BP-430F

 

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET LA POLITIQUE
INDUSTRIELLE DU CANADA

 

Rédaction :
Daniel J. Shaw
Division de l'économie
Novembre 1996


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

L’ÂGE DE L’INFORMATION ET L’ÉCONOMIE CANADIENNE

DONNER UN AVANTAGE CONCURRENTIEL AU CANADA
EN MATIÈRE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR L’ÈRE DU MONOPOLE NATUREL

UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR L’ÂGE DE L’INFORMATION

BIBLIOGRAPHIE

 


 

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET LA POLITIQUE
INDUSTRIELLE DU CANADA

 

Le progrès technologique est manifestement un agent de changement... L’industrie des télécommunications classique et sa réglementation ont reposé sur des postulats structurels et économiques qui sont remis en cause par l’évolution technologique ¾ non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

           George Addy, Bureau de la politique de concurrence

Le secteur des télécommunications canadiennes a le choix : être à l’avant-garde, ou être les bûcherons et les porteurs d’eau de la technologie moderne.

               Derek Burney, Bell Canada International

INTRODUCTION

Les technologies employées par les sociétés de télécommunications et de télévision par câble, au Canada et ailleurs, se transforment rapidement. Les services que ces sociétés offrent évoluent aussi, par voie de conséquence. Les entreprises n’ont plus exclusivement recours, comme moyens de transmission, aux câbles coaxiaux ou en fil de cuivre. De plus en plus leurs réseaux sont faits de câbles à fibre optique, qui acheminent l’information par lumière pulsée, et de réseaux sans fil, qui utilisent le spectre électromagnétique. Les technologies innovatrices ont donc considérablement étendu la capacité de transmission des réseaux, qui peuvent maintenant intégrer diverses formes de transmission : transmission interactive de signaux vocaux dans les deux sens, transmission vidéo et transmission de données et d’informations sous forme graphique, convertis à partir ou à destination du langage informatique numérique, afin de fournir de nouveaux services comme la vidéoconférence, l’extraction et le traitement à haut rendement de données et les services de vidéo sur demande (VSD). Alors que les communications vocales, la communication de données et les services récréatifs étaient autrefois la chasse gardée des compagnies de téléphone, de satellites et de télévision par câble respectivement, ces types de communications peuvent maintenant être acheminés par les moyens de transmission dont dispose chacun des concurrents. La suppression des frontières conventionnelles entre les télécommunications, la télévision par câble et l’informatique ouvre donc la voie à la convergence des services de distribution d’information vers ce que l’on appelle « l’autoroute de l’information ».

Ces services de télécommunication sophistiqués offrent aux entreprises canadiennes un grand nombre de possibilités de nature commerciale, ainsi qu’une multitude de nouvelles façons d’organiser leurs activités courantes et leurs relations d’affaires, ce qui supprime parfois les distinctions entre travail, école et loisirs. En fait, dans le monde des affaires actuel, ces services sont de plus en plus essentiels à la transmission efficace et rapide des informations. Par exemple, ils permettent aux entreprises de profiter d’un certain nombre d’avantages : système de stockage au moment adéquat, échanges de données par voie électronique, réservation informatisée auprès des compagnies aériennes, services bancaires et achats électroniques, etc. Les économies ainsi réalisées auront sans nul doute un effet bénéfique sur la compétitivité du secteur privé et sur la prestation des services gouvernementaux au public, en particulier en matière de soins de santé et d’éducation.

Ces développements technologiques favorisent également la mondialisation du commerce. Associés aux nouveaux moyens de transport relativement bon marché, les services et les technologies de communication de pointe amènent une multiplication des échanges commerciaux au-delà des frontières nationales. De plus, une fraction disproportionnée de ces échanges sont réalisés par des sociétés multinationales ou, plus précisément, transnationales, dont les décisions en matière d’investissements semblent de plus en plus être prises en fonction de motifs économiques plutôt que des accidents de l’histoire ou de la géopolitique. Ce contexte nouveaux recèle pour le Canada un lourd défi : celui de maintenir sa compétitivité internationale malgré les menaces qui pèsent sur sa part sectorielle traditionnelle des investissements. La « révolution de l’information » peut s’avérer une lame à deux tranchants.

Ce défi ne concerne pas uniquement les personnes physiques ou morales, mais également le gouvernement fédéral qui, à titre de responsable exclusif des télécommunications et de la radiodiffusion au Canada, doit mettre en place des lois qui correspondent aux conditions sociales, culturelles, politiques et économiques existantes. La disparition des technologies qui caractérisent les situations de « monopole naturel » et la restructuration des activités de télécommunications et de radiodiffusion en fonction d’un contexte mondial, plutôt que national, suppose une réforme correspondante des politiques gouvernementales. Celles-ci doivent dorénavant offrir de nouvelles règles de base aux sociétés de télécommunications et de télédistribution — qu’elles soient en place depuis un certain temps ou nouvellement arrivées sur le marché — qui exercent des activités sur le marché à la fois sur les scènes nationale et internationale. Cette formulation des politiques est donc une importance extrême.

Si une entreprise de télécommunication canadienne ne parvient pas à être concurrentielle sur le marché national, il est improbable qu’elle le soit à l’étranger. Les communications internationales dépendent largement de l’infrastructure nationale, qui, elle, repose sur l’infrastructure du réseau local. Ainsi, les réseaux nationaux sont partie intégrante du secteur de l’information national et sont importants pour la viabilité durable du milieu des affaires canadien dans son ensemble. Dans le présent document, nous nous attachons donc à formuler, à l’intention du gouvernement du Canada, une orientation en matière de politique industrielle portant sur le développement ultérieur de l’autoroute de l’information; à long terme cette orientation vise à préserver et à accentuer la compétitivité du Canada à l’échelle internationale dans le domaine des télécommunications et de la télédistribution.

L’ÂGE DE L’INFORMATION ET L’ÉCONOMIE CANADIENNE

On ne peut réduire « l’âge de l’information » à une extraordinaire panoplie de nouveaux gadgets de communication qui permettent des conversations plus nombreuses et variées à travers le monde. L’âge de l’information influe sur la façon dont les gens réorganisent leur vie professionnelle et personnelle à cause de ces innovations révolutionnaires. Dans l’introduction de ce document, nous avons mentionné en particulier certains progrès technologiques récents qui concourent à éliminer les frontières entre la radiotélévision et les télécommunications et à mondialiser le commerce sous l’influence des entreprises transnationales. Mais, d’un autre côté, ces innovations ramènent à l’époque préindustrielle, car certaines activités sont à nouveau organisées de façon artisanale ¾ bien que leurs produits et leur organisation aient fait l’objet d’une réflexion stratégique beaucoup plus poussée que ce n’était le cas par le passé. Ces activités peuvent être regroupées sous la rubrique « services ». Cette évolution n’est pas surprenante vu que les innovations, dans le domaine des télécommunications et de la micro-informatique, ont permis aux professionnels de se montrer plus imaginatifs et plus productifs qu’autrefois.

