BP-386F

 

L'ÉDUCATION AU CANADA :
QUESTIONS D'ACTUALITÉ

 

Rédaction Helen McKenzie
Division des affaires politiques et sociales
Mai 1994


TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

LE RÔLE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

QUESTIONS D'INTÉRÊT

   A. Accessibilité
      1. Prêts aux étudiants
      2. Diversité des besoins
         a. Formation en informatique
         b. Langues officielles en éducation
         c. Besoins particuliers

   B. Qualité de l'éducation
      1. Décrochage scolaire
      2. Analphabétisme
      3. Formation en mathématiques et en sciences
      4. Études canadiennes
      5. Éducation planétaire

   C. Financement

STRATÉGIES POUR L'AVENIR

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE


L'ÉDUCATION AU CANADA :
QUESTIONS D'ACTUALITÉ

 

INTRODUCTION

Comme la richesse des pays développés repose de moins en moins sur les ressources naturelles et la fabrication et de plus en plus sur les connaissances, il devient sans cesse plus important d'assurer un niveau d'instruction plus élevé qu'avant à la population. Au Canada, comme dans bien d'autres pays, certains craignent que les services d'éducation ne soient pas à la hauteur des défis que posent le monde moderne et sa complexité, et cela même si les taux d'inscription aux études postsecondaires au Canada comptent parmi les plus élevés du monde.

Le nombre moyen d'années de scolarité des Canadiens adultes augmente constamment depuis quelques décennies; entre 1971 et 1986, le pourcentage des Canadiens âgés de 15 ans ou plus qui ont un diplôme universitaire a doublé, passant de 4,8 à 9,6 p. 100(1). Si rassurant que soient ces faits, bien des gens ont quand même l'impression que la qualité de l'éducation s'est dégradée, que beaucoup d'élèves qui obtiennent leur diplôme d'études secondaires ne sont pas bien préparés sur certains plans fondamentaux de l'apprentissage et que beaucoup de diplômés d'université ne sont pas assez bien équipés pour affronter la concurrence internationale. Il y a encore des entraves à l'accès aux études supérieures, et les établissements d'enseignement autant que les étudiants font face à des difficultés financières croissantes.

Les préoccupations portent sur l'ensemble des systèmes d'apprentissage structurés, depuis l'école primaire jusqu'à l'université. La fréquence de l'analphabétisme fonctionnel chez les élèves et les diplômés du secondaire, l'ampleur du décrochage et les lacunes percues dans l'enseignement des mathématiques et des sciences sont autant de manifestations des faiblesses de l'enseignement aux niveaux primaire et secondaire.

Même si les taux d'inscription à l'université sont élevés, les études supérieures demeurent inaccessibles à certains groupes défavorisés. La population craint aussi que l'accès aux études supérieures ne soit limité à l'avenir à cause de la diminution du soutien financier accordé à l'éducation par les gouvernements et de l'accroissement des coûts pour les étudiants.

De nombreux éducateurs et employeurs, préoccupés par la qualité de l'éducation et la nécessité d'assurer la cohérence dans l'ensemble du pays, ont préconisé l'application de lignes directrices et de réformes nationales et une uniformisation entre les provinces. D'aucuns affirment que les objectifs de l'éducation structurée doivent être clarifiés si l'on veut qu'une stratégie générale porte fruit. D'autres proposent un mécanisme capable d'assurer une direction centrale forte pour que le Canada puisse suivre les tendances internationales et répondre aux besoins du marché. Beaucoup réclament un plus grand soutien financier de la part du gouvernement fédéral.

Selon la Constitution canadienne, toutefois, l'éducation est de la compétence des provinces. Dans ce contexte, seule une stratégie nationale conçue dans l'esprit d'un fédéralisme coopératif permettra d'apporter des changements constructifs. Dans le présent document, nous traitons brièvement de l'action, des responsabilités et des limites du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation, et de certaines des grandes préoccupations du public relativement à l'accès aux études, ainsi qu'à la qualité et au financement de celles-ci.

LE RÔLE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Même si la Constitution confie ce domaine aux provinces, il est admis depuis longtemps que l'importance de l'éducation sur le plan économique en fait aussi une question qui intéresse vivement le gouvernement fédéral. En 1965, le Conseil économique du Canada a signalé qu'environ le quart de la hausse réelle du revenu des particuliers au cours des décennies précédentes s'expliquait par un niveau d'instruction supérieur(2). Depuis cette époque, de nombreux changements d'ordre économique et social ont fait surgir le besoin d'adopter des orientations nouvelles en éducation.

Le Canada, à la différence de bien d'autres pays, ne peut pas attendre d'un service central de l'éducation les indications nécessaires pour élaborer et mettre en oeuvre une stratégie nationale. Il y a plutôt dix systèmes d'éducation provinciaux et territoriaux distincts qui discutent de points d'intérêt commun à l'intérieur d'une seule institution, le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) (CMEC). Ce conseil a joué un rôle central dans l'élaboration de politiques visant à répondre à des besoins en évolution dans le domaine de l'éducation au Canada et à encourager la normalisation et l'amélioration dans ce secteur.

Il est essentiel que ces efforts de coopération entre les provinces se poursuivent à l'avenir. Selon un éducateur, la crise du fédéralisme canadien est le plus important problème qui afflige l'éducation supérieure en ce moment. La réaction du gouvernement fédéral et des provinces à cette crise aura des conséquences pour l'avenir de l'éducation supérieure ainsi que sur la capacité du Canada d'affronter la concurrence internationale. Le même observateur a proposé de soit mis en place un mécanisme quasi gouvernemental pour établir des indicateurs de rendement des institutions et analyser les questions de politique nationales(3).

Le gouvernement fédéral joue toutefois un rôle crucial pour certains aspects de l'éducation en fournissant un soutien financier pour tous les niveaux d'éducation tant directement, pour des fins spécifiques et limitées, qu'indirectement, par des subventions versées aux gouvernements provinciaux et territoriaux au titre des études supérieures.

