BP-374F
BOSNIE-HERZÉGOVINE : LA
RÉACTION
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES LA CEE ET LÉCHEC DE LA DIPLOMATIE PRÉVENTIVE LES NATIONS UNIES : ÉTAPES PRÉLIMINAIRES LE DÉPLOIEMENT DES FORCES DE MAINTIEN DE LA PAIX DE LONU LES PRESSIONS EN FAVEUR DUNE INTERVENTION MILITAIRE LA CONFÉRENCE DE LONDRES ET LA PÉRIODE QUI SUIVIT DE NOUVELLES PROPOSITIONS DE PAIX : LE PLAN VANCE-OWEN LES TRACTATIONS TRANSATLANTIQUES
GLOSSAIRE CE - Communauté européenne N.B. : La Serbie et le Monténégro se sont unis pour former la nouvelle République fédérale de Yougoslavie (RFY).
The New York Times (adaptation française)
BOSNIE-HERZÉGOVINE
: LA RÉACTION
Les violents combats qui se déroulent en Bosnie-Herzégovine depuis deux ans témoignent quotidiennement des bouleversements et du chaos qui ont suivi la fin de la guerre froide. Leffondrement de lEmpire soviétique et les changements considérables que cela a entraîné sur le plan de la sécurité internationale ont créé, non pas le « nouvel ordre mondial » que tant de gens envisageaient, mais un désordre international généralisé qui ne semble pas prêt de se dissiper. Ces troubles ont été surtout marqués par une recrudescence spectaculaire des conflits ethniques, religieux et communautaires. Principalement en Europe de lEst et dans lex-Union soviétique, les citoyens et les gouvernements, libérés du joug communiste et balayés par un véritable raz-de-marée démocratique, se sont empressés de reprendre la bannière du nationalisme quils avaient dû réprimer jusque-là. Dans certains cas comme celui de la Tchécoslovaquie, les résultats ont été spectaculaires, mais pacifiques. Dans dautres, comme en Azerbaïdjan, en Géorgie, et en Yougoslavie, le nationalisme a explosé avec violence. Il ny avait pas eu de tels bains de sang en Europe et dans les régions avoisinantes depuis la Seconde Guerre mondiale. Il fallait sattendre à ce genre de conflits. Leffondrement de vastes empires crée inévitablement des périodes de nationalisme intense et dinstabilité politique générale. Les experts nont pas été vraiment surpris de voir des conflits, même dans des pays plus éloignés tels que la Somalie et lAngola, où le nationalisme a joué un rôle moins important. Étant donné la fin de la guerre froide, limportance stratégique immédiate de ces régions a disparu et lon pouvait prévoir que les seigneurs de la guerre ne rateraient pas loccasion den venir aux prises. Toutefois, ce qui a étonné beaucoup de gens, cest la durée de ces conflits et la longue hésitation que la communauté internationale a mis pour intervenir et soutenir énergiquement les efforts visant à arrêter les combats meurtriers. Toute considération stratégique mise à part, la fin de la guerre froide était censée marquer le début dune nouvelle ère de sécurité collective qui permettrait de mettre rapidement un terme aux conflits de ce genre. Les Nations Unies devaient ouvrir la voie. On sattendait à ce que, après quarante-cinq années de tiraillements entre Américains et Soviétiques au Conseil de sécurité, lONU remplisse enfin les promesses de sa Charte et devienne autre chose quun simple lieu de discussions. De nombreuses personnes ont mentionné peut-être à tort le succès de la guerre du Golfe comme la preuve que les Nations Unies étaient prêtes à intervenir plus énergiquement dans le règlement des conflits. On sattendait aussi à ce que les organisations régionales se mettent à la remorque de lONU et jouent un rôle plus visible sur la scène mondiale. Malheureusement, ce rêve sest transformé en cauchemar. La communauté mondiale na pratiquement jamais su répondre efficacement aux menaces contre la sécurité internationale. Même dans les régions du globe auxquelles les Nations Unies et les autres organisations ont fini par consacrer toute leur attention, les résultats ont été décevants. Nulle part léchec de la communauté internationale na été plus visible quen Bosnie(1), où les combats font maintenant rage depuis plus de vingt mois. LONU et une pléthore dorganismes régionaux, particulièrement la Communauté européenne (CE) et lOrganisation du Traité de lAtlantique-Nord (OTAN), ont constamment échoué dans leurs efforts en vue darrêter le carnage et damener les factions ethniques rivales à conclure un règlement politique acceptable et durable. En deux mots, la Bosnie est malheureusement devenue le symbole de léchec de la sécurité collective dans le monde de laprès-guerre froide. Elle est un microcosme de tous les problèmes que lONU et les autres organisations de sécurité doivent affronter aujourdhui lorsquelles tentent de régler les conflits régionaux, soit la montée du nationalisme ethnique et les questions complexes qui sont liées au concept de la souveraineté; la nécessité dune coopération entre les organismes internationaux ainsi que lévolution de lintervention extérieure dans les conflits armés, qui est passé des opérations traditionnelles de maintien de la paix et de laide humanitaire à la protection des droits de la personne et à la possibilité dimposition de la paix. Ces problèmes sont innombrables. Dans le présent document, nous examinons la réaction de la communauté internationale face à la guerre en Bosnie au cours des deux années se terminant en décembre 1993. Nous cherchons à expliquer les échecs qua connus la communauté internationale et les leçons quelle peut en tirer pour lavenir. À lété de 1991, la désintégration de la Yougoslavie était déjà bien amorcée. Les tensions entre les divers groupes ethniques et religieux dont le maréchal Tito avait nié lexistence pendant trente-cinq ans sétaient dangereusement envenimées, les vieilles inimitiés datant de la Seconde Guerre mondiale ou même davant avaient refait surface et la violence à grande échelle devenait inévitable. En juin 1991, les républiques de Croatie et de Slovénie, fatiguées de la domination serbe et prêtes à affirmer leur nationalisme, proclamèrent leur indépendance de lÉtat yougoslave. Larmée fédérale (JNA), sur laquelle la Serbie avait la haute main, réagit quelques jours plus tard en lançant des attaques contre les républiques dissidentes. En Slovénie, les combats prirent rapidement fin, mais en Croatie, où vit une importante minorité serbe, la violence saggrava. Les Croates catholiques et les Serbes orthodoxes relancèrent leurs vieilles querelles et découvrirent de nouvelles raisons de se haïr, ce qui ne cesserait dalourdir le bilan des morts au cours des six mois suivants. Les premières tentatives faites par la communauté internationale, et surtout la CE, pour intervenir dans le conflit, eurent peu de résultats. Cest seulement à la fin de 1991 que lONU, ne sachant pas trop si elle pouvait singérer dans les conflits internes dun État souverain, décida dagir. Sous la direction de Cyrus Vance, ancien secrétaire dÉtat américain et envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, un cessez-le-feu stable fut établi en janvier 1992; à la même époque, répondant aux exhortations de lAllemagne et de lAutriche, la CE reconnut la Slovénie et la Croatie comme des États indépendants. On se mit à préparer activement le déploiement dune force de maintien de la paix en Croatie et les soldats de lONU commencèrent à arriver sur les lieux au printemps de 1992. Même si le conflit en Croatie était loin dêtre résolu près de deux ans plus tard la menace dune nouvelle guerre continue à planer certaines mesures de stabilité furent mises en place. Les dirigeants politiques du monde entier poussèrent un soupir de soulagement lorsque le couvercle sembla remis sur la marmite balkanique. Néanmoins, cet optimisme nétait pas justifié. Quelques mois plus tard, les combats reprenaient, mais, cette fois, dans un nouveau décor et avec encore plus de brutalité. La Croatie et la Serbie furent au centre de laction pendant toute lannée 1991, mais la situation évoluait graduellement dans les autres républiques yougoslaves. Le courant nationaliste qui emportait la Croatie et la Slovénie eut ses effets les plus marqués en Bosnie-Herzégovine. Composée de Musulmans (44 p. 100 de la population de 4,5 millions dhabitants, en 1991), de Serbes (31 p. 100) et de Croates (17 p. 100), la Bosnie était la poudrière la plus explosive des Balkans. Certains Bosniaques vivaient dans des régions ethniques distinctives, mais ce nétait pas le cas de la plupart dentre eux; lHistoire et les mariages mixtes avaient créé un véritable casse-tête ethnique. Au début de la crise yougoslave, le président de la Bosnie, Alija Izetbegovic, un Musulman, avait suggéré quune nouvelle constitution soit rédigée pour la Yougoslavie de façon à ce que les pouvoirs des six républiques soient redéfinis et que les Communistes perdent leur prépondérance au gouvernement. Toutefois, cela se passait avant les déclarations dindépendance de la Croatie et de la Slovénie, en juin 1991. Il était alors clair que la Serbie imposerait encore davantage sa domination à une Yougoslavie divisée. Lindépendance de la Bosnie devenait de plus en plus, du moins aux yeux des Croates et des Musulmans, la seule solution de rechange à une Grande Serbie. En octobre 1991, les représentants musulmans et croates de lAssemblée nationale de la république bosniaque approuvèrent un protocole affirmant la souveraineté de la Bosnie(2). Toutefois, les Serbes de Bosnie avaient dautres intentions. En novembre, ils votèrent pour que la république continue de faire partie de la Yougoslavie, craignant de se retrouver minoritaires dans un État musulman sils étaient séparés de la majorité de leurs compatriotes serbes. Répartis dans les deux-tiers de la Bosnie, ils sopposaient à ce que toute partie de ce territoire soit séparée de la Yougoslavie. Pour eux, lindépendance revenait à une déclaration de guerre. Haris Silajdzic, ministre des Affaires étrangères de Bosnie, répondit que si les Serbes voulaient la guerre, ils lauraient(3). Les dés étaient jetés. LA CEE ET LÉCHEC DE LA DIPLOMATIE PRÉVENTIVE Malgré linefficacité dont elle avait fait preuve en Croatie, la Communauté européenne prit linitiative de chercher à résoudre la situation qui ne cessait de se dégrader en Bosnie. La CE croyait toujours avoir la responsabilité de veiller sur les États situés à proximité de son territoire. Malheureusement, ses efforts se révélèrent une fois de plus insuffisants. Certains experts ont même laissé entendre que la CE a peut-être, en fait, contribué à mettre le feu aux poudres. En se montrant prête à reconnaître la Slovénie et la Croatie, à la fin de 1991, la Communauté a en quelque sorte invité les autres républiques yougoslaves à demander leur indépendance. Le gouvernement de la Bosnie a demandé officiellement, le 20 décembre 1991, que lindépendance de la république soit reconnue, en promettant détablir des territoires autonomes dans les régions où les membres dune minorité formaient une majorité locale. Cela ne contribua pas vraiment à apaiser les Serbes de Bosnie, qui répondirent à la demande adressée par le président à la CE en proclamant une république serbe indépendante, le 9 janvier 1992. La Commission darbitrage Badinter, constituée au cours de lété de 1991 dans le cadre de la Conférence de la paix de la CE sur la Yougoslavie, se trouvait alors dans une situation délicate. Elle avait pour rôle dexaminer les demandes de reconnaissance adressées par les républiques, mais dans le cas de la Bosnie, elle risquait fort dattiser le feu. La Commission opta donc pour une tactique dilatoire, en faisant valoir quil nétait pas « clairement établi » que la population de Bosnie souhaitait un État indépendant, mais que la CE pourrait reconnaître lindépendance à lissue dun référendum auquel tous les citoyens participeraient, sous la supervision de la communauté internationale, à la condition que les droits des minorités et des groupes ethniques soit respectés. Le gouvernement de Bosnie ne perdit pas de temps. Le 25 janvier, lAssemblée nationale, boycottée par le parti serbe, approuva la tenue dun référendum sur la souveraineté de la république à la fin de février. La présidence portugaise de la CE mit alors carte sur table : elle déclara sans équivoque que si les électeurs votaient pour lindépendance, la CE reconnaîtrait la république. Cette dernière mesure a sans doute décidé du sort de la Bosnie. En acceptant de reconnaître lindépendance de la république à la majorité simple plutôt quavec laccord des groupes ethniques constituant cette dernière, la CE a sans doute pratiquement garanti la violence et peut-être violé le droit international(4). La politique de la Communauté présentait dailleurs certaines contradictions. Le président de Bosnie incarnait une structure administrative fédérale dans laquelle toutes les communautés étaient représentées et pourtant, la CE lincitait à apporter des modifications constitutionnelles fondamentales malgré la vive opposition de lune de ces communautés. De plus, la Communauté européenne sattendait à jouer un rôle particulier dans la reconnaissance de la Bosnie et pourtant, elle navait aucune intention de la protéger en tant quentité indépendante(5). Quel était le raisonnement de la CE? La Communauté croyait que la reconnaissance de la Croatie avait mis un terme aux combats dans cette région; elle espérait pouvoir empêcher la guerre, de la même façon, en Bosnie. Malheureusement, peu dindices lui donnaient raison dans un cas comme dans lautre. En fait, étant donné lintention avouée des Serbes de sopposer à lindépendance, il fallait sattendre à ce que la reconnaissance de la Bosnie déclenche la violence. Tout semblait indiquer que la Bosnie était au bord du désastre; en fait, une mission de contrôle de la CE avait été envoyée dans la république au début de 1992 pour évaluer la situation. Toute possibilité de suspendre la reconnaissance pour gagner du temps et négocier un règlement politique était maintenant perdue. Lord Carrington, le négociateur de la CE et Cyrus Vance, se sentirent tous deux trahis. Ils avaient perdu leur monnaie déchange(6). Même si elle sétait placée dans une situation inextricable, la CE continua à promouvoir des pourparlers entre les factions rivales. Ces dernières semblèrent en être parvenues à un compromis, lors dune conférence qui eut lieu à Lisbonne, en février 1992. Les Serbes acceptaient de respecter les frontières existantes de la Bosnie, tandis que Izetbegovic promettait détablir des unités territoriales nationales en Bosnie, soit, en fait, de créer une sorte de Suisse balkanisée. Mais les détails de ce plan restaient imprécis, surtout en ce qui concernait le degré dautonomie que ces unités posséderaient, et aucun accord définitif ne fut conclu. En réalité, les deux parties étaient loin de pouvoir sentendre. Les Serbes espéraient certainement voir les cantons saper lautorité du gouvernement de Sarajevo, tandis que Izetbegovic sattendait à ce que les provinces autonomes soient faibles et inefficaces. Le référendum qui eut lieu en Bosnie-Herzégovine entre le 29 février et le 1er mars 1992 ne causa aucune surprise. Sur les 63 p. 100 de Bosniaques qui allèrent voter, 99 p. 100 optèrent pour lentière indépendance. Comme on sy attendait, la majorité des Serbes boycottèrent le référendum. Radovan Karadzic, chef du parti démocratique serbe en Bosnie et proche allié du président serbe, Slobodan Milosevic, déclara que les siens naccepteraient pas une Bosnie-Herzégovine indépendante. Izetbegovic ne tient pas compte de cet avertissement, proclamant lindépendance de la Bosnie, le 3 mars. Entre temps, la violence entre les Serbes et les Musulmans prenait de lampleur à Sarajevo tandis que dautres affrontements avaient lieu entre Croates et Serbes dans dautres régions de la république. Les Musulmans croyaient que lissue du référendum leur conférait une carte maîtresse pour obtenir la reconnaissance internationale. Toutefois, la CE hésitait; elle se devait de tenir compte des déclarations répétées des Serbes selon lesquelles la guerre risquait déclater à tout moment. La Communauté essaya désespérément de retarder linévitable. Le 18 mars, Jose Cutileiro, un diplomate portugais qui dirigeait la Conférence de la CE sur la Bosnie-Herzégovine négocia, à Sarajevo, un accord qui prévoyait trois provinces ethniques autonomes, selon le plan envisagé à Lisbonne. Néanmoins, une fois de plus, les détails restaient vagues. Comme chacun savait que seules quelques rares régions de Bosnie étaient habitées exclusivement par lune des trois communautés, les chances de succès restaient minces. Tant les Musulmans que les Serbes avaient de sérieuses réserves au sujet de ce plan, les premiers parce quil risquait dentraîner la désintégration de la république, et les seconds parce quil ne cherchait pas à relier les unités nationales proposées à la création dune confédération yougoslave(7). Malgré les pressions quexerça la CE en faisant de la signature dun accord lune des conditions de sa reconnaissance de lindépendance de la République de Bosnie, Izetbegovic renonça publiquement à cette entente quelque temps plus tard, peut-être avec lappui des Américains(8). Les enjeux augmentèrent une fois de plus lorsque Karadzic annonça la création dune république serbobosniaque indépendante, le 27 mars. Les pourparlers qui sensuivirent neurent aucun résultat et la violence continua de se répandre. Le compte à rebours vers léclatement de la guerre était commencé. La crise atteint son point culminant lorsque la CE et les États-Unis reconnurent la Bosnie, le 7 avril. Compte tenu de la pagaille qui régnait alors dans la république, il était