BP-411F

 

LE SIDA CHEZ LES HÉTÉROSEXUELS

 

Rédaction :
William Murray
Division des sciences et de la technologie
Mars  1996


 

TABLE DES MATIÈRES

 

LA TRANSMISSION DU VIH DE L'HOMME À LA FEMME

LA TRANSMISSION DU VIH DE LA FEMME À L'HOMME

TRANSMISSION HÉTÉROSEXUELLE ET DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE DU VIH

PRÉVENIR LA PROPAGATION DU VIH-SIDA


 

LE SIDA CHEZ LES HÉTÉROSEXUELS

 

Lorsque le sida est apparu aux États-Unis au début des années 80, on l’a surnommé la gay-related immunodeficiency disease (GRID) parce qu’il semblait n’affliger que les hommes homo- et bisexuels. Avec le temps, on a toutefois constaté qu’il n’était pas nécessaire d’être homosexuel ou mâle pour contracter l’infection au VIH. Le visage du sida a changé si radicalement que M. P.J. Hitchcock, chef de la direction des maladies vénériennes à l’institut national des allergies et des maladies infectieuses des États-Unis, estime qu’il y a aujourd’hui dans le monde plus de femmes que d’hommes qui portent le virus. Cette évaluation se fonde sur plusieurs études scientifiques qui montrent que les femmes sont au moins deux fois plus susceptibles d’être infectées que les hommes lorsqu’il y a transmission du VIH au moment de rapports hétérosexuels(1).

L’Organisation mondiale de la santé estime que la transmission au moment de rapports hétérosexuels compte pour 75 p. 100 des cas de VIH dans le monde(2). Les 25 p. 100 restants sont surtout le fait de l’emploi de sang et de produits sanguins contaminés, du partage d’aiguilles par les toxicomanes et de la transmission au moment de rapports homosexuels ou de rapports où l’un des partenaires est bisexuel. Les rapports hétérosexuels constituent le mode principal de transmission de l’infection en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aux Antilles. En fait, aux États-Unis, le sida a cessé d’être avant tout une maladie des gais depuis 1990. Les données des Centers for Disease Control and Prevention américains révèlent que la proportion de nouveaux cas signalés parmi les hommes homo- et bisexuels a diminué, passant de 47,3 p. 100 en 1993 à 43,3 p. 100 en 1994. Pendant ce temps, le taux augmentait chez les femmes et les membres des groupes minoritaires. Les femmes comptaient pour 18,1 p. 100 des tous les cas de sida en 1994, contre 16,2 p. 100 en 1993. D’autre part, la proportion des sidéens noirs est passée de 36,1 p. 100 des nouveaux cas en 1993 à 39 p. 100 en 1994, tandis que celle des Hispaniques, est passée de 17,7 à 18,7 p. 100 pour ces mêmes années(3).

Il n’y a qu’au Canada et dans les pays développés d’Europe et d’Australasie que le sida demeure majoritairement une maladie d’homosexuels. Toutefois, même dans ces pays, le VIH progresse dans la population hétérosexuelle. En Angleterre et au Pays-de-Galles, selon les prévisions sur le sida pour la période allant de 1995 à 1999, la part des homo- et des bisexuels dans les nouveaux cas fléchira de 7 p. 100, mais celle des utilisateurs de drogues intraveineuses augmentera de 29 p. 100, tandis que les cas issus de rapports hétérosexuels augmenteront de 25 p. 100(4). L’Association canadienne de santé publique estime qu’il y a actuellement 10 000 sidéens au Canada, et qu’une personne sur 1 000 est séropositive. Le nombre de cas de sida attribués aux rapports hétérosexuels continue d’augmenter plus rapidement qu’en fonction de toute autre cause. En 1991, le nombre de femmes diagnostiquées séropositives au Canada correspondait à un tiers des nouveaux cas chez les femmes au cours des dix années précédentes. De nombreuses femmes ont été diagnostiquées lors de visites de routine chez le médecin durant une grossesse. En Colombie-Britannique et au Yukon, une femme enceinte sur 3 745 est séropositive; à Toronto, c’est une sur 1 976 et à Montréal, une sur 616(5). Une étude québécoise menée de juillet 1989 à juin 1993 sur la fréquence du VIH révèle qu’à à Montréal, une femme qui se fait avorter sur 555 était séropositive(6).