Par exemple, le Canada a la responsabilité directe des services d'éducation du personnel des forces armées, des détenus des établissements fédéraux et des autochtones inscrits. La participation du gouvernement central aux efforts d'éducation a été liée à l'intérêt national en matière de défense, de services correctionnels, d'immigration, de formation professionnelle et d'acquisition de la langue seconde. Le gouvernement fédéral soutient la recherche universitaire, l'aide aux étudiants, l'étude des langues officielles et divers autres programmes comme les études canadiennes, l'alphabétisation et l'éducation internationale.

L'action du gouvernement central la plus déterminante en matière d'éducation est sans doute celle qu'il exerce en fournissant un financement indirect en vertu du Financement des programmes établis (FPÉ) et le Programme des langues officielles dans l'enseignement. Le FPÉ prévoit des transferts inconditionnels aux provinces chaque année au titre des services de santé et de l'enseignement postsecondaire.

En 1992-1993, les dépenses fédérales pour l'enseignement et la formation au Canada ont totalisé, selon les estimations, environ 12,2 milliards de dollars. Les ressources affectées à tous les niveaux d'enseignement par tous les pouvoirs publics (fédéraux, provinciaux et locaux) et des instances non gouvernementales se seraient chiffrées à 55,3 milliards de dollars(4).

QUESTIONS D'INTÉRÊT

L'investissement du secteur public dans l'éducation semble n'avoir donné que des résultats médiocres du point de vue du marché du travail, selon certains indicateurs de rendement(5). À l'évidence, ce qui importe, ce n'est pas seulement le montant des dépenses, mais aussi la façon dont ces dépenses sont faites.

Certains experts ont critiqué le régime fédéral de transferts aux provinces, qui sont faits sans directives ni lignes directrices, en disant que le régime n'a pas d'objectif clair et qu'il manque d'efficacité. Ils soulignent la nécessité d'un consensus sur les objectifs de l'éducation au Canada, d'une clarification du rôle des instances fédérales et de structures institutionnelles appropriées pour trouver un juste équilibre entre les exigences du marché du travail, d'une part, et les intérêts des étudiants et la poursuite de la connaissance, tant en général que pour la recherche, d'autre part(6). Les conférenciers au Colloque national de 1987 ont parlé de l'accès aux études, de la qualité et du financement dans un contexte où les établissements, les disciplines et les groupes d'intérêts se disputent des ressources financières de plus en plus réduites sans qu'on puisse s'appuyer sur un objectif clairement défini.

Même si le Canada s'est doté d'un réseau de systèmes d'enseignement publics largement accessibles, des questions ont surgi sur leur orientation, leur qualité et leur efficacité. Ainsi, pourquoi un grand nombre d'élèves décident-ils d'abandonner les études? Quelles sont l'ampleur et l'efficacité des programmes de formation axée sur le travail proposés à ceux qui ne vont pas à l'université?

Dans son étude de 1992 sur l'éducation et la formation professionnelle au Canada, le Conseil économique du Canada a conclu que beaucoup de jeunes Canadiens étaient mal servis par leur système d'éducation et que 70 p. 100 de ceux qui abandonnent l'école et ne fréquentent pas les universités ne peuvent recourir à des programmes de formation technique concrète et professionnelle pour se préparer au marché du travail. Le système scolaire du Canada n'a pas de programmes de formation non scolaire, professionnelle comme option de formation ni de stratégie appropriée pour aider les étudiants à réussir la transition entre l'école et le marché du travail.

La demande de programmes axés sur les exigences du marché du travail devraient continuer de croître au cours des années à venir. Des études du marché du travail ont montré que les employeurs ont de plus en plus besoin de travailleurs plus instruits et plus souples. Selon les résultats d'une étude sociale publiée en 1992, sur les quelque 14 p. 100 des personnes inscrites à un programme de formation menant à un grade, un diplôme ou un certificat, environ la moitié prenaient des cours pour relancer ou réorienter leurs carrières(7).

La préparation pour le marché du travail, si importante soit-elle, n'est que l'un des objectifs d'un système d'éducation en pleine maturité. Depuis quelques années, l'accent semble s'être déplacé vers des considérations économiques, mais les idéaux classiques que sont la civilisation, la socialisation et la motivation des étudiants subsistent. Jusqu'à un certain point, les objectifs les plus adéquats sont encore matière à interprétation. Néanmoins, on s'attend généralement à ce que l'éducation soit raisonnablement accessible et de bonne qualité tout en répondant aux plus importants besoins des jeunes et de la société dans laquelle ils vivent. De plus, on est de plus en plus conscient de la nécessité que les systèmes d'éducation soient non seulement efficaces, mais aussi efficients par rapport à leur coût.

   A. Accessibilité

Tous les enfants canadiens ont droit à l'école gratuite aux niveaux primaire et secondaire, et ils sont de plus en plus nombreux à obtenir un diplôme d'études secondaires et à fréquenter les universités. Les inscriptions à temps plein dans les établissements d'enseignement postsecondaire ont plus que quadruplé entre 1960 et 1985, ce qui s'explique en partie par la croissance des effectifs du groupe des 18-24 ans pendant une certaine période, mais aussi, surtout dans les années 70, par une augmentation marquée du nombre de femmes qui font des études supérieures.

Au cours des années 80, les inscriptions à temps plein à l'université ont augmenté tous les ans pour atteindre 532 100 en 1990-1991, en progression de 39 p. 100 par rapport à celles qui avaient été enregistrées en 1980-1981. Le nombre médian d'années de scolarité des adultes au Canada est passé de 11,3 en 1976 à 12,2 en 1986(8).

Même si les effectifs du groupe des 18-24 ans ont diminué, comme pourcentage de la population au cours de la dernière décennie, les inscriptions à l'université ont continué d'augmenter. En 1991, environ 14 p. 100 des personnes faisant partie de la population active canadienne avaient un diplôme universitaire et, en 1993, 53 p. 100 avaient fait certaines études supérieures(9). Un rapport international reposant sur les données de 1988 a révélé que, parmi tous les pays étudiés, c'est le Canada qui comptait la plus forte proportion de ses jeunes de 20 à 24 ans inscrits au collège ou à l'université(10). En 1991-1992, on dénombrait au Canada 1,4 million d'étudiants au niveau postsecondaire (temps plein ou temps partiel). Le nombre d'étudiants à temps plein était plus élevé que jamais, atteignant près de 548 000 dans les universités et près de 331 000 dans les collèges communautaires(11).

