BP-420F

L'AUTOROUTE DE L'INFORMATION :
CONVERGENCE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS,
DE LA RADIODIFFUSION ET DE LA MICRO-INFORMATIQUE

 

Rédaction :
Daniel J. Shaw
Division de l'économie
Juin 1996


TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

LES RÉSEAUX FILAIRES : TÉLÉGRAPHIE, TÉLÉPHONIE ET TÉLÉDISTRIBUTION

LES RÉSEAUX SANS FIL : HYPERFRÉQUENCES, RADIO ET SATELLITES

LES ORDINATEURS ET LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

LES CANAUX : COMMUTATEURS, MULTIPLEXEURS ET COMPRESSION VIDÉO NUMÉRIQUE

LES SUPPORTS : LES CÂBLAGES RÉSEAUTÉS ET LE SPECTRE RADIOÉLECTRIQUE

L’INTERNET

LA CONVERGENCE DE L'INDUSTRIE ET L'AUTOROUTE DE L’INFORMATION

BIBLIOGRAPHIE


L’AUTOROUTE DE L’INFORMATION :
CONVERGENCE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS,
DE LA RADIODIFFUSION ET DE LA MICRO-INFORMATIQUE

Le changement est tellement fondamental qu’il a été comparé [...] à la révolution industrielle des 18e et 19e siècles. Mais alors que cette révolution s’est déroulée pendant plus de cent ans, la révolution actuelle se produit en quelques années. [...] L’infrastructure de cette nouvelle économie [...] est constituée par des réseaux numérisés, à haute densité et interactifs de communications et d’informations qui acheminent ce produit de base et les facteurs de production de l’économie du savoir — l’information. Ce réseau de réseaux est métaphoriquement appelé « autoroute de l’information ».

M. David Johnston, Comité consultatif sur l’autoroute de l’information

INTRODUCTION

Les compagnies de télécommunications et de télédistribution, au Canada et ailleurs, traversent une période de transformations rapides dans les technologies qu’elles utilisent et, par conséquent, dans les services qu’elles peuvent offrir à leur clientèle. Ces entreprises n’ont plus exclusivement recours, comme moyens de transmission, au fil de cuivre ou au câble coaxial. De plus en plus, elles utilisent le câble à fibres optiques, qui achemine l’information par lumière pulsée, et des réseaux sans fil qui utilisent le spectre électromagnétique. L’Internet, un réseau complexe de réseaux informatiques, et l’incroyable multitude de ses applications logicielles est également un moyen révolutionnaire de transport de l’information qui vient à la fois compléter les moyens traditionnels et leur faire concurrence.

Mises en commun, ces technologies novatrices ont fait augmenter de façon incalculable la capacité de transport de ces réseaux, qui peuvent maintenant intégrer les communications vocales bidirectionnelles interactives, la vidéo et la transmission de données et d’infographie en mode numérique dans les deux sens, pour offrir de nouveaux services comme la vidéoconférence, les jeux vidéo, l’extraction et le traitement de données à haute densité, la radio numérique, la vidéo sur demande, etc.

Les services de communications vocales et de données ainsi que les services de divertissements audio et vidéo, qui étaient autrefois exclusivement offerts respectivement par les compagnies de téléphone, de satellite et de télédistribution, peuvent maintenant être fournis par le biais de l’une ou l’autre de ces installations de transmission. L’abolition des frontières conventionnelles entre les télécommunications, la télédistribution et le traitement des données informatiques par microordinateur trace la voie à la convergence des services de transport de l’information sur ce qui a été surnommé l’« autoroute de l’information ».

Dans le présent document, nous décrivons les innovations qui stimulent cette convergence des services de communications traditionnels et ceux qui ne sont pas encore développés, en mettant en lumière leur importance historique et économique pour l’établissement de politiques applicables à l’industrie.

LES RÉSEAUX FILAIRES : TÉLÉGRAPHIE, TÉLÉPHONIE ET
TÉLÉDISTRIBUTION
(1)

Les télécommunications par télégraphe ont commencé vers le milieu du XIXe siècle, marquant ainsi la naissance des réseaux de télécommunications modernes dans le monde. La télégraphie, mot d’origine grecque qui signifie « écrire à distance », est un moyen de transmettre électriquement des messages codés à la vitesse de la lumière par le biais de l’ouverture et de la fermeture systématiques de circuits électriques. Le premier message du genre, transmis en 1844 entre Washington (D.C.) et Baltimore, au Maryland, par Samuel Morse, l’inventeur de la télégraphie, a propulsé la société de l’époque dans une ère d’expérimentation de systèmes de communication instantanée à distance. Peu de temps après, la téléphonie, mot d’origine grecque qui signifie « voix, son à distance », faisait son apparition en accomplissant le même exploit, sauf que cette fois il s’agissait de transformer par codage des variations d’ondes sonores (changement dans la densité de l’air) en variations d’ondes électriques, en faisant vibrer un diaphragme. La première conversation téléphonique (par Alexander Graham Bell, l’inventeur du téléphone) s’est déroulée en 1876 entre Brantford et Paris, en Ontario.

Bien que la plupart des contemporains de Bell mettaient ses idées en doute (croyant qu’elles ne reposaient pas sur de solides principes d’ingénierie), l’histoire leur a donné tort; en moins d’un demi-siècle, le téléphone a supplanté le télégraphe comme principal moyen de communications. Les raisons évidentes de cet engouement étaient que le téléphone code le message directement pour la transmission et qu’il s’agit d’un système de communications bidirectionnel et interactif plus pratique et plus efficace que le télégraphe. Par conséquent, comme son utilisation ne nécessitait aucune connaissance spécialisée, le téléphone et son signal analogique, méthode de codage de la tonalité d’un son d’après sa fréquence ou son amplitude, était plus populaire que le télégraphe dont le signal est basé sur un code composé d’une série de points et de traits.

Un réseau de télécommunications comprend les composantes élémentaires suivantes : terminal de communication (téléphone, téléimprimeur, télécopieur ou ordinateur); ligne locale (fils, câbles, poteaux et divers équipements qui relient le terminal au central local); équipement de commutation (situé au centre local); câbles auxiliaires à débit élevé qui relient les centres locaux à un centre interurbain; et équipement de transmission qui transmet et reçoit des signaux sur de grandes distances (câbles à débit élevé, tours ou satellites à faisceaux hertziens). Ces éléments doivent être intercompatibles (c’est-à-dire interconnectables et interopérables). La figure 1 présente le schéma simplifié d’un réseau téléphonique fixe moderne.

BP420-F1-1.gif (111539 bytes)

Source : Ministère du Développement économique et du Commerce de l’Ontario, Guide des communications de l’Ontario 1993, p. 3.