On a assisté, au cours des vingt dernières années, à la dissolution d’un grand nombre d’entreprises et de conglomérats ou encore à leur dégraissage pour qu’ils deviennent plus faciles à gérer et, du moins l’espère-t-on, plus productifs et plus rentables. Cette rationalisation a pris quatre formes : 1) les entreprises ont réduit leurs activités ou se sont scindées et ont vendu un grand nombre de leurs divisions et filiales les moins compatibles afin de se concentrer sur leurs activités essentielles; 2) les compagnies ont formé, avec des sociétés en amont et en aval, des alliances stratégiques, en vertu desquelles la compagnie mère devient une sorte de porte-drapeau, alors que les sociétés en amont et en aval jouent un rôle bien défini de subordonné mais apportent leur soutien(1); 3) les compagnies ont réduit le nombre de leurs cadres intermédiaires et réorganisé ou sous-traité les fonctions qu’ils exerçaient; et 4) les compagnies ont restructuré leurs méthodes de commandement et de contrôle pour niveler et élargir leur hiérarchie, en privilégiant la concertation et l’intéressement, afin de tirer le maximum de la créativité et des talents de leurs effectifs.

En conséquence directe de cette réorganisation, les petites entreprises axées sur la prestation de services professionnels ont prospéré, créant, par la même occasion, de nouvelles industries et de nouveaux modes de comportement. Les services d’information en ligne, les sociétés de services et de conseils en informatique, les entreprises de conception graphique multimédias, les banques électroniques et les sociétés de vente par correspondance, ainsi qu’une foule de nouvelles activités sont en train de remodeler le paysage commercial. Cette réorganisation industrielle se reflète dans les comptes nationaux du Canada. En 1990, 97,2 p. 100 des entreprises immatriculées employaient moins de 50 personnes. Entre 1980 et 1990, le nombre de ces entreprises a progressé de 40 p. 100, la majeure partie de cette croissance étant attribuable aux petites entreprises, souvent constituées d’une seule personne travaillant à domicile(2). En 1994, le secteur tertiaire (les services) contribuait 349 des 532 milliards de dollars des biens et services produits (évalués au coût des facteurs et en dollars constants de 1986), soit 66 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) du Canada(3). Les services sont consommés principalement sur le marché intérieur; les services exportés n’ont jamais dépassé 14 p. 100 du total des biens et des services exportés. Par conséquent, les services constituent une catégorie de produits moins exportables qui sont utilisés par le milieu des affaires national à la fois comme produits de consommation finale et comme intrants intermédiaires contribuant à la compétitivité du secteur des entreprises. Cela est particulièrement vrai dans le cas des services de la « société axée sur l’information » qui résultent actuellement des innovations dans les télécommunications et la micro-informatique.

Les services axés sur l’information sont aujourd’hui plus importants que jamais pour la compétitivité du secteur des entreprises canadien. Au plan purement quantitatif, les revenus des entreprises de télécommunication et de télévision par câble se sont élevés à 17,9 milliards de dollars en 1994, ce qui représentait 2,7 p. 100 du PIB du Canada. Si l’on inclut les activités axées sur l’information des compagnies de radiotélévision et de services informatiques, en 1994, les revenus se sont élevés à 36,8 milliards de dollars, soit 4,9 p. 100 du PIB du Canada(4). Le Comité consultatif sur l’autoroute de l’information (CCAI) a encore étendu la périphérie des industries axées sur l’information en y incluant les équipements de télécommunication, le matériel de bureau et le matériel informatique, l’instrumentation, la micro-électronique et l’électronique « grand public ». On en est ainsi arrivé, en 1994, à un chiffre d’affaires total de 50 milliards de dollars pour les services axés sur l’information, soit 7 p. 100 du PIB du Canada(5). Au plan de l’emploi, les industries des services de télécommunication, de radiodiffusion et d’informatique employaient 277 750 personnes, soit 2,1 p. 100 de la main-d’oeuvre totale du pays en 1994(6). Ces emplois se situent de façon disproportionnée dans la tranche supérieure des catégories de compétences contribuant à l’économie, avec un salaire moyen de 44 392 $ en 1994, bien supérieur à la moyenne nationale(7).

Du point de vue qualitatif, la contribution des industries canadiennes axées sur l’information est également impressionnante. L’activité économique est aujourd’hui plus que jamais dispersée géographiquement, ce qui rend d’autant plus nécessaires les communications au sein des compagnies et entre elles pour une meilleure coordination et une plus grande efficacité. Les télécommunications permettent aux entreprises d’afficher une productivité supérieure dans de nombreux domaines liés à leurs opérations, notamment une réduction des coûts de stockage, des frais généraux et des dépenses de marketing et de distribution; des opérations décentralisées; un cycle de mise au point du produit et un temps de réponse plus courts; un champ d’action élargi pour la direction; et une amélioration au niveau des prises de décisions, de la formation, du support technique et du service à la clientèle(8).

Quantitativement et qualitativement, les industries axées sur l’information contribuent à la compétitivité de pratiquement tous les secteurs de l’économie canadienne. Ces industries, au sein desquelles les télécommunications et la micro-informatique jouent le rôle de cheville ouvrière, transcendent toutes les autres industries dans l’économie et occupent une position stratégique, voire de déterminant clé au plan de la compétitivité nationale. Il ne serait donc pas vraiment exagéré de prédire que la révolution de l’information mobilisera et rassemblera le capital humain (« le savoir ») largement de la même façon que la « révolution industrielle » a mobilisé et rassemblé le capital physique et financier, et conférera des avantages à ceux qui bénéficient d’un accès immédiat à ce type de capital. Indubitablement, les individus qui possèdent les connaissances en seront les principaux bénéficiaires. Les entrepreneurs qui peuvent le mieux accéder à l’information ou la générer, la combiner, la traiter et l’analyser en récolteront les fruits. Les pays qui souhaitent participer à cette révolution n’ont plus qu’à prendre leur courage à deux mains et à procéder aux changements institutionnels nécessaires pour libérer les activités qui sont aujourd’hui rendues possibles par la numéralisation, le traitement de l’information assistée par ordinateur, la commutation ATM, le câble à fibres optiques et les technologies de transmission sans fil. Le fruit de leurs efforts sera un accroissement disproportionné des emplois hautement qualifiés et hautement rémunérés. Quant aux pays qui emprunteront une autre voie :

Le capital intellectuel n’est rien d’autre que la capacité de l’esprit humain appliquée à la connaissance et valorisée par la technologie de l’information. L’intelligence humaine est rapidement en train de devenir le facteur dominant de la production, et le marché mondial qui est foncièrement le plus important est celui du capital intellectuel. Contrairement au capital physique, le capital intellectuel n’est pas lié à la géographie. Des travailleurs du savoir et des entrepreneurs de l’information très mobiles peuvent très rapidement passer d’un pays à un autre, emportant leurs entreprises avec eux(9).

Beaucoup plus que toute autre forme de capital, le capital intellectuel ira là où il est en demande, restera là où il est bien traité et se multipliera là où on l’autorisera à faire le plus de profits. Les pays qui respectent la liberté du capital intellectuel et qui l’accommodent prospéreront dans l’économie mondiale. Ceux qui s’imaginent que cette forme la plus puissante de capital peut être asservie ou que l’on peut lui imposer quoi que ce soit dépériront(10).

