BP-398F

RÉACTION HUMANITAIRE AUX CRISES ET
AUX CONFLITS À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE :
DÉFIS ACTUELS

 

Rédaction :
Gerald Schmitz
Division des affaires politiques et sociales
Janvier 1995


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTERVENTION ET RÉACTION HUMANITAIRE
DANS LE CONTEXTE DES ANNÉES 90

OPÉRATIONS HUMANITAIRES D'URGENCE ET DE PAIX:
RECHERCHE ET OPTIMISATION DES SOLUTIONS

   A. Rôle des Nations Unies

   B. Rôle des autres organisations multilatérales

   C. Rôles humanitaires dans l'après-guerre froide: du maintien à la restauration de la paix?

   D. Rôles civils et réactions non militaires en cas de crises humanitaires

POINTS DE VUE CANADIENS SUR L'INTERVENTION HUMANITAIRE


 

RÉACTION HUMANITAIRE AUX CRISES ET
AUX CONFLITS À L'ÉCHELLE INTERNATIONALE:
DÉFIS ACTUELS

 

INTERVENTION ET RÉACTION HUMANITAIRE
DANS LE CONTEXTE DES ANNÉES 90

En matière de relations internationales, réagir aux guerres et aux catastrophes tant naturelles qu'anthropiques n'est certainement rien de nouveau. La mobilisation des efforts internationaux pour secourir les victimes de conflits et pour faire les interventions humanitaires qui s'imposent a mené à la création d'organismes d'aide aussi respectés qu'impartiaux, comme le Comité international de la Croix-Rouge. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les États-nations s'intéressent de plus en plus aux questions d'aide humanitaire internationale, aussi bien en participant aux Nations Unies et aux autres organisations multilatérales qu'en se conformant à un système international de droits et de pratiques humanitaires en devenir (codifié notamment dans les conventions et les protocoles de Genève).

Bien sûr, ce système est loin d'être parfait: des millions de gens continuent à périr dans des tragédies qui, d'après de nombreux observateurs, auraient pu être prévenues. Les catastrophes naturelles telles que la famine qui a sévi en Éthiopie au milieu des années 80 sont souvent aggravées — sinon causées — par des conflits politiques et civils. Dans ces cas-là, il n'y a rien d'autre à faire que de prévenir la guerre et d'appliquer des stratégies de développement durables pour éviter que pareilles urgences ne se reproduisent. Néanmoins, même dans les pires situations, les opérations d'aide à court terme ont parfois sauvé bien des vies.

Dans l'après-guerre froide, on a commencé par espérer que le relâchement des tensions entre l'Est et l'Ouest aurait des retombées qu'on pourrait utiliser à des fins pacifiques. Pourtant, même si les dépenses militaires ont globalement baissé, il y a toujours des courses régionales aux armements, et les sommes qu'on y engloutit dépassent encore de très loin les budgets de l'aide internationale au développement. En fait, le budget mondial de l'aide a chuté depuis 1993; de plus, il faut en consacrer un pourcentage croissant à l'aide humanitaire d'urgence, ce qui est en soi un symptôme inquiétant du fait que le monde est loin de devenir plus paisible ou plus ordonné. Aussi, plusieurs ouvrages et essais récents prédisent qu'il y aura de plus en plus de conflits et de turbulence dans une arène internationale où les pays se diviseront sur des questions comme la répartition des ressources et les disparités économiques, l'environnement, l'ethno-nationalisme, les droits des minorités, les mouvements de population, etc.(1).

Le renforcement du rôle des Nations Unies après 1989, comme en témoigne l'intervention onusienne sans précédent de l'organisation pour protéger la population civile kurde du nord de l'Irak pendant les séquelles de la Guerre du Golfe de 1991, avait aussi suscité l'espoir que la communauté internationale pourrait désormais intervenir de façon plus énergique, y compris au besoin dans les «affaires internes» des pays membres, afin d'offrir de l'aide humanitaire aux gens menacés de dangers imminents par suite d'une calamité. Toutefois, l'escalade rapide du nombre, de l'envergure et de la portée des interventions humanitaires qu'on a vues depuis s'est soldée par des expériences qui donnent à réfléchir, quand elles ne sont pas carrément désastreuses. Il est impossible d'étudier la fiche récente des réactions en Bosnie, en Somalie et au Rwanda — pour ne citer que les trois exemples les plus criants — et de rester très confiant quant aux résultats de ces interventions où tout est complexe et rien n'est clair.

En ce début de 1995, le monde a peut-être plus besoin que jamais de missions humanitaires internationales plus concertées et mieux coordonnées. Un analyste a souligné qu'un habitant de la planète sur 130 est actuellement une personne déplacée à cause d'une guerre(2). Or, la grande majorité des guerres d'aujourd'hui sont des guerres civiles plutôt que des conflits classiques entre États: depuis 1989, c'est le cas de 89 conflits importants sur 92, qui ont provoqué plus de 1000 morts. Dans certains cas, la guerre civile crée tant de désordre qu'il ne subsiste à toutes fins utiles plus d'autorité gouvernementale «souveraine»: on aboutit au phénomène de l'échec de l'État. En outre, le nombre des réfugiés est tel qu'ils risquent de déstabiliser les pays voisins, de troubler la paix et de miner la sécurité loin de l'épicentre du conflit. De plus en plus, on fait appel aux autorités internationales (surtout aux Nations Unies) pour qu'elles fassent quelque chose dans des situations où il risque d'être impossible d'obtenir aussi bien le consentement des parties que leur neutralité, au sens traditionnel du maintien de la paix.

Il y a eu ces dernières années à une explosion des opérations de paix sous les auspices des Nations Unies: 17 opérations de ce genre sont en cours actuellement, comparativement à 13 seulement en tout durant les quatre premières décennies de ces activités. Plusieurs des plus controversées et des plus coûteuses de ces opérations ont été montées pour remédier à des crises énormes, où la sécurité et l'aide humanitaire sont étroitement liées. Dans la mesure où les Nations Unies réussissent à obtenir l'argent et les autres contributions nécessaires de leurs membres, ces missions combinent des activités politiques, militaires et civiles en un phénomène nouveau qui unit le «maintien de la paix» aux opérations d'aide humanitaire d'urgence. Les résultats qu'on a improvisés à force de tâtonnements ont fait subir d'énormes pressions à un système désuet, qui aurait déjà dû être réformé depuis longtemps. Même si l'on pouvait arriver à résoudre les problèmes financiers et structuraux des Nations Unies, il ne sera jamais facile d'assurer la coordination nécessaire entre plus d'une douzaine d'organismes onusiens, les organisations régionales, les gouvernements des pays participants et leurs forces armées, sans compter les milliers d'organisations non gouvernementales (ONG) présentes sur le terrain.

Même sans parler des difficultés pratiques inhérentes au maintien d'opérations à grande échelle dans plusieurs théâtres d'activité, on discute vigoureusement de questions fondamentales sur les limites qui devraient entourer les nouveaux impératifs de l'intervention humanitaire. Bien que la souveraineté nationale ne soit plus le rempart de naguère contre ces interventions au secours des victimes de catastrophes, certains disent qu'il n'est ni sage, ni réaliste d'aller trop loin dans l'autre sens en préconisant un nouvel ordre mondial humanitaire dans lequel les gouvernements seraient tenus — par la force au besoin — de respecter des normes plus élevées de respect de la vie humaine(3). D'aucuns considèrent la notion d'«humanitarisme armé», c'est-à-dire le recours aux militaires pour protéger la prestation de l'aide humanitaire et pour défendre la vie humaine et les droits de la personne — comme un oxymoron ou, à tout le moins, comme un paradoxe potentiellement dangereux.

De nombreux organismes d'aide ont de la difficulté à s'accommoder des conséquences des opérations de police. Par exemple, en Somalie, les missions politico-militaires et humanitaires se sont confondues au point que l'aide a perdu sa légitimité locale, ce qui a beaucoup nui aux efforts subséquents des ONG internationales(4). On dit aussi qu'il faudrait accorder beaucoup plus d'attention aux moyens non militaires d'intervention, avant que les crises deviennent des catastrophes et que l'escalade des conflits les fasse échapper à tout contrôle.