Bien que techniquement défini dans la loi canadienne comme une entreprise de radiodiffusion, le télédistributeur pourrait également être défini comme un transporteur de télécommunications. Lorsqu’elle a été mise au point dans les années 50, la télédistribution était perçue comme une méthode de transmission de programmation de télévision qui compléterait et améliorerait les transmissions par voie hertzienne dans les régions rurales. Toutefois, le succès de la télédistribution a été finalement attribuable de la diversité des canaux offerts comme moyen d’améliorer et de diversifier les loisirs dans les régions urbaines. Traditionnellement, ces systèmes étaient à sens unique et passifs à la réception, mais on pouvait les modifier pour les transformer en systèmes bidirectionnels et interactifs en ajoutant de l’équipement de commutation aux systèmes de distribution.

Un réseau de télédistribution de base se compose des éléments suivants : une « tête de bus » (tête de ligne) (réseau d’antennes, récepteurs hyperfréquences et antennes paraboliques) qui capte les signaux émis et les traite pour les empêcher d’interférer les uns avec les autres; un câble (coaxial à fibre optique) qui transmet les signaux traités vers le poste de réception; et une série d’amplificateurs qui amplifient les signaux car leur qualité se détériore à mesure qu’ils s’éloignent de la tête de bus (les besoins sont moindres dans le cas des cables à fibres optiques). La figure 2 présente un schéma simplifié d’un système de télédistribution moderne.

BP420-F2-1.gif (132244 bytes)

Source : Ministère du Développement économique et du Commerce, Ontario, Guide des communications de l’Ontario 1993, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1993, p. 57.

LES RÉSEAUX SANS FIL : HYPERFRÉQUENCES, RADIO ET SATELLITES

Les sociétés de télécommunications sans fil qui comprennent les entreprises de radiocommunications (téléappel à sens unique et radio mobile bidirectionnelle) et de téléphonie cellulaire, sont en exploitation depuis les années 80. Les systèmes cellulaires, systèmes mobiles qui fonctionnent dans le spectre radio local, sont concentrés dans les centres urbains et sont reliés au réseau téléphonique câblé. Toutefois, ces technologies concurrencent et complètent à la fois le réseau téléphonique câblé. La figure 3 présente un schéma simplifié d’un système cellulaire mobile; il va sans dire que plus il y a de cellules, plus grande est la capacité offerte par le spectre radio.

BP420-F3-1.gif (128204 bytes)

Source : Ministère du Développement économique et du Commerce, Ontario, Guide des communications de l’Ontario 1993, p. 18.

La présente décennie verra l’implantation des Services de communications personnelles (SPC), un réseau de télécommunications portable, mobile, numérique et sans fil qui consomme moins d’énergie et fonctionne à des fréquences plus élevées que les réseaux cellulaires. L’utilisateur aura donc en main un combiné plus léger et moins coûteux. Toutefois, le système n’est pas encore en usage dans les véhicules se déplaçant à grande vitesse. La technologie SPC constitue la prochaine génération des télécommunications sans fil qui offrira des services intégrés, notamment l’appel en attente, l’affichage, le renvoi automatique et l’affichage de textes; il permettra également les transmissions par modem et de télécopies. En effet :

Les services de communications personnelles permettront de téléphoner quand on le veut, où on le veut et comme on le veut. L’appel à un lieu fixe deviendra un anachronisme. On appellera une personne qui aura toujours un téléphone sous la main, que ce téléphone soit branché sur la messagerie vocale, le renvoi automatique ou tout autre service(2).

Les télécommunications par satellite ont été lancées dans les années 60 par la National Aeronautical and Space Administration (NASA) des États-Unis, organisme qui a également aidé le Canada à devenir la troisième nation au monde à conquérir l’espace avec le lancement du satellite Alouette I. À partir d’une proposition de Arthur C. Clarke, président de la British Interplanetary Space Society, en 1945, un satellite artificiel placé sur une orbite géostationnaire (à une altitude d’environ 36 000 kilomètres) au-dessus de l’équateur reçoit et transmet des signaux radio hyperfréquences entre divers points éloignés sur la Terre(3). Le satellite comprend les éléments suivants : un nombre déterminé de répéteurs ou transpondeurs (qui assurent un canal de communications à grande capacité); un récepteur par transpondeur, accordé sur une voie de fréquences pour les signaux en liaison montante provenant d’une station terrienne; un appareil de déplacement de fréquence pour ramener le signal reçu à fréquence de liaison descendante; et un amplificateur de puissance pour transmettre le signal du satellite vers une station terrienne. Il va sans dire que plus puissant sera le signal de retour du satellite, plus petit et moins cher sera l’équipement de réception à la station terrienne. Le satellite de diffusion directe (DBS pour Direct Broadcast Satellite) qui assure des services de radio et de télévision directs à domicile (DTH pour Direct-to-Home) est spécialement conçu pour réduire les coûts et la taille des récepteurs ou des antennes paraboliques orientables. Ce type de satellite est placé au-dessus de l’équateur pour maximiser son empreinte et atteindre un maximum de consommateurs potentiels.

Enfin, des services de Satellites du service mobile mondial (« GMS  » pour Global Mobile Satellite) seront également offerts dans un avenir plus ou moins rapproché. Les services de téléphone cellulaire et les SPC sont basés sur le concept de la réutilisation des fréquences dans les grandes zones métropolitaines, avec commutation de fréquences à mesure que l’utilisateur se déplace d’une cellule à une autre. Les services GMS assureront une liaison indirecte entre les abonnés par le biais d’une série de satellites intégrés placés sur des orbites basses à moyennes. La distance entre ces satellites et la Terre variera entre 1 000 et 12 000 kilomètres, selon l’équilibre atteint entre les avantages des hautes altitudes (c’est-à-dire une plus grande couverture et, par conséquent, moins de satellites) et les coûts qui s’y rattachent (c’est-à-dire un service de moindre qualité associé à un signal plus faible et connaissant des retards et des échos). La plage des services offerts variera des communications vocales des transmissions de données et télécommunications vidéo à l’établissement de position, à la recherche et sauvetage, à la gestion des désastres, à la surveillance de l’environnement et à la localisation du fret. Nous ne savons pas encore avec précision si certains de ces services concurrenceront directement les services de téléphonie cellulaire et les SPC dans les zones urbaines ou s’ils les compléteront de manière à étendre leur utilisation dans les régions sous-peuplées et pauvres du monde. Le tableau 1 fournit l’information la plus récente sur les réseaux GMS proposés.

Tableau 1
Réseau de satellites du service mobile mondial

Société

Investisseurs principaux

Lancement

Financement

Coûts par terminal

Satellites

Orbite

Teledesic

Craig McCaw, Bill Gates, Kinship Partners

2001

9*

s.o.

840

21 plans polaires

Iridium

Motorola, BCE Inc., STET, Raytheon, UCI, Sprint

1998

4,7*

3 472      -4 167***

66

6 plans polaires

Project 21

Inmarsat

1999

3,5*

s.o.

s.o.

