BP-436F
L'ARITHMÉTIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE
Rédaction : TABLE
DES MATIÈRES
L'ARITHMÉTIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE RÉPERCUSSIONS SUR LES CHOIX POLITIQUES
LARITHMÉTIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE
La situation budgétaire du gouvernement fédéral sest considérablement améliorée au cours des dernières années. Au cours de lexercice 1993-1994, le déficit budgétaire calculé sur la base des comptes publics dépassait 42 milliards de dollars (5,9 p. 100 du produit intérieur brut). Au cours de lexercice 1995-1996, ce même déficit sétablissait à 28,6 milliards de dollars (3,7 p. 100 du PIB), et il devrait être de 19 milliards (3 p. 100 du PIB) en 1996-1997 (voir le tableau 1). Le gouvernement a promis que le déficit budgétaire nexcèderait pas 17 milliards de dollars (2 p. 100 du PIB) pour lexercice 1997-1998 et neuf milliards (1 p. 100 du PIB) pour lexercice 1998-1999. Tout laisse cependant croire que le gouvernement dépassera les objectifs quil sest fixés et que le déficit sera inférieur aux prévisions au cours de ces deux exercices. En fait, le déficit pour 1996-1997 devrait vraisemblablement se situer entre 13 et 16 milliards de dollars. Au cours de lexercice 1997-1998, le Canada sera, des pays du G-7, celui dont les besoins financiers exprimés en pourcentage du PIB (0,7 p. 100) seront les plus faibles. Il faut remonter à lexercice 1969-1970 pour retrouver des besoins financiers en pourcentage du PIB qui soient plus faibles. On est en droit de se demander comment il se fait, quen pourcentage du PIB, les besoins financiers de lÉtat sont moindres que son déficit budgétaire. La différence est principalement attribuable au fait que les besoins financiers tiennent compte de recettes non budgétaires disponibles comme, par exemple, les comptes de pensions des employés. Au cours de lexercice 1998-1999, les besoins financiers du Canada seront légèrement excédentaires; le gouvernement naura donc pas à contracter de nouveaux emprunts sur le marché des capitaux. Malgré tous les progrès importants enregistrés depuis quelques années, la dette publique par rapport au PIB (le ratio dette/PIB) na pas encore cessé daugmenter. Pour lexercice 1996-1997, le ratio dette/PIB devrait atteindre 74,4 p. 100, comparativement à 74 p. 100 pour lexercice 1995-1996, à 71,3 p. 100 pour lexercice
Tableau 1
(1) Un chiffre positif indique une source de fonds; un chiffre négatif indique un besoin financier. Source: Gouvernement du Canada, Plan budgétaire 1997, Ottawa, Ministère des finances, 18 février 1997, p. 46.
1993-1994 et à 58,4 p. 100 pour lexercice 1990-1991. Cest seulement au cours de lexercice 1997-1998 que ce ratio devrait commencer à diminuer. À la fin de cet exercice, le ratio dette/PIB devrait se situer à 73,1 p. 100, puis pour lexercice 1998-1999, passer à 71,2 p. 100. Pour quelle raison le ratio dette/PIB se mettra-t-il soudainement à baisser? Lexplication est relativement simple : en 1996-1997, le gouvernement fédéral aura réussi à dégager un important solde de fonctionnement par rapport à la taille de léconomie. Le solde de fonctionnement est la différence entre les recettes budgétaires et les dépenses de programmes. En 1996-1997, les recettes budgétaires du gouvernement devraient totaliser 135,5 milliards de dollars, alors que les dépenses de programmes devraient sétablir à 109 milliards; par conséquent, le solde de fonctionnement devrait être de 26,5 milliards de dollars, soit, exprimé plus précisément, 3,3 p. 100 du PIB (voir le tableau 1). Cest dans ce ratio « solde de fonctionnement/PIB » que réside la clé mathématique de la réduction de la dette par rapport au PIB. Si le gouvernement désire réduire limportance de la dette, il devra continuer à dégager dimportants soldes de fonctionnement positifs par rapport au PIB. Il existe toutefois un seuil en deça duquel même un solde de fonctionnement positif par rapport au PIB ne permet pas de réduire ou même stabiliser le ratio dette/PIB. Nous verrons maintenant quel est ce seuil. LARITHMÉTIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE Trois variables influent sur le ratio dette/PIB, à savoir la croissance nominale, le coût des intérêts et le solde de fonctionnement. La croissance nominale (c) est la croissance de léconomie et elle influe directement sur la taille relative