clair que les critères qui devaient être normalement remplis pour la reconnaissance nétaient pas présents. Toutefois, cédant aux pressions des États-Unis (qui avaient refusé, jusque-là, de reconnaître les républiques « sécessionnistes »), la Communauté européenne alla quand même de lavant. Les ministres des Affaires étrangères de la CE continuèrent à croise, malgré toutes les preuves du contraire, que la reconnaissance de lindépendance mettrait un terme aux combats et préserverait un pays uni. En outre, ils avertirent implicitement les Serbes quon ne les laisseraient pas continuer sur la voie de la violence en Bosnie. Mais sans la menace du recours à la force, cet avertissement ne fut pas entendu. Une véritable guerre avait débuté. Devant la progression du conflit, la CE tenta désespérément de ramener les principales factions à la table de négociation. Toutefois, la trêve négociée par Cutileiro, le 12 avril, ne fut pas respectée; également, le cessez-le-feu négocié par Lord Carrington deux semaines plus tard et singé par Izetbegovic, Karadzic et Mate Boban, de la Communauté démocratique croate de Bosnie, fut rompu quelques heures plus tard. Cela marqua le début dun cycle qui allait se répéter constamment au cours des vingt mois suivants, les diverses forces sur le terrain échappant au contrôle de leurs dirigeants politiques et militaires respectifs. Ayant obtenu la reconnaissance de la CE, les Musulmans nétaient pas prêts à faire de concessions tandis que les Serbes adoptaient la même position parce quils se sentaient piégés dans un nouvel État souverain. La guerre fit bientôt rage sans quil soit possible de la contrôler. Le 2 mai, les ministres des Affaires étrangères de la CE, réunis au Portugal reconnurent la crise humanitaire de plus en plus grave qui existait en Bosnie et insistèrent pour que laide à cette région soit inscrite en tête de liste des priorités. Mais le même jour, un membre belge de la mission de surveillance de la CE (MSCE) était tué, et les opérations furent suspendues en signe de protestation. Les membres restant de la MSCE quittèrent Sarajevo le 12 mai. Les ambassadeurs de la CE à Belgrade avaient déjà été rappelés. La perspective dun règlement de paix négocié rapidement par la Communauté européenne sestompait rapidement. LES NATIONS UNIES : ÉTAPES PRÉLIMINAIRES Pendant ce temps, les Nations Unies hésitèrent pendant tout lhiver et le printemps de 1992 à intervenir de façon précipitée en Bosnie et laissèrent la CE prendre linitiative. Néanmoins, comme les efforts de médiation de cette dernière restaient vains et que les médias internationaux commençaient à sintéresser davantage au blocus de Sarajevo et au sort des réfugiés musulmans, les Nations Unies furent soumises à des pressions plus fortes. Quant les ministres des Affaires étrangères de la CE suggérèrent, à leur réunion de mai au Portugal, que la Communauté sefforce, en collaboration étroite avec lONU, de séparer les belligérants, cétait peut-être pour obliger les Nations Unies à sortir de lombre. Après énormément dhésitations, lONU se décida enfin à intervenir. Dès le début de la crise, avant même que ne commencent les combats à grande échelle, les autorités bosniaques avaient incité lONU à sinterposer entre les factions ethniques rivales. Lorsque Cyrus Vance se rendit à Sarajevo, le 2 janvier 1992, le président bosniaque demanda le « déploiement préventif » de deux à trois milles gardiens de la paix pour empêcher la guerre. La réponse de Boutros Boutros-Ghali, le secrétaire général des Nations Unies, fut sans équivoque(9). Lorsque le ministre des Affaires étrangères de Bosnie, M. Silajdzic, réitéra sa demande à Genève, en avril, le secrétaire général fut plus explicite, mettant laccent sur
En fait, le 7 avril, le Conseil de sécurité adopta la résolution 749, qui exhortait toutes les parties à coopérer avec la Communauté européenne pour instaurer un cessez-le-feu et négocier une solution politique(11). Cyrus Vance se rendit de nouveau en Bosnie à la mi-avril, mais Boutros-Ghali resta sur ses positions déclarant que, malheureusement, les conditions existant en Bosnie-Herzégovine étaient telles quil était impossible de trouver une solution pratique pour une opération de maintien de la paix des Nations Unies. En outre, comme Vance lavait souligné, en raison de certaines limitations des ressources humaines, matérielles et financières, il nétait pas possible de mener une telle opération. Boutros-Ghali fit toutefois une concession. Même si le mandat initial de la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU) ne sappliquait quà la Croatie, on envisagea de redéployer une centaine dobservateurs militaires de la FORPRONU dans certaines régions de la Bosnie après la démilitarisation des zones protégées des Nations Unies. Le secrétaire général acceptait alors denvoyer 41 observateurs militaires à Mostar et dans trois autres municipalités bosniaques avant la fin davril(12). Les pressions se faisaient de plus en plus fortes sur les Nations Unies pour quelles prennent des mesures plus décisives. La guerre en Bosnie avait aggravé le problème humanitaire déjà considérable qui se posait dans les Balkans, plus dun quart de million de personnes ayant du chercher refuge ailleurs à cause des plus récents conflits ethniques. Plusieurs pays des Balkans demandèrent au Conseil de sécurité des Nations Unies et à la CE dadopter des mesures pour assurer la protection des missions humanitaires (dont la plupart étaient effectuées par le Comité international de la Croix-Rouge et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) et de « veiller à ce que laide humanitaire parvienne aux victimes du conflit armé actuel en Bosnie-Herzégovine »(13). À la fin davril, le Conseil de sécurité demanda aux belligérants de ne pas bloquer laide humanitaire tout en exigeant larrêt immédiat de toute forme dingérence venant de lextérieur de la Bosnie(14). Le personnel du quartier général de la FORPRONU établi à Sarajevo (malgré lavis de nombreux officiers supérieurs de lONU)(15), fit de son mieux pour réduire les souffrances. Comme le secrétaire général le souligna à la fin davril, la FORPRONU se servait de ses bons offices et de ses ressources limitées pour apporter une aide humanitaire aux personnes dans le besoin à cause des combats à Sarajevo. Il sagissait notamment de transporter des civils blessés à lhôpital et dinciter les chefs des factions à se rencontrer au quartier général des Nations Unies pour discuter des modalités des cessez-le-feu de la CE. Ces activités nentraient pas totalement dans le mandat de la FORPRONU, mais les Nations Unies ne croyaient pas pouvoir se désintéresser de la situation. Toutefois, comme Boutros-Ghali le fit observer, les ressources à la disposition de la FORPRONU ne lui permettaient pas détendre sa protection à toutes les opérations humanitaires en Bosnie-Herzégovine. Il déclara également, alors que la situation saggravait, quil devenait plus difficile dadministrer un quartier général dans de telles circonstances(16). Au début de mai, Marrack Goulding, sous-secrétaire général pour les opérations de maintien de la paix, se rendit en Bosnie pour déterminer si la situation sétait quelque peu améliorée. Izetbegovic continua à réclamer une intervention immédiate de lONU. Il nétait pas question daccéder à sa demande de 10 000 à 15 000 soldats, appuyés par une force aérienne pour le « rétablissement de lordre ». Boutros-Ghali souligna quétant donné lintensité et lampleur des combats, il faudrait pour cela des dizaines de milliers soldats équipés pour affronter des adversaires lourdement armés et très déterminés. Il ajouta quil ne croyait pas quil soit possible denvisager une mesure de ce genre. Le président de la Bosnie réorienta alors son tir en demandant le déploiement de 6 000 à 7 000 militaires pour protéger les convois daide humanitaire qui étaient harcelés par les Serbes. Goulding souligna que cette force de maintien de la paix était toute aussi problématique même si elle avait des objectifs précis et un mandat limité. Goulding et le lieutenant-général Satish Nambiar, commandant de la FORPRONU, avaient tous deux déclaré au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à la suite dune demande similaire, que des gardiens de la paix non armés ne pourraient pas empêcher que les camions soient arrêtés et volés; il faudrait des soldats armés supplémentaires pour sacquitter de cette mission et les règles dengagement devraient les autoriser à ouvrir le feu en cas dattaque. Même en pareil cas, Goulding souligna quun tel rôle, tout en étant conforme aux pratiques de maintien de la paix habituelles des Nations Unies, exigerait quune entente préalable soit conclue entre les principales parties au conflit. Le président Itzebegovic reconnût quun tel accord nétait pas envisageable. Le secrétaire général acquiesça et ajouta : « Le succès dune opération de maintien de la paix exige que les parties respectent les Nations Unies, son personnel et son mandat [ ] malgré toutes leurs belles paroles, aucune des parties ne peut prétendre remplir cette condition »(17). Tout ce que lONU pouvait offrir était de contribuer au règlement de problèmes précis comme la fermeture de laéroport de Sarajevo. Entre temps, les Nations Unies réduisaient leur présence en Bosnie. Le 14 mai, les 41 observateurs envoyés sur place depuis quinze jours à peine furent redéployés en Croatie après une nouvelle recrudescence des combats. Environ les deux-tiers du personnel du quartier général de la FORPRONU fut également redéployé de Sarajevo à Belgrade, les 16 et 17 mai. Le personnel limité qui resta sur place, soit une centaine de militaires et de civils, poursuivit des tâches humanitaires dans des conditions de plus en plus difficiles(18). Alors que la CE se battait sur le front du rétablissement de la paix et que lONU envisageait de jouer un rôle dans le maintien de la paix, les Serbes gagnaient rapidement la haute main sur le terrain, réalisant dénormes percées dans lest de la Bosnie et assiégeant Sarajevo. Les efforts déployés par les Serbes pour créer des « régions ethniquement pures », selon lexpression de Boutros-Ghali, commencèrent à attirer lattention de lopinion publique internationale, tout comme le pilonnage de la capitale bosniaque par les artilleurs serbes postés dans les collines entourant la ville. Chaque nouvelle victoire serbe augmentait lafflux des réfugiés musulmans. Le bilan des morts commençant à salourdir, les Serbes ne tardèrent pas à être considérés comme les agresseurs dans ce conflit, même sils affirmaient vouloir seulement se défendre. Lopinion émise au début du conflit par Lord Carrington, et partagée par dautres membres de la communauté internationale, selon laquelle « tout le monde est à blâmer pour ce qui se passe à Sarajevo », fut vite remplacée par les images soigneusement choisies qui furent diffusées sur les écrans de télévision du monde entier(19). Apparemment, les médias firent de leur mieux pour établir clairement la distinction entre le bien et le mal, malgré la complexité de la guerre. À la mi-mai, la CE déclarait : « La responsabilité [de la guerre] incombe surtout au JNA et aux autorités de Belgrade qui ont la haute main sur larmée, tant directement quindirectement en soutenant les combattants irréguliers serbes »(20). Belgrade rêvait-elle dune Grande Serbie? La Serbie na cessé de nier quelle ravitaillait les Serbes bosniaques ou que la JNA, qui sétait regroupé en Bosnie après sêtre retirée de la Croatie, participait aux combats. Mais les preuves du contraire étaient là. Au début de mai, après que la CE leut menacée de rompre toute relation diplomatique, la République fédérale de Yougoslavie (RFY), qui se réduisait alors à la Serbie et au Monténégro, ordonna à ses citoyens membres de la JNA de se retirer dici le milieu du mois. Comme pour rappeler sa promesse à Belgrade, le Conseil de sécurité adopta, le 15 mai, la résolution 752 exigeant la cessation immédiate de toute forme dingérence venant de lextérieur de la Bosnie et demandant que les unités étrangères soient retirées, placées sous le contrôle du gouvernement bosniaque ou démobilisées et désarmées(21). Cependant, comme une faible partie seulement des 100 000 soldats de la JNA présents en Bosnie étaient des citoyens de la République fédérale de Yougoslavie, 50 000 soldats serbes bosniaques bien armées poursuivirent le combat(22). Le nouveau rôle que la Serbie commençait à jouer dans le conflit bosniaque augmentait la nécessité dune action internationale plus énergique. Même les États-Unis, qui navaient pas dit grand chose jusque-là, entrèrent soudain en scène. Le 19 mai, le département dÉtat avait laissé entendre que la sécurité américaine nétait aucunement en jeu en Bosnie, mais une semaine plus tard, le secrétaire dÉtat James Baker, exhortait les chefs dÉtat européens, lors dune réunion de lOTAN, à Lisbonne, à faire davantage pour résoudre le problème. Il laissa même entendre que ceux qui sopposaient à une intervention militaire externe étaient « sur la mauvaise longueur donde »(23). Ces remarques mirent mal à laise les Européens, qui reconnurent pourtant quil fallait faire quelque chose. Les Français, en particulier, étaient en faveur dune intervention plus active, même sils avaient de plus en plus tendance à croire que la crise bosniaque était trop grave pour que la CE puisse sen occuper seule. Pour cette raison, ils souhaitaient que lONU devienne moins hésitante(24). LONU et la CE reconnurent toutes deux quune façon de couper le lien entre Belgrade et les Serbes bosniaques serait peut-être dimposer des sanctions. Mais pendant la majeure partie du mois de mai, les deux organismes hésitèrent, chacun semblant attendre que lautre fasse le premier pas. Enfin, le 27 mai, les ambassadeurs de la CE, peut-être influencés par les remarques de James Baker, prirent quelques sanctions contre la Serbie et le Monténégro. Ils bloquèrent également toutes les garanties de crédit à lexportation et interrompirent la coopération scientifique et technique. Cependant, ils ne touchèrent pas au pétrole, incitant les Nations Unies à assumer ce rôle. Le décor était bien planté pour la première intervention décisive des Nations Unies en Bosnie. Le 30 mai, le Conseil de sécurité blâma les autorités de Belgrade pour navoir pas répondu aux exigences de la résolution 752 et imposa un embargo sur les produits serbes et monténégrins ainsi que sur les contacts financiers et économiques. La résolution 757 suspendait également les contacts sportifs et scientifiques ainsi que les échanges techniques et culturels et imposait un embargo aérien et une réduction des effectifs des missions diplomatiques yougoslaves. Étaient exemptés des sanctions les articles essentiels tels que les vivres et les médicaments. Belgrade allait-elle sentir leffet des sanctions? La Serbie était autosuffisante en produits alimentaires, riche en énergie hydro-électrique et elle produisait le cinquième du pétrole quelle consommait(25). De plus, il était clair dès le départ quil serait difficile de faire respecter lembargo. Les producteurs de pétrole arabes tenaient à punir les Serbes pour la façon dont ils traitaient les Musulmans, mais dautres pays étaient plus hésitants. La Roumanie continuait à expédier du pétrole vers la Serbie tandis que la Grèce participait, sans se gêner, à des opérations de contrebande. En outre, quand lUnion de lEurope occidentale et lOTAN commencèrent à patrouiller lAdriatique en juillet, cétait sans le pouvoir darrêter les navires soupçonnés denfreindre les sanctions. LONU et la CE ne firent aucune mention de ce quelles feraient si la Serbie défiait les sanctions. Même si les sanctions étaient efficaces, pourraient-elles réellement mettre un terme aux combats en Bosnie? Cette république avait été au centre de lindustrie des armements de la Yougoslavie, ce qui veut dire que les deux camps disposaient de toutes les armes et munitions voulues pour se battre pendant un bon bout de temps. Dautre part, rien ne garantissait que, si Milosevic cédait aux pressions et exigeait le retrait des Serbes bosniaques, ces derniers obéiraient nécessairement. Personne ne savait de façon certaine quelle était linfluence du président serbe auprès de Karadzic et des autres leaders serbes de Bosnie. La plupart des experts semblaient croire que les sanctions ne pourraient jamais, à elles seules, faire cesser les combats. LE DÉPLOIEMENT DES FORCES DE MAINTIEN DE LA PAIX DE LONU La résolution 757 a marqué un tournant dans la façon dont les Nations Unies se sont attaquées au problème de la guerre en Bosnie. Toutefois, le rôle de lorganisation nétait pas encore très clair. LONU continuait à affirmer que la situation ne permettait pas le déploiement de troupes de maintien de la paix. Cependant, la nécessité de faire quelque chose de tangible pour ce pays déchiré par une guerre qui avait causé environ 6 000 morts et fait des centaines de milliers de réfugiés, semblait maintenant extrêmement pressante. La couverture médiatique de la catastrophe humanitaire qui se produisait en Bosnie, particulièrement dans la capitale assiégée, Sarajevo, produisait un effet sur lopinion publique du monde entier, ce qui força la main de lONU. Les autorités onusiennes craignaient que leur intervention ne mette en danger les forces de maintien de la paix et permette aux Serbes de consolider leurs gains, mais pouvaient-elles rester les bras croisés pendant que les effusions de sang sintensifiaient? Devant