BP-377F

 

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES :
LES COÛTS D'ADMINISTRATION DU GOUVERNEMENT

 

Rédaction :
Michelle Salvail
Division de l'économie
Février 1994


TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

COÛTS D’ADMINISTRATION ET DE MISE EN OEUVRE DE LA TPS

   A. Frais de démarrage

   B. Frais d’administration courants

EFFICACITÉ DE L’ADMINISTRATION DE LA TPS

LES DÉTERMINANTS DES COÛTS D’ADMINISTRATION

   A. Le traitement des différents biens et services

   B. Les taux de taxation

   C. Le nombre d’inscrits

   D. La fréquence des déclarations

CONCLUSION


LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES :
LES COÛTS D’ADMINISTRATION DU GOUVERNEMENT

INTRODUCTION

En 1987, le gouvernement fédéral a entrepris la réforme de sa taxe de vente (TVF), ce qui l’a mené à mettre en place, le 1er janvier 1991, la taxe sur les produits et services (TPS). Depuis son entrée en vigueur, la TPS n’a pas cessé de faire l’objet de vives critiques de toutes parts. Pour plusieurs, cette taxe n’a jamais rempli ses promesses et elle est loin de satisfaire aux deux principes des finances publiques desquels le gouvernement s’était inspiré, à savoir le fait i) qu’elle ne devait pas nuire à l’efficience de l’économie et ii) qu’elle devait réduire au minimum les coûts d’observation des entreprises et les coûts d’administration de l’État(1).

Dans ce document, nous nous concentrons sur les coûts d’administration de la TPS. En premier lieu, nous établissons de quoi sont constitués ces coûts et, puisque la TPS n’est implantée que depuis relativement peu de temps, nous nous attardons sur ses coûts de mise en place. En second lieu, nous nous penchons sur l’efficacité de l’administration de la TPS et comparons l’administration de cette dernière à celles de l’ancienne taxe de vente fédérale et des taxes à la valeur ajoutée en vigueur dans d’autres pays. Finalement, nous examinons les déterminants des coûts d’administration d’une taxe et établissons de quelle façon ils affectent les coûts d’administration de la TPS et comment il serait possible de les réduire.

COÛTS D’ADMINISTRATION ET DE MISE EN OEUVRE DE LA TPS

   A. Frais de démarrage

Bien avant l’entrée en vigueur de la TPS, des fonctionnaires s’affairaient déjà à établir les bases qui serviraient à rendre cette dernière fonctionnelle. Une fois la conception de la taxe terminée, il a fallu engager des dépenses en capital comme l’élaboration d’un système d’information et l’achat d’équipement supplémentaire (bureaux, ordinateurs). Les fonctionnaires ont ensuite dû repérer les inscrits potentiels pour que chacun puisse être en mesure de percevoir la taxe et d’avoir droit aux crédits.

Toutes ces activités constituent les frais de démarrage de la TPS. Même si plusieurs ministères ont participé à la mise en place de la taxe(2), Revenu Canada a été de loin l’acteur le plus important. Selon le ministère, ses propres frais de démarrage se chiffrent à 320,3 millions de dollars, puisque, à son avis, seules les dépenses engagées avant le 1er janvier 1991 constituent des frais de planification et de préparation. Toutefois, dans son rapport annuel de 1992(3), le vérificateur général, M. Denis Desautels, apporte une nuance à cette définition. Selon lui, une partie des frais d’administration courants engagés après le 1er janvier 1991 était reliée à la mise en place de la taxe, par exemple, l’enregistrement des inscrits, qui a commencé avant le 1er janvier 1991 mais s’est poursuivi par la suite. Dans cette optique, le vérificateur général chiffre plutôt à 678 millions de dollars les frais de démarrage déboursés par Revenu Canada. Lorsqu’il y ajoute les frais engagés par les autres ministères, le montant estimé s’élève à 820 millions de dollars.

La divergence entre les chiffres de Revenu Canada et ceux du vérificateur général est attribuable à une définition différente des coûts d’implantation et non à une sous-estimation des sommes de la part du ministère. Tout de même, comme le vérificateur général l’a mentionné dans son rapport de 1992, même si les dépenses associées à la TPS ont été divulguées annuellement dans les budgets des dépenses des ministères ayant participé à la mise en place de la taxe, les frais de démarrage auraient dû être regroupés et présentés sous une seule rubrique au Parlement(4).

