même de la publication ou de la diffusion des résultats des sondages, pour lui permettre de juger de leur fiabilité. Il a également été proposé que l’ensemble des données et rapports des sondages publiés ou diffusés soit légalement déposé de sorte que toute personne puisse les consulter, et qu’une commission des sondages soit constituée pour vérifier la validité des sondages(40).

Le 13 février 1992, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis(41) mise sur pied par le gouvernement fédéral a déposé un rapport en quatre volumes, intitulé Pour une démocratie électorale renouvelée, qui renfermait, entre autres, les recommandations suivantes :

  • que la publication de sondages d’opinion ou la diffusion de comptes rendus à leur sujet soit interdite de minuit la veille de l’élection jusqu’à la clôture de tous les bureaux de vote le jour du scrutin;

  • que tout média d’information qui commandite, achète ou acquiert un sondage d’opinion et en publie les résultats ou en fait état en primeur au Canada pendant une campagne électorale soit tenu de l’accompagner d’une fiche technique décrivant la méthodologie employée(42);

  • que tout média d’information mette à la disposition de tout citoyen; moyennant les frais de copie et dans les 24 heures suivant la publication, un rapport complet sur les résultats des questions publiées, y compris les résultats sur lesquels l’information publiée ou diffusée était basée et les renseignements techniques appropriés(43);

  • que les comptes rendus des médias d’information traitant de sondages réalisés à titre privé ou par d’autres médias d’information, lorsqu’ils sont présentés en primeur au Canada d’une manière similaire à celle que les médias utilisent pour leurs propres sondages soient soumis aux mêmes règles de divulgation que celles qui visent l’information technique diffusée au sujet de la méthodologie employée;

  • que les maisons de sondage qui effectuent des sondages d’opinion destinés à la publication se donnent un code d’éthique et fondent une association pour en promouvoir le respect; et

  • que les maisons de sondage collaborent avec les médias afin d’améliorer la qualité du traitement journalistique des sondages(44).

En ce qui concerne ce dernier point, les journalistes et les radiodiffuseurs ont tous les deux adoptés des codes de déontologie et des règles d’interprétation pour les sondages d’opinion. Ainsi, c’est en 1948 que le comité des normes de l’American Association for Public Opinion Research a proposé une première version d’un code de déontologie pour la profession. Il existe également un Code international des pratiques loyales en matière d’études de marché, qui a été élaboré conjointement par la Chambre de commerce internationale et l’Association européenne pour les études d’opinion et de marketing et adopté en avril 1971. Au Canada, la Fondation canadienne de recherche en publicité et la Canadian Association of Marketing Research Organizations ont créé des normes de présentation de l’information. L’Association canadienne des éditeurs de quotidiens a également proposé une liste de questions que les journalistes devraient se poser au moment d’interpréter les résultats d’un sondage. Pour leur part, les radiodiffuseurs canadiens ont élaboré leurs propres règles et normes, et en janvier 1991, l’Association canadienne des radiodiffuseurs et l’Association canadienne de la radio et de la télévision de langue française ont mis sur pied le Conseil canadien des normes de la radiotélévision qui sera chargé d’examiner la question des codes déontologiques(45).

En février 1992, la Chambre des communes a créé un comité spécial composé de huit députés pour examiner en profondeur le rapport de la Commission royale et recommander des modifications à la Loi électorale du Canada(46). Cette dernière a en effet été modifiée au printemps 1993. La loi fédérale interdit à présent la radiodiffusion, la publication ou la communication des résultats de sondages d’opinion nouveaux ou reposant sur des méthodes scientifiques, qui mentionneraient le nom d’un parti ou candidat politique, pendant les trois derniers jours d’une campagne électorale(47).

   C. La réglementation appliquée dans d’autres pays

Le Canada n’est pas le seul pays à avoir des préoccupations du genre de celles qui viennent d’être mentionnées. Dans de nombreux autres pays, les sondages d’opinion et les modalités de publication de ces derniers font l’objet de diverses restrictions. Aux États-Unis, le National Council of Public Polls et l’American Association of Public Opinion Research appliquent depuis longtemps des codes et sont en train d’étudier divers mécanismes de règlement des plaintes. En 1972, sur l’initiative d’un simple député, la France a adopté une mesure visant à interdire la publication de sondages au cours des derniers jours d’une campagne électorale. La France dispose d’ailleurs d’un organisme de réglementation constitué en bonne et due force ? c’est-à-dire une commission qui reçoit et instruit les plaines, qui exige des maisons de sondage qu’elles enregistrent et déposent leurs données techniques et qui assure le respect de la période d’interdiction de sept jours. La façon dont les sondages d’opinion sont diffusés par les médias, cependant, continue d’y susciter des controverses(48).