de la dette. Plus léconomie croît, plus la taille relative de la dette diminue. Autrement dit, si léconomie croît plus rapidement que la variation de la dette, le ratio dette/PIB pourrait diminuer. On comprend intuitivement que le ratio dette/PIB diminuera dune année à lautre si la dette augmente moins rapidement que le PIB, soit, autrement dit, si la variation de la dette en pourcentage est inférieure à la croissance nominale(1). La variation de la dette (D D) nest rien dautre que le coût des intérêts (i) sur la dette (D) moins le solde de fonctionnement (SF)(2). Le coût en intérêts du service de la dette a donc lui aussi un effet direct sur la taille de la dette. Plus le taux dintérêt est élevé, plus la dette croît rapidement. Le solde de fonctionnement influe lui aussi sur la variation de la dette. Plus ce solde est élevé, plus il peut compenser le coût élevé du service de la dette, et moins la dette croîtra. On comprend donc que le taux de croissance nominale (c), le taux dintérêt (i) qui sapplique au service de la dette ainsi que le solde de fonctionnement (SF) ont tous une influence sur la taille relative de la dette(3). On peut exprimer de façon algébrique linfluence combinée de ces trois variables. On obtient alors léquation établissant la condition en vertu de laquelle le ratio dette/PIB diminuera, soit : (i - c) * D/PIB < SF/PIB. Il ny a que deux façons de résoudre cette inégalité. Dans le premier cas, on sattaque à la partie de gauche. Cela suppose que la croissance nominale (c) est supérieure au taux dintérêt moyen (i) sur la dette publique. Il est très peu probable que pareille situation se produise dans un proche avenir au Canada. De plus, le gouvernement ne peut pas facilement exercer une influence sur ces deux variables exogènes, du moins à court terme. Dans le deuxième cas, on sattaque à la partie droite de léquation et tout repose sur les choix budgétaires du gouvernement. Si ce dernier décide de dégager un solde de fonctionnement positif en pourcentage du PIB suffisamment important, le ratio dette/PIB diminuera. Ces dernières années, le solde de fonctionnement du gouvernement fédéral na pas cessé de croître. Par exemple, pour lexercice 1995-1996, il était égal à 2,4 p. 100 du PIB, soit une augmentation considérable par rapport à ce quil a été par le passé. Il faut en effet remonter à lexercice 1956-1957 pour observer un solde plus élevé. Le gouvernement prévoit que le solde de fonctionnement en pourcentage du PIB sera de 3,3 p. 100 pour lexercice 1996-1997, de 3,8 p. 100 pour lexercice 1997-1998 et de 4,7 p. 100 pour lexercice 1998-1999. Il faut remonter à lexercice 1948-1949 pour observer un solde de fonctionnement plus élevé (7,2 p. 100 du PIB). Le tableau 2 et le graphique 1 montrent les répercussions quauraient différents soldes de fonctionnement sur la taille relative de la dette. Les simulations supposent un taux de croissance nominal de 4,9 p. 100 pour lexercice 1997-1998 et de 4,7 p. 100 pour lexercice 1998-1999 (soit les projections du secteur privé) ainsi quun taux dintérêt moyen sur la dette publique de 7,7 p. 100 durant toute la période visée. La première simulation montre quun solde de fonctionnement de 2 p. 100 ne ferait que stabiliser la dette publique par rapport au PIB autour de 73 p. 100. La deuxième simulation emploie les soldes de fonctionnement en pourcentage du PIB prévus dans le dernier budget. On suppose que le solde de fonctionnement de 4,7 p. 100 demeurerait constant à compter de lexercice 1998-1999. La troisième et la quatrième simulations emploient respectivement un solde de fonctionnement en pourcentage du PIB de 4 et de 5 p. 100. À la lumière des quatre simulations utilisées, il est facile de comprendre que plus le solde de financement est élevé, plus la dette en pourcentage du PIB diminue rapidement. Les baisses récentes des taux dintérêts ont déjà commencé à se faire sentir sur les frais de la dette publique. En effet, à mesure que les titres émis à moyen et à long terme viennent à échéance, ils sont refinancés à des taux dintérêt plus faibles. Le tableau 3 et le graphique 2 supposent que le taux dintérêt moyen diminuerait graduellement et passerait de 7,7 p. 100 à 6,8 à compter de lexercice 2002-2003. Dans ces nouvelles conditions, le ratio dette/PIB diminuerait plus rapidement si les soldes de financement restaient les mêmes.
