BP-401F L'« INDUSTRIE » DE LA CHARITÉ
Rédaction : TABLE
DES MATIÈRES LA PHILANTHROPIE ET LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE RAISONS ÉCONOMIQUES DE LA PHILANTHROPIE TRAITEMENT FISCAL DES DONS DE CHARITÉ B. Traitement fiscal des dons effectués par les particuliers 1. Crédit d'impôt à l'égard des dons de charité 2. Dons de biens dont la valeur sest accrue C. Traitement fiscal des dons effectués par les sociétés CONCLUSION : UN TRAITEMENT FISCAL À REVOIR ANNEXE - SURVOL STATISTIQUE L'«
INDUSTRIE » DE LA CHARITÉ Le gouvernement fédéral et plusieurs gouvernements provinciaux font face à dimportantes contraintes budgétaires. Faute de ressources financières, ils sont forcés de réévaluer le bien-fondé et la pertinence de leurs programmes de dépenses. Un gouvernement peut dépenser directement en finançant divers programmes; il peut aussi dépenser de façon indirecte en renonçant à une partie de ses recettes. Les programmes de dépenses mis en oeuvre par le truchement du régime fiscal sont appelés « dépenses fiscales ». Lune de ces dépenses fiscales concerne les dons versés aux organismes de charité. Le gouvernement fédéral permet aux simples citoyens et aux sociétés de réduire leur impôt à payer grâce à un crédit dimpôt pour dons de charité et en leur permettant de déduire de leurs revenus les dons versés. Les contribuables et les sociétés peuvent ainsi déduire une partie des milliards de dollars quils versent aux 71 000 organismes de bienfaisance qui existent au Canada(1). Statistique Canada estime à 3,35 milliards de dollars la valeur des dons qui ont été versés à divers organismes de bienfaisance en 1993 par 5,5 millions de contribuables(2). En 1992, les sommes versées sétablissaient à 3,2 milliards de dollars. Lévaluation de Statistique Canada se fonde sur les données fiscales de Revenu Canada. Le Centre canadien pour la philanthropie estime que les particuliers ont versé 8,2 milliards de dollars en 1993. Les sociétés, elles, ont versé 1,2 milliards de dollars(3). La différence entre les deux estimations sexplique par le fait que plusieurs contribuables donnent à des organismes de bienfaisance sans exiger de reçu ou sans réclamer le crédit dimpôt auquel ils ont droit. Pour chaque tranche de 100 dollars versés par les particuliers, il ny a que 80 dollars de reçus qui sont émis. De ces 80 dollars, seulement 43 servent au calcul du crédit dimpôt pour dons de charité(4). Au total, ces dons coûtent plus de 800 millions de dollars en manque à gagner aux contribuables canadiens. En fait, comme nous le verrons plus loin, la dépense fiscale sest élevée à plus de 870 millions de dollars en 1992 et à 893 millions en 1993. En faisant preuve dune telle largesse fiscale, le gouvernement fédéral abandonne des recettes qui se font pourtant de plus en plus rares. Au moment où il revoit tous ses programmes, renonce à plusieurs de ses activités et va même jusquà abandonner complètement la production et la prestation de biens et de services publics, le gouvernement ne doit pas permettre que la dépense fiscale associée aux organismes de charité échappe à lexamen public. Dans ce document, nous examinons le monde la charité dans le contexte budgétaire, discutons des raisons économiques qui motivent les philanthropes et examinons le traitement fiscal réservé aux dons de charité. Nous présentons en annexe des tableaux qui dressent une brève image statistique de cette « industrie » en pleine croissance. LA PHILANTHROPIE ET LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE Il est important dexaminer le traitement fiscal réservé aux organismes de bienfaisance afin de sassurer quil est suffisamment généreux, quil nest pas trop coûteux et quil répond parfaitement bien aux besoins grandissants de la population. Le défi est dautant plus difficile à relever que ces organismes pourraient bien faire partie de la solution aux problèmes budgétaires des gouvernements en écopant de sévères compressions budgétaires. En 1993, comme on peut le voir dans le tableau 5 de lannexe, 60 p. 100 des recettes des organismes de bienfaisance (soit près de 49 milliards de dollars) venaient de divers paliers de gouvernement (nous incluons ici les sommes reçues par les hôpitaux 17 milliards de dollars et par les institutions denseignement 16,5 milliards de dollars)(5). Le Centre canadien pour la philanthropie a calculé quil faudrait que les dons augmentent de 5,8 p. 100 chaque fois que les subsides et transferts gouvernementaux baissent de 1 p. 100 pour que les sommes disponibles demeurent à un niveau constant. Les milliards de dollars de dons versés par les sociétés et les contribuables doivent être considérés comme des sommes