En Belgique et dans l’État de New York, les résultats des sondages sont également soumis à l’examen d’un organisme désigné(49). Depuis 1978, selon les règlements appliqués dans l’État de New York, les méthodes employées pour les sondages réalisés à titre privé doivent être communiquées au public si les résultats de ces derniers deviennent publics(50). L’industrie des sondages d’opinion au Royaume-Uni a répondu aux préoccupations soulevées au Parlement et ailleurs en essayant d’améliorer les normes de conduite professionnelles suivies par les médias et les maisons de sondage; en 1987, les grands instituts de sondage ont confirmé de nouveau leur adhésion aux lignes directrices de l’Association mondiale pour l’étude de l’opinion publique et se sont engagés à communiquer au public les méthodes qu’ils emploient et à publier un guide à l’intention des journalistes. Des 20 pays étudiés par la Commission royale sur la réforme électorale, trois interdisent la publication de tout sondage en cours de campagne, alors que d’autres ont des périodes d’interdiction allant de 48 heures à la durée totale de la période électorale(51).

LES SONDAGES D’OPINION ET L’ÉLABORATION DES POLITIQUES

Les sondeurs jouent un rôle qui influe non seulement sur le contexte électoral mais aussi sur l’élaboration des politiques. Les gouvernements et les partis politiques s’appuient sur les sondages d’opinion pour définir leur position sur différentes questions controversées et pour déterminer la priorité des dossiers. Par le passé, les ministères fédéraux ont pris l’initiative de commander des sondages pour tester la réaction du public à diverses options. Au cours de la période de 19 mois allant d’avril 1990 à novembre 1991, des dépenses totalisant plus de 10 millions de dollars auraient été approuvées par le ministère des Approvisionnements et Services (qui agit à titre d’organisme de coordination) et engagées par le gouvernement fédéral pour la réalisation de sondages d’opinion; or, cette somme n’inclut pas les contrats adjugés directement par les ministères eux-mêmes(52).

Beaucoup estiment qu’un gouvernement qui recourt constamment aux sondages d’opinion abdique son autorité(53). Or, selon un observateur, « la démocratie repose avant tout sur l’élection d’hommes et de femmes politiques qui seront des chefs de file et qui seront prêts à prendre des risques, et à défendre autre chose qui l’opinion populaire du moment, qui repose plus souvent qu’autrement sur une réaction émotionnelle passagère ou même sur l’ignorance pure »(54). Un autre argument semblable mis de l’avant dans ce contexte, c’est qu’un aspect important du vrai leadership est constitué par la capacité d’un gouvernement d’éclairer l’opinion publique plutôt que de se plier à ses exigences(55). Les partis d’opposition disent souvent que les sondages réalisés par les gouvernements sur des questions de politique (et financés par les deniers publics) constituent, pour le parti au pouvoir, une forme d’aide financière tout à fait inadmissible, surtout si l’information n’est pas communiquée au public et est exploitée de façon partisane(56).

CONCLUSION

Si l’information c’est le pouvoir, l’information politique confère bien un pouvoir politique. La question de savoir si les sondages d’opinion influent de façon importante ou excessive sur le déroulement des campagnes électorales et les choix des électeurs continue de susciter beaucoup de discussions. Les défenseurs de la réglementation estiment que les sondages non seulement constituent une atteinte à la vie privée des répondants et influent, d’une part, sur le moral des solliciteurs de fonds et, d’autre part, sur la couverture médiatique des grands dossiers, mais aussi favorisent le vote stratégique et l’effet d’entraînement(57).

Les sondages d’opinion peuvent être mal utilisés ou mal interprétés à dessein si l’information technique communiquée à leur sujet est trop incomplète pour permettre l’évaluation de la validité des résultats. Comme c’est le cas dans de nombreuses autres sociétés démocratiques, l’utilisation des sondages par les médias demeure une question importante au Canada, et nombreux sont ceux qui réclament que les maisons de sondage s’assurent que les données techniques nécessaires sont communiquées au public en même temps que les résultats des sondages. Le défi des médias, c’est de réussir à communiquer à leurs auditoires les renseignements les plus importants recueillis grâce aux sondages d’opinion sans leur fournir une surabondance de données techniques moins intéressantes. Certains prétendent même que les journalistes n’ont pas la formation nécessaire pour bien interpréter les sondages(58).