Cela dit, il ne sera vraisemblablement pas facile d'établir des critères applicables aux interventions «douces» qui pourraient prévenir des catastrophes à condition d'être prises tôt, surtout compte tenu de la gamme croissante des situations susceptibles de nécessiter de telles mesures de nos jours ainsi que des pressions budgétaires avec lesquelles sont aux prises les parlements et les gouvernements du monde entier. Avec le recul, comme l'a montré une étude récente du Worldwatch Institute, il est bien évident que la prévention coûterait globalement beaucoup moins cher que l'aide humanitaire nécessaire pour remédier à une catastrophe, certainement à long terme(5). Malheureusement, les décideurs nationaux et internationaux sont rarement capables de voir si loin. En outre, quand les stratégies de prévention échouent, pour une raison ou une autre, la communauté internationale se retrouve aux prises avec toute une série de problèmes familiers lorsqu'elle doit décider des mesures à prendre pour parer à la dernière catastrophe: autorisations et mandats, finances, type et origine des contributions, structures de commandement et de contrôle, ampleur et durée des missions, questions de coordination, etc.

Depuis quelque temps, plusieurs gouvernements (dont celui du Canada) et le Conseil de sécurité des Nations Unies lui-même envisagent davantage d'imposer des conditions plus rigoureuses et plus sélectives aux interventions internationales de l'avenir. Il ne saurait être question d'un retour à l'impasse bipolaire d'une ère révolue et à la «non-intervention» (laquelle signifiait en fait que l'intervention était laissée à la discrétion des grandes puissances, qui oeuvraient dans leurs «sphères d'influence» respectives). L'argument qu'on avance actuellement pour justifier des limites, c'est que les engagements internationaux doivent être crédibles et pris après mûre réflexion pour être efficaces. Néanmoins, quand il définit les critères des interventions humanitaires, le spécialiste Robert Jackson souligne que, dans le domaine des relations internationales, le choix le plus sensé dans des circonstances données ne peut pas être arrêté en principe ou à l'avance, car l'éthique internationale est toujours une éthique de situation, et la plupart des situations internationales sont difficiles à évaluer(6).  Autrement dit, il ne faut pas s'attendre à voir émerger une série de conditions rêvées pour les planificateurs qui soient susceptibles de prédéterminer la réaction internationale idéale à la prochaine urgence appelant une intervention humanitaire.

L'aide humanitaire internationale doit aussi relever un autre défi, car les tragédies telles que le génocide au Rwanda ont révélé toutes les limites des mécanismes de réaction et des pratiques d'aide d'aujourd'hui dans une situation aussi trouble et d'une telle ampleur. John Watson, le grand patron de CARE du Canada, l'une des plus grandes ONG d'aide humanitaire, a déclaré sans ambages que quarante ans d'expérience dans tous les coins du monde et dans les pires conditions qu'on puisse imaginer n'avaient pas préparé son organisation à la catastrophe du Rwanda(7).

En effet, même si monter rapidement une opération pour venir en aide à plus d'un million de réfugiés était en théorie très impressionnant, les dures réalités d'un génocide planifié et de ses retombées ont constamment mis à rude épreuve les meilleures intentions des participants à l'intervention internationale. Par exemple, on maintient habituellement que l'aide humanitaire devrait être strictement neutre et que, quand elle est mêlée à des actions de «restauration de la paix» agressives des Nations Unies, il en résulte immanquablement des problèmes(8). Pourtant, au Rwanda, les organismes d'aide ont été durement critiqués par les organisations des droits de la personne, qui leur reprochaient d'avoir donné asile à des meurtriers coupables de génocide et de leur avoir fourni des ressources. Comme Africa Rights l'a déclaré, chercher à obtenir justice dans des cas de crimes contre la personne n'est pas compatible avec la mise en œuvre de programmes «neutres» d'aide sous l'autorité de ceux-là même qui ont commis ces crimes(9).

Ce n'est qu'un des nombreux exemples des cas où les dures leçons de l'expérience récente sont venues renverser les postulats et les pratiques d'hier. La conclusion que John Watson a tirée du terrain ne cherche pas à ménager les susceptibilités:

Il faut repenser de fond en comble tout l'appareil des interventions humanitaires dans des endroits comme le Rwanda, la Somalie et la Bosnie.

À tous les paliers de gestion — international, national et non gouvernemental — il faut renoncer aux vieilles habitudes, aux procédures désuètes et aux attitudes reçues.

Il y aura d'autres cas comme ceux de la Somalie, du Rwanda et de la Bosnie. Les tâches qui nous attendent ne sont pas insurmontables. Néanmoins, elles vont obliger la communauté internationale à adopter des façons nouvelles et originales de composer avec les contextes uniques de l'après-guerre froide, où il n'y a plus d'État fonctionnel(10).

 

OPÉRATIONS HUMANITAIRES D'URGENCE ET DE PAIX:
RECHERCHE ET OPTIMISATION DES SOLUTIONS

   A. Rôle des Nations Unies

La première moitié des années 90 a été la période la plus extraordinaire d'accroissement des activités des Nations Unies de toute l'histoire de cette organisation, mais les nouvelles possibilités ont coûté cher et elles ont parfois eu des conséquences cruelles. En 1995, l'année de son cinquantième anniversaire, l'organisme international de 185 membres est de nouveau à la croisée des chemins.

Dans la foulée de l'intervention humanitaire tout à fait nouvelle qui a suivi la guerre que les Nations Unies avaient sanctionnée contre l'Irak et des autres interventions complexes de l'organisation au Cambodge et au Salvador, en 1991, le nouveau secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali, a présenté en 1992 au Conseil de sécurité un rapport intitulé Agenda pour la paix dans lequel il a exposé un ambitieux programme d'intervention des Nations Unies dans une vaste gamme d'opérations de règlement des conflits et de «diplomatie préventive». À cette fin, les Nations Unies renouvelées et réformées seraient dotées de capacités grandement accrues, tant militaires que civiles, de réaction d'urgence. Au début de 1995, avec le recul, cet agenda complexe et la façon des Nations Unies de jouer leurs rôles suscitent de nombreuses réflexions, voire de très dures critiques, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la prestigieuse institution. Dans la mise à jour de l'Agenda pour la paix que M. Boutros-Ghali a présentée le 6 janvier, le secrétaire général réclame toujours une force de réaction rapide commandée par les Nations Unies. Pourtant, dans une atmosphère où l'on bat en retraite et où le consensus brille par son absence, la rencontre au sommet du Conseil de sécurité que l'on avait prévue a été remise sine die(11).

Il semble bien qu'une réévaluation s'impose, mais il est peu probable que les Nations Unies puissent échapper aux réalités des crises humanitaires du monde d'aujourd'hui. Elles doivent s'efforcer d'agir si elles ne veulent pas être taxées d'impuissance et de manque de pertinence. Les juristes et autres spécialistes internationaux des droits de la personne soutiennent que la distinction entre les compétences purement «nationale» et «internationale» s'est nettement estompée depuis l'adoption de la Charte des Nations Unies. Quand on ajoute à cela les impératifs humanitaires, il faut forcément conclure que les Nations Unies seront inévitablement entraînées dans des situations à haut risque. D'abord en Somalie, puis en Bosnie, le Conseil de sécurité a autorisé l'utilisation des mesures les plus énergiques, le recours à la force («tous les moyens nécessaires»), conformément au Chapitre 7 de la Charte, pour protéger la prestation de l'aide humanitaire à l'intérieur des frontières d'un État. Dans ces conditions exceptionnelles, il ne faut pas s'étonner que les résultats obtenus à ce jour aient été extrêmement variés et souvent ambigus. Comme Thomas Weiss l'a expliqué:

Les opérations récentes des Nations Unies sont typiquement beaucoup plus vastes et plus dangereuses qu'avant. Elles se déroulent souvent dans des pays en proie à des conflits internes, contrairement à ce que les fondateurs des Nations Unies voulaient. Qui plus est, ces missions ne comptent pas parmi les plus grands succès des Nations Unies; en outre, les mesures qu'elles ont prises ces dernières années sont caractérisées par leur complexité. L'organisation entreprend de plus en plus d'opérations «multifonctionnelles» qu'on pourrait peut-être plus exactement qualifier de «gâchis», où des spécialistes des questions militaires, de l'administration civile (y compris la surveillance d'élections et le soutien policier) et de l'aide humanitaire doivent conjuguer leurs efforts avec ceux des négociateurs et des médiateurs politiques(12).