investies dans la communauté. Les services et biens publics offerts par des organismes de bienfaisance sont devenus, à bien des égards, très importants et même essentiels, en raison du contexte financier dans lequel se retrouvent les gouvernements. Comme nous lavons souligné, faute de moyens financiers, les gouvernements se désengagent de plus en plus de la prestation de services publics. Il se pourrait bien que, dans un proche avenir, les organismes de bienfaisance soient appelés à se substituer à des gouvernements qui sefforcent de faire plus et mieux avec moins. Au moment où l'on tente de réinventer les gouvernements, il convient peut-être de reconnaître que la prestation des services de nature sociale serait beaucoup plus efficace si elle était confiée à ces organismes. En effet, les communautés et les agences locales sont peut-être mieux placées pour évaluer et satisfaire les besoins à un coût moindre que ne le sont des fonctionnaires travaillant dans une capitale éloignée de la clientèle. Les dons de charité ont des effets multiplicateurs très importants. Ces organismes de bienfaisance disent quen permettant que ces dons puissent être déduits de limpôt, le gouvernements en obtiennent vraisemblablement plus pour leur argent que ce qu'il leur en coûte en dépenses fiscales. Ainsi, l'abandon du crédit d'impôt pour dons de charité entraînerait probablement des pertes supérieures aux sommes remboursées actuellement aux contribuables par le biais de ce crédit d'impôt. Comme la Canadian Society of Fund Raising Executives la indiqué devant le Comité des finances :
Le Canadian Fund Raising Executive Institutes a pour sa part indiqué que :
Dans son rapport final, qui a fait suite aux consultations pré-budgétaires de lautomne 1994, le Comité déclare « [ ...] que sans la générosité et l'apport des organismes sans but lucratif, les gouvernements devraient assumer des responsabilités et des coûts accrus »(8). Le Comité a donc demandé que le gouvernement fasse une étude complète des encouragements fiscaux dont bénéficient les organismes de bienfaisance, les organismes sans but lucratif et les organismes à caractère culturel. Cette requête du Comité a trouvé écho dans le budget de février 1994, où il est dit que « [ l] e gouvernement continuera de surveiller le régime fiscal des dons versés aux organismes de charité enregistrés afin de s'assurer que ce régime appuie le secteur bénévole de la manière la plus efficace possible »(9). Le gouvernement fédéral a réitéré cet engagement dans le budget de 1996 où lon peut lire ce qui suit : « Au cours de lannée à venir, le ministère des Finances étudiera les moyens de faciliter encore les dons de charité et les activités de bienfaisance [...] . On examinera les façons de sassurer que laccroissement de laide gouvernementale aux organismes de bienfaisance se traduise bel et bien par des activités bénéficiant directement à la société canadienne »(10). Il semble donc que le gouvernement entende favoriser les dons de charité tout en sassurant que cet allègement fiscal profite à la société dans son ensemble. RAISONS ÉCONOMIQUES DE LA PHILANTHROPIE Contrairement à ce que plusieurs pensent, les gens ne sont pas préoccupés seulement par leur propre bien-être économique. En fait, en cherchant à maximiser leur niveau d'utilité (c-à-d. leur bien-être économique), ils prennent aussi en considération le bien-être des autres citoyens. De la même façon quils sont prêts à débourser pour l'alimentation de leurs enfants, ils sont prêts à se priver pour donner à ceux qui sont moins bien nantis. Parce qu'ils jugent important d'avoir accès à la culture et la littérature, par exemple, ils donnent à des musées, à des bibliothèques ou à des organismes voués à la promotion de l'alphabétisation. La majorité des gens se préoccupent du bien-être économique des autres. Une personne altruiste donnera aux autres si la réduction de sa richesse est au moins neutralisée par sa satisfaction de partager. Conséquemment, un don ne réduit pas le niveau d'utilité puisque le fait d'améliorer le sort des autres accroît le niveau de bien-être économique général. Plus une personne est relativement riche, plus elle sera prête à se priver pour satisfaire les besoins des autres. En fait, le dollar dont se prive un individu bien nanti a une valeur marginale moins importante que le même dollar mis à la disposition des plus démunis. La fiscalité influe sur les comportements altruistes de la façon suivante. Le crédit d'impôt pour dons de charité a pour but d'encourager les dons. Il permet de réduire les sommes à débourser pour le donateur puisque tous les contribuables sont forcés de partager une partie de la