2 plans circulaires inclinés

Globalstar

Alcatel, Vodafone, Dacom, Quallcomm, Hyundai, Loral, Deutsche Aerospace

1998

2,5*

694 - 972***

48

8 plans circulaires inclinés

Odyssey

Téléglobe Inc., TRW

1998

2,1*

347 - 417***

12

3 plans polaires

Ellipsat

Fairchild Space, Isralei Aircraft

1997

800**

556 - 694***

16

2 plans elliptiques

Aries

Constellation Communications, Defense Systems

1997

417**

2 083***

48

8 plans

Starsys

Starnet

1995

s.o.

104***

24

s.o.

Orbcomm

Orbital Sciences, Téléglobe Inc.

1995

278**

278***

26

plans inclinés circulaires

* en milliard de dollars US
** en million de dollars US
*** en dollars US

Source : Communications Week International, 25 April 1994, Telecompetitiveness and the Wireless Sector : Competition Without Chaos, p. 35; A. Michael Noll, « The Extraterrestrials Are Coming », Telecommunications Policy, vol. 20, no 2, 1996, p. 79-82.

LES ORDINATEURS ET LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Comme nous l’avons mentionné précédemment, toutes les télécommunications commencent et se terminent par l’utilisation d’un terminal; dans presque tous les nouveaux réseaux de télécommunications, les terminaux ont connu des changements et des améliorations considérables. Bien sûr, l’ordinateur a été l’innovation la plus prolifique dans le domaine au cours des cinquante dernières années. En fait, la plupart des experts en télécommunications comparent l’impact de la puce intégrée à grande échelle qui alimente un ordinateur à celui de la presse à imprimer de Gutenberg. Chacune de ces innovations a, à son époque, permis d’assurer la reproduction et le traitement à coût réduit de l’information, à une échelle jamais encore imaginée(4).

Depuis ses débuts, d’abord avec le tube à vide, puis le macro, le mini, le micro et la puce spécialisée, l’ordinateur a été une source singulière de révolution en télécommunications. Au départ, les ordinateurs étaient des appareils autonomes qui exécutaient des services de traitement de données et, au début des années 80, leurs mémoires électroniques se mesuraient en kilooctets (103) et en megaoctets (106). Le développement rapide de la micro-électronique a mené au développement d’une quantité de terminaux intelligents dont les capacités de mémoire pouvaient se mesurer en gigaoctets (109) vers le milieu des années 80, en tétraoctets (1012) vers la fin des années 80 et en pétaoctets (1015) au début des années 90(5). La mémoire de ces ordinateurs s’étendait de façon exponentielle, mais leur utilité généralisée était subordonnée à leur liaison mutuelle pour l’échange et le traitement de leurs bases de données individuelles, ce qui est maintenant possible au moyen d’un langage numérique commun. Par conséquent, l’autre problème à résoudre dans l’évolution de l’ordinateur en était tout simplement un de communications, et la solution se trouvait dans les logiciels.

Le logiciel de base d’un commutateur de télécommunications, qui, aujourd’hui, est en fait un ordinateur spécialisé, assure la programmation, codée en langage numérique binaire, qui commande les opérations fondamentales du système. Le signal numérique n’est pas nouveau; en fait, le code Morse est un signal numérique. À l’encontre du signal analogique, auquel on peut donner n’importe qu’elle valeur, le signal numérique binaire possède deux états : 1 ou 0 — marche ou arrêt. Les signaux numériques peuvent être transmis avec ou sans porteuse. Pour les transmissions sans porteuse, il doit y avoir un contact direct électrique ou optique aux deux extrémités du système. C’est ainsi que les signaux numériques sont acheminés sur les lignes et les câbles optiques du Réseau numérique à intégration de services (RNIS). Pour les transmissions dans le spectre radio ou sur des lignes téléphoniques conventionnelles, la porteuse, comme le montre la figure 4, doit être modulée/démodulée, et ces fonctions nécessitent l’utilisation d’un modem.

Figure 4

bp420-f4.gif (48946 bytes)

Source : United States Government Accounting Office, Information Superhighway : Issues Affecting Development, Annexe I, p. 47.

Comparés aux signaux analogiques, les signaux numériques ont deux principaux avantages : la quantité et la qualité de l’information transmise. Puisque l’amplitude du signal numérique est généralement plus faible que celle du signal analogique, le numérique occupe moins d’espace sur le support, ou permet d’utiliser une plus grande « largeur de bande » (donc un débit plus élevé de transmission de données)(6). De plus, le signal analogique est très sensible aux interférences électriques, de sorte qu’il devient déformé au point où il n’est plus analogue à quoi que ce soit. Toutefois, si l’on utilise des amplificateurs périodiques, le signal numérique ne devrait subir aucune distorsion(7).

Fait intéressant, le code numérique refait surface en raison de la capacité étonnante de réception, de stockage et d’extraction de l’ordinateur. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le téléphone est devenu plus populaire que le télégraphe, au plan des communications personnelles, parce qu’il était moins exigeant au niveau de l’apprentissage des connaissances, les gens n’ayant pas à mémoriser le code numérique morse. Cependant, le code numérique commence aujourd’hui à réaffirmer sa prédominance sous la forme du code binaire (qui obéit aux règles mathématiques), notamment parce que la puce remplace le cerveau humain dans l’exécution des tâches de mémorisation. De plus, dans le cas qui nous occupe, le code numérique ne semble pas favoriser un réseau au détriment d’un autre, comme c’était le cas pour la téléphonie et la télégraphie; le code abat plutôt les barrières entre les réseaux de télécommunications et la radiodiffusion. En effet :

Étant donné l’évolution de la technologie — et elle évolue si rapidement — d’autres questions vont devenir prioritaires, comme la distinction à faire entre un signal de radiodiffusion et un signal de télécommunications. Une fois le signal numérisé, peu importe si c’est un signal téléphonique, un signal de données ou un signal de radiodiffusion... un bit est toujours un bit(8).

LES CANAUX : COMMUTATEURS, MULTIPLEXEURS ET COMPRESSION VIDÉO NUMÉRIQUE

La conception de base est une des caractéristiques importantes de tout réseau de télécommunications. Il existe généralement deux types de réseaux, selon les fonctions visées : une architecture commutée (généralement en forme d’étoile, entre le terminal et le noeud le plus rapproché) qui assure des connexions spécialisées entre le demandeur et le destinataire; et une architecture de réseau de radiodiffusion (généralement en configuration arborescente) qui assure la communication de masse vers toutes les destinations. Les figures 1 et 2 montrent que les réseaux de téléphonie (terrestres ou par satellites) appartiennent à la première catégorie, tandis que les réseaux de télédistribution appartiennent à la deuxième. Toutefois, ces architectures sont basées sur les circonstances économiques qui ont précédées la numérisation. Au Royaume-Uni, où les compagnies de télédistribution sont autorisées à fournir des services téléphoniques depuis 1991, les services de télécommunications sont assurés par un câble « siamois » (paire de fils torsadés et câble coaxial) dans une architecture de réseau appelée « branch and bus ». Cette configuration est un hybride des réseaux traditionnels de téléphone et de télédistribution, où le déploiement des câbles optiques est beaucoup plus répandu en raison du coût moins élevé pour le câble que pour le commutateur. Puisque la numérisation et les services interactifs sont mieux adaptés à la conception en réseau commuté, on discute maintenant de méthodes de commutation de rechange.