   B. Frais d’administration courants

L’année financière 1991-1992 a été la première année complète d’application de la TPS. L’heure était donc au bilan : la taxe avait-elle coûté plus ou moins que prévu à administrer? En 1989, les premières prévisions relatives aux coûts d’administration de la TPS se chiffraient à 200 millions de dollars par année(5). En 1991-1992, les coûts d’administration pour l’ensemble des ministères touchés se sont élevés à 486,1 millions de dollars. Trois mille neuf cent soixante (3 960) années-personnes ont été consacrées à l’administration et à la perception de la TPS, dont environ la moitié à l’activité « observation de la taxe ». Le tableau 1 indique la répartition des sommes.

Les sommes consacrées à l’administration de la TPS semblent plutôt élevées à première vue. Toutefois, il ne faut pas oublier que certains des coûts engagés étaient des coûts uniques qui n’auront plus à être absorbés au cours des années à venir. Il faut aussi noter que, étant donné le peu de temps dont disposait Revenu Canada entre le moment où la TPS a reçu la sanction royale (le 17 décembre 1990) et celui où elle est entrée en vigueur (le 1er janvier 1991), le ministère a dû faire face à des dépenses énormes en raison de l’affluence de demandes d’inscription et de renseignements. Pour l’année financière 1992-1993, on pouvait s’attendre à ce que les frais d’administration de la TPS soient beaucoup moins élevés puisque la taxe a maintenant pris sa « vitesse de croisière ». Or, les sommes du tableau 1 montrent que ce n’est pas le cas. Les coûts d’administration sont passés de 486,1 à 518,1 millions de dollars, soit une augmentation de 32 millions. Ceux de Douanes et Accise ont à eux seuls grimpé de près de 60 millions.

TABLEAU 1

COÛTS D’ADMINISTRATION

(1991-1992)
MILLIONS DE $

1992-1993

REVENU CANADA – Douanes et Accise

339,6

398,1

Coûts uniques :
  • Élaboration de systèmes
  • Programme de remboursement de la TVF

 

37,6
13,6

36,4

-
-

Coûts continus d’administration et de perception :
  • Élaboration de politiques
  • Renseignements et services d’interprétation à la clientèle
  • Observation
  • Vérification
  • Appels
  • Gestion, systèmes et soutien au Programme

    
    
    
17,1
     
25,5
     
48,6
70,9
  5,4
101,0

361,7

-

-
-
-
-
-

Coûts indirects

20,0

-

REVENU CANADA-IMPÔT
  • Administration du crédit d’impôt

54,9

45,0

AUTRES MINISTÈRES*

91,6

75,0

TOTAL

486,1

518,1

* La majorité de ces dépenses ont été liées aux installations (Travaux publics) et aux modifications apportées aux systèmes (Approvisionnements et Services).

Source : Revenu Canada-Douanes et Accise, données internes

EFFICACITÉ DE L’ADMINISTRATION DE LA TPS

On ne peut dire si le niveau des frais d’administration d’une taxe est ou non acceptable sans avoir préalablement comparé ces frais aux revenus. La TPS comprend un système de crédit d’impôt et de remboursements aux entreprises pour les intrants, qui compte pour près de la moitié des recettes brutes. Il est donc important de comparer les frais d’administration aux recettes nettes plutôt qu’aux recettes brutes en raison, justement, de cette importante différence entre les deux. Le tableau 2 indique en détail les recettes nettes de la taxe pour les années financières 1991-1992 et 192-1993. En 1991-1992, le gouvernement a perçu environ 15,2 milliards de dollars en TPS, et ses frais d’administration pour cette taxe se sont élevés à un peu plus de 486 millions de dollars; pour percevoir chaque dollar, il lui en a donc coûté 3,2 cents. En effectuant le même calcul pour 1992-1993, on constate qu’il lui en a coûté cette année-là, 3,6 cents pour percevoir chaque dollar.

TABLEAU 2

RECETTES NETTES DE LA TPS

1991-1992

1992-1993

Perception de Douanes et Accise

29 495 478 000

30 452 733 000

Perception des ministères et agences

                    69 141 000

                63 288 000

RECETTES BRUTES

29 564 619 000

30 516 021 000

TPS payée par les ministères

                  804 143 000

           1 006 047 000

Remboursement et rabais

11 329 932 000

12 138 505 000

Crédit d’impôt pour faible revenu

               2 262 083 000

           2 503 306 000

RECETTES NETTES

15 168 461 000

14 868 163 000

Frais d’administration*

                  486 100 000

              518 100 000

RECETTES NETTES moins l’administration

14 682 361 000

14 350 063 000

* Inclut les 50 p. 100 de frais d’administration de la TPS au Québec. Selon la Loi du Compte de service de la dette, les frais d’administration ne font pas partie du compte en question.

