BP-390F

 

LE TRANSPORT AU CANADA :
EXAMEN DE DIVERSES QUESTIONS

 

Rédaction  John Christopher
Division des sciences et de la technologie
Septembre 1994


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

AIR: NOUVELLES ENTENTES BILATÉRALES

RAIL

   A. Projet de fusion des chemins de fer du CN et du CP dans l'est du Canada

   B. La Loi sur le transport du grain de l'Ouest

   C. L'avenir de VIA Rail

   D. Trains de voyageurs à grande vitesse

      1. Le corridor Québec-Windsor

      2. Liaison ferroviaire rapide entre Vancouver et Seattle

ROUTES: PROGRAMME NATIONAL D'INFRASTRUCTURE

QUESTIONS MARITIMES

   A. La Garde côtière canadienne (GCC)

      1. Généralités

      2. Retrait du personnel des phares

   B. La Jones Act

 


LE TRANSPORT AU CANADA :
EXAMEN DE DIVERSES QUESTIONS

 

INTRODUCTION

Depuis l'aménagement du chemin de fer transcontinental dans les années 1870, le transport a joué un rôle symbolique et tangible dans le développement du Canada. Dès le tout début, le pays a dû surmonter de nombreux obstacles dont des obstacles d'ordre géographique, qui n'étaient pas des moindres. À mesure qu'ils édifiaient leur pays, les Canadiens ont, pour lier les collectivités, établi des réseaux routiers, ferroviaires et aériens au travers et au-dessus de l'un des territoires les plus rudes au monde; en même temps, ils ont mis sur pied une infrastructure portuaire et maritime afin de permettre à leurs produits d'atteindre les marchés mondiaux. En relevant les défis que lui posaient sa géographie et le commerce international, le Canada est donc devenu un chef de file mondial en matière de transport.

Toutefois, en raison de l'apparition d'un nouvel environnement dans le monde des transports et celui de l'économie (l'ALÉNA et le GATT) et de l'évolution des besoins des expéditeurs, la menace que la concurrence fait planer sur l'industrie canadienne du transport s'est accrue de façon vertigineuse. Bien que les divers secteurs de l'industrie jouissent tous d'une excellente réputation tant pour ce qui est de la qualité que de la valeur, ils ont, pour la plupart, poursuivi leurs intérêts indépendamment les uns des autres, ce qui a produit un système national de transport fragmenté et moins efficace qu'il pourrait l'être.

Les principaux secteurs de l'industrie n'ont pas cessé de réclamer plus de collaboration et plus d'intégration afin de créer un système coordonné, compétitif et fiable, capable de promouvoir et de rehausser collectivement la qualité et l'efficacité de l'ensemble.

Outre la question cruciale de la mise au point d'un cadre d'action, il faut aborder certaines autres questions, à savoir l'ouverture des espaces aériens, la récupération des coûts, le projet de fusion de CN Rail et de CP Rail dans l'est du Canada, l'avenir de VIA Rail, la Garde côtière canadienne, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, les trains de voyageurs à grande vitesse, le programme national d'infrastructure autoroutière et les incidences de la modification de la Jones Act.

AIR: NOUVELLES ENTENTES BILATÉRALES

Depuis 1949, les services aériens transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis sont régis par des ententes bilatérales touchant le transport des voyageurs et des marchandises. À la suite des pressions exercées dans les deux pays en vue de la signature d'une nouvelle entente qui assurerait des services aériens transfrontaliers plus étendus et plus compétitifs, le Canada et les États-Unis ont commencé, en avril 1991, à négocier une nouvelle entente aérienne bilatérale. Ces négociations sont dites «à ciel ouvert» parce qu'elles tendent à «ouvrir» l'espace aérien à un plus grand nombre de vols vers des destinations plus nombreuses. Un comité spécial de la Chambre des communes a étudié la question en 1990 et établi trois options de négociation: la libéralisation, l'ouverture des espaces aériens et l'ouverture de ces espaces avec cabotage.

La libéralisation obligerait les deux pays à modifier l'entente aérienne pour la rendre plus moderne, davantage axée sur la concurrence, plus souple et susceptible d'être élargie. Cela entraînerait l'échange de liaisons entre des villes jumelées et pourrait bien comprendre le maintien de la réglementation et la mise au point d'un processus officiel par lequel les deux pays désigneraient aux transporteurs les routes précises qu'ils peuvent exploiter. Soit dit plus simplement, la libéralisation signifierait la négociation d'un régime de liaisons très semblable à celui qui existe maintenant.