Les réseaux téléphoniques ont d’abord utilisé des « commutateurs de circuits » où un circuit bout en bout est établi avant le début de l’appel. Un partage fixe des ressources du réseau est ensuite réservé pour la durée d’un tel appel, peu importe qu’il y ait communication ou non (voir figure 5). Le principal avantage de cette technique de commutation est qu’elle peut faire l’objet de garanties de performance (par exemple, une garantie que tout retard ne dépassera pas une certaine limite de temps), et qu’elle peut fournir des relevés détaillés d’utilisation et de comptabilité. Son principal désavantage est le gaspillage des ressources pendant les pauses dans le cadre d’une conversation, lesquelles peuvent être nombreuses.

Les compagnies de réseaux téléphoniques ont également adopté les « commutateurs de paquets », lesquels conviennent mieux aux connexions ordinateur-ordinateur. Étant donné que les ordinateurs communiquent généralement en mode asynchrone, une liaison continue constituerait une perte. Le commutateur de paquets divise les messages en paquets de tailles diverses, chacun d’entre eux ayant un en-tête qui dirige le paquet vers sa destination par le biais d’une ligne de réseau. Il n’y a pas de circuit spécialisé; de nombreux paquets de transmissions différentes partagent la ligne de réseau. De plus, puisque ces paquets sont brouillés et enchevêtrés, l’ordre de leur arrivée ne ressemble en rien à celui dans lequel ils ont été expédiés. La commutation par paquets nécessite donc du logiciel de pointe capable d’effectuer du routage de pointe et de rassembler les tâches (« synchronisation »). Par conséquent, la commutation utilise la largeur de bande du réseau plus efficacement, en économisant sur la capacité limitée du support. Son principal désavantage est que des problèmes peuvent survenir dans la transmission de signaux vocaux et vidéo parce que le flot d’information n’est pas suffisamment prévisible.

Figure 5

bp420-f5.gif (73350 bytes)

Source : United States Governement Accounting Office, Information Superhighway : Issues Affecting Development, Annexe I, p. 50.

Le mode de transfert asynchrone (MTA) est apparu comme la technique optimale pour surmonter les principales lacunes des deux méthodes de commutation pour la transmission de toutes les formes d’information. Ce mode combine les avantages de la commutation de circuits et la commutation par paquets en utilisant des paquets de taille uniforme (48 octets pour les données et 5 octets pour l’en-tête). Le commutateur MTA doit simplement lire l’identificateur de connexion dans les en-têtes des cellules de 53 octets, qui arrivent un à la fois, apparier cet identificateur à une case de réception, pour ensuite acheminer l’identificateur vers cette case (voir figure 6).

Figure 6

bp420-f6.gif (93149 bytes)

Source : United States Government Accounting Office, Information Superhighway : Issues Affecting Development, Annexe I, p. 51.

La largeur de bande est cette capacité de tout système de transmission d’acheminer l’information. Pour étendre la largeur de bande, on utilise la numérisation, la compression vidéo numérique (DVC pour digital video compression) et le multiplexage. Plus précisément, la numérisation et la DVC augmentent la capacité du système en créant de nouvelles voies de trafic, tandis que le multiplexage permet à chaque voie d’acheminer plus de données. Par conséquent, les codeurs/décodeurs (CODEC), ou les multiplexeurs permettent la transmission de nombreuses conversations au moyen d’un seul câble sans aucune interférence entre elles.

Prenons par exemple une seule image sur un écran de télévision. Il faut que la couleur et l’intensité soient enregistrés sur chaque minuscule pixel qui constitue l’écran. Il y a environ 700 pixels par ligne, 576 lignes par image et 30 images à la seconde(9). Par conséquent, plus de 12 millions de pixels d’information sont transmis à la seconde; une telle charge pourrait être écrasante, même pour un signal numérique. La DVC surmonte cette surcharge potentielle d’information en utilisant le fait que seule une petite portion de l’information qui apparaît sur l’écran change d’une image à l’autre; la DVC n’enregistre que les pixels qui subissent un changement. Selon les normes et le type de vidéo utilisés, la quantité d’information peut donc être réduite par un facteur pouvant atteindre une valeur de 160. Cela explique donc pourquoi la transmission d’une joute de hockey, dont le déroulement est rapide, nécessite une plus grande largeur de bande que celle de Barney, le lent dinosaure.

LES SUPPORTS : LES CÂBLAGES RÉSEAUTÉS ET LE SPECTRE RADIOÉLECTRIQUE

Tous les réseaux ont recours à un support physique pour transmettre les signaux d’un point à l’autre. On compte parmi les supports classiques le fil de cuivre, le câble coaxial, le câble optique et le spectre radioélectrique, et il arrive souvent qu'un même signal emprunte différents supports pour se rendre à destination. Par exemple, un appel placé par téléphone cellulaire pourra d'abord emprunter le spectre radioélectrique, puis être acheminé vers un central urbain via un fil de cuivre ou un câble optique. Il pourra par la suite être réacheminé vers le spectre via une liaison hyperfréquences ou satellite et emprunter un fil de cuivre avant d'atteindre sa destination finale. Aujourd’hui, avec l’émergence de nouvelles technologies, on assiste à la multiplication de ces permutations de supports.

Le service téléphonique classique en circuit local fait appel à la paire de fils de cuivre torsadée. Les anciens centraux qui utilisent encore la signalisation par impulsion de cadran ne peuvent acheminer que des signaux analogiques. Les centraux plus modernes ont quant à eux recours à la composition au clavier et peuvent ainsi transmettre les signaux analogiques et numériques. Parmi les supports disponibles, le fil de cuivre donne accès à la bande de fréquences la moins large et ne permet qu'un petit nombre de voies téléphoniques c’est-à-dire entre 1 et 24. On peut élargir cette bande grâce à des techniques de compression qu'utilisent notamment le Réseau numérique à intégration de services (RNIS) pour transmettre sans modem des données, du texte, des graphiques et des images, la Ligne d’abonné asymétrique numérique (ADSL pour Asymmetric Digital Subscriber Line) et la Ligne d’abonné numérique grand débit (HDSL pour High-rate Digital Subscriber Line), toutes deux capables d’assurer des services vidéo sur demande (VSD) via les lignes téléphoniques classiques.

Le câble coaxial est composé d'un fil de cuivre recouvert d'un isolant et d'un blindage de cuivre. Il s'agit d'un support à large bande pouvant supporter en tout temps jusqu'à 1 000 voies téléphoniques. Le câble optique, quant à lui, est constitué de très fines fibres transparentes de verre ou de plastique qui guident le faisceau lumineux transportant le signal. Il peut supporter plus de 30 000 voies téléphoniques ou 150 voies vidéo haute qualité(10), et comme il est fabriqué à base de silice, le câble lui-même est peu coûteux. Cependant, à cause des contraintes technologiques actuelles et du coût élevé du matériel optoélectronique, ce type de support n'est économique que s'il est utilisé comme support de base d’un réseau de télécommunications. Avant que le câble optique ne se rende directement dans les foyers, il faudra que le coût des services interactifs baisse considérablement et que la demande pour de tels services augmente.