Selon l’approche axée sur le « choix populaire », les sondages d’opinion constituent pour les autorités le moyen d’identifier les préoccupations de segments stratégiques de l’électorat (c’est-à-dire différents segments de la population, en fonction de l’âge, du niveau de revenu, de l’ethnicité, du mode de vie, etc.). Toutefois, le fait que les partis politiques recourent autant aux sondages d’opinion semble étayer d’autres arguments, notamment que les partis politiques font certaines promesses à l’électorat pour se faire élire; qu’ils ont tendance à ne tenir nul compte des partisans les plus ardents ou de ceux qui leur sont hostiles, et à promettre ensuite, en fonction d’une idéologie plus ou moins bien définie, à peu près n’importe quoi, selon ce qui va leur permettre, d’après les sondages, de maximiser leurs chances de succès électoral; et que les gouvernements « font rarement ce qui correspond aux intérêts à long terme du pays si cela risque de compromettre leur popularité à court terme »(59).

Selon la théorie des « élites », lorsque ces élites (c.-à-d., les groupes bien organisés et riches) sont les seules qui peuvent se permettre de réaliser des sondages dans les règles, elles jouissent d’une influence disproportionnée vis-à-vis du public, si on leur permet de ne pas divulguer les résultats de leurs sondages(60). Par conséquent, les adeptes de cette approche préconisent vivement « l’accès à l’information ». Par contre, les « pluralistes » soulignent que les sondages constituent pour les citoyens ordinaires l’occasion d’influencer les décideurs et estiment que de fréquents sondages de l’opinion publique ne peuvent avoir qu’une incidence positive. En vertu de l’approche « centrée sur l’État », on reproche aux gouvernements et aux bureaucrates de consacrer des sommes considérables à la réalisation de sondages d’opinion(61).

Certains commentateurs soupçonnent que les sondeurs représentent une nouvelle espèce dangereuse de conseillers politiques, qui insistent sur les chiffres au détriment des grandes questions de l’heure et qui s’approprient le rôle de communicateurs de l’information qui revenait traditionnellement aux partis politiques(62). Bien que l’incidence réelle des sondages en période électorale soit difficile à évaluer, il est certain que les gouvernements y voient un outil fiable et utile, que les stratèges politiques les considèrent indispensables, que les médias s’en servent pour étoffer leurs bulletins de nouvelles et que le public est impatient de connaître les résultats. L’attirance et la popularité des sondages d’opinion semblent tenir à leur capacité de quantifier un élément qui, de par sa nature, n’est pas facilement quantifiable. Le simple fait que les gouvernements recourent aux sondages d’opinion ne signifie pas nécessairement qu’ils s’abstiendront de mettre en oeuvre des politiques impopulaires ou de faire leur devoir. Il est possible que pour bien gouverner, les sondages d’opinion soient moins importants que la capacité de diriger.

 


(1) Claire Hoy, Margin of Error: Pollsters and the Manipulation of Canadian Politics, Toronto, Key Porter Books, 1989, p. 39; W.L.White, R.H. Wagenberg et R.C. Nelson, Introduction to Canadian Politics and Government, Toronto, Holts, Rinehart and Winston of Canada Limited, 1990, p. 123.

(2) Martin Goldfarb, « The Art of the Pollster », dans Authority and Influence: Institutions, Issues and Concepts in Canadian Politics, Carla Cassidy, Phyllis Clarke et Wayne Petrozzi (éd.), Oakville (Ontario), Mosaic Press, 1985, p. 306.

(3) Rand Dyck, Canadian Politics: Critical Approaches, Scarborough, Nelson Canada, 1993, p. 205-206, 224 et 277; Jeffrey Simpson, Spoils of Power: The Politics of Patronage, Don Mills (Ontario), Collins Publishers, 1988, p. 141-142; Goldfarb (1985), p. 312. Conformément à la théorie du déclin des partis, les sondages en période électorale ont usurpé le rôle des travailleurs du parti en tant que sources d’informations politiques et ont largement remplacé l’organisation du parti local en tant que mode de communication entre le public et les représentants élus.