En vertu de la deuxième option, soit l'ouverture des espaces aériens, toute société aérienne canadienne ou américaine pourrait, si l'autorité aéronautique dont elle relève l'en estime capable, offrir à tout moment des services sur quelque liaison transfrontalière que ce soit. Cette politique entraînerait à toute fin utile la déréglementation du marché transfrontalier et déboucherait sur un régime dépendant du marché.

La troisième option est celle du ciel ouvert avec cabotage. Le cabotage, parfois qualifié de septième ciel, est la liberté que possède une société aérienne d'effectuer du trafic intérieur dans un pays étranger. Par exemple, Air Canada aurait un droit de cabotage si l'un de ses appareils faisant escale à Chicago à destination de Los Angeles avait le privilège de faire monter des voyageurs à Chicago pour les amener à Los Angeles. Cela signifierait la concurrence intégrale et illimitée des transporteurs des deux pays, dans les deux pays.

Depuis le début des négociations, l'une des priorités majeures du Canada a été d'obtenir que pendant un laps de temps pouvant atteindre quelques années, ses sociétés aériennes puissent graduellement avoir accès à certaines routes reliant de grandes villes canadiennes et des destinations américaines avant que tout transporteur américain n'ait accès aux mêmes routes. Les Canadiens réclament une période de transition plus longue que ne le veulent les Américains. Une autre priorité du Canada consiste à obtenir un accès garanti (comprenant des plages horaires et des barrières favorables) à de grandes plaques-tournantes américaines comme New York et Chicago, que contrôlent actuellement les transporteurs américains. Étant donné qu'aux États-Unis, tous les aéroports relèvent d'une autorité locale, le gouvernement américain dit ne pas pouvoir imposer une garantie d'accès. Enfin, les Canadiens souhaitent un mécanisme semblable à celui que prévoit l'Accord de libre-échange, en vue de régler les différends entre les deux pays en matière de transport aérien. Pour l'instant, les négociations sont suspendues jusqu'à ce que, à Washington, le gouvernement Clinton nomme un nouveau négociateur pour les États-Unis.

Ainsi que nous l'avons mentionné, un comité spécial de la Chambre des communes a étudié, à l'automne de 1990, des propositions visant la conclusion d'un accord Canada-États-Unis en matière de transport aérien, dans le but de fournir au gouvernement des objectifs généraux et des principes susceptibles d'orienter la mise au point de sa stratégie de négociation. Le comité a tenu des audiences publiques d'un bout à l'autre du Canada et s'est rendu à Washington, afin de sonder l'opinion des collectivités, des provinces, de l'industrie de l'aviation, des syndicats, des milieux des affaires, de l'industrie touristique, des expéditeurs de marchandises et des voyageurs sur cette question. Dans son rapport déposé en janvier 1991, il a réclamé une nouvelle entente sur le transport aérien transfrontalier qui devrait, entre autres, être mise en vigueur de façon progressive, assurer la rentabilité de l'industrie du transport aérien au Canada, garantir aux transporteurs canadiens un accès concurrentiel aux aéroports américains et maintenir les normes de sécurité élevées en vigueur au Canada.

Depuis le début de ces négociations il y a deux ans, l'industrie nord-américaine du transport aérien a connu beaucoup de changements. Aux États-Unis, des transporteurs ont fait faillite, l'endettement des survivants s'est accru et les services ont été regroupés. Au Canada, les deux transporteurs nationaux ont dû affronter des dettes énormes et une baisse importante de leurs revenus. Tant Canadien International qu'Air Canada ont conclu des accords avec des transporteurs américains en matière de participation financière et d'alliance stratégique.

Lorsque le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a commencé à étudier l'ouverture des espaces aériens, en juin 1993, il a entendu le témoignage du principal négociateur aérien du Canada, Daniel Molgat, concernant l'approche transitoire à cette ouverture, l'égalité d'accès aux aéroports pour les deux pays, la création d'un système de règlement des différends semblable à celui de l'Accord de libre-échange et l'amélioration du processus de prédédouanement en matière de biens et d'immigration dans les aéroports canadiens.