 

DONNER UN AVANTAGE CONCURRENTIEL AU CANADA EN MATIÈRE
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

Certains observateurs de l’industrie nous rappellent la vision du « village global » de Marshall McLuhan; d’autres annoncent la « mort de la distance » comme obstacle aux échanges et au commerce; d’autres encore prédisent un monde sans frontière et la disparition de l’État nation. Comme beaucoup de prévisions, celles-ci se révéleront en fin de compte inexactes ¾ en termes relatifs, sinon absolus. Elles ouvrent toutefois une perspective qui nous permet d’envisager comment les générations futures s’organiseront ou ne s’organiseront pas dans la foulée de la révolution de l’information. Les futurologues apportent une contribution en visualisant et en définissant le caractère futur de la société axée sur l’information, même s’il ne leur est pas possible d’en faire une description exacte.

Il est préférable de situer les trois prédictions ci-dessus à l’une des extrémités d’une gamme de visions de l’avenir où l’on trouverait, à l’opposé, un État nation à l’omniprésence tentaculaire. La vérité se situera quelque part entre les deux. La distance ¾ l’un des nombreux facteurs contribuant à l’émergence de l’État nation ¾ s’avérera sans aucun doute un obstacle moins intimidant au commerce dans l’avenir numérisé, mais la révolution de l’information ne s’est pas avérée assez puissante pour faire disparaître tous les problèmes logistiques en matière de distance et réduire le monde à une seule entité politique. De solides arguments peuvent être invoqués en faveur de politiques industrielles sélectives; les gouvernements ont leur importance, que leur politique industrielle s’avère juste ou erronée. Le rôle qu’un gouvernement peut jouer dans la création d’un avantage concurrentiel en matière de télécommunications d’un pays vaut donc la peine d’être examiné.

La théorie économique est instructive à cet égard. Les pays qui parviennent au niveau de vie le plus élevé sont ceux qui utilisent leur main-d’oeuvre et leurs capitaux dans des activités qui génèrent des niveaux de productivité élevés et qui croissent rapidement ¾ c’est là une opinion rarement contestée. La productivité est à l’origine de la compétitivité d’un pays à l’échelle internationale et trois stratégies bien connues sont nécessaires pour la maximiser. Un pays pourrait exploiter l’abondance de ses ressources naturelles, selon la théorie commerciale séculaire de l’avantage comparatif. Un pays pourrait tenter de maximiser les économies d’échelle et de gamme dans le domaine de la fabrication et de la distribution, à la recherche d’une efficience productive et allocative, conformément à la théorie néoclassique déjà ancienne de l’entreprise. Enfin, un pays pourrait atteindre un niveau plus élevé de progrès technique en encourageant l’innovation et le changement technologique dans des secteurs d’activité où il possède un avantage comparatif, selon la théorie moderne de la croissance. L’histoire montre que depuis sa création, le Canada a mis en oeuvre la première stratégie avec énormément de succès et poursuivi certains aspects de la seconde avec plus ou moins de bonheur, mais il n’a pas encore adopté officiellement la troisième de façon cohérente.

Il est possible d’affirmer qu’un avantage concurrentiel national peut être créé et maintenu par les entreprises et par les gouvernements à l’endroit de certains biens et services si les conditions sont réunies. De fait :

L’avantage concurrentiel s’obtient et se conserve grâce à un processus fortement localisé. Les différences nationales en matière de structure économique, de valeurs, de culture, d’institutions et d’histoire contribuent profondément au succès économique. Le rôle du pays d’origine semble plus important que jamais, alors que la mondialisation de la concurrence aurait pu l’amoindrir. Avec la réduction des entraves aux échanges, qui protégeaient les entreprises et les secteurs non compétitifs de la nation, un pays prend une importance croissante en tant que source du savoir-faire et de la technologie qui sous-tendent l’avantage concurrentiel(11).

Par définition, un gouvernement national doit centrer ses efforts; un pays ne peut obtenir un avantage concurrentiel que dans la production de quelques biens et services, non dans la production de tous. Les initiatives doivent être axées sur l’avenir plutôt que sur le passé et sur l’espoir de préserver d’anciennes activités qui sont associées à un « mode de vie ». En outre, vu que c’est l’entreprise qui soutient la concurrence sur les marchés internationaux, et non le gouvernement, c’est elle qui devrait lancer les principales initiatives destinées à obtenir un avantage concurrentiel sur ces marchés. Le gouvernement national devrait principalement avoir un rôle de soutien; il ne devrait pas choisir les gagnants ou les perdants directement, mais plutôt indirectement, en moulant la structure institutionnelle dans laquelle les entreprises fonctionnent sur le marché national. De fait :

L’objectif essentiel d’une politique industrielle [...] devrait être d’instaurer un environnement permettant aux entreprises d’enrichir leurs avantages concurrentiels dans les industries existantes en introduisant des technologies et des méthodes plus sophistiquées et en pénétrant des segments plus complexes. Une politique industrielle ne doit pas aider les entreprises à s’assurer des positions dans des industries ou des segments peu productifs et délaissés ailleurs; elle doit les aider à pénétrer des industries nouvelles offrant des perspectives de productivité supérieure(12).

À moins qu’un gouvernement n’ait une vision plus exacte de l’avenir que le secteur privé, il ne devrait pas arbitrairement subventionner certaines compagnies et technologies. Au contraire, il devrait privilégier les politiques cadres. L’incapacité de certains gouvernements de reconnaître cette évidence a fait que des primes de développement industriel sont allées non pas à des entreprises et à des technologies prometteuses, mais aux sociétés et aux technologies les plus aptes à composer avec la bureaucratie gouvernementale distributrice de subventions(13).

Les gouvernements peuvent favoriser l’émergence d’une main-d’oeuvre mature fortement qualifiée; l’éducation, comme nous l’avons déjà mentionné, est la ressource essentielle de la société axée sur l’information. Les gouvernements auront de plus en plus pour tâche de s’assurer que leurs citoyens recyclent en permanence leurs compétences professionnelles, et devront donc mettre en place, en partenariat avec le secteur privé, des politiques du marché du travail et de l’éducation conçues pour favoriser l’apprentissage continu.

[U]n principe que nous avons aussitôt adopté [est] [...] que l’apprentissage continu devrait être un élément clé de la conception et du déploiement de l’autoroute de l’information. [...] En fait, il est important que notre société sache s’adapter et que chacun de ses citoyens ait la possibilité de s’adapter et d’utiliser ces outils à son avantage(14).

L’autoroute de l’information a également été reconnue comme une infrastructure nationale prééminente (« infostructure »), capable d’exercer une influence significative sur la compétitivité d’un pays(15). Vu que le Canada a depuis très longtemps des antécédents dans le domaine des télécommunications, une infrastructure perfectionnée et des institutions politico-économiques élaborées, le secteur des télécommunications serait un candidat tout désigné à la création et au maintien d’un avantage concurrentiel pour le pays. Le rôle du gouvernement national serait de veiller à ce que soient préservées les forces sous-jacentes qui ont vivifié cette infrastructure nationale depuis le début.