contribution versée. Ainsi lorsquun résident de lOntario verse 100 dollars à un organisme de bienfaisance, il reçoit un crédit fédéral de 17 dollars et un crédit provincial de 9,36 dollars (c'est-à-dire 17 dollars multiplié par 0,58). Les crédits réduisent aussi les surtaxes fédérales et provinciales. Pour leur part, les entreprises qui nouent un lien étroit avec un organisme de bienfaisance améliorent leur image de bon citoyen, parce que les consommateurs les perçoivent comme des sociétés ayant conscience de leurs responsabilités sociales. Les dons effectués par les sociétés sapparentent toutefois généralement plus au marketing quau comportement altruiste. C'est ce qui explique le traitement fiscal parfois plus favorable qui leur est accordé en matière de dons de charité. En effet, certains jugements ont reconnu que parce que des paiements peuvent être effectués pour des motifs d'affaires, ils peuvent être déductibles lors du calcul du revenu tiré d'une entreprise, indépendamment des limites généralement applicables (pour plus de renseignements, voir la section intitulée Traitement fiscal des dons effectués par les sociétés). TRAITEMENT FISCAL DES DONS DE CHARITÉ Les dons de charité ont été pris en compte dans le calcul du revenu imposable dès la création du premier impôt sur le revenu au Canada, en 1917. En 1950, parce qu'il s'inquiétait de la possibilité que certains organismes recevant des dons de charité ne consacrent pas une proportion suffisante de ces dons à des activités de bienfaisance, le gouvernement fédéral a instauré un certain nombre de règles fiscales applicables aux organismes de charité. En 1966, il a demandé aux organismes de produire des déclarations sur leurs activités et de s'enregistrer auprès du ministre du Revenu national, ce qui a permis la vérification des reçus. Même sil a procédé à une réforme fiscale en 1971, le gouvernement fédéral n'a pas proposé de nouvelles dispositions relatives aux organismes de charité avant la publication d'un Livre vert qui accompagnait le budget du 23 juin 1975. Le 25 mai 1976, il a annoncé l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1977, de plusieurs nouvelles dispositions relatives aux organismes de charité (l'article 149.1 de la Loi de limpôt sur le revenu par exemple). Il a imposé à ces organismes de verser un montant minimum au titre de leurs activités charitables, institué la notion de placements admissibles, exigé la production de déclarations publiques de renseignements et créé les fondations privées, les fondations publiques et les oeuvres de charité. Suite à la publication, en 1983, d'un document de travail par le ministère des Finances et, en juin 1987, du Livre blanc sur la réforme fiscale, le gouvernement a mis en place, en 1988, de nouvelles dispositions relatives au traitement fiscal des dons de charité. Avant 1988, un contribuable déduisait de son revenu un montant égal à celui de son don de charité. Tous les contribuables avaient droit à une déduction de 100 dollars sans production de reçus, qu'ils aient ou non donné à un organisme de bienfaisance enregistré. Avec ladoption des nouvelles dispositions, le gouvernement a remplacé la déduction par un crédit d'impôt fédéral non remboursable à deux niveaux. Un crédit d'impôt fédéral de 17 p. 100 est offert sur la première tranche de 250 dollars et un crédit de 29 p. 100 sur la partie dépassant ce seuil; ces crédits sont déduits de l'impôt que le contribuable a à payer. Depuis 1988, le régime fiscal encourage les dons de charité en liant la valeur du crédit à celle des dons plutôt qu'au revenu du donateur. Dans le budget de février 1994, le gouvernement a rendu plus généreux le traitement fiscal accordé aux dons de charité. Afin dencourager les gens à faire des dons de charité, il a ramené de 250 à 200 dollars le seuil à partir duquel le crédit s'applique au taux de 29 p. 100, ce qui accroît modérément l'aide fiscale accordée relativement aux dons de charité. Selon le ministère des Finances, le crédit coûtera 15 millions de dollars de plus par année en impôt non perçu. Dans le budget de 1996, le gouvernement a annoncé une série de mesures affectant le traitement fiscal des dons de charité. Le plafond annuel des dons est passé de 20 à 50 p. 100. De plus ce plafond sera de 100 p. 100 lors de dons testamentaires. Finalement, le plafond de 50 p. 100 a été accru de 50 p. 100 du gain en capital imposable lorsque le don comprend un bien en capital qui a pris de la valeur. B. Traitement fiscal des dons effectués par les particuliers Il ne fait aucun doute que le traitement fiscal des dons de charité influe de façon significative sur la générosité. Comme nous l'avons souligné un peu plus tôt, en accordant un crédit d'impôt pour dons de charité, le gouvernement répartit une partie du coût du don sur l'ensemble des contribuables et réduit ainsi ce quil en coûte au donateur. Le régime fiscal impose toutefois des limites et des conditions d'admissibilité aux avantages. 