ce dilemme, les Nations Unies, dabord hésitantes, commencèrent à sengager. Une fois le premier pas fait, il leur fut de plus en plus difficile de se désengager. À lautomne de 1992, les dés étaient jetés. La première intervention des Nations Unies fut la tentative, faite en juin 1992, dobtenir un cessez-le-feu entre les forces serbes et musulmanes, à Sarajevo, de façon à ouvrir laéroport à laide humanitaire à destination de la capitale(26). Laéroport était aux mains des Serbes bosniaques depuis le début des combats; ils lavaient fermé à tous les vols internationaux, interrompant ainsi un ravitaillement qui faisait gravement défaut. Les pourparlers parrainés par les Nations Unies commencèrent le 2 juin, sous la direction de Cedric Thornberry, directeur des Affaires civiles de lONU, en Bosnie, lorsque la RFY demanda aux dirigeants serbes bosniaques de cesser de pilonner la capitale et de céder laéroport aux soldats de lONU. Plusieurs jours plus tard, les forces serbes donnèrent leur accord de principe, de toute évidence parce que les Musulmans avaient levé leur propre blocus des baraquements Maréchal Tito. Les pressions internationales et la peur dune intervention avaient certainement joué un rôle aussi. En vertu de laccord proposé, la FORPRONU protégerait et gérerait laéroport en assurant le déchargement de laide humanitaire et son convoyage jusquaux habitants de Sarajevo. La FORPRONU veillerait également à ce que toute artillerie antiaérienne soit enlevée à portée de laéroport et contrôlerait la concentration dartillerie, de mortiers et de missiles sol-sol. Le 8 juin, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopta la résolution 758 qui élargissait le mandat et les effectifs de la FORPRONU de façon à ce quelle puisse sacquitter de ses fonctions. Deux jours plus tard, le lieutenant-général Nambiar, dépêchait son chef détat-major, le major-général canadien Lewis MacKenzie, accompagné de 60 observateurs militaires, à Sarajevo, en tant que commandant désigné du nouveau secteur de Sarajevo de la FORPRONU(27). Toutefois, la mise en oeuvre de laccord ne fut pas si facile. Les Serbes et les Musulmans se chamaillèrent au sujet des modalités de lentente visant laéroport et les pourparlers furent rompus au milieu de récriminations mutuelles. Les deux brefs cessez-le-feu conclus au cours des deux semaines qui suivirent furent sans effet et ce nest pas avant que le président français, François Mitterrand, fasse une visite inattendue de six heures, à Sarajevo, le 28 juin, pour insister sur la nécessité dune aide humanitaire à Sarajevo, que des progrès furent enregistrés. Certains reprochèrent à la visite de Mitterrand son côté théâtral, mais sa présence finit par convaincre Izetbegovic et Karadzic de signer laccord. Malgré la poursuite des combats au voisinage de laéroport, le personnel de la FORPRONU fut augmenté graduellement au cours de la semaine qui suivit. Un premier groupe de 30 soldats fut déployé le 28 juin et, le lendemain, lONU avait obtenu une accalmie suffisante pour permettre latterrissage de cinq avions chargés de vivres. Les soldats français commencèrent à arriver le 1er juillet et un bataillon canadien fut redéployé de la Croatie à Sarajevo le lendemain. Le 3 juillet, laéroport fut rouvert officiellement pour le ravitaillement humanitaire, mais au cours des mois qui suivirent, des attaques sporadiques obligèrent les troupes onusiennes à le fermer de façon intermittente, pendant des périodes plus ou moins longues. Le 13 juillet, le Conseil de sécurité des Nations Unies accepta denvoyer 500 militaires de plus; ils vinrent se joindre aux 1 100 soldats qui supervisaient déjà les opérations de secours des Nations Unies. Le bataillon canadien fut remplacé à la fin de juillet par trois bataillons plus petits fournis respectivement par lÉgypte, la France et lUkraine. Entre temps, un corridor terrestre avait pu être ouvert entre le port de Split, en Croatie, jusquà Sarajevo, pour compléter le corridor aérien. Les gardiens de la paix étaient alors présents en Bosnie, mais leur rôle précis nétait toujours pas clair. Le Conseil de sécurité adopta, en juillet, la résolution 764 qui définissait la nature de leur mandat. En deux mots, il sagissait dassurer la sécurité et le fonctionnement de laéroport de Sarajevo et la livraison de laide humanitaire. Toutefois, malgré les escortes de lONU, les convois daide continuèrent dêtre attaqués et pillés par des seigneurs de la guerre locaux qui manifestaient peut de respect pour la présence des Nations Unies en Bosnie. Les soldats de lONU demeuraient incapables de réagir. Le Conseil de sécurité approuva donc, le 13 août, la résolution 770 qui autorisait « toute mesure nécessaire » (y compris la force), pour assurer la livraison de laide humanitaire. Lorsque la résolution 770 fut adoptée, elle représentait lacceptation la plus explicite du recours à la force des Nations Unies dans un conflit interne. Cependant, sa signification précise restait vague. Jugeant nécessaire de faire preuve de prudence, les gouvernements européens considérèrent quelle autorisait le recours à la force uniquement en dernier ressort; la communauté internationale ne souhaitait pas vraiment sengager dans la lutte en prenant un engagement illimité(28). Quoi quil en soit, la résolution 770 sembla jouer le rôle de catalyseur. Le 14 août, le gouvernement français annonça quil était prêt à envoyer en Bosnie 1 100 soldats de force de protection et descorte, dans le cadre du mandat de la nouvelle résolution. LEspagne, lItalie, et la Belgique acceptèrent également denvoyer des soldats. Les États-Unis et la Grande-Bretagne se déclarèrent de nouveau opposés à lemploi de forces terrestres, mais le 18 août, la Grande-Bretagne revint sur sa décision et annonça quelle mettrait 1 800 soldats à la disposition de lONU. Au début de septembre, lEurope avait ainsi accepté denvoyer 5 000 gardiens de la paix, même sil fallut un certain temps avant quils arrivent sur le terrain(29). Le 14 septembre, les Nations Unies firent un pas de plus quand le Conseil de sécurité adopta la résolution 776 qui portait le nombre de militaires de lONU en Bosnie à 6 000, en plus des 1 700 soldats déjà déployés, ces forces devant être fournies uniquement par les pays de lOTAN. Le chiffre alors visé pour la force totale de maintien de la paix dans lex-Yougoslavie devait atteindre 21 000, soit plus que le Congo, 30 ans plus tôt. La résolution 776 établissait également un commandement bosniaque distinct baptisé FORPRONU II. Son mandat était nettement plus vaste que celui de la FORPRONU I; il sagissait daider et de protéger le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans ses efforts pour apporter une aide humanitaire dans toute la Bosnie, en respectant les règles dengagement habituelles des opérations de maintien de la paix. Ces règles autorisaient les troupes à recourir à la force pour se défendre, y compris lorsque des groupes armés tentaient de les empêcher de sacquitter de leur mission(30). La décision des Nations Unies dadopter une politique dintervention humanitaire a été un grand pas en avant. Enfin, la population bosniaque pouvait avoir une lueur despoir, même si celle-ci était bien faible. Toutefois, les experts ont replacé cet événement dans son contexte. Louverture de laéroport par une force onusienne très symbolique et lélargissement du mandat des Nations Unies pour y inclure lescorte des convois humanitaires nont que peu contribué à faire cesser les combats. Selon le major-général Mackenzie, du Canada, il aurait fallu 40 000 soldats des Nations Unies rien quà Sarajevo pour maintenir la paix. Entre temps, les combats faisaient rage et les participants montraient toujours aussi peu de respect pour les « règles internationales de la guerre ». Cest cette violation persistante des règles de la guerre qui a si grandement scandalisé la communauté mondiale. Non seulement les combats entre factions ethniques rivales ne semblaient pas vouloir sarrêter, mais la façon dont ils se déroulaient aggravait encore les choses. La guerre sest avérée extrêmement brutale. Lexpression « purification ethnique » qui désigne lexpulsion forcée dun groupe ethnique par un autre, plus particulièrement des Musulmans par les Serbes, fut bientôt sur toutes les lèvres. Les Serbes bosniaques prétendaient que lafflux de réfugiés venant des régions où cohabitaient les deux groupes ethniques était la conséquence naturelle de la guerre, mais la découverte de camps de concentration dans le territoire aux mains des Serbes révéla une toute autre réalité. Même si les Serbes prétendaient que ces camps étaient de simples centres de regroupement pour les réfugiés et les prisonniers de guerre, ces affirmations ont été démenties parce quil y a eu des preuves dexécutions sporadiques, de tortures et dautres mauvais traitements, et le monde entier a pu voir des images de corps émaciés derrière des barbelés(31). Les découvertes de fosses communes où étaient enterrés des civils et les récits de viols de femmes musulmanes sont bientôt devenus de plus en plus fréquents(32). Des comparaisons furent faites avec lAllemagne nazie, même si elles nétaient pas rigoureusement exactes. Les Serbes affirmaient que les Musulmans étaient également coupables de purification ethnique et dautres crimes de guerre, mais ce sont les Serbes qui paraissaient les plus coupables aux yeux de la majorité des observateurs(33). Il sagissait dune terrible catastrophe humaine. Les morts se chiffraient par dizaines de milliers et, à la fin de juillet, plus dun million dhommes, de femmes et denfants bosniaques se retrouvaient sans abri. Pour lensemble de lex-Yougoslavie, le nombre total des sans-abri frisait les deux millions. Près de 500 000 personnes sétaient enfuies de la région et étaient allées chercher refuge dans dautres pays. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui coordonnait laide humanitaire de lONU dans lex-Yougoslavie depuis novembre 1991, avec lassistance du Comité international de la Croix-Rouge, réussissait à peine à faire face à la situation(34). Les efforts diplomatiques visant à remédier à la crise des réfugiés furent compromis par le même problème que celui qui devait freiner lintervention de lensemble de la communauté internationale face à la Bosnie, soit labsence de consensus. LAllemagne, qui avait accepté plus de la moitié des réfugiés yougoslaves, voulait que la CE adopte un système de contingent européen, mais la Grande-Bretagne et la France, qui nen avaient accepté que quelques-uns, faisaient valoir quil fallait les aider le plus près possible de leur lieu dorigine. Quelques progrès furent réalisés à une conférence parrainée par le HCNUR, à Genève, le 29 juillet. Un certain nombre de recommandations furent faites, y compris celle daccroître la présence internationale de façon à secourir tous les réfugiés de lex-Yougoslavie et à leur accorder une « protection temporaire ». Les pays participants sengagèrent à verser 152 millions de dollars US en plus dapporter leur soutien logistique pour construire des logements destinées à abriter les réfugiés pendant lhiver et pour continuer les convois routiers humanitaires en Bosnie dans le but de secourir les villes assiégées comme Sarajevo et Gorazde. Une commission permanente fut également mise sur pied pour coordonner laide internationale. Toutefois, la conférence ne permit pas aux participants de sentendre pour accorder sans restriction asile aux réfugiés. Dautres mesures furent prises, mais elles étaient purement symboliques. Par exemple, le 17 juillet, le Conseil de sécurité des Nations Unies adopta une résolution (qui fut suivie de bien dautres) condamnant les camps de détention et rappelant à toutes les parties les obligations que leur conférait la Convention de Genève de 1949. Les 13 et 14 août, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lHomme tint une session extraordinaire à Genève pour examiner les événements dans lex-Yougoslavie. La politique de purification ethnique fut vivement condamnée et, en même temps, Tadeusz Mazowiecki, lancien premier ministre de Pologne, fut chargé denquêter sur les violations des droits de la personne dans cette région. Dans son premier rapport, publié à la fin daoût, il déplora que les Serbes « recourent systématiquement à la violence » contre les Croates et les Musulmans bosniaques et recommanda que le mandat de la FORPRONU soit élargi afin dinclure la prévention des violations des droits de la personne en Bosnie et laide aux victimes de ces violations. Il suggéra également la mise sur pied dun tribunal des droits humains(35). LES PRESSIONS EN FAVEUR DUNE INTERVENTION MILITAIRE Il existait une façon plus énergique de réduire les souffrances horribles de la population de Bosnie, à savoir une intervention militaire directe. À la réunion de la CSCE, à Helsinki, les 9 et 10 juillet, les Américains et les Européens reconnurent quils nenvisageaient pas de recourir à la force militaire pour mettre fin au conflit. Néanmoins, devant léchec continu des efforts de la CE et de lONU pour endiguer les combats et faire cesser la purification ethnique en Bosnie, de plus en plus dAméricains et dEuropéens commencèrent à considérer que la force constituait la seule solution. Ils voyaient simplement que des Serbes armés attaquaient, tuaient et forçaient à sexiler des milliers de Musulmans sans défense. Les Serbes ayant maintenant les deux-tiers de la Bosnie sous leur emprise et la perspective dune Grande Serbie se confirmant de jour en jour, ils estimaient que cétait le moment ou jamais dintervenir. Les partisans dune intervention militaire formaient un groupe diversifié. Aux États-Unis, par exemple, le candidat démocrate à la présidence, Bill Clinton, et le New York Times sallièrent pour préconiser une action militaire. Bien entendu, des pays islamiques comme la Turquie et lIran se prononcèrent aussi pour le recours à la force. Le 25 août, lAssemblée générale des Nations Unies adopta une résolution parrainée par lOrganisation de la Conférence islamique qui citait le chapitre VII de la Charte des Nations Unies autorisant le recours à la force lorsquun embargo économique navait pas donné des résultats. Plusieurs options militaires étaient envisageables, mais presque toutes posaient des problèmes particuliers. Les États-Unis et lEurope pouvaient certainement battre les Serbes avec suffisamment de troupes et déquipement sur le terrain. Mais cela exigerait sans doute 50 000 militaires, et une victoire rapide nétait aucunement garantie. Avec sa topographie montagneuse, la Bosnie se prêtait parfaitement à la guérilla, un type de combat dans lequel les Serbes sétaient montrés très à laise par le passé. Les militaires américains déclarèrent pendant tout le conflit bosniaque que : « Nous nous battons dans le désert, mais pas dans les montagnes »(36). Le spectre du Viêt-nam restait très présent à leurs yeux. Certains experts militaires suggérèrent également des attaques aériennes contre les positions que les Serbes occupaient dans les collines entourant Sarajevo et dautres villes assiégées de Bosnie. Cela aurait évité de déployer des forces terrestres importantes, mais lefficacité de cette stratégie était douteuse étant donné que larme de choix, en Bosnie, était le mortier portatif. On craignait également que les Serbes ripostent à ces attaques aériennes en sen prenant aux troupes des Nations Unies. Au lieu de sattaquer directement aux Serbes, il était également possible dintervenir pour protéger les civils. LOTAN et lUnion de lEurope occidentale avaient examiné la possibilité de prendre ce genre de mesure, en dégageant les corridors de ravitaillement bloqués par la guerre ou en créant des zones de sécurité. Là encore, cela aurait exigé le déploiement sur le terrain des milliers de soldats (surtout pour le dégagement des corridors de ravitaillement) qui devaient être prêts à participer à des combats éventuels. Enfin, de nombreux pays musulmans exhortaient lONU à lever lembargo sur les armes quelle avait imposé à lex-Yougoslavie de façon à ce que les Musulmans bosniaques puissent importer les armes nécessaires pour combattre, sur un pied dégalité, les Serbes mieux armés queux. Le président bosniaque, Alija Izetbegovic écrivit au Conseil de sécurité, le 3 août, pour exiger que la Bosnie soit autorisée à importer des armes de façon à obtenir le « droit naturel de défense légitime individuelle ou collective » garanti par larticle 51 de la Charte des Nations Unies. La plupart des gouvernements occidentaux examinèrent et rejetèrent ces diverses options militaires. De toute évidence, leur intérêt national nétait pas suffisamment menacé tandis que ces mesures risquaient de faire beaucoup trop de victimes. Comme le président de lInstance collégiale des chefs détat-major des États-Unis, le général Colin Powell, le fit remarquer : « La crise en Bosnie est particulièrement complexe. La solution ultime doit être de nature politique »(37). LA CONFÉRENCE DE LONDRES ET LA PÉRIODE QUI SUIVIT Pendant tout lété 1992, alors que les Nations Unies commençaient à jouer un rôle plus énergique en Bosnie et que lon envisageait la possibilité dune intervention militaire, la CE poursuivit ses efforts de maintien de la paix. Toutefois, les progrès furent limités. Même lorsquil y en eut, ils furent parfois mitigés en raison de certains malentendus transatlantiques. Par exemple, le 17 juillet, Lord Carrington négocia, avec les trois factions, un plan de cessez-le-feu