La productivité de l’infostructure doit être défendue et maintenue par la politique gouvernementale. On pourrait prétendre qu’il est possible d’y parvenir non en favorisant directement une entreprise ou une technologie particulière, mais plutôt en laissant le marché décider. Voici deux exemples du type de soutien gouvernemental susceptible de contribuer a donner un avantage concurrentiel au Canada : une législation en faveur de l’accroissement du pool de capitaux disponibles pour la création et la modernisation du réseau de l’information, et une législation encourageant la rivalité entre les entreprises en concurrence pour bénéficier de la rente qui revient à celles qui ouvrent la voie aux nouvelles technologies et aux nouveaux procédés de production fructueux et qui commercialisent de nouveaux produits et services.

UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR L’ÈRE DU MONOPOLE NATUREL

Les politiques industrielles ont influé sur le secteur des télécommunications au Canada et ailleurs dans le monde depuis que celui-ci existe. Autrement dit, le fait que le gouvernement se soit mêlé de télécommunications a toujours façonné la structure et la compétitivité du secteur tant positivement que négativement. La politique du gouvernement fédéral en matière de télécommunications est née au moment du développement de la télégraphie, s’est étendue avant la fin du XIXsiècle à la téléphonie, a couvert la télévision par câble par le biais de la politique de radiodiffusion à la fin des années 60, et s’applique aujourd’hui aux segments du marché que sont les satellites et les communications sans fil. La politique industrielle ne couvrait pas au départ tous les secteurs; au fil des percées dans le domaine des télécommunications, elle s’est étendue à de plus en plus de secteurs, quoique chaque fois de façon moins stricte et moins pointilleuse. Chaque nouvelle technologie a amené le gouvernement à prendre une place de plus en plus grande, qui faisait parfois double emploi. À certains moments, les trois paliers de gouvernement ont pris part au processus, ce qui a donné des résultats très divers allant d’une réglementation laxiste de la part d’un organisme gouvernemental quasi judiciaire à une microgestion étendue pratiquée par une société d’État provinciale.

La principale justification de l’incursion initiale du gouvernement dans le domaine des télécommunications était le caractère de monopole naturel de ce secteur. En effet, même s’il faut beaucoup de capital pour poser un réseau étendu de câbles, construire un grand nombre de centres de commutation des appels et mettre en place une variété de services de soutien, les économies d’échelle sont tellement importantes qu’une seule entreprise est en mesure de fournir ce service à un coût bien moindre que deux ou plusieurs. Éviter la duplication de l’infrastructure est l’objectif poursuivi par toute entreprise « d’écrémage » attirée à son tour par des segments lucratifs du marché. Des « externalités de réseau » vont souvent de pair avec ce phénomène technologique(16).

Les gouvernements du monde entier ont donc adopté comme politique l’octroi d’une charte de monopole à une entreprise qui acceptait en retour d’assumer l’obligation statutaire de fournir un service universel. En Amérique du Nord, après l’émergence d’une concurrence limitée (de 1890 à 1910), les gouvernements nationaux ont choisi d’accorder des droits de caractère monopolistique à des entreprises privées soumises à une réglementation économique. Les pays européens, par contre, ont pour la plupart fusionné leurs services de télégraphie et de téléphonie et leurs organismes postaux gouvernementaux, d’où l’acronyme PTT rattaché à la raison sociale de ces entreprises. Les obligations relatives au service universel étaient complétées par des réglementations qui autorisaient des méthodes tarifaires à interfinancement entre les services interurbains et les services locaux, les services urbains et les services ruraux et les services aux entreprises et les services résidentiels.

Principalement à cause de la menace que constituaient les concurrents éventuels qui visaient son marché lucratif du centre du Canada, Bell Canada Limitée, la première compagnie téléphonique du Canada, a vendu les services qu’elle fournissait dans les Maritimes à des intérêts locaux, avant d’en reprendre le contrôle dans les années 60(17). Dans les Prairies, la population, généralement insatisfaite de la lenteur du développement et des services médiocres offerts par Bell Canada, s’est révoltée, ce qui a abouti à la reprise en main des réseaux provinciaux par des sociétés d’État provinciales de 1904 à 1908; le marché d’Edmonton a fait exception à règle, puisqu’il est resté sous contrôle municipal jusqu’à sa récente privatisation(18)(19). BC Tel et Québec Téléphones, détenues à 50 p. 100 par la GTE Corporation des États-Unis, se sont implantées respectivement en Colombie-Britannique et au Québec.

L’histoire et l’organisation industrielle du secteur des services de télécommunication du Canada sont très intéressantes. Un examen plus approfondi révèle que plusieurs facteurs, voulus ou accidentels, peuvent expliquer l’excellente compétitivité internationale du Canada (voir Davidson et Hubert (1994)). Il y a trois facteurs positifs : 1) le recours aux entreprises privées pour la gestion des réseaux; 2)  l’existence de monopoles principalement provinciaux plutôt que d’un seul monopole national; et 3) l’existence de capitaux relativement libres et mobiles. Le facteur négatif serait les importants accords tarifaires reposant sur l’interfinancement.

Le premier facteur s’explique par le fait que les entreprises privées ont une tendance plus marquée que les sociétés d’État à favoriser une culture d’entreprise qui axe le fonctionnement sur des résultats comptables bien définis. Un organisme de réglementation devrait être en mesure de s’approprier une partie des économies de production ainsi réalisées et d’en faire bénéficier les consommateurs dans les localités éloignées.

Avec un certain recul, la décision d’autoriser la propriété privée et la réglementation des entreprises au lieu d’en faire des monopoles d’État s’est avérée sage. Les pays les plus innovateurs sur le plan des services offerts sont le Canada et les États-Unis, qui comptaient parmi les quelques pays qui ne possédaient pas de sociétés des postes, télégraphes et téléphones. [...] En outre, l’obligation imposée par les administrations publiques aux compagnies canadiennes de desservir toutes les régions éloignées et peu peuplées du pays pour pouvoir obtenir une licence a forcé les compagnies à innover sur le plan technique pour s’acquitter de cette tâche difficile. La création de défis, plutôt que leur élimination comme dans le cas de l’industrie du papier journal, a rendu le marché vraiment concurrentiel(20).

L’avantage que constituent des monopoles régionaux ou provinciaux par rapport à un monopole national est double. Premièrement, compte tenu du fait que les économies d’échelle au niveau d’un réseau téléphonique se situent principalement dans le centre local et non entre les centres locaux, on obtient généralement les avantages découlant d’un coût unitaire avant qu’il ne s’étende au-delà d’une province (ou d’une région, dans le cas des Maritimes). Par conséquent, il est relativement peu intéressant de structurer l’industrie pour donner à un exploitant un champ d’action plus vaste qu’une province. En fait, dans certains cas, la croissance d’un organisme ne fait qu’entraîner la création d’une bureaucratie plus importante, ce qui n’est pas propre à assurer une plus forte productivité ou compétitivité.