Surmonter les problèmes chroniques des opérations improvisées et habituellement sous-financées des Nations Unies est un travail de longue haleine. Depuis 1991, on a déployé des efforts considérables pour simplifier et pour accroître les capacités des inventions humanitaires d'urgence. On a créé un poste de sous-secrétaire général aux affaires humanitaires à qui on a confié la direction d'un Département des affaires humanitaires (DHA) renouvelé de 150 personnes au Secrétariat des Nations Unies. L'Assemblée générale a confié au nouveau Département le mandat de coordonner et de faciliter les réactions d'urgence et lui a consenti un fonds de roulement de 50 millions de dollars US pour qu'il puisse prendre rapidement les premières mesures de ce genre. Le DHA est encore un organisme de diplomatie humanitaire en gestation. Il s'est efforcé d'harmoniser les réactions de la communauté internationale aux prises et aux catastrophes d'importance majeure. Pourtant, il n'a pas le pouvoir de diriger ou de commander les opérations. Le premier maître d'œuvre des interventions humanitaires des Nations Unies, Jan Eliasson, a démissionné au début de 1994, frustré par la lenteur de ses progrès pour surmonter les querelles de compétence des bureaucrates et pour établir un partenariat efficient entre tous les éléments des systèmes de réaction des Nations Unies, afin de les amener à collaborer avec les autres intervenants humanitaires(13).

On résistera vraisemblablement aux propositions de réformes d'envergure visant à regrouper — autrement dit à centraliser — les fonctions et les opérations humanitaires. Néanmoins, dans une étude détaillée récente réalisée pour le compte du gouvernement du Canada sur la réaction internationale à l'affaire du Rwanda, on a proposé des innovations plus modestes afin d'améliorer les capacités globales de réaction. L'auteur de l'étude a analysé le rôle de leader qu'a joué le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), en applaudissant à l'idée des «ensembles de services» d'aide (par exemple fournir de l'eau potable et assurer le contrôle de la circulation aérienne) susceptibles d'être assumés par un pays ou une organisation donnés. Il a aussi souligné les avantages, pour l'opération humanitaire, de disposer des services de militaires détachés. Néanmoins, il n'a pas minimisé les problèmes imputables à la présence dans les camps de réfugiés de gens qui avaient commis des crimes contre la personne, ni le fait que le mandat de l'UNHCR l'a empêché de venir en aide aux personnes déplacées d'une région à l'autre du même pays. En outre, sur le plan de l'organisation, il est clair que des organismes établis des Nations Unies comme le Haut-commissariat vont manifestement faire passer quasi inaperçu le rôle que le DHA du Secrétariat peut jouer sur le terrain. L'auteur de l'étude a donc recommandé qu'on ne donne pas au DHA de capacités de déployer des unités sur le terrain qui en feraient un rival du système d'aide humanitaire existant.

Ce qu'il nous faut plutôt, c'est l'aptitude de quelques personnes extrêmement compétentes à se rendre sur le terrain dans les jours qui suivent le début de la crise pour se retirer presque entièrement de la partie dès qu'ils ont confié les activités nécessaires aux organisations compétentes pour administrer les programmes, qu'elles relèvent des Nations Unies, des gouvernements ou du secteur non gouvernemental. C'est seulement ainsi que ces organisations arrivées sur place plus tard pourront considérer le DHA comme non menaçant, avec un programme dont ils n'ont pas grand-chose à craindre(14).

Cela dit, de façon plus générale, il est tout aussi clair que les improvisations parcellaires et ponctuelles sont insuffisantes, notamment dans les crises cataclysmiques comme celle du Rwanda, où les approches traditionnelles de l'aide et du maintien de la paix ont échoué, même si l'aide humanitaire a remporté certains succès dans la période atterrante qui a suivi le génocide. Il n'est peut-être pas indispensable qu'on crée une structure de commandement centrale pour assurer les interventions en cas de crise et l'aide humanitaire à partir du quartier-général des Nations Unies, mais il faut au moins renforcer les fonctions plus limitées de coordination et de planification avancée du Département des affaires humanitaires et commencer à mettre plus d'unités spécialisées prêtes à l'action à la disposition des Nations Unies, pour que l'organisation puisse obtenir leur intervention dans de très brefs délais.

   B. Rôle des autres organisations multilatérales

Les Nations Unies sont la plus importante mais non la seule des organisations internationales à mener des opérations humanitaires de secours d'urgence et de paix. En effet, le Chapitre 8 de la Charte des Nations Unies prévoit expressément que les organismes régionaux peuvent contribuer à maintenir la paix et la sécurité internationales. D'ailleurs, dans Agenda pour la paix, le secrétaire général a reconnu leur contribution potentielle, sans ajouter grand-chose de nouveau, à part la pratique limitée, qui a connu des hauts et des bas, des interventions reposant sur une base régionale(15). Plus récemment, les questions associées aux interventions humanitaires par la force ont fait grimper les enjeux, comme dans le cas du rôle présomptif de l'OTAN pour maintenir des zones protégées en Bosnie, en application du mandat des Nations Unies. Dans un scénario «décentralisé» de réaction en cas de crise, la crédibilité à la fois des Nations Unies et de l'organisation multilatérale en cause est plus que jamais mise dans la balance.

En droit international, il est clair que l'escalade des rôles d'aide humanitaire qui comprendraient des actions policières doit être explicitement autorisée par le Conseil de sécurité(16). Par contre, il n'est pas aussi clair que les organismes régionaux (ou subordonnés aux Nations Unies) sont en mesure d'assumer des responsabilités accrues sur le terrain et, partant, de soulager des Nations Unies surchargées d'une partie de leur fardeau opérationnel. À cet égard, une opinion pragmatique prudente voudrait que ces organismes soient moins des substituts que des compléments des Nations Unies, car la plupart des institutions régionales n'ont virtuellement ni expérience, ni ressources militaires. En outre, elles contiennent normalement des hégémonies dont la présence rend problématique une intervention légitime dans des guerres civiles(17). Cela vaut d'autant plus dans le cas des autorisations d'actions dirigées par une superpuissance, comme en témoignent les tensions qui se sont manifestées entre les États-Unis et les Nations Unies, particulièrement dans le cas des interventions en Somalie et à Haïti.

Certains indices laissent entendre que, même si l'on risque de devoir mobiliser les ressources de grands pays et de puissantes armées quand le pire s'est produit, des groupements régionaux de petits pays pourraient éviter le recours à des moyens pareils à condition de pouvoir intervenir assez rapidement, en prenant des mesures diplomatiques et d'autres initiatives de prévention des conflits. Il se peut donc qu'on puisse expliquer le succès relatif des missions des Nations Unies en Amérique centrale et au Cambodge en partie par la présence préparatoire active des intervenants et de groupes multilatéraux de soutien. On peut donc envisager une solution de rechange au système de réactions à partir du sommet de la pyramide, et il faudrait l'étudier davantage:

La théorie classique serait que le Conseil de sécurité prenne les décisions politiques au nom de la communauté internationale et conclue ensuite une entente avec une institution régionale secondaire comme l'OTAN pour obtenir les services de soutien nécessaires, comme dans l'ex-Yougoslavie. Ce qui s'est produit au Cambodge et au Salvador montre qu'on pourrait opter pour une autre approche dans laquelle ce serait l'institution régionale qui obtiendrait l'accord des parties et ferait ensuite appel aux Nations Unies pour en obtenir les services militaires, d'administration civile et humanitaires nécessaires(18).

   C. Rôles humanitaires dans l'après-guerre froide: du maintien à la restauration de la paix?

Le «maintien de la paix» était à l'origine une improvisation d'inspiration en partie canadienne qui s'est imposée dans les années 50, quand l'impasse de la guerre froide a rendu inopérant l'Article 43 de la Charte des Nations Unies, lequel prévoyait de donner à l'organisation une capacité de réaction militaire propre en cas de conflit. Les opérations de maintien de la paix traditionnelles étaient généralement de faible envergure, et leur principale raison d'être consistait à superviser les cessez-le-feu entre les belligérants, qui étaient des États membres souverains. Il s'agissait donc d'une sphère d'activité contenue qui n'avait à peu près rien en commun avec les opérations d'aide humanitaire ou d'urgence.

Dans l'après-guerre froide, le contexte des interventions internationales s'est radicalement transformé, bien que l'idée d'une force militaire onusienne permanente à déploiement rapide, voire d'une force permanente relevant du secrétaire général, demeure controversée et soit loin d'être réalisée. La doctrine classique des conditions nécessaires pour que les missions de maintien de la paix soient couronnées de succès — un mandat clair accepté par les parties en conflit, la collaboration de ces parties avec les forces de maintien de la paix déployées sur le terrain et des ressources suffisantes fournies par les États membres des Nations Unies — est rarement respectée dans les situations nouvelles auxquelles la communauté internationale est confrontée. Comme le principal dirigeant des Nations Unies dans ce secteur l'a souligné, au jour le jour, la minorité seulement des conflits réels ou potentiels du monde satisfait à ces conditions.