exigeant que lartillerie lourde soit placée sous la supervision de lONU. Toutefois, personne ne consulta le secrétaire général de lONU quant à la faisabilité de ce plan, si bien que Boutros-Ghali se plaignit au conseil de sécurité, le 21 juillet, quil avait été placé dans la situation ingrate de devoir conseiller le Conseil sur la mise en oeuvre dun mandat auquel celui-ci avait déjà accordé son soutien politique. Selon lui, étant donné que lONU ne disposait que de ressources limitées parce quelle était engagée activement dans treize autres opérations de maintien de la paix, cétait à la CE de mettre ses ressources au service des Nations Unies plutôt que linverse. Étant donné que les belligérants ne révélèrent ni lemplacement ni la quantité de leur artillerie lourde et que le cessez-le-feu ne fut pas respecté, laccord tomba à leau. Néanmoins, cet incident fut symptomatique des relations tendues et des divergences dopinion au sein de la communauté internationale(38). La CE avait si peu réussi à amener les Serbes et les Musulmans sur la voie de la paix que certains pays, comme la France, ont commencé à se demander si les Nations Unies ne devraient pas collaborer avec la Communauté européenne au maintien de la paix. Lincident de juillet laissait certainement entrevoir quil fallait au moins que les deux organismes internationaux coopèrent davantage. On craignait également que les Serbes ne commencent à se méfier de la CE et du rôle joué par lAllemagne, leur ennemie traditionnelle. Même si les Britanniques et les Américains croyaient que lONU avait déjà suffisamment à faire sur le plan du maintien de la paix, à la fin daoût, il fut décidé de prendre des nouvelles mesures pour rompre limpasse. La Conférence de Londres, coparrainée par le premier ministre britannique, John Major et le secrétaire général de lONU, réunit, du 26 au 28 août, des délégués des Nations Unies, de la CE et de la CSCE ainsi que des représentants des principales factions yougoslaves. Un groupe de travail spécial sur la Bosnie fut établi pour promouvoir la cessation des hostilités et un règlement constitutionnel dans la république, et on constitua également une tribune de négociation à Genève, sous le parrainage de lONU et de la CE. Cyrus Vance continua de représenter lONU, tandis que Lord David Owen, ancien secrétaire britannique aux Affaires étrangères, remplaça, au poste denvoyé de la CE, Lord Carrington, qui venait de prendre sa retraite. La Conférence de Genève allait être à lorigine de toutes les initiatives de paix ultérieures. Toutes les parties au conflit furent exhortées à reprendre immédiatement et sans condition préalable les négociations sur les futures ententes constitutionnelles. Vance et Owen devaient diriger ces négociations selon des lignes directrices très strictes. Il fallait par-dessus tout que lintégrité des frontières actuelles soit entièrement respectée à moins que toutes les factions ne conviennent de certains changements. En outre, les territoires saisis par la force devaient être restitués. On envisageait, au cas où ces négociations permettraient de conclure un règlement, lintervention dune force de maintien de la paix des Nations Unies « pour maintenir le cessez-le-feu, contrôler les mouvements militaires et prendre dautres mesures de renforcement de la confiance »(39). La Conférence de Londres apporta de nouveau lespoir dune cessation des combats. Toutefois, ces espoirs furent de courte durée. La communauté internationale avait peut-être finalement fait preuve dun certain consensus à propos de la guerre en Bosnie, mais les combattants ne semblaient pas plus désireux quavant de régler leurs différends. Les négociations de paix entre les trois communautés ethniques, en septembre, ne donnèrent aucun résultat, tandis que les accords conclus à Londres pour permettre aux Nations Unies de contrôler lartillerie lourde autour de Sarajevo et des autres villes musulmanes ne furent pas respectés. Les Serbes continuaient à bombarder sans relâche les territoires musulmans et, en octobre, les promesses faites avaient été largement oubliées. Étant donné que la Conférence de Londres ne prévoyait aucune mesure punitive ni même la menace dune intervention extérieure, le pouvoir de persuasion de Vance et Owen était limité. Comme John Major le fit remarquer : « Nous ne pouvons pas nous fier à la bonne volonté des parties. Nous devons leur forcer la main »(40). Les pressions exercées jusquà la fin de 1992, ne donnèrent pas plus de résultats que par le passé. Le 22 septembre, lAssemblée générale des Nations Unies refusa, lors dun vote, à la RFY doccuper le siège de lancienne Yougoslavie(41). Deux semaines plus tard, le Conseil de sécurité des Nations Unies votait à lunanimité en faveur de la création dune commission des crimes de guerre chargée dexaminer les preuves de « violations graves du droit international humanitaire » dans lex-Yougoslavie. Le but visé était déviter que de nouveaux abus soient commis en faisant savoir aux coupables quils auraient des comptes à rendre. Cependant, cette mesure se réduisit à une simple demande de preuves; aucun tribunal ne fut créé et aucun criminel potentiel ne fut désigné(42). La résolution 781 des Nations Unies, approuvée par le Conseil de sécurité le 9 octobre, interdisait la présence davions de guerre dans lespace aérien de la Bosnie. Toutefois, la FORPRONU ne pouvait que surveiller le respect de la résolution et non la faire appliquer. Les Serbes se résignèrent finalement à laisser leurs avions de guerre au sol, mais cela ne changea pas grand chose étant donné que les forces aériennes navaient joué quun rôle négligeable dans le conflit(43). Enfin, le 23 novembre, des bateaux de guerre de lOTAN et de lUnion de lEurope occidentale commencèrent à arraisonner tout navire entrant ou quittant les eaux yougoslaves et soupçonné de ne pas respecter les sanctions des Nations Unies contre la Serbie. Les promesses que la Conférence de Londres avait laissé entrevoir commencèrent à sestomper et les Serbes poursuivirent leur avance sur le terrain, ce qui accentua de nouveau les pressions exercées par lopinion publique en faveur dune action militaire. LOrganisation de la conférence islamique laissa entrevoir la possibilité dune intervention, mais à Genève, Cyrus Vance et David Owen lancèrent un avertissement énergique contre toute action militaire risquant de mettre en péril leurs négociations ou les 7 000 gardiens de la paix en Bosnie. Les hautes autorités militaires onusiennes de la régions exprimèrent leur accord. Lhésitation régnait en Occident. On continuait à débattre des options militaires, mais sans pouvoir parvenir à un consensus. Washington se montrait de moins en moins réfractaire à lidée, toujours populaire dans les pays islamiques, de lever lembargo sur les armes de façon à livrer des armes et des munitions aux Musulmans, mais les Européens, à lexception des Allemands, nétaient pas daccord, convaincus quils étaient que cela jetterait de lhuile sur le feu et prolongerait le conflit. Le 16 novembre, le Conseil de sécurité demanda à Boutros-Ghali détudier lidée émise par les Français de créer des zones de sécurité dans le centre et lest de la Bosnie où les Musulmans étaient réduits à la famine avant dêtre chassés de leurs maisons. Encore une fois, cette initiative aurait exigé le déploiement de milliers de soldats occidentaux autorisés à se battre, même sils nétaient pas (du moins en principe) engagés dans des opérations offensives. Cela suscitait un autre dilemme. Ces zones de sécurité sauveraient certainement des vies humaines, mais elles risquaient de favoriser le clivage ethnique et détruiraient tout espoir de garder la Bosnie intacte. Le président du CICR avait déclaré en octobre que la priorité était de sauver des vies humaines, même si cela revenait à favoriser la purification ethnique(44). Sadako Ogata, haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, nétait pas certaine de la voie à suivre; elle craignait que le plan ne soit extrêmement difficile à mettre en oeuvre. Les planificateurs de lOTAN émettaient les même réserves. Enfin, vers la fin de lannée, il y eut de longues discussions quant à lapplication de linterdiction de survoler la Bosnie. Les Serbes continuaient à violer lespace aérien bosniaque, même sils affirmaient que ces vols étaient de nature purement humanitaire et visaient par exemple à livrer des médicaments ou à évacuer les blessés. Les observateurs de la FORPRONU confirmèrent quaucune mission de combat clairement identifiée navait survolé des territoires depuis novembre. Toutefois, les ministres des Affaires étrangères de lOTAN se mirent daccord, le 17 décembre, pour appuyer toute future résolution des Nations Unies visant à faire respecter linterdiction de survoler la Bosnie. Certains experts laissèrent entendre que cette interdiction servait parfaitement les intérêts occidentaux en ce sens quelle satisfaisait lopinion publique sans quon ne se soit fermement engagé à arrêter les effusions de sang. DE NOUVELLES PROPOSITIONS DE PAIX : LE PLAN VANCE-OWEN À la fin de 1992, les perspectives de paix en Bosnie semblaient aussi éloignées quavant. Il nétait pas question, pour le moment, dune intervention militaire occidentale et les factions ethniques en guerre ne semblaient pas prêtes à faire la moindre concession. Cependant, à laube de 1993, une petite lueur despoir apparut. Il restait à voir si les Serbes et les Musulmans saisiraient loccasion de faire la paix ou lexploiterait simplement à leur avantage. Le 2 janvier 1993, les dirigeants des trois communautés ethniques négocièrent directement ensemble, pour la première fois, à Genève. Sur le tapis se trouvait un plan de paix global préparé par les coprésidents de la Conférence de Genève, Cyrus Vance et Lord Owen. Ce plan de paix fondé sur les propositions présentées pour la première fois au parties en octobre 1992, contenait trois principaux éléments : des principes constitutionnels, une carte divisant la République en 10 provinces et des principes directeurs pour le cessez-le-feu et la démilitarisation. Les coprésidents insistèrent sur le fait que ces trois éléments étaient indissociables. Selon les modalités du plan Vance-Owen, la Bosnie deviendrait un État décentralisé dont les provinces assumeraient la plupart des fonctions gouvernementales sans toutefois posséder de « personnalité juridique internationale » ou le pouvoir de signer des accords avec des États étrangers. Le gouvernement central serait chargé de la défense, de la politique étrangère et du commerce extérieur. Aucune des provinces ne serait pure sur le plan ethnique, mais chacun des trois groupes formerait la majorité dans trois des 10 provinces, Sarajevo devenant une ville ouverte démilitarisée. Les Serbes, qui occupaient environ 70 p. 100 de la Bosnie, recevraient approximativement 45 p. 100 du territoire, tandis que les Musulmans et les Croates se partageraient le reste du pays. Des corridors ou des passages contrôlés par les Nations Unies seraient créés pour assurer la libre circulation des gens et des marchandises entre les provinces(45). Le plan Vance-Owen cherchait désespérément à réaliser limpossible. Il visait, dune part à apaiser les Musulmans en préservant lintégrité territoriale de la Bosnie, tout en offrant aux Serbes et aux Croates des pouvoirs importants et une autonomie dans lensemble des provinces. Les Croates étaient satisfaits et leur chef, Mate Boban, accepta les trois documents presque immédiatement. Comme les provinces croates étaient situées dans louest de la Bosnie, à côté de la Croatie, il considérait sans doute que le plan Vance-Owen ouvrirait la voie à une union ultérieure avec Zagreb(46). Il nen alla pas de même pour les Musulmans et les Serbes. Le président de Bosnie, Alija Izetbegovic était certainement satisfait de la préservation de la Bosnie comme entité nationale, mais il se rendait parfaitement compte que ce serait purement symbolique et que le gouvernement central ne posséderait que peu de pouvoirs véritables. En outre, il ne pouvait pas accepter que les Musulmans soient obligés de céder une grande partie du territoire quils possédaient avant le début des combats. Selon lui, le plan Vance-Owen punissait les victimes étant donné que les Musulmans se retrouveraient injustement coincés entre les Serbes et les Croates. Néanmoins, la communauté internationale avait conclu, compte tenu des réalités, quà part une intervention militaire que personne, en Occident, nétait prêt à approuver, ce plan était la meilleure solution quil soit possible de trouver. Comme les Musulmans, les Serbes refusèrent, au départ, de signer les documents. Non seulement on leur demandait de céder le territoire quils avaient chèrement gagné (dans le nord, par exemple, où ils avaient établi un corridor reliant à la Serbie les territoires quils détenaient en Croatie et en Bosnie), mais leurs provinces seraient éparpillées dans lensemble du pays, ce qui les forceraient à renoncer à tout rêve « dÉtat dans lÉtat » ou même de « Grande Serbie ». Ils tenaient toujours au principe, énoncé dans laccord de Lisbonne de février 1992, dune confédération de trois États indépendants. Ils avaient rejeté les propositions doctobre pour les mêmes raisons. Les deux parties cherchèrent à gagner du temps. Les Musulmans espérèrent, en vain, que les États-Unis, qui partageaient les doutes dIzetbegovic au sujet du plan, interviendraient, tandis que les Serbes priaient pour que les nouvelles propositions meurent de mort naturelle. Même si, un peu plus tard au cours du mois, Izetbegovic accepta les principes constitutionnels, il continua à rejeter le découpage territorial et les dispositions concernant le cessez-le-feu. Les Serbes qui, apparemment, cédèrent aux pressions de Milosevic, allèrent un peu plus loin en signant à la fois les principes constitutionnels et laccord de cessez-le-feu. Le président Serbe commençait peut-être à ressentir leffet des sanctions ou comprenait que, même si le plan Vance-Owen nétait pas parfait, les autres options, à savoir lisolement, lintervention étrangère ou la perte dun important territoire serbe, pourraient être pires. Toutefois, les Serbes de Bosnie nacceptèrent pas la division du territoire proposée, même lorsque les ministres des Affaires étrangères de la CE leur donnèrent un ultimatum de six jours, le 14 janvier, pour accepter le plan intégralement. À la fin de janvier, les deux camps étaient dans limpasse. Au début de février, les pourparlers eurent lieu à New York plutôt quà Genève, car on espérait que le Conseil de sécurité et les États-Unis appuieraient le plan. La Communauté européenne lavait approuvé le 1er février, mais les États-Unis restaient sceptiques. La presse américaine parla de Munich et dapaisement, tandis que Warren Christopher, le Secrétaire dÉtat, estima que le plan nétait pas réalisable et quil récompensait lagression serbe. Daprès la rumeur, le président Clinton voulait que la carte soit redessinée de façon à accorder davantage de territoire aux Musulmans(47). Néanmoins, les Américains noffraient pas de véritable solution de rechange. Pendant la campagne électorale, Clinton avait reproché au président Bush ses hésitations vis-à-vis la Bosnie et avait même laissé entendre la possibilité dune intervention militaire. Maintenant, le président américain se faisait reprocher sa propre indécision et sa politique à courte vue. La politique de Washington sur la Bosnie allait à la dérive, affirmaient ses détracteurs. Le 10 février, le gouvernement Clinton fit une déclaration. Il se décidait enfin, en y mettant une certaine réticence, à appuyer le plan Vance-Owen, en stipulant toutefois que celui-ci ne devrait, en aucun cas, être imposé à lune des parties. Le président promettait également de « participer activement et directement » au processus de paix et il fit plusieurs propositions visant à sortir les négociations de limpasse. Il sagissait notamment de resserrer les sanctions contre la Serbie; de faire appliquer linterdiction de survol au moyen dune résolution du Conseil de sécurité; détablir un tribunal des crimes de guerre pour juger les auteurs présumés datrocités; dappuyer, en coopération avec les Nations Unies et lOTAN, lapplication dune « entente viable » concernant la Bosnie, en ayant recours à la force si nécessaire; et dinciter la Russie à participer davantage au processus de paix. Clinton nomma également Réginald Bartholomew, ambassadeur des États-Unis à lOTAN, au poste denvoyé spécial américain aux pourparlers de paix internationaux sur lex-Yougoslavie. Les Américains ne sarrêtèrent pas là. À la mi-février, le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés suspendit pendant deux jours les opérations daide humanitaire dans lest de la Bosnie pour protester contre les attaques continuelles lancées par les forces serbes contre les convois daide. Certaines enclaves musulmanes du Nord étaient complètement isolées depuis des mois et les Musulmans de Sarajevo avaient refusé daccepter de laide tant que ces villes ne seraient pas secourues. Même si, en principe, les gardiens de la paix étaient autorisés à éliminer ces obstacles par la force, ils nétaient que légèrement armés et souvent moins nombreux que leurs adversaires. Clinton proposa une solution. À la fin de février, il annonça que les troupes américaines parachuteraient des vivres dans les régions serbes, musulmanes ou croates coupées des opérations des Nations Unies. Ce plan comportait dénormes risques