Deuxièmement, avec plusieurs entreprises de télécommunication sur l’étroit marché canadien, Northern Telecom (Nortel), la division de l’équipement de BCE Inc. (la société mère de Bell Canada), a dû se préoccuper de la compatibilité des signaux beaucoup plus tôt ne l’ont fait les autres fournisseurs d’équipement. En outre, comme Nortel était tenue d’offrir ses produits et services à Bell Canada à un prix ne dépassant pas le meilleur prix offert aux autres exploitants (tout particulièrement les membres du Groupe Stentor qui avaient l’option de pouvoir s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs), cela a introduit la concurrence sur le marché canadien de l’équipement et forcé Nortel à se montrer plus efficace que les fournisseurs étrangers qui fournissaient un marché captif de PTT national(21). Ce phénomène a rendu les prestataires de services de télécommunication canadiens plus compétitifs sur les marchés internationaux.

Le troisième avantage de la politique industrielle canadienne en matière de télécommunications est venu du fait que le gouvernement a insisté pour que les capitaux destinés à financer les énormes infrastructures de l’industrie soient relativement libres et mobiles. À l’origine, Bell Canada appartenait à 50 p. 100 à des intérêts américains, et BC Tel et Québec Téléphones sont toujours dans cette situation. L’accès à un financement à bas prix pour une industrie à très fort coefficient de capital comme les télécommunications était un impératif industriel. Ce n’est que très récemment que la politique canadienne s’est montrée hésitante quant à la source des capitaux de participation de ce secteur. À l’heure actuelle, les investissements directs étrangers dans les entreprises de télécommunication sont limités à 20 p. 100 et les investissements indirects, par l’intermédiaire de sociétés de portefeuille, à 33 p. 100; ainsi donc les niveaux de participation étrangère sont plafonnés à 46 et 2/3 p. 100 des actions assorties d’un droit de vote d’une entreprise de télécommunication. Le niveau de participation étrangère de 50 p. 100 dans BC Tel et Québec Téléphones a toutefois été reconnu comme un droit acquis dans la Loi sur les télécommunications de 1993; par conséquent, le plafonnement de la participation étrangère ne s’est pas appliqué à ces entreprises. Ce n’est qu’avec le récent investissement d’AT&T Canada dans Unitel et l’émission d’actions de Sprint Canada sur les marchés de capitaux américains que ces restrictions ont pu entraver la compétitivité canadienne dans le secteur des télécommunications et l’affecter négativement.

Les politiques d’établissement des prix par interfinancement, dont le but est de favoriser un service universel, réduisent la compétitivité des entreprises de télécommunication canadiennes. Des études statistiques ont montré que la demande résidentielle en matière de services téléphoniques locaux est relativement inélastique quant au prix par comparaison à la demande dans le secteur commercial et pour les services interurbains; ainsi, la suppression des subventions aux services locaux, pense-t-on, n’entraînerait qu’une réduction minimale, voire nulle, de la demande.

La réalité, c’est que des études ont établi que l’élasticité de la demande par rapport au prix pour les services locaux est de moins 0,1. Cela signifie que vous pouvez doubler les tarifs et que moins d’un dixième d’un pour cent des gens se désabonneraient. [...] Cependant, si vous inversez le problème, si l’élasticité de la demande par rapport au prix pour les services interurbains est d’environ 1 ¾ certains disent qu’il s’agit de 0,8 p. 100, certains disent qu’il s’agit d’un pour cent, d’autres un peu plus d’un pour cent, mais prenons 1 p. 100 ¾ , cela signifie qu’une augmentation de 10 p. 100 du prix de l’interurbain entraîne une diminution de 10 p. 100 de la demande. [...] Donc, nous faisons carrément fausse route. En d’autres mots, il faudrait que la majoration soit élevée pour les services locaux et faible pour les services interurbains. Or, nous sommes en train de faire le contraire(22).

Par conséquent, alors que les accords d’établissement des prix par interfinancement peut-être contribué à un taux de pénétration du marché plus élevé par le passé, ils s’avèrent peu intéressants aujourd’hui. Leur incidence économique négative sur le PIB a été estimée à plus de quatre milliards de dollars par année en 1995(23). D’ailleurs, le fort taux de pénétration du marché au Canada peut également s’expliquer en partie par l’éloignement des communautés. Les pays peu peuplés à revenu élevé comme le Canada connaissent naturellement une demande particulièrement forte pour un service téléphonique que l’on estime être un substitut utile à certaines options en matière de transport.

Enfin, comme nous l’avons indiqué auparavant, les progrès technologiques estompent les frontières entre les télécommunications et la radiodiffusion; il est donc justifié de procéder à une analyse de l’incidence de la politique industrielle sur la compétitivité des entreprises de télévision par câble ou de satellite de radiodiffusion directe (SRD). Nous devons en l’occurrence veiller à faire la différence entre les sociétés de télécommunication et les diffuseurs de programmes (sociétés de radiotélévision). L’objectif premier de la Loi sur la radiodiffusion, à savoir la préservation de la souveraineté du patrimoine culturel canadien, peut aller à l’encontre de l’efficacité économique. Après tout, la Loi vise avant tout à encourager la diffusion d’émissions à contenu canadien sur les ondes canadiennes, par câble et par SRD. La politique s’applique de la façon suivante :

Nos stations ont une grille-horaire à 60 p. 100 canadienne, et les émissions canadiennes occupent 50 p. 100 de notre horaire de grande écoute Cependant, ces 60 p. 100 d’émissions canadiennes que nous offrons ne représentent que 44 p. 100 de nos recettes. [...] Chaque dollar consacré à des émissions étrangères rapporte à une station locale 1,42 $. Par contre, chaque dollar consacré à des émissions canadiennes ne produit que 0,88 $. Ainsi, le réseau CTV [...] décrit comment une heure de dramatique canadienne lui coûte environ 112 500 $ en droits de licence. Le revenu net moyen des annonces-éclairs vendues durant cette heure n’est que de 69 600 $, ce qui donne une perte nette de 43 000 $ durant une heure névralgique de grande écoute. Le producteur de l’émission a réalisé un profit, contrairement au radiodiffuseur CTV(24).

La Loi sur la radiodiffusion porte surtout sur le contenu des programmes diffusés et non sur la distribution des signaux. Les entreprises de télévision par câble et de SRD ont été couvertes par les règlements uniquement parce que, à titre de chaînes de distribution, elles peuvent avoir un impact significatif sur l’efficacité de la politique de radiodiffusion. Le gouvernement a une fois encore tiré parti du monopole naturel qui caractérise la télévision par câble en accordant des monopoles régionaux dont les rentes ont été récupérées par l’organisme de réglementation de diverses manières : 1) les 5 p. 100 des recettes qui doivent être versées au fonds de programmation canadien; 2) le coût ajouté lié à la distribution d’un plus grand nombre de diffuseurs canadiens qui n’existerait pas autrement; et 3) la perte de recettes marginales découlant de l’incapacité de distribuer des services de diffusion étrangers non autorisés.