Les négociations, entamées en avril 1991, ont donné lieu à au moins douze séances avant d'être interrompues en décembre 1992 en raison surtout de l'élection d'un nouveau Président et, donc, de la formation d'un nouveau gouvernement. Il n'y a pas eu de rencontres officielles en 1993 du fait, principalement, que le nouveau gouvernement a tardé à nommer un négociateur en chef en matière de transport aérien et à mettre au point sa stratégie de négociation. Une commission présidentielle de haut niveau a rapidement examiné l'état de l'industrie du transport aérien aux États-Unis et présenté ses recommandations au Président en août 1993. Ces recommandations prévoient notamment une approche multilatérale, plutôt que bilatérale, pour la conclusion d'ententes éventuelles sur le transport aérien.

La pression monte dans certains milieux (en particulier chez les groupes d'intérêt et les organismes commerciaux et touristiques) pour que les négociations reprennent; au début de l'année, le secrétaire américain aux Transports, Federico Pena, a exprimé lui aussi le désir de voir les négociations recommencer. Les transporteurs aériens du Canada se montrent très prudents à cet égard; à moins d'obtenir les garanties qu'ils réclament, ils ne sont pas très pressés d'entrer dans une ère de ciel ouvert. Dans le cadre d'une étude tripartite sur le transport aérien, le Comité permanent des transports de la Chambre des communes entend se pencher sur l'état des négociations aériennes bilatérales entre le Canada et les États-Unis.

RAIL

   A. Projet de fusion des chemins de fer du CN et du CP dans l'est du Canada

Il y a quelques mois, le CN et le CP ont fait savoir qu'ils étaient en train de mettre au point un plan en vue de fusionner leurs réseaux de transport de marchandises à l'est du Manitoba. Les dirigeants des deux sociétés ont affirmé que les chemins de fer sont en crise et que sans une action énergique, le Canada n'aurait plus de système ferroviaire national viable, compétitif et qui appartienne à des Canadiens. En ce qui concerne leurs activités dans l'est du pays, les deux sociétés ont subi des pertes de deux milliards de dollars ces cinq dernières années à cause de la concurrence que leur livrent le camionnage et les chemins de fer américains, sans parler des effets de la récession. La plupart des produits manufacturés au Canada, qui se prêtent bien au transport par camion, sont fabriqués dans l'est du pays alors que les ressources naturelles comme le blé, le charbon et la potasse, plus propices au transport en vrac par chemin de fer, se trouvent dans l'ouest. Les porte-parole des deux sociétés ont rencontré le ministre pour lui exposer leur projet de fusion tendant à rationaliser le transport ferroviaire dans l'est du Canada. Le ministre leur a ordonné de revenir lui présenter pour étude un plan détaillé.

Après plus de six mois de pourparlers, les négociations se sont rompues en juillet 1994 en raison surtout du fait que chacune des deux sociétés avaient une évaluation des actifs de l'autre très divergente. Tout en refusant de divulguer ses évaluations réelles, le CN indique qu'à son avis ses opérations importantes dans l'est du Canada valent 650 millions de dollars de plus que celles de CP. CP Rail propose maintenant d'acheter les opérations du CN à l'est de Thunder Bay.

Le 22 septembre 1994, le Réseau CP Rail (RCPR) a fait à CN Amérique du Nord et au gouvernement du Canada une offre de 1,4 milliard de dollars, financée par le Canadien Pacifique à même ses ressources existantes, en vue de conclure une entente de principe touchant l'achat des opérations ferroviaires du CN à l'est de Winnipeg et de Chicago. En vertu de cette entente, le CN conserverait sa propre liaison ferroviaire entre Winnipeg et Thunder Bay et pourrait maintenir sa concurrence dans le trafic ferroviaire de l'est du Canada grâce à une disposition lui accordant un accès spécial.

Le projet du RCPR comprend non seulement l'acquisition des installations fixes du CN mais encore celle d'une fraction pertinente de son parc de locomotives, de wagons de marchandises et de conteneurs intermodaux. L'offre ne concerne que les entreprises ferroviaires du CN et non celles des Immeubles CN ou de la Tour du CN, à Toronto. L'offre d'achat du RCPR, d'une durée de 90 jours, doit recevoir l'approbation du gouvernement et faire l'objet d'un examen de concertation. Le RCPR demande au gouvernement d'accélérer le processus d'examen des instances canadiennes afin de permettre le transfert des éléments d'actif, l'aménagement des lignes de jonction et l'abandon éventuel des biens excédentaires, et de déterminer les unités nécessaires à la négociation des contrats de travail. L'offre prévoit la négociation d'ententes définitives, que les conseils d'administration du CN et du CP devront approuver, et fixe la date d'achat au 1er janvier 1996.