Source : Revenu Canada, Douanes et Accise, février 1994.

L’un des arguments que le ministère des Finances avait avancé pour justifier le remplacement de l’ancienne taxe de vente fédérale était que celle-ci était trop complexe à administrer; il est donc intéressant d’examiner ce qu’il en coûtait pour administrer cette taxe et de comparer ces coûts aux coûts d’administration de la TPS. Il ne fait aucun doute que les deux taxes sont complètement différentes, mais la comparaison demeure tout de même importante à faire dans un contexte d’optimisation des ressources et de simplicité administrative.

À sa dernière année d’existence (1989-1990), le gouvernement a consacré 90 millions de dollars à l’administration de l’ancienne taxe de vente et il en a tiré des revenus nets de 17,768 milliards de dollars. Il lui en a donc coûté 0,5 cent (0,005$) pour percevoir un dollar. Par conséquent, la TPS a jusqu’ici coûté six fois plus cher à administrer que l’ancienne taxe de vente(6). Certains pourraient argumenter que la TPS coûte en frais d’administration plus cher par dollar perçu que l’ancienne taxe de vente en raison de la récession qui a fait en sorte que les recettes ont été moindres que prévues. Si on suppose que la TPS aurait pu rapporter 20 milliards de dollars en 1991-1992 (ce qui est une estimation généreuse), le coût d’administration par dollar perçu aurait tout de même été de 2,4 cents (0,024$), soit cinq fois plus que celui de l’ancienne taxe de vente.

Puisque d’autres pays ont aussi mis en place une taxe semblable à la TPS, il est tentant de chercher à savoir quels sont les coûts d’administration de cette taxe par rapport aux revenus générés afin de pouvoir déterminer lequel des pays se montre le plus efficace à cet égard. Cependant, il n’est pas facile de faire une telle comparaison. En effet, un pays qui aurait le même ratio coûts d’administration/revenus que le Canada mais qui devrait administrer plusieurs taux plutôt qu’un seul serait plus efficace parce que sa taxe est plus complexe à appliquer. De plus, la définition des frais d’administration peut être différente d’un pays à l’autre, ce qui rend la comparaison difficile. Indiquons cependant, uniquement à titre d’information, que les coûts d’administration de la TVA au Royaume-Uni représentaient 1,03 p. 100 des sommes perçues en 1986-1987(7). Ce pourcentage représente les coûts d’administration sur les recettes brutes. Pour le Canada, ce ratio était de 1,64 p. 100 en 1991-1992 et de 1,70 p. 100 en 1992-1993.

Il existe un autre moyen de déterminer l’efficacité de l’administration d’une taxe. Lors de sa comparution devant le Comité des comptes publics le 25 mars 1993, le sous-ministre de Revenu Canada, M. Pierre Gravel, a mentionné que « [...] il existe un indice-clé, reconnu dans le monde entier, de l’efficacité d’une nation dans l’administration des taxes à la valeur ajoutée: c’est le calcul du ratio d’années-personnes [employé] par inscrit aux fins de la TPS »(8). Ce ratio est établi par le Fonds monétaire international (FMI) et il est actuellement fixé à un employé pour 250 inscrits (1:250). Le tableau 3 montre le ratio employé/inscrits pour divers pays.

 TABLEAU 3

PAYS

ANNÉE

RATIO
EMPLOYÉ/INSCRITS*

Canada

1991-1993

1:344**

France

1982

1:173

Irlande

1984

1:130

Italie

1978

1:726

Pays-Bas

1979

1:280

Portugal

1986

1:215

Royaume-Uni

1982

1:250

Suède

1983

1:149

* FMI, Value-Added Tax: International Practice and Problems, p. 250.