politiques et pratiques, à savoir la crainte de représailles contre les soldats des Nations Unies, la possibilité de victimes américaines et le manque de précision des parachutages; il fut quand même approuvé par les ministres des Affaires étrangères de lOTAN, et le premier parachutage eut lieu le 1er mars. Malgré quelques problèmes pratiques initiaux, lentreprise fut couronnée de succès. De plus, il sagissait de la première participation active des Forces américaines en Bosnie(48). Par suite de la décision du gouvernement américain de participer davantage au processus de paix et dappuyer le plan Vance-Owen, on pouvait espérer de nouveau que le conflit bosniaque avait atteint un tournant. Néanmoins, les combats se poursuivirent pendant tout lhiver et le début du printemps de 1993, surtout dans lest où des forces serbes cherchèrent à consolider leur présence dans les régions désignées comme étant musulmanes dans le plan Vance-Owen(49). De graves affrontements eurent également lieu dans louest sauf que là, ce sont les Croates qui sattaquèrent aux Musulmans(50). Les progrès restaient lents sur le front des négociations. Au cours du mois qui suivit les pourparlers de New York, au début de février, la situation stagna(51). Au début de mars, Izetbegovic accepta enfin les dispositions concernant le cessez-le-feu, après avoir obtenu de la FORPRONU la garantie quelle prendrait possession des armes lourdes des Serbes. Toutefois, il restait difficile de sentendre sur la division du territoire. Les négociateurs tentèrent de persuader Izetbegovic quils lui offraient le maximum quil pouvait espérer dans les circonstances. Les États-Unis appuyant désormais le plan, Izetbegovic se rendit peut-être compte quil ne pourrait plus résister bien longtemps. Finalement, au cours de la ronde suivante de négociations qui dura du 16 au 25 mars, les Musulmans et les Croates sentendirent sur un nouveau découpage : la province de Sarajevo serait désormais placée sous lautorité des Musulmans plutôt que sous contrôle tripartie. Les deux parties signèrent également un quatrième document énonçant les dispositions intérimaires qui seraient mises en place avant les nouvelles élections(52). Les Musulmans et les Croates avaient donc accepté intégralement le plan; toutefois, les Serbes, qui ne se résignaient toujours pas à céder du territoire, continuèrent à rejeter la délimitation proposée. La communauté internationale décida que le temps était venu de renforcer les pressions. Le Conseil de sécurité des Nations Unies resserra la vis, le 31 mars, en adoptant la résolution 816 qui autorisait les chasseurs de lOTAN à abattre les avions qui violeraient lespace aérien bosniaque visé par une interdiction de survol. Des avions serbes avaient bombardé deux petits villages près de Sarajevo, le 13 mars, et il sagissait du premier raid de bombardement confirmé depuis linterdiction de survol. À la mi-avril, des avions de chasse de lOTAN, des forces aériennes françaises, hollandaises et américaines firent respecter linterdiction, mais ils ne pouvaient pas tirer sur un appareil en contravention avant de lui avoir émis au préalable un avertissement très clair. Lorsque lassemblée serbe bosniaque réunie à Pale (immédiatement au nord de Sarajevo) rejeta le plan Vance-Owen, le 2 avril, le monde extérieur fit un pas de plus. Depuis la fin mars, la CE avait menacé la RFY dun isolement total si les Serbes bosniaques rejetaient de nouveau laccord, même si Milosevic continuait daffirmer quil ne pouvait pas faire grand chose. À lissue du dernier refus, la Communauté commença à exercer des pressions sur le Conseil de sécurité pour quil prenne de nouvelles sanctions contre la Yougoslavie, menaçant dimposer les siennes si les Nations Unies refusaient dagir. Le Conseil de sécurité hésitait, car il ne voulait pas forcer la main du président russe, Boris Elstine, qui devait affronter la vive opposition des conservateurs pro-Serbes et que lon pressait dimposer son veto sur toute résolution proposant de nouvelles sanctions économiques contre Belgrade. Après de nombreux retards, les sanctions furent finalement approuvées le 17 avril. Elles devaient entrer en vigueur le 26 avril, le lendemain du référendum russe qui confirmait la présidence de Elstine. Les nouvelles mesures interdisaient les transports de marchandises à travers la Yougoslavie, bloquaient lactif financier yougoslave à létranger, interdisaient la présence de navires yougoslaves sur le territoire des pays membres de lONU et détenaient les navires, trains et avions yougoslaves déjà à létranger. Cette dernière série de sanctions économiques sembla produire un effet sur Belgrade. Léconomie yougoslave était un piteux état et on sattendait à ce que des nouvelles sanctions causent leffondrement du pays(53). Les autorités yougoslaves commencèrent donc à exercer des pressions sur les Serbes bosniaques pour quils acceptent le plan de paix; quant à savoir si elles cherchaient sincèrement à arrêter les combats ou si elles voulaient simplement semer la confusion dans lesprit des Occidentaux qui imposaient de nouvelles sanctions et envisageaient une intervention militaire, personne ne pouvait le dire de façon certaine. Quoi quil en soit, ce nétait pas encore suffisant. Les pourparlers de Belgrade furent rompus le 25 avril et, le lendemain, lAssemblée serbe bosniaque rejeta de nouveau le découpage territorial(54). Même la promesse faite par Owen que les Nations Unies établiraient « des corridors protégés » reliant les provinces serbes bosniaques non contiguës et que les zones serbes démilitarisées seraient protégées par les troupes des Nations Unies ne put réussir à convaincre les Serbes(55). Warren Christopher qualifia de « stratagème cynique » la promesse de lAssemblée de soumettre le plan à un référendum dans le territoire détenu par les Serbes en Bosnie. La Conférence de Genève fit une dernière tentative, au début de mai, pour convaincre les Serbes. LAssemblée serbe de Bosnie devant se réunir de nouveau, le 5 mai, pour réexaminer sa dernière décision de rejeter la partition, Karadzic fut plus que jamais exhorté par Belgrade daccepter les modalités de laccord et de se servir de son influence politique pour orienter le vote. Le 2 mai, il finit par céder et donner son agrément à la délimitation proposée, à Athènes, le président Milosevic à ses côtés(56). Néanmoins, lAssemblée bosniaque nen tint pas vraiment compte. Trois jours plus tard, elle refusait de nouveau de signer laccord et confirmait la tenue immédiate dun référendum. Le résultat de celui-ci nétonna personne. Les 15 et 16 mai, les Serbes de Bosnie votèrent majoritairement contre le plan Vance-Owen tout en souscrivant au principe dun État serbe indépendant. Le gouvernement yougoslave annonça aussitôt quil coupait ses relations avec les Serbes de Bosnie et quil les priverait de tout approvisionnement essentiel, à lexception de laide humanitaire. Cette mesure libéra la vapeur au moment où la marmite menaçait dexploser sous les pressions internationales qui réclamaient une intervention plus énergique contre Belgrade. Mais la sincérité de Milosevic restait douteuse; lorsque les Nations Unies offrirent denvoyer des observateurs internationaux pour surveiller les frontières du pays, il refusa carrément. Il devint bientôt évident que des approvisionnements venant de Serbie continuaient à traverser la frontière de la Bosnie. LES TRACTATIONS TRANSATLANTIQUES Pendant toutes cette période dintenses négociations, la mise en oeuvre du plan Vance-Owen faisait lobjet de discussions dordre logistique dans les cercles de lONU et de lOTAN. Même si Boutros-Ghali insistait pour que les Nations Unies assurent le contrôle politique et stratégique ultime de lopération (qui serait financée collectivement par les États membres de lONU), il se rendit compte, dès le départ, que laccord dépasserait la capacité de planification du Secrétariat de lONU et de la FORPRONU. Comme lOTAN était la seule organisation capable dadministrer une aussi vaste opération, elle accepta de se charger du travail préparatoire. Les experts de lOTAN estimaient quil faudrait entre 60 000 et 75 000 soldats pour sacquitter des diverses tâches militaires; la majeure partie de cette force serait fournie par les États-Unis, et la Grande-Bretagne et la France fourniraient également dimportants contingents(57). Toutefois, certaines questions troublantes continuaient à se poser : Serait-il possible de regrouper des effectifs aussi importants? Combien de temps resteraient-ils en Bosnie? Quel serait le coût ultime de leur déploiement et les Nations Unies pouvaient-elles se le permettre étant donné leurs moyens financiers limités? Lorsque les Serbes rejetèrent le plan Vance-Owen, le 5 mai, ce nest plus la logistique dune opération de maintien de la paix que lon était en train dexaminer, mais la perspective dune intervention militaire immédiate. Jamais de telles discussions navaient été prises autant au sérieux, surtout aux États-Unis. Les militaires américains restaient opposés, pour des raisons tant tactiques que stratégiques, à toute action militaire à grande échelle. Certains experts militaires laissaient entendre que les Serbes pourraient être battus en huit jours par deux ou trois divisions bien entraînées, mais la plupart estimaient que cela obligerait à déployer des centaines de milliers de soldats pendant une période indéterminée. Clinton se fia à cet avis; il continua daffirmer que les États-Unis ne déploieraient pas de forces terrestres en Bosnie à moins quun accord de paix viable nait été signé. Toutefois, son gouvernement commençait à perdre patience devant la mauvaise volonté des Serbes. Warren Christopher, le vice-président Al Gore et le conseiller national pour la sécurité, Anthony Lake, étaient en faveur dattaques aériennes. Le secrétaire de la Défense, Les Aspin, préférait ne pas sengager, tandis que le président de lInstance collégiale des chefs détat-major, le général Colin Powell, sopposait à ce genre dintervention. Finalement, à la fin davril, Clinton opta pour la suspension de lembargo des Nations Unies sur les armements et le lancement dattaques aériennes contre les Serbes bosniaques de façon à les tenir en échec pendant que les Musulmans apprendraient à se servir des nouvelles armes perfectionnées qui leur étaient livrées. On apprit bientôt que Washington avait déployé en Bosnie une centaine dagents de renseignement militaire chargés de localiser les cibles éventuelles et plus particulièrement les routes dapprovisionnement traversant la frontière serbe(58). Christopher fut envoyé en Europe pour avertir les alliés de Washington au sein de lOTAN, mais il devint vite évident quaucun pays de la CE, à lexception de lAllemagne, nappuierait le choix des Américains. Des arguments nouveaux et anciens furent invoqués. Une fois de plus, la Grande-Bretagne et la France exprimèrent la crainte, comme les autorités des Nations Unies sur le terrain, que toute action militaire nincite les Serbes à exercer des représailles en sattaquant à leur forces de maintien de la paix en Bosnie(59). En outre, comme les ministres des Affaires étrangères de la CE le soulignèrent, au Danemark, le 25 avril, la levée de lembargo sur les armements risquait dentraîner une escalade du conflit et peut-être même sa propagation à lextérieur des frontières de la Bosnie(60). Dautres questions, plus ou moins fondamentales, restaient à résoudre : Doù viendraient les armes? Comment seraient-elles livrées? Quels seraient les objectifs politiques et militaires des attaques aériennes? Le feld-maréchal, Sir Richard Vincent, président britannique de la commission militaire de lOTAN, fit savoir à la fin avril aux gouvernements occidentaux quils devaient décider de ce quils souhaitaient obtenir en Bosnie avant de préconiser une intervention quelconque(61). Les Européens étaient très peu disposés à faire des concessions, car ils tenaient à poursuivre les opérations de maintien de la paix et la livraison de laide humanitaire. Ils espéraient tout au moins éviter que lon envisage sérieusement une action militaire avant davoir vu si Milosevic tiendrait sa promesse de fermer hermétiquement la frontière avec la Bosnie. Le gouvernement britannique laissa entendre quil pourrait donner son accord, ultérieurement, à des attaques aériennes limitées contre les voies dapprovisionnement et de communication des Serbes (Lord Owen laissa même entendre que cela pourrait être nécessaire), mais seulement en dernier ressort. Les Russes firent valoir que le relâchement des sanctions contre Belgrade pourrait donner des résultats, tandis que les Français recommandèrent, un fois de plus, la création de zones de sécurité pour protéger les Musulmans assiégés dans lest de la Bosnie et ailleurs. Les Américains nétaient pas prêts à faire cavalier seul. À une réunion des hautes autorités militaires de lOTAN, à Bruxelles, le 27 avril, le Général Colin Powell déclara clairement que le gouvernement américain nenvisagerait aucune action militaire sans lautorisation expresse des Nations Unies(62). Comme il était possible que la Russie ou la France opposent leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité préconisant la levée de lembargo sur les armes et le lancement dattaques aériennes, Washington se trouvait dans une impasse. Les Serbes bosniaques avaient eu raison de parier que labsence de consensus entre les pays de louest empêcherait toute intervention militaire directe. Le désaccord de plus en plus profond entre les États-Unis et lEurope fut bientôt considéré, par certains observateurs, comme la crise la plus grave que les relations transatlantiques aient connu depuis laffaire de Suez, en 1956. Le langage utilisé nétait pas toujours diplomatique. Joseph Biden, un démocrate influent siégeant au comité des relations extérieures du Sénat et un ardent partisan de loption américaine, qualifia la politique européenne de « triste tableau dindifférence, de timidité, dillusions et dhypocrisie »(63). John Newhouse est peut-être celui qui a le mieux résumé la situation en ces termes : « Washington traite les Européens de « mauviettes », tandis que les Européens reprochent à ladministration Clinton de ne pas voir la réalité en face »(64). Mais surtout, cette division révélait une conception différente du conflit. Les Européens considéraient que la Bosnie était ravagée par une guerre civile tandis que les Américains la voyaient comme un État indépendant victime dune agression dirigée de lextérieur(65). Le plan Vance-Owen était désormais condamné même si la communauté internationale refusait de ladmettre publiquement. Cela sautait pourtant aux yeux. Non seulement les Serbes avaient rejeté catégoriquement le plan de paix et parlaient maintenant de diviser le pays selon des frontières ethniques, mais le 6 mai, avant même que le référendum nait lieu, le Conseil de sécurité adopta à lunanimité la résolution 824, qui faisait des enclaves musulmanes assiégées de Sarajevo, Tuzla, Zepa, Gorazde, Bihac et Srebenica des « zones de sécurité ». Les belligérants reçurent lordre de sabstenir de « toute attaque armée ou tout autre acte hostile » dans ces secteurs et de laisser les observateurs militaires de lONU y avoir accès pour contrôler leur sécurité. À une réunion des ministres des Affaires étrangères qui eut lieu à Washington, le 22 mai, la Russie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et lEspagne signèrent une « stratégie commune » pour assurer la garde ces zones. Les signataires de lAccord de Washington nièrent que le plan Vance-Owen était condamné ou quils avaient rejeté totalement la possibilité dune intervention militaire. Également, les ministres de la défense de lOTAN réunis à Bruxelles, le 26 mai, soulignèrent que les zones de sécurité devraient être considérées comme un moyen datteindre un objectif et non comme une solution de rechange, ce qui laissait planer la possibilité den revenir au plan Vance-Owen. Toutefois, les observateurs du monde entier étaient très sceptiques à cet égard. Les six zones de sécurité désignées étaient dans une situation désespérée, les bombardements incessants, la purification ethnique et de graves pénuries de nourriture et dautres services humanitaires ayant causé une véritable tragédie humaine(66). Lorsque les Serbes essayèrent de resserrer létau, à la fin de lhiver et au printemps de 1993, les forces des Nations Unies redoublèrent defforts pour évacuer les Musulmans de ces régions assiégées. Srebenica, dans lest de la Bosnie, est sans doute le cas qui a le plus retenu lattention. En mars, le lieutenant-général Phillipe Morillon, commandant des forces des Nations Unies en Bosnie, entra dans la ville avec un nombre limité de soldats et resta sur place pendant près dun mois jusquà ce que le siège soit levé. Une compagnie de 150 gardiens de la paix canadiens commença alors à évacuer les habitants et à désarmer les défenseurs musulmans, ce qui amena la presse internationale et le gouvernement de Bosnie à accuser les Nations Unies de favoriser la purification ethnique. Néanmoins, à la fin davril, Srebrenica était finalement désignée comme zone de sécurité(67). Étant donné léchec des pourparlers de paix et la détermination croissante des Serbes à éliminer les derniers bastions de la résistance musulmane, lONU en vint à la conclusion, surtout en raison de linsistance de la France, quà part une intervention à grande échelle, la seule solution était détendre le concept des zones de sécurité à dautres