1. Crédit d'impôt à l'égard des dons de charité Les donateurs ont droit, comme nous lavons déjà indiqué, à un crédit d'impôt fédéral non remboursable de 17 p. 100 sur la première tranche de 200 dollars et de 29 p. 100 sur la somme excédentaire versées à un donataire enregistré. Les dons sont maintenant limités à 50 p. 100 du revenu net. Cette nouvelle limite devrait favoriser des dons plus importants. Pour les contribuables des provinces participant aux accords de perception fiscale, le taux combiné des crédits fédéral et provincial est d'environ 27 p. 100 sur les dons de moins de 200 dollars et d'environ 47 p. 100 sur l'excédent réclamé. Les dons qui excéderaient 50 p. 100 du revenu net peuvent être reportés sur une période maximale de cinq années d'imposition. De plus, n'importe lequel des époux peut demander un crédit pour une contribution effectuée par l'un ou l'autre des conjoints. Finalement, même si le total des dons n'excède pas 50 p. 100 du revenu net, le particulier peut choisir de ne pas les utiliser afin de les accumuler sur une période n'excédant pas cinq années afin de maximiser le crédit d'impôt. Pour être admissibles aux crédits dimpôt, les dons doivent être versés à l'un des donataires suivants : 1. un organisme de bienfaisance canadien enregistré en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu(11), 2. une association sportive amateur, 3. une société d'habitation offrant des logements à loyer modéré, 4. une municipalité canadienne, 5. les Nations Unies ou ses organismes, 6. certaines universités à l'extérieur du Canada et 7. certaines oeuvres de charité situées à l'extérieur du Canada. Afin d'encourager les Canadiens à donner des biens culturels et à faire en sorte que les objets d'art et les biens culturels demeurent au Canada, la Loi prévoit un traitement fiscal plus généreux à légard de ces biens. Premièrement, lorsque des biens culturels sont donnés à des établissements reconnus par la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels, les donateurs ont droit à un crédit d'impôt basé sur la juste valeur marchande des biens (établie par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels (paragraphe 118.1(10) de la Loi), et ils nont pas à ajouter à leurs revenus le gain de capital présumé. Deuxièmement, les dons ne sont pas assujettis à la limite de 50 p. 100 du revenu net, et ils peuvent être reportés sur les cinq années suivantes si le crédit d'impôt n'est pas utilisé en totalité durant l'année au cours de laquelle les dons sont effectués. Afin d'être admissibles au traitement fiscal, les dons doivent être effectués au profit d'un établissement canadien enregistré de services nationaux dans le domaine des arts (il n'est pas nécessaire d'être un organisme de charité ou un agent de la Couronne pour être qualifié d'établissement désigné par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels). 2. Dons de biens dont la valeur sest accrue À cause de limposition des gains en capital, les contribuables qui, sous lancien régime, effectuaient des dons de biens qui avaient pris de la valeur (par exemple, des terrains ou des immeubles) se retrouvaient quelquefois dans une situation où ils ne pouvaient pas demander des crédits dimpôt pour le montant intégral du gain de capital imposable (les trois quarts du gain de capital sont imposables). Il était donc plus avantageux de limiter la valeur des dons afin de réduire le plus possible le fardeau fiscal et les problèmes de trésorerie. Cette situation nuisait aux organisations de bienfaisance. Le gouvernement a donc accru le crédit dimpôt pour les biens qui ont pris de la valeur afin de compenser limpôt à payer attribuable à ce gain. À la limite de 50 p. 100 du revenu net, qui inclut les 75 p. 100 des gains en capital qui sont imposables, sajoute donc la moitié des gains en capital imposables résultant des dons dimmobilisations inclus dans le calcul du revenu imposable du donateur(12). Les donateurs ont donc droit à un crédit pour dons de charité maximum, dont la valeur inclut la totalité de la valeur imposable du gain de capital (c.