Au 31 décembre 1995, 6,2 p. 100 des sidéens diagnostiqués au Canada étaient des femmes. La distribution régionale est cependant très inégale : 2,8 p. 100 des cas en Colombie-Britannique, 4,8 p. 100 en Alberta, 4,5 p. 100 en Ontario, mais 10,1 p. 100 au Québec et dans les provinces de l’Atlantique(7). En outre, les données de Santé Canada cumulées au 31 décembre 1994 indiquent que les femmes sidéennes constituent 19,5 p. 100 de la population sidéenne diagnostiquée à Terre-Neuve (9 sur 46)(8). On reconnaît que les immigrants en provenance de pays où le VIH est répandu, et l’usage courant des drogues injectées à Montréal ont contribué au taux élevé de séropositivité chez les Québécoises; mais la raison de l’existence d’une situation analogue dans les provinces de l’Atlantique demeure cependant inconnue. L’éclaircissement de cette question pourrait faire ressortir certains des facteurs de risque d’exposition VIH/sida chez les hétérosexuels au Canada.

LA TRANSMISSION DU VIH DE L’HOMME À LA FEMME

Les relations hétérosexuelles non protégées avec un partenaire masculin séropositif peuvent donner lieu à un dépôt de sperme contaminé dans le vagin. Le virus se trouve alors dans un milieu humide, chaud et relativement peu oxydant qui peut le protéger et prolonger sa survie jusqu’à ce qu’il puisse infecter un tissu vulnérable. À l’inverse, une relation avec une femme séropositve peut exposer les parties génitales externes de l’homme aux sécrétions vaginales contenant le virus; cependant, l’exposition subséquente au froid, à l’oxygène et à l’effet asséchant de l’air inactivent probablement le virus. En outre, la peau est une barrière efficace et elle ne laisse qu’une portion du pénis sans protection contre l’infection. Par conséquent, les relations non protégées avec un partenaire séropositif sont plus dangereuses pour la femme que pour l’homme.

Le VIH infecte facilement les lymphocytes T à CD4(9), parce que les protéines de l’enveloppe virale présentent une structure qui se moule à celle du CD4 (récepteur) de la paroi cellulaire du lymphocyte. Les cellules épithéliales du tractus génital de la femme sont dépourvues de récepteurs CD4; cependant, les lymphocytes T sont attirés vers l’épithélium vaginal et utérin s’il y a inflammation ou lésion. En conséquence, on croit que les femmes sont plus susceptibles de contracter le virus s’il y a des défauts dans la paroi épithéliale du tractus génital. Cette théorie a été vérifiée par des études : les femmes atteintes de MTS, qui sont causes de lésions et d’inflammations, risquent beaucoup plus de contracter le VIH que les autres(10).

Outre les lymphocytes T, les macrophages et les cellules de Langerhans, qui sont des cellules clés du système immunitaire, portent également des récepteurs CD4. Dans les études sur les animaux, on a remarqué que ces cellules sont présentes immédiatement sous les cellules épithéliales. En outre, on a remarqué que la couche épithéliale gonfle et s’amincit durant certaines phases du cycle menstruel. En théorie, une lésion microscopique de la couche épithéliale pourrait donner au VIH l’occasion d’entrer en contact avec les cellules à CD4 situées sous elle. On a également observé que les femmes ayant un utérus ectopique, condition qui perturbe la paroi épithéliale, sont particulièrement vulnérables à l’infection au VIH. On croit aujourd’hui que l’utérus et le vagin servent tous deux de sites d’entrée au VIH(11).

Ce que nous venons de décrire concerne l’infection par des virus libres. Il semble également que l’infection puisse être le fait du VIH intracellulaire contaminant déjà des lymphocytes présents dans le sperme. Des études par micrographe électronique indiquent que les lymphocytes infectés se fixent aux cellules épithéliales du tractus génital de la femme. Les virus intracellulaires se déposent au fond des cellules et sont ensuite libérés dans les interstices entre les lymphocytes et les cellules épithéliales. Ces dernières, dépourvues de récepteurs CD4, phagocytent les virus et s’infectent. Les études ont été menées sur des cultures de cellules utérines humaines, mais des études sur les animaux indiquent que les virus intracellulaires sont peut-être beaucoup moins infectieux que les virus libres. Ainsi, des macaques ont été faciles à infecter avec le virus de l’immunodéficience du singe (VIS), cousin du VIH, quand, de petites doses de VIS libres ont été placées dans le vagin. À l’inverse, lorsqu’on a appliqué, de la même façon, de fortes doses de VIS liés à des lymphocytes dans le vagin d’autres macaques, on n’a pas obtenu d’infection(12).