Comme dans les télécommunications internationales, l’établissement de prix contraires à la logique économique mène inévitablement à des solutions non rentables; dans cette industrie, on pourrait mesurer ce phénomène en évaluant la taille du pseudo marché « gris » ¾ c’est-à-dire le nombre de ménages canadiens abonnés aux services de radiodiffusion directe (SRD). D’après les estimations les plus modestes, cela représenterait 240 000 foyers, soit 2 à 3 p. 100 du marché national canadien.

UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR L’ÂGE DE L’INFORMATION

La politique industrielle canadienne en matière de télécommunications et de diffusion d’émissions a été relativement efficace du fait qu’elle mettait l’accent sur les facteurs sous-jacents de la compétitivité spécifique de ces industries. De fait, les anciennes politiques industrielles étaient foncièrement conçues pour contrôler le monopole naturel et les activités à fort coefficient de capital caractéristiques des télécommunications, et s’assurer que les consommateurs ne se faisaient pas escroquer. On ne permettait pas aux politiques industrielles de trop s’écarter de cet objectif pour en poursuivre d’autres. Même lorsque l’efficacité économique était subordonnée à la souveraineté et au patrimoine culturel dans la Loi sur la radiodiffusion, l’organisme de réglementation, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), était contraint de tenir compte les facteurs économiques afin d’équilibrer quelque peu ses décisions.

Il ne fait aucun doute que la politique industrielle canadienne en matière de télécommunication a eu d’assez bons résultats. La question qui se pose maintenant est la suivante : le gouvernement modifiera-t-il ses politiques industrielles en matière de télécommunication et de diffusion d’émissions pour satisfaire aux nouvelles conditions, dont la plus notable est l’évolution rapide de la base technologique? Une période de changement technologique rapide soumet la politique industrielle à diverses demandes et exige un examen attentif de ses répercussions.

Par définition, le changement technologique signifie que le paysage politico-économique glisse et que de nouvelles stratégies doivent être mises en place pour préserver, voire améliorer, la position concurrentielle du Canada dans le monde. La politique industrielle doit être flexible de manière à ce que l’industrie puisse réagir aux forces du changement. Les trois impératifs stratégiques pour les télécommunications et la distribution des signaux de radiodiffusion pourraient être les suivants : 1) que la réglementation de l’industrie accorde moins d’importance que ce n’est le cas actuellement aux facteurs économiques pour mettre l’accent sur des facteurs sociaux tels que le droit d’auteur, la protection contre les vols de haute technologie, le maintien d’un comportement décent et le respect de la vie privée; 2) que le capital continue d’être relativement libre de financer l’implantation de la nouvelle infostructure à un coût raisonnable pour la société; et 3) que le rythme de la R-D et de l’innovation s’accélère pour pousser le pays à l’avant-garde dans plusieurs secteurs technologiques.

En ce qui a trait au premier impératif stratégique, les technologies des télécommunications et de la télévision par câble ont mûri; elles ont entraîné la disparition du monopole naturel.

Il est aujourd’hui évident que la raison profonde de la réglementation -  l’existence d’un monopole naturel - n’est peut-être plus valable puisque les technologies et les réseaux de communication continuent de proliférer. Les récents progrès dans la technologie de la fibre optique, dans l’utilisation du spectre électronique et dans la micro-électronique rétrécissent le domaine du monopole naturel et le ramènent au niveau du service local. Chose plus importante, les progrès technologiques entraînent une diminution rapide des coûts de commutation et de transmission, ingrédients essentiels des réseaux de télécommunications(25).

Dès lors, les économies d’échelle dans la distribution de l’information électronique ont été largement réduites; il est ainsi permis de croire que la concurrence peut aujourd’hui adopter la même position dans ce secteur que dans les secteurs non réglementés de l’économie, ce qui favorise l’efficacité économique.

Même si l’on doute de la réalité de ces tendances économiques au niveau du marché local des services téléphoniques, la convergence des technologies et des services de téléphonie et de télévision par câble, par suite de l’adoption d’un format numérique commun et du développement de la téléphonie sans fil, s’est déjà soldée par des chevauchements d’investissements dans les infrastructures. Dès lors, on n’a pas fait l’économie d’importantes mises de fonds et les marchés lucratifs sont de plus en plus écumés par de nouveaux concurrents tournés vers la technologie. Y a-t-il quelque chose à gagner à interdire la concurrence dans les services de télécommunication et de télévision par câble?

La politique industrielle pourrait mettre une sourdine à la réglementation économique pour favoriser la concurrence. En l’occurrence, il serait bon de noter que la réglementation n’est pas un succédané parfait de la concurrence pour ce qui est de promouvoir l’efficacité économique. Alors que la réglementation du taux de rendement fondé sur la base tarifaire (« TDR ») vise à maintenir les droits plus près des coûts de la prestation des services réglementés, ce n’est pas un mécanisme satisfaisant pour contrôler les autres importants facteurs économiques. La vraie concurrence, en revanche, non seulement astreint les prix aux coûts, mais elle restreint également l’augmentation des coûts et permet l’adoption de procédés de production efficaces, le recours à des facteurs de fabrication au moindre coût et une intégration organisationnelle optimale, tant horizontale que verticale. Il arrive souvent que la réglementation ne permette pas d’obtenir ces résultats de façon satisfaisante. Nous examinons ci-après quatre exemples d’inefficacité induite par la réglementation. Le premier concerne le facteur travail, le second, les investissements, le troisième la prestation commune de services monopolistiques et non monopolistiques, et le quatrième, la R-D, son innovation et sa diffusion.

D’abord, dans un environnement réglementé, il est plus facile pour les gestionnaires d’acquiescer aux demandes des travailleurs et des syndicats concernant les salaires et les définitions d’emploi, vu qu’une entreprise qui n’a pas de rivaux (ou dont les rivaux pratiquent des prix qui sont contrôlés par l’organisme de réglementation) peut tout simplement répercuter les coûts de main-d’oeuvre supplémentaires sur les consommateurs, sans craindre une diminution significative de la demande. Les avantages de la réglementation sont ainsi usurpés. Les entreprises du Groupe Stentor ont classé un nombre démesuré d’employés dans des postes de gestion, qui échappent au processus des négociations collectives, afin de réduire cette distorsion, sans toutefois l’éliminer. En conséquence, on peut prédire, sans grand risque de se tromper, qu’un nombre démesuré de postes de cadres intermédiaires vont disparaître dans le proche avenir chez Stentor, si cela n’est pas déjà fait, au fur et à mesure que la culture d’entreprise et le type de gestion de ces compagnies, qui reposent sur une domination monopolistique, s’ajustent au nouvel environnement économique.