Enfin, dans la plupart des systèmes de télécommunications modernes, il existe des interconnexions sans fil à un point ou à un autre de la liaison. Par conséquent, ces systèmes ont recours au spectre électromagnétique illustré à la figure 7. Les télécommunications s'effectuent via le spectre radioélectrique (de la bande kilométrique aux bandes hyperfréquences). Utilisé pour la transmission d'informations depuis l'avènement de la radio et de la télévision, les spectre est aujourd'hui exploité à d'autres fins.

Figure 7

bp420-f7.gif (84800 bytes)

Source : United Kingdom Parliamentary Office of Science and Technology, Information ‘Superhighway’: The UK National Information Infrastructure, Londres, mai 1995, annexe 1, p. A4.

L’INTERNET

L’Internet est un réseau mondial de réseaux d'ordinateurs reliés entre eux par le protocole commun de liaison TCP/IP (pour Transmission Control Protocol/Internet Protocol). De structure relativement informelle, ce système de réseaux d'ordinateurs interconnectés desservait à l'origine les milieux scientifique et universitaire. Cependant, la mise en oeuvre sur le réseau de nouvelles applications a attiré de nouveaux types d'usagers. À l'heure actuelle, on estime que dans le monde, environ cinq millions d'ordinateurs hôtes sont reliés à l’Internet et que ce réseau compte 30 millions d'usagers dans plus de 70 pays(11).

L’Internet s'est développé dans les années 60 grâce aux efforts déployés par l'Advanced Research Projects Administration (ARPA) du Département de la Défense des États-Unis, qui voulait alors établir une liaison avec les universités et ses fournisseurs de matériel de défense de pointe. Le réseau informatique décentralisé ARPANET a été conçu de manière à pouvoir continuer de fonctionner même si l'une ou l'autre de ses liaisons était endommagée lors d'une attaque nucléaire. Au cours des années 80, le réseau ARPANET s'est étendu au milieu universitaire avec la création du NSFNET par la U.S. National Science Foundation, qui avait relié ses superordinateurs au réseau ARPANET. Au début des années 90, des logiciels particuliers, comme l'index hypertexte du World Wide Web (WWW), et du matériel de commutation par paquets qui permettaient la transmission de sons et d'images (via le système de base à câbles optiques) ont été appliqués aux opérations courantes de téléchargement de fichiers auxquelles le réseau avait servi jusqu'alors. Cela fit grandir la popularité d’Internet, non seulement auprès des groupes universitaires, mais dans l'ensemble des milieux et principalement auprès des jeunes. Une étude réalisée en 1995 révèle que les clients commerciaux américains exploitent 27 p. 100 de tous les ordinateurs hôtes reliés à l’Internet, le reste des clients étant répartis dans les secteurs suivants : éducation, 24 p. 100; secteur public, 4 p. 100; militaire, 4 p. 100; organismes, 3 p. 100; réseaux, 3 p. 100; et autres, composés principalement d’ordinateurs hôtes non américains, 35 p. 100(12). Les programmes de recherche documentaire, comme Gopher et WWW, véhiculent sur le réseau 38 p. 100 de toute l'information, tandis que les programmes de transfert de fichiers et le courrier électronique comptent l'un et l’autre pour 37 et 16 p. 100 du trafic(13).

La majeure partie de l'information qui circule sur Internet passe par les réseaux de base exploités par quelques fournisseurs de services de réseau (p. ex. iStar Internet Inc., Sympatico Inc., MCI Communications Corporation, Sprint Corporation, America On-line Inc., etc.) qui ont conclu entre eux des ententes dites d’« homologues », selon lesquelles ils s'échangent gratuitement des paquets. L’Internet loue des lignes des compagnies de téléphone, mais propose parfois une liaison sans connexion fonctionnant en commutation par paquets. Dans de tels cas, il n'existe aucune structure de bout en bout; chaque paquet est envoyé par un ordinateur hôte, suivant un algorithme d'acheminement, à un autre ordinateur (un routeur) qui le transmet à son tour à un autre routeur, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il arrive à destination où se fait l’assemblage des paquets. Les paquets utilisés pour transmettre une conversation peuvent suivre plus d'une voie pour se rendre à destination. Par conséquent, un réseau sans connexion accapare moins la mémoire des routeurs, fait gagner du temps et constitue un choix judicieux dans les cas où les lignes sont plus abordables que les commutateurs.

Les utilisateurs, qu’il s’agisse de particuliers ou de sociétés, achètent des services auprès de fournisseurs ou accèdent directement à l’Internet par le biais d'un service en ligne (p. ex. CompuServe) ou d'un revendeur qui offre des logiciels d'accès ainsi qu'une connexion ou du contenu, ou les deux (voir figure 8). Initialement, l’Internet était principalement financé par des subventions du gouvernement et de ses divers organismes. Aujourd'hui, on assiste à une diminution progressive de ces subventions et on s'attend même à ce que les frais d'utilisation commerciale remplacent complètement le financement gouvernemental. Cette restructuration du financement devrait favoriser le développement commercial d’Internet. Les organismes paient généralement des frais de connexion en fonction de la largeur de bande qu'ils souhaitent utiliser, tandis que les utilisateurs individuels ne paient que le temps d'utilisation. Les fournisseurs de services d'accès au réseau exigent habituellement des utilisateurs individuels des frais mensuels (entre 10 et 30 $) en échange d'un certain nombre d'heures d'utilisation (p. ex. de cinq à 200 heures par mois) ainsi que des frais supplémentaires pour les heures additionnelles (entre 0,25 et 1,50 $ de l'heure). On a également envisagé la possibilité d'exiger des frais d'utilisation qui seraient établis en fonction de la priorité d'accès accordée plutôt qu’en fonction du temps d'utilisation, solution qui sera éventuellement appliquée lorsque le réseau deviendra trop encombré(14).

BP420-F8-1.gif (126814 bytes)

Source : TeleGeography, Inc., TeleGeography 1995 : Global Communications Traffic Statistics & Commentary, p. 54.

LA CONVERGENCE DE L'INDUSTRIE ET L'AUTOROUTE DE L'INFORMATION

L'autoroute de l'information a été décrite comme étant un « réseau de réseaux » assurant des connexions électroniques aux services de communications et d'information de pointe(15). L'infrastructure ainsi créée promet d'acheminer l'information offerte sous forme de voix, de texte, de données, de graphiques et d'images par un vaste éventail de services experts (y compris des services éducatifs, récréatifs, bancaires et commerciaux) dans le but de relier entre eux foyers, entreprises, gouvernements, établissements scolaires, bibliothèques et autres établissements partout dans le monde. Les technologies à la base de tels progrès contribuent également à abolir les barrières traditionnelles érigées entre les différents réseaux de communications, comme en témoigne la citation suivante :

Les progrès technologiques qui s’opèrent dans l’économie informationnelle qui évolue à un rythme accéléré viennent mettre un bémol sur toutes les hypothèses antérieures concernant la spécialisation de la distribution des services de communications. Les compagnies de téléphone sont en mesure de modifier leurs réseaux terrestres afin d’offrir des services normalisés de télédiffusion ainsi que des services interactifs à large bande. Quant aux télédistributeurs, deux orientations s’offrent à eux : les services vidéo interactifs et les services de communications vocales et numériques. De plus, d’autres types de systèmes sans fil ou utilisant le spectre peuvent assurer l’un ou l’autre de ces services ou tous ces services à la fois(16).