LA TRANSMISSION DU VIH DE LA FEMME À L’HOMME

Des études distinctes sur la probabilité de transmission du VIH de la femme à l’homme ont montré que les Thaïlandais et les Kenyans qui ont des rapports sexuels avec les prostituées de leur pays risquent au moins 31 fois plus d’attraper le VIH que les nord-américains qui ont des rapports avec des prostituées locales(13),(14),(15). Ce très grand écart a amené les chercheurs à sonder les raisons pour lesquelles le sida résultant de rapports hétérosexuels est beaucoup plus répandu dans les pays en développement et de déterminer les facteurs de risque chez les hommes.

L’activité sexuelle, y compris le nombre de partenaires, la fréquence des relations et la fréquence des contacts avec les prostituées, peut varier d’un pays à l’autre. Pour expliquer les différences observées dans le taux de séropositivité au VIH-1, il faudrait cependant des différences très marquées pour ce qui est de l’activité sexuelle, pour laquelle on ne dispose que de peu de données. Cela a conduit les chercheurs a rechercher des facteurs qui augmentent l’infectivité ou rendent les individus exposés plus susceptibles à la séropositivité.

Dans l’étude kenyane, on a assuré un suivi de la santé sexuelle de 293 hommes qui avaient fréquenté les prostituées de Nairobi (lesquelles sont séropositives à 85 p. 100). L’infection au VIH nouvellement acquise était liée au contact fréquent avec les prostituées, à l’acquisition d’un ulcère génital et à l’absence de circonsion. Après un seul contact sexuel, 43 p. 100 de tous les mâles non circoncis qui ont développé un ulcère sont devenus séropositifs. À l’inverse, aucun des sujets circoncis et n’ayant pas développé d’ulcère n’est devenu séropositif. L’analyse des données indique que l’absence de circoncision est un plus grand facteur de risque que l’ulcération génitale.

Dans l’étude thaïlandaise de 1 115 conscrits mâles de 21 ans, on a trouvé que les rapports avec des prostituées étaient la principale cause d’infection au VIH. Des études sur les prostituées locales révèlent des taux élevés de MTS et les taux de séropositivé suivants : VIH, 51 p. 100; syphilis, 37 p. 100; herpès génital, 80 p. 100; chancre mou, 21 p. 100. Voici les taux d’infection active : infections à chlamydia, 30 p. 100; gonorrhée, 24 p. 100; ulcerations génitales, 9 p. 100. Chez les conscrits actifs sexuellement, ce sont ceux qui indiquaient tant une fréquence élevée de contacts avec des prostituées qu’un taux élevé de MTS, qui avaient le taux le plus élevé de séroconversion au VIH. L’effet de la circoncision sur le risque d’infection a été impossible à établir, cette opération étant très rare en Thaïlande, pays bouddhiste.

Une ulcération génitale chez l’homme au moment d’un contact avec une femme séropositive pourrait agir comme porte d’entrée. Cependant, comme les ulcères génitaux sont très douloureux, on doute que beaucoup d’hommes qui en auraient se livreraient à l’acte sexuel. On croit plutôt que c’est l’ulceration génitale chez la femme séropositve qui accroît le risque, parce que le VIH est plus abondant dans son tractus génital. Les chercheurs ont réussi à isoler le VIH sur la surface des ulcères génitaux, et on croit que ceux-ci attirent les lymphocytes et les macrophages infectés, ce qui donne lieu à de fortes concentrations du virus dans les sécrétions vaginales. On croit que d’autres MTS pourraient favoriser de la même façon la transmission du VIH de la femme à l’homme.

Outre l’étude faite au Kenya, d’autres études ont indiqué que l’absence de circoncision augmente le risque de contracter le VIH(16),(17). Il semble que la porte d’entrée chez le mâle soit l’urètre, l’épiderme du gland et ou la face interne du prépuce. Il a été suggéré que le prépuce peut piéger les sécrétions vaginales et qu’il constitue un milieu favorable à la survie du virus. Les inflammations mineures sont plus fréquentes chez les non-circoncis, et le prépuce pourrait être plus sujet aux ruptures épithéliales durant les rapports sexuels; ces deux affections pourraient attirer des lymphocytes et des macrophages, et les mettre en contact avec le VIH.