-à-d. 75 p. 100 du gain de capital). Le nouveau régime élimine par conséquent le désavantage qui était lié aux dons de biens qui avaient pris de la valeur. Le nouveau crédit dimpôt englobera en entier les gains en capital imposables. Toutefois, le crédit ne sera pas toujours égal à la valeur marchande du don. Dans certaines circonstances (par exemple, si le revenu imposable nest pas élevé alors que la valeur du don est très grande), les contribuables nauront pas toujours droit à un crédit dimpôt qui englobera la valeur marchande totale du bien dont la valeur sest accrue(13). Les particuliers devront donc calculer le crédit dimpôt maximum auquel ils ont droit et se demander sil est préférable détaler sur une période de cinq ans toute portion du don non réclamée au fisc afin de maximiser le crédit dimpôt pour dons de charité. Il est important de noter que bien peu de contribuables se trouvent dans cette situation. Dautre part, les contribuables ont toujours le choix dajuster leur comportement philanthropique afin de réduire le plus possible limpôt à payer. Lorsquun contribuable fait un don au gouvernement du Canada, à un gouvernement provincial ou à leurs mandataires (comme une fondation gouvernementale), il a le droit de verser des contributions jusqu'à concurrence de 100 p. 100 de son revenu net. Le don s'ajoute donc intégralement au montant sur lequel le crédit d'impôt est calculé. Le crédit d'impôt ne peut toutefois pas dépasser le montant de l'impôt à payer. Tout surplus peut être reporté sur les cinq années d'imposition suivantes si l'impôt à payer n'est pas assez élevé pour permettre la déduction de la totalité du crédit pour dons ou si le particulier ne désire pas utiliser immédiatement ce crédit. Certaines provinces (comme l'Ontario et la Colombie-Britannique) ont mis en place des fondations de bienfaisance qui agissent au nom de la Couronne et à qui les donateurs versent directement leurs dons. Les dons en faveur des ces fondations donnent droit au traitement fiscal le plus favorable. Par conséquent, les particuliers qui voudraient verser plus de 20 p. 100 de leur revenu net auraient tout intérêt à verser leurs dons à des fondations plutôt que directement à des organisations de bienfaisance. Les legs sont considérés comme ayant été faits durant l'année du décès du donateur. La limite sur ces dons a été portée de 20 à 100 p. 100. Si les legs excèdent cette limite, ils peuvent être reportés sur l'année précédant l'année du décès, et un crédit peut être déduit de l'impôt à payer pour la dernière année d'imposition. Sous lancien régime, il y avait disposition présumée de tous les biens au moment du décès (à l'exception des dons faits au conjoint ou à l'égard de fiducies créées au profit du conjoint). Ces dons de charité pouvaient être très élevés et facilement dépasser la limite de 20 p. 100. Par conséquent, si les dons étaient substantiels, le donateur avait tout intérêt à les faire à un organisme enregistré de son vivant plutôt que d'attendre son décès afin de permettre une meilleure utilisation du crédit d'impôt pour dons de charité ou encore de tout simplement à verser les dons à une fondation gouvernementale. Avec la nouvelle limite de 100 p. 100, le gouvernement facilite la planification des dons lorsque le montant de ces derniers est important en proportion de revenu pour lannée du décès et lannée précédente. Comme nous l'avons vu précédemment, le traitement fiscal diffère dans le cas d'un legs de biens culturels certifiés puisque ce don effectué à des établissements désignés situés au Canada nest pas réputé être un don engageant un gain en capital présumé; aucune limite nest alors imposée sur la valeur du don. C. Traitement fiscal des dons effectués par les sociétés Parce que les gouvernements se font de moins en moins généreux, les organismes de bienfaisance se tournent vers les particuliers et les sociétés. Pour les entreprises, de tels dons ont l'avantage d'améliorer leur image de marque à peu de frais. Tout comme dans le cas des particuliers, le maximum des dons de charité faits par une société au cours d'une année ne doit pas dépasser 50 p. 100 du revenu imposable. Toutefois, les règles relatives aux déductions fiscales permettent aux sociétés de déduire entièrement de leur revenu imposable les dons de charité plutôt quun crédit d'impôt. En effet, lorsqu'il est possible de considérer le don comme un paiement effectué pour des motifs d'affaires, la société peut déduire, sans limite, les sommes déboursées lors du calcul du revenu tiré de l'entreprise. La décision dans l'affaire Olympia Floor & Wall Tile (Québec) Ltd c. M.R.N. permet la pleine déduction si l'on perçoit le don comme une dépense d'exploitation. Certains, comme Léo-Paul Lauzon, de l'UQAM, s'opposent à ce traitement fiscal et sont d'avis que tout ce qui s'appelle frais de représentation, dépenses philanthropiques et aide de toute sorte ne devrait pas être déductible de l'impôt sur les sociétés. D.