En vertu de la proposition, le RCPR offrirait de prendre à son service tous les employés du CN qui seraient à l'oeuvre au moment de la signature des ententes. Les employés syndiqués seraient intégrés conformément aux dispositions du Code canadien du travail et à celles de leurs conventions collectives. Les listes d'ancienneté seraient fusionnées et de nouvelles ententes collectives seraient négociées en fonction des règlements de travail différents du RCPR. Les employés du CN intégrés au RCPR conserveraient leur traitement, leurs avantages sociaux et leurs indemnités de retraite.

Le nombre d'emplois serait graduellement réduit au cours d'une période de trois ou quatre ans et le RCPR assumerait le coût des indemnisations. En l'an 2000, le nombre total d'employés dans l'est du Canada pourrait atteindre 16 500 personnes, soit une diminution de 2 500 postes en regard des prévisions pour la fin de 1995. Le RCPR se chargerait des prestations de sécurité d'emploi versées aux employés du CN travaillant dans l'est et mis à pied avant l'acquisition.

L'offre d'achat du RCPR comporte une entente spéciale renouvelable sur 20 ans, qui garantit l'accès au CN dans l'est du Canada. Cette offre continuerait de permettre aux expéditeurs de marchandises transportées d'est en ouest au Canada d'avoir le choix entre des solutions ferroviaires concurrentielles. L'entente, dont les détails restent à négocier, ressemble aux formules de transport très répandues aux États-Unis, mais elle est sans précédent du point de vue de son ampleur et de son ouverture sur le marché.

Plus précisément, l'accès au marché s'appliquerait à tout le trafic du CN entre l'ouest du Canada et un rayon de 30 kilomètres autour de Toronto et de Montréal. Le CN pourrait continuer à livrer concurrence au RCPR pour le transport, vers l'ouest du Canada, des automobiles fabriquées à Oshawa et à Oakville et à faire des interconnexions avec les lignes du RCPR et d'autres sociétés ferroviaires à Toronto et à Montréal.

En vertu de cette entente, le RCPR fournirait au CN tous les services normalement associés au trafic ferroviaire, notamment le transport de ligne, les manoeuvres d'expédition aux embranchements, les déplacements de wagons vides et les services interréseaux. Le CN fournirait les wagons et pourrait commercialiser ses propres services et en fixer le prix. Les expéditeurs et les destinataires de l'est du Canada auraient ainsi un accès concurrentiel aux deux chemins de fer.

Le tarif imposé par le RCPR serait négocié avec le CN sur la base du coût moyen actuel du trafic. Les deux chemins de fer établiraient les critères de service obligatoires pour les diverses formes de trafic. L'entente permettrait aussi au CN d'offrir à ses clients des services particuliers comme les trains de transport d'un seul produit et les services multimodaux.

Les conditions de la garantie d'accès proposée, notamment le niveau du tarif, feraient l'objet d'une révision tous les cinq ans. Si la fusion des opérations et l'augmentation du volume du trafic entraînaient une baisse générale des coûts, le tarif du transport serait réduit en conséquence. Tout différend se réglerait par l'arbitrage.

Certains, dont le ministre des Transports, se demandent si les chemins de fer ne devraient pas recourir aussi à cette solution pour leurs activités à l'ouest de Winnipeg. De toute évidence, le maintien d'une seule ligne ferroviaire dans l'est du Canada aurait des répercussions sur le réseau tout entier des deux sociétés en ce qui concerne l'établissement des horaires, des itinéraires et du tarif pour le transport des marchandises. Y aurait-il suffisamment de trafic dans l'ouest du pays pour assurer la rentabilité des deux chemins de fer? Par exemple, si le transport du grain vers les États-Unis continue à s'intensifier, sera-t-il effectué par train ou par camion? Sur de courtes distances, le camionnage pourrait devenir une solution plus alléchante. D'autre part, si la Loi sur le transport du grain de l'Ouest est modifiée et que la subvention soit dorénavant versée aux producteurs plutôt que directement aux chemins de fer, comme maintenant, les producteurs pourraient être en meilleure position pour négocier avec les camionneurs une baisse de tarif sur de courtes distances (voir ci-dessous).