(4) Guy Lachapelle, Les sondages et les médias lors des élections au Canada : le pouls de l’opinion, volume 16 de la collection d’études de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Toronto, Dundurn Press et Montréal, Wilson & Lafleur, 1991, p. 10. Voir aussi Hoy (1989), p. 9-22; Christopher Hitchens, « Voting in the Passive Voice: What Polling Has Done to American Democracy », Harper’s, avril 1992, p. 46; Alan Frizzell et Anthony Westell, The Canadian General Election of 1984: Politicians, Parties and Polls, Ottawa, Carleton University Press, 1985, p. 81.

(5) Dyck (1993), p. 220-221. On dénote une tendance semblable pour la commandite aux États-Unis. Voir Thelma McCormack, « The Problem with Polls », The Canadian Forum, juillet-août 1992, p. 12.

(6) George Bain, « Polls, News and Public Cynicism », Maclean’s, 21 juin 1993, p. 56; Frizzell et Westell (1985), p. 81, 83. Étant donné que les sondages sont devenus une grande source de renseignements et d’interprétation sur la nature de l’opinion publique, on dit que le rôle du journalisme n’est plus d’interpréter les sentiments du public, mais bien de rendre compte des événements. Voir Goldfarb (1985), p. 304; McCormack (1992), p. 12.

(7) La presse quotidienne ou hebdomadaire a également communiqué les résultats de 37 sondages régionaux et de sondages de circonscriptions. Le nombre de sondages électoraux publiés durant la campagne de 1988, qui a duré huit semaines, a presque doublé par rapport à la campagne de 1984; voir Lachapelle (1991), p. xviii, 3, 12, 100, 129.

(8) Bertrand Marrotte, « Numbers Game: Researchers under Fire for Blurring Line between Polling, Marketing », The Gazette (Montréal), 19 octobre 1993.

(9) Frizzell et Westell (1985), p. 84.

(10) Dyck (1993), p. 220. S’ils sont bien réalisés, les sondages après-vote offrent un bon moyen d’évaluer les résultats du scrutin. Voir le Rapport final de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, volume 1, Approvisionnements et Services Canada, 1991,p. 479; McCormack (1992), p. 8.

(11) Dyck (1993), p. 219.

(12) Ibid. Bien souvent, les gens se forment d’abord une opinion et cherchent ensuite à se la faire confirmer. Voir Edwin R. Black, Politics and the News: The Political Functions of the Mass Media, Toronto, Butterworths, 1982, p. 168. Une « situation d’opinion » peut être perçue comme comprenant trois éléments : le système de croyances d’une personne, un objet qui est jugé (p. ex. : une question, un candidat, une politique, etc.) et une situation qui favorise ou limite l’expression de l’opinion; voir Goldfarb (1985), p. 315.

(13) White et al. (1990), p. 122-123. Voir également Stephen Rogers, « Table ronde sur les sondages d’opinion, mythes et réalités », Revue parlementaire canadienne, été 1991, p. 21. Selon Hoy (1989), les maisons de sondage incorporent souvent un préjugé dans leurs questionnaires en donnant une liste d’options. Par exemple, elles demandent aux personnes interrogées d’évaluer l’importance d’une série de questions auxquelles le pays est confronté en les énumérant; les personnes qui se trouvent à l’autre bout de la ligne n’ont sans doute jamais réfléchi à ces questions, mais elles se sentent obligées d’y répondre pour ne pas paraître stupides ou donner l’impression de ne pas s’intéresser à la vie de la société (p. 91). Pour surmonter le problème des réponses hâtives ou non compromettantes aux sondages, James S. Fishkin a, dans son livre Democracy and Deliberation, proposé une nouvelle technique de recherche sur les sondages qu’il appelle « sondage délibérant ». Il s’agirait de choisir au hasard au moins 400 personnes (représentatives de la population sur le plan statistique), que l’on amènerait pendant plusieurs jours à un endroit donné où elles seraient informées par des experts impartiaux, recevraient des documents de recherche et auraient l’occasion de poser des questions à des dirigeants politiques et de délibérer entre elles. Une partie de ce débat serait télévisée. On interrogerait également les participants au moment de leur sélection et à la fin de l’expérience. Ce « sondage délibérant » montrerait donc ce que le public penserait vraiment s’il disposait de plus de temps pour réfléchir aux enjeux. Voir James S. Fishkin, Democracy and Deliberation: New Directions for Democratic Reform, Yale University Press, 1991. Voir également Carol Goar, « In Search of a Better Way To Take the Public Pulse », The Toronto Star, 1er février 1994; Ross Howard, « In Search of the Rational Side of a Nation’s Pulse », The Globe and Mail (Toronto), 12 février 1994; « At Last, the Thinking Person’s Opinion Poll », The Independent, 22 septembre 1993; Richard Morin, « A New Way To Take the People’s Pulse », The Washington Post, 27 septembre – 3 octobre 1993.