Les activités toutes simples de maintien de la paix sont devenues une vaste gamme d'opérations de paix de plus en plus complexes et dont les facettes se multiplient sans cesse(19). Pour les fins qui nous intéressent, il convient de préciser qu'on range sous l'étiquette actuelle de maintien de la paix de nombreux éléments de l'aide, des secours et de la reconstruction humanitaires d'urgence, même quand les conflits perdurent, comme en témoigne la liste suivante qui illustre la diversité croissante des activités de réaction des Nations Unies:

  • surveiller et même présider des élections, comme en Namibie, au Salvador, en Angola, au Cambodge et au Mozambique;

  • protéger les habitants d'une région, qu'ils soient la majorité ou des minorités, de la menace ou de l'utilisation de la force, notamment par le gouvernement de la région ou du pays, ou les deux;

  • protéger des zones de sécurité désignées contre les attaques, comme dans certaines villes de Bosnie;

  • assurer la démilitarisation partielle de secteurs particuliers, comme ceux des alentours de Sarajevo et de Gorazde, en Bosnie;

  • assurer la garde des armes déposées par les parties à un conflit ou prises à ces parties;

  • assurer la livraison des fournitures d'aide humanitaire et la prestation d'une vaste gamme d'autres tâches humanitaires pendant les conflits, particulièrement dans l'ex-Yougoslavie et en Somalie;

  • contribuer au rétablissement des fonctions gouvernementales ou policières après une guerre civile, notamment au Salvador et au Cambodge [maintenant à Haïti]; et

  • signaler les violations du droit des conflits armés (droit humanitaire international) par les belligérants(20).

Les dépenses consacrées au maintien de la paix (8,3 milliards de dollars US de 1948 à 1992, la plus grande partie depuis 1988) sont bien peu comparées aux grandes dépenses militaires mondiales, qu'on estime à 30 trillions de dollars pour la même période. En ce sens-là, le coût des mesures préventives semble modique. Néanmoins, on doute de plus en plus que la communauté internationale soit capable de poursuivre l'escalade de l'ampleur, de l'intensité et du coût des opérations militaires et humanitaires de maintien, de restauration, d'établissement et d'imposition de la paix(21). On tente de substituer à la doctrine du multilatéralisme dynamique un retour aux engagements opérationnels limités. Au début de mai 1994, le Conseil de sécurité a fait une déclaration dans laquelle il énumérait six facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer les effectifs d'une nouvelle opération. Quelques jours plus tard, le gouvernement des États-Unis a rendu publique la Directive décisionnelle présidentielle (PDD) 25, qui impose plusieurs critères de sélectivité et d'efficacité à respecter pour que les États-Unis puissent appuyer les opérations de paix multilatérales(22).

Les critiques allèguent que ces réserves ont malheureusement contribué à faire de la réaction internationale à la tragédie du Rwanda une intervention aussi tardive qu'insuffisante(23), et que mettre des critères comme ceux-là sur papier ne peut pas nous faire revenir à la situation antérieure, car les circonstances dans lesquelles fonctionnent les effectifs de maintien de la paix — quelle qu'en soit la définition — sont bien différentes de ce qu'elles étaient naguère; ils vont de plus en plus souvent devoir s'interposer dans des guerres actives en protégeant les colonnes de secours humanitaires, en offrant abri et protection aux réfugiés civils pris au piège et en soignant malades et blessés dans les zones de conflits(24).

Il est peu probable que le monde des urgences humanitaires de demain respecte les conditions établies par les politiciens, les planificateurs ou les vérificateurs. Et pourtant, on a bien des raisons légitimes de s'inquiéter de la militarisation des interventions humanitaires, du risque que les droits de la personne soient oubliés dans le contexte d'opérations militaro-politiques intégrées et du danger qu'on accorde trop d'attention aux «remèdes» coûteux administrés tardivement et pas assez à l'amélioration des systèmes de repérage précoce des risques, assortis de mécanismes de réaction rendant possibles des opérations rapides grâce auxquelles on connaîtrait les faits, de sorte qu'on pourrait avoir recours aux mesures diplomatiques et aux autres moyens d'éviter les conflits. Par-dessus tout, les opinions sont divisées sur la question de savoir si les opérations humanitaires (et militaires) de «restauration» de la paix, qui ne sont pas essentiellement compatibles, sont susceptibles d'être combinées de façon qu'elles n'en souffrent pas toutes les deux(25).

   D. Rôles civils et réactions non militaires en cas de crises humanitaires

Les civils, les ONG et les groupes de citoyens qui participent désormais en nombre croissant aux mesures internationales de réaction aux calamités causées par les conflits armés comptent parmi ceux qui s'inquiètent le plus de ces tendances récentes. La grande majorité (plus de 80 p. 100) des victimes des conflits actuels sont des civils; en définitive, c'est la population locale des pays ravagés par les affrontements qui doit rebâtir la paix dans sa société détruite. Les ONG, dont certaines ont des réseaux perfectionnés, sont souvent les intervenants les mieux placés sur le terrain pour s'acquitter de tâches allant de la prestation la plus simple de l'aide humanitaire à des missions de reconstruction politique comme la médiation et la surveillance des élections, voire la reconstruction normative réalisée par des «commissions de vérité», les enquêtes sur les crimes de guerre et les autres formes de redressement en matière de droits de la personne.

Les ONG n'ont manifestement pas les capacités des forces armées en matière de surveillance et de sécurité, de transport aérien et maritime d'un personnel nombreux et de grandes quantités de matériel, de logistique, d'équipement, de maîtrise des techniques de déminage quand les belligérants utilisent des mines terrestres, et ainsi de suite. Néanmoins, dans la plupart des cas d'intervention humanitaire, leur contribution est essentielle et peut coûter beaucoup moins cher que si elle était fournie par un personnel rémunéré. Bien entendu, la coordination est un problème chronique des ONG, mais beaucoup d'entre elles se sont donné la main pour élaborer des lignes directrices opérationnelles afin de trouver des moyens de réagir vite et d'accroître la collaboration interorganismes(26).

Les organismes humanitaires consacrent actuellement plus de deux milliards de dollars par année à leurs activités d'intervention d'urgence. En fait, le Département des affaires humanitaires des Nations Unies estime que les besoins totaux d'aide sont de l'ordre de quatre à cinq milliards de dollars par an et qu'ils augmentent chaque année. Bien des ONG craignent que, pour financer ces énormes besoins, combinés à la spirale inflationniste des coûts des opérations de restauration de la paix des Nations Unies qui comportent un volet humanitaire, il faille rivaliser avec les activités d'aide au développement à long terme plutôt qu'avec les forces armées et la défense. Les conséquences pourraient être terribles. Ed Tsui, le chef de cabinet du sous-secrétaire aux affaires humanitaires du Secrétariat des Nations Unies, l'a très bien dit: ce qui est urgent n'est pas nécessairement ce qui est le plus important à long terme(27).

Au-delà de la réaction d'urgence (et après que les caméras soient parties), la valeur d'une intervention internationale durable est l'aide mobilisée pour la remise en état économique, sociale, politique et normative de la région dévastée. Or, cette aide est souvent lente à se manifester, sinon largement insuffisante. Par exemple, le nouveau gouvernement de coalition du Rwanda éprouve de grandes difficultés à rebâtir un pays fonctionnel, faute d'aide internationale. Le manque d'argent a aussi beaucoup nui aux enquêtes sur les crimes de guerre dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda(28).

Mohamed Sahnoun, que les Nations Unies avaient dépêché à titre de représentant diplomatique pour évaluer la situation de l'aide humanitaire en Somalie au début de 1992, et qu'elles ont ensuite retiré quand ses conseils n'ont pas été suivis, soutient avec énergie que les «remèdes miracles» réactifs provenant de l'extérieur peuvent eux-mêmes causer des catastrophes. Il déplore que, même si les ressources consacrées aux activités militaires de maintien de la paix ont décuplé, l'aide au développement accordée à la Somalie a baissé en 1993 de 10 p. 100, ce qui crée peut-être des conditions qui provoqueront d'autres Rwanda. À son avis, la véritable question consiste à savoir si le système international peut être mobilisé pour faire des interventions préventives rapides avant que la situation se détériore au point qu'il ne reste plus qu'à planifier les recours militarisés pour la pire des éventualités. Il estime qu'on devrait toujours commencer par des mesures diplomatiques prises avec le plus grand sérieux(29).