Il se peut en outre qu'en raison de l'ALÉNA, un plus grand nombre de produits soient transportés dans l'axe nord-sud sur de courtes distances, vers des destinations américaines à proximité de la frontière. Tous ces facteurs pourraient faire en sorte que d'ici quelques années, les chemins de fer perdent une partie de leur clientèle. Il faut également tenir compte des répercussions qu'auraient sur le port de Vancouver la réorientation et la baisse du trafic (surtout celui du grain). En raison de l'augmentation du trafic dans l'axe nord-sud, le volume des céréales et des matières premières provenant de l'ouest du pays à destination du port pourrait diminuer. Si le transport du grain par camion augmente vers le sud, son transport par chemin de fer à destination de Vancouver pourrait aussi baisser. Le port de Vancouver pourrait se ressentir gravement de ces modifications, et il faudra envisager sérieusement ces effets au moment de prendre les décisions touchant la fusion ferroviaire dans l'ouest du Canada et la modification de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

   B. La Loi sur le transport du grain de l'Ouest

Le transport du grain par chemin de fer à destination des lieux d'exportation est sans doute la forme de transport la plus réglementée au Canada. Depuis l'adoption de la Loi sur le Pas du Nid-de-Corbeau en 1897, le gouvernement réglemente et contrôle le tarif du grain. Dans les années 70, un écart profond s'était creusé entre le tarif réglementé et le coût réel du transport du grain. Les sociétés ferroviaires devaient assumer de lourdes pertes, et la situation devenait critique.

Le gouvernement a donc adopté en 1983 la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Le tarif marchandises a continué à être réglementé, et la Loi prévoit une subvention annuelle aux chemins de fer, fondée sur la différence entre le prix payé par le producteur en 1982 pour faire transporter son grain et le coût réel du transport du grain cette année-là. Cette subvention, de l'ordre de 720 millions de dollars actuellement, est dite «du Nid-de-Corbeau». Pour la campagne 1992-1993, le tarif marchandises a atteint au total 32,12 $ la tonne, dont 11,98 $ payés par le producteur, tandis que la part du gouvernement s'est élevée à 20,14 $. Selon la formule prévue dans la Loi pour fixer le tarif, la part du gouvernement demeure stable même si le coût et le volume du transport du grain augmentent, mais elle est indexée sur l'inflation. Par conséquent, les céréaliers assument une proportion croissante du tarif annuel du transport du grain.

Il reste à savoir si la subvention doit être maintenue; en période de contraintes financières, il convient de se demander si le gouvernement en a les moyens. L'ombre des subventions «à l'exportation» plane aussi sur ce problème, car il faut savoir si la «subvention du Nid-de-Corbeau» serait admissible en vertu des nouvelles dispositions du GATT. Si le gouvernement versait la subvention aux producteurs plutôt qu'aux chemins de fer, l'efficacité de la totalité du système de manutention et de transport du grain en serait accrue, l'élevage se trouverait sensiblement amélioré dans l'ouest du pays et les efforts de diversification de l'économie de l'Ouest seraient favorisés sans que l'ensemble de la production céréalière soit gravement touchée.

   C. L'avenir de VIA Rail

Depuis janvier 1990, lorsque VIA Rail a réduit son réseau de moitié, ses subventions ont beaucoup diminué, mais ses services ont été améliorés tant dans le corridor Québec-Windsor que sur la ligne transcontinentale. Toutefois, il semble que ce financement ne puisse pas continuer à baisser sans que les services ne subissent de compressions majeures. À l'inverse, VIA Rail ne peut offrir de meilleurs services sans hausse de subvention. À l'heure actuelle, le gouvernement envisage la possibilité de réduire les très fortes subventions qu'il accorde pour les services de VIA Rail dans les régions éloignées. Il n'est absolument pas envisageable que VIA puisse faire suffisamment d'argent pour payer elle-même le nouveau matériel et les nouvelles locomotives dont elle aura besoin d'ici la fin de la décennie; il s'agit donc de savoir si le gouvernement est prêt à en assumer le coût.

Vu que les subventions qu'il reçoit ont considérablement diminué l'année dernière, VIA étudie l'avenir de certains de ses services. L'aide fédérale à VIA doit passer de 331 à 281 millions de dollars en 1995-1996, puis à 233 millions de dollars les années suivantes. Devant cette situation, VIA s'apprête, d'après ce qu'en disent les médias ces derniers temps, à supprimer jusqu'à huit lignes de voyageurs d'un bout à l'autre du Canada. Il a été question des liaisons suivantes: Montréal-Saint Jean (N.-B.)-Halifax; Jasper-Prince Rupert; Toronto-Sarnia; Toronto-Niagara Falls; Sudbury-White River; Montréal-Gaspé; Montréal-Jonquière et Winnipeg-Le Pas.