La convergence des technologies et des services qui résulte de ce phénomène contribue à une évolution (à une révolution, selon certains) socio-économique qui transformera notre société actuelle en une société basée sur l'information(17).

Ce « réseau de réseaux », comme on l'appelle, est souvent comparé au réseau routier. Le tableau 2 établit une comparaison entre l'autoroute de l'information et son équivalent pavé, en fonction des différents niveaux de réseau, et fournit des exemples. Il donne un aperçu des types d'informations véhiculées, des services et applications de même que des canaux et supports utilisés.

Tableau 2
L’autoroute de l’information Niveaux, exemples et équivalents routiers

Niveaux de réseau

Exemples

Équivalents routiers

Contenu

Conversations
Messages
Programmes
Base de données

Marchandises

Services/applications

Service téléphonique
Service vidéo
Courrier électronique
Internet

Camions
Conteneurs

Canaux

Circuits vocaux analogiques
Circuits DS-O, T1
Canaux de télédistribution

Voies

Supports

Câble optique
Câble coaxial
Paire torsadée

Routes

Source : Elizabeth Angus et Duncan McKie, L’autoroute canadienne de l’information : Services et accès à un coût abordable, Industrie Canada, Ottawa, mai 1994, p. 38.

La plupart des éléments physiques qui composent l'autoroute de l'information sont déjà offerts sur le marché. En fait, au cours de la prochaine décennie, des sommes seront vraisemblablement investies pour la mise en place de l'infrastructure nécessaire à la création de cette autoroute. La majorité des Canadiens ont déjà accès aux ordinateurs, aux télécopieurs, aux téléphones « intelligents », à la télédistribution, aux magnétoscopes à cassettes, aux guichets bancaires automatiques, aux réseaux de télé-achat et, de plus en plus, à l’Internet. Il reste cependant à assurer l'interfonctionnalité de ce matériel électronique. Bien que le niveau d’interconnexion entre réseaux soit déjà assez élevé, notamment dans le cas des ordinateurs et des services de téléphonie classique et sans fil, la plupart de ces réseaux fonctionnent de façon indépendante; c'est-à-dire que la plupart des communications partent d'un point et arrivent à destination sur un seul et même réseau. Voici ce qu'en dit Telus Corporation :

Au Canada, les consommateurs et les entreprises disposent à l’heure actuelle de nombreux réseaux pour la transmission de la voix, de données et d’informations vidéo. [...] Chacun de ces réseaux a ses propres points forts, mais ne peut servir qu’à la transmission de certains types d’informations. Les concurrents des services de communications interurbaines [...] ont de vastes réseaux, mais ils ne disposent généralement pas d’installations locales de distribution et de collecte du trafic qu’ils écoulent. Les réseaux des compagnies de téléphone offrent une capacité de commutation ubiquiste, mais n’assurent cependant pas de connexions à large bande à la plupart de leurs abonnés. Par ailleurs, les réseaux de télédistribution comprennent des connexions à large bande, mais ils ont une capacité limitée en matière de commutation. À l’heure actuelle, de nombreuses contraintes minent la capacité des réseaux sans fil(18).

Bien que cela soit vrai pour l'instant, il importe de garder à l'esprit le potentiel des réseaux actuels de communications :

[...] [T]outes les entreprises touchées par la convergence, ou la collision, devrait-on dire, de secteurs jusque là distincts offraient une forme quelconque d’accès électronique à la clientèle. La plupart disposaient en fait d’une clientèle exclusive. [...] Comme nous sommes tous bien placés pour le savoir, les choses ont commencé à bouger rapidement, du moins en ce qui concerne la technologie. Les câblodistributeurs seront bientôt en mesure d’acheminer la voix, les signaux vidéo et les services de données à très large bande comme l’Internet et la vidéo à la demande. Il en sera de même pour les compagnies de téléphone(19).

L'autoroute de l'information laisse désormais entrevoir pour l'avenir un niveau plus élevé d'interconnexion et d'interfonctionnalité. Certains affirment même qu'elle irait jusqu'à présenter aux utilisateurs une certaine capacité d'ubiquité. Devant tant d'attentes, la viabilité commerciale des technologies appropriées et l'adaptation des réseaux actuels ne sont plus que questions de temps.

Pour atteindre la capacité d'ubiquité mentionnée précédemment, les secteurs industriels des télécommunications et de la radiodiffusion devront probablement subir certaines transformations suivant les modèles proposés aux figures 9 et 10. La figure 9 présente l'autoroute de l'information selon le modèle de l’état actuel, avec une structure de marché de monopole réglementé, tandis que la figure 10 montre un modèle « idéal » de marché compétitif, transparent et à trois niveaux. Le premier niveau, soit celui du centre, comprend les consommateurs équipés de terminaux universels (qui ne sont pas encore mis au point). Ils se procurent une panoplie de services multimédias auprès des fournisseurs qui composent le niveau intermédiaire. Ces fournisseurs sont des vendeurs; ils achètent des fournisseurs d’intrants du contenu, notamment des divertissements vidéo et des services de données grande capacité, ainsi que des services de télécommunications auprès de compagnies de téléphone, de télédistribution et de télécommunications par satellite qui forment ensemble le niveau extérieur. L'infrastructure de ce dernier niveau comprend divers éléments interconnectés, faisant appel aux technologies du fil de cuivre, du câble coaxial, de la fibre optique et des radiofréquences.

BP420-F9-1.gif (155888 bytes)

Source : Charles Sirois et Claude E. Forget, Le médium et les muses : la culture, les télécommunications et l’autoroute de l’information, Institut de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1995.

BP420-F10-1.gif (148474 bytes)

Source : Charles Sirois et Claude E. Forget, Le médium et les muses : la culture, les télécommunications et l’autoroute de l’information, Institut de recherche en politiques publiques, Ottawa, 1995.

La convivialité est l'une des principales caractéristiques qui contribuera à la croissance de l'autoroute de l'information. La prochaine génération de logiciels sera si facile à utiliser que l'ordinateur pourrait devenir un appareil essentiel au foyer, avec un taux d'acceptation situé dans la plage supérieure des 90 p. 100, comme c'est actuellement le cas pour le téléphone, la télévision et le magnétoscope.