Tableau 2 - Répercussions de différents soldes de fonctionnement sur le ratio dette/PIB
Tableau 3 - Répercussions de différents soldes de fonctionnement sur le ratio dette/PIB
RÉPERCUSSIONS SUR LES CHOIX POLITIQUES Maintenant que le gouvernement a rempli ses objectifs de lutte contre le déficit, la question du niveau approprié de la taille relative de la dette fait surface. Certains pensent que la diminution du ratio dendettement par rapport au PIB devrait être lobjectif fondamental des prochaines politiques budgétaires, alors que dautres suggèrent de maintenir le ratio dette/PIB à un niveau constant. Largument économique traditionnel est que le gouvernement devrait chercher à dégager dimportants soldes de fonctionnement positifs pendant la période dexpansion économique. Une telle politique budgétaire lui permettrait de contrôler la taille de la dette lors de la prochaine contraction économique, alors que le solde de fonctionnement diminuera fort probablement. De plus, sattaquer à ce ratio pendant quil peut se le permettre permettrait au gouvernement, lors du prochain ralentissement, demprunter plus facilement afin de stabiliser léconomie. Une détérioration des conditions économiques (par exemple, un ralentissement de léconomie et une augmentation des taux dintérêts) forcerait le gouvernement à dégager des soldes de fonctionnement de plus en plus importants afin de contrôler la taille de la dette. Par exemple, si on suppose un taux dintérêt moyen de 8,5 p. 100 et un taux de croissance nominal de 3 p. 100 et un ratio dette/PIB de 73 p. 100 simplement pour stabiliser la dette, le gouvernement aurait à dégager un solde de fonctionnement de 4 p. 100 du PIB ((i - c) * D/PIB), c.-à-d. ((8,5 p. 100 - 3 p. 100) * 0,73)). Dans un contexte de ralentissement économique, il aurait beaucoup de difficulté à le faire. Il est plus facile de lutter contre la dette en période dexpansion économique et de faibles taux dintérêts puisque le gouvernement na pas alors à stabiliser léconomie.
(1) Cette condition peut sexprimer de la façon suivante : DD/D < D PIB/PIB, où DD = la variation de la dette, D = la dette et DPIB = la variation du PIB. On peut simplifier comme suit : DD/D < c, où c = la croissance nominale. (2) En dautres mots, DD = (i * D) - SF, où i = le coût des intérêts sur la dette et SF = solde de fonctionnement. (3) La taille relative de la dette diminuera donc si DD/D < c ou encore si ((i * D) - SF)/D < c. En transférant le dénominateur D de lautre côté de linégalité, on arrive à (i * D) - SF < c * D. En réorganisant, on obtient finalement : (i - c) * D < SF, soit la condition pour que le ratio dette/PIB diminue. En divisant par le PIB on obtient (i - c) * D/PIB < SF/PIB, soit la condition en pourcentage du PIB pour laquelle le ratio dette/PIB diminuera. |