Classification fiscale des organismes de bienfaisance enregistrés et Le statut d'organisme de bienfaisance enregistré comporte deux avantages importants. Premièrement, il autorise l'organisme à délivrer des reçus officiels permettant aux particuliers de réduire l'impôt à payer sur leurs revenus et aux sociétés de réduire leurs revenus imposables. Deuxièmement, il exempte l'organisme de payer de l'impôt sur le revenu, en vertu de la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour être admissible à l'enregistrement, l'organisme de bienfaisance doit avoir été créé à des fins de bienfaisance, se trouver au Canada et ne pas verser de revenus au profit de ses membres. Cette dernière condition n'empêche pas l'organisme de payer les services rendus dans le cas de dépenses liées au fonctionnement normal. Les conditions d'admissibilité prévoient que les activités de l'organisation doivent conférer un avantage tangible au public (par exemple, un organisme créé pour couvrir les frais de voyages d'un enfant malade qui irait se faire traiter aux États-Unis ne serait pas reconnu comme un organisme de bienfaisance parce qu'il serait dépourvu de l'élément essentiel d'avantage public). La clientèle bénéficiant des activités ne doit donc pas se limiter à un groupe restreint, par exemple, une association dont l'adhésion est réservée à certaines personnes. Les tribunaux ont défini quatre grandes catégories aux fins de bienfaisance. Pour faire partie de lune de ces catégories, l'organisme doit poursuivre au moins l'une des activités suivantes : 1. le soulagement de la pauvreté (par ex., les banques alimentaires et les organismes qui fournissent aux personnes démunies des vêtements ou des meubles), 2. l'avancement de la religion (il doit y avoir un élément de culte théiste pour que lorganisme soit reconnu, et les activités religieuses doivent servir le bien commun), 3. l'avancement de l'éducation (les activités doivent comporter un élément important de formation ou viser le développement des facultés mentales ou l'amélioration d'une branche du savoir (par ex., les musées) et 4. d'autres activités profitant à la collectivité, définies par les tribunaux (par ex., la protection de l'environnement, le bien-être des enfants, les pompiers volontaires, la prévention de la cruauté envers les animaux et le soulagement de la souffrance associée au vieillissement). La Loi reconnaît deux genres d'organismes de bienfaisance enregistrés : les fondations et les oeuvres de charité. Les oeuvres de charité comptent pour plus de 90 p. 100 des 71 000 organismes de bienfaisance enregistrés. Ce sont des organismes qui mènent leurs propres activités de bienfaisance, dont plus de 50 p. 100 des dirigeants ne sont pas des personnes liées (par le sang, le mariage, l'union de fait, une association commerciale ou une affiliation étroite comme des associés d'affaires, employé et employeur) aux autres dirigeants, et dont au moins 50 p. 100 des fonds reçus viennent de donateurs qui ne sont pas des personnes liées. Pour leur part, les fondations, qui sont des organismes de bienfaisance servant essentiellement à financer d'autres activités de bienfaisance reconnues, peuvent être publiques ou privées (la distinction est basée sur le rapport qui existe entre les dirigeants et la nature du financement). Une fondation est publique si plus de 50 p. 100 de ses dirigeants ne sont pas des personnes liées à d'autres dirigeants et si au moins 50 p. 100 des fonds proviennent de donateurs non liés. Une fondation est privée si 50 p. 100 ou plus de ses dirigeants sont des personnes liées à d'autres dirigeants ou si elle reçoit plus de 50 p. 100 de ses fonds d'une même personne ou d'un groupe de personnes liées. Les fondations privées ne peuvent se livrer à des activités commerciales, tandis que les fondations publiques et les oeuvres de bienfaisance ne peuvent mener que des activités commerciales afférentes à leur mandat ou dirigées par des bénévoles. Dans le but de protéger les contribuables, de s'assurer qu'une grande partie des fonds sert à des fins charitables, de décourager l'accumulation inappropriée de capitaux et de maintenir à un niveau raisonnable les dépenses administratives, la Loi exige que tous les organismes de charité dépensent un montant minimum, soit son contingent des versements, au sens que l'alinéa 149.1(1)e) de la Loi donne à ce terme. Les dons pour lesquels aucun reçu n'a été délivré ne sont pas assujettis à cette exigence. Le calcul du contingent varie en fonction du type d'organisme de bienfaisance. Le lecteur verra, à lannexe, comment la formule s'applique aux oeuvres de charité, aux fondations publiques et aux fondations privées. La plupart des organismes ne sont obligés de tenir compte que de la valeur des reçus délivrés pour des dons au cours de l'année précédente. Les dépenses admissibles à l'établissement du contingent des versements doivent servir directement à une activité de bienfaisance (qui comprend les salaires et l'acquisition de matériel ou de biens, par exemple, mais qui exclut les frais purement administratifs comme une campagne de souscription ou les frais judiciaires ou comptables). Une oeuvre de charité doit consacrer au moins 80 p. 100 des sommes pour lesquelles elle a délivré des reçus à ses activités de bienfaisance, à l'exclusion des dons reçus au titre d'un legs, des dons visés par une stipulation obligeant la conservation du bien pendant au moins dix ans et des dons reçus d'autres organismes de charité. Une fondation publique doit consacrer à ses activités de bienfaisance le total des éléments suivants : a) le montant qui serait son contingent des versements si la fondation était une oeuvre de charité, plus b) 80 