** Comité des comptes publics, Procès-verbaux et témoignages, fascicule no 47, p. 10.

Au moment de sa comparution devant le Comité des comptes publics, le sous-ministre ne prévoyait pas que le ratio augmenterait au cours des prochaines années. Selon le critère du ratio employé inscrits, le gouvernement fédéral serait donc assez efficace. Toutefois, le fait que les employés du ministère s’occupent de plus d’inscrits que la norme ne veut pas dire qu’ils sont plus productifs. De fait, on ne peut pas dire qu’un pays qui emploierait une personne pour 100 000 inscrits serait plus efficace qu’un autre. En effet, un ratio employé/inscrits plus élevé peut vouloir dire que les niveaux de vérification ne sont pas très élevés et que, par conséquent, les employés peuvent s’occuper de plus d’inscrits à la fois. Par exemple, en Italie, où le ratio employés/inscrits est de 1:726, l’économie clandestine représente environ 40 p. 100 de l’activité économique totale. À l’opposé, on compte un employé pour 149 inscrits au Royaume-Uni, où l’économie clandestine ne représente que 2 à 4 p. 100 de l’activité économique totale.

Un ratio élevé n’est donc pas toujours le gage de l’efficacité d’une administration. Il s’agit de trouver un compromis entre le niveau des ressources affectées à la vérification et aux autres activités et les pertes potentielles de revenus. Il s’agit également de se demander comment on peut rendre la taxe plus facile et moins coûteuse à administrer. Tous s’entendent à dire que, dans sa forme actuelle, la TPS coûte cher à administrer. Dans la prochaine section, nous donnons un aperçu de variables qui influent sur les coûts d’administration de la TPS.

LES DÉTERMINANTS DES COÛTS D’ADMINISTRATION

   A. Le traitement des différents biens et services

Plus son assiette est large, moins une taxe est difficile à administrer. Pour toutes sortes de raisons, les gouvernements désirent souvent détaxer et exonérer certains biens et services, ce qui contribue à hausser les frais d’administration. Parmi les biens et services détaxés au Canada, on retrouve principalement les médicaments sur ordonnance et les produits d’alimentation. Cette dernière catégorie comprend en plus des exceptions coûteuses à administrer : plusieurs produits sont taxés seulement lorsqu’ils sont achetés en quantité inférieure à six. Les biens et services exonérés comprennent, entre autres, les services financiers, les services de garde et les services d’enseignement.

   B. Les taux de taxation

Plusieurs pays appliquent plus d’un taux de taxation. Généralement, un taux s’applique à la majorité des biens et services et les autres taux s’appliquent à un groupe restreint de produits et services(9). Selon plusieurs, les taux de taxation multiples sont très coûteux à administrer et réduisent sensiblement les revenus additionnels qu’ils génèrent. Il est intéressant de noter que les pays sont parmi les derniers à avoir adopté une taxe à la taxe valeur ajoutée (TVA) ont, pour la plupart, imposé un taux unique et que les pays où il existe plusieurs taux ont tendance à les diminuer(10). Au Canada, la TPS comprend un seul taux(11) (7 p. 100), ce qui confirme la tendance vers le taux unique.

   C. Le nombre d’inscrits

Les entreprises et les organismes qui sont tenus de s’inscrire aux fins de la TPS ou qui choisissent de le faire sont appelés inscrits(12). En théorie, une administration doit chercher à inscrire le plus d’entreprises possible puisque ces inscrits perçoivent la TPS au nom du gouvernement. Les inscrits doivent déclarer les montants perçus aux fins de la TPS et, en même temps, peuvent réclamer un crédit pour récupérer la TPS qu’ils ont payée sur les achats effectués en vue de fournir des produits et services taxables(13). Ces remboursements ont été de plus de 11 milliards de dollars en 1991-1992 et de un peu plus de 12 milliards en 1992-1993. En pratique, une administration peut vouloir restreindre le nombre d’inscrits en raison, entre autres, du coût associé au traitement d’un dossier par rapport au niveau de revenus que génère un inscrit. Aussi, il était évident, au moment de l’introduction de la TPS, que certaines entreprises (surtout les plus petites) ne pourraient se conformer aux exigences en raison du coût supplémentaire que la taxe leur occasionne. Au même titre que le gouvernement, ces entreprises ont des coûts d’observation semblables et même supérieurs aux revenus qu’elles versent au Trésor. Plusieurs études ont montré que les coûts d’observation sont inversement proportionnels à la taille de l’entreprise. Les coûts diminuent à mesure que la taille de l’entreprise augmente.