TRANSMISSION HÉTÉROSEXUELLE ET DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE DU VIH

Le VIH se caractérise par une grande variabilité génétique, qui lui a permis de résister aux médicaments et d’échapper aux réponses immunitaires, et de contrarier les tentatives de produire un vaccin efficace(18). À ce jour, on reconnait neuf sous-types génétiques du VIH, nommés de A à H, et O(19). Au Japon et dans les pays développés d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Australasie, presque toutes les infections parmi les homo- et bisexuels et les utilisateurs de drogues intraveineuses sont des infections au VIH-B. À l’inverse, cette souche est la moins fréquente en Afrique, où les sous-types A, C, D et E prédominent et se propagent par voie hétérosexuelle. Dans le Sud-Est asiatique, la situation présente un intérêt scientifique considérable : les utilisateurs de drogues intraveineuses sont infectés par le sous-type B, tandis que les hétérosexuels le sont par le sous sous-type E.

La ségrégation des sous-types B et E entre deux populations distinctes a poussé les chercheurs thaïlandais à mesurer le risque de la transmission de l’homme à la femme pour chacun. Pendant deux ans, on a suivi des femmes ayant un partenaire mâle infecté soit par le VIH-E, soit par le VIH-B. Durant l’étude, 70 p. 100 des femmes dont le partenaire était porteur du VIH-E se sont infectées, contre seulement 26 p. 100 des femme dont le partenaire était porteur du VIH-B. Les chercheurs pensent que le VIH-E est plus contagieux par voie hétérosexuelle que le VIH-B et que la propagation très rapide de la maladie en Thaïlande pourrait être due à la grande infectivité hétérosexuelle du VIH-E(20).

Une étude effectuée par la Harvard School of Public Health, à Boston, accrédite la thèse selon laquelle l’infectivité des sous-types B et E diffère. On a isolé des cellules de Langerhans du vagin, de l’utérus, du sein et du prépuce, et on en a fait des cultures pures. Les lignées cellulaires on ensuite été mises en contact soit avec le VIH-B, soit avec le VIH-E. On a observé que le VIH-B se développait très peu, tandis que le VIH-E se développait assez bien, en particulier sur les cellules de Langerhans provenant du tractus génital de la femme(21). Des travaux à l’Institut Pasteur et à l’université d’Alabama ont révélé qu’il est beaucoup plus facile d’infecter le vagin d’un chimpanzé avec le sous-type E qu’avec le sous-type B. Une étude de l’université de Californie a montré que lorsque des singes femelles sont inoculées au vagin par le VIS, le virus se localise dans les cellules de Langerhans(22).

À la troisième conférence internationale sur le sida en Asie et dans le Pacifique, qui s’est tenue en septembre 1995, on a suggéré l’existence de deux épidémies distinctes de VIH-1. Dans les pays développés, le sous-type B se répand surtout par le sang contaminé et par les rapports homosexuels. La deuxième épidémie se produit surtout dans les pays en développement et concerne les sous-types non B transmis par coït vaginal. On craint que les pays en développement ne connaissent une épidémie plus grave dans la population hétérosexuelle si d’autres sous-types du VIH s’y répandent. À ce propos, il faut noter que le sous-type E a été identifié chez les gardiens de la paix uruguayens revenus récemment de mission au Cambodge(23), tandis qu’on a isolé les sous-types A, D et E chez des militaires américains revenus de Thaïlande, du Kenya et de l’Ouganda(24). Les militaires américains font l’objet de tests de routine pour le dépistage du VIH; cependant, ce test est facultatif pour les civils qui reviennent de voyages d’affaires ou de vacances à l’étranger. Par conséquent, même si les sous-types non B sont détectés chez des militaires, les épidémiologistes croient que les civils qui voyagent constituent un risque plus grand pour l’introduction de souches très infectieuses de VIH dans la population hétérosexuelle des pays développés.

En Amérique du Sud, en Amérique centrale et aux Antilles, le sida est avant tout une maladie d’hétérosexuels, causée par le VIH-B. Cette observation contredit la théorie voulant que la souche B soit moins transmissible par voie hétérosexuelle que les autres sous-types. Il n’y a pas d’explication scientifique solide de cet écart; cependant, les épidémiologistes avancent que les rapports hétérosexuels anaux pourraient être plus courant dans ces pays(25), que la circoncision y est plus rare, et que les MTS, en particulier les maladies ulcératives, y sont plus répandues.