   D. Trains de voyageurs à grande vitesse

      1. Le corridor Québec-Windsor

Ces dernières années, l'idée d'un service ferroviaire à grande vitesse pour le transport de voyageurs dans le corridor Québec-Windsor a été vivement débattue. D'après l'expérience européenne, il n'existe vraiment que deux technologies dans ce domaine. La première est conçue pour une voie électrifiée existante mais améliorée (le train suédois X-2000) et la seconde, pour une voie électrifiée ayant sa propre emprise (le TGV français). Bien que les travaux d'infrastructure coûteraient moins cher pour le X-2000 que pour le TGV, les deux options exigeraient des immobilisations importantes.

D'après les études effectuées au Canada, il est indéniable que, du point de vue technologique, l'implantation d'un TGV dans le corridor est faisable; toutefois, il faudrait que comme en Europe et au Japon, le gouvernement subventionne les travaux d'infrastructure. Le Comité permanent des transports a reconnu, lors de l'étude qu'il a faite de cette question, que pour tout projet de train à grande vitesse, il faudrait l'aide du gouvernement parce que les retombées ne seraient pas suffisantes pour que l'entreprise privée s'y engage seule. Le Comité a recommandé au gouvernement fédéral de ne pas prendre d'engagement financier envers l'aménagement d'un TGV dans l'immédiat dans le corridor Québec-Windsor. À son avis, il faut d'abord faire la preuve que ce projet procurerait au public des avantages socio-économiques considérables (comme la baisse de la pollution atmosphérique causée par les automobiles et les avions, une meilleure consommation d'énergie, le décongestionnement des aéroports et des autoroutes et une réduction sensible des investissements publics dans les infrastructures routière et aéroportuaire). Le Comité a estimé que même à ces conditions, le projet exigerait un acte de foi. Cependant, il a admis que le gouvernement pourrait s'y lancer pour d'autres motifs, comme celui de stimuler l'économie. Rappelons, à cet égard, que la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada a récemment recommandé aux gouvernements, dans son rapport, de n'investir dans l'infrastructure d'un service ferroviaire à grande vitesse que si cela devait procurer au système de transport des voyageurs des avantages supérieurs aux dépenses, et que si les contribuables ne sont pas obligés de payer des subventions au titre de l'exploitation.

Le secteur privé a également entrepris une étude fédérale-provinciale sur le service ferroviaire à grande vitesse, au coût de six millions de dollars, mais le rapport n'est attendu au plus tôt que d'ici la fin de 1994. Le gouvernement fédéral devra alors décider s'il doit engager des fonds pour le démarrage du projet. Entre-temps, AMTRAK doit d'ici quelques mois mettre le X-2000 en service commercial dans le corridor du nord-est des États-Unis (Boston-New York-Washington). Ce projet pilote pourrait avoir des incidences sur le débat entourant le TGV au Canada.

      2. Liaison ferroviaire rapide entre Vancouver et Seattle

La possibilité de la création d'un service ferroviaire à grande vitesse entre Vancouver et Seattle est également à l'étude. Après une interruption de treize ans, le service de voyageurs entre Vancouver et les États-Unis doit reprendre le 1er octobre 1994, première étape d'un projet de TGV américain de 800 millions de dollars dans un corridor de 750 kilomètres vers le sud, jusqu'à Eugene, en Orégon. Avant de débloquer des fonds, le gouvernement américain s'est assuré du maintien d'une vitesse minimum et d'un service constant sur l'ensemble du corridor.

AMTRAK, qui exploitera le service, commencera par utiliser le matériel roulant habituel, à deux niveaux, capable d'atteindre 125 kilomètres/heure, de façon à parcourir la distance entre Vancouver et Seattle en 3 heures et 55 minutes. Son objectif est un TGV qui puisse, dès 1997, atteindre 200 kilomètres/heure, ce qui réduirait le déplacement à 2 heures et 45 minutes. Le billet aller-retour coûterait de 30 à 50 $ US.