(14) Goldfarb (1985), p. 303, 313-314 (traduction).

(15) Dyck (1993), p. 221. Voir également Eric Allaby, « Table ronde sur les sondages d’opinion, mythes et réalités », Revue parlementaire canadienne, été 1991, p. 20-21; George Bain, « The Perils of Poll-Driven Journalism, Maclean’s, 20 avril 1992; Sharon Begley, Howard Fineman et Vernon Church, « The Science of Polling », Newsweek, 26 septembre 1992, p. 38-39; Robert Fulford, « A Matter of No Opinion: How Pollsters Create a Reign of Terror », The Financial Times, 22 juin 1992; Lachapelle (1991), p. 105-114. Un questionnaire électoral peut comporter jusqu’à 40 questions : Frizzell et Westell (1985), p. 77.

(16) Goldfarb (1985), p. 314. Voir également Rogers (1991), p. 21; Hitchens (1992), p. 52. La « lassitude des sondages » est perçue par les sondeurs comme un problème croissant; lassés d’être sollicités par téléphone (télémarketing), les gens semblent devenir de plus en plus réticents à divulguer des renseignements personnels et à participer à des sondages par téléphone. Don Hoyt, « Survey Fatigue Causing Pollsters Problems », The Telegraph Journal (Saint-Jean (N.-B.)), 20 septembre 1993.

(17) « Adventures in the Number Trade: How Public Opinion Polls Decimate the Truth », This Magazine, juin-juillet 1993, p. 27; Frizzell et Westell (1985), p. 80; Begley et al. (1992), p. 38;`Lachapelle (1991), p. 125. Des sondeurs différents ne parlent pas de la même chose lorsqu’ils rendent compte des électeurs « indécis » (p. ex. ceux qui disent qu’ils ne voteront pas, ou qui ne savent pas trop s’ils vont voter, ou ceux qui ont l’intention de voter, mais qui ne savent pas trop comment ils voteront).

(18) Paul Fox, « The Danger is Private Polling », dans Politics: Canada, sixième édition, Paul W. Fox et Graham White (éd.), Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1987, p. 316 (traduction). Les sondages sont plus onéreux lorsqu’ils sont « filtrés », c’est-à-dire lorsque l’on sépare et que l’on étiquette les réponses des indécis. Voir Hitchens (1992), p. 50.

(19) Voir Albert H. Cantril, The Opinion Connection: Polling, Politics and the Press, Washington (D.C.), The Congressional Quarterly Press, 1991, p. 67; Hoy (1989), p. 189-202; Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 92-93. Plus d’une fois, pour amortir l’incidence de résultats défavorables, les partis politiques se sont prévalus d’un stratagème politique en faisant valoir que leurs propres sondages internes différaient des derniers sondages d’opinion.

(20) Voir Angela Mangiacassale, « The Problem with Polls », The Ottawa Citizen, 10 octobre 1992.

(21) Voir Robert J. Jackson et Doreen Jackson, Politics in Canada: Culture, Institutions, Behaviour and Public Policy, deuxième édition, Scarborough, Prentice-Hall Canada, 1990, p. 511; Ray Hnatyshyn, « Don’t Ban Pre-Election Polls », dans Politics: Canada, sixième édition, Paul W. Fox et Graham White, (éd.), Toronto, McGraw-Hill Ryerson Limited, 1987, p. 312; Robert Fulford, « Polling Has Become a Form of Disinformation », The Globe and Mail (Toronto), 24 mars 1993; Anne McIlroy, « Sometimes Pollsters End Up the Big Losers », The Ottawa Citizen, 20 octobre 1992; Chris Cobb, « Getting it Wrong: Pollsters and Pundits Take a Beating in Britain », The Ottawa Citizen, 19 avril 1992; Dyck (1993), p. 221; McCormack (1992), p. 11; Frizzell et Westell (1985), p. 81.