Certains, dont les pauvres, les habitants de régions isolées et septentrionales, et les étudiants handicapés, ont toujours des obstacles à surmonter pour faire des études supérieures. Selon certaines indications, les contraintes économiques de plus en plus rigoureuses et la diminution de la contribution financière de l'État risquent à l'avenir de compromettre pour de nombreuses autres personnes l'accès aux études supérieures. Les frais de scolarité et autres frais des études universitaires augmentent au moment même où les étudiants ont plus de mal à trouver du travail pour financer leurs études.

Il y a des raisons d'espérer que le secteur privé, conscient de ses intérêts dans l'éducation supérieure, trouvera de nouveaux moyens d'aider les étudiants. Ainsi, une banque proposerait des prêts à taux réduit aux étudiants, les remboursements autres que ceux des intérêts débutant seulement six mois après l'obtention du diplôme(12). Le secteur public demeure toutefois la principale source d'aide pour les étudiants, et le gouvernement fédéral envisage des réformes de son assistance dans le cadre de la restructuration des programmes.

      1. Prêts aux étudiants

Le Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ) a beaucoup favorisé l'augmentation du nombre d'inscriptions aux études supérieures au cours des trois dernières décennies. Le programme, mis en place en 1964, a remplacé un programme d'application plus limité pour les étudiants aux résultats scolaires exceptionnels, le programme fédéral-provincial d'aide aux étudiants de 1939. Par le PCPÉ, le gouvernement fédéral a assumé la responsabilité d'offrir des prêts garantis à tous les demandeurs admissibles capables de démontrer leurs besoins, le régime étant administré par les provinces. Le Québec, puis les Territoires du Nord-Ouest, se sont retirés des ententes fédérales-provinciales pour établir leurs propres programmes, avec financement parallèle du gouvernement central.

Le PCPÉ a été qualifié de modèle d'harmonie intergouvernementale et considéré comme un exemple du fonctionnement du fédéralisme à son mieux, les compétences constitutionnelles étant respectées et se complétant les unes les autres(13). L'évolution des dernières années a cependant fait surgir des doutes quant à la capacité du régime de continuer à rendre les études supérieures accessibles à l'avenir. Des révisions semblent s'imposer si l'on veut répondre aux besoins des étudiants. Ainsi, les limites de prêt hebdomadaires sont devenues tout à fait irréalistes compte tenu de l'augmentation des droits de scolarité et d'autres frais imposés aux étudiants. Il faut également tenir davantage compte des besoins des étudiants à temps partiel, qui représentent le tiers des effectifs universitaires.

Les droits de scolarité dans les universités canadiennes ont augmenté de 40 à 80 p. 100 entre 1985-1986 et 1991-1992. Pour les étudiants en arts de premier cycle, les droits de 1992-1993 ont subi une hausse de 5 à 10 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 9 p. 100 en moyenne pour 1993-1994. Ces droits ont varié d'un établissement et d'une province à l'autre, et ils se situaient entre 1 300 et 3 500 $ en 1992-1993(14). On prévoit que les droits vont continuer d'augmenter, les universités essayant de faire face à l'accroissement des dépenses et à la diminution du soutien de l'État. Si l'on veut maintenir une accessibilité raisonnable aux études supérieures à l'avenir, il faudra notamment revoir le régime des prêts aux étudiants.

Par le passé, des comités ont proposé un nouveau régime avec remboursement fondé sur les gains après obtention du diplôme, comme moyen rentable de soutenir l'éducation. Dans son rapport de 1991, la Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada a recommandé que le programme existant soit remplacé par un nouveau régime d'aide aux étudiants avec remboursement en fonction du revenu. Les prêts seraient largement accessibles et remboursables au moyen d'une surtaxe sur l'impôt fédéral sur le revenu lorsque la rémunération de l'emprunteur atteint un certain niveau; ainsi, puisque le remboursement serait lié aux gains, les conditions ne seraient pas trop onéreuses dans les années suivant l'obtention du diplôme.

La Fédération canadienne des étudiants (CFÉ) a critiqué ce régime au motif que le fardeau financier des prêts et de leur remboursement serait réparti inégalement entre les étudiants, selon leurs gains ultérieurs, et serait plus lourd pour ceux qui ont les ressources les plus modestes. En 1993, la Fédération a lancé un avertissement, disant que le régime menacerait l'éducation postsecondaire telle que les Canadiens la connaissent. La Fédération a plutôt recommandé l'établissement d'un régime national de subventions aux étudiants pour garantir un accès égal à l'aide financière(15).

L'Association canadienne des professeurs d'université (ACPU) a également réclamé davantage de subventions et de bourses pour les étudiants de préférence à des prêts. L'Association des universités et collèges du Canada estime quant à elle que les limites des prêts devraient être relevées et le remboursement rendu plus souple et qu'il faudrait établir un deuxième régime de prêts à remboursement en fonction du revenu pour aider les étudiants à assumer les frais de scolarité(16). Au printemps 1994, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d'améliorer le système de prêts aux étudiants.

Le problème de l'accessibilité ne se limite toutefois pas aux régimes de prêts ou de bourses aux étudiants. Le Conseil économique du Canada, après avoir noté une participation accrue aux études postsecondaires, a conclu, dans un compte rendu de recherche publié en 1992, que, même s'il n'était pas urgent d'améliorer l'accès aux études supérieures pour la majorité des Canadiens, il conviendrait peut-être d'appliquer certains programmes ciblés. L'auteur indique que, pour beaucoup, l'objectif des études supérieures avait peut-être été abandonné avant même que l'élève n'accède à l'école secondaire(17).

L'expérience scolaire des enfants de familles à faible revenu, qui est cruciale pour leur intérêt et leurs aptitudes à l'égard des études supérieures, peut varier grandement d'un groupe à l'autre. Les problèmes particuliers des enfants handicapés et de ceux qui viennent de familles à faible revenu ou de familles de langue minoritaire ou immigrantes, ainsi que les changements technologiques et autres changements importants dans la société, font ressortir la nécessité de souplesse et de diversification dans les services d'enseignement.

      2. Diversité des besoins

Les progrès rapides de la technologie, l'évolution des besoins sur le marché du travail et la société complexe du Canada, à la fois bilingue et multiculturelle, font apparaître une demande de programmes d'éducation très variés.