D'autres observateurs qui ont participé à des missions diplomatiques humanitaires sont convaincus eux aussi qu'il faut explorer toutes les avenues possibles avant d'envoyer des troupes sur le terrain, et qu'il faudrait avoir recours à la force le moins possible — même s'il y a déjà des troupes sur place — pour atteindre les objectifs humanitaires. En septembre 1994, lorsqu'il a témoigné à New York devant le Comité parlementaire chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, Steffan de Mistura, le directeur des Affaires publiques de l'UNICEF, a maintenu que des techniques d'intervention courageuses, ingénieuses et purement humanitaires employées à petite échelle au moment opportun peuvent faire une différence critique. Il a donné un exemple personnel d'une mission envoyée pour protéger les enfants dans la ville croate de Dubrovnik — avec un équipement de liaison par satellite pour capter l'attention des médias — qui a réussi à embarrasser suffisamment les leaders des attaquants pour qu'ils mettent fin au bombardement de la ville.

Malheureusement, ces succès semblent avoir été bien trop peu fréquents et souvent négligés, comparativement aux missions humanitaires armées à grande échelle, si dramatiques. En outre, les interventions des médias mondiaux, qui génèrent des pressions publiques internationales aux premières étapes des conflits et qui catalysent les réactions d'urgence en cas de crises humanitaires, peuvent elles-mêmes avoir beaucoup d'inconvénients à long terme(30).

Néanmoins, il faut que la communauté internationale réagisse, et elle ne peut attendre pour le faire que toutes les questions à trancher l'aient été. Il y aura toujours des risques. Ce qu'il faut espérer, c'est que chaque expérience — qu'elle soit positive, négative ou les deux — enrichira la base de connaissances dont la communauté internationale peut se servir pour éviter de répéter les erreurs du passé et pour améliorer les mécanismes de ses interventions futures. Comme l'a dit un analyste:

Les tensions politiques, démographiques et environnementales nous incitent à penser que ces crises complexes vont continuer d'éclater. Dire que la communauté internationale est incapable de réagir efficacement parce qu'on est déçu des échecs du début n'est pas une réponse. Le système a besoin de plus de travail et d'appui, pas de moins(31).

 

POINTS DE VUE CANADIENS SUR L'INTERVENTION HUMANITAIRE

Le Canada a accumulé une fiche enviable de réponse aux appels de la communauté internationale. Depuis 1947, plus de 90 000 Canadiens ont participé à des missions de maintien de la paix des Nations Unies et d'autres organisations. D'ailleurs, le Canada a joué un rôle actif dans virtuellement toutes les interventions des Nations Unies. Actuellement, environ 2700 Canadiens participent à sept des 17 opérations actives de paix des Nations Unies; ils représentent environ 3,5 p. 100 de l'effectif total contribué par les États membres(32).

Le Canada est respecté aussi pour son aide au développement internationale, car il donne des milliards de dollars aux pays pauvres, y compris des sommes substantielles consacrées à l'aide humanitaire internationale d'urgence, qui constitue une part croissante du budget de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), depuis les quelques dernières années. En effet, on avait prévu près de 83 millions de dollars à ce titre pour l'année budgétaire 1994-1995, et les dépenses réelles ont probablement dépassé les prévisions en raison de l'augmentation de la demande attribuable à la participation du Canada aux interventions militaro-civiles humanitaires de plus en plus complexes dont il a été question sous une rubrique antérieure.

Le programme d'aide du Canada est conçu pour secourir les réfugiés, les personnes déplacées et les victimes de catastrophes naturelles, ainsi que pour assurer la préparation aux catastrophes, ce qui consiste à renforcer les capacités de réaction d'urgence des pays en développement exposés à ce genre de désastres. Le Canada s'est efforcé d'améliorer sa capacité de réaction rapide et son niveau de préparation, conformément aux objectifs de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, et il a contribué par l'intermédiaire des organisations internationales et des ONG à des activités telles que la formation en gestion des catastrophes, l'élaboration de plans de télécommunication régionaux d'urgence, la formation technique, la simulation et les ateliers communautaires(33).

En dépit de toute cette expérience, le Canada — à l'instar d'autres pays, d'ailleurs — fera face à des dilemmes et à des choix difficiles s'il veut continuer à participer aux interventions humanitaires internationales, surtout dans le contexte de l'après-guerre froide, où l'on risque de voir des recours à la force sanctionnés par les Nations Unies contre des belligérants d'un même État, au nom de la défense des principes humanitaires. Dans les années 90, la politique étrangère du Canada a clairement pris une orientation plus interventionniste et normative qu'avant. Néanmoins, plusieurs analystes ont formulé des réserves à cet égard:

Il n'y a pas de consensus évident au Canada ou ailleurs sur les critères précis qui mèneraient les institutions internationales ou un groupement d'États à intervenir dans les affaires intérieures d'autres États, bien qu'on ait proposé divers critères à cette fin, notamment la gravité des violations des droits de la personne, l'épuisement des autres moyens de protéger les victimes, le désir de celles-ci d'obtenir de l'aide, la nécessité de faire en sorte que l'intervention soit proportionnelle aux violations, autrement dit d'employer le minimum de force requis, l'impartialité des États ou de l'institution internationale qui propose l'intervention et enfin l'approbation du Conseil de sécurité. Si l'on ne s'entend pas sur certains critères, il sera difficile pour le Canada, ou pour n'importe quel autre pays, de prendre des décisions conséquentes(34).

L'ardeur avec laquelle le Canada répondait «toujours prêt» aux appels des Nations Unies s'est considérablement refroidie à cause des dangers croissants pour la sécurité des troupes de maintien de la paix qu'il a déployées en Bosnie. En outre, les graves accusations portées contre plusieurs militaires canadiens ayant reçu une formation de commandos qui ont servi en Somalie sous le drapeau bleu a intensifié les pressions, notamment de la part de comités parlementaires, pour qu'on accorde plus d'attention à la préparation et aux besoins de formation en maintien de la paix, tout en adoptant de nouvelles approches pour les interventions canadiennes(35). Un observateur a même proposé qu'on envisage une approche entièrement nouvelle:

Plutôt que d'envoyer des troupes d'infanterie légèrement armées risquer leur vie dans des conflits sans issue, nous devrions commencer à mettre sur pied une force ultramoderne très mobile d'aide en cas de catastrophe.

S'il y a une chose dont on ne manque pas dans le monde, c'est bien de catastrophes aussi bien naturelles que causées par l'homme, mais nous ne semblons jamais prêts à y faire face. Nous n'avons jamais assez d'abris, d'eau potable, de services de transport d'urgence, d'équipement de sauvetage ou de personnel médical.

Le Canada devrait largement avoir les moyens industriels et politiques de constituer deux groupes d'aide ultramodernes, basés l'un sur la côte est et l'autre sur la côte ouest. Ils auraient chacun un navire-hôpital, un gros avion-hôpital, des hélicoptères, des véhicules à coussin d'air et tous les services de soutien technique et de communications nécessaires pour parer aux urgences médicales et écologiques.

Les deux groupes pourraient être mis à la disposition des Nations Unies au besoin. Toutefois, contrairement aux forces normales de maintien de la paix, ils pourraient aussi être déployés indépendamment des Nations Unies(36).

Lors des examens de la politique étrangère et de la politique de défense du Canada, en 1994, bien peu de voix ont réclamé que le Canada se montre moins disposé à répondre aux appels mondiaux d'aide d'urgence ou réduise sa participation aux missions des Nations Unies. L'idée que le Canada est un des plus grands États humanitaires du monde semble bien ancrée, même si son image de «boy-scout international» a cédé devant une analyse moins confortante(37). Parmi les témoins qui ont comparu devant les comités parlementaires chargés des examens publics des deux politiques, beaucoup ont proposé que le gouvernement favorise des formes non militaires de participation au règlement des conflits et des crises. Ils ont notamment préconisé les idées suivantes:

faire participer les ONG aux systèmes internationaux de dépistage rapide et de surveillance des crises, en trouvant des moyens grâce auxquels les ONG œuvrant dans les régions où sévissent des tensions pourraient fournir rapidement des renseignements sur les conditions environnementales, sociales et économiques qui menacent la paix;

encourager et appuyer financièrement les efforts des ONG canadiennes en matière de diplomatie officieuse ou privée;

canaliser plutôt les ressources vers les mécanismes de diplomatie préventive, y compris avoir plus souvent recours à la Cour internationale de justice ainsi qu'aux services d'arbitrage, de médiation et de conciliation (du genre de ceux qu'on a créés dans la CSCE/OSCE), donner aux diplomates une formation en techniques d'intervention non violente, imposer un embargo sur les ventes d'armes, favoriser les cessez-le-feu humanitaires et employer d'autres méthodes innovatrices de règlement des conflits(38).