(22) Patrick Martin, « Do Opinion Polls Influence Voters? » dans Politics : Canada, sixième édition, Toronto, Paul W. Fox et Graham White (éd.), McGraw-Hill Ryerson Limited, 1987, p. 303. Voir également Hnatyshyn (1987), p. 314.

(23) Dyck (1993), p. 221; Frizzell et Westell (1985), p. 85; Lorne Bozinoff, « Table ronde sur les sodnages d’opinion, mythes et réalités », Revue parlementaire canadienne, été 1991, p. 16-18. Ainsi, selon M. Bozinoff, vice-président de Gallup Canada : « Les sondages mesurent l’opinion publique. Le thermomètre ne crée pas la température, pas plus que le sondage ne crée l’opinion publique » (p. 16).

(24) Martin (1987), p. 311; Hnatyshyn (1987), p. 313. L’élection du chef de l’opposition, John Turner, dans la circonscription de Vancouver Quadra, en 1984, est souvent donnée comme exemple de sympathie ou d’effet du perdant; avant sa victoire, les sondages le donnaient comme perdant.

(25) Il arrive souvent que les partis et les candidats ne puissent réagir à des sondages de dernière minute. Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 475-476; Martin (1987), p. 311.

(26) Tom Barrett, « Opinion Polls: They Are Influential, They Affect Elections and They’ll Influence the Outcome Oct. 26 », The Vancouver Sun, 14 octobre 1992; Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 476.

(27) Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 476.

(28) Lachapelle (1991), p. 15.

(29) Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 476; Dyck (1993), p. 221.

(30) Robert J. Samuelson, « The Dilemma of Democracy », Newsweek, 13 avril 1992, p. 51; Dyck (1993), p. 221-222; Martin (1987), p. 311; Frizzell et Westell (1985), p. 83; Lachapelle (1991), p. 127.

(31) Jackson et Jackson (1990), p. 512 (traduction).

(32) Chris Cobb, « Probing the Polls: Should Media Accept Data from Pollsters with Ties with Politicians? » The Ottawa Citizen, 23 août 1993.

(33) Par exemple, l’échantillon n’est pas jugé représentatif du fait que différents segments de la population votent à des heures différentes au cours de la journée. Les sondages après-vote, également désignés sous le vocable de « sondages du jour du scrutin » ou « sondages de rue » sont surtout un phénomène télévisuel, chaque chaîne tentant d’être la première à annoncer les résultats des élections; voir Commission royale sur la réforme électorale.. (1991), p. 479; Lachapelle (1991), p. 42, 73-79.

(34) Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 474; Oleh Iwanyshyn, « Polls are Often Poor Barometer of Public Opinion », The Gazette (Montréal), 17 mai 1993; Commission royale sur la réforme électorale, « Summary of Issues » (1990), p. 4.

(35) Dyck (1993), p. 222; Fox (1987), p. 314-317; Frizzell et Westell (1985), p. 86. « A Faulty Measure », The Ottawa Citizen, 20 juillet 1993; « The Public’s Right to Know », The Globe and Mail (Toronto, 21 septembre 1993; « Newspapers Challenge Ban on Polls », The Globe and Mail (Toronto), 16 octobre 1993; « The Hamburger Poll Act », The Globe and Mail (Toronto), 22 octobre 1993.

(36) Lachapelle (1991), p. 17, 81.

(37) Ibid., p. 17, 81.

(38) Ibid., p. 42-44.

(39) Avant 1982, les sondeurs les plus persévérants avaient trouvé un moyen de contourner l’interdiction en donnant aux hamburgers de différents types les noms des chefs de parti et en faisant ensuite le calcul du nombre de chaque type vendu; voir Hoy (1989), p. 221; Dyck (1993), p. 222; Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 477; Lachapelle (1991), p. 7, 40-41.

(40) Le programme politique du Parti québécois au début des années 70 comprenait une mesure interdisant la publication des sondages durant la dernière semaine d’une campagne électorale. Le parti a décidé par la suite ne pas appliquer cette exigence. Voir Hnatyshyn (1987), p. 313; Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 477; Lachapelle (1991), p. 45-46, 82-84.

(41) La Commission royale a été créée en novembre 1989 et s’est vu confier le mandat de présenter un rapport sur les principes et le processus qui devraient sous-tendre l’élection des députés à la Chambre des communes ainsi que le financement des partis politiques et des campagnes électorales des candidats.