PRÉVENIR LA PROPAGATION DU VIH-SIDA

Au Canada, les MTS les plus courantes sont l’infection à chlamydia, l’herpès génital et les verrues génitales, suivies de loin par la gonorrhée. La lutte antivénérienne au pays a été particulièrement efficace contre la syphilis : le chancre mou est à peu près disparu ici, sauf chez les voyageurs revenant d’Afrique ou d’Asie. Comme l’acquisition d’une infection vénérienne est une facteur de risque important pour le VIH, un vigoureux programme de lutte contre les MTS est un élément essentiel de la lutte au sida. Le bon usage des préservatifs est particulièrement important. Les condoms se sont révélés efficaces pour la réduction du risque de propagation des MTS et du VIH(26),(27), et au Canada, ils sont répandus et bon marché. En Afrique et dans le Sud-Est asiatique, les rapports fréquents avec les prostituées sont reconnus comme facteur de risque pour la propagation du sida. Tout type de rapport sexuel anonyme ou occasionnel expose aux maladies transmissibles sexuellement. Cependant, les rapports avec les prostituées au Canada devraient être passablement moins risqués que dans les pays en développement à cause de la fréquence plus faible du VIH et des MTS au Canada, parce que l’utilité des condoms est reconnue et qu’ils sont largement utilisés dans ce milieu, et parce que des programmes d’éducation sexuelle ont ciblé les groupes à risque. Cependant, la circoncision est un facteur de réduction du risque de VIH où le Canada pourrait prendre du retard. Les avantages de cette opération font l’objet de discussions depuis des dizaines d’années, et certaines provinces ont récemment retiré la circoncision de la liste des opérations couvertes par leur régime d’assurance-maladie. Il faudra peut-être revoir cette décision à la lumière des découvertes récentes mentionnées ici.

Tous les sous-types du VIH se caractérisent par une mutabilité très forte qui a permis au virus de développer rapidement une résistance aux médicaments. En outre, cette mutabilité et la présence de neuf sous-types a contrarié grandement les efforts en vue de trouver un vaccin efficace. Même si la recherche continue d’être vigoureuse dans ce domaine, on propose d’attaquer le virus sur les fronts chimique et biologique au point de transmission par rapports hétérosexuels, où il est particulièrement vulnérable. Les condoms peuvent jouer ce rôle. Cependant, bien des femmes n’arrivent pas à les imposer à leur partenaire. On soutient que si on veut barrer la route hétérosexuelle au sida, les femmes doivent avoir accès aux microbiocides topiques, efficaces à la fois contre le VIH et les MTS, et pouvoir les utiliser.

Le nonoxynol-9 (N-9), spermicide commercial, a été beaucoup étudié pour ses propriétés microbiocides potentielles face à la transmission du VIH de l’homme à la femme. Ce détergent détruit la membrane externe des microbes. On a mis au point une capsule qui commence à libérer le N-9 dans le vagin dans les trois minutes qui suivent l’insertion, et durant un maximum de six heures. Les essais cliniques sont en cours depuis le début de 1996. Un autre détergent microbiocide, le C316, s’est révélé efficace contre une gamme de pathogènes plus vaste que le N-9; il subit présentement des tests de sécurité comme suppositoire vaginal. Une compagnie pharmaceutique de San Diego a fait l’essai du n-Docosanol chez les singes. Ce composé permet au VIH de se fixer à l’épithélium vaginal, mais inhibe la libération du matériel génétique du virus. La Food and Drug Administration des États-Unis a trouvé que certains polysaccharides sulfatés se lient efficacement au VIH et l’empêchent donc de s’unir aux cellules épithéliales du vagin. Le dernier front expérimental concerne le maintien du pH vaginal à une faible acidité. Des travaux à Harvard révèlent que le VIH est inactivé dans le milieu naturellement acide du vagin. Comme le sperme est alcalin, dans les huit secondes qui suivent l’éjaculation, le pH s’élève à la neutralité, donnant ainsi au VIH l’occasion d’agir. On effectue présentement des recherches et des essais sur divers agents tampons afin d’en trouver au moins un qui inactive le VIH sans perturber la flore naturelle du vagin ni irriter les muqueuses(28).

Aux États-Unis, l’institut national des allergies et des maladies infectieuses tente de couper la transmission biologique du VIH par des vaccins qui induiraient l’immunisation des muqueuses. Dans des études chez les animaux, des singes rhésus qui avaient reçu un vaccin intramusculaire du VIS mort, suivi de doses de rappel orales, se sont révélés immunisés contre l’exposition vaginale au VIS. On mène présentement des essais cliniques sur des volontaires humains, qui reçoivent une copie de synthèse des protéines enveloppant le VIH par inoculation intramusculaire, puis par voie orale. Ces essais sont encore en cours et leurs résultats ne sont pas encore accessibles.