Plusieurs groupes ont souscrit à l'idée de la création de nouvelles institutions internationales, comme une «Cour internationale de justice pénale», qui puniraient les auteurs de crimes contre la personne. En outre, et bien qu'ils trouvent que la fiche des Nations Unies laisse parfois à désirer, de nombreux Canadiens ont aussi réclamé un renforcement de capacités de l'organisation dans les domaines du renseignement, des communications, de la coordination, du commandement et du contrôle des opérations humanitaires d'urgence. Ainsi, Project Ploughshares préconise l'établissement d'un ensemble de critères de mesure des conditions qui devraient automatiquement mener à un examen complet par les Nations Unies des besoins liés aux catastrophes naturelles ou anthropiques et qui, à certaines conditions préétablies, commanderaient automatiquement l'attention du Conseil de sécurité(39).

Le mémoire complet du Comité canadien du cinquantième anniversaire des Nations Unies renferme lui aussi de nombreuses recommandations en vue d'accroître l'efficacité des missions de maintien de la paix et des interventions humanitaires. Le Comité préconise par ailleurs une mesure plus controversée: la création d'unités internationales d'imposition de la paix qui pourraient être déployées aussi bien comme forces de réaction rapide qu'à d'autres titres, dans des situations présentant de gros risques. Le Comité aimerait que le Canada contribue des troupes formées de volontaires qui seraient plus lourdement armées que les troupes ordinaires de maintien de la paix et qui pourraient entreprendre toute une gamme de tâches allant de la protection des services d'aide humanitaire au contrôle des lignes de cessez-le-feu. À plus long terme, le Comité recommande que les Nations Unies disposent de leur propre force de militaires volontaires(40).

Le gouvernement du Canada a très activement étudié ces questions. Dans un discours qu'il a prononcé devant l'Association canadienne pour les Nations Unies, le premier ministre Chrétien a déclaré que les Nations Unies doivent absolument «être capables d'agir rapidement en cas de crise. [M. Chrétien a ajouté qu'il] est inacceptable que la communauté internationale assiste passivement à de tels désastres. L'ONU a besoin d'outils nouveaux pour s'acquitter du mandat plus difficile qui l'attend au prochain siècle»(41).Quelques semaines plus tôt, dans une allocution devant l'Assemblée générale des Nations Unies, le ministre des Affaires étrangères, André Ouellet, avait déclaré: «Trop souvent, l'action des Nations Unies intervient trop tard, est trop lente à démarrer et se fait dans des conditions matérielles inadéquates. [...] [N]ous devons renforcer la capacité d'action préventive du système onusien»(42).

À cette fin, le Canada a préparé à l'intention du secrétaire général un répertoire des personnes compétentes susceptibles de l'assister dans des missions de diplomatie préventive. M. Ouellet a par ailleurs insisté pour que les organes des Nations Unies tels que l'ECOSOC (Conseil économique et social) tiennent périodiquement des audiences publiques «afin d'aider le système onusien à mieux prévoir les problèmes et à élaborer ses stratégies pour s'attaquer aux causes économiques et sociales des conflits. Les conclusions de ces audiences pourraient être mises à la disposition du Conseil de sécurité et du secrétaire général, afin que ceux-ci mettent au point les mesures préventives appropriées». En général, les approches canadiennes ont insisté sur l'importance que des liens soient établis entre le programme de restauration de la paix et d'intervention humanitaire et celui du développement (plus particulièrement les tâches civiques et normatives de reconstruction nécessaires à l'établissement de la paix après un conflit)(43).

En ce qui concerne la capacité d'intervention rapide de la communauté internationale, le Canada a été au printemps de 1994 l'hôte d'une conférence internationale des pays mettant des troupes à la disposition de la communauté, au cours de laquelle les participants ont parlé des problèmes de direction politique, de commandement et de contrôle, ainsi que de formation du personnel affecté aux opérations de maintien de la paix. Dans son allocution devant l'Assemblée générale en septembre 1994, M. Ouellet a annoncé que le Canada allait ouvrir à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, un centre voué à la recherche et à la formation en matière de maintien de la paix. Il a aussi annoncé que le gouvernement du Canada avait décidé «d'entreprendre un examen approfondi des options, à court, moyen et long termes, qui s'offrent à [lui] pour renforcer la capacité d'action rapide de l'ONU en cas de crise. Parmi ces options, [le gouvernement estime] que le moment est venu d'étudier la possibilité, à long terme, de créer une force militaire onusienne permanente».

Dans les rapports qu'ils ont déposés respectivement en octobre et en novembre 1994, les comités mixtes de l'examen de la politique de défense et de la politique étrangère du Canada ont dit être favorables à ces initiatives. Néanmoins, le Comité chargé de l'examen de la politique de défense s'est prononcé contre une spécialisation trop étroite en maintien de la paix des Forces armées, tandis que l'autre Comité a déclaré que le Canada devrait résister aux pressions qui en feraient le «911» de la communauté internationale. Pour l'avenir, ce Comité a recommandé ce qui suit:

Le Canada pourra cependant choisir, quand ce sera possible, de participer aux opérations qui font appel aux plus grands talents des Canadiens (p. ex. une haute compétence militaire, le transport aérien et le contrôle de la circulation aérienne, la logistique, le génie et les communications, les équipes médicales, la surveillance de type policier et la médiation civile). On pourra envisager, par exemple, de combiner des éléments de l'intervention d'«avant-garde» avec un contingent amélioré comprenant des civils et des militaires, afin que le Canada puisse aider les Nations Unies à intervenir rapidement pour ensuite mettre en place une force de moindre taille pouvant traiter avec les civils à long terme. De cette façon, le Canada participera à moins de missions, mais sa participation revêtira une plus grande importance(44).

Afin d'améliorer la collaboration et la coordination entre les intervenants internationaux, nationaux, gouvernementaux et non gouvernementaux dans les opérations de paix et les missions humanitaires, le Comité a proposé «un programme de détachements de personnel, un échange systématique d'information et la création d'un organe tripartite permanent servant de lien ou de table ronde afin de suivre la participation du Canada aux opérations humanitaires d'urgence»(45).

Les auteurs du Livre blanc sur la Défense rendu public en décembre 1994 insistent sur le fait que les réactions canadiennes dans les cas d'urgences mettant en jeu la sécurité et les principes humanitaires devraient respecter des principes bien définis quant à la raison d'être, à la conception et au déroulement opérationnel de la mission, qui renforceraient ses chances de succès. Il ne faut pas «que l'action entreprise devienne une action en soi. Et puis, il vaut mieux que les opérations s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble dont le but est de trouver des solutions à long terme, à la fois réalistes et viables»(46). Et les auteurs d'énumérer toute une série de principes clés à respecter pour atteindre à l'efficacité opérationnelle(47). Néanmoins, malgré de tels défis en période de compressions budgétaires et en dépit des inquiétudes soulevées par l'échec de missions récentes de maintien de la paix, le gouvernement a réaffirmé sa détermination de maintenir ce que les auteurs du Livre blanc décrivent comme la «spécialisation» du Canada en missions multilatérales:

La formation, les compétences et le matériel de nos forces armées leur donnent des moyens de contribuer de façon importante à la sécurité du monde en participant à la réhabilitation des secteurs dévastés par la guerre. Elles ont en particulier, par le passé, apporté des secours humanitaires, reconstruit des infrastructures et procédé au nettoyage de zones minées. Une fois les troupes soviétiques retirées d'Afghanistan, le Canada a même pris l'initiative d'apprendre aux réfugiés à reconnaître les divers types de mines et à les désamorcer. Ce genre d'activités est d'une valeur inestimable pour l'établissement d'une paix durable, et le gouvernement envisagera des moyens de permettre aux Forces canadiennes d'en entreprendre de nouvelles.

Grâce à l'expérience acquise dans les missions combinées militaro-civiles, les Forces armées canadiennes «ont un rôle crucial à jouer au tout début [...], particulièrement dans l'établissement d'un cadre de sécurité et la fourniture d'un soutien élémentaire (transport, soins médicaux d'urgence, logistique et communications). À plus long terme, toutefois, il semble préférable de laisser aux organismes civils la responsabilité de relever le pays, qu'il s'agisse de l'appareil administratif ou judiciaire civil, des services de santé ou de secours humanitaires»(48).