Une population active de plus en plus mobile doit également faire face aux différences qui subsistent entre les provinces quant aux exigences et à la matière des cours, aux méthodes et à l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire. Les différences sont encore plus grandes au niveau universitaire, où les étudiants ont souvent du mal à faire la transition entre un établissement et un autre. Depuis quelques années, le CMEC encourage la coopération pour réduire au minimum les problèmes de transition des étudiants qui passent d'une province à l'autre, mais il reste des problèmes.

Le champ d'action des services publics d'enseignement s'est élargi au fil des ans pour offrir aux étudiants la possibilité de se familiariser avec l'informatique, d'apprendre la deuxième langue officielle et d'étudier dans cette langue, d'acquérir un large éventail de connaissances, mais l'accès à ces services varie d'un endroit à l'autre et est limité par les contraintes financières.

         a. Formation en informatique

L'évolution technologique a créé le besoin d'une nouvelle forme d'apprentissage, la « culture informatique », et apporté de nouvelles méthodes pour la mise en oeuvre des programmes. La compétence en informatique est devenue un objectif reconnu de l'éducation, car des programmes de formation en ce domaine ont été ajoutées aux programmes scolaires. Les services offerts ne suffisent toutefois pas à la demande.

En 1992, le Groupe directeur de la prospérité a recommandé une utilisation accrue de la technologie de l'information dans l'enseignement, une augmentation de 30 p. 100 par année du parc d'ordinateurs des écoles, la formation des enseignants pour l'utilisation des ordinateurs dans leurs cours et le recours à des approches reposant sur l'informatique pour l'alphabétisation et le recyclage(18).

         b. Langues officielles en éducation

Le gouvernement fédéral assume une part des coûts pour l'enseignement dans la langue des minorités de langue officielle et l'acquisition de la seconde langue officielle. Plus de 2 000 écoles publiques partout au Canada proposent maintenant des cours d'immersion en français. Le choix des sujets offerts au niveau secondaire est toutefois très souvent limité et il y a peu d'enseignants ayant les compétences voulues. Les priorités des dépenses fédérales ont fait place ces dernières années à l'accroissement des services d'enseignement postsecondaire en français et aux programmes appropriés de formation des enseignants. La qualité de l'enseignement de la langue seconde et l'accès à cet enseignement varient toutefois d'une région à l'autre.

         c. Besoins particuliers

Même si l'éducation est largement accessible, des obstacles à une pleine participation subsistent pour, notamment, les étudiants des régions isolées, les membres de nombreuses collectivités autochtones, les handicapés et les enfants d'immigrants qui connaissent peu les langues officielles.

L'un des problèmes les plus difficiles pour les réseaux d'enseignement du Canada a été de trouver le moyen de servir les étudiants des régions septentrionales qui englobent la moitié du territoire, mais comptent seulement 1 p. 100 de la population. Les méthodes de télé-enseignement ont multiplié les possibilités pour ces régions, mais leur potentiel n'a pas encore été exploité à fond.

Le succès des enfants autochtones dans les réseaux scolaires a également été entravé par le passé par le manque d'enseignants autochtones et l'absence, dans les programmes de formation, de matières se rapportant à leur culture et à leur langue. Diverses mesures ont été mises en oeuvre pour améliorer les résultats de ces enfants tout en les aidant à conserver leur patrimoine culturel et linguistique. Au Yukon, par exemple, l'enseignement dans la langue autochtone est offert pendant les six premières années d'école. Des progrès ont également été réalisés dans la participation des Autochtones à l'élaboration des programmes, les collectivités autochtones de tout le Canada prenant davantage en main leurs propres systèmes d'enseignement.

Le financement fédéral a facilité les études postsecondaires pour les Indiens inscrits et l'adoption de programmes adaptés à leur culture, comme ceux du Saskatchewan Indian Federated College, premier établissement postsecondaire dirigé par des autochtones en Amérique du Nord(19). Dans le discours du Trône de janvier 1994, le gouvernement a promis que des fonds supplémentaires seraient débloqués pour l'éducation postsecondaire des Premières nations.

Ces dernières années, de nombreuses écoles, surtout dans les grandes villes ont accueilli un grand nombre d'élèves immigrants qui connaissent peu l'une ou l'autre langue officielle. La souplesse des systèmes et l'ingéniosité des enseignants sont mises à rude épreuve, car il faut trouver les moyens de répondre aux besoins de cette clientèle sans sacrifier les normes établies. Les autorités provinciales et locales en matière scolaire se sont efforcées de s'adapter à la diversité culturelle en cherchant à éliminer les stéréotypes dans le matériel scolaire, en mettant au point un matériel pédagogique ayant des thèmes multiculturels et en se donnant des stratégies de formation des enseignants pour tenir compte de cette diversité dans leurs cours. Mais la préoccupation immédiate et essentielle est qu'il faut donner aux élèves immigrants une formation linguistique adéquate, et des écoles sont en train de mettre au point des solutions originales à cet égard.

Toutes les provinces ont fait des efforts pour rendre les études plus accessibles aux élèves ayant un handicap physique ou des troubles du développement. À certains endroits, on a tenté d'intégrer la plupart des élèves ayant des besoins spéciaux dans les écoles publiques, mais d'aucuns ont fait observer que la discussion sur la qualité de leur éducation, question cruciale pour ces groupes comme pour tous les autres élèves, a été en large partie éludée(20).

   B. Qualité de l'éducation

Ces dernières années, la qualité de l'éducation au Canada a été mise en doute dans plusieurs milieux. Des éducateurs, des employeurs et d'autres personnes disent craindre qu'elle ne se soit dégradée et que les services actuels ne soient pas capables de permettre au Canada de préserver sa position concurrentielle dans le monde technologique moderne.

Cette préoccupation s'étend à tous les niveaux d'étude. Des chercheurs du Conseil économique du Canada ont examiné la qualité de l'éducation au Canada ces dernières décennies. Ils ont trouvé que des données comparables sur les niveaux atteints en 4e et en 8e années en 1966, 1973, 1980 et 1991 indiquent une dégradation entre 1966 et 1973, une légère amélioration entre 1973 et 1980 et une nouvelle détérioration (pour retrouver à peu près le même niveau qu'en 1973) de 1980 à 1991(21). Une recherche sur les compétences de base des élèves de 8e année a révélé que, même si les ressources financières de l'éducation ont augmenté, le rendement des élèves a diminué entre 1966 et 1991(22).