Afin de promouvoir ce service, le département des Transports de l'État de Washington a loué pour six mois le TGV espagnol pendulaire «Talgo», train léger de huit wagons pouvant transporter 200 voyageurs (les deux tiers de la capacité d'un Boeing 747). Le train, qui est normalement propulsé à l'électricité par des génératrices placées à la tête et à la queue des wagons, utilisera une locomotive Diesel pendant la période d'essai. Le «Talgo» utilise une nouvelle technologie d'inclinaison où chaque essieu soutient des cylindres pneumatiques verticaux auxquels sont suspendus l'avant et l'arrière des wagons. La carrosserie peut ainsi réagir aux forces centrifuges, c'est-à-dire s'incliner vers l'extérieur dans les virages et reprendre la position verticale sur les tronçons en droite ligne. Sur les voies ferrées anciennes, la vitesse s'en trouve accrue de 20 à 40 p. 100 sans que le confort des voyageurs en soit affecté.

Afin d'atteindre l'objectif de 200 kilomètres/heure sur le tronçon situé entre Vancouver et Eugene, il faudra dépenser quelque 1,8 milliard de dollars pour améliorer la voie et aménager une nouvelle signalisation. On pense que cette somme sera répartie ainsi: l'État de Washington fournirait 800 millions de dollars, l'État de l'Orégon, 450 millions, et la Colombie-Britannique, 50 millions. Au début du projet, Burlington Northern, qui en est partenaire, assumera des dépenses de un à trois millions de dollars US pour améliorer la voie en Colombie-Britannique. La contribution définitive de la province fera l'objet de négociations ultérieures entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington.

ROUTES: PROGRAMME NATIONAL D'INFRASTRUCTURE

En 1991, le Conseil des ministres des transports (qui réunit les ministres fédéral et provinciaux) a lancé une vaste étude sur la politique des grandes routes dans le but d'établir un réseau national de routes à quatre voies d'un bout à l'autre du Canada, de définir les normes minimum de conception et de service et de présenter des options de dépenses. La fourchette des coûts va de 12 milliards de dollars jusqu'à au moins 18 à 20 milliards. L'étude a aussi porté sur les institutions qui participent à l'aménagement routier au Canada et à l'étranger, et sur les mécanismes de financement. La grande question consiste à savoir qui doit payer: l'ensemble des contribuables ou les utilisateurs au moyen d'un impôt direct, d'un péage, ou des deux. Une autre possibilité serait de privatiser l'aménagement et l'exploitation des routes, comme le fait actuellement l'Angleterre pour certaines autoroutes.

Il se dégage de plus en plus un consensus sur la nécessité de refaire l'infrastructure des grandes routes afin que le Canada puisse livrer concurrence non seulement à l'échelle nord-américaine mais dans le contexte de la mondialisation de l'économie. Il est évident que les deux niveaux de gouvernement devront assumer le coût du programme et qu'il faudra fixer la répartition des dépenses. Les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient annoncer sous peu un programme d'infrastructure touchant les grandes routes.

QUESTIONS MARITIMES

   A. La Garde côtière canadienne (GCC)

      1. Généralités

La Garde côtière canadienne est chargée de promouvoir la sécurité, l'efficacité et la rentabilité du transport maritime et de la navigation. Elle est principalement responsable du fonctionnement et de l'entretien des systèmes de navigation maritime, des opérations de brise-glace et de pilotage dans l'Arctique, d'un régime de réglementation maritime, des services de recherche et de sauvetage et des 526 ports et havres publics. Selon le Budget des dépenses 1992-1993, la Garde côtière compte environ 6 000 employés, a un budget de 650 millions de dollars et possède les bâtiments suivants: 80 navires de gros tonnage, 354 bateaux affectés au travail côtier et au sauvetage, 35 hélicoptères, 3 aéroglisseurs et un avion à géométrie fixe. Les niveaux de récupération du coût de ces services sont très faibles.

La GCC a eu pour défi de réduire ses dépenses et d'accroître l'efficacité de ses activités malgré la diminution de ses ressources. La majeure partie de ses dépenses d'exploitation et d'immobilisation concernent sa flotte. La GCC met actuellement en oeuvre un plan trisannuel de restructuration majeure de sa flotte en vue de réduire la taille des équipages, de mettre des navires hors service et de redéployer les autres tout en portant son efficacité au maximum.

      2. Retrait du personnel des phares

En ce qui concerne la Garde côtière, une question demeure préoccupante pour la côte ouest: celle du retrait du personnel des phares, amorcé vers la fin des années 70 et le début des années 80 dans le cadre du programme de compression des dépenses. Au début, le retrait du personnel s'effectuait au moyen de l'attrition et de la mise à la retraite; toutefois, vers le milieu des années 80, le ministère des Transports a commencé à procéder activement à ce retrait, partout au Canada, dans le cadre du programme d'automatisation des phares.