C’est dans cet esprit que Revenu Canada a décidé que les entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 30 000 dollars par année pourraient décider de s’inscrire ou non. Pourtant, 400 000 entreprises(14) sous ce seuil se sont inscrites et ce, pour toutes sortes de raisons. Tout d’abord, plusieurs d’entre elles ne savaient pas qu’elles avaient le choix ou craignaient que Revenu Canada ne les oblige un jour ou l’autre à s’inscrire. Ensuite, d’autres se sont inscrites parce que leurs clients leur demandaient de payer la TPS afin qu’ils puissent la déduire comme crédit d’impôt pour intrant. Enfin, d’autres, se sont inscrites afin d’obtenir le crédit pour déduire les sommes payées à leurs fournisseurs.

Des économies potentielles pourraient donc être réalisées si le ministère du Revenu mettait en place un programme qui amènerait certains inscrits à se retirer de la liste. Pour y parvenir, il devrait pouvoir convaincre les entreprises que les crédits d’impôt auxquels elles ont droit ne sont peut-être pas plus élevés que les coûts d’observation qu’elles doivent assumer. À la limite, le ministère pourrait obliger certaines entreprises à se retirer de la liste des inscrits si les programmes d’incitation ne donnaient pas les bons résultats. Les auteurs d’une étude sur les coûts d’observation des entreprises, dont une partie porte sur les entreprises de Nouvelle-Zélande, notent que le nombre d’inscrits est devenu excessif et exhortent le gouvernement à encourager les entreprises et organismes dont les coûts d’observation globaux sont plus ou moins équivalents aux sommes versées au Trésor pour la TPS à se faire rayer de la liste des inscrits en leur facilitant les modalités de radiation(15).

   D. La fréquence des déclarations

Toute entreprise qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 30 000 dollars par année doit s’enregistrer comme inscrit, et chaque inscrit doit produire une déclaration en fonction du volume de ses ventes taxables annuelles. Les inscrits dont le chiffre d’affaires est supérieur à six millions de dollars sont tenus de produire une déclaration mensuelle, tandis que ceux dont le chiffre d’affaires va de 500 000 à six millions de dollars doivent présenter une déclaration trimestrielle. Les autres inscrits sont invités à faire des déclarations trimestrielles, mais il leur est permis de présenter une déclaration à la fréquence de leur choix.

Les coûts d’administration sont fonction du nombre de déclarations. Selon le ministère, 7,1 millions de déclarations ont été produites en 1991, soit un nombre non négligeable(16). En plus de réduire le nombre d’inscrits qui n’ont pas à s’inscrire, le ministère pourrait prendre des mesures pour inciter les inscrits qui le peuvent à faire une déclaration annuelle plutôt que trimestrielle. Selon le vérificateur général, si la moitié des inscrits admissibles avaient choisi de produire une déclaration annuelle, quelque 2,4 millions de déclarations n’auraient pas eu à être traitées(17). Suite à ces observations, le ministère du Revenu a encouragé davantage les petites entreprises à produire des déclarations annuelles. Selon lui, après deux mois, 40 000 petites entreprises avaient répondu à l’appel. Puisque les entreprises peuvent désormais faire une seule déclaration pour la TPS et l’impôt, le ministère croit que cela incitera encore plus d’entreprises à procéder ainsi(18). Toutefois, si les résultats ne s’avéraient pas aussi satisfaisants que prévu, le ministère du Revenu devrait peut-être songer à rendre obligatoire la production de déclaration de façon annuelle.

CONCLUSION

Malgré la volonté du gouvernement conservateur de mettre en place une taxe simple à administrer autant pour les entreprises que pour le gouvernement, la réalité s’est avérée tout autre. Le 1er janvier 1994 a marqué le troisième anniversaire de l’entrée en vigueur de la TPS. Bien que plusieurs initiatives aient été prises depuis pour simplifier son fonctionnement, cette taxe est toujours perçue comme complexe et coûteuse à administrer.

Le nouveau gouvernement a manifesté son intention de remplacer la TPS par une taxe qui soit plus simple pour tous. Pour y parvenir, il devra connaître combien il en coûte pour administrer chacune des composantes de la taxe. Par exemple, il devra établir ce qu’il en coûte pour exempter certains biens. Au moment de l’introduction de la TPS, le gouvernement avait décidé de ne pas taxer les produits alimentaires de base. Cette décision a peut-être été populaire, mais elle a conduit à des coûts administratifs supplémentaires tant pour le gouvernement que pour les entreprises. Les coûts d’administration devront également être mieux divulgués. Les renseignements actuellement publiés dans les différentes sources (comptes publics, budget des dépenses) ne sont pas très détaillés.