Jusqu’à tout récemment, il semblait que le réseau qui desservirait la plupart des villes d'Amérique du Nord devait avoir une architecture de type « fibre-to-the pedestal », c.-à-d. qu’il distribuerait l'information par fibres optiques à un ensemble d'interfaces distantes, à partir desquelles l'information se rendrait par câble coaxial jusqu'aux consommateurs. Chaque ensemble distant aurait desservi environ 500 clients payant chacun environ 1 000 $ US et aurait eu un taux de pénétration des abonnements d’environ 50 p. 100(20). Étant donné les nouveaux développements des derniers mois, ce coût n'est peut-être pas compétitif.

Figure 11

bp420-f11.gif (110182 bytes)

Source : Salvatore Salamone, « Higher Data Speeds Coming for Plain Phone Lines », Byte, Janvier 1996, p. 30.

La technologie ADSL, qui en est à ses premiers stades de développement, promet un accès ubiquiste à l’Internet ainsi qu’aux services vidéo sur demande et de vidéo-conférence via les lignes téléphoniques classiques selon une architecture de type « Fibre-to-the-Curb » (voir figure 11), à un coût approximatif de 500 $ par client. À la différence de la technologie HDSL, qui permet la transmission aux utilisateurs à des débits équivalents en amont et en aval d’environ 1,5 à 2 Mb/s, la technologie ADSL autorise une plus grande largeur de bande en aval qu’en amont. Grâce aux techniques de traitement de signaux numériques et de multiplexage, le débit que peut transporter l’ADSL via les lignes de cuivre avec émetteurs-récepteurs installés tant aux locaux du client et qu’au central local de la compagnie de téléphone se situe entre 9 et 10 Mb/s. Cette technologie deviendra compétitive grâce aux modems des entreprises de télédistribution qui sont capables de supporter un débit de 10 Mb/s, mais dont la qualité se dégrade en fonction de l’accroissement du nombre d’utilisateurs. On prévoit également que la prochaine génération d’ADSL pourra transporter 25 ou 51 Mb/s sur de plus courtes distances(21). Ainsi, on peut supposer que des montants supplémentaires seront investis pour amener le câble optique encore plus près des foyers lorsque la demande le justifiera.

Bien qu’il soit utile de concevoir le réseau électronique de réseaux comme une autoroute de l’information, la métaphore est trop restrictive. Elle induit en erreur en laissant croire que le réseau pourrait un jour devenir un énorme « canal homogène de communications ». Le concept plus large de « réseau de transport de l’information » convient mieux. Il établit une analogie avec les marchandises et les gens qui voyagent par train, par avion et par bateau, qui empruntent les modes de transport ferroviaire, aérien et maritime et qui se déplacent également en voiture et en camion sur le réseau routier. De plus, ces différents modes se spécialisent dans le transport de fret, en fonction de la distance à parcourir, du type de terrain, de la rapidité d’acheminement, de la commodité, de l’encombrement de la marchandise et des probabilités de retour à charge. De la même manière, on pourrait assister à l’émergence d’un réseau électronique de réseaux qui comprend divers supports et réseaux spécialisées (en fonction de certains facteurs comme les niveaux de fiabilité, de rapidité, de sécurité et de capacité offerts par chacun). La révolution numérique, qui semble aujourd’hui favoriser la convergence des technologies et des services de télécommunications, pourrait également faire apparaître à l’avenir des possibilités de divergence entre les technologies et les services(22).

Par conséquent, la coexistence des technologies « fibre-to-the-pedestal », « fibre-to-the curb » et du spectre radioélectrique semble possible, mais elle n’est certainement pas assurée.

Toutefois, il faut maintenant compter avec au moins deux nouveaux impondérables qui s’écartent sensiblement des capacités de réseaux câblés : les satellites de radiodiffusion directe, ou SRD, et les systèmes de communications personnelles sans fil, les SCP. Si on les mentionne ici, c’est simplement parce que ces technologies offrent toutes deux une autre forme d’accès électronique aux clients, et que toutes deux seront en mesure — plus tôt qu’on ne le pense, s’il faut en croire les experts — de fournir bon nombre, sinon la plupart, des services qu’offrent actuellement les compagnies de téléphone et de câble(23).

Certains experts ont effectivement déclaré que s’il fallait aujourd’hui inventer un réseau de télécommunications de toutes pièces, ce dernier ne comprendrait que les technologies sans fil. Étant donné l’état actuel des technologies et des connaissances, l’avènement de la technologie sans fil, qui a la propriété de pouvoir se substituer à n’importe quelle autre, rend extrêmement difficile la formulation d’une politique gouvernementale qui viserait à préserver et à améliorer la structure à la base du secteur de l’acheminement de l’information électronique. Il en ressort que les décideurs fédéraux devront veiller à ce que leurs décisions et leurs programmes ne favorisent pas une technologie au détriment d’une autre.

BIBLIOGRAPHIE

Addy, George N. « The Competition Act and the Canadian Telecommunications Industry ». Présentation à la Conférence de l’Institute for International Research Telecommunications. 29 mars 1994.

Addy, George N. Bureau de la concurrence. Competition Policy, Regulation and the Information Highway. Manuscrit inédit. Ottawa, 1995.

Allison et Humphreys et al. Global Telecoms Business Yearbook 1995. 1995.

Angus, Elizabeth et Duncan McKie. L’autoroute canadienne de l’information : services et accès à un coût abordable. Ottawa, Industrie Canada, mai 1994.

Babe, Robert E. Telecommunications in Canada. Toronto, University of Toronto Press, 1990.

Bureau de la concurrence. Competition Policy, Regulation and the Information Economy. Mémoire du Directeur des enquêtes et recherches en réponse à l’avis public du CRTC 1994-130. Ottawa, janvier 1995.

Bureau de la concurrence. Implementation of Regulatory Framework : Local Interconnection and Network Component Unbundling. Mémoire du Directeur des enquêtes et recherches en réponse à l’avis public du CRTC 95-36. Ottawa, janvier 1996.

Clark, David D. « Adding Service Discrimination to the Internet ». Telecommunications Policy, vol. 20, no 3, p. 169-81.

Crandall, Robert W. « Managing the Transition to Competitive Telecommunications Markets ». Steven Globerman, W.T. Stanbury et Thomas A. Wilson. The Future of Telecommunications Policy in Canada. Bureau of Applied Research of the University of British Columbia and Institute for Policy Analysis of the University of Toronto. Avril 1995, p. 67-81.

Comité consultatif sur l’autoroure de l’information. Contact, communauté, contenu : le défi de l’autoroute de l’information. Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, septembre 1995.

Comité sur la convergence des réseaux locaux. Convergence : concurrence et coopération. Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1992.

Crandall, Robert W. et J. Gregory Sidak. « Competition and Regulation Policies for Interactive Broadband Networks ». Bureau de la concurrence. Competition Policy, Regulation and the Information Economy. Mémoire présenté en réponse à l’avis public CRTC 1994-130. Ottawa, janvier 1995.