Jusqu’à ce qu’on trouve un remède contre le VIH/sida, la meilleure défense contre la maladie continue d’être l’information. Les gouvernements fédéral provinciaux participent tous aux mesures d’éducation et de prévention qui couvrent tout le champ des comportements humains : promotion de l’abstinence et de la monogamie, encouragement à réduire le nombre de partenaires, adoption de mesures de sécurité sexuelle et découragement du partage des aiguilles pour la drogue et les stéroïdes. La connaissance de la façon que le virus est transmis permet aux individus de faire des choix personnels et surtout, rend chacun responsable de sa santé sexuelle.


(1) J. Cohen, «Women: Absent Term in the AIDS Research Equation», Science, vol. 269, août 1995, p. 777-780.

(2) Organisation mondiale de la santé, The HIV/AIDS Pandemic: 1993 Overview, Genève, 1993, Publication WHO/GPA/CNP /EVA/93.1.

(3) M.H. Cooper, «Combating AIDS», CQ Reasercher, vol. 5, 1995, p. 347-368.

(4)  S.Ramsay, «English HIV and AIDS Projections Made», The Lancet, vol. 347, 1996, p. 109.

(5) Fondation canadienne de recherche sur le SIDA, HIV/AIDS Statistics, janvier 1996, 2 p.

(6) R.S. Remis et al., «HIV Infection among Women Undergoing Abortion in Montreal», Canadian Medical Association Journal, vol. 153, 1995, p. 1271-1279.

(7) Santé Canada, Mise à jour trimestrielle de la surveillance, le sida au Canada, janvier 1996, p. 4.

(8) Santé Canada, Mise à jour trimestrielle de la surveillance, le sida au Canada, janvier 1995, p. 10.

(9) Les lymphocytes sont une variété de globules blancs qui jouent un rôle immunitaire; il en existe de type B et de type T. Les lymphocytes B produisent des anticorps circulants. Les lymphocytes T, produits dans le thymus, tuent directement les bactéries et les virus qui envahissent l’organisme en les phagocytant.

(10) Cohen (août 1995).

(11) Ibid.

(12) Ibid.

(13) T.D. Maestro et al., «Probability of Female-to-Male Transmission of HIV-1 in Thailand», The Lancet, vol. 343, 1994, p. 204-207.

(14) D.W. Cameon et al., «Female to Male Transmission of Human Immunodeficiency Virus Type 1: Risk Factors for Seronconversion in Men», The Lancet, vol. 2 (no 8660), 1989, p. 403-407.

(15) M. Fischl et al., «Evaluation of Heterosexual Partners, Children and Household Contact of Adults with AIDS», Journal of the American Medical Association, vol. 257, 1987, p. 640-644.

(16) S.K. Hira et al., «Genital Ulcers and Male Circuncision as Risk Factors for Acquiring HIV-1 in Zambia», Jounal of Infectious Diseases, vol. 161, 1990, p. 584-585.

(17) J.N. Simonsen et al., «Human Immunodeficiency Virus Infection in Men with Sexually Transmitted Diseases», New England Journal of Medecine, vol. 319, 1988, p. 274-278.

(18) S. Bonhoeffer et al., «Causes of HIV Diversity», Nature, vol. 376, 1995, p. 125.

(19) A.W. Artenstein et al., «Multiples Introductions of HIV-1 Subtype E into the Western Hemisphere», The Lancet, vol. 346, 1995, p. 1197-1199.

(20) C. Kunanusont et al., «HIV-1 Subtypes and Male-to Female Transmission in Thailand», The Lancet, vol. 345, 1995, p. 1078-1083.

(21) J. Cohen, «Differences in HIV Strains May Underlie Disease Patterns», Science, vol. 270, octobre 1995, p. 30-31.

(22) Ibid.

(23) A.W. Artenstein et al. (1995).

(24) S.K. Brodine et al., «Detection of Diverse HIV-1 Genetic subtypes in the USA», The Lancet, vol. 346, 1995, p. 1198-1199.

(25) Cohen (octobre 1995).

(26) P. Van de Perre et al., «The Latex Condom, An Efficient Barrier Against Sexual Transmission of AIDS-Related Viruses», AIDS, vol.1, 1987, p. 49-52.

(27) K.M. Stone et al., «Primary Prevention of Sexually Transmitted Diseases», Journal of the American Medical Association, vol.255, 1986, p. 1763-1766.

(28) Cohen (août 1995).