Entre 1970 et 1985, les 264 phares ont tous été automatisés, certains à l'aide de la télésurveillance dont le matériel a nécessité des immobilisations de 15 millions de dollars; 57 phares ont été privés de leur personnel à mesure que l'«occasion» s'en présentait, comme lors du départ à la retraite d'un gardien.

De 1985 à 1993, la Garde côtière canadienne a entrepris un projet majeur consistant à installer du matériel de télésurveillance et à retirer le personnel d'encore 137 phares, au coût de 17 millions de dollars au titre des immobilisations. Beaucoup de gardiens ont pris leur retraite, mais ceux qui voulaient poursuivre leur carrière ont reçu une autre affectation.

En mars 1992, quand le ministre des Transports a ordonné à la Garde côtière de suspendre le retrait du personnel des phares, le personnel du phare de Sand Heads, en Colombie-Britannique, avait déjà été retiré pour des raisons de sécurité. En janvier 1994, le ministre a approuvé le retrait permanent du personnel de ce phare.

Sur les 70 phares qui ont conservé leur gardien au Canada, 35 se trouvent sur la côte du Pacifique, 32, à Terre-Neuve et trois, dans les Maritimes. Pour les 137 phares dont le personnel a été retiré depuis 1985, les dossiers font état d'économies annuelles de sept millions de dollars au titre de l'exploitation et de l'entretien, soit un montant cumulatif de 32,6 millions de dollars depuis 1985.

Aux États-Unis, 202 phares ont fait l'objet d'un retrait de personnel entre 1968 et 1986; à l'heure actuelle, un seul des 475 phares américains a encore son gardien. La Nouvelle-Zélande a retiré le personnel de ses 42 phares. L'Australie devrait avoir terminé le retrait de son personnel d'ici à 1995, et le Royaume-Uni, d'ici à 1997.

Au Canada, la Garde côtière a entrepris l'examen stratégique et la restructuration de ses programmes d'exploitation au complet, dont le retrait de personnel. La Garde côtière a pour mandat de contribuer à la sécurité du transport maritime tant du point de vue de la navigation que de l'environnement. Diverses préoccupations ont été exprimées dans le public (celui des utilisateurs, notamment les plaisanciers et les sociétés de transport). Le principal souci concerne la baisse éventuelle des services en matière de sécurité, en raison du retrait du personnel des phares, plutôt que la fiabilité des aides à la navigation automatisées. Maintenant que les phares ne sont plus gardés, on se demande qui signalera aux équipes de recherche et de sauvetage les navigateurs en détresse et qui transmettra aux bateaux et aux avions les conditions atmosphériques et de navigation à proximité des phares. Voilà des questions qui sont toutes importantes et dont la Garde côtière devra tenir compte lors de l'examen de son programme d'activités touchant le retrait du personnel des phares.

   B. La Jones Act

En vertu de la Jones Act, toutes les marchandises transportées par voie maritime entre les ports américains doivent l'être dans des bateaux appartenant à des intérêts américains, de fabrication américaine et ayant un équipage américain. Persuadés de pouvoir livrer concurrence dans un marché libre-échangiste nord-américain, les armateurs canadiens ont tenté en vain de mettre la Jones Act au programme des négociations de l'accord entre le Canada et les États-Unis; ils ont de nouveau échoué dans leur tentative lors de la négociation de l'Accord de libre-échange nord-américain. Ils continuent toutefois à plaider en faveur de l'ouverture de l'espace maritime.

Cependant, la Jones Act a procuré au port de Vancouver un avantage important. Dans le but de réserver le commerce intérieur aux bateaux américains, la Loi interdit aux bateaux étrangers de faire plus de deux escales consécutives dans des ports américains. Par exemple, un bateau de croisière qui ferait escale à Seattle ne pourrait pas en faire escale en Alaska. Par conséquent, les bateaux étrangers préfèrent entreprendre leur croisière en Alaska après avoir fait escale à Vancouver, ce qui donne plus ou moins à ce port le monopole sur les croisières en Alaska. Toutefois, Seattle et l'État de Washington exercent de plus en plus de pression pour que la Jones Act soit modifiée de manière à ce que les bateaux étrangers puissent faire plus d'une escale dans des ports américains. Ils seraient alors moins nombreux à s'arrêter à Vancouver, ce qui aurait de graves conséquences économiques pour le port.