Davidson, William H. et Ronald D. Hubert. Telecompetitiveness and the Wireless Sector : Competition Without Chaos. Mesa Research, commandité par BCE Mobile. Mai 1995.

Downs, Steven J. « Asynchronous Transfer Mode and Public Broadband Networks : The Policy Opportunities ». Telecommunications Policy, mars 1994, p. 114-134.

The Economist. « The Internet : The Accidental Superhighway ». 1er juillet 1995, Survey.

Ellis, David. La culture et l’autoroute de l’information : nouveaux rôles des télécommunicateurs et des fournisseurs de contenu. Stentor politiques publiques Télécom Inc. Ottawa, septembre 1994.

Gabel, David. « Competition in a Network Industry : The Telephone Industry, 1894-1910 ». The Journal of Economic History, vol. 54, no 3, septembre 1994, p. 543-572.

Hart, Jeffrey A., Robert R. Reed et François Bar. « The Building of the Internet : Implications for the Future of Broadband Networks ». Telecommunications Policy, novembre 1992, p. 666-689.

Industrie Canada. Les communications au XXIe siècle : médias et messages à l’ère de l’information. Ottawa, 1992.

Lehr, William H. et Martin B. Weiss. « The Political Economy of Congestion Charges and Settlements in Packet Networks ». Telecommunications Policy, vol. 20, no 3, 1996, p. 219-31.

MacKie-Mason, Jeffrey K. et Hal Varian. « Economic FAQs About the Internet ». Journal of Economic Perspectives, vol. 8, été 1994, p. 75-96.

Noam, Eli M. « The Next Future of Telecommunications : From the Network of Networks to the System of Systems ». Steven Globerman, W.T. Stanbury et Thomas A. Wilson. The Future of Telecommunications Policy in Canada. Bureau of Applied Research of the University of British Columbia and Institute for Policy Analysis of the University of Toronto. Avril 1995, p. 385-401.

Noll, A. Michael. « The Extraterrestrials Are Coming ». Telecommunications Policy, vol. 20, no 2, 1996, p. 79-82.

Ontario, Ministère du Développement économique et du Commerce. Guide des communications de l’Ontario 1993. Toronto, L’Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1993.

Rutkowski, Anthony M. « The ITU at the Cusp of Change ». Telecommunications Policy, août 1991, p. 286-297.

Sénat du Canada. Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Fascicules nos 30, 33 et 37.

Sirois, Charles et Claude E. Forget. Le médium et les muses : la culture, les télécommunications et l’autoroute de l’information. Ottawa, Institut de recherche en politiques publiques, 1995.

Telus Corporation. The Information Highway : Choosing Content, Converging Carriage. Présentation en réponse à l’avis public CRTC 1994-130. Janvier 1995.

United Kingdom Parliamentary Office of Science and Technology. Information ‘Superhighway’: The UK National Information Infrastructure. Londres, mai 1995.

Winseck, Dwayne. « A Social History of Canadian Telecommunications ». Canadian Journal of Communication, vol. 20, 1995, p. 143-166.


(1) Cette section s’inspire considérablement de la contribution de Robert E. Babe à L’Encyclopédie du Canada, p. 1915-1917.

(2) Robert Simmonds, Clearnet Communications Inc., Sénat du Canada, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, 1994-1995, fascicule no 33, 24 novembre 1995, p. 6.

(3) Robert E. Babe, Telecommunications in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1990, p. 219-221.

(4) Industrie Canada, Les Communications au XXIe siècle : médias et messages à l’ère de l’information, Ottawa, 1992, p. 25.

(5) Anthony M. Rutkowski, « The ITU at the Cusp of change », Telecommunications Policy, août 1991, p. 286.

(6) Les débits de transmission de données se mesurent généralement en bits-seconde (bps). Ainsi, une ligne RNIS possède une largeur de bande de 64 000 bits/seconde, ou 64 kbps, tandis qu’un téléviseur haute résolution possède une largeur de bande d’environ 140 à 560 millions de bits/seconde, ou 140 à 560 Mb/s.

(7) Les coins d’un signal numérique ne sont pas toujours parfaitement carrés, ce qui pourrait être une cause d’erreur. Les contrôles par redondance ont été mis en place dans le flot de données pour détecter et corriger de telles erreurs.

(8) George N. Addy, directeur du Bureau des enquêtes et des recherches de la politique de la concurrence, Sénat du Canada, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, 1994-1995, 6 novembre 1995, fascicule no 30, p. 14.

(9) United Kingdom Parliamentary Office of Science and Technology, Information "Superhighway" : The UK National Information Infrastructure, mai 1995, p. A3.

(10) Bell Cablemedia plc, Annual Report 1994, p. 8.

(11) United Kingdom Parliamentary Office of Science and Technology (1995), p. 62, The Economist, « The Internet : The Accidental Superhighway », 1er juillet 1995, Survey, p. 1; et J.K. MacKie-Mason et Hal Varian, « Economic FAQs About the Internet », Journal of Economic Perspectives, vol. 8, été 1994, p. 76.

(12) The Economist (1995), Survey, p. 2.

(13) MacKie-Mason and Varian (1994), p. 76.

(14) Le coût supplémentaire associé à une heure d’accès additionnelle à l’Internet est pratiquement nul. Les frais envisagés ne seraient instaurés que pour faire prendre conscience des coûts associés à l’encombrement. Il existe diverses modalités d’application de ces frais d’utilisation (voir Telecommunications Policy, vol. 20, n° 2, 1996). Par exemple, un utilisateur pourrait inclure un code de priorité dans l’en-tête de chaque paquet d’information à transmettre, ce qui activerait un mécanisme d’imposition de surcharge à l’expéditeur ou au récipiendaire uniquement lorsque la zone utilisée est encombrée.

(15) Elizabeth Angus et Duncan McKie, L’autoroute canadienne de l’information : Services et accès à un coût abordable, Ottawa, Industrie Canada, mai 1994, p. 18.

(16) George N. Addy, Bureau de la concurrence, Competition Policy, Regulation and the Information Economy, Ottawa, 1995, p. 43 (traduction).

(17) Industrie Canada (1992). p. 11-12.

(18) Telus Corporation, The Information Highway : Choosing Content, Converging Carriage, janvier 1995 (traduction).

(19) Jocelyne Côté-O’Hara, Stentor politiques publiques Télécom Inc., Sénat du Canada, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, 1994-1995, fascicule n° 37, 13 décembre 1995, p. 6.

(20) Leland L. Johnson et David P. Reed, « Telephone Company Entry into Cable Television : An Evaluation », Telecommunications Policy, mars 1992, p. 122-134.

(21) Salvatore Salamone, « Higher Data Speeds Coming for Plain Phone Lines », Bytes, janvier 1996, p. 30.

(22) Robert W. Crandall et J. Gregory Sidak, « Competition and Regulation Policies for Interactive Broadband Networks », Bureau de la concurrence, Competition Policy, Regulation and the Information Economy, mémoire présenté en réponse à l’avis public du CRTC 1994-130, 1995.

(23) Côté-O’Hara (1995), p. 6.