(42) Par exemple, le nom de la maison de sondage, le nom du commanditaire qui a financé celui-ci, la période au cours de laquelle se sont déroulées les entrevues, la méthode de collecte des données (par ex., questionnaires postaux, entrevues téléphoniques), le nombre de répondants, le libellé exact des questions, la marge d’erreur, etc.

(43) Il s’agit, entre autres, des éléments suivants : des renseignements au sujet des segments de la population à partir desquels l’échantillon a été choisi, la méthode d’échantillonnage, le nombre de répondants inadmissibles, le nombre d’entrevues achevées, le taux de refus, le taux de réponse et les facteurs de pondération, le cas échéant.

(44) Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 479, 482-486. Voir aussi McCormack (1992), p. 9.

(45) Lachapelle (1991), p. 84-98. Voir aussi Hoy (1989), p. 120.

(46) Voir James Hrynyshyn, « Electoral Reform Wants Poll Reports Put in Context », The Hill Times, 13 mai 1993.

(47) Voir Mollie Dunsmuir, Projet de loi C-114 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada, Résumé législatif 167-F, Bibliothèque du Parlement, 2 avril 1993; Doug Fisher, « Media Angered by Reach of Poll Publishing Ban », The Ottawa Citizen, 17 juillet 193; « Ban on Polls Cuts One Way », The Toronto Star, 10 août 1993; « Censoring Polls on Eve of Vote », The Toronto Star, 24 octobre 1993; Stuart McCarthy, « New Rules Deterrent to Candidates », The Ottawa Sun, 29 août 1993.

(48) Lachapelle (1991), p. 60, 66-69. Voir aussi Hoy (1989), p. 219-220.

(49) Lachapelle, p. 79-80.

(50) Ibid., p. 58-60, 79-80.

(51) Ibid., p. 64-66; Commission royale sur la réforme électorale… (1991), p. 478.

(52) « Public Opinion Samplings Costly », The Ottawa Citizen, 10 janvier 1992. Entre le mois d’avril 1992 et les jours qui ont suivi le référendum constitutionnel, en octobre 1992, les ministères fédéraux auraient dépensé 5,2 millions de dollars pour des sondages; plus de la moitié de cette somme a été engagée par le Bureau des relations fédérales-provinciales pour des sondages d’opinion au sujet de la Constitution. Gord McIntosh, « Much Federal Polling in ’92 Done by Firms with Tory Ties », The Ottawa Citizen, 13 mai 1993. Voir aussi Geoffrey York, « Pollsters Profit from Unity Issue », The Globe and Mail (Toronto), 3 octobre 1992; Frank Howard, « Chrétien Orders New Guidelines to Govern Use of Opinion Polls », The Ottawa Citizen, 11 janvier 1994.

(53) Samuelson (1992), p. 51. Voir aussi « Worthless Polls » , The Winnipeg Free Press, 12 janvier 1994.

(54) Hoy (1989), p. 7 (traduction).

(55) White et al. (1990), p. 122.

(56) Goldfarb (1985), p. 312. Voir « Mulroney’s Office Knows Best on Releasing Polls, Lawyer Says », The Globe and Mail (Toronto), 13 août 1992.

(57) Selon Hoy (1989), « La plupart des politiciens qui réclament l’interdiction des sondages d’opinion ont en commun deux grandes caractéristiques : eux-mêmes, ou leur parti, viennent tout juste de perdre les élections ou sont moins bien cotés que d’autres, d’après les résultats des sondages, et ils tiennent à tout prixà conserver le droit de réaliser des sondages à titre privé » (p. 219) (traduction).

(58) Voir Bozinoff (1991), p. 17.

(59) Dick (1993), p. 225, 258, 569. Voir aussi « Poll Secrecy Betrays Low Opinion of Public », The Times Colonist (Victoria), 22 février 1992, Lachapelle (1991), p. 4.

(60) Voir l’exemple cité par Hoy (1989),p. 228.

(61) Dick (1993), p. 226, 259, 268. Voir aussi « Opinion Poll Ban Crimps Democracy », The Toronto Star. 8 mars 1993; Hnatyshyn (1987), p. 313; Goldfarb 91985), p. 316.

(62) James Wilson, « Table ronde sur les sondages d’opinion, mythes et réalités », Revue parlementaire canadienne, été 1991, p. 20; Ross Howard, « The Man Who Fell to Earth », The Globe and Mail (Toronto), 18 décembre 1993.