Au début de 1995, le travail va bon train sur plusieurs fronts. Un comité mixte de hauts fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères et de la Défense a été chargé d'étudier l'idée de la capacité de déploiement d'une force de réaction rapide, et un document d'information sur le sujet a été rendu public en janvier. Une série de conférences commencera en février. En avril, les travaux du comité seront étudiés par un groupe consultatif de diplomates, de hauts fonctionnaires, de militaires et d'universitaires de la communauté internationale. Le major-général Roméo Dallaire, le Canadien qui a commandé les forces de l'ONU au Rwanda jusqu'en août 1994 (à l'heure actuelle, c'est un autre Canadien, le major-général Guy Tousignant qui commande la contingent de 5 800 membres de l'UNAMIR) a demandé clairement que des changements soient apportés: «L'ONU doit être dotée des ressources nécessaires pour faire face au nombre croissant de catastrophes humanitaires dans le monde. Nous avons l'obligation humaine, légale et morale d'empêcher les meurtres, les crimes contre l'humanité et certainement les génocides». Le général croit que outre une force d'urgence ayant des capacités militaires et placée sur pied d'alerte, l'ONU a un urgent besoin d'un corps supérieur de gestion des crises au quartier général, une administration renouvelée et un fonds de secours pour le maintien de la paix, un département des affaires humanitaires agrandi, un centre mondial des médias et la capacité de recueillir des renseignements(49).

Bien que cette initiative canadienne n'ait pas obtenu de grands appuis à l'échelle internationale, elle prouve que le Canada est toujours disposé à faire preuve de leadership dans un domaine de plus en plus dangereux d'organisation et d'action internationales. La position du Canada est conforme à la tradition de la diplomatie multilatéraliste à la Pearson: ne pas hésiter à répondre consciencieusement aux besoins et aux exigences d'un nombre croissant d'urgences humanitaires dans le monde entier. L'ancien Premier Ministre et lauréat du Prix Nobel de la Paix Lester B. Pearson avait défini l'approche canadienne de façon caractéristique en 1968:

Si nous pensons que le monde est un tissu de puissantes forces irrationnelles, que l'anarchie et la dissolution sont toujours plus près que nous ne le croyons, nous avons des raisons d'être optimistes non seulement parce que nous sommes toujours là, mais aussi parce que, sous la pression ou, si vous préférez, sous le chantage des faits, nous allons de l'avant, si lentement que ce soit(50).


(1) Voir par exemple Matthew Horsman et Andrew Marshall, After the Nation-State: Citizens, Tribalism and the New World Disorder, Londres, Harper Collins, 1994; Robert Kaplan, «The Coming Anarchy», The Atlantic Monthly, février 1994, et Matthew Connelly et Paul Kennedy, «Must it be the Rest Against the West?», The Atlantic Monthly, décembre 1994; Wallace Thies, «Rethinking the New World Order», Orbis, automne 1994, p. 621 à 634.

(2) Thomas Weiss, «The United Nations and Civil Wars», The Washington Quarterly, automne 1994, p. 140.

(3) Stephen John Stedman, «The New Interventionists», Foreign Affairs, Vol. 72, n°  1, 1993, p. 3, qui cite Francis Deng et Larry Minear, The Challenge of Famine Relief: Emergency Operations in the Sudan, 1992.

(4) Voir Daneesh Sarooshi, Humanitarian Intervention and International Humanitarian Assistance: Law and Practice, Londres, Wilton Park Paper No. 86, novembre 1993, p. 25 à 27.

(5) Michael Renner, Budgeting for Disarmament: The Costs of War and Peace, Washington, The Worldwatch Institute, 1995. Pour une critique et une analyse succincte de cet ouvrage, voir David Fairhall, «Why not Budget for Peace?», The Ottawa Citizen, 20 janvier 1995, p. A9.

(6) Robert H. Jackson, «Armed Humanitarianism», International Journal, numéro spécial sur «l'intervention humanitaire», automne 1993, p. 605.

(7) A. John Watson, «How We Botched It in Rwanda», The Globe and Mail, 23 décembre 1994, p. 12.

(8) Jessica Matthews, «Peacemaking Paradox», The Ottawa Citizen, 7 décembre 1994.

(9) Cité dans ibid.

(10) Ibid. (traduction). Voir aussi Lionel Rosenblatt, «Ten Steps to Take Now to Avoid More Rwandas», The Christian Science Monitor, 11 janvier 1995, p. 17.

(11) Voir «Winds of Change: The United Nations at 50», The New Internationalist, numéro spécial, n°  262, décembre 1994; Bruce Clarke, «Each State for Itself», Financial Times of London, 6 janvier 1995; Barbara Crossette, «Conflicts Spark Debate on Role», The Ottawa Citizen, 27 décembre 1994; Julia Preston, «Massive World Body Resists Shaping Up», The Washington Post, 3 janvier 1995; Barbara Crossette, «UN Leader to Call for Changes in Peacekeeping», The New York Times, 3 janvier 1995; «UN Chief Chides Security Council on Military Missions», The New York Times, 6 janvier 1995; Lucia Mouat, «Peacekeeping Fatigue Sets in as Risks Rise for UN Troops», The Christian Science Monitor, 4-5 janvier 1995.

(12) Weiss (1994), p. 139 (traduction).

(13) Voir Erskine Childers et Brian Urquhart, Renewing the United Nations System, Uppsala, Fondation Dag Hammarskjold, 1994, chapitre VII, p. 112 à 118; Larry Minear et Thomas Weiss, «Wanted: New Chief for UN Humanitarian-Aid Program», The Christian Science Monitor, 10 janvier 1994.

(14) Paul Larose-Edwards, The Rwandan Crisis of April 1994: The Lessons Learned, rapport préparé pour la Division de la sécurité régionale et du maintien de la paix du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Ottawa, novembre 1994, p. 33 (traduction).

(15) Nous pourrions citer parmi les exemples survenus au cours de la dernière décennie les efforts du groupe de Contadora, en Amérique centrale, de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDAO) au Liberia, de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) au Cambodge, de l'Organisation des États américains (OÉA) à Haïti, ainsi que de l'ancienne Conférence (renommée depuis Organisation) sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE/OSCE) dans les Balkans et dans l'Est de l'Europe.

(16) Sarooshi (1993), p. 3 et 4.

(17) Weiss (1994), p. 150. Une étude détaillée de la situation en Somalie confirme que, bien que le pays ait été membre de l'Organisation de l'unité africaine, de la Ligue arabe et de l'Organisation de la Conférence islamique, ces organismes n'avaient ni la capacité, ni le désir de donner de l'aide. (Samuel Makinda, Seeking Peace from Chaos: Humanitarian Intervention in Somalia, Boulder et Londres, document hors série de l'International Peace Academy, Lynne Rienner Publishers, 1993, p. 14.) En fait, le groupe d'intervention unifié de 37 000 militaires (Opération Rendre l'Espoir) qui a débarqué en Somalie en décembre 1992 avec le premier mandat d'intervention humanitaire armé confié en vertu du Chapitre 7 de la Charte par le Conseil de sécurité des Nations Unies, était presque exclusivement une force sous commandement américain.

(18) Weiss (1994), p. 151 (traduction).

(19) Déclaration du sous-secrétaire général aux affaires politiques Marrack Goulding, cité dans John Roper et al., Keeping the Peace in the Post-Cold War Era: Strengthening Multilateral Peacekeeping, New York, The Trilateral Commission, 1993, p. 2. Au sujet des types contemporains de maintien de la paix comparés à ceux de la période classique, voir Goulding, «The Evolution of United Nations Peacekeeping», International Affairs, vol. 69, n°  3, 1993, p. 451 à 464.

(20) Adam Roberts, «The Crisis in UN Peacekeeping», Survival, vol. 36, n°  3, automne 1994, p. 97.

(21) Comparer, par exemple, les différences critiques de point de vue entre l'article de Roberts et une analyse analogue plus ancienne réalisée par Michael Renner et intitulée Critical Juncture: The Future of Peacekeeping, Washington, The Worldwatch Institute, Worldwatch Paper No. 114, mai 1993. Voir aussi le volume croissant d'opinions contradictoires et de récriminations relevées dans «Mission Impossible: The United Nations Contemplates a Pullout from the Quagmire that is Bosnia», Maclean's, 12 décembre 1994, p. 28 et suivantes.

(22) Roberts (1994), p. 108 et suivantes.