Le Conseil a comparé les écoles au Canada à une industrie monopolistique qui se soucie moins de la qualité de son produit qu'elle ne le ferait s'il y avait concurrence. Les inquiétudes du public ont entraîné un réexamen des systèmes d'éducation et des efforts de réforme. Depuis six ans, la plupart des provinces et des territoires ont pris conscience de la gravité des problèmes de qualité, notamment du fort taux de décrochage scolaire au niveau secondaire et de l'analphabétisme fonctionnel de certains élèves avancés et diplômés.

Certains estiment que les méthodes pédagogiques axées sur l'élève, largement adoptées pour stimuler la créativité et l'intérêt pour l'étude laissent de côté la poursuite de l'excellence et risquent de négliger les compétences de base. Certaines provinces, tentant de revenir à l'essentiel, ont insisté davantage sur l'enseignement des matières principales et les examens. D'autres continuent de croire que les politiques axées sur l'enfant sont l'approche la plus appropriée de l'éducation moderne.

Les préoccupations au sujet de la qualité doivent toutefois être mises en regard de celles qui ont trait à l'égalité des chances pour des élèves aux antécédents ou aux niveaux d'aptitude variables. En ce qui concerne l'organisation des classes, par exemple, la tendance a été par le passé de garder les élèves dans le même type d'école, mais de les répartir selon les aptitudes manifestées ou perçues entre des programmes différents : avancé, normal ou allégé. C'est le groupement par aptitudes.

Certains éducateurs croient que cette répartition selon les aptitudes traumatise beaucoup d'élèves, qui sont ainsi incités à décrocher. Les idées d'égalité et d'inclusion ont suscité des efforts, récemment pour écarter cette pratique. En 1993, l'Ontario, par exemple, a supprimé le groupement par aptitudes pour la 9e année dans le cadre de son nouveau programme. Ceux qui s'opposent à l'abolition de ce groupement ont soutenu qu'on risquait de compromettre la qualité de l'éducation de la majorité et la motivation des élèves les plus doués.

On peut discuter de la relation entre motivation et groupement par aptitudes, mais la motivation est essentielle au succès scolaire. Le Conseil économique du Canada a fait remarquer que la motivation est un facteur critique pour assurer le succès, qui est lui-même un facteur de motivation vital(23).

      1. Décrochage scolaire

Le nombre d'élèves qui abandonnent l'école secondaire avant d'avoir obtenu leur diplôme soulève des questions sur la qualité de l'éducation au Canada. Une enquête réalisée par Statistique Canada en 1991 a révélé que le taux de décrochage était d'environ 18 p. 100 (22 p. 100 chez les garçons et 14 p. 100 chez les filles)(24). Selon ce sondage auprès de plus de 9 000 jeunes de 18 à 20 ans, ce sont surtout des facteurs liés à l'école même, dont l'ennui, qui expliquent le décrochage. Selon un sondage national antérieur, les décrocheurs ont fréquemment cité comme raison le manque de motivation et l'ennui(25).

L'étude de 1991 a montré que ceux qui décrochent hâtivement ne sont pas nécessairement ceux qui ont des résultats médiocres; 37 p. 100 d'entre eux avaient des moyennes de A ou B et 40 p. 100 avaient la note de passage, C. Ce décrochage précoce montre donc que les systèmes en place ne stimulent pas et ne développent pas la capacité d'apprentissage de nombreux élèves prometteurs, qui ne sont donc pas équipés pour réussir sur le marché du travail moderne. S'ils ne reçoivent aucune autre éducation ou formation, ils seront gravement désavantagés dans l'avenir, car environ 40 p. 100 des débouchés sur le marché du travail exigent plus de 16 ans d'études et de formation(26).

Le décrochage scolaire comporte des coûts économiques importants non seulement pour l'individu, mais aussi pour le pays. Les décrocheurs précoces renoncent aux gains plus élevés auquel un diplôme leur permettrait de prétendre. Les coûts pour le pays sont également considérables. Les données sur les 137 000 élèves qui ont abandonné les études secondaires en 1989 montrent que les décrocheurs d'une seule année coûtent au pays plus de quatre milliards de dollars pendant leur vie active(27).

Ce que les éducateurs et les planificateurs doivent faire, c'est encourager une attitude positive à l'égard des études et proposer des modes d'apprentissage à la fois efficaces et intéressants. De nouvelles approches de l'enseignement, comme l'alternance travail-études, offrent quelque espoir à cet égard. Ces programmes allient la formation théorique en classe et une expérience de travail qui permet aux étudiants de prendre conscience des exigences du marché du travail et d'acquérir les compétences voulues. Ces programmes pourraient aider beaucoup d'étudiants à considérer les études structurées comme plus pertinentes dans leurs vies.

La persistance, à des degrés divers, de l'analphabétisme dans notre société nous force aussi à nous interroger sur la qualité de nos systèmes d'enseignement. Le problème est souvent lié au décrochage scolaire précoce, mais des indications permettent aussi de croire que l'analphabétisme fonctionnel touche un nombre étonnant de diplômés de l'école secondaire et même de personnes qui ont fait certaines études supérieures.

      2. Analphabétisme

L'analphabétisme est devenu une question très préoccupante au Canada en 1987, car il a été révélé qu'environ cinq millions de Canadiens étaient des analphabètes fonctionnels, c'est-à-dire qu'ils ne savaient pas assez bien lire et compter pour s'acquitter de tâches courantes(28).

Au cours des années 80, le taux de chômage chez les travailleurs canadiens ayant moins que les neuf années d'études jugées nécessaires à l'alphabétisation fonctionnelle a augmenté régulièrement; en 1990, il était une fois et demie plus élevé. Une alphabétisation médiocre est liée au chômage et à des difficultés accrues dans la recherche d'emplois, et elle fait obstacle au recyclage.