Si le gouvernement décide d’adopter une nouvelle taxe, il devra nécessairement mieux tenir compte des coûts d’administration de celle-ci. Il devra aussi se pencher sur les coûts d’observation des entreprises puisque sa décision d’augmenter ou de diminuer certains services dans la gestion de la taxe influent directement sur ces coûts. Par exemple, certaines entreprises pourraient se voir obliger d’engager un comptable si elles ne pouvaient plus obtenir d’aide de la part de Revenu Canada. Selon la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, les coûts d’observation de la TPS se sont chiffrés à 4,5 milliards de dollars pour le secteur privé en 1992. Partout dans le monde, on se demande si les entreprises ne devraient pas être payées pour percevoir les taxes au nom du gouvernement. Au Canada, un jugement de la cour Suprême a été rendu à ce sujet en août 1992; les vendeurs se sont vu refuser le droit d’être remboursés pour des frais engagés au moment où ils perçoivent la TPS au nom du gouvernement.

La diminution des frais d’administration du gouvernement ne peut se faire au profit d’une hausse des coûts d’observation des entreprises. Idéalement, il faut trouver des solutions qui permettent de diminuer l’ensemble des frais d’administration (les coûts d’administration du gouvernement et les coûts d’observation des entreprises). Avant d’adopter une nouvelle taxe ou de modifier la TPS, le gouvernement devrait évaluer l’incidence de chacune des composantes de la taxe ou des changements apportés (inscriptions non restrictives, seuil d’enregistrement et indexation du seuil, taux unique ou multiple, assiette élargie, etc.) sur l’ensemble des coûts. Du point de vue de l’efficience de l’administration de la taxe, l’entreprise devrait percevoir la TPS ou la taxe qui remplacera celle-ci seulement si ses propres coûts (coûts d’observation) et ceux de l’administration fédérale (coûts d’administration) sont moindres que ce qu’elle peut percevoir en taxes et remettre au Trésor.

Si le gouvernement décide de remplacer la TPS par une autre taxe, il est à souhaiter qu’il aura la volonté de mettre en place une taxe simple à administrer et qui tiendra compte de l’efficience.


(1) Ministère des Finances, Réforme de la taxe de vente, Ottawa, juin 1987.

(2) Par exemple, le ministère des Finances a contribué de près à la conception de la taxe, Travaux publics s’est occupé de bureaux, etc.

(3) Vérificateur général du Canada, Rapport annuel de 1992, Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1993, p. 549.

(4) Ibid.

(5) Ministère des Finances, Taxe sur les produits et services : Vue d’ensemble, août 1989, p. 35.

(6) Données de 1991-1992 pour la TPS et de 1989-1990 pour la TVF.

(7) Plamondon et Associés Inc., Coûts d’observation de la TPS pour les petites entreprises au Canada, ministère des Finances, décembre 1993, p. 113.

(8) Parlement, Comité des comptes publics, Procès-verbaux et témoignages, 3e session, 34e législature, 25 mars 1993, p. 47:10

(9) Dans plusieurs de ces cas, des taux bas sont appliqués à des biens essentiels et des taux élevés sont appliqués à des produits de luxe.

(10) Tait, Alan T., Value-Added Tax: International Practice and Problems, Washington (D.C.), FMI, 1988, p. 249.

(11) En théorie, on peut dire qu’il existe deux taux, soit 0 p. 100 pour les biens détaxés et 7 p. 100 pour les autres. En pratique, on compte rarement le zéro comme étant un taux. De plus, lors de l’achat d’une maison neuve d’une valeur de 450 000 dollars ou moins, des rabais sont obtenus, ce qui a pour effet de réduire le taux.

(12) Revenu Canada, Douanes et Accise, TPS : Guide à l’intention des petites entreprises, avril 1992, p. 1.

(13) Ibid.

(14) Au 31 décembre 1993, il y avait plus de 500 000 entreprises inscrites.

(15) Plamondon et Associées Inc. (décembre 1993), p. 127.

(16) Vérificateur général, Rapport annuel pour 1992 (1993), paragraphe 20.65.

(17) Ibid.

(18) Comité des comptes publics (25 mars 1993), p. 47:17.