p. 100 de toutes les sommes qu'elle a reçues d'autres organismes de charité enregistrés à l'exclusion de tout don désigné, plus c) une somme calculée d'après la valeur moyenne de la partie des biens détenus au cours des 24 mois précédents et qui n'étaient pas directement affectés à des activités de bienfaisance ou à des fins administratives. Une fondation privée calcule son contingent de la même façon qu'une fondation publique sauf que le deuxième élément est égal à 100 p. 100 de toutes les sommes que la fondation privée a reçues d'autres organismes enregistrés. Les organismes qui poursuivent des fins politiques, en tout ou en partie, ne sont pas des organismes de bienfaisance. Par exemple, l'avancement des objectifs d'un parti politique, la promotion d'une doctrine politique, la persuasion du public afin qu'il adopte un point de vue particulier sur une grande question sociale ou la tentative de faire apporter des changements à une loi ou à la politique d'un gouvernement seraient toutes des activités qui empêcheraient l'enregistrement. La Loi interdit expressément à tout organisme de se livrer à une activité politique partisane. Un organisme de bienfaisance ne peut donc pas appuyer, monétairement ou autrement, un parti politique ou un candidat, ni s'y opposer. Toutefois, un organisme établi à des fins de bienfaisance peut se livrer, en ne consacrant pas plus de 10 p. 100 de ses ressources, à des activités politiques non partisanes qui contribueraient directement à l'accomplissement des objectifs de l'organisme de bienfaisance. L'enregistrement ne sera accordé que si l'organisme satisfait à bien d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par exemple, les organismes sont tenus de produire une déclaration de renseignements, des annexes et des états financiers pertinents dans les six mois qui suivent la fin de leur année financière. Un organisme de charité doit aussi tenir des livres et des registres. Un organisme qui ne satisfait pas aux exigences du statut d'organisme de bienfaisance enregistré peut être admissible à ce titre dans certains cas comme organisation sans but lucratif en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Par exemple, les associations amicales rendant des services aux nécessiteux (comme les Clubs Richelieu ou Rotary), les groupes de défense ou les groupes sportifs ne sont pas admissibles à l'enregistrement. De telles organisations ne sont pas assujetties à la plupart des impôts mais elles ne peuvent pas délivrer de reçus officiels aux fins de l'impôt. CONCLUSION : UN TRAITEMENT FISCAL À REVOIR Le gouvernement fédéral aura de plus en plus de difficulté à trouver les sommes nécessaires afin de rendre le régime fiscal plus généreux envers les organismes de bienfaisance. À elles seules, les dernières modifications à la Loi de limpôt sur le revenu couteront 20 millions de dollars de plus au gouvernement fédéral. En plus des 5,3 milliards de dollars quil verse directement à ces organismes, il permet aux contribuables de réduire leurs impôts grâce à un crédit dimpôt pour dons de charité, ce qui lui coûte presque un milliard de dollars. À cela, il faut ajouter les millions quil accorde aux sociétés donatrices. Il ne fait aucun doute quavec telles sommes en jeu le moindre abus peut entraîner des coûts énormes. Il faut donc sassurer que les contrôles en place sont efficaces. Il faudrait peut-être améliorer ladministration fiscale des organismes de charité en mettant laccent sur la transparence, la simplicité et léquité. Ainsi, Revenu Canada devrait peut-être revoir les mesures concernant lannulation des enregistrements, les activités commerciales, la production tardive des déclarations, les pénalités pour non-conformité, la validité des reçus émis et laccès aux déclarations publiques de renseignements préparées par ces organismes. Parce que les sociétés peuvent profiter dun traitement fiscal particulièrement généreux, le gouvernement pourrait peut-être aussi revoir les règles qui permettent aux entreprises de déduire les dons. Devant le Comité des finances, Léo-Paul Lauzon, de l'Université du Québec à Montréal a déclaré ce qui suit :
Parce que les avantages fiscaux découlant des dons versés aux fondations de la Couronne sont beaucoup plus généreux que les autres, les autorités fiscales auraient peut-être intérêt à revoir le rôle et le bien-fondé de ce traitement. En donnant à une fondation de la Couronne plutôt quà un autre organisme enregistré, les particuliers peuvent faire fi de la limite de 50 p. 100 et réduire substantiellement leurs impôts, ce qui entraîne un manque à gagner important de fonds publics. Finalement, de plus en plus dorganismes de bienfaisance demandent aux Canadiens de contribuer. Il existe pourtant une limite à ce que les contribuables peuvent donner. En fait, le nombre dorganismes augmente probablement plus rapidement que la somme totale allouée à la philanthropie au Canada. Chaque organisme reçoit ainsi une pointe de tarte de plus en plus petite à mesure que le nombre dorganismes saccroît et que la compétition augmente. Revenu Canada devrait peut-être se pencher sur les critères employés afin dévaluer la légitimité des activités de bienfaisance des organismes de bienfaisance. Par exemple, est-il normal que Greenpeace et la fondation Alliance Québec puissent émettre des reçus pour fins dimpôt alors que leurs activités sont souvent des activités à caractère politique. La seule façon de libérer davantage de ressources financières sans quil en coûte un sou chose aux gouvernements, cest de limiter le nombre dorganismes de bienfaisance en examinant de plus près la légitimité de leurs activités et en révoquant plus rapidement leur enregistrement sil y a lieu.