régions de la Bosnie. Toutefois, certains membres de lOTAN et en particulier ceux qui navaient pas été consultés nétaient pas très optimistes et le plan fut vivement critiqué dans la presse occidentale. Encore une fois, on craignait que les Serbes ne soient récompensés et les Musulmans punis. En fait, de nombreux experts étaient daccord pour dire que le nouveau plan constituait une reconnaissance de facto du statu quo en Bosnie du fait quil maintenait le résultat territorial de 14 mois de guerre civile et renforçait les prétentions des nationalistes serbes et croates que lon disait vouloir diviser la Bosnie aux dépens de la population musulmane(68). Le personnel des Nations Unies sur le terrain, y compris le chef de laide humanitaire en Bosnie, Jose-Maria Mendiluce, exprima la crainte que les zones désignées deviennent des ghettos, très exposés aux maladies et dépendant entièrement de laide humanitaire des Nations Unies pendant une période indéfinie(69). Des Serbes et des Croates hostiles encerclant les villes, rien ne garantissait que laide puisse passer. The Economist laissa entendre que les Musulmans étaient regroupés dans des territoires comparables aux « homelands » de lAfrique du Sud. Le message était clair : « Lapartheid se répand en Europe »(70). Le président Izetbegovic commença par rejeter laccord, ce qui navait rien détonnant. Il accusa lOccident dabandonner la Bosnie et de regrouper les Musulmans dans des « réserves ». Toutefois, une intervention militaire paraissant plus incertaine que jamais, il accepta le plan, le 7 juin, à certaines conditions, soit lextension de la superficie des six zones, létablissement de corridors entre les villes et le retrait de lartillerie serbe autour de ces dernières. Comme ces exigences obligeaient les Serbes à faire dimportantes concessions, surtout sur le plan territorial, elles avaient peu de chances dêtre acceptées. Entre temps, des préparatifs avaient été entrepris pour la mise en oeuvre du plan détablissement des zones de sécurité. Cependant, ce plan fut également critiqué. Le Conseil de sécurité approuva, le 4 juin, la résolution 836 qui autorisait la FORPRONU à recourir à la force si lune des six zones de sécurité était attaquée. Mais elle ne précisait pas clairement si cela sappliquait aux attaques lancées uniquement contre les soldats de la FORPRONU ou également contre des civils(71). La question ne fut pas éclaircie à une réunion des ministres des Affaires étrangères de lOTAN qui eut lieu à Athènes, le 10 juin, lorsque lOTAN accepta de fournir « une force aérienne de protection en cas dattaque contre la FORPRONU dans lexercice de son mandat global ». Plusieurs pays européens, dont la France et la Grande-Bretagne, laissèrent entendre quil faudrait également défendre des civils des zones de sécurité, mais les États-Unis étaient moins enthousiastes(72). De plus, il nétait pas précisé si les avions de lOTAN protégeraient tous les gardiens de la paix en Bosnie ou seulement ceux qui garderaient les zones de sécurité. Le secrétaire général de lOTAN, Manfred Woerner, déclara que cela ne sappliquait quaux zones de sécurité, mais Warren Christopher donna à entendre que toute la Bosnie serait couverte. Une autre question tracassait les planificateurs : Combien de soldats faudrait-il déployer au sol pour garder les zones de sécurité et pourrait-on les trouver? Le lieutenant-général Lars-Eric Wahlgren, commandant des Nations Unies dans lex-Yougoslavie, estimait quil faudrait 34 000 soldats, mais Boutros-Ghali, se rendant compte quil ne serait jamais possible datteindre ce chiffre, le réduisit à 7 500(73). Les ministres des Affaires étrangères de la CE sétaient mis daccord à leur réunion du Luxembourg, le 8 juin, sur laugmentation des forces terrestres pour protéger les zones de sécurité, sans que cet accord de principe ne se matérialise pour autant. À la fin de juin, la Grande-Bretagne et lEspagne refusèrent denvoyer des troupes supplémentaires tandis que la Russie réclamait un mandat plus clair avant de prendre des engagements. Bien entendu, les États-Unis, qui avaient beaucoup hésité à appuyer le plan, refusaient toujours denvoyer des soldats en Bosnie. À la fin de juillet, on navait pu trouver que 1 200 gardiens de la paix. Leur nombre augmenta graduellement, notamment grâce à un important contingent envoyé par la France, mais le déploiement prit plusieurs semaines, voire des mois et le plan concernant les zones de sécurité ne fut jamais entièrement appliqué. Dans certaines villes comme Goradze et Zepa, les journalistes affirmèrent quil ny avait aucune protection. Laccord de Washington ne tua peut-être pas le plan Vance-Owen, mais il le blessa mortellement. Le coup de grâce lui fut donné le 16 juin 1993 lorsque Milosevic et le président croate, Franjo Tudjman, convinrent, à Genève, de diviser la Bosnie en trois États ethniques régis par une constitution fédérale ou confédérale. Les négociations avaient bouclé la boucle étant donné que laccord conclu à Lisbonne en février 1992 prévoyait pratiquement la même chose. La seule différence était que les Serbes et les Croates obtiendraient davantage de territoire, en fonction de leur gains militaires. Karadzic et Mate Boban, le leader croate bosniaque, commencèrent presque immédiatement à mettre au point les détails du nouveau plan, notamment en ce qui concerne les frontières des États proposés. Même si la Conférence de Londres avait décrété que les frontières ne pourraient pas être modifiées par la force et que les territoires conquis devaient être restitués, Lord Owen sétait plus ou moins résigné à accepter linévitable et il déclara quil était réaliste et quil fallait accommoder de ce qui sest passé sur le terrain. Le rêve dun État bosniaque était près de seffondrer. Selon les propositions, lÉtat musulman sétendrait en forme de croissant, de Sarajevo jusquà Zenica et Tuzla, dans le centre de la Bosnie. Les Musulmans obtiendraient également lenclave de Bihac, au nord-ouest ainsi quune sortie sur lAdriatique. Les Serbes et les Croates se partageraient le reste. Naturellement, Izetbegovic ne voulut rien entendre même si Karadzic lavait averti que, sil refusait de signer, les serbes et les Croates se partageraient la Bosnie uniquement entre eux. Le président bosniaque craignait que les territoires serbes et croates ne finissent par être annexés à la Serbie et à la Croatie (même si Milosevic et Tudjman avaient promis que cela narriverait pas) laissant aux Musulmans un petit bout de Territoire coincé entre deux États ennemis. En outre, la nouvelle proposition entraînerait une nouvelle purification ethnique; des dizaines de milliers de Serbes, de Croates, et de Musulmans se trouvaient encore du mauvais côté de leur frontière et devraient être déplacés(74). Pendant la majeure partie du mois de juillet, Izetbegovic essaya, en vain, déviter la destruction de la Bosnie. Cependant, Owen et Thorvald Stoltenberg (qui avait remplacé Vance comme envoyé des Nations Unies au début de mai) le pressèrent de se résoudre à linévitable. Ils essayèrent de le convaincre que, même si le nouvel accord nétait pas parfait, cétait la meilleure occasion quil avait déviter un sort bien pire entre les mains des forces serbes et croates. De toute évidence, les médiateurs simpatientaient; ils invitèrent même les autres membres de la présidence bosniaque à Genève pour discuter de laccord. Le reste de la communauté internationale navait pas beaucoup de réconfort à offrir. Izetbegovic exhorta en vain la CE de lever lembargo sur les armes. La Communauté européenne insistait pour que les Musulmans ne soient pas forcés à signer laccord (notamment à la réunion des leaders du G7, à Munich, en juillet), mais les pressions se faisaient de plus en plus fortes. Izetbegovic commença à fléchir. Le 18 juillet, il concéda que : « Si nous voulons la paix cette année, nous allons devoir nous résoudre à faire [ ] dimportantes concessions »(75). Les principaux acteurs, y compris Tudjman et Milosevic, sassirent à la table des négociations, à Genève, le 27 juillet et, trois jours plus tard, Izetbegovic se résigna à accepter la division de la Bosnie en trois républiques constituant une fédération baptisée « Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine ». Le rôle du gouvernement fédéral se limiterait uniquement à la politique étrangère et au commerce extérieur. Toutefois, le président bosniaque refusa dapprouver le découpage territorial. Karadzic, dont les forces avaient la haute main sur plus de 70 p. 100 de la Bosnie, offrait environ 25 p. 100 du territoire aux Musulmans, gardait 60 p. 100 pour la Serbie et 15 p. 100 pour la Croatie. Izetbegovic ne pouvait pas accepter ces pourcentages si bien que, le 2 août, les Serbes ayant intensifié leurs bombardements sur Sarajevo, il abandonna les négociations(76). Les combats avaient duré tout lété, même si les négociations semblaient progresser. De plus, les gardiens de la paix chargés descorter les convois daide humanitaire étaient de plus en plus souvent attaqués, ce qui soulignait limpuissance des Nations Unies en Bosnie et le mépris que les forces locales manifestaient vis-à-vis de leur autorité. Compte tenu de ces événements et de linsuffisance chronique de laide accordée par la communauté internationale, le Haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés déclara, à Genève, le 8 juillet : « Nous sommes au bord de la catastrophe »(77). Stoltenberg laissa entendre, moins dune semaine plus tard que : « Si les choses continuent à aller aussi mal, les Nations Unies seront dans limpossibilité de rester en Bosnie »(78). Le débat quant à la possibilité dune intervention militaire reprit de nouveau. À la fin de juillet, après que les Serbes bosniaques eurent bombardé une base des Nations Unies tenue par les Français, à Sarajevo, le président Clinton déclara que les forces américaines étaient prêtes à lancer une offensive aérienne contre lartillerie serbe si les Nations Unies le leur demandaient. Clinton laissa même entendre que les Américains pourraient agir seuls, mais il sempressa de se rétracter lorsque les Nations Unies protestèrent. Le ministre des Affaires étrangères de France, Alain Juppé, déclara que laviation militaire de lOTAN devrait défendre les forces de lONU conformément à la résolution 836. Le 3 août, alors que le noeud se resserrait autour de Sarajevo et des autres enclaves musulmanes(79), les alliés de lOTAN acceptèrent dentreprendre la planification déventuelles attaques aériennes contre les forces serbes pour empêcher une « ingérence à grande échelle » dans les efforts daide humanitaire. À Bruxelles, les diplomates firent clairement savoir que cette action militaire ne serait entreprise quà la demande du secrétaire général des Nations Unies. Le 9 août, une liste dobjectifs militaires fut approuvée et lOTAN ordonna aux Serbes bosniaques de lever le siège de Sarajevo « immédiatement ». Comme dhabitude, les Serbes firent juste ce quil fallait pour réduire la menace dintervention immédiate. Les forces serbes qui occupaient deux montagnes stratégiques surplombant Sarajevo furent retirées, ce qui ramena Izetbegovic à la table des négociations et élimina la nécessité des attaques aériennes. Cependant, lOuest avertit les Serbes que, sils recommençaient à pilonner Sarajevo ou à bloquer le passage des convois daide humanitaire, des mesures militaires seraient prises. Les observateurs estimèrent que les Serbes ne prendraient probablement pas ces avertissements au sérieux étant donné quon navait pas donné suite aux nombreuses menaces déjà lancées par le passé. Comme dhabitude, la possibilité dune offensive aérienne provoqua tout un débat. Certains experts craignaient quune intervention militaire à ce stade du conflit nincite les Musulmans à éviter les négociations de paix. Le lieutenant-général Francis Briquemont, commandant des forces militaires des Nations Unies en Bosnie et son chef détat-major, le brigadier-général Vere Hayes, de Grande-Bretagne, exprimèrent les craintes partagées par la plupart des autorités françaises, britanniques et canadiennes en disant que ces attaques exposeraient leurs soldats à des représailles. Les Américains soffusquèrent de cette déclaration et le commandant français des forces des Nations Unies dans lex-Yougoslavie se sentit obligé de déclarer, vers la fin daoût : « Il est certain que, si les conditions le justifient, le général Briquemont sera disposé à recourir à cet important moyen militaire que lOTAN est en mesure de fournir »(80). Le retour dIzetbegovic à la table des négociations, à Genève, le 16 août, se traduisit par un accord provisoire sur une démilitarisation éventuelle de Sarajevo et létablissement dune administration provisoire des Nations Unies, pendant deux ans, dans la capitale. Dautres part, les Musulmans se virent promettre un accès à la mer Adriatique, à Ploce, en Croatie et à la rivière Sava, grâce à des corridors traversant le territoire serbe(81). Néanmoins, les Musulmans nétaient toujours pas satisfaits du découpage territorial, qui leur accordait 30 p. 100 du territoire de la Bosnie contre 52,5 p. 100 pour les Serbes et 17,5 p. 100 pour les Croates. Ils craignaient également que les corridors protégés par lONU qui relieraient les villes Musulmanes seraient impossibles à établir à moins que les Serbes ne renoncent à une partie de leur territoire, tandis que personne ne savait exactement ce quil adviendrait des Musulmans qui se trouvaient dans les États croates et serbes. Auraient-ils le droit de partir et, dans laffirmative, leur sécurité serait-elle garantie? Sagissait-il dune forme de purification ethnique facilitée et favorisée par les Nations Unies? En raison de ces préoccupations, lAssemblée bosniaque vota contre laccord à lunanimité. Les Assemblées croates et serbes, quant à elles, nhésitèrent pas à lappuyer. Lorsque les négociations reprirent, le 31 août, après un arrêt de 10 jours, la délégation bosniaque présenta de nouvelles revendications territoriales. Les Serbes acceptaient délargir à deux miles le corridor proposé pour rattacher les enclaves musulmanes de Srebrenica et Zepa à Goradze. Toutefois, ils refusèrent délargir lenclave musulmane de Bihac et les Croates refusèrent daccorder aux Musulmans laccès au port de Neum, sur la mer Adriatique. Si ces exigences avaient été satisfaites, les Musulmans auraient obtenu 34 p. 100 du territoire de la Bosnie. Les pourparlers furent rompus une fois de plus et Karadzic menaça de partager le territoire sans rien concéder aux Musulmans. Owen proclama : « Les principaux dangers qui menacent la Bosnie-Herzégovine sont la fragmentation, lanarchie, les seigneurs de la guerre et la pagaille, et elle y fera face bientôt »(82). Izetbegovic navait toujours pas renoncé à lespoir de voir intervenir la communauté internationale. Au début de septembre, lors dune visite aux États-Unis, il exhorta le président Clinton à lancer des attaques aériennes contre les positions serbes de façon à assurer la libre circulation du ravitaillement. Même si Clinton avait déclaré, le 2 septembre, que loption militaire restait « parfaitement envisageable », avertissant les Serbes et les Croates de ne pas profiter dune pose dans les négociations de Genève pour saisir davantage de territoire, il refusa de fixer un délai pour le recours à la force au cas où les Serbes continueraient dassiéger Sarajevo. Il souligna que la menace dattaques aériennes « devait faire partie du processus de négociation ». Le 16 septembre, Izetbegovic, dont les plans étaient une nouvelle fois contrariés, accepta la dissolution de la Bosnie et la possibilité dune sécession pour ses territoires serbes et croates une fois que les frontières des États auraient été tracées. Mais aucun progrès ne fut réalisé quant à la carte proposée. Le 29 septembre, le parlement de Bosnie vota pour lacceptation du plan de découpage territorial à la condition que « les territoires saisis par la force » soient restitués, ce qui revenait, en fait, à rejeter les propositions. Les pourparlers en restèrent là jusquà la fin de 1993. En novembre, la France et lAllemagne suggérèrent, dans lespoir de rompre limpasse, de récompenser les concessions territoriales des Serbes en levant graduellement les sanctions. Mais les Serbes ne mordirent pas à lhameçon et lorsque les négociations reprirent, en décembre, il était clair que les diverses factions sétaient résignées à leur deuxième hiver de combats. En janvier 1992, Radovan Karadzic, le leader serbe bosniaque, prédisait que la guerre néclaterait probablement pas en Bosnie pour la simple raison que : « Deux ou trois cent milliers de gens mourraient, des villes seraient détruites et nous serions forcés de nous asseoir pour négocier les même choses que maintenant »(83). Bien entendu, Karadzic supposait que le bon sens lemporterait sur des perspectives aussi horribles. Mais ce ne fut pas le cas et, vingt mois plus tard, ses pires craintes se sont confirmées : le nombre de morts est maintenant évalué à plusieurs centaines de milliers, des villes ont été dévastées et les trois factions en guerre continuent à chicaner sur les mêmes petits détails. La paix est peut-être extrêmement proche sur papier (seul un faible pourcentage du territoire sépare les Serbes et les Musulmans), mais aucun côté ne semble prêt à faire la moindre concession supplémentaire. Tout semble indiquer que la guerre va durer interminablement. Le conflit bosniaque a été une source de frustration continue pour le monde