Deuxièmement, dans le cadre de la réglementation TDR, les bénéfices sont améliorés par une augmentation des investissements; cela encourage le surinvestissement dans les biens de production et dans les technologies à fort coefficient de capital et économes en main-d’oeuvre, ainsi que la recherche de sources de financement non optimal (c’est-à-dire une dépendance excessive vis-à-vis les dettes par rapport aux biens propres). Par exemple, prenons une agglomération de 100 000 foyers, où la solution optimale pour une compagnie de téléphone serait d’investir dans 100 centraux téléphoniques de premier rang (c’est-à-dire 1 000 foyers reliés à un central) avec un seul central téléphonique local. Si les coûts sont de 100 000 $ par central, ce réseau local exigerait un investissement de 10,1 millions de dollars (101 centraux x 100 000 $). En vertu de la règle TDR, des profits plus élevés pourraient être réalisés si le monopoliste investissait plutôt dans 200 centraux de premier rang (c’est-à-dire 500 foyers par central) pour les relier à 20 centraux de deuxième rang, eux-mêmes reliés à un central téléphonique local (un système souvent appelé agrégation). Ce réseau comprendrait 221 centraux pour un investissement total de 22,1 millions de dollars (221 centraux x 100 000 $). Le bénéfice annuel avant impôt, en vertu de ces configurations de réseaux, serait de 1,5 million de dollars et de 3,3 millions de dollars, respectivement. Par conséquent la réglementation TDR est susceptible d’aboutir à un surinvestissement en biens d’équipement et à un réseau très coûteux. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le Canada possède une infrastructure d’avant-garde dans le domaine des télécommunications et offre un service dont la qualité est sans égale dans le monde.

Troisièmement, une compagnie qui fournit des services monopolistiques et compétitifs au moyen des mêmes biens matériels pourrait affecter et mal attribuer les frais généraux communs et non spécifiques aux services faisant l’objet d’un monopole, et exploiter le fait que l’organisme de réglementation ignore quels sont ses véritables coûts pour s’attaquer à ses concurrents.

Quatrièmement, - et c’est l’élément le plus important dans un environnement évoluant aussi rapidement - la R-D est une activité très coûteuse et très risquée qui exige un taux de rentabilité bien supérieur à celui d’autres activités économiques. Il ne sera pas payant d’investir dans la R-D si ces taux élevés de rentabilité ne peuvent être atteints. Par conséquent, la réglementation TDR, qui restreint et parfois interdit une telle rentabilité, mine l’innovation dans l’industrie. Au contraire, dans un marché non réglementé, il y aura des taux de rentabilité plus élevés à court terme, jusqu’à ce que les forces concurrentielles réagissent; ainsi, la R-D et sa diffusion opportune dans tout le secteur concerné s’en trouvent encouragées.

Quand on préconise une structure de marché concurrentielle pour les télécommunications et la distribution des signaux de radiodiffusion, il faut évidemment noter que des forces économiques agiront dans le sens de l’élimination des politiques d’interfinancement. Ces politiques de réglementation comprennent non seulement la subvention des services locaux par les services interurbains, des services ruraux par les services urbains, des services résidentiels par les services commerciaux, mais également la subvention de la radiodiffusion par la distribution des signaux. Dès lors, si le gouvernement souhaite favoriser les bénéficiaires de ces subventions, il devra envisager des instruments économiques de remplacement.

L’ancien interfinancement des télécommunications bénéficie à tous les abonnés, en dépit du fait que les préoccupations sociétales visent ceux qui sont considérés comme « pauvres ».

Le résultat, c’est que nous sommes en train desubventionner 75 p. 100 des gens qui ne sont pas pauvres, qui ont les moyens de payer ces services et qui ne cesseront pas de les utiliser s’ils ne sont plus subventionnés. Par ailleurs, je conteste ce que vous venez de dire et je soutiens que la plupart des Canadiens ne manquent pas de générosité au point de refuser d’appuyer un régime de subvention en espèces ou de coupons de téléphone(26).

On pourrait par ailleurs poser la question suivante : est-ce uniquement le service que nous souhaitons subventionner, alors que la technologie qui lui est associée a un poids considérable? La réponse à cette question se trouve en partie dans l’analyse suivante :

On a évalué à environ 30 milliards de dollars le coût d’installation d’un réseau commuté universel à large bande au Canada, ce qui revient à environ 1 000 $ par tête[.] [...] Il faudrait que chaque ménage ait un micro-ordinateur 486 DX33 ou DX66 doté d’un gros disque dur et puisse avoir accès à d’importants moyens de compression et de décompression. Aux prix actuels, cela reviendrait au bas mot à 1 500 $ ou plutôt 2 000 $ pour le matériel à la maison, en sus des 1 000 $ d’infrastructure dont j’ai déjà parlé(27).

Certains prétendent qu’à cause de la révolution de l’information, il y aura des ménages « riches » et des ménages « pauvres ». Il faut rappeler que cela a pris 40 ans avant que la télévision devienne universelle, alors que pour l’ordinateur, c’est plus de 20. L’autoroute de l’information comprendra au moins quatre générations de technologie, chacune d’entre elles supplantant éventuellement celle qui précède, mais avec de longues périodes de chevauchement. La clef, pour parvenir à l’universalité, est de faire en sorte que les technologies les plus récentes soient disponibles dans les écoles, ce qui aura un effet de levier et incitera le gouvernement à s’occuper des nouvelles technologies de la société axée sur l’information.

Il faut également reconnaître que la viabilité de l’interfinancement actuel entre la distribution de signaux et la radiodiffusion canadienne est en question.

[L]a nouvelle vague technologique sur le point de nous frapper rendrait presque impossible de protéger et de faire prospérer la programmation canadienne par voie de réglementation, comme le CRTC a réussi à le faire jusqu’ici(28).

Si les services proposés par la télévision par câble par SRD deviennent aussi disponibles à titre individuel sur l’Internet ou sur les réseaux de remplacement à un coût comparable, les consommateurs pourraient « écrémer » leurs services de programmation préférés, forçant ainsi le démembrement des bouquets actuels de services de télévision par câble et par SRD. Le fait que le CRTC exige que la télévision par câble et la SRD intègrent leurs services, refuse les services étrangers concurrents et assure la diffusion simultanée d’un programme distribué à la fois par un service américain et un service canadien est un produit de l’interfinancement de la programmation canadienne. Les nouvelles technologies menacent effectivement le contenu canadien des services de radiodiffusion. Il faudrait donc que l’on envisage un mode de subvention directe.

En théorie, il serait préférable, pour favoriser la concurrence, que les tarifs soient augmentés à un niveau qui correspond à leurs coûts économiques réels, et quand ce genre de décision est contraire aux objectifs de notre politique sociale, nous devrons essayer de trouver d’autres moyens de les atteindre, peut-être par le biais de subventions directes. Lorsque j’ai comparu devant le CRTC l’an dernier, j’ai dit qu’à mon avis, la meilleure solution serait de prévoir une subvention directe qui passerait par la Loi de l’impôt sur le revenu. Si le gouvernement estime que ces objectifs sociaux sont légitimes et répondent aux intérêts du public, voilà un mécanisme possible(29).

Pour ce qui est du second impératif stratégique, on estime que l’investissement requis pour terminer l’autoroute de l’information au Canada sera de 30 milliards de dollars au cours des deux prochaines décennies(30). Pour se maintenir au niveau des pays concurrents, il faudra pouvoir compter sur des sources de capital de participation étrangères. Par conséquent, c’est la voie qu’emprunte le capital plus que son origine qui devrait inspirer la philosophie en matière de souveraineté canadienne.