ANNEXE
Source: Revenu Canada, Statistiques fiscales, 1993 Ottawa, 1995, tableau 2.
Source : Centre canadien pour la philanthropie, A Portrait of Canadas Charities, Toronto, 1994.
(a) Données de Statistique Canada de 1992 (septembre 1993, no de catalogue 11-010). Source : Voir tableau 2.
Notes
: Les chiffres ayant été arrondis, il se peut que leur total n'égale pas
100. Source : Voir tableau 2.
Notes
: Les pourcentages ayant été arrondis, il se peut que leur total n'égale
pas 100. Source : Voir tableau 2.
Notes
: Les pourcentages ayant été arrondis, il se peut que leur total n'égale
pas 100. Source : Voir tableau 2.
Notes
: Les pourcentages ayant été arrondis, il se peut que leur total n'égale
pas 100. Source : Voir tableau 2.
POUR OBTENIR UNE VERSION PAPIER DE CE DOCUMENT, (1) The Financial Post, 9 décembre 1994, p. 18. (2) Ibid. (3) Centre canadien pour la philanthropie, A Portrait of Canadas Charities, Toronto, 1994, figure 8. (4) Ibid. (5) Les hôpitaux et les institutions denseignement postsecondaire possèdent le statut dorganisme de charité. On dénombre plus de 4 600 institutions vouées aux soins de santé et qui ont le statut dorganisme de bienfaisance enregistré et on compte plus de 9 300 organismes denseignement enregistrées. (6) Comité des finances, Procès-verbaux et témoignages, 24 novembre 1994, fascicule 91, p. 59. (7) Ibid., p. 61. (8) Comité des finances, Pour affronter la crise du déficit, Ottawa, décembre 1994, p. 40. (9) Ministère des finances, Mesures fiscales, Renseignements supplémentaires, Budget 1994-1995, 22 février 1994, p. 12. (10) Ministère des finances, Plan budgétaire, Budget 1996-1997, 6 mars 1996, p. 76. (11) Dans la section intitulée Classification fiscale des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif, nous reviendrons en détail sur ce que constitue un organisme enregistré et sur les avantages qui lui sont conférés. En attendant, quil suffise de dire qu'un organisme peut s'enregistrer s'il poursuit au moins l'une des activités suivantes : le soulagement de la pauvreté, l'avancement de la religion, l'avancement de l'éducation et d'autres activités profitant à la collectivité. (12) TC = 0,5 Y + 0,5 ( 0,75 KG) où TC= Crédit
dimpôt annuel maximum pour dons de charité Par conséquent TC = 0,5 Yi + 0,75 KG (13)
En se basant sur léquation TC = 0,5 Yi + 0,75 KG , on peut
dire que : où
M= valeur marchande du bien donné Par conséquent : TC < M si Yi < 0,5 M + 1,5 C En dautres mots, le crédit dimpôt sera inférieur à la valeur marchande du don si le revenu net est trop faible par rapport à la somme pondérée de la valeur marchande et du coût dacquisition. Par exemple, dans le cas dun bien nayant aucune plus-value (c.-à-d. où M=C), le crédit dimpôt sera égal à la valeur totale du don si le revenu net (Yi) est le double de la valeur du bien (M). (14) Comité des finances, Procès-verbaux et témoignages, 23 novembre 1994, fascicule 89, p. 21 et 22. |