Le problème de l'analphabétisme est complexe et il est difficile d'en mesurer l'ampleur dans la société. En 1992, le Conseil économique du Canada a signalé que près du quart des jeunes Canadiens étaient des analphabètes fonctionnels et que, si aucun changement n'était apporté, un million de jeunes de plus souffrant de ce handicap quitteraient l'école pour le marché du travail d'ici à l'an 2000(29). Le Conseil a lancé un cri d'alarme : le problème menaçait la compétitivité du Canada sur les marchés internationaux.

Les gouvernements provinciaux ont pris des mesures pour cerner les problèmes d'alphabétisation et améliorer leurs systèmes scolaires. Avec la coopération des provinces, le CMEC a travaillé à l'élaboration d'indicateurs et de normes de rendement pour le Canada en matière d'éducation. Dans le cadre d'un programme national, le Programme d'indicateurs du rendement scolaire, les compétences en lecture et en écriture des jeunes de 13 à 16 ans seront évaluées en 1994. Les mathématiques et les sciences sont d'autres aspects importants de l'éducation.

      3. Formation en mathématiques et en sciences

Certaines indications permettent de croire que les écoles canadiennes n'assurent pas un enseignement adéquat des mathématiques et des sciences, qui sont des éléments vitaux de la formation. Selon un sondage effectué en 1990 sur les connaissances scientifiques, la plupart des Canadiens adultes ont peu de notions de sciences(30). Le fait que le Canada compte moins d'ingénieurs, en proportion de sa population, que les États-Unis et le Japon témoigne peut-être du peu d'importance que le Canada a accordé à l'enseignement des sciences.

Une étude de 1991 a montré que près de 40 p. 100 des Canadiens adultes étaient incapables de résoudre des problèmes mathématiques ou de suivre des instructions écrites complexes. Ces lacunes sont inquiétantes. Pour que les Canadiens puissent s'adapter aux nouvelles exigences du marché et faire face à la concurrence internationale, il leur faudra être capables d'appliquer des principes scientifiques et mathématiques au travail et de se sentir à l'aise dans un environnement technologique(31).

Dans les comparaisons internationales des résultats des jeunes en sciences et en mathématiques, les jeunes Canadiens de 10 ans se comparent favorablement avec les jeunes de la plupart des autres pays industrialisés; à la fin du secondaire, par contre, ils ont pris du retard(32).

Deux évaluations internationales faites en 1991 sur les progrès accomplis dans l'enseignement ont révélé que, à l'âge de 13 ans, les élèves canadiens se classaient seulement au neuvième rang, parmi 15 pays, pour les mathématiques, même si les dépenses du Canada en éducation sont relativement élevées. Un test national de mathématiques, en 1993, a confirmé que, même s'il y a des écarts entre les provinces, les élèves canadiens n'avaient dans l'ensemble que des résultats moyens.

Les études semblent indiquer que la cause fondamentale de ce classement médiocre est le manque d'enseignants spécialisés : seulement 31 p. 100 des écoles canadiennes avaient des enseignants spécialisés en mathématiques. De plus, le Canada n'arrive qu'au 14e rang pour le pourcentage des écoles ayant des enseignants qui se consacrent à temps plein ou presque à l'enseignement des sciences(33).

Il faut accorder plus d'attention à ces disciplines et aux compétences et aptitudes des enseignants en sciences et en mathématiques. Un enseignement de qualité dans les premières années encourage l'étude de ces sujets pendant toute la durée de la fréquentation scolaire. Au Japon, où les élèves du primaire ont généralement de bons résultats dans ces disciplines, les enseignants sont recrutés parmi les diplômés des universités qui ont bien réussi dans ces disciplines.

Dans les universités canadiennes, il semble qu'un financement insuffisant soit une cause qui explique en partie la médiocrité des résultats en sciences. Les témoignages recueillis en 1991 par la Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada ont fait ressortir que le manque de ressources pour acquérir du matériel moderne et donner des cours en laboratoire était un grave obstacle à la préparation des élèves pour le marché du travail(34).

On s'inquiète de plus en plus au Canada de la qualité de la formation en mathématiques et en sciences, mais il y a également des lacunes dans l'enseignement sur la société canadienne, son histoire et son évolution.

      4. Études canadiennes

L'éducation, c'est plus que la préparation au marché du travail et un moyen d'atteindre des objectifs économiques. Au Canada, comme dans tout autre pays, certaines notions de l'histoire nationale, de la géographie, de la culture et des aspects sociaux sont considérées comme nécessaires à la formation de bons citoyens, à la promotion de l'unité nationale, à l'épanouissement personnel et à la compréhension de la société et des autres. La Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada a fait observer que la conscience historique est l'un des objectifs reconnus de l'enseignement supérieur. Beaucoup d'étudiants obtiennent cependant leur diplôme universitaire en ne connaissant que fort peu l'histoire et les sciences sociales.

Il semblerait que les cours sur l'histoire et le gouvernement du Canada ne soient abordés que superficiellement et de manière différente d'une région à l'autre, et que, souvent, les enseignants en études sociales n'aient pas les compétences pour enseigner cette matière(35).

Il ne semble pas non plus que ces sujets ou le domaine de l'éducation aient droit à beaucoup plus d'attention dans les établissements de haut savoir. Dans les universités canadiennes, les deux seuls domaines d'études de premier cycle où on a accusé une diminution relative de la clientèle entre 1970 et 1985 sont l'éducation et les sciences humaines(36).

L'Association canadienne des professeurs d'université (ACPU) a signalé qu'il ne fallait pas sous-estimer l'importance des sciences humaines. Faisant remarquer que ces disciplines, qui nous aident à interpréter les conséquences sociales et culturelles du progrès technologique, ont été longtemps le parent pauvre, en matière de financement fédéral, l'Association a demandé que la situation soit rectifiée. « Nous devons aussi nous connaître nous-mêmes — notre histoire, notre littérature, notre philosophie — si nous voulons avoir la confiance en soi nécessaire pour livrer concurrence comme partenaire égal dans l'économie mondiale »(37).

      5. Éducation planétaire

L'OCDE a déclaré que l'« internationalisation », processus d'intégration d'une dimension internationale dans les fonctions des universités, devait être le nouveau mot d'ordre en éducation supérieure. Ce processus exige, entre autres, des modifications des programmes d'études pour faire place à des expériences et sources de connaissances d'autres pays et donner aux étudiants la possibilité de devenir des « citoyens de la planète ». Depuis quelques années, des universités canadiennes déploient des efforts en ce sens(38).