extérieur. Les critiques affirment que la raison en est la réponse timide de la communauté internationale qui, selon eux, a laissé dégénérer le combat. Rares sont ceux qui nieront que le reste du monde sest montré hésitant. Dabord et avant tout, les gouvernements occidentaux ne voyaient aucun intérêt national direct en jeu dans les Balkans. Cette région a perdu son intérêt stratégique avec la fin de la guerre froide et elle ne possède pas de ressources essentielles dont lOuest a besoin. Au mieux, la communauté internationale sest rendue compte quelle ne pouvait pas laisser la guerre déborder au-delà des frontières de la Bosnie. Dautre part, il ny a pas eu de consensus international sur la nature du conflit. Il fait peu de doute que Belgrade a joué un rôle de premier plan en armant, en finançant et en soutenant les Serbes bosniaques, mais il est difficile de décrire cette guerre comme une agression pure et simple menée de lextérieur contre un pays sans défense. Les combats en Bosnie ressemblent fort à une guerre civile et même si les Serbes ont certainement poursuivi leurs objectifs avec une impitoyable détermination, on peut dire aussi quils avaient des inquiétudes légitimes quant à leur sort dans une Bosnie indépendante. En raison de cette complexité, la communauté internationale a eu beaucoup de difficulté à sentendre sur la stratégie à adopter pour mettre un terme à la guerre. Lopinion publique a forcé les gouvernements occidentaux à adopter graduellement un rôle de plus en plus énergique pour alléger les difficultés du peuple bosniaque et mettre fin aux combats, mais chaque mesure était prise de façon à éviter un engagement qui risquait daller trop loin. Le but poursuivi, selon les critiques, était dapaiser lopinion publique tout en évitant de ternir la réputation des organismes internationaux qui ont canalisé lintervention externe dans le conflit. LOuest a réussi à éviter tout engagement à long terme, surtout sur le plan dune intervention militaire, mais la réputation des organismes internationaux en a énormément souffert. Nous avons examiné dans les pages qui précèdent les diverses tentatives faites par la communauté internationale des négociations et sanctions à lintervention militaire, en passant par le maintien de la paix pour faire cesser les combats ou du moins, pour aider la population bosniaque à faire face au caractère inhumain de la guerre. Ces tentatives nont eu que des résultats très limités. Les négociations menées par lONU et la CE dans le but dobtenir un règlement politique ont échoué les unes après les autres. Comme le plan Vance-Owen la démontré, il sest avéré pratiquement impossible de satisfaire les revendications rivales des Serbes, des Musulmans et des Croates. Les Serbes et les Musulmans, en particulier, se sont montrés récalcitrants dès le départ et ont complètement rejeté toute concession. En labsence dune menace dintervention crédible, les chances de succès étaient pratiquement nulles. Les gouvernements occidentaux reconnaissent maintenant quil nest plus possible davoir une seule Bosnie, multi-ethnique, comme le souhaitait la population musulmane et les participants à la Conférence de paix de Genève. En outre, on reconnaît que tout nouvel État serbe ou croate finira par être absorbé par la Serbie et la Croatie(84). Les pressions politiques et économiques ont eu peu deffet sur lévolution des combats. Les sanctions imposées par les Nations Unies et la CE ont causé de graves torts à léconomie serbe, mais sans réussir à mettre fin à la guerre. Tout semble indiquer que les Serbes bosniaques disposent toujours dun bon stock darmes et de pétrole tandis que le débat se poursuit quant à linfluence que le président Milosevic exerce véritablement sur Karadzic et ses partenaires. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé toutes sortes dautres résolutions visant à arrêter les combats, qui allaient de la condamnation des camps de détention et de la purification ethnique à la création de tribunaux des crimes de guerre, mais les forces serbes et bosniaques ont toujours passé outre(85). Loption militaire a provoqué dintenses discussions et entraîné une profonde division au sein de lalliance occidentale. En fin de compte, aucun consensus na été atteint. Létablissement et lapplication dune zone de non survol et la création de zones de sécurité, au printemps de 1993, représentaient une certaine forme dintervention militaire, mais dans le premier cas ce fut en grande partie inutile et, dans le deuxième, lopération fut loin dêtre un franc succès (les critiques continuent à reprocher aux zones de sécurité davoir contribué à faciliter la purification ethnique). Une action militaire explicite contre les Serbes a été évitée. Aucun gouvernement na été prêt à engager des troupes de combat dans une région où il était pour le moins douteux que cela servirait ses intérêts nationaux et où les pertes humaines seraient sans doute lourdes. Peut-être aurait-il été possible de lancer une intervention militaire à un coût raisonnable au début de la guerre, mais plus cette dernière sest prolongée, plus il était difficile dagir. Chaque fois que lOccident a éludé ses responsabilités, les Serbes bosniaques ont été incités à croire que les menaces seraient mises à exécution uniquement dans des circonstances extrêmes et peut-être même jamais. Ils sont passés maîtres en lart dévaluer les limites de la patience occidentale. La communauté internationale a évité une intervention militaire, mais elle ne pouvait pas, en son âme et conscience, rester les bras croisés pendant que le massacre continuait. Le maintien de la paix était la seule option restante. Personne ne niera que les troupes des Nations Unies ont fait un travail remarquable en Bosnie dans des conditions extrêmement difficiles, mais il est difficile de les qualifier de « forces de maintien de la paix » au véritable sens du terme. Jusquà présent, les gardiens de la paix étaient déployés uniquement une fois quun cessez-le-feu durable avait été établi. En labsence de trêve, les forces de maintien de la paix deviennent des cibles potentielles, même si elles sont armées, et cest pour cette raison que Boutros-Ghali a refusé denvoyer des forces des Nations Unies en Bosnie au cours des cinq premiers mois de 1992. Toutefois, devant autant de souffrances humaines, certaines mesures simposaient. Malgré labsence de cessez-le-feu durable, des gardiens de la paix furent envoyés en Bosnie pour accomplir une mission qui, au départ, semblait urgente et réalisable, à savoir la délivrance de Sarajevo assiégée. Toutefois, les tâches se multiplièrent rapidement et, en plus de neutraliser lartillerie lourde, il fallut nourrir et loger les victimes de la guerre. Non seulement la ligne de démarcation entre les opérations de maintien de la paix et de rétablissement de la paix est devenue floue, mais la résolution 770 du Conseil de sécurité qui autorisait le recours à la force pour protéger les convois daide humanitaire a rendu cette distinction totalement nébuleuse. Chaque fois que les seigneurs de la guerre locaux se sont mis à harceler les gardiens de la paix, les experts se son demandés si ces derniers étaient vraiment en mesure de sacquitter de ce genre de mission. Ils opèrent dans une zone de conflit avec un armement très limité et un mandat plutôt vague. Pour aggraver les choses, leurs efforts ont été compromis par la limitation des ressources des Nations Unies, par une bureaucratie désorganisée et par un conflit dautorité entre les hauts dirigeants civils et militaires de lONU(86). La révélation selon laquelle 11 gardiens de la paix canadiens ont été attaqués par des soldats serbes, en décembre, a soulevé, une fois de plus, de sérieux doutes quant à la présence des Nations Unies en Bosnie. Les gouvernements du Canada, de Grande-Bretagne, de France et dEspagne envisagent tous de retirer leurs troupes dici le printemps de 1994. Peut-être ont-ils à lesprit lavertissement de Lord Owen selon lequel « le temps viendra où la communauté mondiale devra décider combien de temps elle pourra poursuivre son intervention »(87). On a reproché aux Nations Unies non seulement de mettre en danger la vie des gardiens de la paix, mais également davoir répondu à la violence en Bosnie en sattaquant à ses symptômes plutôt quà ses causes. Lintervention humanitaire a certainement sauvé des milliers de vies humaines, mais il est également possible quelle ait prolongé la guerre. Lord Owen déclarait, en novembre 1993 : « En alimentant les combattants, nous nous ingérons dans la dynamique de la guerre »(88). En maintenant les voies dapprovisionnement jusquà Sarajevo et les autres villes assiégées, les Nations Unies ont peut-être permis aux soldats des diverses factions de continuer à se battre plus longtemps quils nauraient pu le faire autrement. Les Musulmans, en particulier, auraient peut-être déjà capitulé sans lassistance continue des Nations Unies. Comme lun des dirigeants de laide humanitaire la fait remarquer au cours de lautomne 1992 : « Nous sommes ici pour engraisser les moutons qui vont à labattoir »(89). Les Musulmans se montrant de plus en plus déterminés à regagner les territoires quils ont perdu, les Nations Unies se trouvent face à un dilemme. Enfin, certains diront que lorganisation qui apporte une aide humanitaire ne devrait pas diriger des négociations dont le succès exige une menace dintervention. Autrement dit, le maintien, le rétablissement de la paix et laide humanitaire sont peut-être incompatibles. Comme ceux qui fournissent cette aide sont devenus pratiquement des otages, il faut renoncer à certaines options militaires telles que les attaques aériennes que les Américains ont préconisé à plusieurs reprises. Les Serbes ont profité de cette contradiction. Le rôle joué par les Nations Unies en Bosnie a été vivement critiqué, mais la Communauté européenne, qui a également joué un rôle clé dans le conflit, na pas été, elle non plus, à labri des critiques. Selon ses détracteurs, elle na pas su comprendre à quel point les groupes ethniques de Bosnie étaient divisés par de profondes dissensions et quils étaient prêts à recourir à la violence. La reconnaissance de la Bosnie par la CE en avril 1992 illustre sans doute cet échec. Depuis, on a reproché à la CE davoir manqué de cohésion et davoir émis des menaces sans y donner suite. La politique distincte et souvent contradictoire poursuivie par les pays européens vis-à-vis du conflit, notamment par la France, la Grande-Bretagne et lAllemagne, ont rendu la réponse de la CE problématique. Les atouts que la Communauté possède en tant quorganisation régionale du fait quelle connaît bien le problème et les participants ont été effacés par le sectarisme et les rivalités locales. Les Serbes, par exemple, étaient toujours soupçonneux vis-à-vis des Allemands et, au fur et à mesure que le temps passait, ils ont accepté de moins en moins le rôle de médiation de la CE. En fin de compte, les intervenants nont pas eu la volonté politique nécessaire pour prendre les décisions les plus difficiles en vue darrêter la progression des Serbes ou de faire appliquer un règlement. De nombreux observateurs pensent maintenant quétant donné ces lacunes structurelles, la CE nest peut-être pas prête à assurer la sécurité de lEurope(90). Les diverses organisations de sécurité régionale, qui se concurrençaient jusquici pour jouer un rôle dans le maintien et le rétablissement de la paix, nont eu quun rôle très secondaire dans la crise bosniaque. LOTAN possède certainement la capacité militaire et la structure de commandement nécessaire pour affronter le problème, mais il lui manque le consensus politique requis. Elle a encore de la difficulté à détacher son attention de la menace soviétique pour la diriger vers les menaces plus obscures que posent le nationalisme ethnique. Pour ce qui est de l'UEO, que la France a cherché à pousser pendant toute la durée de la crise, il lui manque non seulement le consensus politique nécessaire, mais également des forces militaires et une structure de commandement. Cet organisme demeure nébuleux et nest pas encore certain de la place quil occupe dans la nouvelle union européenne. Enfin, la CSCE commence tout juste à se doter de mécanismes pour faire face à linstabilité en Europe centrale et en Europe de lEst. Comme un observateur la fait remarquer, elle a été « dune utilité particulièrement limitée » pendant la guerre de Bosnie(91). La communauté internationale a certainement fait lobjet de critiques amères et nombreuses pour la façon dont elle a fait face au conflit en Bosnie. Même ceux qui ont participé à lélaboration de la réponse internationale ont reconnu que des erreurs avaient été commises. Un haut dirigeant des Nations Unies a admis carrément, en avril 1993 : « Nous sommes dans un bourbier. Nous avons tout fait de travers dès le départ »(92). Il ne faut toutefois pas oublier que la crise bosniaque a été extrêmement complexe et quelle ne pouvait pas être facile à résoudre. Étant donné que les Serbes et les Musulmans étaient déterminés à se détruire mutuellement, le monde extérieur avait peu de solutions à sa disposition. Mais cela veut-il dire que la communauté internationale sera impuissante à intervenir dans des guerres semblables à lavenir et que le désordre international régnera? A-t-on tiré de cette crise des leçons qui pourraient apporter quelque espoir pour lavenir? Pour commencer, la Bosnie a démontré que les structures de sécurité mondiales ne sont pas prêtes à affronter le genre de nationalisme ethnique violent qui devient rapidement endémique dans le monde de laprès-guerre froide. LÉtat-nation nest peut-être plus lunité de base de la politique internationale; ce sont les conflits à lintérieur des États plutôt quentre ces derniers qui constituent la nouvelle menace pour la sécurité internationale. De nouveaux mécanismes diplomatiques et politiques simposent pour affronter les problèmes de la souveraineté, de lautodétermination, du respect des frontières nationales, et des droits des minorités(93). Pendant toute la crise bosniaque, la communauté internationale a fait preuve dun manque de cohésion à cet égard. Sur un plan plus fondamental, les Nations Unies doivent établir les lignes directrices leur indiquant quand elles doivent intervenir dans un conflit interne et sous quelle forme étant donné quelle a évité, jusquici, de singérer dans les affaires intérieures des États souverains. Faut-il pour cela attendre que la paix soit établie? Dans la négative, lintervention humanitaire est-elle le seul choix possible? Limposition de la paix est-elle une option viable? Quand prend fin la première et quand commence la seconde? Si lon choisit lintervention humanitaire, les gardiens de la paix traditionnels ne constituent peut-être pas la solution. Cette dernière réside peut-être dans des unités dimposition de la paix, telles quelles sont définies dans Agenda pour la paix, de Boutros-Ghali(94). Quelle que soit loption choisie, il ne faut pas oublier quen plongeant dans une guerre nationale sans avoir dobjectifs précis, on risque dexacerber une situation déjà difficile. De toute évidence, un débat simpose durgence sur toute cette question(95). Bien entendu, sil était possible déviter la guerre avant quelle néclate, ce serait dans lintérêt de tout le monde. Les mesures préventives prises en temps opportun sont « beaucoup plus faciles et plus économiques sur le plan politique et humain que les efforts visant à faire cesser ou à ralentir les combats une fois quils ont commencé »(96). La Bosnie est peut-être un exemple classique. Elle a démontré de façon flagrante la nécessité de mieux évaluer les risques et de formuler rapidement une politique au sein des structures des Nations Unies et de la CE. Encore une fois, les recommandations formulées par Boutros-Ghali en ce qui concerne la diplomatie préventive et surtout le déploiement de forces de maintien de la paix avant le début du conflit (comme en Macédoine), méritent un examen attentif(97). Enfin, un nombre incroyable dorganisations internationales et de gouvernements ont joué un rôle dans la crise bosniaque. Comme la déclaré Sir Anthony Parson, « cette multiplicité de cuisiniers qui préparent un plat dont ils inventent la recette au fur et à mesure nécessite une excellente coordination, car il est facile de gâter la sauce »(98). Le processus décisionnel a été fragmenté, des rivalités ont opposé les organisations concurrentes, par exemple la CE et les Nations Unies en 1992, et il y a eu un chevauchement inutile des efforts. Des mesures simposent pour quà lavenir, les responsabilités des organisations et surtout leur répartition entre les Nations Unies et les organismes régionaux, soient clairement définies(99). Les Nations Unies, la Communauté européenne et les autres organisations internationales se trouvent confrontées à lénorme tâche que ces organismes sont, presque par définition, faibles et lents. Ils prennent leurs décisions sur la base dun consensus, ce qui exige beaucoup de temps, surtout pour une question aussi compliquée que celle de la Bosnie. Il ne faut pas oublier non plus quils sont les instruments des États-nations et que leur réussite dépend de la mesure dans laquelle la coopération internationale est un complément des intérêts nationaux(100). Comme le cas de la Bosnie la démontré, lorsque les intérêts nationaux ne semblent pas être en jeu, la communauté internationale doit sattendre à livrer un combat difficile.