(23) Milton Leitenberg, «Rwanda, 1994: International Incompetence Produces Genocide», Peacekeeping & International Relations, novembre-décembre 1994, p. 6 à 10.

(24) Kevin O'Brien, «Guest Editorial», Peacekeeping & International Relations, septembre-octobre 1994.

(25) Matthews (décembre 1994). Voir aussi les arguments analysés dans Peacekeeping & International Relations: Mita Bhattachariya, «Civil Conflict and the Problem of Armed Humanitarian Intervention», juillet-août 1994, p. 4 et 5, et le capitaine Patrick O'Halloran, «The Problem of Armed Humanitarian Intervention II», septembre-octobre 1994, p. 5 et 6.

(26) Voir les extraits d'un document de travail rédigé par Kumar Rupesinghe, secrétaire général de l'influente coalition d'ONG Alerte internationale et intitulé «Humanitarian Agencies and Armed Conflict», Ploughshares Monitor, décembre 1994, p. 17.

(27) Témoignage devant le Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, New York, 16 septembre 1994.

(28) Thomas Warrick, «Crime Against Humanity: International Effort to Hold Individuals Accountable for Genocide in Jeopardy», The Ottawa Citizen, 27 décembre 1994.

(29) Mohamed Sahnoun, «Flashlights over Mogadishu», The New Internationalist, décembre 1994, p. 11. (M. Sahnoun est actuellement boursier Pearson au Centre de recherches pour le développement international d'Ottawa.)

(30) Thomas Weiss souligne qu'en plus de dramatiser les besoins, de faire beaucoup de bruit sur les crimes contre la personne, de stimuler l'action et de générer des ressources, les médias ont donné une mauvaise idée des genres d'aide fournis, faussé la répartition des ressources et du personnel entre secteurs géographiques, complètement ignoré la participation humanitaire locale et focalisé l'attention internationale sur ce qu'ils considèrent comme les maladresses de divers organismes («The UN and Civil Wars», p. 152).

(31) Matthews (1994) (traduction).

(32) Ces statistiques sont tirées du résumé publié dans Peacekeeping & International Relations, en date du 30 septembre 1994. Il vaut la peine de souligner que la majorité des troupes de maintien de la paix sont fournies par des pays en développement; les pays du G-7 ne totalisent en tout que 18,5 p. 100 des effectifs affectés à ces missions, bien qu'ils financent — plutôt tard que tôt — la plus grande partie de leur budget.

(33) Agence canadienne de développement international, Budget des dépenses 1994-1995, Partie III, p. 54 et 55. Il vaut la peine de souligner, peu après le terrible tremblement de terre qu'a subi le Japon à la mi-janvier 1995, qu'une conférence mondiale sur l'amélioration de la préparation aux catastrophes naturelles avait eu lieu à Yokohama en mai 1994.

(34) Tom Keating et Nicholas Gammer, «The _New Look_ in Canada's Foreign Policy», International Journal, automne 1993, p. 740 (traduction).

(35) Pour une analyse de ces questions, voir Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes, Les dilemmes d'un gardien de la paix motivé, Rapport, fascicule n°  49, juin 1993; Henry Wiseman, «United Nations Peacekeeping and Canadian Policy: A Reassessment», Canadian Foreign Policy, automne 1993, p. 137 à 148; Alex Morisson, éd., The Changing Face of Peacekeeping, Toronto: Institut canadien des études stratégiques, 1993; Joseph Jockel, Canada and International Peacekeeping, Toronto et Washington, Institut canadien des études stratégiques et Centre for Strategic and International Studies, 1994; Robin Hay, Military and Security Institutions: Challenges and Roles in Democratization and Development, Université Queen's, Kingston, Centre for International Relations, Martello Paper, à paraître en 1995.

(36) Hal Jones, «Specializing in Disaster», The Gazette (Montréal), 17 décembre 1994 (traduction).

(37) Voir par exemple Chris Giannou, «Canada Can Lead with New Alliances», The Ottawa Citizen, 8 mai 1994; Marie Paré, «État humanitaire, ou humanitarisme d'État?», Le Devoir (Montréal), 30 mars 1994.

(38) Pour une analyse de certains exemples canadiens, voir Robert Miller (éd.), Aid as Peacemaker: Canadian Development Assistance and Third World Conflict, Ottawa, Carleton University Press, 1992, p. 161-198.

(39) Project Ploughshares, «Building Peace», mémoire présenté conjointement aux comités mixtes spéciaux chargés respectivement de l'examen de la politique de défense et de la politique étrangère du Canada, avril 1994, p. 5 (citation de Larry Minear, Thomas Weiss et Kurt Campbell, Humanitarianism and War: Learning the Lessons from Recent Armed Conflicts, Occasional Papers Series, Thomas Watson, Jr., Institute for Internatinal Studies, Université Brown, 1991).

(40) Un plan d'action pour réformer l'ONU, propositions de modifications des politiques des Nations Unies et du gouvernement du Canada préparées par le Comité canadien du cinquantième anniversaire des Nations Unies, Ottawa, juin 1994, p. 21.

(41) Allocution du Premier Ministre Jean Chrétien, devant l'Association canadienne pour les Nations Unies, Ottawa, 24 octobre 1994, p. 4.

(42) Notes pour une allocution de l'honorable André Ouellet, ministre des Affaires étrangères, à la 49e Assemblée générale des Nations Unies, New York, 29 septembre 1994, p. 4 et 5.

(43) Comme Stephen Randall l'a fait remarquer, même dans les plus réussies des interventions des Nations Unies, l'établissement de la paix est un processus long et complexe dans lequel la fin du conflit armé n'est que le début de la construction de la société civile («Peacekeeping in the Post-Cold War Era: The United Nations and the 1993 Cambodian Elections», Behind the Headlines, Institut canadien des affaires internationales, printemps 1994). Voir aussi Stephen Baranyi et Liisa North, The United Nations in El Salvador: The Promise and Dilemmas of an Integrated Approach to Peace, Université York, Centre for Research on Latin America and the Caribbean, 1994. Pour connaître le point de vue des Nations Unies sur ces questions, voir Alvaro de Soto et Graciana del Castillo, «Obstacles to Peacebuilding», Foreign Policy, printemps 1994, p. 69 à 83.

(44) Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, La politique étrangère du Canada: principes et priorités pour l'avenir, novembre 1994, p. 19 et 20.

(45) Ibid., p. 20.

(46) Gouvernement du Canada, Livre blanc sur la Défense de 1994, Ottawa, décembre 1994, p. 30.

(47) L'auteur d'une étude sur la mission de paix au Rwanda rédigée pour le ministère des Affaires étrangères a aussi formulé plusieurs recommandations connexes d'importance:

- Le Canada devrait encourager la tenue de réunions de travail entre les représentants des pays qui mettent des troupes à la disposition des Nations Unies, des organismes humanitaires et des organismes de protection des droits de la personne (ONU et ONG), afin qu'ils puissent adopter des procédures de fonctionnement normalisées et des règles d'engagement modèles pour les missions de maintien de la paix et d'aide humanitaire des Nations Unies. Cela devrait entraîner des critères analogues pour les règles d'engagement des missions d'aide humanitaire ou de protection des droits de la personne des Nations Unies.

- Les Forces armées du Canada devraient donner l'exemple, en donnant à tous leurs membres une formation plus complète sur le maintien de la paix en général et sur les contextes culturels et politiques du maintien de la paix en particulier. En outre, les troupes d'intervention rapide et les militaires désignés pour assumer des rôles individuels comme celui de commandant d'une force devraient recevoir une formation intensive supplémentaire mieux adaptée au pays et à la société où ils seront déployés. Les questions de règlement des conflits, d'approche humanitaire et de protection des droits de la personne doivent être des éléments intégraux de cette formation (Paul Larose-Edwards, The Rwandan Crisis of April 1994: The Lessons Learned, 30 novembre 1994, p. 23 et 24 (traduction)).

(48) Livre blanc sur la Défense de 1994, p. 34 et 35.

(49) «Delegates to Study Feasibility of UN Army», The Globe and Mail, 5 janvier 1995; Dave Todd, «Canada Seeks Stronger Peacekeeping», The Ottawa Citizen, 5 janvier 1995.

(50) Lester B. Pearson, cité dans John Cruikshank, «Our Last, Best Hope», The World in 1995, The Globe and Mail Report on Business Magazine and The Economist Publications, janvier 1995, p. 19. Pour un point de vue à long terme, voir aussi J. Martin Rochester, Waiting for the Millenium: The United Nations and the Future of World Order, Columbia, University of South Carolina Press, 1993 (traduction).