   C. Financement

Le gros des dépenses en éducation se fait aux niveaux primaire et secondaire, et les gouvernements provinciaux sont la principale source directe de financement. La majeure partie de la participation fédérale au financement de l'enseignement postsecondaire vient du FPÉ, qui prévoit le transfert inconditionnel de fonds aux provinces et aux territoires. En 1990-1991, un blocage de cinq ans des paiements de transfert par habitant est entré en vigueur, ce qui a entraîné cette année-là une diminution de 7,7 p. 100 des transferts de fonds. En fait, le gouvernement fédéral a réduit son engagement financier à l'égard de l'enseignement postsecondaire(39).

En 1991, le Canada a consacré 7,4 p. 100 de son PIB à l'éducation, si on tient compte de l'apport de tous les ordres de gouvernement, alors que la moyenne pour les pays de l'OCDE est de 6,1 p. 100. Des comparaisons antérieures à l'échelle internationale avaient indiqué que le niveau de financement de l'éducation au Canada était l'un des plus élevés du monde, mais un rapport du Conseil économique du Canada, en 1992, dit qu'il faudrait revoir cette perception du Canada comme pays qui dépense sans compter pour l'éducation :

Les dépenses par élève, exprimées en fonction du PIB, sont élevées mais non exceptionnelles, selon les critères internationaux. Le Canada dépense plus au titre de l'éducation que l'Allemagne et le Japon, mais moins que beaucoup d'autres pays(40).

Évaluées de cette manière, les dépenses du Canada se situent à peu près dans la moyenne des 16 pays étudiés. Ces dernières années, le Canada a compté de plus en plus sur la participation des autorités locales et sur les droits de scolarité(41).

Certains experts estiment que le rôle du gouvernement fédéral est la question la plus cruciale pour l'avenir de l'éducation au Canada. On craint qu'une diminution graduelle du Financement des programmes établis ne marque un tournant et que les autorités fédérales ne réduisent leur soutien pour l'éducation supérieure et la recherche en général.

L'ACPU, entre autres, a exprimé la crainte que le système d'enseignement postsecondaire ne soit sous-financé au Canada, le niveau actuel des dépenses ne suffisant pas à prévenir la dégradation des installations et des normes des universités. On déplore par exemple que, dans certaines universités, les classes soient bondées, le matériel en mauvais état et le rapport professeur-étudiants inacceptable. De plus, l'augmentation des coûts de scolarité et d'autres frais pour les étudiants menace l'accès aux études supérieures(42).

Le régime actuel de subventions fédérales inconditionnelles, bien qu'il respecte les principes de la Constitution, a été critiqué par au moins un expert, qui estime que ses objectifs sont flous et qu'il est inefficace. « Les subventions fédérales prévues par le régime de Financement des programmes établis (FPÉ) ne servent aucun objectif discernable, ce que montrent d'ailleurs des mesures successives pour hâter leur disparition »(43). Cet auteur avance que si, comme il semble, la politique à long terme du gouvernement fédéral équivaut à une dégradation progressive du soutien financier de l'enseignement postsecondaire par le FPÉ, les autorités fédérales devraient se concentrer sur le financement de la recherche dans les établissements d'enseignement postsecondaire et la promotion de liens entre les universités et l'industrie afin d'améliorer la compétitivité du Canada à l'échelle internationale(44). Il est toutefois difficile de concevoir comment pareille politique pourrait soutenir les disciplines actuelles et comment l'enseignement supérieur pourrait prospérer au Canada sans un soutien financier substantiel de la part du gouvernement fédéral.

STRATÉGIES POUR L'AVENIR

Même si le Canada s'est donné des normes élevées en matière d'enseignement, avec une excellente accessibilité et un soutien financier de l'État qui compte parmi les plus généreux au monde, on craint qu'une dégradation ne se soit amorcée — financement, accessibilité, qualité — à un moment où la concurrence à l'échelle internationale s'intensifie. Il est donc urgent de fixer des objectifs importants et d'élaborer des stratégies nationales.

Faut-il voir l'enseignement comme une industrie qui produit des diplômés, des candidats aux emplois dans les professions libérales, les affaires et l'industrie? Dans l'affirmative, les normes d'excellence qui s'imposent pourront se rajuster au gré des forces du marché. Par contre, l'éducation a peut-être aussi pour objectifs l'acquisition de connaissances plus générales, la formation de la pensée critique, la préparation de bons citoyens, la compréhension des cultures, de l'histoire, des valeurs morales, et l'exploitation du potentiel artistique et créatif. Au Canada, cette conception plus large a généralement été acceptée par le passé, avec des modulations variables. Ces objectifs rendent beaucoup plus difficile la mesure de la qualité, mais encouragent aussi l'acquisition de types différents de compétence pour relever les défis de l'avenir, qu'ils soient économiques, sociaux, scientifiques ou culturels.

Les systèmes d'enseignement du Canada sont continuellement soumis à des réévaluations, des examens, des critiques. Selon certaines études, il faut accorder plus d'importance à la formation des enseignants. La Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada a recommandé en 1991 que plus d'attention et de respect soient accordés aux facultés d'éducation des universités canadiennes.

La qualité, le processus et le financement de l'éducation sont des questions vitales qui continueront de faire l'objet de remises en question à divers niveaux. On ne peut exagérer la nécessité de trouver, d'appliquer et de financer les stratégies les mieux adaptées. L'historien Desmond Morton a rappelé aux Canadiens que, même en cette période de difficultés économiques généralisées, il subsistait « un fondement de la prospérité dont la négligence ou la remise en état, la dégradation ou le renforcement étaient tout à fait de notre ressort : la préparation d'intelligences formées et éduquées »(45).

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ANNEXE

 

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(1) Canada, Secrétariat d'État du Canada, Profil de l'enseignement supérieur au Canada, ministre des Approvisionnements et Services, édition de 1991, p. 25.

(2) Conseil économique du Canada, Deuxième exposé annuel — Vers une croissance économique équilibrée et soutenue, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1965.