(1) Dans le présent document, le terme « Bosnie » désigne la Bosnie-Herzégovine. (2) Les Croates souhaitaient lindépendance de la Bosnie pour échapper à la domination serbe, mais ils ne voulaient pas non plus se faire dominer par les Musulmans. Les événements ultérieurs semblent indiquer quils voyaient là un moyen de consolider leur territoire de louest et de former une union avec la Croatie proprement dite. (3) Voir The Economist, 4 janvier 1992, p. 42. (4) Des observations quant à la légalité de la décision de la CE de parrainer un référendum sur lindépendance figurent dans R.W. Tucker et D. Hendrickson, « America and Bosnia », The National Interest, automne 1993, p. 16-17. Voir également Rosalyn Higgins, « The New United Nations and former Yugoslavia », International Affairs, vol. 69, no 3, 1993, p. 468. Higgins fait valoir que « contrairement à ce que croit lopinion publique, le droit international nautorise pas lautodétermination des minorités nationales au moyen dune sécession. De plus, il nest pas non plus acceptable de recourir à la force avec dimportantes effusions de sang, pour empêcher une sécession » (traduction). (5) Voir Jonathan Eyal, Europe and Yugoslavia : Lessons from a Failure, RUSI, 1993, p. 63-64, 76-77. (6) Voir John Newhouse, « The Diplomatic Round: Dodging the Problem », The New Yorker, 24 août 1992, p. 66. (7) Voir C. Guicherd, « The Hour of Europe: Lessons from the Yugoslav Conflict », The Fletcher Forum of World Affairs, été 1993, p. 163. (8) La position des États-Unis au début de la crise bosniaque est difficile à établir. Selon Tucker et Hendrickson (1993), p. 18-19, les États-Unis étaient déterminés à préserver lintégrité territoriale de la Bosnie, à nimporte quel prix. Voir également Robin Alison Remington, « Bosnia : The Tangled Web», Current History, novembre 1993, p. 368. (9) « Nouveau rapport présenté par le secrétaire général », S/23363, 5 janvier 1992, p. 7. (10) « Rapport présenté par le secrétaire général », S/23836, 24 avril 1992, p. 1. Dans ce document, le terme « rétablissement de la paix » désigne les mesures prises par la communauté internationale pour rapprocher les parties hostiles, essentiellement par des moyens pacifiques tels que ceux prévus au Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Pour sa part, le terme « imposition de la paix » désigne lintervention militaire directe en vue dimposer un règlement pacifique aux factions belligérantes, ce qui comprendrait des mesures que lon trouve dans le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Voir Boutros Boutros-Ghali, Agenda pour la paix, New York, Nations Unies, 1992. (11) « The United Nations and the Situation in the Former Yugoslavia », document de consultation, Service dinformation publique des Nations Unies, 7 mai 1993, p. 6. Même après le déploiement des gardiens de la paix à Sarajevo, en juin 1992, la CE resta chargée du rétablissement de la paix. Cette répartition des tâches se poursuivit jusquà la Conférence de Londres, en août 1992. (12) « Rapport présenté par le secrétaire général », S/23836, 24 avril 1992, p. 1, 5 et 6. (13) M. Weller, « The International Response to the Dissolution of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia », American Journal of International Law, juillet 1992, p. 601 (traduction). (14) Ibid., p. 600. (15) Voir L. Mackenzie, Peacekeeper : The Road to Sarajevo, Vancouver 1993, p. 106 et 107. (16) « Nouveau rapport présenté par le secrétaire général », S/23844, 24 avril 1992, p. 4 et 5. (17) « Nouveau rapport présenté par le secrétaire général », S/23900, 12 mai 1992. (18) « Rapport présenté par le secrétaire général », S/24000, 26 mai 1992, p. 3. (19) « Fear and Loathing in the Balkans », IISS Stratgic Survey 1992-93, p. 87. Voir également les observations de Cyrus Vance et du secrétaire général de lONU, Boutros Boutros-Ghali, dans le « Rapport présenté par le Secrétaire général », S/23836, 24 avril 1992, p. 5. (20) Keesings Record of World Events, mai 1992, p. 38918 (traduction). (21) Il faut souligner ici que la résolution 752 ne visait pas seulement Belgrade. Il y avait également des unités de larmée croate en Bosnie et il était de plus en plus évident que Franjo Tudjman, président de la Croatie, était déterminé à partager la Bosnie avec son ancien ennemi, le président Milosevic, de Serbie. Apparemment, les deux hommes sétaient rencontrés le 6 mai dans ce but. En juillet 1992, les Croates bosniaques proclamaient leur souveraineté sur leur territoire dans louest de la Bosnie et les affrontements avec les Musulmans sintensifièrent avec la poursuite de la guerre. (22) À propos du rôle de la JNA, voir « Rapport présenté par le secrétaire général », S/24049, 30 mai 1992. Voir également James Gow, « The Role of Coercion in the Yugoslav Crisis », World Today, novembre 1992, p. 192. (23) The Economist, 30 mai 1992, p. 12 (traduction). Les remarques de Baker constituent peut-être la première mention « officielle » dune intervention militaire éventuelle. (24) Apparemment, les Français étaient également déterminés à conférer à lONU un plus grand rôle de façon à empêcher les États-Unis de faire intervenir lOTAN. Si un organisme militaire devait participer au conflit, le président français, François Mitterand préférait que ce soit lUnion de lEurope occidentale, lorganisme de défense encore embryonnaire de la CE. The Economist, 6 juin 1992, p. 53. (25) Ibid. (26) Voir les rapports suivants présentés par le secrétaire général : S/24075, 6 juin 1992; S/2400, 15 juin 1992; S/24201, 29 juin 1992; S/24263, 10 juillet 1992. Voir également MacKenzie (1993), p. 198 et suivantes. (27) Gouvernement du Canada, « Le Canada engage ses troupes de la force des Nations Unies pour protéger laéroport de Sarajevo », Communiqué, 10 juin 1992. (28) Voir « Rapport présenté par le secrétaire général sur la situation en Bosnie-Herzégovine », S/24540, 10 septembre 1992. (29) The Economist, 17 octobre 1992, p. 55. (30) Pour les aspects opérationnels de la FORPRONU II, voir « Nouveau rapport présenté par le secrétaire général », S/24848, 24 novembre 1992, p. 10 et suivantes. (31) Le Comité international de la Croix-Rouge a estimé quau cours de lété 1992, 20 000 personnes ont été détenues dans des camps, mais il se peut quil y en ait eu peut-être beaucoup plus. Certains prisonniers ont été libérés en octobre 1992 après la signature dun accord sur la libération et le transfert de prisonniers. (32) Au sujet du viol de femmes musulmanes, voir Amnistie internationale : « Bosnie-Herzegovine : viols et sévices sexuels par les forces armées », Bosnie-Herzegovine : une nouvelle barbarie, avril 1993; « EC Investigative Mission into the Treatment of Muslim Women in the Former Yugoslavia : Report to EC Foreign Ministers », 3 février 1993. (33) Voir Helsinki Watch, War Crimes in Bosnia-Hercegovina, vol. I et II, août 1992 et avril 1993, respectivement; Z Pajic, The Conflict in Bosnia-Hercegovina, The David Davis Memorial Institute of International Studies, Étude hors série no 2, février 1993. À propos des efforts déployés par lONU pour contrer la purification ethnique, en 1992, voir D. Rieff, « Original Virtue, Original Sin », The New Yorker, 23 novembre 1992, p. 82-95. (34) Une évaluation détaillée du programme daide humanitaire de lONU en Bosnie figure dans « The United Nations and the Situation in the former Yugoslavia » (1993), p. 20-25. (35) Voir Human Rights Watch, The Lost Agenda : Human Rights and UN Field Operations, New York, 1993, p,. 99-100. (36) J. Fenske, « The West and The Problem from Hell », Current History, novembre 1993, p. 354 (traduction). (37) 9 octobre 1992, cité dans Hans-Christian Hagman, « The Balkan Conflicts : Prevention is Better than Cure », Global Affairs, été 1993, p. 32 (traduction). (38) Voir « Rapport présenté par le secrétaire général sur la situation en Bosnie-Herzégovine », S/24333, 21 juillet 1992. (39) Kessings (août 1992), p. 39036 (traduction). (40) J. Newhouse, 4, « The Diplomatic Round: No Exit, No Entrance », The New Yorker, 28 juin 1993, p. 45 (traduction). (41) La CSCE radia temporairement la Yougoslavie de la liste de ses membres le 10 juillet 1992. (42) Le Conseil de sécurité vota finalement, le 22 février 1993, en faveur de la création dun tribunal des crimes de guerre où seraient traduits les auteurs datrocités. Ce tribunal composé de onze membres sest réuni pour la première fois à La Haye, le 17 novembre 1993. Voir S/25704, 3 mai 1993; F. Hampson, « The Case for a War Crimes Tribunal », the David Davies Memorial Institute of International Studies, Étude hors-série no 3, février 1993; T. Meron, « The Case ofr War Crimes Trials in Yugoslavia », Foreign Affairs, été 1993, p. 122-135. (43) Voir « Rapport présenté par le secrétaire général », S/24767, 5 novembre 1992. Voir également « Lettre adressée le 20 novembre 1992 par le secrétaire général au président du Conseil de sécurité », S/24840, 24 novembre 1992. (44) The Economist, 21 novembre 1992, p. 59-60. (45) Voir F. Watson, « Peace Proposals for Bosnia-Hercegovina », Bibliothèque de la Chambre des communes de Grande-Bretagne, document de recherche no 93/35, 23 mars 1993. (46) Les combats entre Croates et Musulmans reprirent de plus belle en janvier 1993, les Croates cherchant à consolider leur territoire autour de Mostar, la capitale de la république quils avaient proclamé. On pourrait donc faire valoir que le plan Vance-Owen na fait quinciter les Croates à chasser les Musulmans de louest de la Bosnie. (47) Aux États-Unis et ailleurs, le plan fit bientôt lobjet de sarcasmes tels que : « Le pire qui puisse arriver à part léchec du plan Vance-Owen, ce serait le succès de ce plan ». J. Fenske, (novembre 1993), p. 355 (traduction). (48) Voir Watson, p. 25-28. (49) « Situation des droits de lHomme dans le territoire de lex-Yougoslavie », Conseil économique et social des Nations Unies, E/CN.4/1994/3, 5 mai 1993. (50) À propos de la purification ethnique croate, voir « Situation des droits de lHomme dans le territoire de lex-Yougoslavie », Conseil économique et social des Nations Unies, E/CN.4/1994/4, 19 mai 1993. (51) Voir « Rapport du secrétaire général sur les pourparlers de paix de New York concernant la Bosnie-Herzégovine (3-8 février 1993) », S/25248, 8 février 1993. (52) Voir « Rapport du secrétaire général sur les activités de la Conférence internationale sur lex-Yougoslavie : Pourparlers de paix sur la Bosnie-Herzégovine », S/25479, 26 mars 1993. (53) Pour leffet des sanctions, voir « Serbie-Montenegro: Implementaiton of UN Economic Sanctions », US General Accounting Office, 22 avril 1993; Susan L. Woodward, « Yugoslavia: Divide and Fail », The Bulletin of the Atomic Scientists, novembre 1993, page 24-27. (54) « Rapport présenté par le secrétaire général », S/25708, 30 avril 1993. (55) Tout le monde nest pas daccord quant à la nature exacte de lOffre faite par Owen aux Serbes. Voir The Economist, 15 mai 1993. (56) «Rapport présenté par le secrétaire général », S/25709, 3 mai 1993. La victoire de Elstine au référendum du 25 avril, et lavertissement quil lança aux Serbes en leur disant quils ne pourraient pas compter indéfiniment sur lappui russe, ont peut-être influencé Milosevic. (57) Voir le « Rapport présenté par le secrétaire général en application de la résolution 820 (1993) du Conseil de sécurité », S/25668, 26 avril 1993. Voir également M. Goulding, « The Evolution of United Nations Peacekeeping», International Affairs, vol. 69, no 3, été 1993, page 459, qui examine le mandat de la force de maintien de la paix proposée. (58) Voir Newhouse, «No Exit, No Entrance » (1993), pour un excellent examen du débat concernant loption choisie par Clinton. (59) Il devenait de plus en plus évident que les forces de maintien de la paix des Nations Unies en Bosnie limitaient sérieusement les options offertes à lOccident pour traiter avec les Serbes bosniaques. Le gouvernement de Bosnie sen rendait compte. Le 11 mai, il demanda à lONU de rappeler ses 9 000 gardiens de la paix pour permettre la suspension de lembargo sur les armements et déventuelles attaques aériennes. (60) Les gardiens de la paix étaient déployés en Macédoine depuis janvier 1993 pour éviter que cela ne se produise et cétait peut-être le premier exemple de déploiement préventif des Nations Unies, mais il restait la province serbe de Kosovo, dont Belgrade se méfiait parce que la population y était en majorité albanaise. (61) Kessings (avril 1993), page 39426. Pour ce qui est des objectifs politiques, voir The Econonist, 8 mai 1993, page 54-55. (62) Keesings (avril 1993), page 39426. (63) Voir les opinions de Biden dans To Stand Against Aggressions: Milosevic, the Bosnian Republic and the Conscience of the West, Rapport au Comité des relations étrangères, Sénat des États-Unis, avril 1993. (64) Newhouse, « No Exit, No Entrance» (1993), page 44 (traduction). (65) Voir Tucker et Hendrickson (1993), p. 16. (66) Selon les estimations de lONU, en mars 1993, il y avait en Bosnie, plus de deux millions de personnes, soit la moitié de la population initiale, qui recevaient de laide du HCNUR. On sattendait à ce que leur nombre augmente, même si laide financière internationale commençait à se tarir. (67) Voir The Lost Agenda (1993), p. 97-99. (68) Karadzic applaudit le concept des zones de sécurité tout en dénonçant le plan Vance-Owen, ce qui nétonna personne. (69) Curieusement, Mendiluce reconnut, au cours de lépisode de Srebrenica, que les Serbes se servaient des Nations Unies comme dun instrument de purification ethnique. « Nous devons nous contenter dessayer de sauver le maximum de vies humaines ». Economist Intelligence Unit, Country Report, Bosnia, 2e trimestre 1993, p. 17 (traduction). (70) 29 mai 1993, p. 53 (traduction). (71) The Economist qualifia la résolution 836 de « chef-doeuvre de nébulosité timorée ». 12 juin 1993, p. 17 (traduction). (72) On remarquera que les zones de sécurité de Bosnie nétaient pas désignées « zones sûres » comme dans le cas des Kurdes dIrak dont la sécurité était garantie par les forces occidentales. (73) « Rapport du secrétaire général »,S/25939, 14 juin 1993, p. 3. À la fin de juillet, il y avait en Bosnie 9 000 soldats dont la majorité étaient Français, Britanniques ou Canadiens. (74) « Lettre adressée le 8 juillet 1993 par le secrétaire général au président du Conseil de sécurité », S/26066, 8 juillet 1993. (75) Keesings (juillet 1993), p. 39563 (traduction). (76) « Lettre adressée le 3 août par le secrétaire général au président du Conseil de sécurité », S/26233, 3 août 1993. (77) Keesings (juillet 1993), p. 39564 (traduction). Voir également « Information Notes en Former Yugoslavia », HCR, Bureau de lenvoyé spécial du HCR dans lancienne Yougoslavie, no 8/93, 1er août 1993. (78) Keesings (juillet 1993), p. 39564 (traduction). (79) À la fin de juillet, le CICR estimait que sur les 400 000 habitants qui peuplaient Sarajevo avant la guerre, au moins 5 à 6 000 avaient été tués et 18 000 blessés. The Economist, 31 juillet 1993, p. 44. (80) Economist Intelligence Unit, Country Report, Bosnia, 3e trimestre, 1993, p. 11 (traduction) (81) « Lettre adressée par le secrétaire général, le 20 août 1993, au président du Conseil de sécurité », S/26337, 20 août 1993. (82) Facts on File, 9 septembre 1993, p. 663 (traduction). (83) The Economist, 4 janvier 1992, p. 43 (traduction). (84) Karadzic reconnaît maintenant que la création dune « Grande Serbie » était lobjectif visé depuis le début du conflit en Bosnie. Voir Montreal Gazette, 1er décembre 1993. (85) The Economist a décrit ces résolutions des Nations Unies comme « un méli-mélo dambiguïté et de faux-fuyants ». 12 juin 1993, p. 18 (traduction). (86) Voir MacKenzie (1993); Toronto Star, 3 décembre 1993. (87) The Economist, 20 novembre 1993 (traduction). La France a déjà, elle aussi, menacé de retirer ses troupes. En mai 1993, elle a lancé aux Nations Unies un ultimatum exigeant quelles clarifient leur rôle et améliorent leur organisation sur le terrain. (88) The Economist, 15 novembre 1993 (traduction). (89) Economist Intelligence Unit, Country Report, Bosnia, 3e trimestre, 1993, p. 13 (traduction). (90) Voir M. Brenner, « EC : Confidence Lost », Foreign Policy, été 1993, p. 29-32; Higgins (1993), p. 473-475; Guicherd (1993), p. 159-81. (91) A. Roberts, «Humanitarian War : Military Intervention and Human Rights», International Affairs, vol. 69, no 3, 1993, p. 443. Voir aussi Eyal (1993), p. 79 et Higgins (1993), p. 474. (92) The Economist, 17 avril 1993, p. 47 (traduction). (93) Voir T. Deibel, «Internal Affairs and International Relations in the Post-Cold War World», Washington Quarterly, été 1993; Guicherd (1993), p. 178-81. (94) Agenda pour la paix (1992), p. 28. (95) Voir T. Weiss, «New Challenges for UN Military Operations : Implementing An Agenda for Peace», Washington Quarterly, hiver 1993, p. 51-56; J. Chopra et T. Weiss, «Sovereignty is No Longer Socrosanct : Codifying Humanitarian Intervention», Ethics and International Affairs, vol. 6, 1992, p. 95-117; Roberts (1993), p. 442-44; Higgins (1993), p. 468-72; Goulding (1993), p. 459-63. (96) P. Moore, «The Widening Warfare in the Former Yugoslavia», RFE/RL Research Report, 1er janvier 1993, p. 8 (*traduction). (97) Voir Agenda pour la paix (1992), p. 19 et 20. Voir également A. Parsons, «The United Nations in the Post-Cold War Era», International Relations, décembre 1992, p. 196, Hagman (1993), p. 18-37. (98) Parsons (1993), p. 197 (traduction). (99) Voir Boutros Boutros-Ghali, «Setting a New Agenda for the United Nations», Journal of International Affairs, hiver 1993, p. 296; Agenda pour la paix (1992), p. 39-41; Remington (1993), p. 369; Higgins (1993), p. 475. (100) Voir K. Holmes, «New World Disorder: A critique of the United Nations », Journal of International Affairs, hiver 1993, p. 324. |