Enfin, le troisième impératif stratégique reconnaît que la R-D est l’élément moteur d’une industrie dynamique. Une nation qui n’innove pas n’a pas d’avenir; une nation qui n’investit pas dans la R-D suit au lieu de mener. En dépit d’exceptions notables dans le secteur de l’équipement des télécommunications, la R-D au Canada a toujours été relativement minime. Cela s’explique en partie par le fait que l’on ne peut pas affecter tous les avantages économiques d’une telle activité, et en partie par la « mentalité de succursale » qui prévaut dans certaines multinationales étrangères. Cette perspective à courte vue semble toutefois être en voie de disparition, au fur et à mesure que se fait jour une perspective plus globale qui transforme les entreprises multinationales en entreprises transnationales. Un traitement fiscal préférentiel sera peut-être nécessaire pour rajeunir ces investissements économiquement essentiels et, vu la nouvelle importance accordée à l’autoroute de l’information, on pourrait en particulier envisager de réorienter les fonds destinés actuellement à la R-D vers le secteur des télécommunications du Canada.

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(1) Ces alliances constituent ce qui est communément appelé un « réseau d’entreprises » vu qu’il s’agit d’une relation hybride entre une pure hiérarchie de marché et pure hiérarchie d’entreprise (voir, par exemple, Joseph R. D’Cruz et Alan Rugman, « A Theory of Business Networks », Lorraine Eden, Multinationals in North America, Calgary, University of Calgary Press, 1994). Dans une application intéressante de la notion de réseau d’entreprises au secteur des télécommunications, ces auteurs suggèrent que l’Alliance Stentor pourrait être considérée comme un réseau d’entreprises « naissant ».

(2) Comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes, Pour financer le succès de la PME, 1994, p. 2.

(3) Banque du Canada, Revue de la Banque du Canada automne 1995, tableau H4, p. S88.

(4) Statistique Canada, Catalogue no 56-001, Statistiques de la télédistribution, 1994, tableau 1, p. 2; Statistique Canada, Catalogue trimestriel no 63 - 016, Indicateurs des services, tableaux A2, A3 et C2, p. 23, 24 et 62, respectivement; et Banque du Canada (1995), tableau H1, p. S84.

(5) Comité consultatif sur l’autoroute de l’information, Contact, communauté et contenu : Le défi de l’autoroute de l’information, septembre 1995, p. 5.

(6) Statistique Canada, Catalogue 63-016, tableaux A5 (p. 27) et C6 (p. 67); et Banque du Canada (1995), tableau H5, p. S89.

(7) Statistique Canada, 63-016, tableaux A6 (p. 29) et C7 (p. 69).

(8) William H. Davidson et Ronald D. Hubert, A Telecompetitiveness Infostructure: Enabling a New Future for Canada, Mesa Research, parrainé par Northern Telecom, mai 1994, p. 16-17.

(9) George N. Addy, Competition Policy, Regulation and the Information Highway, manuscrit inédit, Ottawa, Bureau de la politique de concurrence, 1995, p. 9-10 (traduction).

(10) Walter Wriston, cité dans Ibid., p. 10 (traduction).

(11) Michael E. Porter, L’avantage concurrentiel des nations, Paris, InterÉditions, 1993, p. 20.

(12) Ibid., p. 596.

(13) Neil B. Niman, « Picking Winners and Losers in the Global Technology Race », Contemporary Economic Policy, vol. XIII, juillet 1995, p. 79.

(14) David Johnston, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, remière session de la trente-cinquième législature, fascicule no 34, p. 24-25.

(15) Par infostructure, nous entendons tous les éléments de l’infrastructure d’un pays servant à la communication des informations, ce qui comprend les moyens utilisés pour créer, saisir, stocker, traiter, transmettre et recevoir toutes les formes d’information.

(16) Une externalité de réseau existe lorsque l’usager du système téléphonique accorde plus de valeur à un réseau qui regroupe un plus grand nombre d’usagers. Afin de capitaliser sur cette plus grande valeur, on a eu recours à une réglementation des prix pour que les services payants (interurbains) assurent le financement des services locaux (l’interfinancement), dans l’espoir que les autres usagers, notamment ceux que l’on considère comme « pauvres », achètent le service téléphonique local et agrandissent ainsi le réseau. Par interfinancement, on entend que les bénéfices réalisés par le monopole sur les services payants compenseront la fourniture, par la compagnie de téléphone, d’un service téléphonique local à un prix moindre que le prix coûtant.

(17) Au départ, Bell Canada Limitée était détenue à 50 p. 100 par AT&T. Pendant une longue période, cette compagnie a été en partie détenue par des intérêts américains, mais cette participation est devenue pratiquement nulle dans les années 70 [voir Dwayne Winseck, «A Social History of Canadian Telecommunications»,Canadian Journal of Communication, vol. 20, 1995, p. 143-166].

(18) Apparemment, la municipalité d’Edmonton ne voulait pas participer à quelque subvention que ce soit des services ruraux.

(19) Toutefois, c’est sans doute à cause de règlements inadéquats que le service offert dans les Prairies se développait peu rapidement et était de mauvaise qualité. Certains estiment que cela était dû à une mauvaise comptabilité et à une compensation inadéquate de la dépréciation déterminée par la Commission des chemins de fer [voir Winseck (1995), p. 153]. Le service téléphonique fourni par des sociétés d’État provinciales dans les Prairies ne semble pas avoir été très différent de celui qui était assuré dans le Midwest américain par des sociétés privées dans le cadre de règlements. [À cet égard, comparer Winseck (1995), Adam D. Thierer, «Unnatural Monopoly: Critical Moments in the Developments of the Bell System Monopoly», Cato Journal, vol. 14, no 2, 1994, p. 267-285, et David Gabel, «Competition in the Network Industry: The Telephone Industry», The Journal of Economic History, vol. 54, no 3, septembre 1994, p. 543-572.]

(20) Michael E. Porter, Le Canada à la croisée des chemins : Les nouvelles réalités concurrentielles. Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1991, p. 131-132.

(21) Ibid., p. 125.

(22) William T. Stanbury, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, fascicule no 28, p. 16.

(23) Ibid., p. 15; Robert W. Crandall, «Policy Principles for Local Competition in Telecommunications», p. 3, Bureau de la politique de concurrence, Implementation of Regulatory Framework: Local Interconnection and Network Component Unbundling, Ottawa, janvier 1995, annexe I.

(24) Michael McCabe, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, fascicule no 29, p. 5.

(25) Bureau de la politique de concurrence, Supplementation of Regulatory Framework: Local Intercon-nection and Network Component Unbundling, Ottawa, janvier 1995, p. 11-12 (traduction).

(26) Stanbury (fascicule no 28), p. 16.

(27) Ibid., p. 5 et 7.

(28) McCabe (fascicule no 29), p. 5.

(29) George N. Addy, Délibérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, Première session de la trente-cinquième législature, fascicule no 30, p. 9.

(30) Stanbury (fascicule no 28), p. 5.