(3) David M. Cameron, « Le cadre de gestion et de financement de l'enseignement postsecondaire au Canada », Les documents de travail du colloque, Colloque national sur l'enseignement postsecondaire, 1987, Halifax, Institut de recherches politiques, 1988, p. 19; et David M. Cameron, More than an Academic Question: Universities Government and Public Policy in Canada, Halifax, Institut de recherches politiques, 1991, p. 60.

(4) Canada, Développement des ressources humaines Canada, Profil de l'enseignement supérieur au Canada, ministre des Approvisionnements et Services, édition de 1993, p. 27; voir le graphique 7.1, en annexe.

(5) Groupe Communication Canada, Rapport de recherche, 1992, p. 109.

(6) Voir par exemple Cameron (1991), p. 438, et Cameron (1988), p. 8-11.

(7) Statistique Canada, L'emploi et le revenu en perspective, no de catalogue 75-001F, automne 1992, p. 59-60, et printemps 1993, p. 14-15.

(8) Statistique Canada, L'éducation au Canada, revue statistique pour 1990-1991, no de catalogue 81-229, Ottawa, 1992, p. 15.

(9) Profil de l'enseignement supérieur au Canada (édition de 1991), p. 26; Profil de l'enseignement postsecondaire au Canada (édition de 1993), p. 24.

(10) Forum économique mondial, The World Competitiveness Report, 1992.

(11) Centre canadien de recherche en politiques de rechange, Canada's Education Crisis, Ottawa, 1993, p. 3.

(12) Affaires universitaires, octobre 1993, p. 21.

(13) Cameron (1991), p. 122 et 438.

(14) Statistique Canada, Le quotidien, no de catalogue 11-001F, 19 janvier 1993, p. 2, et 16 novembre 1993, p. 1.

(15) « The Underfunding of Student Financial Assistance », Canada's Education Crisis (1993), p. 31-32.

(16) « Looking for a Better System », Affaires universitaires, mai 1994, p. 14.

(17) Tim Sale, Le financement de l'éducation postsecondaire au Canada : comment sortir du dilemme?, document de travail no 28, Conseil économique du Canada, 1992, p. 44.

(18) « Inventing our Future: An Action Plan for Canada's Prosperity », Journal de l'Association canadienne de la formation professionnelle, automne 1992, p. 9-13, p. 13.

(19) Alexander D. Gregor et Gilles Jasmin (éd.), L'enseignement supérieur au Canada, Secrétariat d'État, 1992, p. 56.

(20) R.S. Gall, dans Leonard L. Stewin et Stewart J.H, McCann, Contemporary Educational Issues: The Canadian Mosaic, Toronto, Copp Clark Pitman, 1993, p. 303.

(21) Conseil économique du Canada, Les chemins de la compétence - Éducation et formation professionnelle au Canada, 1992, p. 9.

(22) « Measuring Results in the Schools », The Globe and Mail (Toronto), 4 janvier 1993, d'après les données du Conseil économique du Canada sur les écoles de langue anglaise à l'extérieur du Québec.

(23) Conseil économique du Canada (1992), p. 9.

(24) Mary Sue Devereaux (éd)., Après l'école, rédigé pour Ressources humaines et Travail Canada, ministre des Approvisionnements et Services, 1993, p. 1 et 9.

(25) Campbell Goodell Consultants Limited, A National Survey on the High School Dropout Situation, rédigé pour Emploi et immigration Canada, 1990, p. 5-6.

(26) Devereaux (1993), p. 5 et 39.

(27) Eric Beauchesne, « Highschool Dropouts Cost Canada, and Themselves, Big Bucks: Report », The Gazette (Montréal), 12 mai 1992.

(28) Peter Calamai, « Broken Words: Why Five Million Canadians Are Illiterate », sondage spécial de Southam, McLaren Morris et Todd Limited, Toronto, 1987.

(29) Conseil économique du Canada (1992), p. 8-9.

(30) « Science Survey - Scores Low, Interest High », Affaires universitaires, avril 1990, compte rendu d'un sondage réalisé par Edna Einsedel, Université de Calgary.

(31) Canada, Secrétariat de la prospérité, Bien apprendre, bien vivre, ministre des Approvisionnements et Services, Ottawa, 1991, p. vii.

(32) Conseil économique du Canada (1992), p. 8.

(33) « Canada Fails to Make Grade », Chronicle-Herald (Halifax), 8 avril 1992.

(34) Commission d'enquête sur l'enseignement universitaire au Canada, Rapport, Ottawa, Association des universités et collèges du Canada, 1991, p. 78-79.

(35) Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Procès-verbaux, 17 mars 1992, p. 49 et 19 mai 1992, p. A-19.

(36) Secrétariat du Colloque national, « Profil statistique de l'enseignement supérieur au Canada », Les documents de travail du colloque, 1987, Halifax, Institut de recherches politiques, 1988.

(37) Canada, Chambre des communes. Comité permanent du Secrétariat d'État, Procès-verbaux et témoignages, mémoire de l'ACPU, février 1988, p. 7.

(38) Tim Lougheed et Ania Wasilewski, « The New Internationalism », Affaires universitaires, mars 1994, p. 6.

(39) Canada's Education Crisis (1993), p. 1-2.

(40) Conseil économique du Canada (1992), p. 43 et 87.

(41) Statistique Canada, L'éducation au Canada...(1992), p. 227 et 232; Statistique Canada, Statistiques financières de l'éducation, 1988-1989, no de catalogue 81-208, Ottawa, 1993, p. 21.

(42) Rick Martin, « Campus Controversy: Students Have Had Enough », Globe and Mail (Toronto), 19 janvier 1993 et Andrea Hobden, « How Can Canadians Compete Globally If Our Barriers to Education Continue? », Toronto Star, 1er novembre 1993.

(43) Cameron (1991), p. 438 (traduction).

(44) Douglas Brown, Pierre Cazalis et Gilles Jasmin (éd.), Higher Education in Federal Systems, Kingston, Institute of Governmental Relations, 1992, p. 60, et Canada, Comité sénatorial permanent des finances nationales, rapport, La politique fédérale en matière d'enseignement, ministre des Approvisionnements et Services, Ottawa, 1987.

(45) Desmond Morton, « The Role of Universities in Economic Renewal » Canadian Speeches: Issues of the Day , mars 1994, p. 60-63, p. 63 (traduction).